Connexion
Le deal à ne pas rater :
Smartphone Xiaomi 14 – 512 Go- 6,36″ 5G Double SIM à 599€
599 €
Voir le deal

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz


3 Février 1763



Elle n'était pas de bonne humeur, et c'était peu dire. Pourtant, n'importe quelle femme aurait dû ressentir une certaine allégresse à l'approche de son mariage ! C'était sensé être le plus beau jour de sa vie, ou au moins l'un des plus beaux. Elle aurait dû se sentir impatiente et quelque peu angoissée, imaginant le moment de la cérémonie et ce qu'elle dirait alors. Rien de tout cela cependant. Loin d'être une jeune promise virginale et tremblante, l'Intendante de Délimar était en revanche de fort mauvais disposition ce matin-là et n'avait surtout pas envie qu'on vienne lui conter les premiers émois de la vie maritale. Un mariage, elle en avait déjà eut un, elle savait ce que c'était, et sans doute aurait elle le cœur palpitant sur le moment, car elle avait judicieusement choisit son futur époux, mais en attendant, elle avait mal dormit et elle avait la migraine, et Sohan n'avait pas cessé de s'agiter jusqu'au petit matin, probablement parce qu'il faisait encore ses dents. Autant dire qu'avant de parler de musique, de danse ou de quoi que ce soit d'autre du même acabit, elle voulait surtout du calme, du silence, et achever la paperasse qui s'entassait sur son bureau au sein de la Citadelle. Installée au sein de sa résidence dans le quartier des citoyens, la nordique picorait lentement les morceaux de pain de seigle imbibés de soupe de bière sucrée contenus dans sa coupelle. Du fromage, des œufs durs et des tranches de jambon étaient disposés sur une assiette et n'attendaient que d'être dévorés, mais elle n'y mettait vraiment aucun cœur. Ce n'était pas dans ses habitudes, vraiment, les circonstances jouaient simplement contre elle. Il ne restait que peu de temps avant la cérémonie, à peine une journée, et elle était déjà certaine qu'on allait la noyer sous les questions et les détails, frustrée d'avance de devoir supporter cela alors qu'on s'occupait des préparatifs à sa place spécialement pour lui permettre de se concentrer sur la vie de la cité. Soupirant, elle prit son verre, le vida et décida finalement de se lever, replaçant les vivres sur un plateau qu'elle alla déposer en cuisine.

Déjà harnachée, Tryghild quitta la résidence et comptait seller l'un des cheveux de la maisonnée pour se rendre jusqu'à la citadelle, lorsque Sigvald la rejoignit. Vingt minutes plus tard, ils étaient face à face sur l'un des terrains d'entraînement de la ville, entourés d'une foule circonspecte et enthousiaste à la fois, et sous une pluie battante. Le sol de terre était meuble, mou et boueux au possible, et l'eau continuait de s'accumuler, mais ce n'était pas pour cela qu'elle cessait ses assauts. Torse nu, la poitrine serrée par une bande de cuir, cheveux retenus pour ne pas venir lui boucher la vue pendant qu'elle frappait de toute ses forces sur son futur époux, l'Intendante ne s'arrêtait pas, ni pour les éclaboussures, ni pour les torrents aqueux, ni même quand elle glissait. La rage au ventre, elle avait la ferme intention d'en découdre, sous les vivats d'une foule qui appréciait le spectacle des deux glacernois s'empoignant avec passion. Un instant, elle vint Sigvald osciller à son tour, et avec un sourire carnassier et un aboiement de victoire, bondit sur lui, l'entraînant avec elle au sol où ils roulèrent sous un rugissement de leur public. Elle se jucha sur lui, les cuisses lui entourant le torse et montra les dents, voulant le retenir au sol de toutes ses forces. Il résista avec honneur et elle banda les muscles, pesant autant qu'elle le pouvait. Que cela faisait du bien de se défouler ! Mais leur duel n'était apparemment pas destiné à le demeurer, et avec l'arrivée de nouveaux adversaires, la lutte devint une mêlée générale de laquelle ils ressortirent crottés des pieds à la tête. Sigvald avait réussi à prendre sa revanche et elle avait ensuite affrontée deux jeunes almaréennes seule pendant que son futur époux asseyait son autorité sur plusieurs soldats en permission qui avaient décidé de tenter leur chance. Cependant, quand elle ressortie enfin de la mêlée, elle se sentait de bien meilleure humeur. S'étirant pour détendre ses muscles chauffés par l'effort, la nordique chassa un morceau de terre molle du creux de son cou et observa la silhouette tout aussi souillée du général non loin. Un sourire naquis à ses lèvres, et elle l'attaqua par derrière avant de l'entraîner hors des carrés de duels.

Maintenant que leur 'différent' était réglé, elle n'avait pas de raison de continuer à lui en vouloir. Intérioriser ne menait à rien après tout, mieux valait régler la question tout de suite puis laisser cela au passé. Il était néanmoins hors de question qu'ils traversent la ville vers quelque lieu que ce soit sans prendre le temps de se nettoyer… elle en particulier car elle était certaine qu'Ilhan allait décéder s'il la voyait ainsi dans un bureau. En compagnie du général, elle marcha donc jusqu'aux bains les plus proches, retira ce qui lui restait de vêtements, les jetant dans une panière de linge sale prévu à cet effet puis prit un sceau plein d'eau fraîche pour commencer à retirer avec un linge le plus gros de la boue et du sang. Puis elle se glissa dans le même bassin que son fiancé, l'observant tout en démêlant ses cheveux. Le silence faisait du bien après tout ça, un bien fou même. Et il lui était plus facile de penser comme ça. Calquant son rythme sur le mouvement machinal et répétitif de ses mains, l'Intendante se perdit un instant dans ses préoccupations. Peut-être que la cérémonie l'angoissait plus qu'elle n'avait voulu l'admettre jusque là. Certes, ce serait sa seconde, mais la première fois, son époux et elle n'avait pas eut cette même… connexion, ce lien qu'elle partageait avec Sigvald. En se penchant sur la relation qu'elle entretenait avec le patriarche Elusis, ell se rendait aisément compte que ce qu'elle lui vouait se rapprochait de l'amour tel que les sudistes aimaient tant le vanter. Elle tenait à lui, elle avait cette chaleur au cœur quand il était proche, elle voulait le protéger et le voir en vie, auprès d'elle. Et à bien y réfléchir, si elle venait à être considérée inapte à l'Intendance, resserrer les liens de sa famille avec lui ne l'aurait en rien frustré. Ils auraient pu faire beaucoup, ensemble. Alors pourquoi est-ce qu'elle s'angoissait pour la cérémonie ? Il porterait officiellement le nom de Svenn désormais, et son père aurait approuvé cela. Elle ne savait pas, elle n'était pas bien certaine de ce qui se passait en elle. Ce n'était pas comme la peur de le perdre au combat, c'était… ah, ça lui échappait complètement et c'était frustrant. Relâchant enfin ses mèches, elle s'immergea presque totalement, ne laissant que son visage hors de l'eau et pencha la tête sans le quitter des yeux.

« Viendras-tu chasser avec moi, après la cérémonie demain ? »

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Même maintenant, alors qu'il voyait sa futur épouse lui foncer dessus avec la rage au ventre, Sigvald n'était pas certain de comprendre le pourquoi du comment de sa situation. Quelques instants plus tôt, il croisait la jeune femme à la sortie de sa demeure et l'avait abordé avec une humeur égale à tous les autres jours... ou peut-être s'était-il montré trop ouvertement familier ? Une taquinerie, à propos d'une certaine robe à porter pour leur mariage, lui avait échappé. Jamais il n'aurait songé que vingt minutes plus tard ils en seraient là : sur une aire d'entraînement, sous une pluie battante et glacée. La boue collante qui ventousait leurs pieds jusqu'aux mollets et les flaques abondantes, rendant chaque déplacement aussi laborieux que précaire, n'arrangeaient rien. Sans avoir eut son mot à dire ou même la chance d'élever une plainte, le Champion avait été traîné jusqu'ici et devait à présent sauvegarder autant sa dignité au regard de la foule amassée que juguler la fureur de sa promise.

Torse nu, vêtu d'un simple pantalon de cuir souple et de brassards, il avait attaché ses cheveux d'une simple lanière de cuir ramassée hâtivement dans les vestiaires. La sensation de la boue visqueuse entre ses orteils était aussi déplaisante que les taquineries qu'il entendait fuser à son égard par delà le rideau de pluie torrentielle ; "c'est l'Intendante qui va nouer le ruban !", "Il va déjà perdre son nom alors pourquoi pas les bijoux de famille ?" et d'autres joyeusetés qui lui firent un instant lever les yeux au ciel. Mauvaise idée. L'instant suivant, l'immense glacernois se retrouvé fauché au niveau de la taille et, perdant un équilibre déjà précaire, tomba au sol dans une gerbe d'eau. Le choc et le poids soudain sur lui coupèrent son souffle pendant de précieuses secondes, laissant à Tryghild le temps de s'installer. Quand le décors cessa de tanguer autour de lui, il chercha aussitôt à se dégager de la prise qui le maintenait en place, vulnérable.

Malgré la différence de taille, son épouse en devenir possédait une force bien supérieure à la sienne et si en temps normal il s'agissait d'une des nombreuses raisons qui en faisaient sa fierté, là ça l'emmerdait copieusement. La poigne de l'Intendante semblait de fer et s'il n'y avait pas eut l'intervention d'autres participants impatients d'en découdre, il aurait probablement perdu avec fracas. La mêlée fut générale et il n'hésita pas à retourner la situation et d'enfoncer la tête de sa chère et tendre dans un replis bien boueux avant de décamper à l'autre bout du terrain pour s'en aller dérouiller quelques insolents. Il n'y avait pas de honte à savoir se replier quand la situation l'exigeait et vue la hargne que déployait Try' ? Le Général était frileux à la confronter une seconde fois en face à face.

La cohue s'étiola progressivement soit parce que le devoir appelait les participants, soit parce qu'ils n'étaient tout simplement plus en état de poursuivre, car comme tout ce qu'entreprenaient les délimariens ; ils ne le faisaient pas à moitié. Sigvald tituba légèrement hors du carré d'entraînement et fut heureux de retrouver sous ses pieds le dallage solide, bien que trempé, des grandes allées qui quadrillaient les terrains en portions individuelles. Ses muscles brûlaient de l'effort, ses articulations s'engourdissaient agréablement alors qu'il sentait chacun de ses souffles éveiller une douleur sourde dans ses côtes, trahissant une fêlure ou deux sur les flottantes. La moitié de son visage était couverte de sang à cause d'une arcade ouverte et l'autre était un masque de boue.  Ses cheveux emmêlés n'étaient pas retenus par la lanière, perdue corps et âme dans la boue, mais par la crasse qui formait un casque visqueux qui lui coulait sur les temps en gros paquets.

Avant qu'il ne retrouve Tryghild dans la masse restante, un poids soudain lui percuta le dos et lui fit perdre un instant son souffle. Avec un grognement, il regarda par dessus son épaule et croisa le ravissant visage souriant de la jeune femme... toute la boue et le sang en plus. Visiblement, elle aussi s'était bien amusée ! Sans un mot, il la suivit jusqu'aux bains les plus proches où il jeta ses vêtements dans une petite panière avant de récupérer un seau d'eau pour se rincer du plus gros de la crasse qui l'habillait. Usant d'un baume gras sur son arcade, il arrêta au moins le saignement à défaut de sutures et se rendit ensuite dans un petit bassin à l'eau chaude et fumante.  Assis en tailleur et bras accoudés sur le bord en une posture décontractée, le glacernois ferma les yeux le temps de détendre un à un ses muscles. La silhouette fut parcourue de plusieurs frissons nerveux avant qu'enfin il ne soit décontracté de la tête aux pieds.

Il ouvrit un oeil en entendant les pieds nus sur le carrelage des bains et observa le corps merveilleusement sculpté de l'Intendante qui approchait, puis le rejoignait dans l'eau chaude. Ils échangèrent un long regard, n'ayant pas besoin de mots pour s'exprimer et Sigvald esquissa l'ombre d'un sourire avant qu'il ne referme les yeux et ne savoure simplement le silence. Il n'y avait que le clapotis de l'eau sur les bords de pierre, quelques gouttes qui tombaient des gueules béantes de loups sculptés et qui déversaient, à heure fixe, une nouvelle gerbe d'eau pour maintenir le niveau des bains. Une profonde inspiration souleva son torse marqué de nombreuses cicatrices, certaines vieilles de plusieurs années, d'autres bien plus récentes. Il laissa son esprit vagabonder, mais malgré tous ses efforts il ne faisait que revenir à la présence près de lui et finalement, il rouvrit les yeux pour contempler Tryghild.

Au même instant, elle arrêtait de peigner ses cheveux et s'immergeait jusqu'au menton, laissant les boucles sombres flotter autour d'elle comme une écume d'encre. Un sourire tendre lui échappa, naturel et il tendit une main sous la surface pour en saisir une poignée. Il laissa ses doigts jouer dans la texture soyeuse, ne répondant pas tout de suite à sa question. Du dos de ses phalanges, il lui caressa la gorge et descendit sur sa clavicule avant de remonter pour effleurer la courbe de sa joue, y laissant quelques gouttes d'eau au passage.  Quand il prit finalement la parole, ce fut d'un ton amusé, vaguement cynique et il vint passer ses doigts dans sa propre tignasse emmêlée. Il grimaça lorsqu'un nœud se bloqua à son index et il tira dessus sans douceur pour s'en défaire.

