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descriptionAu bal, les masques sont des parures d'ambition - Toryné EmptyAu bal, les masques sont des parures d'ambition - Toryné

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14 Janvier 1763


L'année commençait mal avec l'annonce du retour des Chimères. Non seulement la nouvelle glaçait les sangs, mais il avait fallu que ce soit les Pirates qui soient les détenteurs d'un tel savoir. Pire encore ; tous les Royaumes furent forcés de collaborer pour cotiser et arracher -littéralement- à prix d'or l'information des griffes de ces brigands. Une note des plutôt salée qui avait beaucoup de mal à être digérée au sein de la noblesse Sélénienne et ce, malgré l'avantage incontestable qu'elle fournissait aux peuples de la Majestueuse. Toutefois les esprits ne s'emmuraient pas encore dans la peur et la paranoïa, aussi des réjouissances furent organisées dans l'espoir de garder un moral élevé. L'Empire désirait montrer à tous qu'il ne comptait pas ployer sous le poids de la menace, ni s'arrêter de vivre dans l'attente de l'invasion chimérique. Il fallait distraire le peuple, lui faire voir le bon côté : avec le savoir, venait la sécurité.

C'est ainsi qu'un Bal Masqué fut décidé pour la Noblesse ainsi que la Haute Bourgeoisie, au soir de ce 14 Janvier, dans les salons du Palais d'Été à quelques heures de la Capitale. Les rues de cette dernière furent quant à elles éclairées de lampions une fois la nuit tombée et tous les citoyens purent profiter de spectacles de rues où l'on brûlait des silhouettes de pailles et de chiffons aux allures grotesques  qui devaient représenter les Chimères. Le peuple pu profiter de vins chauds et de petites brioches, apprécier des saltimbanques qui dansaient, chantaient et jouaient leur musique sur les plus grandes places sans avoir à sortir une seule pièce de leur bourse. L'Empire voulait noyer le poisson, apaiser un peuple agité et le meilleur moyen d'y parvenir était par son estomac... du moins, le croyait-il.

Au Palais d'Été, la bande de ménestrels s'entendait bien au delà de ses murs à la roche blanche immaculée. Les grandes vitres brillaient de mille feux et diffusaient sur la neige extérieure une couverture d'or chaud scintillante de givre. Le parc qui entourait le bâtiment avait son paysage symétriques nappé d'une poudreuse légère, baignée par la lune et sa lueur argenté. Les allées déblayées s'agrémentaient de torches éparses, créant des chemins d'ambre et de cuivre dans une ambiance tamisée, presque irréelle. La cour avant, au sol de gravillons piqués de gel, voyait défiler une parade de carrosses lorsque les invités commencèrent à affluer. La volée de marches, couverte de tissu pourpre en une traîne impériale, étouffait le claquement des dizaines de talons qui la foulaient. Les grandes portes doubles de l'entrée, quant à elles, s'ouvraient et se fermaient inlassablement de sorte à ce que le froid mordant n'indispose pas les festivités qui débutaient à l'intérieur.

Tous les visages étaient masqués dans l'immense salle de réception, allant du loup chargé de plumes et de dentelles aux masques complets de porcelaine peintes. Il y avait des visages humains, mais aussi des faciès d'animaux ou d'oiseaux. Les robes et les costumes chatoyaient de soie, de perles, de velours et de pierres précieuses sous la lueur des bougies suspendues aux lustres. Les buffets croulaient de mini-viennoiseries, de bouchées salée, de vol-au-vents croustillants et nombre de confiseries fondantes, mais aussi de fontaines de vin et d'eaux parfumées. Pour les elfes, il y avait des verrines de mousses onctueuses de fruits colorés, des terrines aux légumes ainsi que plusieurs salades et croquants disposés avec des fromages sur de petits pics. En ce qui concernait les rares vampires présents, ils avaient accès à plusieurs sang classés par richesse de goûts et saveurs quand les breuvages furent conservés en bouteille avec des épices ou de l'alcool. Il leur suffisait de passer commande auprès des valets et soubrettes qui faisaient tapisserie près des sorties pour recevoir quelques minutes plus tard leur verre carmin sur un plateau d'argent.

La liste des invités était aussi impressionnante en terme de qualité qu'en quantité. Tous les plus grands noms du l'Empire étaient conviés, de même que les diplomates des autres Royaumes et Cités. Il n'y avait plus de raisons à l'ostracisme forcé et aux querelles : ce soir, ils célébraient l'accord des Pirates et l'obtention d'une information vitale. Ils bénissaient les Dieux et remerciaient l'opportunité qui leur était ainsi offerte. Bien sûr, la Princesse Victoria Kohan était présente puisque c'était elle qui avait organisée en majorité ce Bal Masqué. Elle se glissait, silhouette gracieuse et colorée, d'un groupe à l'autre pour entretenir et distraire ses convives. Par instants, elle accordait une danse à l'un de ces galants jeunes hommes et virevoltait entre ses bras sur le rythme d'une sérénade althaïenne.

En cette soirée magique, la Princesse portait une sublime robe au vert impérial surbrodée de fils émeraudes sur les épaules et les bras. Ils formaient des motifs délicats de guis, parsemés de minuscules perles en jaspe pour représenter les graines. La découpe de cette robe suivait les courbes juvéniles du corps, avec un col haut de dentelles et des manches longues, puis s'évasait sur les hanches en une longue traîne. Ses cheveux étaient remontés en chignon, décorés de gui fraîchement cueilli et de baguettes en cristal supposées représenter le givre. Sa gorge était alourdie d'un collier serré, une chute d'émeraudes et de fines chaînes d'or. Quant à son masque, il s'agissait d'un visage complet aux apparats du Paon avec ses peintures vibrantes, ses plumes assemblées en une couronne tressée autour de son front.

Tous les regards étaient tournés sur elle, bien entendu, mais les esprits plus acérés pourraient remarquer sa Dame de Compagnie. Cette jeune fille suivait le papillonnage de l'Héritière avec une discrétion empreinte de dignité et de patience. C'était vers elle que les employés de maison approchaient lorsqu'ils avaient besoin d'une autorisation ou d'une information particulière. Elle se mêlait peu aux conversations et refusait les invitations à danser, profitant de ces brèves pauses pour se désaltérer ou s'éloigner vers les grandes fenêtres qui donnaient sur les balcons sans toutefois oser sortir par ce froid nocturne. La jeune fille portait une robe assortie à celle de la Princesse, mais là où cette dernière arborait des teintes vibrantes pour se faire voir, elle semblait avoir opté pour une tenue plus fraîche et délicate.

Sa robe était d'un vert jade des plus tendres dont la coupe se révélait un brin plus osée. Le bustier, qui serrait une taille déjà bien fine, se décorait de fils couleur d'opaline torsadés d'argent et cousus en formes de volutes et de flocons, eux-même agrémentés de petits diamants qui brillaient comme des étoiles. Le col évasé sur les épaules révélait une nuque délicate ainsi qu'une gorge gracile dont la clavicule prononcée frémissait à chaque souffle, puis se fermait en des manches longues serrant les bras et couvrant de dentelles fines une partie des mains. La robe se plissait à hauteur de bassin à l'aide d'une longue ceinture en tissu soyeux et à la fibule d'argent torsadée comme une vigne. La coupe tombait ensuite jusqu'aux pieds pour s'évaser en une traîne  courte. Dos nu, l'audace d'autant de peau révélée s'atténuait heureusement par un boléro au velours blanc qui couvrait autant les fines épaules que les omoplates. Ses manches tombaient jusqu'aux coudes avant de s'ouvrir en une longue bande foisonnante de mousseline immaculée, tressée de rubans en soie nacrée, le tout semblable à une chute de neige légère.

La jeune vierge portait ses cheveux lâchés et les ondoiement d'un blond de miel riche coulaient jusqu'à ses hanches rondes, tout juste agrémentés de rubans en dentelles et de fils enchâssés de perles blanches. Une couronne de plumes duveteuses et délicatement mouchetées de noir, prises sur une perdrix neigeuse, coiffait son front dégagé. Le masque qu'elle portait pour le Bal n'était qu'une moitié de visage, fait de porcelaine vernie et peinte d'exquises étoiles poudrées d'argent à la façon de constellations chatoyantes. Le bas de son visage était visible et l'on pouvait contempler de petites lèvres pulpeuses peintes d'un rouge profond, comme des larmes de sang échouées sur une peau blanche au velours de pêche. L'arrondit de sa mâchoire était délicat, ses oreilles décorées de boucles en diamants et sa jugulaire palpitait sous une bande de soie piquée de petites perles nacrées, collier sobre et pourtant raffiné.

Ce fut lors d'une série de valses particulièrement longue que la Damoiselle s'esquiva de nouveau et abandonna la proximité foisonnante de la Princesse pour trouver un peu de calme. Elle s'arrêta dans une alcôve encerclée de hautes fenêtres et dont la banquette en demi-cercle, s’ornait de coussins brodés et d'autres cousus de fourrure de lapin. Avec un verre de vin blanc sucré, elle ramassa sa traîne de sorte à pouvoir s'asseoir sans risquer de la froisser ou pire : de se prendre les pieds dedans une fois qu'elle se relèverait. Un soupir échappa à ses lèvres et ses yeux au bleu saisissant se tournèrent sur les vitres piquées de gel, essayant de voir sous la fine couche de buée les feux du parc, en contrebas. Le claquement léger de talons sur le parquet ciré la tira de ses pensées et lorsqu'elle leva sa tête blonde vers l'inconnu, elle resta saisie par sa tenue et sa beauté. Même si le masque l'empêchait de discerner son visage et de l'identifier, la prestance, la grâce et le charisme de l'être androgyne la cloua un instant de stupeur et d'admiration. Heureusement pour elle, son masque cacha la légère rougeur d'embarras qui gagna ses pommettes et elle bu une petite gorgée de son vin pour retrouver contenance. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que l'inconnu pouvait entendre les ravissants battements de son cœur qui frémirent en échos de son trouble et de sa surprise.

« - Bien le bonsoir. »

Sa voix douce et chaude vibrait d'un magnétisme subtile, comme une caresse à l'oreille et une invitation à peine formulée. Elle lui fit un sourire radieux, mais de convenance et l'éclat qu'il arborait ne gagna pas ses prunelles. Ces dernières étaient rongées d'une curiosité habilement muselée et d'un petit pétillement indéchiffrable.

« - Vous recherchez un peu de quiétude ? Il est vrai que la fête bat son plein. Les ménestrels sont exquis à donner autant de leur personne et de leur art, mais... et bien, je me fatigue des bavardages et rires de crécerelles qui en ruinent les notes. Pas vous ? »

D'un geste ample et gracieux, elle l'invita à s'asseoir sur la banquette qui se révélait bien assez grande pour qu'ils la partagent sans que la proximité ne leur devienne inconfortable. Ses doigts s'enroulèrent sur le pied de son verre de cristal et elle le fit doucement tourner pour que l'ambre pâle de sa boisson n'ondoie et ne reflète la lumière dansante des quelques bougies environnantes. La lumière, tamisée, apportait une nouvelle profondeur à ses cheveux et faisait briller les diamants par intermittence. Elle préserva un silence paisible, ne sachant pas si l'inconnu venait pour discuter ou, comme elle à la base, simplement souffler dans le calme.

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-Pourquoi Toryné ?

Pourquoi cette voix était-elle si insupportable ? L’immense Cygne Noir le jugeait de son regard vide, son immense cou totalement allongé afin que son bec soit juste devant le visage du vampire. La première fois que la “créature” lui était apparue en transe, s’était lorsque Teotl l’avait séquestré et… pris son dû. Bien que l’expérience n’eut pas été très appréciable, Toryné désirait comprendre qu’elle était cette chose qui apparaissait dans ses transes depuis ce jour. L’animal était symbolique, il s’agissait là du symbole qu’il avait choisi pour sa famille, la “deuxième” branche Dalis, bien que cette dite branche ne comportait encore aujourd’hui une poignée de personne.

-Tu devrais retourner directement à Aerthia, la Perfide ne t’a pas suffi ? Continua le volatile.

-Laisse le donc s’amuser, ce n’est pas tout les jours que les Kohan organisent un tel bal masqué ! La voix était plus douce, plus féminine et surtout bien plus agréable pour l’esprit de l’androgyne. Un deuxième volatile géant était présent dans sa transe, un cygne, cette fois-ci blanc, qui était apparue après son sombre homologue.

-Un Prince n’a pas de temps à consacrer à…

-Un prince devrait justement pouvoir faire tout ce qu’il lui passe par la tête !

Une conversation de sourd… Toryné aurait préféré une dispute de muet, ça aurait été plus calme. Il avait beau essayer de parler, de justifier ses actes, les deux cygnes l'ignorait complètement, il était juste le témoin au milieu d’une scène de ménage dans son propre esprit. Le cygne noir n’était que rigueur et ambition, alors que le cygne blanc ne pensait qu’à la liberté et la frivolité… Le sujet actuel était donc la célébration organiser à Sélénia, les hauts dignitaires des nations avaient été invité et le conseiller Dalis en faisait parti. Bien entendu, avec ses projets visant à s’emparer du trône de la nuit, il ne semblait pas judicieux de s’attarder sur ce genre d'événement. Une date avait été fixée avec ses partisans, courtisans, petits gradés et autre conseiller se préparait déjà, à l’heure qu’il est, pour prendre Aerthia par la force, Irina Faust vivait ses derniers instants. Cependant, la nature capricieuse de l’androgyne le poussait encore une fois à se détourner de cette voie princière qu’il s’était tracé, l’envis était trop grande, il y avait de cela trop longtemps qu’il n’avait pas participé à un bal d’une telle envergure.

Il n’y avait pas que cela en revanche. Avec cette invitation, il avait également reçu une lettre d’un courtisan de la cours Aerthienne. Ce dernier l’intimait fortement d’aller à la rencontre d’un forgeron présent dans la capitale de l’empire, restant très vague quant aux raisons, tout ce que Toryné savait, c’est qu’il s’agissait “d’un atout à ne pas se priver une fois que les festivités commencerait”. Bien entendu, cela pourrait être un piège, la paranoïa de Toryné était à son paroxysme depuis plusieurs semaines… après cette lettre pouvait très bien venir d’Irina qui avait décelé sa trahison ou bien même d’un traître cherchant à éloigner le trône du Dalis….

-Pendant qu’il ira s’amuser et courtiser, Irina renforce son pouvoir au royaume vampirique ! Devait-il obligatoirement parler aussi fort ?

-Si un prince ne peut pas se permettre de courtiser alors à quoi bon devenir prince ? Le pouvoir ne sert à rien s’il n’est pas utilisé ! Renchérissait le blanc.

-SILENCE ! Hurla-t-il.


***


-Maître ? Êtes-vous de nouveau parmi nous ? Demanda Alerica de sa petite voix, toujours aussi peu émotive.

-Il semblerait, Toryné porta sa main sur son front, grimaçant par la même occasion, le “réveil” n’était pas agréable.

-Il semblerait que votre transe n’est pas été réparatrice, cela ira-t-il tout de même pour le…

-Oui, la coupa-t-il. Ne t’inquiète pas pour moi, ce bal n’est pas la plus grande épreuve qui m’attend, un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres. Bon, je te l’accorde, devoir cacher ce superbe minois derrière un masque ne sera pas chose aisée, mais j’ai connu pire en 300 ans. Il posa son menton sur la paume de sa main, comme une œuvre d’art sur un présentoir, sur un ton humoristique bien sûr, bien qu’il n’en pas pensait pas moins. Cela ne fit pas véritablement la jeune servante, un léger mouvement des lèvres, là ou d’autre aurait sourit ou rigoler. Ironiquement, c’était là d’une des raisons pour laquelle Toryné gardait l’humaine dans son “couvent”, réussir à faire réagir la taciturne était un défi quotidien, un véritable jeu pour le cygne capricieux.

-Votre chambre est réservé tout comme votre bateau pour Aerthia, maître Dalis, nous avons également récolté des informations sur le forgeron dont faisait référence votre courrier.

-Plus tard ma chère, chaque chose en son temps… Mais je te félicite pour ton travail remarquable, comme toujours, tu prouve être une pièce maîtresse pour les Dalis. Si ce soir, je ne rentre pas accompagné, je passerais la nuit en ta compagnie Alerica.

-Vous me faites trop d’honneur maître, elle inclina la tête.

-Pas assez, je pense, cependant, j’ai encore du travail pour toi, j’aimerais que tu te renseignes sur l’une des Eglise de la rose ardente, celle la plus proche de la capitale, “Flamme du ciel” il me semble… Oh ! Et demande au chauffeur si nous sommes bientôt arrivé, le bruit des sabots est de plus en plus intenable…



***


Il dansait et il riait, mon dieu qu’il aimait ce monde coloré de la noblesse. Un véritable lieu de débauche narcissique, chaque homme qui venaient l’inviter à danser, chaque femme qui le complimentait pour mieux médiser sur lui dans son dos, tout cela ne faisait qu'agrandir l’ego du vampire. Pour cette soirée, l’androgyne n’avait pas hésité à dépenser pour impressionner. Une longue robe, traînant légèrement au sol, faite de soie et de couleur bordeaux, elle se sépare au milieu afin de révéler une dentelle argenté, parsemé de motif représentant de belle plante semblant être recouvert de givre. Le sous-tissu, quant à lui, est un taffetas bleu aux teintes violacé, presque grise en superposition avec le dentelle. La tenue était également accompagnée d’un filigrane en métal, décorant le haut de la robe et le dessus de sa poitrine, quelque peu rembourré pour jouer sur l'androgynie du Dalis. Les épaules sont également recouvertes par des filigranes similaires, tous sertis de saphir, plus petit sur les côtés et bien plus grand au centre, avec cela des guirlandes de tissus sont également présente, tombant sur les côtés des bras et du dos, de petites chaînes argentés, reliant tout cela. Et bien entendu, la pièce maîtresse pour un bal masqué, un masque très délicat, suivant le même bordeaux que la robe, une tête de cygne rouge était présente au-dessus de l’espèce entre ses deux yeux et les bords se terminait en aile déployée, avec un dégradé de noir au bout des plumes, qui venait d’un volatile bien particulier...

