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6 janvier 1763 - Délimar - Quartiers d'entrainement




Ilhan Aveeeeeeeeeeente ! Je vais vous tuer ! 

Le rugissement sonore à l’autre bout du couloir suffit à alerter les sens de l’althaïen. Son échine se hérissa sous cette semonce sonnant danger. Il se leva d’un bond, attrapa la besace qu’il avait préparée et s’empressa de filer hors de son bureau. À peine arrivé à l’autre bout du corridor, il entendit un autre rugissement.

Je t’ai vu Ilhan, tu ne pourras pas m’échapper ! 

Je suis désolé, Grand Trésorier, mais je suis attendu pour un rendez-vous urgent, je ne puis rester, offrit-il pour toute réponse, tout en dévalant les marches.

Il entendit toutefois parfaitement les bruits de pas pressés puis de course, dans son dos. Il força l’allure, se mit carrément à courir, puis, alors qu'il sortait enfin de la citadelle, en deux clignements des yeux il fit deux bonds qui le projetèrent près d’un buisson. D’un geste vif, presque enfiévré par l’adrénaline de sa fuite, il toucha ledit buisson et… disparut en prenant la même apparence. Il adorait ce petit sort de métamorphose. Hop, ni vu ni connu. Il aperçut le Grand Trésorier, délimarien dans la norme haute, le dépasser à grandes enjambées, tout en le maudissant de tous les noms. Et réprima un petit ricanement.

Certes, c’était là un brin mesquin de sa part. Mais, sacrebleu, on l’avait cherché sur ce coup-là ! Pas qu’il ne voulait pas payer les taxes qu’on lui réclamait, mais la dernière note frôlait l’indécence ! Certes, peut-être s’était-il un peu laissé aller à Cordont. Surtout à faire joujou avec la magie avec ce maitre mage qui lui avait donné quelques conseils avancés… Bon il taira le fait que ledit maitre mage était en outre vampire, même si Délimar le savait certainement déjà. Mais bon, cela avait été trop tentant ! Et s'il n'y avait eu que cela ! Pour tout avouer, il avait pensé que seule la magie pratiquée au sein du camp des délimariens aurait compté dans ses taxes ! Pas celle pratiquée dans le camp Caladonien ! Car oui, les collecteurs avaient également compris la magie qu’il avait utilisée sous la tente du bourgmestre de Caladon ! Autant dire, au vu du sort utilisé, de sa puissante magie, même si subtile magie, que la note avait flambé.

Alors oui, il avait bougonné. Puis voyant le refus obtus d’effacer ces sorts-là, il avait accepté… mais avait répondu ne payer que lorsqu’il aurait sa prochaine solde. Tout simplement parce qu'il était à cours actuellement. Déjà qu'il avait dû subir le sermon de Dihya, qui faisait office de régente dans sa maisonnée. Comme quoi il ne savait pas compté, dépensait trop, tout ça, tout ça...

Bref, il avait été de méchante humeur. Il avait alors utilisé pour émettre sa réponse écrite, un parchemin enchanté de façon… hum… particulière. Particulièrement cendreux. Un parchemin destiné à se consumer une fois lu, disparaissant en cendres… Inutile de comprendre pourquoi, à la vue de ce parchemin soudain en poussières, le Grand Trésorier avait été furieux. Oui, un brin mesquin, vous disait-il. Un peu joueur aussi. Il avait, lui aussi, besoin de se défouler. Et sous ses airs stoïques, calmes et posés, se cachait aussi un côté joueur et taquin. Il n’était pas dauphin pour rien.

Bon, inutile de tergiverser plus longuement, il n’allait plus tenir ce sort plus longtemps. Il reprit donc son apparence, grimaça quand un soldat le vit (encore un sort sur sa note, allez, encore un !) mais le salua vivement avant de s’éclipser à nouveau.