"- Ça dépend... dois-je me préparer à chasser du gibier ou à me faire chasser comme du gibier par mon épouse ?"

Il l'observa sans ciller, puis après un blanc il hocha la tête en une affirmation silencieuse, mais pas moins sincère. Bien sûr qu'il l'accompagnerait chasser dès qu'ils auraient noués le ruban de promesse autour de leur poignet. Un instant, il hésita à lui demander ce qui lui avait pris, pourquoi elle avait semblé à ce point furieuse contre lui... mais il s'abstint. A la place, il se redressa et attrapa sur le bord de leur bassin un petit panier d'osier qui contenait plusieurs nécessaires d'hygiène. Il fit signe à Tryghild d'approcher, puis de lui tourner le dos. D'une main, il chassa les cheveux de son dos, les lui torsadant par dessus une épaule et de l'autre attrapa un savon noir qu'il commença à appliquer sur sa peau en petits cercles. Une mousse abondante et hydratante, enrichie d'huile d'olive commença à apparaître alors que les minéraux intégrés dans le savon gommaient doucement l'épiderme de toute sa crasse.

"- J'aimerai que l'on profite de cette sortie pour chercher un endroit pour construire un chalet familiale. Je m'y connais assez maintenant en charpenterie pour nous faire quelque chose de correct."

Il se pencha et embrassa le creux de sa gorge, pressant un instant son torse à son dos musclé et continua d'une voix basse au creux de son oreille :

"- Un lieu proche d'une rivière, un terrain abondant pour la chasse. Quelque part dans les collines, loin dans les bois. Isolé pour nous, puis pour enseigner aux enfants à se battre, à chasser et traquer... Pour nous de nous écarter de nos devoirs, nous ressourcer."

A chaque phrase, il embrassait sa peau chaude tandis que ses doigts parcouraient sa taille ferme, dessinaient l'arrondi de ses hanches, étalant le savon ou le diluant dans l'eau selon les zones que ses doigts calleux parcouraient avec tendresse.

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Elle eut un sourire, à la question seulement à moitié sérieuse de son fiancé, mais n'y répondit pas. Qui sait ? Peut-être qu'elle le chasserait vraiment. Cela pouvait être un jeu nuptial particulièrement stimulant pour eux non ? Bien sûr elle éviterait de le trouver d'une balle, le but n'était pas d'endommager la marchandise… Mais ça, elle n'allait pas le préciser, elle le laisserait deviner ses intentions. C'était plutôt amusant à faire, en fin de compte. Toujours souriante, elle s'approcha et lui tourna le dos, le laissant faire. Cela pouvait paraître un geste anodin à n'importe quel sudiste, mais pour eux, il en était autrement. Lui montrer son dos, c'était lui faire confiance. Il pouvait faire ce qu'il voulait qu'elle ne le verrait pas, ou trop tard pour réagir. Mais il ne lui ferait pas de mal. De nouveau, elle tâcha de dénouer sa chevelure rebelle, avec une petite grimace de frustration. Ça n'allait jamais. Peut-être aurait-elle dû tout couper pour faire plus simple. Elle avait toujours des nœuds quoi qu'elle fasse. Même le lendemain pour la cérémonie elle était certaine d'avoir encore et toujours des nœuds, c'était fatiguant à la fin, et encore, elle avait les cheveux relativement courts comparés à certaines sudistes. Comment ces femmes faisaient-elles pour porter des crinières descendant jusqu'aux genoux, elle ne le saurait jamais. Elle-même serait morte de frustration et de colère avant d'avoir pu réellement apprécier les bons côtés de ce genre de chose. Combattre avec une telle tignasse ne serait jamais possible. Prenant un peu d'huile, elle l'appliqua sur plusieurs mèches, l'écoutant d'une oreille et essayant de s'en sortir de l'autre. Un fin sourire vint de nouveau jouer sur ses lèvres, plus tendre et moins taquin. Il y tenait vraiment à cette histoire de chalet hein ? Mais l'idée était plaisante et complètement inoffensive. Et cela leur ferait un projet commun. Elle souriait à ses baisers, à sa voix chaude, et après quelques instants hocha la tête.

«  Ça me va »


Un chalet dans un coin isolé de leurs terres, où ils pourraient se retirer de temps en temps ? Ils n'en parleraient à personne, ne donnerait la localisation à personne, pour être réellement coupés du reste du monde. C'était dur, de s'imaginer loin de ses responsabilités, elle n'en avait pas l'habitude, pas depuis qu'elle avait été élue par les siens. Pendant quatre ans, ça n'avait été que devoir, devoir et encore devoir. Et avant ça, son père l'avait formé dans le même moule. Se dire qu'elle pouvait simplement prendre une pause pour se reposer lui semblait étrange, même si c'était une image agréable. Entre y penser et l'appliquer, elle avait du chemin à faire. Peut-être qu'aider Sigvald à construire le chalet le lui permettrait ? Installer son fils aiderait sans doute également. Elle avait toujours eut besoin de quelque chose de concret pour se projeter. Par des questions tranquilles, elle essaya de savoir si lui se projetait dans ce projet et s'il avait déjà des intentions ou s'il attendait de savoir le terrain exact de la construction pour construire quelque chose. Tous deux étaient des personnes relativement peu attachées aux biens matériels, il ne s'agissait pas tant de décoration que de savoir à quoi le chalet pourrait ressembler exactement. C'était touchant de savoir qu'il apprenait la charpenterie spécialement pour pouvoir s'occuper de construire un sanctuaire pour sa famille. C'était aussi une preuve supplémentaire, si elle en avait besoin, que son choix de partenaire était le bon. Sigvald savait s'occuper d'une meute et elle, elle avait besoin de lui. D'aide et de soutient. Le rappel vint alourdir son plexus d'un poids confus, comme celui dont elle s'était débarrassée sur le terrain d'entraînement. Son sourire disparut et elle se laissa encore faire quelques instants avant de lui échapper et de se tourner pour le contempler. Il avait l'air encore pire qu'elle.

D'une main, elle prit davantage d'huile et vint s'occuper de la tignasse de son fiancé, histoire qu'il ne ressemble pas à une chouette qui aurait se frotter dans le mauvais arbre. Lui aussi avait des nœuds, et elle essaya de ne pas trop tirer dessus en se battant avec. Ils restèrent un moment ainsi, alors qu'elle prenait un peigne pour lisser les cheveux pâles de son fiancé, puis chassait de ses muscles les restes de crasse et la fatigue. Alors qu'elle le contemplait, Tryghild se demanda un instant si elle n'avait pas oublié comment être heureuse sur le long terme. Était-ce la peur de ne pas savoir comment savourer ce qui lui était offert qui la poussait à se caparaçonner de colère et de devoirs ? Ses mains s'arrêtèrent sur ses épaules puissantes, alors qu'elle baissait un moment la tête, pensive. Lentement, le clos de ses bras se referma sur le cou musclé de son fiancé, y laissant peser son poids tandis qu'elle l'enlaçait. Les petits cheveux sur sa nuque faisaient des boucles à cause de l'eau, lui tirant une vague expression d'affection, avant qu'elle ne ferme les yeux.

«  Je suis nerveuse. C'est stupide, je sais mais… je n'arrive pas à m'en défaire. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quoi que ce soit, tu comprends »

Peut-être qu'il ne comprenait pas justement et qu'elle ne pouvait pas lui demander de le faire. Pourtant lui aussi avait déjà été marié et sa femme était morte dans de terribles circonstances. Dans l'intimité des bains, elle s'ouvrit à lui, d'une voix basse, sur ses peurs, ce qu'elle craignait pour Cordont, pour Délimar, pour sa propre famille, pour eux deux. Elle lui fit part de sa peur à ne pas pouvoir lui donner ce qu'il méritait, de ne plus être capable de voir de l'espoir dans l'avenir, de répéter les erreurs de son père. Sans doute était-ce simplement un trop plein, mais elle lui parlait. À défaut de le rendre heureux, au moins était-elle sincère envers lui, non ? Le mariage approchant lui faisait reconsidérer toute sa valeur potentielle et qu'avait-elle donc pour elle ? Peut-être n'était-elle plus bonne pour avoir une famille. Peut-être avait-elle donné sa contribution et devait-elle s'arrêter là ? Elle voulait tellement que tout se passe bien que la simple idée de décevoir qui que ce soit la tétanisait. Elle avait l'impression d'un gouffre devant lequel elle se tenait et qui contenait les attentes de toute une ville.

«  Désolée... »

Elle s'était enfin tue et lui lança un long regard fatigué et coupable. Si ça se trouvait, lui aussi avait peur… elle n'avait pas le droit de rendre les choses plus pesantes encore. Ce n'était pas agréable et c'était mal le remercier. Gênée, elle écarta une mèche humide de son visage et l'observa de nouveau. Le poids qu'elle portait semblait un peu moins lourd à présent qu'elle avait pu énoncer tout ça. Elle s'en faisait trop non ? Mais quand il lui avait parlé de robe, elle n'avait plus su quoi faire. Elle avait oublié qu'il lui avait demandé ça, parmi tout le reste ! La seule chose que son futur époux lui demandait véritablement, elle avait réussit à oublier. Certes, ce n'était pas une demande qui lui plaisait particulièrement mais tout de même c'était important qu'elle s'en souvienne. Et elle ne pouvait pas vraiment lui expliquer. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était que tout le reste de la cérémonie soit parfaite pour eux. Ils n'auraient de toute façon qu'un comité réduit, ils n'étaient pas à Sélénia pour inviter la moitié de la ville à la cérémonie.

«  Je me sens bête maintenant...Oublis cela, veux-tu ? Tout ira sans doute mieux demain, une fois que je ne serais plus entrain d'attendre stupidement »

Sortant enfin de l'eau, elle prit une pièce de tissu pour se sécher et commença à regarder pour prendre des vêtements simples dans ceux disponibles afin de pouvoir retourner à la Citadelle. Mais cette simple perspective faisait de nouveau monter l'irritation en elle. Se tournant vers son fiancé, elle chercha son regard pendant un instant.

«  A vrai dire… que penses-tu de prendre cette journée pour nous ? Je crois que je serais incapable de me plier à mes tâches et je n'ai pas envie de les faire mal alors… peut-être que toi et moi, on pourrait… en profiter... »

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Son approbation lui fit fermer lentement les yeux de plaisir alors qu'il savourait le goût de ce projet qui, enfin, semblait se matérialiser concrètement. Ce n'était rien de grandiose, ça n'allait pas changer la face de l'Alliance. Mais pour lui ? Jusqu'à présent cela n'avait été que des pensées, des schémas qui ne cessaient d'être repoussés encore et encore. Il y avait toujours eut quelque chose de plus urgent à régler, que ce soit un conflit à l'échelle de l'île toute entière qu'un simple travail dans l'enceinte de Délimar. Pendant longtemps il avait hésité à en faire part à sa fiancée, mais à la veille de leur mariage il se disait que ça ne lui coûterait rien d'essayer et Tryghild, une fois de plus, ne l'avait pas déçue. Avec tout autant de calme, il continua à lui effleurer la peau, transformant ce qui devait être un soin corporel en un jeu plus érotique. Ses mains avaient glissé sur son ventre musclé, puis étaient remontées sur ses flancs où ses doigts effleuraient le galbe de sa poitrine. Avec tout autant de calme, il répondait à ses questions et elle pu sentir contre sa gorge le sourire que le glacernois ne cherchait pas à dissimuler. Il était heureux de ce projet, heureux de la deviner intéressée et même curieuse.

Il n'avait pas pensé très loin en ce qui concernait les plans du chalet. Il savait qu'ils auraient besoin au minimum d'une cheminée et d'un cellier. Il savait aussi qu'il voulait une vaste pièce en rez-de-chaussée, mais aussi une petite mezzanine pour y mettre les lits des enfants, proche du conduit de cheminée pour qu'ils aient chauds même durant les nuits. Le reste, que cela soit l'alimentation en eau ou en lumière, l'agencement de la grande pièce, tout dépendrait de la localisation choisie et sur ce point là ; il voulait réellement le décider avec son épouse. La vue, le type de terrain... mais ils avaient le temps, n'est-ce pas ? Lui-même n'était pas sûr de pouvoir se dégager avant plusieurs mois tant que la situation à Cordont ne se serait pas stabilisée... tant qu'ils n'auraient pas sécurisés concrètement les couloirs souterrains et jugulés l'avancée inquiétante des Ékinoppyres. Le poids de ses responsabilités lui pesa à nouveau sur les épaules et il commençait à s'y laisser prendre, plongeant dans ses réflexions, lorsqu'il sentit le corps de sa tendre échapper à ses caresses. Intrigué, il rouvrit les yeux et croisa son regard. A l'inspection dont il était la proie, il haussa un sourcil circonspect en réponse silencieuse.

