7 Mars 1763
On avait conduit le sarcophage de glace au sein du sanctuaire de l'eau, afin que l'essence inhérente à la manifestation élémentale conserve plus aisément l'intégrité de la coque protectrice. Le messager vampirique le talonnait, expliquant les événements entourant l'apparition à leurs portes du groupe et de son précieux fardeau, et ce qu'ils attendaient de l'Ordre. Et dire que l'histoire qu'on lui contait était difficile à avaler était pêcher par euphémisme. S'il n'avait pas eut accès à leurs chant-noms pour s'assurer qu'on ne le prenne pas pour un imbécile, le Chantelarmes l'aurait très certainement pensé. À cette idée, il décocha un regard en coin, noir, au porte-parole qui continuait de l'accompagner comme une seconde ombre, sans doute pour s'assurer qu'il n'attente pas à la vie de sa précieuse princesse. Comme s'il en avait eut la moindre intention. Ou, plus simplement, comme si la vie de la princesse en question avait valut la perte de ses pouvoirs et le dommage immense à l'Ordre. Mais ça évidemment, un vampire aurait du mal à le comprendre. Décidant de l'ignorer partiellement, Kehlvehan descendit jusqu'au lieu où reposait le sarcophage et s'arrêta près de lui pour contempler la forme enfantine que le cœur de glace contenait précieusement. Ses traits puissants se durcirent, alors qu'il plissait les yeux et pinçait les lèvres devant l'apparence révoltante de jeunesse de cette créature. Une enfant. Une simple enfant, qui se paraît de pierreries, de belles robes, qu'on appelait princesse des catins, entre tous titres et à qui on remettait un royaume entier. Les sangs froids ne cesseraient jamais de l'alarmer, et de le répugner, car si elle avait aujourd'hui cette apparence, c'était surtout celle dans laquelle elle avait été emprisonnée par le venin vampirique quand une de ces bêtes l'avait attaquée. Et il avait beau être Baptistrel et s'en tenir à une rigueur de jugement stricte, intérieurement, il ne pouvait s'empêcher de consommer l'amertume de la constatation.
Pendant un bref instant, il ne dit rien, ne fit rien, puis l'instant passa et Kehlvehan s'approcha davantage. Au travers de la glace, il pouvait aisément percevoir ses vibrations, déduisant lentement les dommages que le petit corps avait subit. Il lui fallut cependant plus d'une vingtaine de minutes pour convenir d'un moyen de procéder. Les lésions devaient être traitées une à une et avec beaucoup de délicatesse pour ne rien endommager d'autre et il allait, en plus, devoir jongler avec les soins précédemment apportés. Le but premier avait sans doute été de sauver la vie de la princesse et à ce titre c'était réussi, mais l'efficacité de la chose n'allait pas plus loin, le travail était celui d'un boucher. Rapidement, l'explication vint. Ce n'était pas un guérisseur qui s'était occupé de l'enfant, mais un simple objet glyphé. Le résultat n'était donc en rien inattendu. Beaucoup d'objets rendaient de grands services, mais lorsqu'il s'agissait des besoins du corps, il fallait une main réelle pour manier l'énergie et pour guider les soins. Même en sachant la situation dans laquelle tout cela s'était déroulé, il restait sceptique. Mais nul besoin de s'en tenir à réprouver un passé révolu, il devrait faire avec quoi qu'il en soit. Ne pouvant transporter Noathun jusqu'ici, il devrait s'accompagner d'une harpe à la place, mais pour l'usage qu'il comptait faire de l'instrument, ce ne serait nullement un problème. Se détournant, il ordonna qu'on retire le cocon de glace pendant qu'il récupérait ce qui lui était nécessaire pour effectuer les chants curatifs et revenait s'installer auprès du petit corps allongé sur la surface lisse d'un lit d'opérations. Cette fois, il n'accepta la présence que de quelques apprentis en fin de formation, à qui il livrerait son travail sur le corps de la vampire comme un sujet d'étude approfondie pour leur éducation de guérisseurs. Tous les autres quittèrent les lieux séance tenante, laissant le silence reprendre pendant quelques instants ses droits. Donnant quelques indications aux Enwr, il revint rapidement à son instrument et débuta son travail.