Direction un enclos d’entrainement qu’il avait réservé spécifiquement pour l’occasion, avec quelques mannequins particuliers. Il avait en effet rendez-vous avec Tryghild Svenn. Oh non, il n’allait certainement pas s’entrainer avec elle, oh que non, il ne tiendrait pas l’allure. Déjà que ces entrainements avec Sigvald étaient calamitiques…

Non, pas d’entrainement pour lui. Mais il savait devoir aborder avec elle quelques sujets délicats, qui mettraient assurément ses nerfs à rude épreuve, même si quelques autres sujets positifs pourraient contrebalancer un peu. Au moins elle pourrait laisser libre cours à toute sa rage sans crainte de casser un nouveau mobilier. Rien que pour ça, le Grand Trésorier devrait le remercier ! Il renonçait au confort de son bureau ou de la salle de Conseil rien que pour ça !

Ricanant de nouveau, il ralentit un peu l’allure, sentant un essoufflement menacer le mettre à bas. Il se permit une petite pause contre une colonne, les mains sur les genoux, pour mieux reprendre son souffle. Puis, après avoir vérifié de droite et de gauche que sa cible n’était pas en vue, il reprit son chemin. Sa besace, un peu lourde, tapant sur sa cuisse de façon agaçante.

Enfin, il parvint au lieu de rendez-vous. Il aperçut sa Reine qui arrivait apparemment tout juste elle aussi. Tant mieux, il aurait détesté la faire attendre. Et c’est avec son éternel sourire qu’il la rejoignit et lui offrit une légère révérence. Mi-délimarienne, poing sur le coeur, mi-sudiste en s’inclinant légèrement.

Ma Reine. Quel plaisir de vous voir. Je suis sûr que ce lieu de rendez-vous vous… interpelle. Mais non je ne suis pas devenu fou. Pas encore. Pas totalement. Je souhaitais juste vous offrir un… moyen de vous défouler… si jamais.

Et se disant, son sourire se fit plus taquin, alors qu’il se redressait. Mais son sourire se fana immédiatement quand le Grand Trésorier apparut dans son champ de vision. Aussitôt, il s’accroupit et se cacha derrière une caisse.

Ma Reine, je vous en supplie, je ne suis plus là…

Même si, au fond, il était presque sûr de son sort à venir. Sa Reine ne mentait jamais. Ou en tout cas il ne l’avait jamais vu faire. Elle n’allait pas commencer pour lui...

Intendante, fit le trésorier en arrivant et en saluant Tryghild en bon délimarien qui se respecte. Auriez-vous vu passer ce rat de petit mage que l'on nomme Conseiller Avente ? J'aurais deux mots à lui dire.


Dernière édition par Ilhan Avente le Jeu 7 Fév 2019 - 22:40, édité 1 fois

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Il y avait davantage de guerriers à l’entraînement aujourd’hui, de ce qu’elle pouvait en voir en longeant les grands carrés parfaitement délimités de chaque secteur. Bien, c’était une très bonne chose. Délimar ne s’était pas mise à résonner du bruit des préparatifs contre les Chimères contrairement aux autres nations de l’Archipel, car elle se paraît des musiques de la guerre en toutes saisons. Pour autant, lorsqu’on avait l’œil usé et averti, les signes étaient là. Le rythme était plus soutenu, les soldats s’entraînaient dès qu’ils le pouvaient, toute heure de libre était investie dans la production de leurs équipements et l’armement de leurs navires. Certains avaient pensé la menace derrière eux en venant s’installer ici, même au sein du peuple de Délimar, certains l’avait pensé. Mais c’était faux. La menace était bien là. Elle avait toujours fait armer la cité dans cette optique et elle venait de se voir confirmée ses craintes. Quand les abominations arriveraient, elles feraient face, cette fois, à la force combinée de tous les peuples de l’honneur et à une armada bardée de feutonnerres et d’armes almaréennes de pointes. Cette fois, ils n’était plus des proies sans défenses et elle comptait bien ne plus fuir. On leur avait arraché leur foyer une première fois… plus jamais. Plus jamais elle ne perdrait sa maison. Plus jamais elle ne laisserait son peuple subir ce qui s’était passé à Glacern. Mais leurs ennemis n’étaient pas encore là. Pour le moment, ils avaient du temps, du temps pour se préparer et mettre en place les stratégies qui leur assurerait la victoire.