La voyant faire, il se pencha pour lui laisser un accès total à sa tignasse blonde. Il ferma encore les yeux et poussa par instant un vague grondement alors que les tiraillements involontaires sur son cuir chevelu interrompaient le bien être ressenti à se faire masser le crâne et papouiller les cheveux. Lorsqu'il cessa de ressembler à un épouventail, il bougea de sorte à avoir lui aussi droit à un brin de toilette. Il était rare que l'un et l'autre s'accordent des moments de détente aussi prolongé ou viennent, étrangement, à panser réciproquement leur plaie... car il ne fallait pas se leurrer, tout deux souffraient de quelque chose dont ils ne parvenaient pas à en identifier la source. Si Tryghild semblait plus honnête sur le sujet, lui détournait généralement les yeux, l'enfouissant loin et poursuivant tant que le poids ne devenait pas écrasant. Mais dans la tranquilité des bains, avec le seul clapottement des vagues que leur deux corps créaient, ils ne pouvait s'empêcher d'y réfléchir. Voir l'expression troublée de son épouse, sentir ses mains sur son dos à faire frémir ses muscles... s'engageaient-ils sur la bonne voie ?

L'étreinte le fit frémir et il vint instinctivement passer les braus autour de la silhouette de sa compagne, l'enfermant dans une étreinte tendre qui se voulait protectrice. Il se voûta légèrement au dessus d'elle, pressa sa tempe à la sienne et prit une profonde inspiration alors que ses paroles le frappaient plus durement que tous les coups qu'elle avait pu lui assenner quelques instants plus tôt, dans la cour d'entraînement. Que pouvait-il répondre à cela !? Bien sûr qu'il ne voulait pas, lui-même, souffrir d'un quelconque mal toutefois la vie n'était pas aussi simple. Il était un guerrier, mais plus encore que d'être le Général d'une cité telle que la leur, il était son Champion. Il avait été modelé et éduqué pour vivre et mourir en son nom... bien sûr qu'il lui arriverait fatalement quelque chose. Toutefois, l'entendre s'inquiéter et surtout partager ses craintes lui réchauffa égoïstement le coeur. Il n'était pas un simple outil pour elle, il était bien plus et parmi tous les hommes qui habitaient la ville, qui venaient de Glacern et occupaient un rang élevé dans leur société ; c'était lui qu'elle désirait avoir comme époux.

"- Tryghild..."

Il leva les mains pour lui masser un instant le dos, glissa à ses épaules fermes qu'il attrapa avec tout autant de force avant de la reculer de sorte à ce que leur regard se croisent à nouveau. Il ne pouvait pas accepter ses excuses, parce qu'il ne les méritait pas. Parce qu'elle n'avait pas à douter, qu'elle n'avait pas à ressentir tout cela. Mais comment le lui faire comprendre ? Il n'était pas un homme de lettres et encore moins un fin psychologue. Quelles preuves pouvait-il lui fournir pour l'apaiser à part se tenir à ses cêtés, indéfectible, et laisser le temps comme seul juge de sa bonne foi ? Mais il savait que ce ne serait pas suffisant ou que, comme il le sentait confusément, il serait alors trop tard. Il la sentait lui glisser entre les doigts et pas que métaphoriquement alors que Tryghild quittait les bains, qu'elle s'éloignait de lui après lui avoir demandé d'oublier tout ce qu'elle venait de lui dire. L'homme fronça les sourcils et serra les poings alors qu'il restait seul dans l'eau qui soudain lui paraissait glacée en comparaison du corps qu'il avait tenu quelques instants plus tôt contre lui.

"- Non."

Il sortit à son tour d'un geste fluide, faisant rouler sa puissante musculature sous une cascade d'eau encore fumante. Il s'approcha d'elle pour lui attraper le poignet et l'empêcha d'atteindre ses vêtements. Il la tourna vers elle et de son autre main, il lui attrapa le menton.

"- Non, je n'oublierai pas tes aveux. Ils sont bien trop rares et précieux pour cela, Try'."

Il pressa son front au sien et continua d'une voix plus basse, grondante de sa propre frustration.

"- Moi aussi j'ai peur. Peur de trahir la mémoire d'Astrid en étant heureux aux côtés d'une autre. Je n'arrive pas à m'enlever de la tête que tu mérites mieux que moi et que je suis un choix par défaut. Je me bats pour ignorer ces sentiments mesquins qui ne font que souiller ton honneur et la confiance que je te porte... mais ils restent là, alimentés par mes échecs et souffrances passées, tout comme toi. Tu n'as pas à avoir honte ou peur de ces sentiments, ils font parti de toi... tu dois juste... Tu dois juste les porter et continuer d'avancer, encore et encore."

Son pouce lui caressa une joue.

"- Je comptais dire mes voeux demain, mais sache déjà que je suis là. Pas seulement comme Champion ou Général. Mais j'espère aussi comme ami et époux. Tu peux t'appuyer sur moi, je n'en penserai pas moins de toi... jamais, Tryghild. N'ai pas peur de venir me voir, n'ai pas peur de te confier. Je ne te jugerai jamais, mais je peux te donner mon avis et t'aider à atteindre les objectifs qui sauront t'apaiser, même un peu."

Sigvald releva la tête pour baiser son front, puis ses cheveux alors qu'il se détournait pour prendre à son tour une serviette qu'il passa sur sa nuque, son visage, puis son torse avant de la nouer nonchalament à ses hanches.

"- Nous pouvons aller repérer les terres alentours. Lorsque nous aurons trouvé ce qu'il nous faut, alors nous pourrions y établir un campement temporaire. Les jours sont encore court, mais à nous deux nous pourrions au moins créer un abris pour y passer la nuit confortablement."

Il leur suffirait de simplement préparer les cheveux, puis les paquettages avec de quoi manger et traiter le bois qu'ils découperaient. Rien de plus que deux haches, des cordages et quelques toiles cirées. Le reste se trouverait aisément sur place. Songeur, Sigvald enfila une chemise et attrapa une paire de pantalon.

"- Nous n'aurons qu'à rentrer à l'aube. Si nous traînons plus tard, je crois qu'Avente va faire une syncope et que nos familles respectives vont nous renier pour avoir mis en péril toute la cérémonie."

Le ton, rieur, fut suivit d'un léger rire alors qu'il terminait de s'habiller. Ses cheveux humides furent noués d'un lacet avant qu'il ne rejoigne la jeune femme et ne pose une main au milieu de son dos.

"- Occupes toi des montures et de quoi manger. Je vais arranger le reste. On se retrouve aux écuries ?"

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Non ? Surprise, elle se tourna vers Sigvald, ne cachant rien de son expression piquée et incrédule. Comment cela non ? C'était si soudain qu'elle ne sut même pas, dans un premier temps, de quoi il retournait avant que la suite ne le lui rappelle et qu'elle se sente particulièrement idiote. Réellement gênée, elle ne le regarda pas moins en face, alors qu'il lui soulevait le menton. Précieux ? Non décidément, il était aveuglé par son affection envers elle, elle ne voyait que cela. Ce n'était rien de plus que des inquiétudes de vieille femme, même si s'inquiéter pour son futur époux était naturel, elle devait absolument se ressaisir et se secouer. Son père l'avait mieux éduquée que cela, elle devait se montrer forte et solide pour le bien des siens. Elle n'avait pas le droit de se laisser aller à de telles futilités, elle le savait mais… mais elle n'y pouvait rien. Cela la taraudait sans cesse, nuit et jour depuis le Tyran Blanc. Elle n'avait pas cessé un instant d'y penser, se forçant à aller de l'avant à chaque souffle de vie qu'elle dépensait mais… parfois… cela devenait trop lourd, trop encombrant, trop immense pour son silence. Coite, pourtant, elle l'observa alors qu'il lui livrait ce que lui-même avait sur le cœur. Ses sourcils se froncèrent doucement, ses lèvres s'entre-ouvrirent mais aucun son n'en sortit. Elle ne savait que répondre. Sigvald faisait écho à son père dans le fond, en lui conseillant d'avancer et de ne pas se laisser ralentir. Mais elle restait démunie, incapable de simplement ignorer tout cela en permanence, incapable de faire la paix avec ce qu'elle ressentait.

Avancer lui faisait l'effet d'une fuite. Tout simplement. Pourtant, les paroles de Sigvald lui donnait bien autre chose, de plus, que ce simple conseil de résilience. Sa souffrance, ses scrupules, elle ne l'avait pas imaginé et s'en voulait de les lui avoir infligé. Le pire cependant était encore de croire qu'il n'était pas digne d'elle. Et elle ne savait pas quoi dire, tout comme elle peinait avec son fardeau, lui peinait avec le sien et elle se sentait impuissante à l'aider. Ce n'était pourtant pas faute de le vouloir. Pourtant, lui semblait capable de marcher au-delà. Était-elle si faible ?

« D'accord »

Elle n'avait rien pu dire, n'avait rien réussi à trouver pour répondre à tout ce qu'il lui avait confié. Les mots étaient encore des étrangers pour elle, surtout en pareille circonstance. Que dire ? Elle avait simplement envie de l'étreindre. Pour elle, cela parlait davantage. Après quelques instants d'hésitations, elle céda à cette idée, le serrant dans ses bras de toutes ses forces jusqu'à sentir un os ou deux grincer. Pourtant elle relâcha à peine, et après quelques instants, l'entraîna dans un baiser féroce et passionné. Parler n'avait jamais été son fort, mais elle savait transmettre ses émotions autrement.

Lorsqu'elle le relâcha, l'observant quelques secondes, la nordique éleva une main et lui caressa le visage. Par moment, elle se disait que c'était elle qui ne lui faisait pas honneur. Qu'elle ne le méritait pas. Étrange non ? Peut-être qu'ils se trompaient tous les deux. Elle se sentait idiote. Elle ne savait même pas réellement quoi faire. Quand il s'agissait d'une bataille, elle savait agir mais là ? Les relations sociales étaient ce qu'elles étaient, à Glacern, dictées par la réserve et par l'austérité, ainsi que par des codes strictes. Mais ils avaient évolués, ils avaient été secoués et changés après toutes ces épreuves.

« Je n'ai pas envie d'endurer »

C'était venu tout seul, et à défaut de réfléchir, elle continua simplement.

« Je n'ai pas envie de porter ces sentiments et d'avancer. Je veux m'en défaire. Je veux faire ce deuil et le terminer, y mettre un terme. Il me tue Sigvald, j'y pense en permanence. Une partie de mon cœur ait restée à tout jamais dans nos montagnes mais j'y suis toujours reliée. Je veux m'en couper. Je veux oublier, faire la paix avec tout ça. C'est… c'est fini tout ça. Glacern ne reviendra jamais, ni mon père, ni ta femme, ni personne d'autre. Ils sont morts. La meilleure chose à faire c'est d'accepter ça et de penser… de penser à nous »

Elle n'avait pas l'habitude de dire ce genre de choses. Cela allait à l'encontre de beaucoup de son éducation, car en tant que Svenn, elle était le bouclier de son peuple. Le Seigneur de l'Hiver était le plus grand des serviteurs, celui qui portait le poids le plus lourd. Il se devait d'exister pour son peuple, de vivre pour et par lui. Oublieux de lui-même, il devait accepter de souffrir pour que les autres soient heureux. Mais depuis les années où son père lui enseignait, elle avait connu bien des expériences, appris auprès d'autres cultures. Si elle ne rejetait pas son rôle, elle admettait ne pas pouvoir vivre simplement… pour ça. Elle ne voulait pas être simplement le Seigneur de l'Hiver. Elle était aussi Tryghild.

« Je veux bâtir une famille avec toi, Sigvald. Ce n'est pas en pensant aux morts que je le ferais. C'est simple à dire et j'ai conscience que je ne sais pas comment me défaire de tout ça moi-même mais je le veux… »

Elle l'avait dit quelques mois plus tôt. Elle voulait penser un peu à elle. C'était dur, souvent elle n'était pas certaine de savoir comment faire mais savoir qu'ils étaient heureux ensemble et ne regardaient pas par-dessus leurs épaules vers des fantômes était une certitude. Comme à chaque fois, maintenant qu'elle était lancée, elle partait billet en tête, fonçant en avant sans faire cas du reste. Inspirant profondément, elle le prit à son tour par les épaules. Il était un peu plus grand qu'elle. Enfant, cela l'a faisait souvent grincer des dents car elle aurait voulu, elle aussi, regarder son père dans les yeux. Mais désormais, elle n'en éprouvait pas d'amertume. Elle avait apprit à aimer cette ombre protectrice.

« Je ne veux pas simplement panser tes plaies. Je veux qu'elle guérisse. Je ne sais pas comment faire, ni pour toi ni pour moi. Je ne veux plus de cette vision sépulcrale des choses. Ce n'est pas comme cela que je conduirais Délimar vers la prospérité »

Un sourire défiant lui vint aux lèvres.

« Et si nous sommes en retard demain… et bien tant pis ! Je n'ai de compte à rendre à personne à part mon époux qui sera tout autant fautif. Est-ce que cela te convient ? »

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Il fut saisit et ne fit rien pour se soustraire à ce contact. L’air toutefois surpris, légèrement déstabilisé peut-être, il baissa les yeux sur sa promise et l’observa en silence. Il avait cru que la discussion en resterait là, qu'ils avaient tout deux suffisamment parler pour les prochains jours, mais il semblerait qu'en cet instant précis, dans l'intimité des vapeurs et des parfums du bain, leurs cœur autant que leur langue se dénouent. Si l’étreinte lui remit en place quelques vertèbres et fit grincer ses côtes, seul un sourire fugace, hésitant, lui vint aux lèvres alors qu’il passait les bras autour de ses épaules bien faites et l’enfouissait dans ce câlin surprenant, mais bienvenu. Quant au baisé, il le lui rendit avec plus de tiédeur, d’abord surpris par sa férocité, puis progressivement tout aussi passionné qu’elle et même plus alors qu’il sentait aisément le désir et l’envie chauffer au creux de ses reins.