Sous ce masque, c’était une bouche aux lèvres d’un rouge vif que l’on pouvait découvrir, une peau blanche, mais point blafarde, l’exaltation de la nuit éternelle, dissimulé par sa robe, en étant la cause. Sa chevelure, elle, toujours aussi blanche, rappelait la neige, renforçant ce style beauté hivernale que lui donnait déjà sa tenue. Détaché, lorsque l’androgyne dansait, cette dernière s’envolait avec élégance et douceur.

Il faisait son effet et il en était comblé, et dire que personne ne savait qui était cette belle inconnue qui enchaînait commérages et valses comme un ivrogne de bière. S’il savait que sous ses éclats de rire candides, se cachait un enfant de la nuit ambitieux, qui plongerait le royaume vampirique dans une guerre civile très prochainement. Que derrière chaque révérence, se trouvait un meurtrier, violeur et narcissique, toujours affamés par plus de vice. Mais après tout, n’était-ce pas cela le frisson si plaisant d’un bal masqué ? Ne pas savoir qui est qui, cette attirance si dangereuse pour l’inconnu… Et il se sentait comme un prédateur en pareil endroit, sa concupiscence ne le quittait jamais. Quelques baisers fougueux avait déjà été échangé avec quelque noble, qui sûrement en attendait plus, mais Toryné se dérobait à eux à chaque fois, jouant sur leur frustration et cherchant toujours une proie plus somptueuse pour satisfaire son ego.

Certain, oui, c’était le plus souvent des hommes, ne semblaient cependant ne pas apprécier que cette somptueuse créature puisse s’esquiver à leur avance. Gonfler par l’orgueil du sexe qui se voulait fort, certain tentait de poursuivre l’être vicieux qu’il était. Toryné n’était pas un être discret, mais malgré ses talons, il n’avait aucun mal à semer ses assaillants, ce n’était pas des humains ou même des elfes qui pourraient traquer un vampire. Il était hilarant de voir qu’un déhanché élégant, mais suffisamment aguicheur, quelque mouvement d’éventail et un regard qui laissait entrevoir moult fantasme, puissent avoir autant d’effet.

Ce fut dans l’une de ses énièmes fuites capricieuses, que l’androgyne remarque cette damoiselle. Toryné comprit très vite qu’il s’agissait là de la princesse, le joyau de Sélenia, Victoria de la dynastie Kohan, tous les regards allaient vers elle après tout. Une robe élégante, d’une couleur que le vampire n’appréciait en général que très peu, mais qui sur elle, lui fit se raviser sur son avis pour cette fois. La tenue la mettait immanquablement en valeur, les courbes juvéniles en étant glorifier, ainsi que la délicatesse des traits de son visage, de belle lèvre qui en faisant sûrement chavirer plus d’un. Et pourtant, ce n’était pas elle qui attirait véritablement son attention… Non pas qu’elle lui soit inatteignables, il se savait capable de se frayer un chemin jusqu’à elle et de lui faire la conversation, il avait suffisamment confiance en ses charmes et son éloquence pour attirer l’attention de la princesse. Mais il manquait comme quelque chose, il n’arrivait pas à mettre le doigt sur quoi, mais il était comme déçu. La jeune fille était sublime, mais sûrement qu’en entendant parler du joyau de Sélénia, Toryné avait imaginé une beauté encore plus grandiose. Si bien que ce fut vers sa suivante que toute son attention se porta. Elle était assez discrète au côté de la princesse, peut semblait la remarquer, assortis à sa maîtresse, la jeune fille était cependant bien plus délicate. Sa beauté était davantage mise en valeur, col évasé, dos nu, un équilibre parfaitement maîtrisé entre séduisante et élégante. Son visage, bien qu’en parti caché par un masque sublime, traduisait une ce que la noblesse faisait de mieux, cette inconnue, qui suivait la princesse comme son ombre, lui semblait bien plus éclatante que cette dernière, et plus disponible.

En effet, la juvénile, profita d’un bref moment de répit pour s’esquiver de la foule de nobliaux contemplant le joyau, suivant la longue chevelure blonde, Toryné comptait bien profiter de ce moment pour aborder la mystérieuse suivante.

Quel plaisir délectable, ce fut d’entendre les battements de cœur de la jeune fille lorsqu’elle remarque sa présence et sa beauté, cela le fit sourire immanquablement. “Bonsoir à vous, mademoiselle” répondit-il à la salutation, soulèvement légèrement et délicatement sa robe de ses deux mains tout en faisant une légère révérence. Son sourire s'agrandit quant au commentaire que faisait la juvénile, elle semblait avoir de la conversation, c’était plaisant. Devant son invitation gestuelle à prendre place à ses côtés, l’androgyne ne se fit pas prier.

-Hélas, oui, il est dur de saisir toute la beauté et la complexité de l’art de ses braves artistes lorsque hommes et femmes sont trop occupés à parler des derniers potins, des fois, j’aime à croire que leur rétribution est avant tout un paiement de réparation pour l’odieux traitement que subit leur mélodie. Quant à votre première question, je cherche effectivement un peu de quiétude, si les femmes semblent plus enclines aux discussions, les hommes ne se lassent pas de faire la cour à toutes celles qui portent grâce à leurs yeux…

Autant passé sous silence qu’il en était le responsable et qu’il en jouait depuis plusieurs bonnes heures et que ce n’était pas qu’à leurs yeux que la beauté du vampire semblait trouver grâce.

-Mais je ne vous apprends rien, je pense, je n’ose même pas imaginer le nombre d’hommes qui ont dû vous aborder au cours de cette soirée. Et pourtant, non, la plupart semblaient préférer la compagnie de la princesse, le prestige du rang semblant les aveugler des véritables perles rares de la soirée. S’ils la voyaient sous cette lumière tamisée, tous comprendraient qui méritait les attentions. Toryné agita son éventail, se rafraîchissant comme le ferait un humain qui serait embarrassé par la chaleur, un réflexe qu’il avait développé à force de jouer les non-vampires. “Ma chère, vous pourriez rendre une elfe jalouse”. Était-se exagérer ? Il ne le pensait pas en tout cas.

La robe de Toryné :

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Son regard se perdait sur le paysage extérieur, au travers des vitres piquées de givre. Les lanternes et torches éclairaient les chemins de lueurs fugaces, tremblotantes et éparses. L’on pouvait deviner les milles coins et recoins propices aux amoureux enhardis ou encore aux conspirateurs enivrés.  Que cela soit des kiosques aux allées de glycines dormantes, des bancs de bois sculptés aux rambardes de marbres rose, les cachettes ne manquaient pas et si ces lieux étaient en l’instant désertés, ce n’était pas par le manque de hardiesse chez la Noblesse, mais bien à cause d’un temps bien trop ingrat pour que quiconque ose se prêter à ce genre de jeux. Et pourtant elle n’attendait que cela ; pouvoir se draper d’une cape épaisse et courir dans la neige poudreuse afin de sentir la résine des torches brûler, entendre les chouettes hululer et n’avoir qu’en seule compagnie la lune et ses étoiles. Elle voulait avoir les doigts rougis par le froid et les cils cristallisés de gel. Elle voulait dessiner dans l’air les volutes éphémères de son souffle et marquer le sol de ses empreintes en une fresque fantasque, uniquement guidée par ses envies volatiles.

Un léger soupir secoua ses frêles épaules alors qu’elle s’arrachait à sa rêverie et venait observer la femme qui l’accompagnait. Cette dernière était dotée d’une beauté androgyne qui devait faire tourner bien des têtes, que cela soit chez les femmes ou les hommes tant la limite était floue dans son apparence, mais aussi jusqu’au timbre chaud de sa voix. Combien s’arracheraient le privilège de ses murmures et confidences ? La robe complimentait sa mise, dévoilant peut-être trop de peau au goût de la jeune fille, mais pouvait-elle blâmer cette femme, plus âgée qu’elle, de jouer la carte de l’audace et des œillades insolentes envers les mœurs séléniennes ? Certainement pas. Elle était bien plus libre qu’elle, liée à son rang, ne le serait jamais. D’ailleurs, était-elle associée à la noblesse Lyssienne ? Après tout, la couleur de ses cheveux… non, peut-être était-ce simplement le jeu d’un glyphe quelconque ou une décoloration par des herbes ou quelques procédés alchimiques.

Alors d’où venait-elle ? Certainement pas de l’Alliance ou du Royaume Elfique. Ah… mais quelle importance au fond ? Si les masques étaient portés ce soir, c’était exactement pour s’éviter ce genre de questions ! Et puis, l’adolescente cherchait une compagnie qui saurait la distraire tout en se révélant capable de rehausser le niveau des babillages de salon ; de fait, elle ne demandait certainement pas la lune. Pratiquement n’importe qui ferait l’affaire, mais peu osait s’éloigner du cœur de ce Bal au risque de rater des potins juteux, de ne pas se faire suffisamment voir ou pire, qu’une occasion quelconque d’ascension sociale ne leur échappe. Si elle chassait cette inconnue trop vite et par simple caprice ou préjugé, alors seuls les Dieux savaient quand une nouvelle occasion se présenterait ! La jeune fille se para ainsi d’un sourire courtois alors qu’elle portait le verre à ses lèvres pulpeuses pour y boire une gorgée prudente. Elle ne souhaitait devenir guillerette tout de suite, car la nuit était encore jeune mais le goût sucré du vin blanc était un plaisir dont elle ne se lassait pas.

Apprendre que l’inconnue fuyait des prétendants trop insistants gâcha les saveurs de sa gorgée et ce fut avec une amertume habilement étouffée par un petit rire cristallin que l’adolescente répondit au compliment qu’on lui fournissait. Croyait-on réellement qu’elle était à ce point populaire ? Sans son masque, les rares avances dont elle souffrait n’étaient que des apparats de politique dont les plus opportunistes s’armaient. Sans son masque, elle souffrait de son titre et des avantages qui s’y liaient immanquablement. Avec ce masque, elle ne possédait pas les formes généreuses que favorisait la mode Sélénienne. Avec son masque, elle n’était rien de plus qu’une planche sans saveur. Toutefois, avec ou sans ce masque, les hommes qui l’approchaient étaient bien trop frileux des conséquences d’une cours acharnée pour l’oser et l’adolescente ne goûtait alors qu’aux banalités du genre ; sorties champêtres, rencontres lors de bals et invitations à des dégustations de thé aux heures les plus convenables et toujours sous la surveillance d’un chaperon.

« - Je vous assure que le compliment me va droit au cœur, cependant il m’est obligé de vous défaire d’une telle crédulité ; ma popularité est égale aux tapisseries du couloir et si vous ne vous rappelez pas desquelles, voilà une idée précise de mon carnet de rendez-vous ! »

L’adolescente cacha un rire contre les bords en cristal de son verre, buvant une autre gorgée… qui manqua de l’étrangler lorsque l’inconnue la drapa d’un second compliment. La formulation en elle-même était terriblement banal. Un classique que même les matelots crasseux de Caladon savaient sortir pour attirer quelques donzelles toutes aussi crasseuses dans leur lit. La beauté des Elfes n’était pas une légende et comparer une femme à de telles splendeurs intemporelles était souvent gage d’une affaire rondement menée pour ces illettrés vivant dans quelques recoins sordides des bas quartiers. Ici, au cœur de la beauté et de l’intellect Sélénien, une telle remarque ne faisait généralement gagner qu’un gloussement embarrassé, voire un petit clin d’œil amusé. Il ne s’agissait alors que d’une mise en jambe pour une sérénade bien plus stratégique et complexe, car la récompense valait mille fois ce que le commun avait à offrir.

Toutefois, l’adolescente retrouvait dans ces quelques mots l’écho d’un souvenir bien plus profond que l’entendait originellement l’inconnue au masque de cygne. Ses grands yeux céruléens se couvrirent d’une amère mélancolie alors qu’elle posait son verre sur le rebord de la fenêtre. Son dos s’appuya dans les nombreux coussins et ses mains se croisèrent sur son cœur qui avait raté un battement et frappait à présent avec force, petit oisillon en émois. Après un silence où elle sembla peser ses mots, la jeune fille étira ses lèvres purpurines d’un sourire à la douceur parée d’une tristesse encore fraîche :

« - Vous me faites là la grâce d’un compliment chargé de sens, ma Dame, car de tels mots étaient bien souvent tournés vers ma défunte mère…et jamais elle ne fit l’injustice de ceux qui la comparaient aux Elfes, car elle était effectivement d’une beauté incomparable. »

Sa voix trembla lorsqu’elle prononça les mots « défunte mère » et l’espace d’un instant, elle fut terriblement vulnérable. La mort de ses parents sembla peser soudainement sur elle comme une chape de plombs. L’absence de son frère fut pareil à une cuisante isolation punitive et elle se mordit l’intérieur d’une joue pour essayer, bravement, de conserver un masque de circonstance. Son souffle s’altéra à peine alors que les sons lui paraissaient lointains, comme perçus au travers d’un mur de coton épais. Cette détresse passagère ne dura que quelques instants fugaces et l’adolescente retrouva aussitôt son calme alors qu’elle serrait les doigts pour en cacher les tremblements. Déglutissant, elle souffla avec une taquinerie feinte :

« - Je n’ai malheureusement pas hérité d’une telle grâce. Ne vous faites pas leurrer par ma mise ou ce masque, car qui sait ? Peut-être qu’en dessous je suis horriblement défigurée ! Peut-être ai-je même un œil au milieu du front ? Ou alors un horrible poireau velu entre les sourcils ! »

Elle pencha la tête sur le côté, faisant ondoyer ses boucles et miroiter les diamants captifs dans les vagues onctueuses qui glissèrent sur ses fines épaules et léchèrent la courbe juvénile de sa gorge dénudée.

« - Connaissez vous le conte de Sa’drïyon ? Il s’agit de l’histoire d’une jeune elfe orpheline, maltraitée par sa marâtre et ses deux demies-sœurs. Couverte de suie, elle n’était qu’une servante en sa propre demeure et aurait vécue ainsi jusqu’à la fin de sa vie si un beau jour, le Prince Hën’rih n’organisa pas un somptueux bal afin de trouver sa promise tant attendue. Aidée par sa Marraine une mage, Sa’drïyon fut transformée en la plus belle des créatures que le Royaume pu contempler… mais seulement jusqu’au douzième coup de minuit ! »

L’adolescente esquissa un petit sourire et redressa la tête en faisant mine de chercher, elle aussi, une horloge.

« - Combien de temps me reste-t-il ? »

La question s’acheva dans un rire léger et vibrant, une caresse limpide et parfaitement dosée. Lorsque les dernières notes s’égrenèrent et furent englouties par la musique et les éclats du Bla, elle se redressa dans son assise et observa l’extérieur quelques secondes, puis demanda avec douceur :

« - Votre chevelure est semblable à cette neige légère, au dehors. Je crois que je me souviendrais d’un tel détail si jamais vous étiez de notre Cours… et pourtant, c’est la première fois que je vous croise et de ça j’en suis certaine. Sans me donner votre identité, ce qui irait à l’encontre de cette soirée, puis-je au moins savoir sous quelle blason votre beauté brille-t-elle ? »

Et bien quoi ? Compliment pour compliment. Elle n’était pas avare à n’être que celle qui reçoit et il fallait bien rendre à qui de droit un tel constat : l’inconnu était hypnotique, bien que la jeune fille sentait confusément un danger émaner du port altier ; un prédateur en sommeil ?

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La douce voix de la juvénile était une mélodie agréable pour l’androgyne, cette douceur associé à la façon dont parlait la jeune fille l’orientait à dire qu’elle ne faisait pas parti de la petite noblesse. Fille d’un duc ou d’un compte peut-être ? Elle était vraisemblablement Sélénienne puisqu’elle avait été l’ombre de la princesse pendant tout le bal jusqu’à maintenant, mais c’était là les seules informations qu’il pouvait avoir sur elle pour le moment. C’était ce jeu de frustration et d’inconnu qu’il prisait par-dessus tout dans ce genre de bal, l’envi de savoir et le goût excitant de l’inconnu s’entremêlant dans un pur délice dont il s’enivrait.

Il ne fut guère étonné par les réponses que lui donnait l’inconnue, peu d’hommes étaient vraiment sensible à la beauté délicate, beaucoup s’en donnait les aires, mais tous ne cherchaient qu’une chose, assouvir leurs envies bestiales. Ce bal en était l’exemple le plus flagrant, lui avait su attirer moult prétendant d’un soir, car c’était un accoutrement plus audacieux et séducteur qu’il avait choisi, personne ne voyait la fine délicatesse qu’il arborait, que chaque détail avait été travaillé et soigné dans un laps de temps dès plus court, défiant tout concurrence. Non, il voyait juste une forme général, une beauté dont il effleurait que la surface, mais cela, le vampire en était habitué. Son interlocutrice, elle n’avait que la délicatesse, et personne ne semblait venir lui faire la cour, un comble pour lui, dont la beauté était un art et presque une science.

Il nota dans un coin de l’esprit le commentaire qu’elle fit sur sa mère, qui de ces dires, était d’une incroyable beauté, à justement rivaliser avec les elfes, une telle noble avait dû faire parler d’elle avant sa mort pensa-t-il, mais pour le moment, il préférait rester concentré sur l’instant présent. Il allait objecter sur le fait qu’elle prétende n’avoir rien pris de la beauté de sa génitrice, mais il préféra laisser cette dernière continuer de parler.

Et à raison, elle avait une bonne conversation. Le conte de Sa’drïyon était assez connu, pour qui s’intéressait un minimum à la culture elfique. Il se souvenait l’avoir lu à ses deux filles… La simple pensé à Sintharia effaça, pendant un bref instant, son sourire et arrêta le mouvement de son éventail, le souvenir de la voir, assise nonchalamment sur l’appui de la fenêtre de sa demeure, dévorant encore et encore cet ouvrage… tout cela était si loin, maintenant seul restait une ingrate traîtresse… et son cœur brisé. Il balayait ce genre de pensée de son esprit, reprenant son son sourire courtois ainsi que le mouvement de son éventail. Il était ici pour s’amuser, profiter une dernière fois des plaisirs d’une certaine insouciance, un énième caprice avant de plonger Nyn-Tiamat dans le chaos.

