3 Février 1763
Elle n'était pas de bonne humeur, et c'était peu dire. Pourtant, n'importe quelle femme aurait dû ressentir une certaine allégresse à l'approche de son mariage ! C'était sensé être le plus beau jour de sa vie, ou au moins l'un des plus beaux. Elle aurait dû se sentir impatiente et quelque peu angoissée, imaginant le moment de la cérémonie et ce qu'elle dirait alors. Rien de tout cela cependant. Loin d'être une jeune promise virginale et tremblante, l'Intendante de Délimar était en revanche de fort mauvais disposition ce matin-là et n'avait surtout pas envie qu'on vienne lui conter les premiers émois de la vie maritale. Un mariage, elle en avait déjà eut un, elle savait ce que c'était, et sans doute aurait elle le cœur palpitant sur le moment, car elle avait judicieusement choisit son futur époux, mais en attendant, elle avait mal dormit et elle avait la migraine, et Sohan n'avait pas cessé de s'agiter jusqu'au petit matin, probablement parce qu'il faisait encore ses dents. Autant dire qu'avant de parler de musique, de danse ou de quoi que ce soit d'autre du même acabit, elle voulait surtout du calme, du silence, et achever la paperasse qui s'entassait sur son bureau au sein de la Citadelle. Installée au sein de sa résidence dans le quartier des citoyens, la nordique picorait lentement les morceaux de pain de seigle imbibés de soupe de bière sucrée contenus dans sa coupelle. Du fromage, des œufs durs et des tranches de jambon étaient disposés sur une assiette et n'attendaient que d'être dévorés, mais elle n'y mettait vraiment aucun cœur. Ce n'était pas dans ses habitudes, vraiment, les circonstances jouaient simplement contre elle. Il ne restait que peu de temps avant la cérémonie, à peine une journée, et elle était déjà certaine qu'on allait la noyer sous les questions et les détails, frustrée d'avance de devoir supporter cela alors qu'on s'occupait des préparatifs à sa place spécialement pour lui permettre de se concentrer sur la vie de la cité. Soupirant, elle prit son verre, le vida et décida finalement de se lever, replaçant les vivres sur un plateau qu'elle alla déposer en cuisine.
Déjà harnachée, Tryghild quitta la résidence et comptait seller l'un des cheveux de la maisonnée pour se rendre jusqu'à la citadelle, lorsque Sigvald la rejoignit. Vingt minutes plus tard, ils étaient face à face sur l'un des terrains d'entraînement de la ville, entourés d'une foule circonspecte et enthousiaste à la fois, et sous une pluie battante. Le sol de terre était meuble, mou et boueux au possible, et l'eau continuait de s'accumuler, mais ce n'était pas pour cela qu'elle cessait ses assauts. Torse nu, la poitrine serrée par une bande de cuir, cheveux retenus pour ne pas venir lui boucher la vue pendant qu'elle frappait de toute ses forces sur son futur époux, l'Intendante ne s'arrêtait pas, ni pour les éclaboussures, ni pour les torrents aqueux, ni même quand elle glissait. La rage au ventre, elle avait la ferme intention d'en découdre, sous les vivats d'une foule qui appréciait le spectacle des deux glacernois s'empoignant avec passion. Un instant, elle vint Sigvald osciller à son tour, et avec un sourire carnassier et un aboiement de victoire, bondit sur lui, l'entraînant avec elle au sol où ils roulèrent sous un rugissement de leur public. Elle se jucha sur lui, les cuisses lui entourant le torse et montra les dents, voulant le retenir au sol de toutes ses forces. Il résista avec honneur et elle banda les muscles, pesant autant qu'elle le pouvait. Que cela faisait du bien de se défouler ! Mais leur duel n'était apparemment pas destiné à le demeurer, et avec l'arrivée de nouveaux adversaires, la lutte devint une mêlée générale de laquelle ils ressortirent crottés des pieds à la tête. Sigvald avait réussi à prendre sa revanche et elle avait ensuite affrontée deux jeunes almaréennes seule pendant que son futur époux asseyait son autorité sur plusieurs soldats en permission qui avaient décidé de tenter leur chance. Cependant, quand elle ressortie enfin de la mêlée, elle se sentait de bien meilleure humeur. S'étirant pour détendre ses muscles chauffés par l'effort, la nordique chassa un morceau de terre molle du creux de son cou et observa la silhouette tout aussi souillée du général non loin. Un sourire naquis à ses lèvres, et elle l'attaqua par derrière avant de l'entraîner hors des carrés de duels.