Retrouvant son souffle après plusieurs longs instants à en manquer, Sigvald lui remit une mèche derrière l’oreille et caressa sa joue en mimique de son propre geste. Abaissant les paupières, il pencha la tête pour simplement profiter du contact qu’elle lui prodiguait, un effleurement qui toucha directement ses tourments, bien plus que toutes les paroles qu’elle pu lui confier par la suite. Tryghild était une femme d’action, il avait appris à apprécier la moindre de ses attentions à son égard, sachant combien il pouvait lui en coûter parfois. Mais il savait aussi combien les mots lui étaient étrangers, difficiles, aussi en recevoir autant était un véritable miracle ! Il remerciait Loup de ce moment privilégié et complice même si le sujet était douloureux, voire mélancolique. Lorsqu’il rouvrit les yeux se fut pour la fixer avec une douleur profonde. Il ne comprenait pas.

Il ne comprenait pas comment elle pouvait souhaiter quelque chose de pareil. Il entendait ses paroles, il saisissait leur sens et le message qu’ils transportaient, mais son cœur refusait de les accepter. Il n’avait pas été là lorsque Glacern avait disparu. Il n’avait pas été là lorsque sa femme et sa fille étaient mortes… et même en étant aux côtés de Havard, il n’avait rien pu faire pour le sauver. Comment pouvait-il passer à autre chose lorsque chaque jour lui rappelait ses échecs. La gorge nouée, il préserva son expression de toutes les émotions qui se disputaient derrière le gris orageux de ses iris. Lentement, il prit une profonde inspiration et la relâcha. Il laissa ses mains glisser le long de ses bras, caressa l’intérieur de ses poignets avant de saisir ses mains et de venir entrelacer leurs doigts.

« - Je désir aussi fonder une famille avec toi. »

C’est tout ce qu’il avait à répondre. Et au fond, c’était réellement tout ce qu’il désirait. Le reste ne serait qu’une discussion stérile et redondante, un gaspillage de salive. Ils venaient tout deux d’exprimer le fond de leur pensée, de leur cœur sur un sujet épineux chargé de rancœur. Il lui faudrait du temps pour y réfléchir, s’y poser et pondérer tout cela. Confronter ses émotions lui était difficile, ce n’était pas quelque chose qu’on lui avait appris. Peut-être se rangerait-il à ses côtés, peut-être continuera-t-il à se fustiger secrètement pour ses échecs. Mais tous ses doutes, il les mâchonnerait comme un vieil os en privé. Tryghild désirait aller de l’avant et il l’accompagnerait, toujours. A jamais.

« - Le temps nous dira. Tu as raison. »

Il s’inquiétait, forcément. Mais il ne voulait pas lui dénier d’entrée de jeu ses efforts et se trouvait, peut-être égoïstement, curieux de voir comment elle comptait s’y prendre. Lui-même ne pensait pas souffrir d’un mal quelconque ou avoir besoin de guérir ses blessures. Elles étaient simplement là, comme un fardeau supplémentaire et familier. Il en souffrait, effectivement, mais bien d’autres maux l’affligeaient au quotidien sans qu’il ne s’en formalise. Il avait l’habitude. Continuer de l’avant quelque soit le nombre de coups reçus, toujours se battre. Une mémoire des jours perdus. Des gens perdus. Il soupira, chassant ces idées noires par la même occasion et haussa des épaules alors qu’un sourire plus franc s’accrochait à ses lèvres.

« - Cela me convient… et puis, ce n’est pas comme s’ils pouvaient commencer sans nous. Pour ce vieux Avente, je le dispenserai d’entraînement en excuse. »

Mais lui ferait mettre les bouchées doubles dès qu’ils reprendraient ! Il n’avait aucune raison d’épargner cette vieille chèvre après tout… et puis, c’était pour son bien. S’il voulait vivre parmi eux, il allait devoir se renforcer. De plus, les Chimères approchaient. Tout le monde devait se préparer.

Lorsqu’ils sortirent des bains, ils croisèrent une vague de guerriers et de combattantes tout aussi boueux et piteux qu’ils l’étaient à leur entrée, quelques temps plus tôt. Visiblement, la mêlée générale avait pris fin et les participants venaient se décrasser avant de retourner à leurs tâches quotidiennes. Sigvald accompagna sa fiancée jusqu’aux écuries avant de l’y laisser et de poursuivre jusqu’aux ateliers. Il y attrapa deux petites haches, plusieurs mètres d’une corde fine huilée ainsi que deux couvertures et des sacoches supplémentaires pour les selles. Avisant d’autres ustensiles, notamment pour la cuisine, il prit un ensemble en fer blanc puis rejoignit Tryghild aux écuries.

Mjollnir était son étalon, une superbe monture pur sang glacernoise. Il avait été élevé, dressé et accoutumé à la vie de guerre et de traques contre les vampires, mais aussi les autres races. Mesurant deux mètres cinquante au garrot, il possédait une robe blanche tâchée de noire et d’immenses yeux d’un bleu profond et velouté. Doté d’un caractère placide, il était une monture attentionnée et obéissante bien que courageuse et farouche lors les situations le demandaient. Heureux de retrouver les deux humains, il frottait ses naseaux contre leurs épaules et piaffait à l’idée de pouvoir se dégourdir les jambes.

Depuis qu’il avait Amarok, Sigvald l’avait un peu négligeait et il s’en voulait… mais les plans qu’il avait pour l’étalon lui permettraient de se rattraper, il en était certain. D’ailleurs pour cette sortie, il ne comptait pas prendre l’incarnation de Loup avec lui et vint flatter le large poitrail de l’animal avec affection.

« - Cela fait longtemps, mon vieil ami. »

Il pressa son front au sien avant de passer sur le côté et s’assurer que les sangles de sa selle soient bien serrées. Une main sur son encolure et il grimpa souplement sur son dos avant de tourner la tête en direction de Tryghild qui l’attendait sur sa propre monture. Ce fut au pas qu’ils gagnèrent le quartier résidentiel et qu’il se changea rapidement, adoptant une tenue bien mieux adaptée à leur petite sortie, sans parler de ses armes. Ils quittèrent ensuite l’Océanique et gagnèrent le chemin qui menait vers les amples collines.

« - Je pense que l’on peut commencer à chercher sur les flancs orientés au Sud afin que nous bénéficions du meilleur éclairage, même en hiver. Pas trop en hauteur, de sorte à être protégé du vent du Nord. La suite, nous aviserons sur place, qu’en penses-tu ? »

D’une pression des cuisses, il encouragea sa monture à s’élancer au trot, puis au galop quand ils quittèrent la route pour passer dans les champs et les prairies encore couvertes de neige à l’ombre des grands arbres. Avisant une levée de lièvres, Sigvald fit glisser d’une épaule son arc, encocha une flèche et sans faire ralentir sa monture et prenant une profonde inspiration afin de stabiliser ses bras, tira une unique flèche. Une des silhouettes brunes en fuite s’effondra et le chasseur tourna les brides pour s’en approcher. L’arc fut remis dans son dos et dans les dernières foulées puissantes de Mjollnir, il se pencha sur le flanc de la bête afin de pouvoir ramasser l’empennage moucheté de sa flèche et le lièvre dodu à son autre extrémité.

« - Notre repas... »

Dit-il d’une voix forte par dessus le vent de leur chevauchée, attachant la proie à un lacet sur l’arrière de sa selle. La belle fourrure d’hiver pourra servir comme dessus pour un coussin ou une couverture pour un bébé… Songeur, il fit sensiblement ralentir le galop de l’étalon quand ils entrèrent dans les sous bois qui bordaient le pied sud des collines.

« - Peut-être devrions nous chercher un ruisseau et le remonter ? Avoir une source d’eau courante à proximité nous rendra la tâche plus facile et attirera aisément des proies. »

Il repassa à un trot confortable sur la montée plus raide et encombrée qu’ils engagèrent. La fraîcheur de l’hiver le revigora et il eut un sourire alors que les arbres dénudés se refermaient sur eux deux. Les grands sabots des montures glacernoises brisaient les couches de givre et s’enfonçaient aisément dans la neige dure.

« - Combien... »

Il hésita, mais refusa de détourner les yeux de sa route alors qu’il reprenait le plus naturellement du monde :

« - Combien d’enfants es-tu prête à me donner ? »

Il en aimerait beaucoup, bien sûr… mais la décision n’était pas sienne à prendre. Après tout, il n’était pas le vaisseau de cette conception, juste un élément. Chacun avaient eut des enfants de leur précédent mariage et même s’il accepterait celui de Tryghild comme le sien, il en attendrait d’autres ; de son propre sang. Du moins, il en espérerait et puisque le mariage était au coin du jour et leur nuit de noce aussi ; il se posait la question de ce genre de projets. Un vague embarras lui vint et il ajouta avec maladresse :

« - Pour… Pour mesurer le terrain qu’il nous faudra, bien entendu. »

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Les retrouvailles entre Sigvald et son destrier tirèrent un regard attendrit à la guerrière, et elle resta un instant à les mirer tous deux avant de retourner à sa propre besogne. Hélas pour elle, sa propre monture glacernoise avait perdue la vie à la suite du terrible cataclysme qui avait ravagé les montagnes et rasé leur ville antique. La courageuse bête l'avait porté autant qu'elle l'avait pu, acceptant tous ceux que sa maîtresse avait fait monté sur son dos pour soulager les plus jeunes ou les plus blessés. Elle avait marché jusqu'au protectorat et était tombée morte à l'arrivée, comme si elle avait tiré toutes ses forces en refusant de mourir tant que son humaine n'était pas en sécurité relative. Elle n'avait pas eut le temps de dresser une nouvelle monture personnelle depuis et n'y avait de toute façon pas mit beaucoup de cœur, encore trop touchée pour passer au-dessus. Même à Délimar, elle n'avait pas trouvé le cœur de le faire. A la place, elle montait le destrier Almaréen de Thelem, Inexorable, une bête aussi haute qu'un cheval de la vieille Glacern, bien que d'un caractère plus rétif par moment. La bête, de robe isabelle, possédait une musculature noueuse et puissante et une encolure massive, tout comme ses énormes sabots ferrés. Sa haute selle adaptée aux voyages était entretenue avec rigueur, de sorte qu'elle n'eut guère de mal à la lui passer, puis à y adjoindre le mord et les rennes avant de guider la bête hors de son box et dans l'entrée de l'écurie. Se mettant en selle, elle attendit quelques instants que Sigvald la rejoigne puis ils prirent tous deux la direction de l'extérieur du quartier.

Restée silencieuse jusqu'à la sortie des murailles, la jeune femme prit longuement le temps de savourer le vent frais chargé de l'odeur de la campagne et le soudain silence naturel des lieux. Délimar était rarement silencieux, à part en pleine nuit. Contentée de sa présence, elle ne fut pas prompte à ouvrir de nouveau la conversation, préférant profiter de leur cheminement et tourna un regard légèrement surpris vers lui lorsqu'il s'adressa à elle, ne s'y étant pas réellement attendue. Hochant simplement la tête, elle orienta sa monture pour le suivre dans la direction indiquée, trottant lourdement. Lorsqu'ils quittèrent la route, passant au galop, elle fut contrainte de maintenir fermement le destrier qui se mit lentement en action comme une machine d'ingénierie lourde mais bien conçue. Il portait bien son nom, car s'il était dur à diriger, une fois lancé, il était très dur à arrêter. Derrière eux, la neige volait, sous eux, le givre éclatait. Elle eut un sourire en le voyant se saisir de son arc et lui laissa toute liberté et latitude de montrer son immense talent dans l'art de la chasse. Elle resta coite, admirant sa précision mais ayant pour l'heure surtout du mal à empêcher son destrier de continuer à foncer droit devant sans broncher. Le pur sang almaréen tourna enfin bride pour se rapprocher de la monture de Sigvald et en le voyant ramener le lièvre, Tryghild eut un simple geste, partie intégrante de leur langue ancestrale, pour saluer l'exploit. Ils repartirent et ne ralentirent de nouveau qu'en entrant dans les sous-bois, où ils devaient se baisser ou écarter des branches pour éviter de se faire mal.

Là, le froid se faisait un tantinet moins âpre bien que ce ne fut pas forcément plaisant pour eux. Ils avaient l'habitude de températures bien pires.

« Bonne idée »

Elle ne se sentait pas forcément loquace sur le moment, trouvant irrespectueux envers les bois de troubler leur repos par des paroles futiles.