-Pour vous répondre très chère, oui je connais ce conte, il s’agit du premier ouvrage en elfique que j’ai pu lire, lorsque que je pus enfin maîtriser la langue du beau peuple. C’est un bel ouvrage, l’histoire est enchanteresse et le style de l’écrivain est agréable à la lecture, avez-vous lu la version originale ou la traduction ? Pour voir lues les deux versions, je dirais que bien que la version en langue commune soit fidèle à la version originale, certaines complexités de la langue elfique n’ont pu hélas passer la frontière de la langue… mais je m’égare, veuillez m’en excusez, j’aime beaucoup la littérature.

C’était sous l’ère du Tyran Blanc que le vampire avait pleinement profité de son jeu d’influence pour acquérir de nombreux ouvrages, beaucoup volé aux malheureux envoyés à Morneflamme ou même aux Théocrates qui avaient dû se cacher et laisser leur bien derrière eux à la chute de leur maître. Elfique, humaine et même parfois vampirique, Toryné avait dévoré un nombre incalculable d’œuvre littéraire. “Si vous cherchez un quelconque ouvrage à lire dans un style similaire, je serai ravie de vous donner quelques pistes, même si je dois admettre être plus friand de tragédie amoureuse” se permetta t-il cependant d’ajouter.

-J’ose tout de même espérer qu’au douzième coup de minuit votre belle accoutrement ne deviendra une toile de jute décoloré, dit-il pour plaisanter, et je doute fortement que derrière votre élégant masque, se cache pareil monstruosité que vous décrivez et même si vous aviez un troisième oeil caché, je suis persuadé qu’il serait aussi beau que les deux autres et traité avec un soin similaire.

Et surtout, si un tel être existait dans la noblesse Sélénienne, soit la créature aurait été tué à la naissance, soit ses parents l’aurait confiner dans leur demeure, cachant au monde la honte que représenterait une telle tare pour leur famille. Et si par quelconque folie, l’envie leur auraient pris de reconnaître fièrement leur abomination au reste du monde, le vampire en aurait entendu parler. Bien entendu, rien n’empêchait l’inconnue d’être défiguré de manière bien plus réaliste, cicatrice, malformation, malchance de la nature… Mais cela l’androgyne en doutait fortement, son esprit ne voulait pas concevoir qu’une beauté aussi délicate ne puisse être uniforme.

-Je dois admettre cependant être tristement surprise qu’une damoiselle telle que vous, se voit l’objet d’aussi peu de convoitise. Il ferma son éventail d’un claquement sec, son sourire s'effaça pour un laisser place à une mine plus sérieuse. Il est malheureux de voir que personne n’a su voir à quel point vous êtes belle. Oh, je sais ce que vous devez penser, voilà un compliment qui n’a rien de sincère, il s’agit d’une courtoisie pour faire bonne figure et qu’une fois que j’aurais quitté votre compagnie, j’irais glousser avec quelques comtesses dans votre dos. Il roula des yeux. Je ne peux vous en vouloir si c’est véritablement ce que vous pensez, les nobles sont pour la plupart ainsi… Il soupira, ou plutôt simula un soupire. Beaucoup trop d’hommes ne savent pas apprécier la véritable valeur de la beauté, ma chère vos traits sont d’une incroyable délicatesse, rien que la vue de votre peau fait réaliser le soin que vous devez apporter à cette dernière, le peu que vous révélez semble avoir été sculpté sur-mesure, vous êtes bien née, en plus de prendre soin de vous, c’est ce que j’en perçois en tout cas. Je vous voyais au loin, dans l’ombre de la princesse, qui elle attire tous les regards et les belles attentions. Mais c’est ainsi que les gens sont, agiter leur un gros morceaux d’or brillant et tous accourons autour pour le contempler, alors que sous leur nez, se trouve un ouvrage d’argent bien plus élégant et travailler par un maître orfèvres.

Puis il reprit son sourire et ses mouvements d’éventail,“Votre carnet n’est pas vide, car vous n’êtes pas belle très chère, il est vide parce que les gens ne prennent pas le temps de véritablement regarder les choses.”. Malgré ses affirmations à la sincérité, cela pouvait sembler au beau discours d’un homme qui rêvait d’entraîner une vierge un peu crédule dans son lit, avant de disparaître le lendemain, sans même un lettre, laissant une dévergondée en pleure. Cependant, il semblait que son interlocutrice semble avoir choisi de lui attribuer le sexe féminin, il se débarrassait donc potentiellement de cet horrible préjugé possible sur sa personne.

Enfin, il arrivait au plus “amusant” dans cette conversation, qui était-il ? Son sourire s'agrandit et Toryné dû se contenir pour ne pas laisser ses deux canines apparaître gâchant ainsi le plaisir de son anonymat.

-Vous me flattez, mademoiselle, répondit-il pour le commentaire qu’elle fit pour ses cheveux, j’ai longtemps travaillé pour donner à ma chevelure une telle blancheur, je suis ravie que cela soit réussi… Je vous confirme d’or et déjà cela, nous ne sommes effectivement jamais rencontré avant, cela, j’en ai également la certitude. Je vous propose un petit jeu si vous voulez bien. Jouons aux devinettes vous et moi, cela peut sembler enfantin, mais je pense que nous sommes encore très loin des douze coups de minuit, n’est-ce pas ? Pour une énième fois, il arrêta le mouvement de son éventail, cependant au lieu de le renfermer, il le garda grand ouvert et le posa devant ses lèvres afin de les cacher, théâtralisant le jeu qu’il allait mettre en place.

-Je vous donne quelques indices pour commencer, je fais plus jeune que mon âge, l’emblème de ma famille est un oiseau et je suis noble de rang…

Des premiers indices qui étaient bien traître, le premier était très vague, cela pouvait très bien vouloir dire qu’il était un humain qui avait les trentaines et non la vingtaine, mais aussi qu’il était un elfe, après tout, ses oreilles étaient dissimulés sous sa chevelure. Le second était aussi très vague, bien que l’inconnue puisse facilement comprendre qu’il s’agisse d’un cygne étant donné son masque, mais cela ne l’avancerait pas pour autant, d’autres sûrement devait avoir le cygne comme symbole de famille. Le second était aussi très vague, bien que l’inconnue puisse facilement comprendre qu’il s’agisse d’un cygne étant donné son masque, mais cela ne l’avancerait pas pour autant, d’autres sûrement devait avoir le cygne comme symbole de famille.

-Je vous laisse le loisir de me poser toutes les questions qui vous viendraient à l’esprit, ainsi que de me transmettre vos hypothèses, aussi précises ou vagues qu’elle soit, je m’engage à y répondre en ne disant que la vérité. Cependant, cela serait trop facile, alors pour chaque question ou hypothèse fausse que vous me donnerez, vous devrez me donner une information sur vous en contrepartie, qu’en pensez-vous ? Rajouta-t-il en plissant les yeux en signe de défi et de malice. Il espérait que l’inconnue accepte de se laisser prendre au jeu, elle semblait avoir une bonne conversation, ainsi que de la culture, maintenant, il espérait qu’elle soit aussi joueuse.

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Quelle délicieuse surprise que d’apprendre cette nouvelle : son interlocutrice connaissait le conte elfique ! En effet, si l’histoire de Sa’drïyon était connu et très souvent adapté en théâtre de marionnettes ou d’ombres shinoïz afin d’éduquer et de ravir les enfants, sa version originale était bien souvent boudée à cause de la complexité que sa traduction réclamait. Et comme le soulignait très justement la Dame au Cygne ; nombre de ses subtilités se perdaient lors du passage à la langue commune. Ainsi, peu connaissaient le véritable sacrifice auquel se soustrayaient les méchantes sœurs pour passer la chaussure de verre à leur pied : l’une était dis se couper un orteil, tandis que l’autre s’amputait d’un talon. Toutefois, dans la poésie des rimes elfiques, les deux actes sanglants étaient si métaphoriques et à peine perceptible dans sa lecture qu’ils passaient eux-même souvent pour un détail de second plan. Pourtant le malaise distillé dans la narration collait à la peau du lecteur qui, s’il n’avait pas saisi la subtilité, la ressentait instinctivement et la vivait, aveugle, jusqu’à la fin du conte.

« - J’adore la littérature. Les livres sont le vaisseau du savoir, mais aussi de l’imaginaire, le réceptacle des émotions. Soyez assurée que vous trouverez toujours une oreille attentive et une curiosité qui ne saurait être étanchée en ma personne. Je prendrai ainsi avec grand plaisir vos recommandations. »

Glissa-t-elle après que l’inconnue se soit excusée pour sa longue parenthèse au sujet du conte abordé tantôt. Un sourire ravissant souligna sa promesse et ses yeux pétillèrent d’une affection sincère alors qu’elle avait la certitude d’avoir rencontré une autre passionnée de littérature. Ô combien de sujets et de débats pourraient-elles aborder au court de cette soirée ? Pourrait-elle s’en faire une amie épistolaire lorsque sonnerait l’heure des adieux ? L’adolescente caressa cette idée avec tendresse, mais n’osa pas encore en formuler la demande de vive voix ; il était encore trop tôt. Elles ne se connaissaient pas assez, pas encore du moins. A ce qu’elle constatait, la femme masquée ne désirait pas tant s’abreuver de silence comme elle l’avait prétendu à son arrivée, quelques minutes plus tôt. Elle-même ne s’en plaignait pas ! Bien au contraire.

« - Et bien, pour savoir ce qu’il se cache sous ce masque je crains que vous ne soyez obligée de me garder compagnie jusqu’à minuit au moins ! »

Le ton fut léger et pétillant d’une taquinerie dosée, un peu provocatrice alors qu’elle venait distraitement passer les doigts dans ses boucles soyeuses, repoussant les étoiles de diamants et les lourdes mèches blondes par dessus une frêle épaule, dégageant davantage encore sa gorge gracile qui frémissait à chacun de ses souffles. La répartie de cette femme lui plaisait, plus encore lorsqu’elle se lança dans une plaidoirie pour la défendre du dédain que la gente masculine lui portait. Prise au dépourvue, l’adolescente ne pu cacher sa surprise et vint aussitôt mettre ses lèvres ourlées d’un sourire incrédule au couvert d’une main, étouffant par la même occasion un rire fugace.

« - Oh, que vous êtes adorable ! Mais ce n’est pas très gentil de renier la Princesse... »

Quelle ironie, vraiment ! Pour une des rares fois, elle s’amusait de sa position et pouffa encore de rire contre sa main. A la légère embardée de son cœur ainsi qu’à la délicate rougeur sur ses joues, il fut évident que cette fois le compliment fit mouche. Elle ne s’attarda cependant pas là-dessus et préféra se concentrer sur la suite de leur conversation. Les douces paroles de cette femme pouvaient être un leurre, une flatterie pour l’amadouer et endormir sa méfiance ; n’était-elle pas supposée être la dame de compagnie de la princesse ? Les plus habiles des conspiratrices approcheraient cette dernière par un moyen détourné et quoi de mieux que posséder l’oreille d’une de ses plus fidèles suivantes ?

« - Un jeu ? »

Souffla-t-elle d’une voix assez douce pour ne pas l’interrompre de façon grossière, mais assez audible pour que son interlocutrice sache qu’elle venait de la ferrer aussi sûrement qu’une carpe à l’hameçon de la curiosité ! Elle écouta les règles dans le plus parfait des silences, légèrement penchée en avant alors qu’elle buvait ses paroles avec attention. L’écart entre elles fut réduit et le Cygne pu sentir le délicat parfum qui entourait la demoiselle ; une note de fraîche proche du jasmin, mais adoucie par la rondeur d’une huile d’amande. Ses beaux yeux étaient grands ouverts, le bleu profond orné de teintes changeantes à la lueur des bougies. Ses lèvres s’écartaient sur un souffle profond, que la jeune fille ravalait parfois dans la crainte de ne pas entendre un mot crucial, juste quelques secondes avant qu’un soupir ne lui échappe et qu’elle ne reprenne sa respiration avec un petit frémissement. Lorsque les consignes furent données, elle resta un moment songeuse, puis se redressa dans le tintement et le scintillement de ses délicats atours.

« - L’idée est plaisante, mais le jeu est clairement à mon désavantage. Laissez moi bénéficier des mêmes chances que vous ! Vous m’avez donné trois indices pour commencer, ainsi je vais vous en donner autant. Je poserais une question ou j’exposerais une hypothèse ; si j’ai juste, je peux continuer. Toutefois, si j’ai tord alors ce sera à votre tour de me poser des questions. »

Elle attendit quelques secondes, donnant probablement l’impression d’attendre son accord et pourtant, elle continua :

« - Mon masque n’est pas que d’apparat, son utilité est autre. Tout comme vous, je suis de noblesse toutefois jamais je ne pourrais en grimper les échelons ! Avec ça, cela fait trois. »

L’adolescente avala une autre gorgée de vin, puis déposa le verre à distance pour ne plus être tentée d’en vider le contenu au cours de leur petit jeu. Elle voulait garder les idées clairs.

« - Je commence donc. Si l’emblème de votre famille est un oiseau, alors je vais partir sur l’hypothèse du cygne qui vous coiffe. L’oiseau est effectivement associé à la noblesse, mais aussi à l’amour et la fidélité… Savez-vous qu’un cygne n’a qu’un seul compagnon durant toute sa vie ? Malheureusement, le pauvre animal est aussi muet, même si l’on en croit la légende où au moment de sa mort, il pousserait le plus beau chant qui soit possible d’entendre ! »

Un léger sourire étira ses lèvres et, comme l’inconnue ne semblait pas la contredire, elle passa à son hypothèse suivante :

« - Seriez-vous une elfe ? Plus tôt, vous m’avez comparé à la beauté de vos paires, vous avez mentionné le fait de savoir lire cette langue complexe et d’en savourer toutes les subtilités. De plus, vous me dite que vous faites plus jeune que votre âge ! Ai-je raison ? »

La réponse lui vint ; négative. Aussitôt, une petite moue boudeuse froissa le joli visage de l’adolescente ou du moins de ce qu’on en voyait. Déçue de perdre aussi vite, elle se pinça la lèvre inférieure de ses dents, puis relâcha la pulpe et fit un geste élégant de la main pour inviter l’autre à commencer son tour.

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La conversation continuait, sa charmante inconnue semblait réceptive aux commentaires qu’il faisait sur l’œuvre qu’était Sa’Drïyon et avoua elle-même être une férue de littérature, de mieux en mieux pour le vampire androgyne. Il gardait cette information dans son esprit, si là cela pouvait lui permettre de garder contact avec la belle juvénile, Toryné n’hésiterait pas un seul instant à sortir l’intégralité de son érudition dans ce domaine, mais pour le moment, c’était le jeu qui attirait sa délicate attention.

Il réprima un sourire moqueur lorsqu’elle glissa ce petit commentaire sur le fait de renier la princesse. À ce moment-là, beaucoup auraient répliqué des compliments faciles de mauvais goûts tel que “ce soir, vous êtes ma princesse”, ou encore “à mes yeux la seule princesse en ces lieux, c’est vous”, mais Toryné avait un peu plus d'élégance et d’originalité que cela, mais surtout, il savait aussi quand il fallait complimenter et quand il ne le fallait pas. Certes, il avait la parole extravagante et fluente, il aimait les hyperboles et les longs monologues grandiloquent, mais lorsqu’il voulait quelque chose, il savait se montrer plus sobre et stratège. Cette jeune fille n’était pas une idiote, elle ne semblait pas être une oie blanche qui boirait la moindre parole d’un ou une inconnue, loin de là. Non ce soir, c’était avant tout un lien qui devait se créer, les prémices d’une camaraderie, voir d’une amitié. Bien entendu, l’objectif de l’androgyne était de goûter la chair de la juvénile, il la voulait tout entière dans sa couche, faire vibrer son âme de par ses murmures… Et pour cela, il prendrait tout le temps qu’il faudrait. Les plaisirs de la chair n’étaient rien sans l’étape de la séduction, la récompense n’est que plus belle lorsqu’on a joué habilement pour l’obtenir. Il savait d’or et déjà que ce soir, il aurait de quoi assouvir ses pulsions hédonistes, le plaisir de la chasse était ce qu’il cherchait. Et il aimait ce genre de chasse, surtout quand la proie avait du prestige, jeune, intelligente et de bonne compagnie.

Et sa belle inconnue continuait de le satisfaire. Elle remarqua aisément que les règles du jeu qu’il avait instauré étaient clairement inégales, chose que le vampire avait volontairement fait, un petit test d’avant-goût disons… Il la laissa donc continuer, remarqua que sa partenaire de jeu éloigna son verre d’alcool, il aurait donc une adversaire lucide ce soir. Et il comptait se montrer à la hauteur également, il écouta attentivement les indices qu’elle lui donnait, elle était très subtile, il aimait ça. Désormais, la distance entre les deux êtres masqués étaient bien moindre, Toryné pouvait observer plus attentivement sa compagne de la soirée. Son regard s’attarda sur son cou, l’idée d’y planter délicatement ses crocs, de sentir le corps de l’adolescente frémir dans ses bras, s’abreuver de son nectar et de voir un léger filet rouge doucement couler sur sa gorge gracile… La délicate odeur de jasmin et d’huile d’amande venait lui caresser ses narines, son odorat de vampire, plus développé que celui d’un Homme, lui permettait d’en savourer les effluves plus que quiconque. Il avait envie de la dévorer, sur bien des aspects, mais également de la glorifier… Elle ferait une merveilleuse fille. Une brève hésitation le saisit, ils étaient suffisamment isolés après tout, son absence dans la soirée ne semblait pas s’être fait remarquer… Oh, bien sûr, on la chercherait, famille et amie, mais cela n’avait aucune importance. Dans quelque jour, il repartirait pour Aerthia, personne n’irait la chercher là-bas et si ses plans se déroulaient comme prévus, il deviendrait le Prince Noir, personne ne pourrait plus s’opposer à ses désirs.

Ce fut la voix de sa jeune camarade de jeux, présentant déjà ses hypothèses sur son identité, qui le tira de ses désirs fantasmés. Il regagna une certaine clairvoyance, il ne connaissait pas encore suffisamment cette charmante inconnue pour envisager de la mordre, il ne devait pas céder si facilement à ses caprices, l’heure n’était pas à s’attirer des ennuis. D’autant plus que cela lui retirerait bien des plaisirs, celui de faire la cours, celui de séduire, la mordre effacerait son identité, tant encore à découvrir, ce serait du gâchis. Ce fut l’indice le plus évident qui fut, sans surprise, élucidé le plus rapidement. Il applaudissait légèrement, grand sourire aux lèvres.