Ses pas la menèrent finalement auprès d’un petit carré encore inoccupé. Curieux, elle aurait pensé qu’ils le seraient tous. Seule sur l’instant, elle se percha sur un morceau de la barrière du carré vide pour observer les combattants. Peut-être se joindrait-elle à eux si Ilhan traînait trop, au moins comme ça elle attendrait en faisant quelque chose d’utile. Elle aussi avait besoin de s’entraîner. Ce n’était pas ne maniant une plume pour écrire qu’elle améliorerait son jeu à l’épée. Elle n’en eut cependant pas l’occasion. A peine une minute ou deux plus tard et Ilhan apparaissait près d’elle. Le saluant d’un hochement de tête, la nordique le laissa lui exposer les raisons de sa présence ici plutôt qu’à la Citadelle. Ils y avaient tous deux leurs offices, c’était plutôt bizarre de vouloir traverser une partie de la ville pour se parler plutôt que de se retrouver directement là-bas. L’explication donnée la fit grimacer de perplexité, ne sachant pas trop comment elle devait prendre une telle affirmation. c’était… attentionné ? Ou alors devait-elle se vexer de sa façon de la voir ? Ou s’inquiéter de ce qu’il voulait lui dire exactement ? Elle n’en eut pas véritablement le temps, ni de se décider, ni de répondre d’ailleurs.

« Quoi ? »

Comment ça il n’était plus là ? Mais enfin ? Bras ballant, elle le regarda se dissimuler, regarda le Grand Trésorier qui approchait et ce fut à ce moment précis qu’elle décida qu’elle était définitivement en colère. Allait-on lui expliquer ce qui se passait à la fin ? Non seulement elle n’y comprenait rien mais en plus on essayait de la rendre complice de… de quoi exactement ? Elle ne savait pas du tout ce qui se passait mais oh ! Par les Déesses, elle le saurait ! Croisant les bras, elle darda un instant un regard noir sur l’homme charger des finances de la ville, sachant d’avance que ce n’était pas lui qui allait lui cacher quoi que ce soit plus de quelques secondes si elle lui posait la question. Mais au-delà de ça, elle n’aimait pas qu’on insulte quelqu’un sans une bonne raison. Même envers les Séléniens, elle avait toujours tenu à ce qu’on s’en tienne aux faits. Et de toute façon les faits étaient plus insultants que toutes les injures qu’ils auraient pu trouver. Alors si même envers les Séléniens ils se contenaient pourquoi pas envers un de leurs employés ? Sourcils froncés, elle n’y alla pas par quatre chemins. Elle n’y allait jamais vraiment par quatre chemin bien sûr, mais là encore moins.

« Dites voir, restez courtois Grand Tresorier. C’est d’un de vos collègues dont vous parlez ainsi. Qu’est-ce que vous lui reprochez ? »

Elle lui fit signe de parler d’un sec mouvement de la tête pendant qu’elle-même retirait la caisse de devant le diplomate, soulevait le diplomate, défroissait le diplomate et plaçait le diplomate derrière elle, se gardant entre son maître des finances et son maître des relations extérieures, n’ayant pas besoin d’expliquer que si le premier voulait avoir accès au second, il ne pouvait que lui expliquer la situation ou tenter de lui passer sur le corps, ce qui finirait excessivement mal pur lui. Mais s’il choisissait la seconde option, elle serait contente, en colère, l’envie de taper sur quelque chose la démangeait toujours. Bras croisés sur sa poitrine, campée fermement entre les deux, elle écouta ce que son frère d’armes avait à dire et son expression se fit de plus en plus déçue et sévère. Se retournant finalement vers Ilhan, elle eut un simple geste pour l’inviter à dire quelque chose pour sa défense si véritablement il avait quelque chose à dire. Un parchemin qui s’enflamme, mais qu’est-ce qui lui avait prit exactement ?