De nouveau et pendant un moment, tout fut tranquille. Ils montaient lentement dans le cœur forestier, sur une pente encore douce mais bien présente. Autours d'eux, tout était transit, saisit. Tout était calme et impavide. Chaque mouvement de l'air semblait terriblement violent et pourtant tellement délicieux dans son tranchant glacial. La dame loup savourait cette atmosphère plus encore qu'auparavant. Il y avait quelque chose de parfaitement juste, d'apaisant à être ainsi auprès de sa meute et dans la forêt. C'était leur juste place, eux les chasseurs, prédateurs du nord. Elle se sentait mieux ici, ainsi, qu'en ville même si elle aimait Délimar. La ville n'était pas aussi tranquille que Glacern, et le silence lui manquait parfois terriblement. Les longues nuits de veille… La voix étrangement chaude de Sigvald sembla un instant chasser la caresse de l'air glacé sur elle, lui serrant le coeur d'un regret passager avant qu'il ne s'emplisse d'une tendre affection. Le coin de ses lèvres se courba légèrement alors qu'elle lui jetait un coup d’œil tranquille. Allons bon, doutait-il d'eux ? Non, ce devait être autre chose. Avec une légère culpabilité, elle fit la réminiscence de sa précédente grossesse. Cela avait été compliqué. Pas parce qu'elle n'était pas en bonne santé. Elle l'avait été, et son fils également. Non, si ça avait été compliqué, c'était qu'elle avait été enceinte en pleine guerre et qu'elle en avait conçu une colère sans bornes. Incapable de combattre au front avec ses frères d'armes, elle avait ragé et écumé pendant des jours entiers, devenant insupportable par amertume et frustration jusqu'à ce que Sigvald et Thelem se mettent d'accord pour la faire conduire l'artillerie, en compromis.

Était-elle prête à se sacrifier plus d'une fois pour être mère ? Une fois certainement, Sigvald et elle devaient avoir un enfant ensemble, mais après ?

« Bien sûr… pour mesurer le terrain »

Même elle voyait bien qu'il essayait de se rattraper aux branches. Ça ne la dérangeait pas, elle appréciait qu'il essaye de la ménage même si ce n'était pas nécessaire.

« Autant que les esprits voudront bien nous en accorder »

Il ne s'agissait pas uniquement d'elle après tout. Dans le sud, la contraception était certes courante, avec des plantes et des onguents quand ce n'était pas même de la magie pour empêcher une grossesse, mais chez eux, c'était peu utilisé.

« Bien sûr, je n'ai pas l'intention de ressembler à une baleine en permanence. Mais je ne sais pas vraiment combien je pourrais avoir d'enfants et… pour le moment, en avoir plusieurs ne me dérange pas, au contraire, c'est une pensée plaisante. Quand ils sont là… enfin c'est plus les porter pendant neuf mois qui est frustrant. Quand ils sont là c'est un bonheur »

Un instant, elle baissa la tête et la secoua. Elle aurait aimé partager davantage de son temps avec son fils mais elle était débordée et devait souvent abandonner l'idée. Cela l'attristait. Il n'avait déjà plus de père, alors si en plus, elle le privait de sa mère….Se mordant la lèvre, elle ravala l'idée qui menaçait de lui échapper. Un jour, peut-être rendrait-elle son titre d'Intendante si elle n'avait pas déjà été remplacée. Elle voulait aussi pouvoir passer du temps avec sa famille et lui accorder une place réelle, importante. Bien que ce soit un indéfectible honneur que d'être la voix de Délimar, elle ne pouvait pas être seulement cela. Lorsque son père était décédé, elle s'était rendue compte du peu de temps qu'ils avaient passés ensemble, non comme un seigneur et son héritier, mais simplement comme un père et sa fille. Ainsi était leur devoir, et elle ne le reniait pas. Mais elle réfléchissait. Toutefois, cela pouvait attendre, ce n'était pas pour tout de suite, loin de là.

« Mieux vaut donc chercher un grand terrain… n'est-ce pas ? »

Elle était définitivement amusée par sa tentative. Ensembles, ils remontèrent davantage le cours d'eau, abordant un pan rocailleux sur lequel les sabots de leurs montures claquèrent avec force tandis que les bêtes cheminaient vers l'intérieur de la forêt.

« Je veux un fils et une fille. Au moins. Je veux appeler notre fils Havard, comme mon père. Mais j'aimerais vraiment avoir aussi une fille… après, cela sera sans doute une surprise »

Ils avancèrent un long moment sous le couvert de la futaie jusqu'à ce que celle-ci aille en s'éclairant. Il s'agissait d'une clairière, large et dégagée, le cours d'eau la traversant comme une bande claire et scintillante. Tryghild arrêta son destrier près d'un coude clapotant pour laisser le pur sang boire quelques gorgées d'une eau saisie de froid, ses sabots crissant dans l'herbe gelée. Descendant de sa selle, la nordique fit quelques pas, s'étirant et observant les environs d'un œil attentif. Une légère brume s'accrochait encore au niveau du sol, l'herbe était saisie de froid. Les arbres encerclaient étroitement les lieux tout en leur laissant une vue dégagée du ciel. Et d'ici, ils ne voyaient pas la ville océanique. Plus loin, le paresseux serpent d'eau continuait son chemin, s'insinuant de nouveau sous la futaie hivernale. Se tournant vers son fiancé, elle lui fit un geste d'interrogation.

« Ici, ou veux-tu aller plus loin ? »

Elle aurait aimé avoir une demeure forestière mais l'idée de, peut-être, construire près de la mer était également très tentante. Doucement, elle glissa l'idée à son compagnon alors qu'elle perçait la croûte de glace pour vérifier le sol qui se trouvait en-dessous. Il était riche, même en cette période de froid et de sommeil. Sa constitution l'avouait facilement. Dans la montagne de son enfance, les sols fertiles étaient rares et scrupuleusement entretenus. Elle avait donc apprit à savoir le reconnaître, au moins un peu.

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Il se crispa légèrement, mais un sourire penaud lui vint un instant aux lèvres. Il n’avait pas été des plus subtils, n’est-ce pas ? Le sujet lui était peu familier, tout comme le principe même d’exprimer ses sentiments et ses vœux les plus profonds. Il remercia silencieusement sa futur épouse de se montrer aussi magnanime face à ses tentatives maladroites et lui glissa un coup d’œil rapide avant de se concentrer sur le chemin qu’ils ouvraient dans la forêt.

« - Et je serais là pour te soutenir à chaque fois... »

Glissa-t-il avec chaleur dans la voix. Il ne comptait pas l’engrosser et la laisser gérer tous ces mois de préparation seule ! Il n’était pas homme de Gloria ou d’Alda pour être aussi irrespectueux envers la matrice qui donnerait vie à sa progéniture. Se rappelant du comportement de Tryghild lors de sa dernière grossesse, il étouffa un rire dans un raclement de gorge alors qu’il ajoutait d’un ton léger :

« - Et je suis sûr qu’à chaque fois, nous trouverons quelque chose de nouveau à t’apprendre sur l’artillerie lourde. »

Il ricana franchement ce coup-ci et tendit une main pour soulever une branche qui lui arrivait dessus, la soulevant dans une envolée de neige poudrée pour faciliter son passage. Lentement, le sous-bois se transformait en une forêt beaucoup plus dense. Les boulots et les sapins s’épaississaient et se rapprochaient. Le cours d’eau leur épargnait beaucoup de labeurs pour progresser plus en profondeur dans les collines et il laissa sa monture boire quelques gorgées dans un plis du courant glacé, là où la glace ne pouvait se former à cause des débris de bois naturellement charrié par le courant.

« - Allons pour un grand terrain dans ce cas. Nous pourrons toujours agrandir avec des annexes. »

Talonnant sa monture, il rejoignit Tryghild au petit trot juste à temps pour l’entendre annoncer ses vœux. Un instant surpris, il tendit cette fois une main pour la refermer sur son bras et se pencha pour lui voler un doux baiser alors que les flancs de leur monture se frôlaient et que leur cuisses se pressait l’une à l’autre. Lorsqu’il se redressa, le glacernois hocha la tête.

« - Ainsi soit-il. »

Pour avoir déjà eut une fille, même brièvement, il ne pouvait que désirer en obtenir une autre. Il avait aimé son fils et aujourd’hui il en était excessivement fier, toutefois l’idée de tenir dans ses bras une fille était… était différent. Il avait grande hâte maintenant ! Du reste de la chevauchée au pas, les deux glacernois profitèrent du silence paisible de la forêt. Il n’y avait que le chant des oiseaux, la cascade cristalline du cours d’eau et parfois l’envolée de quelques oiseaux hivernaux. A plusieurs reprises, ils remarquèrent des empreintes de gibier et saisirent même entre les branches dénudées quelques chevreuils qui les observèrent passer en troupeau serré pour se tenir chaud.

Enfin, ils débouchèrent sur une vaste clairière et le guerrier se hissa debout sur ses étriers afin d’en avoir une vue globale. Le sol lui paraissait lisse, sans crevasses ou talus qui rendraient l’aménagement difficile. Le courant ne stagnait pas, ainsi ils ne risquaient pas d’avoir des parasites et des nuées d’insectes lors des prochains étés. Il était fort probable qu’en remontant davantage le courant, ils tomberaient sur une rivière et si haut dans les collines, elle serait poissonneuse à souhait. De la neige fraîche, il ne voyait que deux sentiers tracés par le passage de quelques animaux et il talonna son cheval pour s’en approcher.

« - Chevreuils, sanglier et… et je crois un renard. Je vois aussi lapins et quelques oiseaux terrestres. Peut-être des perdrix ou des faisans. »

Ce n’était pas étonnant ; la clairière était dégagée avec un cours d’eau en son centre, c’était parfait pour surveiller l’approche de tout prédateurs dans un moment aussi vulnérable que celui de se désaltérer. Lorsqu’il revint auprès de sa promise, Sigvald descendit de sa monture et vint s’accroupir auprès d’elle. Il récupéra sa poignée de terre et la huma avant d’esquisser un sourire approbateur. Calastin pouvait bien être aussi creuses qu’une courge, son sol fertile était un véritable délice pour ceux qui n’avaient connu que Glacern et ses terres stériles.

« - Ici, ça me semble l’idéal. »

Il reposa la terre, la tassa et la recouvrit de neige pour qu’elle reste dormante jusqu’au printemps où il sera temps de la travailler pour y planter quelques produits. Cette clairière était à bonne distance de Délimar, sans être trop loin en cas de besoin. Ils auraient une vue dégagée sur le ciel nocturne, possédait de l’eau courante à proximité et la forêt était riche en gibier. Probablement aussi en baies vu la population dense d’herbivore. Sigvald releva les yeux sur la jeune femme et ajouta :

« - Le bord de mer aussi me semble très bien. Entre les dunes et les falaises, face aux vagues et dos aux plaines. Peut-être pouvons nous partir sur une maison de pierre cette fois ? Nous ne savons pas encore quel genre de tempêtes les côtes peuvent nous réserver. »

Un projet plus ambitieux donc, mais pas moins envisageable.

« - Après les Chimères, nous n’aurons qu’à nous y promener. Le temps sera meilleurs d’ici là et nous donnera une meilleure vue sur les environs. »

Parce qu’ils survivraient à cette guerre. Ils devaient penser de cette façon, sans sous-estimer leurs adversaires, mais surtout sans se sous-estimer eux. Ils n’en ressortiraient pas indemnes, mais ils ne perdraient pas… ils n’en avaient pas le luxe. Le regard un instant assombri par l’ombre de cette guerre colossale, Sigvald posa les mains sur ses hanches et observa les alentours avant de pousser un profond soupir. Chassant la morosité autant que l’air de ses poumons, il se dirigea vers sa selle pour en sortir les outils nécessaire à l’élaboration de leur camp.

« - On va commencer par déblayer le sol et se faire un campement temporaire par là. »

Il désigna une partie de la clairière et s’en alla couper plusieurs sapins aux troncs fins et droits, usant des branches aux épines fournies pour faire d’abord un balai improvisé, puis avec des fibres de boulot torsadées en fine cordes ; un matelas de sol pour la couche fut aisément confectionné et couvert d’un draps de laine épaisse. Les troncs furent taillés de sorte à créer deux barres verticales, ensuite une horizontale à hauteur de torse et reliée aux deux premières. Le reste des troncs furent attachés pour former un toit penché afin de les isoler du vent et d’une possible chute de neige pour la nuit. Plusieurs pierres empilée en demi-cercle, tirées de la rive, servirent de réflecteur de chaleur à l’âtre qu’ils creusèrent dans la terre gelée.

« - Tryghild ? Vient un instant. »

La luminosité déclinait déjà. Il prit la main de la jeune femme et la guida jusqu’à un vénérable sapin. De là, il commença à grimper souplement aux branches les plus basses, puis œuvra jusqu’à atteindre une certaine hauteur. Attendant que sa compagne le rejoigne, il la prit ensuite dans ses bras en une étreinte tendre. Il voulait autant la protéger du froid, la rapprocher de lui que prévenir toute chute. A cette hauteur, ils dominaient une partie de la futaie dense et couverte de neige. De là, ils pouvaient voir le soleil se coucher et embraser de ses teintes flamboyantes les nuages, la brume et la ligne entière d’horizon.

« - Try’ ? Un jour… que dirais-tu d’aller réclamer Nyn-Tiamat aux vampires ? »

L’idée semblait grotesque et il eut l’ombre d’un sourire désabusé.