La musique dura, et dura. Combien de temps ? Il ne savait pas lui-même et s'en moquait. Appliqué, fermé à toute autre influence, il maniait les vibrations avec une immense précaution pour rétablir un équilibre brisé. Comme il s'y était attendu, la minutie demandée était immense et dangereuse, prenant toute sa concentration. Chaque vibration résorbée était l'affaire d'heures entières sans aucun doute, les Enwr se relayant afin d'assister le maître et prendre des notes sur le phénomène délicat qui s'opérait. Lorsqu'enfin le Gardien eut achevé son œuvre, il déposa la harpe sur un socle de bois mobile prévu à cet effet, se leva, ordonnant qu'on restât au chevet de la princesse afin qu'elle ne s'éveille pas seule et sans explications. Il quitta les lieux seul afin de pouvoir prendre quelques heures de repos, se doutant que la longue épreuve que sa patiente avait subie la conduirait à demeurer inerte encore un moment. Aux premières lueurs le lendemain, on vint le prévenir que la dame était éveillée et il la fit venir après les aubades de la matinée. En ces heures parfumées aux couleurs chaudes de songes s'étiolant, ses chants allaient vers une femme aux cheveux couleur de vin et aux yeux de gemmes sans prix. Lorsqu'il descendit dans le hall inondé de lumière et du parfum des fleurs sauvages, néanmoins, c'était une femme aux cheveux de lune qui l'attendait. Elle avait reçu de quoi manger si elle le désirait et des vêtements si les siens ne lui convenait pas, ainsi que la possibilité de se toiletter correctement, pour convenir à ses besoins. L'approchant, le Gardien se ferma à la mélopée de son être et se contenta d'une salutation courtoise sans être excessivement démonstrative. Plutôt que d'espionner chaque vibration émanant d'elle il lui demanda directement comment elle se sentait et lui expliqua les circonstances dans lesquelles elle avait été conduite au sein du Domaine de l'Ordre.
Pendant un bref instant, il ne dit rien, ne fit rien, puis l'instant passa et Kehlvehan s'approcha davantage. Au travers de la glace, il pouvait aisément percevoir ses vibrations, déduisant lentement les dommages que le petit corps avait subit. Il lui fallut cependant plus d'une vingtaine de minutes pour convenir d'un moyen de procéder. Les lésions devaient être traitées une à une et avec beaucoup de délicatesse pour ne rien endommager d'autre et il allait, en plus, devoir jongler avec les soins précédemment apportés. Le but premier avait sans doute été de sauver la vie de la princesse et à ce titre c'était réussi, mais l'efficacité de la chose n'allait pas plus loin, le travail était celui d'un boucher. Rapidement, l'explication vint. Ce n'était pas un guérisseur qui s'était occupé de l'enfant, mais un simple objet glyphé. Le résultat n'était donc en rien inattendu. Beaucoup d'objets rendaient de grands services, mais lorsqu'il s'agissait des besoins du corps, il fallait une main réelle pour manier l'énergie et pour guider les soins. Même en sachant la situation dans laquelle tout cela s'était déroulé, il restait sceptique. Mais nul besoin de s'en tenir à réprouver un passé révolu, il devrait faire avec quoi qu'il en soit. Ne pouvant transporter Noathun jusqu'ici, il devrait s'accompagner d'une harpe à la place, mais pour l'usage qu'il comptait faire de l'instrument, ce ne serait nullement un problème. Se détournant, il ordonna qu'on retire le cocon de glace pendant qu'il récupérait ce qui lui était nécessaire pour effectuer les chants curatifs et revenait s'installer auprès du petit corps allongé sur la surface lisse d'un lit d'opérations. Cette fois, il n'accepta la présence que de quelques apprentis en fin de formation, à qui il livrerait son travail sur le corps de la vampire comme un sujet d'étude approfondie pour leur éducation de guérisseurs. Tous les autres quittèrent les lieux séance tenante, laissant le silence reprendre pendant quelques instants ses droits. Donnant quelques indications aux Enwr, il revint rapidement à son instrument et débuta son travail.
La musique dura, et dura. Combien de temps ? Il ne savait pas lui-même et s'en moquait. Appliqué, fermé à toute autre influence, il maniait les vibrations avec une immense précaution pour rétablir un équilibre brisé. Comme il s'y était attendu, la minutie demandée était immense et dangereuse, prenant toute sa concentration. Chaque vibration résorbée était l'affaire d'heures entières sans aucun doute, les Enwr se relayant afin d'assister le maître et prendre des notes sur le phénomène délicat qui s'opérait. Lorsqu'enfin le Gardien eut achevé son œuvre, il déposa la harpe sur un socle de bois mobile prévu à cet effet, se leva, ordonnant qu'on restât au chevet de la princesse afin qu'elle ne s'éveille pas seule et sans explications. Il quitta les lieux seul afin de pouvoir prendre quelques heures de repos, se doutant que la longue épreuve que sa patiente avait subie la conduirait à demeurer inerte encore un moment. Aux premières lueurs le lendemain, on vint le prévenir que la dame était éveillée et il la fit venir après les aubades de la matinée. En ces heures parfumées aux couleurs chaudes de songes s'étiolant, ses chants allaient vers une femme aux cheveux couleur de vin et aux yeux de gemmes sans prix. Lorsqu'il descendit dans le hall inondé de lumière et du parfum des fleurs sauvages, néanmoins, c'était une femme aux cheveux de lune qui l'attendait. Elle avait reçu de quoi manger si elle le désirait et des vêtements si les siens ne lui convenait pas, ainsi que la possibilité de se toiletter correctement, pour convenir à ses besoins. L'approchant, le Gardien se ferma à la mélopée de son être et se contenta d'une salutation courtoise sans être excessivement démonstrative. Plutôt que d'espionner chaque vibration émanant d'elle il lui demanda directement comment elle se sentait et lui expliqua les circonstances dans lesquelles elle avait été conduite au sein du Domaine de l'Ordre.