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Ilhan se sentit mortifié de se faire extirper de sa cachette comme une simple poupée de chiffon. Plus encore quand il sentit les mains de la Reine sur lui pour défroisser ses vêtements. Heureusement, elle se détourna bien rapidement, se mettant entre le Trésorier et lui, ce qui permit à l’althaïen de faire disparaître l’empourprement de ses joues et de reprendre contenance.

Enfin… un semblant de contenance. Il avait repris son sourire ambigu à mi-chemin entre moquerie et bienveillance et son masque lisse de toute expression. Mais quand elle se tourna vers lui avec ce regard dur et cet éclat de déception brûlant au fond de ses prunelles, son sourire perdit un peu de sa superbe et se courba en une moue plus chagrinée et plus sérieuse aussi... Oh qu’il détestait cet éclat-là. Il détestait la décevoir, plus que tout. Il n’avait qu’une seule envie en cet instant, lui demander pardon pour son enfantillage. Mais… Le mal était fait. Et son enfantillage lui avait permis à lui de désamorcer un des rares éclats de colère du dauphin. Sans doute bien plus terrible que ceux de la louve, car bien plus rares. Bien plus violents, même si d’une violence rentrée. Mieux valait qu’il ait trouvé cet exutoire, aussi immature cela puisse-t-il paraître.

Il soutint donc ce regard, sans flancher, ses orbes sombres dénotant une totale franchise et une détermination qu’il lui accordait sans concession. Il expira doucement avant de lui répondre, d’une voix calme, posée, dans un nordique où chantait encore Althaïa :

Tout d’abord le parchemin ne s’est pas enflammé, il est juste parti… en cendres. Il s’est délité en poussières. Je n’aurais pas osé user de magie trop dangereuse qui aurait pu vous blesser, cher collaborateur.

Il laissa trainer les deux derniers mots dans l’air, comme pour souligner qu’ils étaient censés effectivement travailler pour la même cause, pas se batailler continuellement. Mais, même si pour cet épisode-ci il était possiblement le fautif, du moins s’il portait le plus de torts en cet instant, cette bataille n’était pas de son fait. Il n’en avait jamais parlé à l’Intendante, et avait pensé parvenir à faire entendre raison, peu à peu, à son homologue trésorier. En vain dirait-on. Il faisait partie de ces fanatiques anti-magie avec tant d’acharnement que, tant qu’Ilhan userait de magie, le délimarien aurait une dent contre le diplomate. Quoi qu’il fasse. Pour autant… Ilhan était un mage. Il payait une taxe. Il avait donc le droit d’user de magie. Da façon raisonnée.

Bon certes, le parchemin n’était pas raisonné, et n’était qu’un coup de sang.

J’avoue, je plaide coupable, ce parchemin était… mesquin et infantile, ajouta-t-il avec un fin sourire.

Mais que cela faisait un bien fou ! Son sourire ne put s’empêcher de s’élargir dans une moue clairement amusée. Son dauphin sautillait presque en lui du même amusement. Il chanterait moins dans quelques secondes, il s’en doutait. Autant profiter un peu de cette onde de paix en lui, s’il ne voulait pas imploser lui-même.

Mais je ne pensais pas qu’une magie si inoffensive puisse vous effrayer autant et vous faire perdre ainsi tous vos moyens, cher Trésorier. Je vous pensais fait d’un fer plus solide.

Petite provocation. Lui que son homologue n’avait eu de cesse de traiter de faible. Lui au moins ne couinait pas devant une épée…

Toutefois, je n’ôte pas les propos que contenait ce parchemin. Vous n’avez de cesse de m’insulter, et de profiter de votre pouvoir de trésorier pour augmenter indûment mes taxes. J’ai l’honnêteté de vous faire part de toute magie, tout sort, que j’utilise en cette cité ou en dehors, d’en faire le détail sans rien vous cacher, quand bien même la manière dont j’use de magie en dehors de la cité pourrait ne pas vous concerner. J’aurais aimé la même honnêteté de votre part quant aux comptes qui me sont imputés. Notamment le sort, d’un coût prohibitif, dont j’ai fait usage sous la tente du bourgmestre de Caladon qui n’aurait jamais dû faire partie des taxes de Cordont.