-Vous avez raison, c’est bel et bien le Cygne que ma famille aborde comme blason, n’est-ce pas le plus sublime des animaux que ce monde ai connu ? Dit-il d’un ton enjoué sans véritablement attendre une quelconque réponse. Intérieurement, il jubilait, comme il était amusant de voir que le cygne était associé à la fidélité et à l’amour, lui qui n’avait pour allégeance que ses caprices et qui n’avait jamais qu’un seul partenaire à la fois. Certes, il avait eu ses romances, ses “favoris” et “favorites”, sans oublier la passion qu’il avait eue avec Sintharia, mais pouvait-on vraiment parler d’amour ?

-Cependant, malgré que cela soit très flatteur, je ne suis pas issu du peuple elfique. Je l’aurais vraiment désiré, leur culture est d’une incroyable richesse et m’a toujours captivé depuis mon plus jeune âge… J’ai toujours eu beaucoup d’aisance pour apprendre les langues, nordiques, elfiques et bien d’autres langues, c’est un plaisir de pouvoir comprendre et être compris de tous… Mais quoiqu’il en soit, c’est une erreur, mais qui me va droit au cœur milady, dit-il un sourire radieux sur le visage. Le sourire n’était pas forcé, bien au contraire, quel plaisir incommensurable que d’être pris pour une elfe, cela flattait son ego au plus haut point. Donc c’est mon tour ! Enchaîna-t-il donc avec une joie non dissimulé, tapotant légèrement sa joue avec son éventail, une mine espiègle en pleine réflexion caractérisant son minois. Je pense d’or et déjà vous posez une question : Est-ce la première que vous venez à ce genre de soirée ? Quant à vos indices… hum… Vous dîtes être de la noblesse, ce qui est une évidence à mes yeux, cependant vous dites également ne pas pouvoir monter plus haut en rang… Il prit un léger instant de réflexion, il pensa très rapidement à la fille d’un duc ou bien d’une duchesse. Cela tombait dans le sens, cette jeune fille lui avait au préalable affirmer ne pas véritablement faire l’objet des faveurs des Hommes, hors le seul moyen pour une duchesse de s’élever encore plus haut, ce serait d’épouser un membre de la famille royale, or, dans le cas présent Nolan Kohan, inatteignable pour beaucoup, même la haute noblesse. C’était là, la seule réponse possible, seul la famille royale et les ducs ne pouvaient espérer véritablement gagner en gallons.

-Je pense que vous êtes une duchesse, ou du moins la fille d’un duc, votre seul moyen pour encore monter en échelon serait d’épouser un membre de la famille impérial et loin de moi l’idée de dire que vous ne seriez pas assez bien pour un Kohan, cela semble, en effet, très difficilement atteignable. Vous avez également dit que votre masque avait un autre but que de correspondre aux critères de cette soirée… Cela peut impliquer de nombreuse possibilités, vous accompagnez les princesses depuis le début des festivités, ce qui implique que vous devez être son amie ou du moins une proche de cette dernière. J’aurais envie d’imaginer tout comme dans Sa’Drïyon, que vous soyez venu à cette charmante soirée sans l’accord d’un parent, mais sous couvert et influence de la princesse et que ce masque vous empêche donc d’être vue là où vous ne devriez pas être.

C’était très romanesque comme scénario, mais après tout que serait un jeu sans tentative téméraire ? Observer les réactions de la Jouvencelle pourrait potentiellement lui donner des indices par la suite. Il avait envie que le jeu dure, et il avait plus d’un tour sous sa robe pour cela. Son regard brun presque noirs vint fixer le bleu profond, défis et malice pouvaient se lire dans ses sombres orbes d’ambres.

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La déception de perdre si tôt fut rapidement oubliée alors que le jeu se poursuivait dans une ambiance aussi complice que détendue. L’éventail de l’inconnue était un véritable plaisir pour les yeux, balayant l’air au rythme de ses paroles, agrémentant ses gestes gracieux sans excès. L’adolescente regretta presque de ne pas posséder pareil accessoire, mais se souvint qu’elle était encore bien trop jeune pour s’en aller charmer son entourage avec l’utilisation d’un tel objet. De sa candide fraîcheur, elle devait rester aussi pur qu’il lui était humainement possible afin de satisfaire le regard critique de son entourage. Le poids de ses responsabilités ne souffrait pas d’un quelconque écart de conduite, surtout dans un tel domaine. Bien sûr, elle testait régulièrement ses limites dans un jeu de funambule certes périlleux, mais qui avait le mérite de lui apporter l’épice qui manquait dans sa vie ennuyante de petite princesse.

La question lui fit toutefois pencher délicatement la tête sur le côté et elle s’autorisa un adorable sourire alors qu’elle répondait d’une voix douce :

« - Non. Je participe à ce genre de soirées d’aussi loin que remontent mes souvenirs. »

L’on pouvait presque dire qu’elle y était née ! Les bals, qu’ils soient masqués ou non, étaient comme une seconde nature chez elle. L’éphémère des rencontres et des promesses, l’odeur du parquet tout particulièrement ciré pour l’évènement ou encore le parfum des bougies consumées tout au long d’une nuit endiablée. Les trilles de musiques, les éclats de rires et les chuchotements enfiévrés. Les mains effleurées dans l’audace du moment, les pas allégés par le vin. L’adolescente prit une longue inspiration et laissa son regard s’égarer sur la piste de danse. Les robes voltigeaient, les traînes ondoyaient et les talons claquaient. Elle contempla les visages masqués, les plumes dans les coiffes poudrées. Un sourire nostalgique étira ses pulpes rosées alors qu’elle élevait une main distraite pour effleurer les contours de son loup. Elle voulait se joindre à la ronde et virevolter d’un bras de gentilhomme à l’autre, mais cette place était réservée à la « Princesse Kohan » et uniquement à elle en cette soirée singulière.

Avec un soupir à peine audible, sauf pour les sens aiguisés d’un vampire, elle s’arracha à la contemplation de la salle illuminée pour revenir à la douce pénombre de leur petite alcôve. Un vent s’était levé à l’extérieur, battant les vitres d’une neige légère et couchant la flamme des torches sans toutefois les éteindre. Après un temps de réflexion, l’inconnue annonça ses hypothèses et l’adolescente dû se mordre l’intérieur d’une joue pour ne pas se mettre à rire. Le cheminement de pensée n’était pas sot, bien au contraire ! Il trahissait une bonne connaissance de la noblesse humaine et même de la royauté. Pendant un instant, la jeune fille paniqua lorsqu’elle s’imagina tout un complot ; cette femme connaissait déjà son identité et se jouait d’elle, au moindre faux pas elle irait la ridiculiser au reste de la Cour Impérial. Sa gorge se serra et ses pupilles se dilatèrent à peine alors que son éblouissant sourire ne flanchait pas. Elle avait l’habitude de garder le masque… et elle ne pensait pas à celui qui couvrait le haut de son minois.

« - Tout cela est excitant et je dois avouer qu’en comparaison, la vérité qui m’habille est bien moins romanesque. Me voilà presque déçue de ma propre histoire ! »

Le ton était léger, les yeux pétillaient, toutefois quelque chose dans sa voix sembla réellement attristé. Combien cette idée lui paraissait enviable ! Mettre un masque afin de sortir en catimini du Palais, se cacher à l’ombre d’une ample capuche pour échapper au regard des gardes, puis partir à une fête de moindre extraction pour savourer un cidre piquant et danser des farandoles endiablées au son de quelques accordéons, luths et tambourins.

« - Je ne suis donc ni une duchesse, ni la fille d’un Duc. Toutefois vous n’avez pas totalement tord, car ce masque sert effectivement à dissimuler mon identité bien que ce ne soit pas pour les raisons évoquées. »

Elle lui donnait un indice gratuitement et peut-être commettait-elle un faux pas ! Mais elle était persuadée de toucher du doigt l’identité de son adversaire, du moins concernant ses origines. Il n’y avait pas trente-six milles choix en même temps. Si l’inconnue n’était pas une elfe, il ne lui restait que...

« - Seriez-vous… »

Elle retint son souffle et se pencha légèrement vers l’androgyne comme si ce qu’elle s’apprêtait à dire était bien trop indécent pour qu’elle élève autrement la voix. Son souffle se fit légèrement tremblant alors que son cœur palpitait sous sa gorge frémissante. Plusieurs boucles blondes vinrent d’ailleurs rebondir sur la courbe de cette dernière, couvrant son cou gracile d’un flot d’or piqué d’étoiles fugaces. Ses lèvres rosées furent, l’espace d’un instant, mordillées avant que le souffle chaud de l’adolescente ne lâche sur le ton de la confidence :

« - … Une vampire ? »

Voilà ! Elle l’avait dis. Dans un frisson exquis, elle se redressa et ses joues se chauffèrent d’une carnation légère. Ses yeux, à peine écarquillés par l’audace de son acte, pétillèrent d’une curiosité presque enfantine, révérencieuse et même un brin apeurée. Jamais elle n’avait côtoyé si intimement une telle créature, n’ayant jusqu’à présent croisé cette race qu’en de rares occasions et de loin ; lors de réceptions du temps de Fabius alors qu’elle n’était encore qu’une enfant accrochée à la robe de sa mère. Depuis leur arrivée sur l’Archipel, les déplacements de vampires étaient rares et les siens plus encore.

« - Votre beauté ainsi que vos paroles enrobées de mystère. Ce charme magnétique… ces regards qui me font parfois frémir ! Et ce jeu de devinettes ou le fait que vous ne soyez pas une elfe ; je m’excuse si mes propos vous offensent et si jamais je fais par la même occasion erreur ! Toutefois, cela me semblerait tellement grossier qu’une personne de votre stature ne soit qu’une simple mortelle… non, je ne peux m’y résoudre ! Si vous n’êtes pas du beau peuple, alors vous êtes forcément de celui des nuits éternelles. Dites-moi, ai-je raison ? »

Elle retint sa respiration, attendant le verdict. Si elle avait raison, alors il ne lui faudrait plus que chercher dans sa mémoire ses plus vieux cours d’Héraldique où il était mention des familles obscures du Royaume vampirique. Elle devait avouer ne pas avoir été des plus studieuses lors de ces sessions, n’imaginant jamais qu’elle aurait à jouer aux devinettes avec l’une de ses représentantes.

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L’inconnue n’était pas une néophyte de ce genre de soirée, si cette information pouvait sembler anodine, pour le vampire, elle avait son importance. En effet, c’était le beau monde qui était convié à ce genre de festivité, la noblesse principalement, cela tenait du miracle pour toute personne d’une autre classe sociale de recevoir une invitation, même venant de la haute bourgeoisie. Ainsi, de savoir qu’il ne s’agissait pas là du premier bal masqué de son interlocutrice lui donnait l’information suivante, elle n’était pas noble de manière récente, cela datait un minimum. Cependant, la suite se compliquait. Si l’androgyne ne s’était pas attendu à voir son petit scénario s’avérer exact, il avait, tout du moins, la certitude que son interlocutrice était duchesse ou fille d’un duc, c’était là la réponse qu’il lui avait semblé possible. Son regard se plissa, tout en continuant d’observer la jeune fille, de nouveau son éventail s’agita de son visage, avec cette fois un rythme bien plus soutenu. Son esprit tombait sur un paradoxe, la Jouvencelle avait affirmé ne pas pouvoir gravir d’avantage d’échelon dans l’échelle sociale, en toute logique il n’y avait donc que deux solutions, une duchesse ou un membre directe de la famille royale. Or, dans cette seconde optique, il n’y avait que la princesse Victoria, l’empereur Nolan et leur sœur adoptive, Luna, comme membre direct de la famille Kohan… Son interlocutrice était bien trop jeune pour être la liée dorée, la jeune princesse était présente à cette soirée, un peu plus loin et il s’agissait bien d’une femme face à lui… à moins que…

Après tout, la magie et l’alchimie permettaient bien des merveilles, n’est-ce pas ? Une potion de méli-mélo n’était pas véritablement difficile à acquérir, surtout pour un Kohan, alors… cela semblait fou, mais pourquoi pas ? Cette chevelure blonde correspondait et il n’était pas difficile dans ce monde empli de magie, que d’en rallonger la longueur, ce regard bleuté aux myriades de couleur, cette délicate beauté…

Mais ce n’était plus à son tour d’émettre ses hypothèses, il s’était trompé, désormais sa plus que mystérieuse compagne de jeu devait à son tour se tenter aux suppositions… Et elle gagnait du terrain. Elle avait vu juste, il n’avait pas pensé qu’elle devinerait aussi vite sa condition de vampire, mais cela était flatteur, elle refusait de penser qu’il puisse être juste un mortel, cela le fit sourire derrière son éventail. Il abaissa l’objet, dévoila son grand sourire laissant entrevoir sa dentition. D’une blancheur immaculée, témoignant du soin qu’il accordait à sa dentition, ses deux canines de vampires étaient parfaitement visible. Il avait senti ses battements cœurs et observé certain signe physique, lorsque sa camarade de jeux vint à émettre cette juste hypothèse. C’était délectablement amusant d’observer cela et contribua à son sourire, et ce murmure, s’il avait été un félin, le vampire aurait ronronner. Avait-elle peur ? Il n’avait pas cette impression, au contraire elle semblait même assez curieuse.

-Vous avez vu juste ma chère, je suis effectivement du peuple de la nuit, peut-être seul membre de ma race en cette soirée… Toryné n’avait pas repéré de congénère dans la soirée, tout les cœurs étaient battant ce soir, mais cela n’était pas anodin, bien au contraire. Les rares vampires qui auraient pu être intéressés par ce genre de soirée auraient été les courtisans d’Aerthia, or ces derniers étaient tous à la capitale, attendant patiemment le moment d’agir… Quelle ironie que lui, qui dirigeait les ficelles de ce complot, ai pris la peine de venir. “Mais dites moi, entre-nous… quel âge pensez-vous que je pourrai bien avoir ? Cela attise ma curiosité…” Certes, elle gagnait du terrain, mais il était relativement confiant pour la suite, car le reste serait bien plus dur à trouver. En effet les familles vampires étaient rares et peu connu, la famille Dalis en tant que tel était récente, fondé par lui-même, cela remontant à la fin de la théocratie. Il était certes un conseiller vampire éminent, mais il n’en restait pas moins quelqu’un encore de peu connu pour le moment. Dalis, pourrait-elle en avoir entendu parler ? Il allait bien le découvrir.

-J’ai longtemps vécu avec les Hommes, pour ainsi dire, je ne vis qu’avec mes congénères que depuis quelques années, j’ai toujours eu du mal avec leur… “Coutume” disons… La loi du plus fort, bon sang qu’il avait trouvé cela barbare au début, mais avec le temps, il s’y était fait et avait accepté de s’y plier, avec cependant une clairvoyance que beaucoup de vampire n’avait guère. Cela m’a permis de beaucoup voyagé sur nos anciennes terres, l’immortalité est une aubaine pour pouvoir explorer de nombreuses contrées, avant de finalement trouver ma place..  Si cela pouvait ressembler à des indices, il s’agissait plus du bavardage incessant de la pie qu’il était. “Enfin… vous avez vu juste, je vous laisse donc continuer dans vos propositions…. cher Kohan…”

Prononçant le Kohan en un murmure comme l’avait fait son interlocutrice en déclinant sa race, il insista bien sur chaque syllabe, “Ko - Han”, toujours le sourire aux lèvres, bien que cette fois, une pointe de provocation se laissait percevoir.

Sortant des frontières du jeu, il se jetait à l’eau, cela pouvait sembler complètement fou, voir même stupide, mais après tout quel risque prenait-il ? Il était un parfait inconnu dans cette soirée, et puis à la limite, il ferait rire son interlocutrice avec sa grotesque erreur, rien de plus. Cependant, l’idée était amusante, si l’inconnu suivait la princesse Victoria comme son ombre, peut-être, était-ce parce qu’il s’agissait là de sa sœur, qui serait même peut-être la seule aux courantes de cette machination. L’empereur se serait-il offert un petit moment de répis en prenant une autre apparence, afin de se confondre parmis les nobles, sans être le centre de l’attention. Si cela s’avérait exact, la soirée prenait une tournure des plus excitante et Toryné ne regretterait pas un instant ce petit écart dans ses objectifs. Il allait devoir être attentif sur les réactions que ses paroles allaient susciter, battement de cœur, rougissement, attitude de retrait, détournement de conversation… Il ne laisserait rien passer de sa proie, empereur ou non.

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La réponse lui vint par un sourire aux crocs enfin révélés et l’adolescente prit une petite inspiration sifflante d’excitation et de joie mêlées. Elle n’avait jamais vu de si près pareils atours et sentit un frisson de peur couler instinctivement le long de son dos, cascadant jusqu’au creux de ses reins arqués pour serrer ensuite ses tripes d’un sourd besoin primaire ; celui de se tenir loin du prédateur qui lui faisait face, révélé dans toute sa morbide splendeur. Pourtant la jeune fille ne quitta pas leur petite niche d’intimité et vint plutôt se redresser avec un adorable sourire victorieux aux lèvres. Elle cumulait les points et les indices ! La victoire était à portée de mains enfin, si seulement elle parvenait à franchir le dernier – mais pas le moindre – de ses obstacles : définir de quelle maison noble venait ce sublime cygne. Maintenant qu’elle y réfléchissait davantage, il y avait bien une solution à son problème… seulement, oserait-elle ? L’audace d’un tel geste risquait de fâcher sa nouvelle amie ou bien de la ravir au-delà de toutes ses attentes ! C’était un risque à prendre si elle désirait s’accrocher définitivement la réussite de leur petit jeu.