Maintenant que leur 'différent' était réglé, elle n'avait pas de raison de continuer à lui en vouloir. Intérioriser ne menait à rien après tout, mieux valait régler la question tout de suite puis laisser cela au passé. Il était néanmoins hors de question qu'ils traversent la ville vers quelque lieu que ce soit sans prendre le temps de se nettoyer… elle en particulier car elle était certaine qu'Ilhan allait décéder s'il la voyait ainsi dans un bureau. En compagnie du général, elle marcha donc jusqu'aux bains les plus proches, retira ce qui lui restait de vêtements, les jetant dans une panière de linge sale prévu à cet effet puis prit un sceau plein d'eau fraîche pour commencer à retirer avec un linge le plus gros de la boue et du sang. Puis elle se glissa dans le même bassin que son fiancé, l'observant tout en démêlant ses cheveux. Le silence faisait du bien après tout ça, un bien fou même. Et il lui était plus facile de penser comme ça. Calquant son rythme sur le mouvement machinal et répétitif de ses mains, l'Intendante se perdit un instant dans ses préoccupations. Peut-être que la cérémonie l'angoissait plus qu'elle n'avait voulu l'admettre jusque là. Certes, ce serait sa seconde, mais la première fois, son époux et elle n'avait pas eut cette même… connexion, ce lien qu'elle partageait avec Sigvald. En se penchant sur la relation qu'elle entretenait avec le patriarche Elusis, ell se rendait aisément compte que ce qu'elle lui vouait se rapprochait de l'amour tel que les sudistes aimaient tant le vanter. Elle tenait à lui, elle avait cette chaleur au cœur quand il était proche, elle voulait le protéger et le voir en vie, auprès d'elle. Et à bien y réfléchir, si elle venait à être considérée inapte à l'Intendance, resserrer les liens de sa famille avec lui ne l'aurait en rien frustré. Ils auraient pu faire beaucoup, ensemble. Alors pourquoi est-ce qu'elle s'angoissait pour la cérémonie ? Il porterait officiellement le nom de Svenn désormais, et son père aurait approuvé cela. Elle ne savait pas, elle n'était pas bien certaine de ce qui se passait en elle. Ce n'était pas comme la peur de le perdre au combat, c'était… ah, ça lui échappait complètement et c'était frustrant. Relâchant enfin ses mèches, elle s'immergea presque totalement, ne laissant que son visage hors de l'eau et pencha la tête sans le quitter des yeux.