Ilhan sentit son ton monter très légèrement et se força à s’arrêter. D’un geste de main, il imposa le silence à son homologue qu’il sentit se raidir. Il n’en avait pas fini. Mais il avait besoin de son dauphin pour garder son calme.

Quant à votre commentaire de bas de parchemin que vous avez eu l’extrême bonté de m’offrir avec votre note de taxe, elle était déplacée et outrageuse.

Il jeta un coup d’oeil à l’Intendante, soupirant de l’avoir mêlé à cela. Ce n’était réellement pas son objectif. Mais il ne pouvait non plus la laisser dans l’incompréhension de ce qu’il évoquait.

Pour informations, la note disait, si ma mémoire est bonne..

Et elle l’était. Surtout pour ces propos qui l’avaient plus que blessé.

" Peut-être le petit mage que vous êtes apprendra-t-il enfin à faire un meilleur usage de sa magie. Peut-être devrait-il aussi éviter de monter encore en puissance ".

Sa voix s’était faite glacée et grinçante alors qu’il répétait ces mots. Il s’était senti insulté, blessé, et flagellé de façon injuste. Il apprenait à faire un meilleur usage de la magie, et même à Cordont il n’y avait pas eu d’usage abusif.

Car oui, ma magie s’est apparemment… un peu améliorée. À mes dépens. La note ajoutait aussi : " Peut-être lui faudra-t-il aussi apprendre à mieux gérer ses propres comptes. Nous pourrions lui suggérer moins de serviteurs dans sa demeure et d’apprendre à se restreindre. "

Il inspira encore un grand coup, retourna toute son attention sur le délimarien et avança d’un pas. Puis d’un autre. Le dos raide, droit, le menton haut alors qu’il se plaçait juste devant le Trésorier, le port noble et digne. Il était certes petit et devait lever les yeux, mais en cet instant on sentait toute la force de caractère de l’althaïen qui transpirait d’un charisme inébranlable.

Alors je vous le répète, cher Trésorier, le rat de petit mage que je suis fait un usage raisonné de la magie. En l’occurrence à Cordont, je ne me suis pas amusé à faire voltiger mes plumes, je me suis levé comme tout humain, faisant fi des douleurs qui me vrillaient, et suis allé chercher ma plume comme tout un chacun. Non, à Cordont, toute magie dont j’ai fait usage était pour raison d’État. En ma qualité de diplomate et d’envoyé de Délimar. Quant à ma propre façon de gérer ma maisonnée, il ne vous appartient pas d’en faire quelque jugement que ce soit.

Il s’écarta d’un pas, inspira encore un grand coup. Maintenant qu’il avait dit, en face, ce qu’il avait eu à dire, il était temps de tendre le bâton de paix. Ils devaient, après tout, travailler ensemble.

Puisque mon offre sur le parchemin ne vous convient pas, et puisque je suis dans l’impossibilité de régler la taxe de Cordont actuellement, je vous propose d’accepter que je la paye sur ma prochaine solde, qui devrait arriver dans quelques jours à peine… avec une augmentation de dix pour cent.

Et il se tut. Attendant. Crispant les poings et faisant appel à son dauphin pour l’apaiser. Et finalement le Trésorier répondit, sur un ton abrupt, mais sans insulte, sans doute grâce à la présence de l’Intendante :

Bien. Une augmentation de quinze pour cent. Et je la déduirai d’office de votre solde, cela nous évitera des transactions inutiles. Si mes comptes sont justes, et ils le sont toujours, il ne devrait vous rester, Conseiller Avente, que… cinq pour cent de toute votre solde. Bien entendu votre taxe normale a été augmentée puisque votre magie a monté d’un cran.

L’homme se tourna ensuite vers son Intendante.

Intendante, si vous n’avez rien de plus à ajouter, je retourne à mes occupations et vous laisse…

Il jeta un regard vers Ilhan.