La question qui lui fut posée, mise en parenthèse de la série d’énigmes, vint à faire légèrement ciller l’adolescente qui se redressa totalement. Alors qu’elle penchait la tête de côté, songeuse, elle captura entre ses doigts plusieurs boucles qu’elle enroula à ses phalanges graciles. Quel âge pourrait bien avoir cette créature nocturne ? Oh, voilà un casse-tête parfaitement impossible à résoudre ! Bien pire que les elfes, les vampires étaient figés dans le temps, préservés à l’instant de leur infection et ce, à tout jamais. Elle haussa délicatement des épaules pour signifier combien le sujet la dépossédait de toute hypothèse, volant une possible réponse de sa part. Toutefois, la courbure de ses lèvres vint trahir l’idée qui lui était soudainement venue, mais elle garda encore une fois le silence afin de laisser à son amie disséminer ce qui ressemblait à des indices… du moins, jusqu’à ce que le nom impérial ne tombe comme une pierre dans la marre. La jeune fille ne pu s’empêcher de tressaillir et ses doigts cessèrent immédiatement d’enrouler et de dérouler les boucles blondes. Sa jolie bouche purpurine s’entrouvrit sur un souffle abrégé, laissant tout juste entrevoir ses incisives comme deux perles. Ses pupilles se dilatèrent et ses cils frémirent.

Puis elle bougea dans un bruissement de tissus soyeux. En un battement de cils et elle était sur ses pieds, si abrupte que plusieurs coussins tombèrent au sol. Un battement de cœur plus tard et elle posait une main sur le dossier derrière la femme masquée, la plongeant dans son ombre frêle. Le parfum qui l’entourait, celui de sa peau tendre, tombèrent comme un châle impalpable sur le cygne. Quelques mèches d’or s’accrochèrent au bec de l’apparat alors que l’enfant levait une main...

« - Shhh… ! »

L’appel au silence fut suivit d’un mouvement vif et gracile, comme un moineau quittant sa branche pour venir se poser sur les lèvres peintes de l’androgyne. Un index à la peau douce, tiède du sang et de la vie qui l’animaient invita au silence et alors que ses cheveux cascadaient enfin de ses épaules pour les isoler du monde extérieur comme comme deux rideaux d’or piqués de diamants… alors que son souffle parfumé du vin sucré chatouillait les plumes du masque sous elle et que ses grands yeux sourdaient d’une colère fugace, bien vite remplacée par un amusement et un pétillement taquin, la voix de la jeune fille ne fut qu’un murmure à peine audible :

« - Vous offrez une valse dangereuse à la triche… Ce n’est pas très joli, surtout venant d’une créature aussi raffinée. Pour la peine, je me dois de vous pénaliser ! Je m’octroie ainsi deux questions à ce tour. »

Le sourire lui revint et elle se redressa avec un léger rire, fugace et cristallin. Son doigt fut le dernier à s’ôter des lèvres froides, ne leur laissant pour les prochaines secondes que l’empreinte de sa chaleur. La jeune fille continua son petit théâtre alors qu’elle posait un faux regard courroucé sur l’adulte avant qu’elle ne pivote pour venir ramasser son verre de vin à peine entamé. Chacun de ses mouvements était mesuré, il n’y avait point de superflu alors qu’elle misait tout sur la grâce et la délicatesse de sa posture. Sans plus un mot, elle quitta cette fois la petite alcôve et alors qu’elle approchait des grandes arches qui donnaient sur les couloirs annexes de la salle de Bal, elle jeta un coup d’oeil par dessus son épaule et lança, badine :

« - Et bien ? Le jeu ne va pas se poursuivre tout seul ! »

Et elle s’éloigna d’un pas léger. Ses boucles rebondissaient au creux de ses reins, la robe ondoyait comme une neige fraîche chavirée par une brise matinale. Ses souliers ne faisaient aucun bruit alors que les épais tapis absorbaient le moindre son. Sur son passage, les gardes en faction se mettaient au garde à vous, avant de retrouver leur posture de repos. Leurs regards vigilants, voire acérés concernant le vampire, suivaient les silhouettes masquées tant qu’elles étaient en ligne de vue, puis retournaient à la surveillance des couloirs et balcons. L’adolescence s’enfonçait quant à elle de plus en plus à l’intérieur du palais et jamais ses pas ne ralentirent ou ne témoignèrent de la moindre hésitation. Attrapant un serviteur au passage, elle lui murmura d’apporter leur meilleure bouteille de sang à la « Salle Bleue » puis reprit sa marche en jetant parfois des coups d’œil à son invitée. Elle refusa toutefois de lui donner le moindre indice sur leur destination ou de ce qui semblait lui trotter derrière la tête !

Finalement, sa ballade s’arrêta dans un couloir sans fenêtres, probablement au second ou au troisième étage du Palais. Face deux portes en bois gravé d’un immense arbre, les fruits étaient des livres et dans les racines se cachaient des parchemins et des plumiers. Les courbes et entrelacs étaient enluminés d’or et plusieurs étoiles de pierres bleues formaient un arc au dessus de l’arbre. Avec un large sourire, la jeune fille confia son verre entre les mains de son amie et attrapa les doubles poignées de la porte afin de l’ouvrir théâtralement et révéler par la même occasion une sublime bibliothèque de deux étages. Le seuil donnait sur une mezzanine avec bureaux d’études et cartes murales de l’ancien continent ainsi que de l’Archipel. Deux escaliers en colimaçon descendaient sur une vaste pièce avec une cheminée, d’autres larges tables de lecture et même quelques ateliers de copiste. Les murs, du sol au plafond, étaient couverts d’ouvrages. Un rire échappa à sa gorge et l’adolescente entra d’un pas dansant, tournoya sur elle-même avec une évidente fierté, puis sembla retrouver un peu de calme et invita le vampire à entrer à son tour.

« - Allons… ? Nous n’avons jamais interdit l’usage d’aide extérieure pour étayer nos hypothèses et théories ! »

Elle lui fit un clin d’œil avant de l’approcher et de récupérer son verre. L’air faussement innocente, elle bu une gorgée qui visait surtout à dissimuler son sourire narquois et quand elle se tourna pour approcher des escaliers, elle reprit d’un ton pensif :

« - Alors… mes deux questions. »

Amusée, elle avait bien insisté sur le nombre qu’elle s’était arbitrairement adjugé. Elle commença à descendre les marches, laissant une main caresser la rampe cirée.

« - Vous parliez de votre âge… j’aimerai savoir depuis combien d’année le cygne coiffe-t-il votre demeure ! Ensuite, y’avait-il autre chose avant que ce ne soit le cygne ? »

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Sous les airs ingénues que se donnait sa douce inconnue, Toryné sentait quelques effluves de malices qui se montrait de manière succincte. Sûrement, pensait-elle déjà pouvoir obtenir la victoire, après tout, elle avait déjà trouvé l’emblème qui représentait sa famille, elle avait découvert sa race d’appartenance, elle était à la fois si proche, mais potentiellement si loin de deviner son identité. Le vampire avait un puissant atout pour leurrer la Jouvencelle, si elle cherchait des femmes, alors jamais elle ne pourrait deviner qu’il était, car malgré les apparences et les comportements, physiologiquement, Toryné restait un homme. Comment réagirait-elle si elle le découvrait durant la soirée ? Serait-elle choquée, en colère, outrée ? Apprendre qu’il faisait parti du peuple de la nuit ne semblait pas avoir créé chez elle un sentiment de peur ou de rejet, bien au contraire, était-ce là une certaine excitation que l’androgyne percevait ?

Cependant, le mieux restait à venir. En effet, sa “douce inconnue” semblait ne plus être une inconnue. Lorsque ses lèvres laissèrent s’échapper ce fameux nom “Kohan”, il y eu comme une cassure dans la posture de sa proie. La jeune “fille” se figea dans le décor pendant un bref instant, même son cœur sembla rater un battement. Un sourire provocateur et satisfait se dessina lentement sur son visage, à mesure que ce dernier se penchait sur le côté. Il n’avait pas dit le fond de sa pensée, qu’il pensait que l’étrangère qui lui faisait face était en vérité Nolan Kohan, ayant utilisé les subterfuges du méli-mélo ou bien de la magie pour prendre l’apparence d’une jeune fille, loin de se douter de son erreur, après tout, ce n’était pas son “tour”.

Comme pour souligner ce fait, son adversaire se leva subitement, sortant de sa sidération. D’un battement d’aile, elle se rapprocha de lui, posant un doigt gracile sur ses lèvres rouges, le tout accompagné d’un “Shhh”. Son regard était d’abord animé une brève colère, mais très vite remplacé par un air espiègle, élargissant le sourire de l’androgyne. Elle n’avait guère peur d’une telle proximité avec le vampire et Toryné en savourait chaque petit élément. Il s’enivrait d’un parfum de la jeune fille, de cette peau douce qui touchait ses lèvres… S’il avait été un jeune vampire, il n’aurait pas résisté, il aurait mordu cet index. Mais il était un être raffiné, il n’avait pas envie d’abîmer ce joyau dans une pulsion digne d’une bête, comme dit, la frustration faisait partie du plaisir, alors il se contentait de sentir le sang de l’humaine sous cette peau tiède et d’en fantasmer le goût. Il dut faire d’énorme effort pour soutenir ce regard bleuté, car le sien voulait s’abandonner à la concupiscence non-dissimulée et dévorer le corps juvénile qui le surplombait.

Dans un murmure, la source de son sombre désir vint avec amusement s’octroyer un bonus pour sa tricherie. “À votre aise” Répondit-il tout aussi bas, il ne craignait pas de voir sa rivale en devinette se donner l’opportunité d’une double question, cependant un risque demeurait. Si la jeune fille s’avérait bien être l’empereur sous un quelconque artifice, alors elle pouvait gagner, tous deux s’étant déjà rencontré. Il aimait ce goût du risque, même s’il perdait, c’était comme s’il avait gagné désormais, le malicieux imaginait déjà quel genre de conversation tout deux auraient une fois les masques tombés, cela serait des plus délectables.

Kohan, ensuite, se redressa, retirant cette friandise de ses lèvres et quittant cette proximité enivrante. Cependant, le spectacle qu’elle venait d’offrir à ses yeux ne s’arrêtait pas là. Des mouvements gracieux et délicat qui ne semblaient pas être issu d’un quelconque automatisme, non, elle voulait sa gestuelle aussi gracile. Son regard faussement courroucé l'amusait, il avait presque envie d’applaudir la performance de la Jouvencelle !

Puis cette dernière s’éloigna, semblant partir de leur petit nid d’intimité. Une légère panique prit possession du cygne. Elle ne pouvait pas partir maintenant ! Le jeu n’était pas terminé, il devait absolument avoir la certitude totale de qui elle était, que cette rencontre ne serait pas la seule !

Et bien ? Le jeu ne va pas se poursuivre tout seul !


Soulagé, le vampire se leva et emboîtant le pas de sa proie. Il suivait la cadence de cette dernière, gardant une distance raisonnable. Ses pas étaient légers, la pointe de ses talons ne s’enfonçant que très légèrement dans l’épaisse tapisserie au sol. Toryné n’adressa aucun regard aux gardes de faction qui eux l’observaient avec attention sur son passage. Il était bien trop occupé à suivre les rebonds que la chevelure blonde faisait à chaque pas. Tout deux s’enfoncèrent dans le palais, sa jeune comparse ne s’arrêta pas un seul instant, sauf pour interpeller une servante dont sa demande resta inconnue du vampire, et cela, malgré ses sens plus aiguisé que les mortels.

Finalement ils arrivèrent devant deux portes en bois gravés d’un arbre dont les fruits étaient des… "Ah", lui échappa, alors qu’il comprenait le plan de la jeune fille, n’était-ce pas là de la triche ? Alors qu’elle lui confia son verre, entrant triomphante dans la salle qui représentait son atout, Toryné resta un moment à l’extérieur de la pièce, se mordant la lèvre inférieure. Il n’avait nullement prévu cela, était-ce là sa manière de se venger après qu’il ait découvert son appartenance à la famille impériale ? En plus de s’auto-attribuer deux questions, la punition était sévère.

Alors qu’elle l’invitait à entrer, elle lui rappela la faille de son petit jeu, jamais une règle interdisant l’aide extérieur n’avait été énoncé, il ne pouvait que s’incliner devant l’abus qu’elle employait, lui-même aurait très certainement fait de même. En revanche, il ne se laisserait pas faire, oh que non le cygne blanc ne s’avouerait pas vaincu aussi facilement. Elle s’approcha de lui pour récupérer son verre, accompagné d’un petit clin d’œil venant galvanisé son orgueil.

-Posez donc vos questions ma chère, voyons si vous pouvez deviner qui je suis ! Alors qu’elle buvait sa petite gorgée de vin, son visage s’approcha du sien, ses deux ambres fixant les deux saphirs.

Il écouta les deux questions attentivement, elles étaient intelligentes et bien choisis. Toryné laissa un léger ricanement sortir de sa bouche, il ferma les yeux et marcha d’un pas lent dans la pièce.

-Le Cygne… hum… Il habille ma demeure depuis… voilà bientôt 4 ans je dirais. Il rouvrit les yeux et fixa ceux de l’adolescente. Avant il n’y avait rien, pas d’armoiries, juste les ténèbres.

La famille Dalis existait en vérité que depuis son ascension au rang de conseiller, à ce moment-là Toryné avait choisi le cygne noir comme emblème et avait affirmer la famille Dalis comme entité. Avant cela, la famille Dalis n’était pas connue, il s’agit plus de vampire nomade qui suivait comme un cortège de pantins, sa mère Théodora, il n’y avait aucune noblesse chez cette “branche” de la famille, juste sa mère et possiblement son premier fils Teren… Ce souvenir ne l’enchanta guère, le souvenir douloureux de son ancienne famille ne le quittait pas, tout aurait pu se finir il y a quelques mois, Toryné avait retrouvé la trace de sa marâtre sur les terres Séléniennes, mais Keetech lui avait forcé pour qu’il se mette en chasse d’une autre personne, laissant le temps à la Dalis nomade de le semer une nouvelle fois, cette histoire aurait-elle un jour une fin ?

-J’ai fondé ma famille, rajouta-t-il d’un ton assez neutre, son regard s’était détaché de son interlocutrice pour se perdre sur les différents ouvrages que possédait l’impressionnante bibliothèque. En y repensant, sa famille était, hélas, bien petite. Lui et deux filles, la première l’avait trahi, la seconde était une jeune humaine dont il ne savait même pas quand il pourrait la revoir… Il pouvait encore mordre bien sûr, mais qu'elle garantit avait-il que le même scénario ne se reproduise pas ? J’ai fondé ma famille, rajouta-t-il d’un ton assez neutre, son regard s’était détaché de son interlocutrice pour se perdre sur les différents ouvrages que possédait l’impressionnante bibliothèque. Avait-il le temps pour ce genre de soirée frivole en fin de compte ? Les paroles du cygne noir lui revinrent à l’esprit comme un coup de massue… Il aurait dû aller voir ce forgeron et ensuite repartir immédiatement pour Aerthia, il n’avait pas le temps…

D’un mouvement sec, il rouvrit son éventail, l’agitant frénétiquement, comme pour balayer les sentiments obscurs qui venaient l’assaillir. Cette soirée était pour le moment des plus distrayante, il était trop tard pour regretter et il n’avait aucune raison de regretter, après tout n’avait-il pas envoyé une servante se renseigner sur une église de la rose ardente pour ses projets avec Dame Kalyna? N’allait-il pas dès demain récupérer un possible atout pour son retour au pays ? Il était un être immortel, dont le temps ne pouvait rien contre lui, bien sûr qu’il avait le temps, il l’aurait toujours !

-Alors, avez-vous une hypothèse à faire très chère ? Dit-il avec un dynamisme retrouvé et un sourire de nouveau éclatant. La fin approche n’est-ce pas, bientôt ces masques ne pourront plus rien cacher de nous deux… Mais qui sera le premier démasqué ?

Pour la maladie :

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Elle eut la satisfaction mesquine de voir l’autre perdre de son assurance lorsque l’identité du lieu se révéla. Très fière du coup qu’elle venait de porter à son adversaire en punition pour son petit écart de tantôt, elle descendait donc les marches d’un pas aussi léger que victorieux. Elle avait toutefois encore l’impression de sentir les ambres chauds du vampire sur sa peau et ne pu réprimer un léger frisson alors qu’elle sautait, gracile, les dernières marches pour atteindre la pièce centrale de la bibliothèque. Cette dernière n’avait rien de comparable à celle du Palais au cœur de Sélénia, mais elle n’avait pas non plus à rougir. Nombre des ouvrages présents étaient des copies de ceux que l’on retrouvait dans la principale, mais il y avait aussi quelques pièces originales et c’était bien ces livres en particuliers qu’elle recherchait.

La réponse qu’on lui donna fit grimacer l’adolescente qui voyait ses chances de réussite diminuer drastiquement. Que ce soit en raison des guerres précédentes, des Chimères ou bien de l’exode ; toutes les races avaient perdu une somme colossale d’héritage culturel. Le plus durement frappé était le peuple elfique, mais les humains n’étaient pas en reste ! Heureusement, la mémoire des hommes était longue et la récupération du savoir, si elle était une tâche colossale, n’effrayait pas les nombreux érudits de l’Empire. Toutefois, avec les différents conflits et les catastrophes survenues les uns après les autres depuis leur arrivée sur l’Archipel ; la reconstitution historique avait pris du plombs dans l’aile. A plus forte raison si l’on se penchait sur l’histoire vampirique, aussi sombre et tumultueuse que son peuple.

L’adolescente ne désespérait toutefois pas encore. Avec un peu de chance, un féru du peuple nocturne avait rédigé quelque chose, quelque part et elle mettrait la main dessus pour gagner ce petit jeu d’énigmes ! Posant le verre sur le bord d’une table proche de la cheminée, elle alla ensuite s’assurer d’être dans la bonne section avant de tirer l’une des nombreuses échelles sur rails qui quadrillaient chaque étagère. D’une main, elle ramassa le bas de sa robe afin de ne pas se prendre les pieds dedans et, par la même occasion, révéla ses chevilles délicates à l’ombre d’un pli retroussé. Elle grimpa d’une échelle à l’autre, fureta quelques longues minutes en silence afin de garder sa concentration. Plus d’une fois elle usa du sort de télékinésie pour attirer, survoler et replacer plusieurs ouvrages à la fois dans une danse délicate de couvertures de bois, de cuirs et de tissus colorés.