« Viendras-tu chasser avec moi, après la cérémonie demain ? »
Déjà harnachée, Tryghild quitta la résidence et comptait seller l'un des cheveux de la maisonnée pour se rendre jusqu'à la citadelle, lorsque Sigvald la rejoignit. Vingt minutes plus tard, ils étaient face à face sur l'un des terrains d'entraînement de la ville, entourés d'une foule circonspecte et enthousiaste à la fois, et sous une pluie battante. Le sol de terre était meuble, mou et boueux au possible, et l'eau continuait de s'accumuler, mais ce n'était pas pour cela qu'elle cessait ses assauts. Torse nu, la poitrine serrée par une bande de cuir, cheveux retenus pour ne pas venir lui boucher la vue pendant qu'elle frappait de toute ses forces sur son futur époux, l'Intendante ne s'arrêtait pas, ni pour les éclaboussures, ni pour les torrents aqueux, ni même quand elle glissait. La rage au ventre, elle avait la ferme intention d'en découdre, sous les vivats d'une foule qui appréciait le spectacle des deux glacernois s'empoignant avec passion. Un instant, elle vint Sigvald osciller à son tour, et avec un sourire carnassier et un aboiement de victoire, bondit sur lui, l'entraînant avec elle au sol où ils roulèrent sous un rugissement de leur public. Elle se jucha sur lui, les cuisses lui entourant le torse et montra les dents, voulant le retenir au sol de toutes ses forces. Il résista avec honneur et elle banda les muscles, pesant autant qu'elle le pouvait. Que cela faisait du bien de se défouler ! Mais leur duel n'était apparemment pas destiné à le demeurer, et avec l'arrivée de nouveaux adversaires, la lutte devint une mêlée générale de laquelle ils ressortirent crottés des pieds à la tête. Sigvald avait réussi à prendre sa revanche et elle avait ensuite affrontée deux jeunes almaréennes seule pendant que son futur époux asseyait son autorité sur plusieurs soldats en permission qui avaient décidé de tenter leur chance. Cependant, quand elle ressortie enfin de la mêlée, elle se sentait de bien meilleure humeur. S'étirant pour détendre ses muscles chauffés par l'effort, la nordique chassa un morceau de terre molle du creux de son cou et observa la silhouette tout aussi souillée du général non loin. Un sourire naquis à ses lèvres, et elle l'attaqua par derrière avant de l'entraîner hors des carrés de duels.
Maintenant que leur 'différent' était réglé, elle n'avait pas de raison de continuer à lui en vouloir. Intérioriser ne menait à rien après tout, mieux valait régler la question tout de suite puis laisser cela au passé. Il était néanmoins hors de question qu'ils traversent la ville vers quelque lieu que ce soit sans prendre le temps de se nettoyer… elle en particulier car elle était certaine qu'Ilhan allait décéder s'il la voyait ainsi dans un bureau. En compagnie du général, elle marcha donc jusqu'aux bains les plus proches, retira ce qui lui restait de vêtements, les jetant dans une panière de linge sale prévu à cet effet puis prit un sceau plein d'eau fraîche pour commencer à retirer avec un linge le plus gros de la boue et du sang. Puis elle se glissa dans le même bassin que son fiancé, l'observant tout en démêlant ses cheveux. Le silence faisait du bien après tout ça, un bien fou même. Et il lui était plus facile de penser comme ça. Calquant son rythme sur le mouvement machinal et répétitif de ses mains, l'Intendante se perdit un instant dans ses préoccupations. Peut-être que la cérémonie l'angoissait plus qu'elle n'avait voulu l'admettre jusque là. Certes, ce serait sa seconde, mais la première fois, son époux et elle n'avait pas eut cette même… connexion, ce lien qu'elle partageait avec Sigvald. En se penchant sur la relation qu'elle entretenait avec le patriarche Elusis, ell se rendait aisément compte que ce qu'elle lui vouait se rapprochait de l'amour tel que les sudistes aimaient tant le vanter. Elle tenait à lui, elle avait cette chaleur au cœur quand il était proche, elle voulait le protéger et le voir en vie, auprès d'elle. Et à bien y réfléchir, si elle venait à être considérée inapte à l'Intendance, resserrer les liens de sa famille avec lui ne l'aurait en rien frustré. Ils auraient pu faire beaucoup, ensemble. Alors pourquoi est-ce qu'elle s'angoissait pour la cérémonie ? Il porterait officiellement le nom de Svenn désormais, et son père aurait approuvé cela. Elle ne savait pas, elle n'était pas bien certaine de ce qui se passait en elle. Ce n'était pas comme la peur de le perdre au combat, c'était… ah, ça lui échappait complètement et c'était frustrant. Relâchant enfin ses mèches, elle s'immergea presque totalement, ne laissant que son visage hors de l'eau et pencha la tête sans le quitter des yeux.
« Viendras-tu chasser avec moi, après la cérémonie demain ? »