En compagnie de votre conseiller.

Ilhan se contenta de se tourner vers Tryghild, pour mieux retenir la pique cinglante et cynique qui lui venait à l’esprit. Et attendit, avec appréhension, sa réaction. Dire qu’il avait prévu de difficiles révélations lors de cette entrevue. Voilà qui n’allait pas lui faciliter la tâche.

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Un sourcil se souleva, un second ne tarda pas à le rejoindre, et bientôt, une barre dure froissait le front et l'arrête du nez de l'Intendante qui n'aimait pas ce qu'elle entendait. Ni d'un côté, ni de l'autre d'ailleurs. Et lorsqu'on se tourna finalement vers lui, ce fut la cerise sur le gâteau empoisonné. Non mais ces deux imbéciles de mâles pensaient vraiment pouvoir s'écharper devant elle et qu'en plus elle ne dise rien ? Et en plus on lui reprochait son choix de diplomate par sous entendu ? Ça n'allait vraiment pas bien se passer. La moutarde lui montait au nez, et si elle parla civilement, elle ne cachait pas la tension qui l'habitait et qui faisait palpiter une veine sur sa tempe droite.

« Si vous avez quelque chose à me reprocher, une doléance ou un avis personnel, Grand Trésorier, je vous rappelle que vous êtes libre de venir me l'exprimer concrètement à n'importe quel moment du jour ou de la nuit et ce sans avoir à vous prendre pour un Sélénien. Comme chaque membre de la haute administration, vous avez prouvé vos compétences, votre loyauté et votre expérience, autant de qualités sur lesquelles je m’appuies chaque jour afin que cette ville puisse prospérer. Et je le fais en toute confiance. Il me semble que j'ai toujours entendu les avis que vous aviez à donner et que j'ai toujours respecté notre manière de fonctionner, par vote. Et c'est par vote que Maître Avente a également été élu Diplomate de Délimar »

Il n'était pas 'son' conseiller mais le conseiller de la cité, oui oui, de Délimar, de son peuple. Il travaillait pour le peuple, pas pour elle, et répondait au peuple, à travers elle mais pas seulement. Il était sous le joug des mêmes lois qu'eux. Il était beaucoup trop facile d'oublier que c'était le même conseil auquel appartenait le Grand Trésorier qui avait élu Avente à son poste et ce à l'unanimité. Certes, ils s'étaient beaucoup basé sur sa demande à elle et sa capacité et son discernement, mais ils avaient acceptés l'homme, pas sa seule parole car la parole n'est que du vent pour l'Océanique. Elle comprenait qu'il soit possible de s'égarer lorsque la colère rongeait, et essayait elle-même de ne pas injustement secouer son employé.

Englobant les deux hommes de son regard, poings sur les hanches, elle poursuivit.

« Je vous rappelle également, à tous les deux, que nous avons des lois en place, des règles, et des outils juridiques et administratifs permettant de régler une question ou un litige. Avente, votre comportement est une honte. Nous ne sommes pas des chiens aboyant à qui mieux mieux. Si les décisions du Grand Trésorier ne vous conviennent pas, portez une plainte officielle pour étude bon sang, ne vous amusez pas comme un gosse capricieux. Vous ne cessez de me répéter de ne pas me laisser dominer par la colère et l'indignation, n'êtes-vous pas censé être un exemple sur lequel je peux m'appuyer ? Et encore, personnellement je n'arrive pas à me dominer, vous de vos propres mots vous saviez que ce n'était pas digne de vous »

Mais que son confrère Glacernois ne se sente pas pour autant sortit d'affaire, oh que non.