Enfin, elle arrêta son choix sur une pile conséquente qu’elle déposa près de son verre, puis descendit de son perchoir afin de rejoindre le banc de sa prochaine étude. Avisant le vampire, elle lui fit un sourire et l’invita à la rejoindre alors que le serviteur croisé plus tôt dans le couloir arrivait avec un plateau. Sur ce dernier reposait une coupe de cristal finement ciselée de motifs floraux en compagnie d’une bouteille ouverte aux parfums de sang riche et alcoolisé, raffinée dans la meilleure fabrique que le Commerce Écarlate pouvait produire. Il y avait aussi quelques fruits frais et petites brioches pour l’adolescente, ainsi qu’un nouveau verre de vin sucré à la robe de miel pâle. Satisfaite, la jeune fille remercia le serviteur et le congédia sans lui porter le moindre regard, car déjà elle survolait l’appendice du premier livre.

Malgré son étude assidue, elle ne pouvait pas délaisser son invité et décida donc de mêler l’utile à l’agréable : lorsqu’un sujet qui l’intriguait sur le peuple vampirique se révélait à son attention, elle n’hésitait pas à faire participer le cygne en lui posant quelques questions. Forte de son éducation et de sa propre intelligence, elle faisait habilement rebondir la conversation d’un sujet à un autre, laissant quelques silences s’instaurer pour le repos de leur esprit comme de leur langue, mais elle reprenait toujours avant que l’ennuie ne devienne une gêne qui pourrait gâcher cette rencontre. Attentive, elle veillait à ne pas s’alourdir sur des sujets qui semblaient ennuyer ou refroidir son interlocutrice et, bien sûr, n’hésita pas à la relancer sur ceux qui l’intéressaient tout particulièrement. Ses avis étaient incisifs, parfois un peu trop candides ce qui trahissait son jeune âge et une vision trop protégée du monde qui l'entourait, mais elle s’efforçait de plaire et par dessus tout ; d'apprendre. Une heure passa ainsi, semblable à un battement d’ailes, puis le dernier de ses livres referma sa couverture sur elle sans jamais avoir transpiré la moindre information.

« - Ce n’est pas juste… Je ne trouve absolument rien de récent sur votre peuple ! »

De frustration, elle poussa l’énorme ouvrage le plus loin possible d’elle sur l’immense table cirée et croisa les bras alors que ses joues se gonflaient légèrement sur un soupir qu’elle n’osait encore relâcher de peur de paraître disgracieuse. Sa moue boudeuse, ainsi froissée sur un si joli minois, soulignait combien ses traits étaient encore candides, après tout elle n’entrait qu’en son quinzième anniversaire. Du bout de son soulier droit, elle tapotait le sol en une rythmique agacée et quand elle fut incapable de tenir plus longtemps son silence boudeur, se fut un regard tiède qu’elle glissa vers sa compagne de jeu et elle l’observa longuement entre ses longs cils. Elle détestait avoir à le dire de vive voix, mais l’autre ne semblait pas décidée à lui accorder la grâce d’une aide quelconque. Soufflant par le nez avec un petit « hum » vexé, la jeune fille détourna la tête ostensiblement et finit par dé-serrer les mâchoires pour souffler avec réluctance :

« - Je suis tout simplement incapable de trouver la réponse… par conséquent... »

Elle pinça la pulpe rosée de sa lèvre inférieure d’un petit coup de dents frustré alors qu’elle murmurait avec davantage de déplaisir :

« - Par conséquent, je déclare forfait. »

Ses sourcils se tressaillirent et ses joues se rosirent d’embarras, mais fort heureusement pour elle ; le masque qu’elle portait cacha tous ces infimes détails qui la trahissaient plus sûrement encore que les battements de son petit cœur. Elle détestait perdre, mais avait davantage en horreur le fait de poursuivre un combat perdu d’avance par simple obstination et orgueil. Contrairement à ce que les rumeurs voulaient bien faire croire, elle n’était pas une enfant bornée et capricieuse… enfin, pas toujours. Songeuse, elle se redressa pour saisir le pied de son verre et l’attira à elle pour en boire une petite gorgée. Elle laissa l’alcool caresser sa langue, chauffer son palais avant de couler en sa gorge et y déployer toute sa robe sucrée. Lorsqu’elle eut fini de savourer, s’étant gagné quelques secondes supplémentaires pour organiser sa dernière offensive, l’adolescente tenta le tout pour le tout :

« - Et comme je n’aurais plus de questions à vous poser ou de tour à jouer, cela implique que vous avez vous-même qu’une seule question et qu’une seule hypothèse à me fournir avant que le jeu ne s’arrête pour vous aussi. Si vous échouez, nous aurons alors un ex æquo. On est d’accord ? »

Elle se leva et contourna la table pour se rapprocher du vampire. A mesure qu’elle comblait la distance entre eux, elle relevait la tête pour ne jamais rompre le contact visuel. Lorsqu’elle ne fut qu’à un pas, la jeune fille prit appuis sur le bord de la haute table massive et se hissa sur son bord afin de s’asseoir. Chevilles croisées, elle balança ses pieds dans le vide afin de faire ondoyer sa robe en un flot foisonnant. Mains posées de part et d’autre de ses hanches, elle pencha la tête sur le côté et laissa un beau et innocent sourire fleurir sur le bouton rosé qu’était ses lèvres. Battant de ses longs cils, elle murmura sur la confidence :

« - Si cela arrivait alors nous pourrions régler la question en s’ôtant mutuellement nos masques… ou alors nous décidons de garder nos secrets avec nous pour le reste de cette délicieuse soirée ? »

Elle tendit une main pour effleurer les plumes qui encadraient le visage androgyne de son interlocutrice et se mordilla encore la lèvre inférieure, hésitante alors qu’elle ne cachait pas la tiédeur dans sa voix à cette perspective.

« - Même si la seconde option est bien plus romanesque… je serais chagrinée de ne pas connaître votre nom. J’aimerai tellement pouvoir conserver un lien avec un membre de la noblesse vampirique. »

La jeune fille ne comprenait pas pourquoi l’on mettait ainsi à l’écart ce peuple de la nuit. Certes il avait causé beaucoup de mal et était prompte à la trahison… mais était-ce réellement tout ce qu’il y avait à en dire ? Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait bien plus, seulement les livres d’histoires n’étaient écris que par les vainqueurs. Si elle pouvait tisser un lien, diplomatique ou non, avec le Royaume vampirique… peut-être que l’Empire y gagnerait quelque chose sur le long terme. Peut-être que elle, elle y gagnerait quelque chose en plus des réponses qu’elle se posait. Dans un sursaut, l’adolescente réalisa que sa main continuait de papillonner dans le plumage du masque et avec une excuse murmurée dans un souffle, elle fit mine de rétracter son bras.

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Elle l’avait surpris avec cette mesquine idée, il n’aurait pas pensé une seule seconde que son adversaire pourrait user des archives du palais pour arriver à ses fins. Cependant, très vite, le vampire reprit confiance, comme il venait de le dire, la famille Dalis, en tant que tel, était très jeune, coupler cela avec tout ce qui avait été perdu depuis l’exode des peuples, il y avait peu de chance pour qu’il y ait des traces de sa famille dans les archives de l’empire.

Sans rien dire, il laissa la jeune masquée choisir avec précaution les ouvrages qui étaient censés l’aider à gagner le jeu. C’était une importante pile qu’elle ramenait, l’excitation du doute quant à sa défaite lui plaisait, c’était l’ultime manche, il le sentait, Kohan contre Dalis, qui gagnerait ? L’adolescente se posa sur un banc, l’invitant à la rejoindre d’un gracieux sourire, le vampire s’empressa de s'asseoir à ses côtés. Au même moment, la servante croisée quelque instant plus tôt rentra dans la pièce, avec elle une sublime coupe de cristal et une bouteille contenant un liquide rouge, dont Toryné devina aisément le contenu, du sang alcoolisé. Un grand sourire et un regard pétillant se portèrent tout deux sur la bouteille, délicatement, il s’en servit un verre, avant de porter ce dernier à ses narines pour en savourer tous les effluves.

-Vous êtes décidément une bonne hôte ma chère, dit-il avant de savourer une première gorgée du présent qu’on lui faisait. Le sang était de très bonne qualité, frais et doux en bouche. L’alcool venait lui chatouiller le palais, le moelleux était tout bonnement parfait. Ce genre de bouteille coûtait une petite fortune, lui-même ne sortait ce genre de crue vampirique que pour de grandes occasions. S’il avait encore eu des doutes sur l’appartenance de l’inconnue à la famille impérial, sa boisson aurait fini de le convaincre.

En revanche, d’autre doute vinrent l’assaillir. Toryné était persuadé qu’il s’agissait de nul autre que l’empereur qui lui faisait face, usant d’une potion de méli-mélo ou bien de magie pour prendre une apparence plus féminine, cependant était-ce vraiment le cas ? Ce qui vint lui créer se doute grandissant fut d’abord sur le physique. Alors que la Jouvencelle feuilletait les différents ouvrages qu’elle avait emportés, le mettant à contribution par moment lorsque certaines questions lui venaient à l’esprit, lui l’observait. L’attention était purement lubrique, Toryné la dévorait du regard alors que cette dernière avait le sien occupé dans la paperasse, mais petit à petit certaine chose l'interrogeait. Elle était jeune, très jeune, certes l’empereur aussi était jeune, mais n’était pas aussi juvénile. Il avait rencontré l’empereur et il avait été saisi par la beauté du jeune homme, suffisamment pour avoir gardé une image assez clair de lui dans son esprit. Le méli-mélo n’altérait que le sexe de l’individu, alors… si s’agissait de Nolan, ne devrait-elle pas être un peu plus mature physiquement ? Ou alors il s’agissait là de magie et non méli-mélo.

Un autre point venait le faire douter, était la conversation qu’il avait. Si son interlocutrice montrait un esprit vif et savait rebondir sur ses paroles, il pouvait observer une certaine naïveté sur les siens par moment. Certes, les vampires n’étaient pas un peuple facile d’accès, au mieux ils étaient méfiant envers les autres races et ne s’ouvraient pas sur leur coutume et tradition. Cependant, Nolan avait été relativement proche de l’ancien prince Keziah Soen et été déjà venu à Dureroc l’ancienne capitale du royaume… Surestimait-il les connaissances que devraient avoir l’empereur sur les enfants de la nuit ou bien avait-il juste de douter ? Son hypothèse devenait de moins en moins certaine, mais il n’y avait pas d’autre solution… Il était le seul Kohan qui pouvait être présent ici !

Puis elle abandonna, fermant le dernier livre de la pile, déclarent forfait visiblement à contre-coeur. Il avait eu le temps de siroter quelque verre d’alcool durant ce temps, par chance les vampires avaient une constitution robuste, si bien qu’il ne serait pas ivre avant de nombreux verres, Toryné était d’autant plus très résistant à l’alcool. La perdante, allait-elle donc retirer son masque après ce forfait ? Oh que non, elle n’en avait pas fini, bien au contraire, encore une fois elle vint modifier les règles de ce jeu bien trop flexible. Étant donné qu’elle avait déclaré forfait, il n’aurait plus qu’une dernière question et une dernière hypothèse à émettre désormais, cela ne l’arrangeait pas, lui qui était en proie à de multiples doutes… Il allait devoir choisir sa dernière question avec parcimonie.  

-À votre aise très chère...

Assise en face de lui, sur l’immense table, elle gardait le contact visuel avec lui, qui était-elle bon sang ? Elle aussi semblait avoir à cœur de connaître son identité, exprimant le fait qu’elle souhaiterait conserver un lien avec la noblesse vampirique. Alors que de ses fins doigts, elle jouait avec les plumes de son masque, Toryné s’attardait psychiquement sur le terme “conserver”, que voulait-elle dire par là ? Conserver dans le sens de ne pas perdre ? Comme Nolan avait perdu son ami Keziah quelques mois plus tôt ? Où bien conserver dans le sens plus simple, celui de tout simplement “avoir”... Il y avait également sa tirade au début de leur conversation, dans laquelle elle lui demandait comment il pouvait avoir la certitude qu’au deuxième coup de minuit, elle ne se transformerait pas en monstre ? Une référence au fait qu'elle n’était pas véritablement une femme ? Si le peuple apprenait que l’empereur revêtait l’apparence d’une femme, alors oui, il pouvait comprendre le “monstre”, les Hommes étaient encore bien intolérant sur de nombreux points sociaux… mais cela n’était qu’une énième interprétation... Il ne savait pas, il doutait bien trop, il devait arrêter de ressasser les indices qu’il avait, la prochaine question… oui, s’il posait la bonne question, alors il pourrait gagner ce petit jeu.

La première qui lui vint à l’esprit fut de demander si en dehors de son masque, la magie l’aidait-elle à dissimuler son apparence véritable, si l’âge coïncidait avec celui de l’empereur, alors il aurait très certainement sa réponse. Cependant, il se ravisa, si l’âge ne correspondait pas, alors il certifierait juste qui elle n’était pas et pas qui elle était… Elle était forcément un Kohan, sa réaction tantôt le confirmait, mais elle ne pouvait pas être Luna Kohan, qui était bien trop âgée, à moins encore une fois qu’un quelconque procédé magique soit à l’œuvre, mais il ne voyait guère de raison pour que la dragonnière face cela… Ensuite, il y avait Nolan Kohan, certes un homme, mais dont l’apparence physique empêchant l’hypothèse du méli-mélo, la magie semblait alors la seule solution, mais pourquoi se rajeunir ainsi ? Pour être sûr de ne pas être reconnu ? Cela semblait tirer par les cheveux… Enfin, il y avait Victoria Kohan, plus jeune des Kohan, sur le physique cela coïncidait, mais elle était présente à la fête, il l’avait croisé entouré d’une foule de personne… Ah moins que…

Le vampire avait cherché toutes les possibilités magiques pour changer ou dissimuler son identité, mais dans de telles festivités, cela n’était pas nécessaire, le masque faisait tout le travail. N’avait-elle pas dit qu’il suffirait d’enlever mutuellement leur masque pour régler la question en cas d’ex-aequo ? Cette phrase ne semblait pas laisser place à un quelconque symbolisme, elle parlait bien des masques que tous deux portaient ! Cela voudrait donc dire que la jeune fille que son hôte avait suivi toute la soirée n’était qu’un leurre ? Une machination plus que comique si cela s’avérait exact… Mais cela ne tenait que du “possible” et non pas de la certitude, finalement ses deux hypothèses pouvaient s’avérer exact, la première était plus extravagante, la seconde plus sournoise… mais il savait la question qu’il allait devoir poser !

-Quel âge avez-vous ? Il se releva, prenant délicatement la main qui jouait quelques secondes plus tôt avec les plumes de son masque, comme pour d'aider à se relever.  Son autre main était derrière son dos,  prête à tout moment à venir retirer le masque qui cachait son identité. Il était très proche d’elle désormais, suffisamment pour sentir son souffle. Cette question serait la bonne, l’âge lui confirmerait l’une de ses hypothèses, Nolan ou sa jeune sœur, c’était forcément l’un des deux. Souriant, encore une fois, le contact visuel était gardé, Toryné ne clignait pas d’un œil en attendant sa réponse, presque totalement immobile comme une statue. “Répondez-moi, que nous puissions retirer ces masques étouffant une fois pour toute” rajouta-t-il dans un long murmure. Victoire ou défaite, il aurait au moins sa réponse, mais le cygne blanc ne comptait pas perdre.

“15 ans"
Dit-elle d’une petite voix.

“Oh” Répondit-il d’un ton faussement surpris. Il souleva la main qu’il tenait et la porta à ses lèvres, la baisant délicatement. “C’est un honneur Princesse Victoria Kohan”. Son sourire était triomphant, mais sa voix ne laissait entrevoir aucune prétention, elle était douce et chaleureuse. Il lâcha délicatement la main de la princesse, la déposant sur ses genoux, il fit ensuite un pas en arrière, faisant claquer le talon de sa chaussure.

-J’ai gagné, n’est-ce pas ? Il n’attendait presque pas la réponse de l’intéressé, car au fond de lui, il savait qu’il avait vu juste, si sa partenaire avait été honnête du début jusqu’à la fin, il n’y avait aucun doute. Cependant, il attendit que cela sorte des fines lèvres de la jeune Kohan. Il passa doucement l’une de ses mains dans les plumes de masque, d’une manière similaire à ce qu’elle faisait quelques instants plus tôt. Ce fut bref, mais l’invitation était là, il attendait également qu’elle bien retirer son masque.

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Une seule question. Une seule hypothèse à formuler. Il existait encore une chance, aussi infime soit-elle, que le jeu lui soit gagné… mais à mesure que le vampire s’approchait, à mesure que ses yeux d’ambre engloutissaient sa fine silhouette de leur vif intérêt, la jeune fille avait presque peur. Bientôt son souffle caressa un visage masqué sans jamais recevoir le moindre retour, puisque toute vie échappait à ce corps. Ce corps qui effleurait le sien en disgraciant un nombre effarant de code d’étiquette, ce corps qui ne lui semblait plus tout à fait féminin sans toutefois être jamais totalement masculin. Un trouble la gagna et dilua dans ses grands iris bleu une teinte d’inquiétude. A présent que sa main gracile se perchait dans celle de l’inconnue à la façon d’un moineau sur une branche et qu’elle sentait sous ses doigts la peau froide et morte semblable à un marbre souple, elle éprouvait encore plus d’interrogations. Son cœur palpita et sa peau se couvrit d’un léger frisson. Il n’y avait toutefois aucune menace de la part de sa compagne de jeu, mais à elle toute seule seule sa condition de vampire suffisait à diluer dans l’ambiance une aura de prédation latente, affolant instinctivement l’adolescente.