« - Lorsque nous avons accosté pour la première fois sur cet Archipel, c’est sur des rivages qui m’ont rappelé Glacern. J’ai vu cette chaîne de montagne et j’ai vu cette forêt… les steppes gelées ? Pour la première fois depuis longtemps, j’ai eut la nostalgie de mon enfance et… et j’aurais aimé que l’on reste là-bas. Isolés des autres peuples à faire notre vie comme nous en avions jadis l’habitude. Ces terres nous conviendraient mieux, tu ne penses pas ? »

Il lui embrassa la tempe.

« - La situation politique des vampires est plus instable que jamais… qui sait ce qui arrivera dans les prochains mois ou années avec un dirigeant de la nuit aussi laxiste ? Ils vont forcément s’entre-déchirer, peut-être même disparaîtront-ils enfin… alors disons qu'à ce moment qu’est-ce qui nous empêcherait d’aller récupérer ces terres ? Nous saurons négocier avec les Graärh... »

Il s’interrompit, observa le coucher de soleil quelques instants puis ferma les yeux et bascula la tête en arrière. Après un autre moment, il se massa l’arrête du nez, l’expression froissée de la dualité qu’il s’imposait entre ses désirs et la promesse qu’ils avanceraient ensemble, sans être traîné par le poids de leurs pertes. Mais c’était plus dur à dire qu’à faire et il ne pouvait s’empêcher d’espérer, un jour, revenir à tout ce qui avait forgé son identité.

« - … Oublie tout cela. Ce ne sont que des paroles irréfléchies. On devrait cuir ce lapin et chauffer la place avant que la nuit ne soit trop avancée. »

Délicatement, pour ne pas risquer de bousculade, il passa sur une branche plus basse et lui embrassa le creux d’une main avant qu’il ne commence à chercher un chemin pour retrouver la terre ferme.

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Ils travaillèrent de concert pour élever un camp de fortune pour passer la nuit. Puis, alors qu’elle tirait de l’eau du ruisseau glacé, l’appel lui fit relever la tête. Elle déposa le broc près de leur campement puis rejoignit son compagnon, curieuse de savoir ce qui se passait. Elle le suivit, silencieuse mais pas moins interrogatrice, jusqu’à ce qu’il décide de jouer les écureuils, s’attirant un léger sourire épuisé de sa part. Allons bon, qu’allait-il faire là-haut ? Elle attendit un peu et en constatant qu’il semblait vouloir la voir l’imiter, poussa un long soupire avant de s’exécuter. L’exercice lui était clairement moins aisé que pour Sigvald car elle était plus lourde et moins entraînée dans ce genre d’opérations. Néanmoins, elle parvint à se hisser jusqu’à lui et s’installa avec précaution, lentement, pour ne pas risquer de tomber. Calée contre lui, elle se prit à observer le paysage et ne réagit pas immédiatement à la question, perdue dans ses propres pensées. Lorsqu’elle lui revint, à peine quelques battements de coeur plus tard, c’était avec un dilemme majeur. Pourtant, égale à elle-même, elle répondit le plus simplement qu’elle pouvait.

Pourrais-tu s’il te plaît arrêter de t’excuser de me confier tes pensées ?

Même si au fond, il avait raison, c’était irréfléchi. Leur peuple n’était plus composé que de Glacernois, les besoins et les aspirations étaient différentes. Almaréens et Lyssiens n’étaient pas habitués aux températures extrêmes et aux conditions de vie d’une grande rudesse que leurs semblables avaient savourés pendant des milliers d’années. Ils étaient le fruit de cet environnement et d’un mode de pensée. Il aurait fallu l’accord de tous pour un tel changement. Si véritablement les vampires venaient à disparaître, et que la cité l’acceptait, ils pourraient peut-être créer une colonie supplémentaire pouvant accueillir ceux désirant profiter de cet autre mode de vie, pour ne forcer personne. Oui, cela était possible. Elle lui confia son point de vue, mettant en avant l’aspect volontariat de cette démarche et en deçà même de cela, la nécessité qu’une telle mobilisation de moyens serve réellement, autant en terme d’alliance, de culture, de ressources que de défense et de nombre de volontaires. Tout en lui parlant, l’Intendante se rendait compte que, quelques mois encore plus tôt, elle aurait sans doute tenu un tout autre discours. Mais le poste commençait à lui rentrer lentement sous la peau et elle n’était pas seigneur de guerre.

Je ne veux pas m’isoler, personnellement. Nous sommes restés isolés pendant des millénaires, regardes où l’Empire est rendu. Où l’Humanité est rendue

La situation n’avait rien d’appréciable dans son ensemble. Oui ils avaient leur liberté mais leur race était scindée et dispersée. Et il fallait se rendre à l’évidence, une part de la corruption de la couronne venait aussi de l’aveuglement des seigneurs du nord. Si le premier seigneur Svenn avait confronté ses turpitudes pour rester auprès de l’Empereur, ou si un quelconque seigneur après lui avait décidé de quitter les montagnes pour offrir sa droiture comme main de commandement de l’Empereur, peut-être que l’issue aurait été différente. En vérité, si n’importe quel seigneur des cités-royaumes avait décidé d’agir, les choses auraient pu être différentes. Elle ne voulait pas faire la même bêtise, enfouir la tête sous la neige en s’aveuglant sur les réalités du monde. Désormais, les siens devaient avoir leur voix et leurs intérêts de protégés envers le reste de l’Archipel. c’était son devoir. Cela signifiait sacrifier une part de son propre confort, ou de ses envies, comme celle de retrouver Glacern, mais ce qu’elle gagnait en retour n’avait pas de prix.

Mais si nous parvenons à établir des liens avec la légion du nord, tu pourrais être mon émissaire auprès d’eux. M’est- d’avis que vous vous entendriez très bien

C’était dit avec amusement mais ce n’était pas moins sincère. Elle entendait son désir, si elle pouvait trouver le moyen de conjuguer ses souhaits et son devoir elle le ferait avec plaisir. Et le caractère de Sigvald conviendrait à ce qu’elle avait entendu des natifs de l’île gelée. Et le fait que des humains puissent apprécier un climat comme le leur serait sans doute une bonne façon de débuter leurs relations, la vision qu’ils n’étaient pas une race faible aimant un trop grand confort, qu’ils soient conduits par de réels idéaux… Sigvald pouvait parfaitement l’incarner même si les graarh préféraient les femmes dirigeantes aux hommes. Laissant cela de côté, alors que le lapin cuisait, elle se remit à penser à ce qu’il avait dit plus tôt. Mine de rien, ils avaient acceptés de façon factuelle les Immaculés mais il y avait quand même de nombreuses questions sans réponse.

Tu sais, je ne suis pas certaine de ce qui se passe avec les vampires. Je veux dire, d’accord, nous savons qu’ils se transforment maintenant parfois en immaculés. Mais… Pourquoi ? Comment ? Est-ce que c’est définitif ? Est-ce que leur race va disparaître ? Est-ce que d’autres races sont susceptibles de changer également ?

Elle s’arrêta un instant et l’observa attentivement, perplexe.

Et surtout, qu’est-ce que nous, nous devons en déduire, de par nos devoirs ? Nos traditions ? Notre culture ? Même si à l’heure présente nous sommes en paix, comment adresser cette possibilité ? vers quoi se tourner ? Toi, si tu devais dormir sur tes deux oreilles, même si ça ne sera jamais le cas, parce que tu n’as plus à t’inquiéter des vampires, que ressentirais-tu?

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Lentement, avec prudence, il regagna la sécurité et le confort du sol. S’il était à l’aise dans l’escalade due à sa constitution et son agilité, Sigvald avait le même soucis que les chats : il éprouvait toujours un malaise à devoir redescendre de ses perchoirs. Il se sentait à chaque fois gauche, maladroit même alors qu’il devait gérer son grand corps et les échasses qui lui servaient de jambes. Impatient, il sauta les trois derniers mètres et termina accroupi dans la neige fraîche, puis s’écarta aussitôt pour laisser la place à Tryghild. Tout du long, il avait écouté son point de vue, comprenant qu’il faudrait bien plus que sa seule voix pour obtenir ce qu’il désirait. Toutefois, la dernière remarque concernant leur responsabilité vis à vis de l’Empire ou même de l’Humanité toute entière le fit se hérisser. Ses yeux prirent une teinte d’ardoise, orageux de colère et il ouvrit la bouche pour contester avec véhémence :

« - Pourquoi est-ce que l’on devrait... »

Mais il ne termina toutefois pas sa question, car il en connaissait déjà la réponse. Lentement, il se fit silencieux et borné, fixant un coin éloigné de la clairière. Pourquoi devaient-ils encore se sacrifier pour les autres ? Car telle était la valeur de Glacern et de ses enfants ; gardiens de l’Humanité, un fardeau lourd, très très lourd et qui ne leur avait pas causé que du bien, mais s’ils ne s’en chargeaient pas alors qui ? Qui irait tout sacrifier, encore et encore, inlassablement, si ce n’était eux ? A cause de leur obstination, ils avaient délaissé l’Empire et effectivement lorsque l’on voyait où il était rendu il y avait de quoi grincer des dents. Il comprenait, même s’il n’aimait pas forcément cette idée. D’abord les vampires, puis maintenant la politique ? Il n’était pas certain qu’ils aient gagné au change.

Il hocha avec sobriété du chef, car après tout il ne voulait que le meilleur pour Délimar et par conséquent il ne pouvait pas jouer la carte du patriotisme d’antan ; ils n’étaient plus seuls désormais. Ni les lyssiens, ni les almaréens n’aimeraient ou même ne mériteraient un tel isolement. Un lourd soupir lui échappa, chassant par la même occasion toute la tension qui s’était accumulée dans son corps massif et il ravala cette bile qui menaçait d’envenimer chacune de ses pensées. Il valait mieux que ça. Baissant les yeux sur Tryghild, il rectifia aussitôt ses pensées ; elle valait mieux que ça. La rejoignant près du feu où cuisait le lapin, il vint se mettre accroupi pour remuer les braises et raviver les flammes. Se remémorant ses autres paroles, décidé à tourner la page et aborder quelque chose de plus « joyeux », il grinça avec humour ;

« - Émissaire pour la Légion du Nord… et bien ! Souhaites-tu redevenir veuve avant même que l’on ait noué le ruban du mariage ? »

Il haussa un sourcil, regard acéré bien qu’un léger sourire cynique n’ourle ses lèvres et ne fasse pétiller, dans la pénombre grandissante, le bleu polaire de ses yeux. Il leva toutefois rapidement les mains en signe d’apaisement, ne désirant pas se faire frapper et manger la neige par les trous de nez. Leur petit échange dans la boue, tantôt, lui suffisait bien assez comme ça ! Un rire chaud lui échappa et il glissa un bras autour de sa taille pour l’attirer à lui. Embrassant sa tempe, il murmura :

« - Ce serait un honneur de créer pour Délimar un pont entre nos cultures. »

Et puis s’il avait en plus l’occasion de visiter et de vivre un temps sur Nyn-Tiamat, alors pourquoi pas !? Des vacances dans la neige lui feraient le plus grand bien et il avait déjà hâte de pouvoir chasser les grands prédateurs de cette région si redoutée et crainte. Avec les rumeurs concernant le mode de vie et les traditions graärh, il ne doutait pas qu’il s’entendrait très bien avec eux… il ne lui restait qu’à apprendre les rudiments de cette langue singulière et pour ça il connaissait la personne parfaite ; Ilhan Avente. Le vieux althaïen aurait sûrement quelques ouvrages sur la question à lui prêter. Continuant d’embrasser les mèches sombres et emmêlées de sa futur épouse, Sigvald descendit lentement jusqu’à sa gorge qu’il piqua de plusieurs baisers, l’écoutant d’une oreille. La mention des vampires vint toutefois refroidir ses ardeurs et il soupira en s’installant plus confortablement, l’expression à nouveau grave et sérieuse.

« - Tu penses qu’il leur est possible de régresser à leur état d’infecté ? Si c’est le cas alors tous les immaculés sont de véritables pyrolites à retardement. »

Il se passa une main sur la joue, frottant sa barbe avec un vague grondement d’inconfort. Cette idée ne lui plaisait absolument pas et ce qui lui plaisait encore moins c’est qu’il n’y avait pas pensé. Il n’eut cependant pas le temps de broyer du grains sur cette hypothèse, car déjà Tryghild le noyait sous d’autres questions et théories. Un instant les yeux ronds à la fixer sans savoir quoi dire, le guerrier finit par lâcher un rire nerveux rendu rauque et plus grave encore par l’incrédulité et l’inquiétude qui sourdaient maintenant au creux de ses tripes.

« - Par Loup !!! Jamais… Jamais je n’aurais cru qu’un tel orage couvait dans ton crâne. »

Il retrouva rapidement son calme et se massa la nuque, n’en revenant toujours pas.

« - Pour être honnête ? Je ne sais pas. Je n’y avais pas réellement réfléchi. Je n'ai jamais pensé que j'en avais besoin... ou le droit. »

Et il se sentait terriblement stupide à l’avouer de vive voix. Il éleva une main pour lui dire de patienter et observa quelques minutes les flammes. Lorsqu’il se sentit capable d’exprimer clairement son avis, il le donna d’une voix calme.