« Et vous, je vous rappelle que ce n'est pas parce que vous gérer les finances de la ville que vous devez vous penser tout permis. Cet homme est votre collègue, votre confrère, vous partagez une même loyauté et un même objectif. Vos insinuations personnelles et vos insultes sont malvenues et nous font honte. Nos avons accueillit Maître Avente comme l'un des nôtres, certes pas un citoyen, mais bien un des nôtres. Il donne à cette ville exactement comme vous. Il s'use de la même façon que vous et parfois en de pires proportions. Il a le droit, et vous le devoir, de le traiter avec dignité. Je ne souffrirais plus une autre insulte de ce genre, autant en temps que personne, et je peux vous assurer que vous me retrouverez dans l'arène si c'est le cas, qu'en temps qu'Intendante, car je vous ferais comparaître devant une cellule d'étude pour comportement déshonorable. Nous ne sommes pas à Sélénia ou Gloria ici, nos employés, nos frères et sœurs doivent être reconnus comme tels, leur travaille reconnu comme tel, nous ne devons pas leur cracher dessus. Si vous avez un problème personnel avec Maître Avente, vous le réglez hors de vos fonctions. Est-ce que c'est clair ? »

Elle inspira profondément, semblant se grandir de plusieurs centimètres comme un crapaud buffle, et continua sur sa lancée avant que le pauvre homme ne puisse en placer une. Et elle ne prenait même pas la peine de baisser la voix.

« Et il n'est absolument pas question d'appliquer des intérêts au paiement d'une taxe, surtout quand la base n'a pas été décidée et approuvée par le conseil. Nous avons aussi des grilles de gestion des paiements de taxes. Maître Avente paiera simplement deux taxes ce mois-là, mais c'est tout. Il n'est pas question d'affamer volontairement un homme par intérêt personnel. Et ce n'est pas discutable »

Se tournant résolument dos au glacernois, elle foudroya l'althaïen du regard, ouvertement de mauvaise humeur à présent. Inspirant profondément, elle attendit de voir le Trésorier prendre congés avant de parler de nouveau. Le ton était sourd, retenu, et les mots simples, sans jugement.

« Avente » elle était trop en colère pour l'appeler par son prénom, même si elle ravalait son envie de le secouer « Si vous avez besoin d'un comptable, il faut que vous le demandiez. Je n'ai pas à m'introduire dans votre vie privée, ni personne d'autre, néanmoins je pense avoir un droit de regard sur ce qui peut avoir un impact sur votre efficacité. Hors, même si vous ne voudrez peut-être pas l'admettre, si vos comptes ne sont pas bon, c'est du temps que vous perdez, moi aussi, si vous n'avez pas assez pour finir le mois, et que vous venez travailler le ventre vide, j'ai le droit de penser que cela affectera votre capacité à penser. Puis-je vous faire confiance ? »

Se détournant légèrement, elle se pinça l'arrête du nez, massant légèrement pour essayer de se calmer.

« Pourquoi suis-je ici d'ailleurs ? Pas pour ça je pense »

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Oh, oh, ça sentait le roussi, observa Ilhan quand sa Reine prit la parole et qu’il entrevit la veine pulsant à sa tempe. Il était si facile, encore, de lire sur son visage tout ce qu’elle ressentait. Toutefois, remarqua-t-il, elle se contenait, une fois encore, admirablement. Pas d’éclat de voix, ou si peu, et des mots choisis, pesés, qui frappaient en plein coeur là où ça faisait mal, mais qui touchaient juste. Un peu trop juste pour lui malheureusement. Et, fait notable, pas de casse. Ce n’était pas la première fois depuis quelque temps, qu’il observait cette nouvelle maitrise. Pas encore parfaite, mais… Sa Reine mûrissait, avait grandi et savait se comporter comme une digne monarque même sans en être une de titre. Une once d’admiration monta en flèche dans son coeur à chaque mot qu’elle prononçait. Même contre lui.

Et qu’elle prenne ainsi sa défense… Ce n’était pas le but voulu, et il ne s’y était pas attendu. Pour tout avouer, il avait pensé prendre toutes les remontrances. Après tout, cet incident partait de son parchemin de cendres et de son coup d’éclat. Certes, ce genre d’actes lui était peu coutumier et notait là qu’il avait atteint une certaine limite. Comme jamais il ne l’avait atteint auparavant. Seule Délimar savait nourrir en lui de pareils sentiments trop exacerbés pour son caractère d’ordinaire patient. Peut-être sa Reine en avait-elle conscience ? Peut-être était-ce pour cela qu’en cet instant le Trésorier se faisait reprendre bien plus vertement que lui-même ? Une douce chaleur l’enveloppa et son regard pétilla plus encore alors qu’il observait sa Reine leur faire face. Un éclat d’admiration teinté d’une chaleureuse affection. En tout bien tout honneur.