« - Quinze ans. »

Murmura-t-elle d’une petite voix presque boudeuse, mais surtout résignée alors qu’elle savait que la réponse, aussi simple et triviale semblait-elle, la confondrait définitivement dans ce jeu qu’elle perdait avec tant de naïveté. Un instant, elle sembla oublier toutes ses inquiétudes, mais le baise-main raviva ses sentiments et elle avala un souffle, déstabilisée, tandis que ses pommettes se coloraient et que ses longs cils papillonnaient d’une confusion née de la surprise et du plaisir. Ce fut ensuite au tour de la culpabilité de prendre place et la jeune demoiselle laissa sa main retomber sur sa cuisse sans pour autant détourner une seule fois son regard de l’inconnue. Aucune femme ne l’aurait salué ainsi ! Le trouble gagna davantage encore ses traits gracieux et vint approfondir l’éclat céruléen de ses prunelles toujours grandes ouvertes. Le sourire de la créature, aussi éblouissant soit-il, révélait surtout ses canines et la jeune fille ne parvenait pas à l’ignorer. Captivée, elle mit quelques secondes à se ressaisir et porta enfin une main sur la bordure de son masque. Ses propres lèvres s’étirèrent d’un sourire doux-amer, laissant entrevoir le nacre de sa dentition avant qu’elle ne soupir et ne fasse courir ses doigts graciles dans les plumes mouchetées de la couronne. Son masque de porcelaine était retenu d’un large ruban de soie, lui-même habilement dissimulé dans son ample chevelure, parmi les autres rubans et perles enfilées.

« - Vous avez effectivement gagné… n’êtes vous point déçue du résultat ? Vous sembliez espérer quelque chose – ou quelqu’un – de plus romanesque dans ses intentions, voire ses petits secrets. »

Elle leva une seconde main afin de saisir le bas de son masque de sorte qu’il ne se brise pas en tombant. Elle glissa un pouce sous le bord qui couvrait une tempe, ferma les yeux pour se concentrer uniquement sur le sens du toucher et lorsque sa dextre trouva enfin le nœud de soie, elle tira dessus. Malheureusement, alors qu’elle retirait sa main, ses doigts s’accrochèrent dans les attaches de la couronne et tandis que le masque tombait sur ses cuisses, ce fut une véritable cascade de plumes légères et duveteuses, blanches et noires, qui virevoltèrent autour d’un visage juvénile bien que déjà frappé d’une grande beauté. Les cheveux, aux lourdes boucles enfin libérées, cascadèrent sur les épaules et quelques mèches vinrent traverser le minois à la peau de pêche et à la douceur du velours, fendant par la même occasion le bleu outrancier des yeux pleinement révélés. Le duvet s’accrocha dans les rebonds couleur de miel, glissèrent sur les cuisses et la gorge pour y rester, accrochées aux dentelles de la robe, frémissantes comme la gorge de l’adolescente qui se sentait soudainement vulnérable. Presque mise à nue.

« - Bonsoir ? »

Souffla-t-elle avec l’ombre d’un frêle sourire. Aucun ne bougeait à présent alors qu’elle était assise sur le bord de cette table, douchée de plumes et de perles, de dentelles et de mousselines blanches et virginales. Personne ne parlait alors que le vampire restait debout face à elle, dans sa robe de sang, d’argent et de voiles, encore parée de son masque, symbole de mystère et d’une insolente victoire. La princesse émergea enfin de sa légère torpeur et s’arracha au regard magnétique d’ambre afin de tendre les mains vers la silhouette qui lui faisait face. Elle l’appela silencieusement à se pencher, à venir à sa hauteur afin qu’elle puisse, comme un lot de consolation pour la perdante, ôter le cygne. Ses doigts effleurèrent les joues pâles en une caresse furtive, glissèrent dans les mèches immaculées et en savourèrent la texture riche. Les ongles frôlèrent une nuque gracile avant de remonter à la recherche des attaches habilement dissimulées. Le souffle de Victoria s’échouait dans les plumes de l’apparat et ses mèches chatouillaient les lèvres du vampire ainsi penché au dessus d’elle. Il pouvait voir sa gorge se soulever au rythme de son souffle, sentir les milles parfums qui l’habillaient. Était-ce au final sa récompense ? L’adolescente lutta quelques instant dans sa recherche, puis parvint à délivrer le visage de sa compagne de l’oiseau royal.

« - … Bonsoir. »

Répéta-t-elle alors qu’elle tournait la tête pour l’observer. Leur nez s’effleurèrent et elles se retrouvèrent si proches que tel un ressac, le souffle de l’adolescente semblait venir des lèvres même du vampire. Son cœur palpita encore, ses pupilles se dilatèrent et ses doigts tremblèrent contre les bords du masque blanc. La beauté et le charisme du vampire lui venaient de plein fouet. Il lui était impossible de déterminer s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Sa mise suggérait le second choix, mais quelque chose clochait. Un sentiment indéfinissable… captivant, mais aussi terriblement intimidant. La gorge soudain sèche, Victoria détourna la tête et vint poser le masque subtilisé par dessus son visage dans l’espoir de cacher son trouble.

« - Me direz-vous votre nom même si je suis la perdante ? »

Elle tentait de retrouver son calme et maintenait à deux mains le masque à quelques millimètres de son visage, n’osant l’apposer totalement sur sa peau brûlante. L’idée de boire une gorgée de vin pour se donner contenance lui effleura l’esprit, mais elle trouvait avoir déjà bien assez bu pour la soirée et regretta alors de ne pas avoir commandé une carafe d’eau tantôt. Son regard s’égarait sur les rangées de livres, le feu de cheminée et les tables.

« - Quel dommage que nous n’ayons pas joué un gage, n’est-ce pas ? Quel aurait été le votre si ça avait été le cas ? »

Se sentant à nouveau calme, elle abaissa le masque et le déposa délicatement sur la table, près d’elle. Elle arborait un petit sourire taquin, très contente au fond de n’avoir absolument rien gagé à présent qu’elle était la perdante ! Une fois fait, elle commença à cueillir les plumes et duvets qui la recouvraient pour les poser, à leur tour, sur la surface boisée. Dans les replis de sa robe, ses pieds reprirent leur balancement.

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La victoire lui appartenait ! Il avait finalement vu juste, il s’agissait bien de la jeune princesse Victoria Kohan. Toryné éprouvait une satisfaction démesuré quant à son triomphe, tel un seigneur de guerre qui viendrait d’achever le long siège d’une forteresse, il avait envie de se pavaner et de célébrer le succès de son intelligence ! Cependant, il n’en fit rien, un tel comportement extravagant pour sa victoire n’aurait pour effet que de renfrogner la jeune princesse et de le présenter comme un mauvais gagnant. Non, il se montrerait sobre et distingué, après tout il n’était pas devant n’importe qui, il s’agissait de la princesse d’un empire !

-Je ne suis nullement déçu princesse, seul un fou oserait se plaindre de se découvrir en votre compagnie. Je dois cependant avouer que mon esprit à virevolter à travers moult hypothèse saugrenue… Pouvait-il seulement oser en parler ? Avoir pensé qu’elle ait pu être en vérité son frère aîné sur les subterfuges d’une potion de méli-mélo… Si cela pouvait prêter à rire, cela pouvait également se montrer très insultant envers la couronne, ainsi le Cygne Blanc préféra taire ce détail, peut-être à l’avenir s’il parvenait à créer une relation amicale avec Victoria, alors là, il pourrait lui faire part de ce qu’avait été cette grotesque hypothèse. “Je dois également admettre que votre leurre a bien failli m’induire en erreur” Rajouta-t-il cependant. Il se demandait qui pouvait bien avoir le privilège d’incarner le rôle de la princesse au cours de cette délicieuse soirée, mais il n’eut pas le temps de poser la question, déjà la princesse retirait son masque et de cela Toryné ne voulait pas en manquer la moindre parcelle de miette.

Délicatement, Victoria s’attela à retirer son masque afin de révéler son visage, récompense tant attendue et espérée pour l’androgyne. Tel un amateur d’art, il était impatient de découvrir les traits gracieux typiques de la famille Kohan, mais là, on parlait du joyau de Sélénia et pas d’un leurre cette fois-ci. Et il n’allait pas être déçu, dans son entreprise, la jeune princesse s'emmêla les doigts dans ce qui semblait être l’attache de sa couronne. Alors que son masque tombait sur ses genoux, une cascade de plume blanche et noire tombait délicatement devant son visage. La somptueuse chevelure blonde de la princesse tomba également, dévoilant leur véritable longueur qui pouvait aisément rendre jalouse celle du vampire. Ce qu’il voyait aurait mérité d’être immortalisé par un grand artiste, mais existait-il un maître des arts suffisamment grandiose pour véritablement rendre justice à cette sublime beauté ? Elle avait tout pour plaire au goût du Dalis, une beauté féminine, jeune et d’une profonde délicatesse, il comprenait désormais amplement le titre de “Joyau de Sélénia”.

Ils restèrent tous deux immobiles pendant un moment. Toryné gardait un visage souriant d’une sobriété mensongère, car son regard se délectait du visage enfin révélé de la princesse et son esprit, déjà, fabulait sur de nombreux scénarios qui feraient rougir la capitaine des catins. De plus, il attendait également que la princesse vienne d’elle-même retirer son masque, qu’elle puisse à son tour le découvrir.

Elle l’invita à se pencher légèrement, afin de lui faciliter la tâche, ce que fit l’enfant de la nuit sans la moindre hésitation. Les fins doigts de l’adolescente venaient effleurer la peau pâle du visage du vampire, bien qu'artificiellement plus vivant en raison de son exaltation de la nuit éternelle. Puis ils remontèrent jusqu’à sa chevelure, cherchant l’attache de son masque de Cygne… Toryné, la tête penchée, avait une vue prenante sur le cou gracile de la princesse. La proximité n’avait jamais été aussi forte, si le cœur du vampire avait pu battre, il aurait été semblable à de puissants tambours faisant résonner tout le palais. Tous ses sens étaient en alerte, sa concupiscence exacerbée à outrance, son souffle, son parfum, absolument tout l’appelait aux vices. Il n’avait qu’une envie, se pencher d’avantage et venir déposer ses lèvres dans le cou de l’adolescente, simple baiser ou morsure ? Pourquoi se priver de l’un des deux ? Il serait ensuite remonté pour venir dévorer les lèvres de la Jouvencelle, pour ensuite la dévorer entièrement, transformant ce lieu de savoir et de culture en autel de glorification à la débauche et à l’hédonisme. Bien entendu il n’en fit rien, son visage impassible ne laissait rien transparaître des pensées perverses du monstre affamé et par chance, sa robe n’épousait que très peu ses formes.

-Bonsoir… Dit-il également en réponse à Victoria. Leur visage était si proche qu’un simple sursaut de l’un d’entre eux suffirait pour arracher un baiser à l’autre. Toryné pouvait sentir les battements de cœur de la princesse et cela lui indiquait que sa beauté lui faisait de l’effet… Il lui plaisait ? Parfait.

Puis elle posa le masque du cygne sur son visage, arrachant un sourire amusé au vampire. Son regard sembla fuir le minois de l’androgyne, agrandissant son sourire, le tout accompagné de la fameuse question, qui était-il ? Elle lui rappela également un autre point du jeu qui n’avait pas été décidé, il n’y avait pas de gage pour le perdant. En soi, Toryné, pour qui la récompense était avant tout de pouvoir se rapprocher de l’adolescente, se moquait de ne pas pouvoir réclamer un quelconque dû suite à sa victoire, même s’il ne doutait pas une seconde que si Victoria avait gagné, cette dernière aurait réclamé quelque chose. En revanche, sa question était intéressante, était-ce là une manière déguisée pour lui dire qu’il était en droit de réclamer un prix pour sa réussite ou bien était-ce la pure curiosité ? Quoiqu’il en fût, le vampire allait répondre aux deux questions qu’on lui posait.

-Toryné, dit-il doucement, je me nomme Toryné Dalis, il hésita un très bref instant à décliner sa fonction au sein du peuple vampirique, mais il ne servait à rien de cacher son rang, après tout, elle pourrait l’apprendre assez facilement. Je suis membre du conseil du royaume vampirique depuis bientôt quatre années… Sa voix était douce et semblait presque timide, bien qu’il ne l’était guère.

-Quant à votre seconde question… hum… La main du vampire se porta à sa lèvre, les tapotant légèrement alors que son regard se perdait dans le plafond, affichant une mine exagérément pensive. Que pourrais-je oser demander à la princesse de l’empire ? Je me le demande… Mais étant donné qu’il n’y avait aucun gage en jeu, je suppose qu’il m’est inutile de me pencher sur la question, n’est-ce pas ?

Un sourire taquin vint remplacer son air pensif, alors que son regard revenait sur elle. Il jouait au même jeu qu’elle après tout, voyons voir que le joyau de Sélénia répondrait à cela.

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Elle lui coula un regard sous le rideau de ses longs cils et eut le frémissement d’un sourire candide lorsqu’elle eut enfin un nom à mettre sur ce visage. Toryné Dalis !? Cela ne lui disait absolument rien sur l’instant, à part que l’androgénie du vampire ne faisait que se renforcer avec un prénom pareil. Était-elle réellement une femme ? Allons, même si les enfants de la nuit étaient réputés pour leur duplicité, aucun d’entre eux n’irait jusqu’à se travestir… n’est-ce pas ? La jeune Princesse tenta de se rassurer alors que la seule perspective de jouer à un jeu si dangereux, fait d’énigmes et de promesses ambiguës avec un parfait inconnu plutôt qu’une dame de bonne naissance... lui donna un frisson.

Quelle ne fut pas sa surprise de le sentir glisser depuis sa nuque jusqu’à ses reins pour se lover ensuite au creux de son ventre. L’adolescente manqua de rougir à nouveau et prit une petite inspiration pour ne pas hoqueter d’embarras. Était-elle devenue folle pour s’émoustiller d’une situation aussi scabreuse ? Visiblement, elle lisait beaucoup trop de ces romans à l’eau de rose que les servantes parvenaient à lui procurer au nez et à la barbe de ses Tuteurs et Lames Écarlates. Si jamais le reste de la noblesse apprenait qu’elle s’était retrouvée seule avec un homme, isolée dans les profondeurs d’une aile peu fréquenté du Palais d’Été…Non, elle n’osait imaginer l’ampleur qu’un tel scandale prendrait. Ni ses répercussions sur la Couronne.

Tout ce qu’elle pouvait espérer, c’est que le vampire ne lui ait pas menti et qu’il s’agisse réellement d’un des Conseillés du Royaume de la Nuit. La douceur de sa voix, lorsqu’il annonça son rang, paressait presque timide ; était-il intimidé d’être face à une Princesse ? A voir sa posture, elle n’y croyait pas vraiment. Et ce regard ! Toryné semblait sur le point de la dévorer toute crue et si l’adolescente n’avait pas la moindre idée du fond réel de ses pensées, elle avait toutefois l’impression d’être un petit four sur son plateau d’argent. Ses pommettes rosirent alors qu’elle détournait à nouveau les yeux tout en se parant d’un joli sourire de circonstance. Par les Dieux, elle devait se reprendre. Elle prit une longue et discrète inspiration alors que son visage s’abaissait sur son giron où s’accumulait encore quelques plumes.

De ses doigts graciles, elle les cueillit et commença à les écraser et les froisser délicatement pour en goûter la texture duveteuse et soyeuse. Aux interrogations qu’énonça la Conseillère, elle y répondit tout d’abord avec une petite moue contrariée, ne cachant pas que ses taquineries ne lui plaisaient pas forcément… mais lorsqu’elle releva ses yeux bleus sur lui, ils pétillaient d’une malice à peine dissimulée derrière un éclat plus fougueux. Lorsqu’elle parla, sa voix avait ce même velours et charme que tantôt :

« - Est-ce futile que de parfois désirer repeindre le monde avec des « si » ? Quel mal pourrions nous faire puisqu’il ne s’agit que de rêveries et d’hypothèses abstraites ? Quel crime pour nos pensées, puissent-elles être farfelues ou... inavouées ? »

Le dernier mot fut soufflé, à peine audible pour l’oreille humaine. Heureusement pour eux et ce nouveau jeu qui se profilait timidement, Toryné n’était pas humain et aura très probablement entendu l’invitation. Battant des cils dans un masque de candeur innocente, essayant de balayer à chaque cillement toute suspicion quant à l’innocence de ses questions, la Princesse poursuivit :

« - Si vous pouviez me demander une récompense, quelle serait-elle ? Si vous pouviez m’en donner une, que choisiriez-vous ? Si vous osiez vous prêter à ce jeu… jusqu’où pousseriez-vous votre curiosité ? »

Victoria attrapa une des plus belles plumes qui avaient formé, quelques minutes plus tôt, sa couronne et éleva sa main pour venir en glisser la pointe dans les cheveux blancs du vampire, lui qui était toujours si proche. Toujours si près. Elle laissa ses ongles nacrés par une poudre de coquillage glisser dans une mèche pour la torsader et s’assurer que la plume mouchetée de noir ne tombe pas. Une fois satisfaite, elle laissa ses mains revenir sagement dans les dentelles de sa robe.

« - Serait-ce trop enfantin pour satisfaire vos goûts ? Nous n’aurions pourtant pas besoin d’être sérieuses. Personne ne nous entendra rêver ici... N’est-ce pas un nouveau masque, métaphorique, que l’on pourrait se parer ? Le « Si » des négociations fantasques. Le « si » pour habiller nos questions et apprendre à se connaître… »

Ses pieds continuaient de se balancer, venant parfois effleurer la robe de la Conseillère toujours si proche et dont le parfum et la présence l’entouraient presque physiquement. Cela ne la gênait pas… pas vraiment. La chaleur du vin l’engourdissait, le crépitement du feu l’amadouait à rester docile et ignorer l’insolence d’une telle promiscuité. Elle prit une plume et vint se chatouiller les lèvres, nostalgique alors qu’elle murmurait :

« - Vous rappelez-vous de ce jeu ? On l’appelait le portrait « shinoïz ». Il sert à peindre le caractère, les ambitions... L’on irait par lot de trois « Et si vous étiez » après avoir répondu aux précédents. »

Victoria attrapa une autre plume et souffla dessus pour la faire virevolter entre leur visage alors qu’elle fronçait à nouveau l’arrête de son nez en une petite moue chagrine :

« - Ou bien nous pouvons passer sur une conversation plus sérieuse et terre à terre maintenant que nous n’avons plus nos masques pour jouer… Que décidez-vous ? »

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L’androgyne suivait avec une attention toute particulière les battements de cœur de la jeune princesse. Chaque irrégularité procurait chez lui une satisfaction des plus singulières, certain dirait qu’il lui en fallait peu, lui répondrait qu’au contraire, il savait savourer les petits détails à leur juste valeur. Il profitait de cette proximité qui s’était installé pour observer davantage de ces petits détails. De ce qu’il pouvait observer, son nom ne lui disait rien du tout, il n’était pas encore spécialement connu dans les hautes sphères de ce monde après tout, même si tout cela allait bientôt changer.