« - Il y a quelques années, je t’aurais répondu qu’il faut tous les exterminer et ce, quelques soient leur nature, leurs actes ou seules les Déesses savent quoi. Qu’un bon vampire est un vampire mort, car malgré tout le sucre et le miel dont ils abreuvent leurs promesses, ils restent et seront toujours des créatures de déceptions et de mensonges. Il y a encore quelques mois, je t’aurais probablement répondu qu’immaculés ou pas, un vampire reste un vampire et que par conséquent nous devrions tous les éliminer s’ils ont commis ou commettent des actes inhumains… mais donner une chance à ceux qui montrent pattes blanches. »

L’homme plia les jambes et s’accouda aux genoux, voûtant des épaules et réfléchissant toujours à mesure qu’il parlait. Sa rencontre avec son ancêtre lui avait douloureusement ouvert les yeux sur cette race et surtout comment son peuple avait traité la leur pendant plusieurs millénaires. Mettre des mots sur ses pensées, encore en l’état de bourgeons d’idées était désagréable, comme un ongle nu sur de l’ardoise. Toutefois, Tryghild était bien la plus à même de le comprendre. Il pouvait lui faire confiance, elle ne le jugerait pas.

« - Aujourd’hui, je n’en suis plus si sûr. Qu’est-ce que sont exactement les vampires ? Ils sont le fruit d’une malédiction, ça on est d’accord… mais après ? Certains naissent dans de bonnes « familles » et se révèlent aussi éduqués et aimables que n’importe qui d’autre, ils ne font pas de vagues et deviennent même des héros pour certains. D’autres par contre naissent chez des monstres, des déviants, et finissent comme tel, causant morts et dévastations sur leur chemin. Alors quoi ? Doit-on les juger comme n’importe quelle autre race ? »

L’idée ne lui plaisait pas, car il ne parvenait pas à se convaincre totalement que les vampires étaient capables d’humanité, de conscience et d’amour comme les humains ou encore les elfes. Sigvald restait convaincu que ce n’était qu’un masque, une façade comme un loup enfilant un costume de mouton pour passer inaperçu dans le troupeau. Mais avait-il la vérité absolue ? Loin de là.

« - Et si nous en venons à cette possibilité, si jamais on termine réellement en « paix » et qu’il n’y a plus de vampires, que cela soit à cause de cette Immaculation ou d’autres raisons ; je ne sais pas comment je me sentirais. »

Il l’observa, légèrement désorienté. Comment réagirait-il ? Bonne question et il se força d’y penser malgré ses appréhensions, ses doutes et ses craintes inexpliquées. Sigvald serra le bâton qu’il utilisait pour remuer les braises, joua un instant de la mâchoire avant de répondre avec hésitation :

« - Vide… Je me sentirais vide. Comme une arme laissée à rouiller sur son râtelier. Je crois que je n’aurais plus de but dans mon existence… Je… Je crois que je serais malheureux ? Non, ce n’est pas le terme exacte. Déçu ? Frustré ? Impuissant ? Je ne sais pas, Try’. Toute ma vie mes objectifs étaient plutôt simples et déjà tout tracés pour moi. Protéger l’Humanité de la menace vampirique, puis veiller sur toi et obéir à Havard. Combattre les ennemies que l’on me désignait, protéger les valeurs de notre peuple et vaincre, encore et toujours, sur les champs de batailles. Ne jamais plier l’échine. Honorer ma Famille, la faire perdurer… Et c’est tout. Recommencer depuis le début jusqu’au moment de ma mort, n’ayant qu’à espérer qu’elle se produise avec une arme au poing et avec honneur. »

Le guerrier détourna le regard, mal à l’aise et presque honteux d’exprimer de vive voix combien il était creux, vain au-delà de ce qu’il venait d’avouer. Le bois craqua sous ses phalanges, mais il ne sentit pas les échardes qui s’enfonçaient dans sa peau. Cette journée était définitivement rude pour ses nerfs et il avait plus que jamais l’impression d’avoir mis son âme à nue.

« - Tu as raison lorsque tu dis que nous ne devons pas vivre dans le passé et c’est vraiment quelque chose que j’essaie d’appliquer, mais je suis un être d’habitudes… les changements ne me plaisent pas surtout lorsqu’ils subviennent aussi rapidement. J’ai l’impression de fermer le poing sur une poignée de sable et je déteste cette sensation. Je sais qu’elle est inévitable, voire nécessaire, mais… mais je n’ai pas été éduqué pour... »

Il s’interrompit et soupira lourdement, les épaules crispées alors qu’il continuait de serrer les mains sur le pauvre bâton malmené.

« - J’essaie… je t’assure que j’essaie... »

Sa voix se rompit et il s’obstina à regarder le feu et le lièvre, mâchoire serrée et sourcils froncés.

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Elle grimaça à l’idée de le perdre, lui décochant un regard réprobateur. Ce n’était pas drôle du tout, elle n’avait absolument aucune envie d’être veuve bon sang ! Ronchonne, elle lui frappa l’épaule mais n’alla pas jusqu’à relancer un duel entre eux. Ils n’avaient pas de quoi se laver s’ils finissaient boueux ou sanglants. Et de toute façon, elle aurait largement le temps de le frapper le lendemain lors du duel cérémonial des jeunes époux. Franchement, il en avait de ces blagues ! Heureusement qu’elle le connaissait assez pour savoir que ce n’était pas sérieux.

Sigvald…

Se laissant tirer à lui, elle vint lui presser une épaule avec fermeté, et posa le front contre sa gorge. Voilà bien un des nombreux avantages à épouser un membre de sa propre ethnie cette fois. Il était à la bonne taille pour qu’elle se repose contre lui.Les unions interethniques avaient vraiment cela de négatifs qu’il fallait réussir à passer au-delà des différences physiques même lorsque les sociales étaient trépassées. Soupirant profondément, elle releva finalement le regard vers lui et eut un petit hochement de tête.

Merci

Elle l’observa un instant, puis l’embrassa longuement. Elle aussi, elle aurait eut envie de partir pour Nyn-Tiamat voir les graarhs mais elle était moins libre que son futur époux. Déjà, préparer un départ à Néthéril était compliqué, alors dédoubler tout cela en partant au nord ? Pourtant, elle savait qu’il faudrait bien le faire à un moment où un autre. Mais il n’y avait pas que cela qui lui occupait l’esprit. En fait c’était le plus simple, les graarhs. Elle savait vers quoi elle se dirigeait, c’était l’inconnu qui lui posait problème.

Je ne sais pas

Qu’il recule lui serrait le coeur mais elle refusait de se plaindre pour si peu. La question était grave et peu adaptée à la légèreté d’une étreinte affectueuse. Elle savait aussi qu’elle le poussait dans ses retranchements mais elle ressentait la nécessité de le faire dès à présent. Ici, juste tous les deux, avec personne d’autre pour entendre. Elle garda sa main dans la sienne, s’installa contre lui, et l’observa de son regard clair, attendant qu’il lui en dise plus. Elle-même était sincère, elle ne savait absolument pas répondre à cela.

Est-ce que les vampires immaculés pouvaient redevenir des vampires ? Elle n’en avait fichtrement aucune idée mais la question méritait de se poser non ? Ils ne savaient vraiment pas grand chose du processus qui transformaient les vampires et leur redonnait la vie. Dès l’instant où ils n’avaient aucune preuve, elle ne pouvait pas écarter l’hypothèse, même si elle n’allait pas se laisser guider par cette peur. Cela durait en tout cas de longs mois, sans signes de régression. Mais cela ne faisait pas assez longtemps pour affirmer quoi que ce soit. Et oui, il avait raison… c’était dangereux.

Désolée ?

Bien sûr, elle avait gardé tout ça pour elle jusque là mais c’était plus juste qu’il le sache puisqu’il allait l’épouser non ? Elle se posait énormément de questions. Elle en avait le devoir et l’instinct, pour son peuple. Autrement, elle ne se serait pas torturé. Chaque jour, elle se rendait compte du gouffre de son ignorance sur de très nombreux sujets et n’aurait pas assez d’une vie pour y remédier. Mais elle pouvait faire son possible. C’était effrayant, pour elle comme pour lui à l’entendre, et au départ, elle en avait été glacée, tétanisée. Moins à présent. Mais cela revenait par vagues, de temps en temps.

Oui…

Elle comprenait son point de vue. S’arrêter d’avancer pour se demander ce que l’on deviendrait si le monde que l’on connaissait changeait du tout au tout, ce n’était pas naturel. Ils étaient des hommes d’action. Ils faisaient, littéralement, sans jamais trop regarder la vision global ou l’après. Ils embrassaient leur mortalité, en un sens. Mais une fois qu’on l’avait fait, qu’on s’était arrêté pour regarder sous ses pieds et voir un gouffre obscure ? Il était aussi dur de rejeter la question qui se posait. C’était tout aussi effrayant.

Et elle ne savait pas quoi répondre. Elle avait pensé la même chose, s’était fait les mêmes réflexions, concernant les vampires. Elle savait à quel point ce n’était pas naturel pour eux et combien prendre du recul demandait un effort. Elle ne savait pas exactement si c’était une bonne ou une mauvaise chose, elle se fiait simplement à ce qu’elle ressentait.C’était en étant confrontés à des cas pratiques qu’ils perdaient la vision globale du peuple pour voir chaque individu et que le doute s’enracinait.

Tu penses à Achroma n’est-ce pas ? Quand tu parles de vampires pouvant devenir des héros…

Elle avait posé la tête contre son épaule. C’était elle qui avait géré la demande du vampire concernant son patronyme et c’était elle qui avait accepté malgré l’avis de son fiancé. Elle l’avait fait avec les mêmes arguments que Sigvald énonçait à présent, avec en tête l’intérêt d’encourager cette façon civilisée de procéder. En saisissant une opportunité, un espoir qui ne risquait guère de coûter des vies à son peuple. Passant un bras autours du sien, elle soupira profondément. L’argument le plus simple aurait été qu’il n’y avait pas réellement de bien ou de mal et qu’ils étaient simplement tous trop différents.

Mais cela apportait d’autres questions. S’ils étaient différents au point que la survie de leurs deux peuples soient opposées, qu’est-ce qu’il fallait faire ? Est-ce que des individus séparés du lot global pourraient tout de même vivre en harmonie avec eux ou non ? Où partir du postulat qu’ils étaient mauvais les uns pour les autres retirait toute question d’éthique à un massacre généralisé ? Devaient-ils honorer les leurs en continuant de se battre coûte que coûte, ou bien mettre l’épée au fourreau serait une meilleure décision pour le futur ?

Elle repensait à la lame de son père. Une arme qui n’avait jamais fait couler le sang des innocents. Mais cette innocence était synonyme d’Humanité dans leur bouche, un sens suggéré, non affirmé officiellement, mais réel. Sauf que la question se posait. Un vampire pouvait-il être innocent ? Ou était-il forcément coupable en raison de sa malédiction ? Fronçant les sourcils, elle se redressa et détourna les yeux pour observer la forêt autours d’eux et le ciel nocturne, pour inspirer profondément l’air glacé de la nuit.

Ce sont de bonnes questions Sigvald. Instinctivement, je serais prête à dire qu’ils ont tous un monstre en eux mais que certains le contrôle mieux que d’autre, ou alors qu’il est plus puissant chez certains que chez d’autres. Tu vois ce que je veux dire ? Une… Une propension naturelle à la violence et à la destruction. Quand on vient au monde à cause d’une malédiction, ça ne te fait pas partir sur de très bonnes bases. Mais… ça c’était avant la trahison de la couronne. Avant Fabius aussi. Maintenant, je suppose que nous aussi nous avons un monstre naturel en nous. On a peut-être simplement plus d’armes pour le contrôler…

Elle ne savait pas, une fois de plus. Il ne s’agissait que de ses pensées et des expériences qu’ils avaient vécus. Pour toute la monstruosité des vampires, ce n’était pas eux qui avaient vendu leur terre natale aux elfes, craché sur leur loyauté et leurs sacrifices ou accepté qu’une princesse impériale s’avilisse avec un moins que rien. C’était des hommes qui avaient fait tout cela. Les vampires, eux, avaient simplement agit comme des vampires. Alors où était réellement la différence ? Dans les attentes ou dans l’essence des individus ? C’était à devenir fou.

Je ne sais pas. C’est finalement la seule chose dont je suis sûre. Que je n’ai pas de réponse. Et je ne sais pas comment je me sentirais non plus. Je me dis qu’il y aura toujours un adversaire, une menace. J’oeuvre pour la paix mais je ne crois pas pleinement en elle. Comme la perfection, je pense que c’est un but impossible à atteindre. Mais les vampires ont toujours été nos ennemis. S’ils disparaissent c’est aussi une part de nous qui disparaît. Cela me reste en tête. Souvent…

Elle l’avait laissé terminer avant de prendre la parole. Maintenant, elle essayait d’englober tout ce qu’il avait pu dire et de ne rien oublier. Pour ne pas le laisser dans le silence et partager. Elle y pensait beaucoup, preuve en cet instant. Mais elle ne voulait pas lui faire croire qu’il était inutile ou ne pensait à rien. Elle sentait, instinctivement, sa souffrance et elle voulait, non pas l’apaiser car aucun d’eux ne l’était, mais au moins le soutenir. Ne pas l’abandonner alors que c’était elle qui le poussait dans ces interrogations.

Ce que je demande, c’est ce que j’essaye moi-même de faire chaque jour de ma vie. Tu me connais, je ne demanderais jamais rien que je ne sois pas prête à faire. Et je sais que c’est dur…

Parce que, justement, elle le vivait aussi. Elle avançait sur le même chemin que lui et elle tombait souvent. Expirant profondément, elle vint serrer sa main de la sienne, et lui bourra l’épaule, avant de chercher son regard. Grave mais non froide, elle serra doucement, se pencha vers lui et souffla plus doucement, confiant le fond de sa pensée en l’instant, comme une conclusion qu’elle se donnait chaque fois que les questions se faisaient trop lourdes. Ce n’était pas un soulagement complet, juste une façon de garder espoir et courage.

Tout ce que je me dis c’est… que j’avance pour mon peuple. C’est pour ça que j’ai été formée, pour le protéger. Pour mon peuple. Pour le reste, ça prendra le temps que ça prendra

Et ils en avaient bien assez ruminé pour le moment. Elle se leva, alla vérifier la cuisson du lapin, et quand il fut prêt, elle coupa les morceaux pour qu’ils puissent partager. Ils mangèrent plus tranquillement et elle se força à ne pas ramener d’ombres sur eux pour le reste de la journée.

* * *

Ils étaient rentrés tôt le matin suivant, après un galop furieux dans la plaine jusqu’à la porte principale de Délimar, la laissant échevelée, des brindilles dans les tresses hâtivement faites. Ils se séparèrent afin de revêtir leurs costumes de cérémonie. La fête devait avoir lieu à l’intérieur même de la demeure de l’intendante, devant l’autel du loup, mais elle devait laisser à ses parents les plus proches la liberté d’accueillir les invités qu’ils avaient choisis pour l’occasion. Leurs familles, bien entendue, ainsi que des membres d’autres familles glacernoises de haut honneur partageant leur sang commun, des compagnons d’armes parmis les plus proches ainsi que quelques individus choisis spécifiquement, comme Ilhan Avente. Le jardin intérieur fut lentement peuplé par ceux venus saluer leur union, la rumeur des conversations montant à l’étage tandis qu’elle terminait de nouer la ceinture de sa tenue de cérémonie. Depuis la fenêtre, elle pouvait contempler l’autel installé sous le chêne central, une simple stèle de pierre. Très bientôt, ils se tiendraient tous deux au-devant de lui, prêts à se lier…

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Le nom de son ancêtre le fit à peine frémir alors qu’il s’obstinait à fixer les flammes qui léchaient la carcasse du lièvre, transformant la peau tendre en une surface aussi craquante et juteuse qu’une plaque de givre par dessus sa flaque. La présence de Tryghild, serrée contre lui, était bien la seule chose qui l’empêchait de bondir sur ses pieds, enfourcher Amarok et partir au triple galop afin de laver sa tête de toutes ces pensées en l’abreuvant de bourrasques cinglantes et glacées. Il finit par lâcher le bâton et commença distraitement à retirer les échardes qui avaient passé la callosité de sa peau pour se planter profondément, éveillant un vague inconfort lorsqu’il bougeait des doigts. Ses lèvres restèrent closes. N’avait-il pas déjà trop parlé ? Il avait la bouche pâteuse et une barre alourdissait le devant de son crâne. Il poussa en seule réponse un soupir inaudible, mais que sa futur épouse avec sa tête pressée à son épaule pu facilement ressentir.

Écoutant à son tour, il posa la joue sur le sommet de son crâne et ferma les yeux. Il savoura le parfum de ses mèches emmêlées, qui sentaient la neige et un brin de sueur. Il profita du timbre de sa voix pour se détendre malgré le sujet qui s’étendait comme un hiver à Glacern. Il se contenta de grogner de temps en temps pour approuver ses paroles qui faisaient tant écho à ses pensées brouillonnes, prises sur le tas de la discussion. Tryghild avait eut plus de temps pour y réfléchir et par là d’organiser ses mots. Le bref silence qui suivit la première salve lui permis de l’embrasser sur le front et il se pencha pour faire tourner le lièvre et entamer le grillage de son autre flanc. Lorsqu’il retourna auprès d’elle, ce fut pour l’enfouir dans ses bras et cette fois ce fut le menton qu’il posa sur le haut de sa tête, un vague sourire aux lèvres. Il appréciait les efforts qu’elle fournissait pour le faire se sentir moins stupide, moins brouillon. Elle était bien plus forte que lui sur de nombreux aspects et il aimait ça. Il aimait se savoir épaulé, voire soutenu dans des cas aussi secrets et intimes que celui qu’ils partageaient en l’instant. Elle le poussait à se questionner, à s’améliorer et c’était surtout ça qu’il aimait le plus malgré sa réticence à s’ouvrir. A se confier.

A son hésitation, il se pencha afin d’accrocher son regard. L’expression grave, mais à nouveau sereine Sigvald se montrait attentif et il l’encouragea à poursuivre d’un petit signe de tête silencieux. Il hocha du chef lorsqu’il fut mention de la capacité de Tryghild à toujours réclamer aux autres ce que elle-même pouvait faire. Cela aussi, il l’aimait profondément. Il serra sa main dans la sienne, lâcha un rire bas et rauque quand son épaule fut malmenée, puis il la rapprocha d’un bras passé autour de sa taille musclée. Il pressa son front au sien, buvant sa confession de leurs souffles emmêlés. Un sourire fier et tendre lui vint naturellement aux lèvres et avant qu’elle ne se lève pour aller tâter la cuisson du lièvre, il la retint pour un long baiser. Il caressa sa joue chauffée par le feu, savoura la fermeté de ses lèvres écorchées par le froid. Quand il la laissa aller, il posa les coudes sur ses genoux et pondéra les dernières paroles de sa fiancée.

« - Nous avancerons pour notre peuple en ce cas. Je ne quitterai jamais tes côtés, Try’. Tes rêves, tes désirs… sont aussi les miens et je t’aiderai à les obtenir. Tous, jusqu’au dernier. »

Si les vampires ne représenteraient plus une menace d’ici quelques années ou décades, cela ne voulait pas dire que d’autres dangers ne rôdaient pas dans les campagnes alentours. L’Humanité était volage dans ses allégeances, il y avait aussi les créatures magiques qui pouvaient saccager des villages entiers, ruiner des routes commerciales et commettre bien d’autres méfaits. Combien de secrets dormaient encore sur cette Archipel et qui menaçaient de se réveiller à tout instant pour plonger les peuples dans le spectre de la peur et de l’extinction ? Au final, en cherchant bien, il y aurait toujours une raison de se battre… sur l’instant, Sigvald ne savait pas s’il devait en être soulagé ou déprimé. La portion de lièvre grillée que sa futur épouse lui offrit l’aida à voir le bon côté de la chose : au moins, il n’aurait plus toutes ces questions existentielles à se poser s’il avait les mains pleines de combats.

* * *

Lorsqu’ils furent rentrés à Délimar, ils se séparèrent pour aller revêtir leurs costumes de cérémonie. Loin des mœurs sudistes, les glacernois endossaient une armure pour prononcer leurs vœux de mariage et l’événement était rarement fastueux. Seuls les plus proches s’assemblaient dans le jardin intérieur ; famille, amis… Le nombre excédait rarement la cinquantaine. Il y aurait un buffet, de l’alcool à flot et quelques jeux ou épreuves pour marquer la célébration comme ils en avaient l’habitude : en se défoulant les uns sur les autres. Et d’ailleurs, l’honneur de mener la cérémonie reviendrait à celui qui remporterait le combat rituel. Les futurs époux se confrontaient avec l’arme de leur choix et ce jusqu’au premier sang. Un moyen d’honorer celui ou celle qui partagera le restant de ses jours avec soit. Un moyen de prouver sa force, sa valeur comme compagnon. Il s’agissait pour Sigvald du moment qu’il attendait le plus tant Tyrghild avait toujours été une adversaire à sa hauteur.

Finissant de sangler son ensemble de cuir et de maille, Sigvald ferma sa fibule d’argent et ajusta les pans de sa sublime cape doublée de fourrure de loup. Un dernier regard critique dans le miroir de bronze l’assura qu’il était fin prêt et aussitôt il tourna les talons pour sortir de la chambre et avala à grandes enjambées les couloirs et escaliers jusqu’à paraître dans le jardin parmi ses convives. Le vieux chêne avait sa parure encore nue, à peine piquée de quelques bourgeons précoces. Milles rubans colorés avaient été attaché sur les branches les plus basses, bruissant sous une brise piquante comme autant d’ailes d’oiseaux. Une arche de roseaux avait été tressée, agrémentée de fleurs d’hiver en mauve, jaune et prune, puis décorée de baies rondes, engorgées et rouges comme du sang.

Un cercle de craie blanche fut tracé pour marquer l’arène où se déroulerait l’affrontement, mais aussi pour pleins d’autres symboliques toutes aussi sacrées. Lorsque sa futur épouse arriva, le guerrier sentit son cœur se gonfler de fierté et d’affection pour elle. Il la dévora des pieds à la tête et se promit de l’honorer le soir même comme elle le méritait. Fière, impressionnante, image de la force et de l’inexpugnable ; Tryghild était tout ce qu’un glacernois pouvait espérer. Il voulu l’embrasser, mais se retint. En cet instant, il ne la méritait plus et devait regagner ce droit en combattant vaillamment. Il entra dans le cercle à sa suite, sortit son épée et fit des moulinet de l’arme pour échauffer et assouplir son poignet. Ils se tournèrent autour quelques minutes, se jaugeant ou se reluquant… quelle différence ? En cet instant, cela revenait au même. Lorsque retentit la cloche, ils se jetèrent l’un sur l’autre avec le sourire.

Le combat fut long, féroce et magnifique. Ils avaient eut le même professeur, ils possédaient cette même ténacité et agissaient comme deux loups affamés de combat, affamés l’un de l’autre. Tryghild était avec son bouclier, frappant et protégeant alors que l’épée simple frappait à la moindre ouverture. Sigvald était quant à lui aux doubles épées à deux mains, tournoyant et cinglant l’air de ses tailles mortelles. Il encaissa et elle esquiva jusqu’au moment où le sang coula sur la cuisse de l’Intendante après que son fiancé l’ait feinté d’une parade audacieuse. La cloche sonna une seconde fois, marquant la fin de l’épreuve et les clameurs s’élevèrent alors que les plus proches amis du couple s’approchaient pour féliciter le Champion. C’était à lui que reviendrait l’honneur de nouer le foulard à leurs mains jointes et qui ouvrirait la première jarre d’alcool au buffet.

« - Non. »

La voix de Sigvald s’éleva avec autorité, mais quelque chose dans son timbre était râpeux. Son souffle ne lui revenait pas quand bien même l’affrontement avait cessé depuis plusieurs minutes. L’homme tenait son flanc du côté droit et ses traits tirés ne laissaient pas présager du meilleur quand on connaissait l’endurance et le stoïcisme dont faisait habituellement preuve le Général face à la douleur. Il eut un haut le cœur qu’il ravala en perdant une couleur supplémentaire et prit quelques secondes pour rassembler son courage avant de dire avec calme :

« - C’est à Tryghild de mener la cérémonie. »

Des regards surpris, puis interrogateurs firent l’aller-retour entre les deux fiancés. L’Intendante portait bien une profonde estafilade sur la cuisse alors pourquoi bousculer les traditions ? Le Champion peina à déglutir et haussa des épaules avec une expression amusée, un peu penaude aussi alors qu’il expliquait plus en détails :

« - Je ne m’en étais pas rendu compte dans la chaleur du combat, mais ce dernier coup de bouclier ? S’il n’aura pas causé de dommages extérieurs, je peux vous assurer qu’il n’aura pas épargné le reste. »

Il eut un sourire en coin tout en baissant les yeux sur sa futur épouse alors qu’un silence pesant et troublé gagnait l’ensemble des convives. Une crispation le saisit et il expira dans un souffle rauque :

« - Voilà plusieurs minutes maintenant que je saigne d’une perforation à l’estomac. Sûrement une côte brisée… Hm... Ça compte quand même, non ? Pour moi en tout cas, c’est une victoire de ta part, Try’. Je serais honoré que tu me guides ici, aujourd’hui, comme tu as déjà su le faire de si nombreuses fois. »

Un autre blanc, choqué, avant que les médecins almaréens ne se précipitent vers le Général qui titubait enfin entre leurs mains paniquées, ne pouvant s’empêcher de rire et de grimacer en même temps face aux réactions qui divisaient l’assemblée. Certains riaient de l’ironie de la chose, pour la plupart il s’agissait d’autres glacernois, mais la majorité semblait dépitée ou bien catastrophée par la tournure des choses. Pas une fois les yeux gris de Sigvald ne se détournèrent de sa promise à qui il offrait un sourire ravi et extrêmement fier. Pas de lui-même, bien entendu. Non c’est juste que la femme qu’il allait épouser, celle qui porterait ses enfants et partagerait ses jours comme ses nuits, et bien cette femme était la plus forte qu’il ait jamais rencontré et rien en ce monde ne pourrait effacer le bonheur qu’il éprouvait en cet instant. Pas même la côte brisée, pareille à une écharde, qui lui fouillait allégrement les tripes.

descriptionMariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis] EmptyRe: Mariez-vous qu'il disait... [PV Sigvald Elusis]

more_horiz
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
<<