Cependant, pour le moment, son manque de renommer servait son petit manège, homme ou femme ? L’illusion de son androgynie semblait rester complète. Le discours de la princesse allait dans ce sens, le féminin avait été utilisé pour les désigner tous les deux, ainsi donc c’était le sexe délicat et de la beauté qu’on lui avait attribué ce soir, intéressant… En revanche, désormais, il rentrait dans le rôle du menteur. En effet, le reste de la soirée avait gardé une certaine neutralité sur l’attribution de genre et Toryné avait fait en sorte d’éviter tout emploi de mot qui aurait pu mettre sur la voie la Jouvencelle… Garder les bonnes grâces de Victoria lors des révélations allait être un véritable défi, mais après tout lorsqu’on est capable de convaincre un homme de coucher avec soi alors que ce dernier vient tout juste de découvrir la nature de votre entre-jambe, rien n’est impossible ! Ce problème viendrait en temps et en heure, pour le moment le vampire avait d’autre Graarh à ferrer.

Victoria n’en démordait pas sur sa question du gage, affichant une moue boudeuse, elle ne semblait pas avoir apprécié sa tentative d’esquive et elle ne le laisserait pas se dérober. Ou plutôt, elle laissait entrevoir une fausse possibilité pour ne pas répondre. Il connaissait très bien ce genre d’astuce dans une conversation, prétendre laisser deux choix, mais un seul était véritablement envisageable. Et pour cause, Toryné ne voulait clairement pas d’une conversation terre-à-terre, cela il allait bien assez en avoir dans les jours qui allaient suivre ! Cette soirée était si agréable et distrayante, si céder à un caprice était là le moyen de la poursuivre, alors il le ferait sans hésiter.

-Peindre le monde avec des « si », voilà le travail constant des conseillers et conseillères… Les « Si » peuvent si facilement devenir des faits, si les lèvres qui les expriment ont l’esprit et les moyens pour les réaliser, ou même la force… Mais voilà que je commence déjà à parler de manière trop sérieuse, vous me l’avez proposé, mais je ne le désire pas. Cette soirée a été organisée par vous et votre famille pour que, malgré ces temps durent, le moral soit bon dans l’empire, il s’agit là d’un moment d’allégresse dans ce chaos… Nous gâcherions l’esprit de cette soirée si en venions à une conversation plus terre-à-terre et je ne saurais me le pardonner, d’autant plus que les jours à venir en seront rempli…

Il avait presque l’impression d’être avec sa fille, elle était tout aussi capricieuse et il n’était pas étranger à se trait de caractère, maman gâteau qu’il était, il cédait presque à tout. D’ailleurs maintenant qu’il y pensait, sa fille avait des yeux et des cheveux de même couleur que la princesse… Bien entendu, sa fille n’avait pas cette beauté noble dont bénéficiait la princesse… mais le rapprochement était… intéressant.

Toryné fit un petit clin d’œil à la princesse accompagné d’un sourire amusé, qu’elle était le message derrière cela ? La princesse le découvrirait bien assez tôt. Le vampire par la suite quitta cette proximité, que beaucoup aurait jugée indécente, qui s’était installé petit à petit avec la princesse, préférant s’asseoir à côté d’elle. « Si j’avais eu à réclamer un dû pour ma victoire… hum… » En vérité il n’avait pas réfléchi à cela, pour lui ce jeu avait été avant tout un prétexte pour s’approcher de la jeune fille et de d’entamer un début de relation amicale pour des visées bien plus hédoniste par la suite. Désormais, il avait appris qu’il se trouvait face à la princesse et cela changeait quelque peu la donne. Ses désirs ne changeaient pas, celle qui aurait pu lui sembler inatteignable était aujourd’hui à sa portée, en revanche de nouvelle ambition venait dans cette relation qu’il souhaitait tisser avec la Jouvencelle. La chance de pouvoir s’attirer les amitiés d’une Kohan n’était pas à prendre à la légère, avoir des alliées aussi prestigieux et puissant lui serait utile s’il devenait Prince. « J’aurais été tenté de vouloir garder votre masque comme trophée, mais je n’aurais pas le cœur à laisser votre ingénieux subterfuge être découvert par les nobles de cette soirée… ». La vérité était qu’il avait des envies bien moins innocentes que celle-là dans son esprit, il aurait été question d’une simple noble ou d’une jeune fille issue de la haute bourgeoisie, que Tory se serait oser à réclamer un baiser timide, mais pas pour une princesse, il ne serait pas assez stupide pour oser émettre une telle idée. « Mais je pense plutôt que je vous aurai demandé de bien vouloir une place dans votre calendrier princier pour moi, afin que nous puissions nous revoir avant que je ne parte de Sélénia pour rentrer chez moi ». Il avait une furieuse envie de dire –son royaume-, mais il devait rester discret un maximum sur ses projets pour le moment. Il n’en rajouta pas davantage sur cette question du gage, cela n’était pas nécessaire selon lui.

-Quant aux ombres Shinoïz... Je connais ce jeu de nom, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’y jouer, je serais ravie que vous m’y initiez ma chère…

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Son regard dansa au rythme de la plume qui virevoltait entre elles avant de lentement descendre en une torsade légère, indolente, pour finir de nouveau sur les cuisses de la jeune fille. Un pâle sourire étira ses lèvres rosées avant qu’elle ne récupère la plume duveteuse pour la faire tourner entre ses doigts graciles. La réponse du vampire était ennuyante, bien que pourvue de beaucoup de sens et de sérieux… et c’était exactement ce qui la rendait aussi indigeste ! Ne venait-elle pas de proposer quelque chose de léger et d’amusant ? Pourquoi les adultes se croyaient toujours obligés d’étouffer dans l’œuf quasiment toute forme créative. Elle qui croyait qu’un vampire de cette beauté et de cet vivacité d’esprit aurait l’extravagance suffisante pour se prêter au jeu des « Si » sans tomber dans le rébarbatif classique de tout politicien ou diplomate. Quelle déception.

Le regard au bleu profond vint à se ternir progressivement et, malgré une expression toujours impeccable dans l’attention polie qu’elle portait à Toryné, il était évident que la Princesse commençait à s’ennuyer. Son attention s’émoussait et elle jeta un vague regard en direction de la porte en se demandant s’il ne serait pas mieux pour elle de rejoindre la réception finalement. Au moins là-bas aurait-elle quelques mignardises pour éponger tout le vin qu’elle venait de boire ! Au cœur du Bal, elle pourrait danser et oublier les prochaines heures dans une farandole de couleurs et de sons. A défaut d’être originale dans le divertissement, la fête aurait le mérite de lui passer le temps. Lorsque la Conseillère s’écarta, l’adolescente hésita réellement au sauter sur ses pieds, quérir son masque et s’en aller… mais quelque chose la retint.

Était-ce le fait de voir l’autre s’installer à ses côtés, toujours si proche bien que moins oppressante dans cette nouvelle position ? Était-ce de l’entendre se décider à rejoindre son petit jeu ? Ou alors était-ce l’éclat magnétique de ses yeux et ce charme irréel que seuls possédaient les enfants de la nuit ? La princesse fut incapable de trancher parmi toutes ces possibilités et, une fois de plus, se laissa volontiers amadouer. Elle délaissa la petite plume pour venir discipliner un peu ses longs cheveux couleurs de miel et entortilla un doigt dans une boucle alors qu’un léger rire, cristallin, échappait à sa gorge. Elle n’aurait jamais cru que son masque serait l’objet d’un tel désir et elle tendit une main pour l’attraper et l’éleva au dessus de sa tête afin de l’observer au contre-jour du feu crépitant au cœur de l’immense cheminée, derrière elle.

« - Dans deux jours… je pense que j’aurais pu accorder mon entière après-midi à une amie. Cela n’aurait pas été facile, bien sûr ! Après tout, avec les récents événements je suis horriblement débordée... »

Souffla-t-elle d’un air faussement songeur. Il lui serait très simple d’arranger ses leçons et ses entraînements de sorte à pouvoir prendre le thé avec une créature aussi intrigante et exquise que Toryné ! Toutefois, il serait de mauvais goût qu’elle paraisse dépendante ou empressée pour cette seconde rencontre, aussi Victoria faisait-elle semblant de réfléchir et de sacrifier son précieux temps libre pour que sa décision soit perçue, normalement, comme un véritable cadeau pour son interlocutrice. Considérer cela comme un « Si » hypothétique ne l’engageait pour l’instant toujours pas et si la soirée ne se terminait pas de façon concluante alors elle n’aurait aucune obligation ! Lasse de jouer avec le masque, elle le reposa sur la table et se tourna légèrement vers la vampire afin de pouvoir plonger son regard dans le sien sans se faire un torticolis.

« - Je suis contente que vous ne persistiez pas dans vos habitudes de Conseillère. J’ai bu trop de vin pour apprécier ce genre de décision et moins encore y participer. »

Un sourire, éblouissant, alors qu’elle tapotait sa joue d’un index, l’expression légèrement froissée d’une intense réflexion. Au bout de quelques secondes d’un silence absolu, Victoria entama le jeu avec ses trois questions ; Si vous étiez ceci, si vous étiez cela… Les premières hypothèses furent simples, tournées sur des couleurs, des goûts et des parfums. Progressivement cependant, la jeune fille rendit les thèmes plus complexes afin de mieux cerner la personnalité de Toryné (ou celle qu’il désirait lui peindre, car c’était le jeu après tout) et offrir à son interlocutrice un aperçu de la sienne. Une autre poignée d’heures s’écoula dans une ambiance feutrée et complice. Avec les bûches qui se consumaient et la nuit qui s’achevait, la princesse commença à accuser la fatigue et se surprit un instant à bailler au couvert d’une main délicatement portée à ses lèvres.

« - Je vous présente mes excuses, il semblerait que j’atteins mes limites. Seriez-vous assez aimable pour me raccompagner ? »

Elle se glissa au bas de la table et s’écarta d’un petit pas léger avant de lisser les pans de sa robe pour s’assurer que chaque pli tombe de façon élégante. Avisant le masque et les nombreuses plumes, Victoria n’attrapa que le premier et vint le positionner sur son visage. S’approchant de Toryné, elle lui tourna le dos pour l’inviter silencieusement à lui renouer les rubans du masque à l’arrière du crâne, parmi les perles et les dentelles qui coulaient déjà dans les mèches blondes. Lorsque ce fut fait, elle se proposa pour faire de même au vampire et lorsque toute deux eurent de nouveau leur identité de cachées aux regards, l’adolescente se dirigea vers la porte qu’elle poussa avant de se faufiler dans l’immense couloir. Elle ne fut qu’à moitié surprise d’y découvrir trois gardes en faction qui n’étaient pas là à leur arrivée.

« - Quand devez-vous repartir pour Aerthia ? »

La forteresse vampirique lui avait semblé être la destination la plus logique comme destination pour le Conseiller et elle leva sur lui un regard interrogateur bien que légèrement déçu. Elle venait tout juste de la rencontrer ! Elle n’avait pas envie de la voir repartir si tôt.

« - Il se trouve que j’ai une journée de libre dans… deux jours. Qu’en est-il de votre côté ? »

Une demande innocente en apparence, mais qui n’en avait réellement que le nom. Elle avait déjà abordé le sujet de façon détournée tantôt et elle y revenait de façon plus franche à présent qu’elle était certaine de vouloir réitérer l’expérience d’une rencontre aussi plaisante et rafraîchissante. Elle savait que la différence d’âge et de race pouvait paraître singulière et peut-être que Toryné s’ennuyait ou n’agissait que par intérêt à présent qu’elle connaissait sa véritable identité, mais de tout cela Victoria n’en avait que faire. Ou plutôt, elle avait bien trop l’habitude des arrivistes pour s’en offusquer encore. Elle voulait s’amuser elle, le reste n’était que secondaire au final. Bientôt, leurs pas les menèrent à nouveau dans les couloirs qui bordaient la salle de Bal. Cette dernière était beaucoup moins bondée et la musique qui y jouait était bien plus douce, comme des valses ou tout simplement des mélodies improvisées. La princesse s’arrêta sous une arche.

« - Nous pourrions prendre le thé ou … nous éclipser du palais et découvrir Sélénia. Ce n’est pas encore la plus belle saison pour cela, mais au moins serions nous hors de cette environnement étouffant depuis l’annonce. »

Elle croisa les mains dans son dos en une sage posture d’attente.

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Toryné se prêta aux jeux, faisant attention aux réponses qu’ils pouvaient donner. Un bon politicien devait savoir contrôler les informations et surtout le flux de ces derniers, un secret gardé inutilement pouvant s’avérer dévastateur qu’un secret révélé à la mauvaise personne. Cependant, le vampire n’avait pas la même application dans ce jeu qu’il avait pu en avoir d’en ceux précédant, non pas qu’il fatiguait, bien au contraire, mais plusieurs facteurs venaient jouer sur son léger désintéressement.

Premièrement le jeu, bien qu’intéressant, était bien moins drôle que celui des devinettes. Était-ce là parce que désormais, les masques étaient tombés ? Que l’excitation de l’inconnue était finalement partie ? Pourtant, il n’était pas déçu, loin de là. Seul un fou serait déçu d’avoir pu approcher la princesse de l’empire Sélénien et d’avoir obtenu en plus un possible sorti avec elle. Peut-être cela alors le problème, il se projetait trop dans cette possible journée future, une journée qui pourrait offrir un nouveau cadre et de nouvelles réjouissances. Une après-midi entière, bien plus satisfaisant qu’une simple soirée, il allait devoir choisir avec précautions ses attirails, mais surtout, il allait devoir être des plus efficaces durant les deux jours qui allaient précéder ce rendez-vous. En effet, si sa venue à Sélénia n’avait pas été prévue, Toryné avait décidé de rentabiliser au maximum son petit détour. S’il devait consacrer toute une après-midi avec la princesse, il allait devoir rattrapé cela par une efficacité légendaire, chose dont il se savait capable.

Lorsque la jeune princesse vint à bâiller, Toryné comprit que cela sonnait la fin de la soirée, c’était exactement la même chose avec sa fille. « Je vous laisse me guider » répondit-il lorsqu’elle lui demanda de la raccompagner. Tous deux se remirent mutuellement leurs masques, offrant à Toryné un dernier contact avec la chevelure blonde dont la douceur allait très certainement lui manqué. En sortant de la pièce, trois gardes de faction les attendaient, ce qui n’était pas vraiment surprenant, tellement que la princesse sembla même les ignorer en lui demandant quand il repartirait.

-Le 19 de ce mois très chère, à l’aube. Si son destin ne l’appelait pas, sûrement serait-il resté bien plus longtemps à Sélénia, cette ville avait décidément le don pour lui plaire. Je crois que la coïncidence est belle, j’ai moi-même un créneau de libre à cette date, je serais ravie de le consacrer avec votre personne.

Cela prenait enfin une tournure plus officielle, il allait effectivement pouvoir revoir la délicieuse Victoria et cela ne pouvait que l’enchanter. N’importe qui tuerait pour être à sa place, pouvoir approcher un membre de la famille impériale, rentrer dans les bonnes grâces des Kohan. S’il jouait bien ses pièces, cela lui ouvrirait des portes alléchantes pour l’avenir, surtout lorsqu’il deviendrait prince des vampires. Et pourtant, cela lui semblait presque secondaire sur l’instant présent, davantage émerveillé par la grâce de l’adolescente que par le rang qu’elle avait. Le philocalien prenait le pas sur l’arriviste pour le moment, mais sans nul doute que tout deux sauraient agir de concert pour ne pas se mettre de bâton dans les roues.

-J’adorerais découvrir votre ville à travers vous très chère et je dois bien admettre que… il se pencha légèrement vers elle. Le thé n’est pas ma boisson préféré. Taquinant légèrement la princesse sur sa proposition de boire du thé malgré sa nature de vampire, bien qu’il ne se faisait aucun doute sur le fait que malgré la formulation, la Jouvencelle n’aurait pas eu l’étourderie de lui servir autre chose que du sang.

Adressant un léger regard amusé aux gardes qui ne les avaient pas quittés un seul instant depuis le début de cette marche, il lâcha dans un murmure suave « Mes braves, je compte sur vous pour protéger ma chère amie durant mes deux jours d’absence ». Puis, il se tourna vers Victoria « À très bientôt, Chère Inconnue ».

***

-Je te félicite, je ne m’attendais pas à autant d’information sur nos amis de la Flamme du Ciel… Ils correspondent parfaitement à mes projets, cette soirée est décidément sublime…

-Dois-je en conclure que vous avez passé une agréable soirée, maître ?

-La plus agréable des toutes ! Cela doit t’étonner car je rentre non-accompagné… et pourtant…

La phrase resta en suspens, le regard rêveur vers le plafond, l’une de ses canines qui appuyaient légèrement sur sa lèvre inférieure. Toryné déposa les différents documents que sa servante lui avait apportés sur la table. Il se leva et s’approcha d’elle, passant sa main dans sa chevelure, loin de la douceur de la princesse, mais il s’en contenterait ce soir.

-Tu combles mes espérances Alerica… Et j’espère que tu vas encore les combler ce soir, les mains du vampire se baladaient déjà sur le corps de la jeune femme, cherchant habilement les attaches de la robe afin de les défaire. En guise de récompense… Je t’offre la journée entière de demain en repos, tu en auras besoin, il déposa un premier baiser sur ses lèvres. Et je vais exaucer l’un de tes désirs, celui que tu voudras… Les baisers se firent plus intenses et les tissus tombèrent petit à petit au sol. La jeune servante pu seulement, entre deux baisers, marmonner la récompense qu’elle désirait, son propre cheval. Cette réponse eu l’effet d’arrêter pendant quelques secondes le vampire, dont la haine et la peur de cette animal était bien plus grande que pour n’importe quelle autre animal, laissant un sourire quelque peu amer l’échapper, il murmura « tu auras ton ignoble bête, la plus rapide et la moins monstrueuse qui soit » avant d’éloigner toute pensée équine pour d’autres bien plus réjouissantes.

plop :

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