Une once de honte aussi s’empara de lui et ses yeux se baissèrent sous l’impact des mots. Ce qu’elle disait… était si vrai. Et surtout… Comparer le comportement du Grand Trésorier à celui de courtisans de Sélénia ou Gloria ? Il en était loin. Mais… Il était vrai aussi que ce comportement n’était pas celui habituel de l’homme, plus direct, plus franc. Il n’avait jamais caché son agacement face au mage qu’était Ilhan. Mais de là à… Et ce constat renvoyait Ilhan à ses récentes interrogations. Était-il en train de corrompre Délimar par sa présence ? Par certains us et coutumes qu’il avait peut-être amenés ici sans même le vouloir ? Cela le renvoyait à la raison pour laquelle il pensait changer de méthodes avec sa Reine. Ne pas la corrompre. Ne pas la dénaturer. Lui apprendre, la seconder, la conseiller, mais sans dénaturer tout ce qui faisait sa force et sa valeur… Un lourd soupir lui échappa.

« Avente »

Il releva les yeux et les ancra dans ceux de sa Reine. Sans aucune hésitation.

« Si vous avez besoin d'un comptable, il faut que vous le demandiez. Je n'ai pas à m'introduire dans votre vie privée, ni personne d'autre, néanmoins je pense avoir un droit de regard sur ce qui peut avoir un impact sur votre efficacité. Hors, même si vous ne voudrez peut-être pas l'admettre, si vos comptes ne sont pas bons, c'est du temps que vous perdez, moi aussi, si vous n'avez pas assez pour finir le mois, et que vous venez travailler le ventre vide, j'ai le droit de penser que cela affectera votre capacité à penser. Puis-je vous faire confiance ? »

Il hocha la tête, mais il ne sut si elle le vit. Elle s’était déjà détournée.

Je vous présente mes excuses, ma Reine. Mon Intendante. Je ne souhaitais pas vous mêler à tout cet incident.

Un autre soupir. Il posa une main sur son coeur. Autant pour appuyer ses mots que pour calmer les palpitations agitées de celui-ci. Il préféra utiliser la langue du nord, plus abrupte parfois mais aussi plus vraie. Surtout pour sa Reine.

Mon comportement était… inapproprié. Je le savais et pourtant j’ai osé. C’était défoulant, je dois l’admettre, ajouta-t-il avec un fin sourire.

Qui disparut bien vite quand il reporta son attention sur la femme en face de lui. Il baissa le bras sans pour autant baisser les yeux.

Mais inapproprié. Un caprice de gosse gâté en effet.

Un caprice comme il se le permettait parfois, avec plus de filouterie et d’habileté, à Gloria. Mais ici en Délimar… non ce n’était pas permis. Pas honorable.

Je présenterai mes excuses aussi au Grand Trésorier.

Même s’il n’était pas bien sûr d’en recevoir en retour. Mais étant le fautif dans cette histoire… à certains égards.

Et pour un comptable…

Il baissa les yeux et ravala la bile acide de son orgueil. Cela lui coûtait de l’avouer, mais… oui, sans doute aurait-il besoin d’aide pour sa trésorerie. Il n’avait jamais su compter. Il dépensait toujours trop, à tout va, et sa générosité n’aidait pas.

Peut-être en aurais-je effectivement besoin. Même si je ne sais comment je le paierai… Il trouvera bien sans doute. Même si je ne suis pas encore au point d’être affamé.

Sans doute devrait-il juste se passer de quelques sucreries. Rien qu’à cette idée son estomac grogna comme en protestation. La situation devenant bien trop gênante pour lui, il décida de changer de sujet sans plus attendre.

Quant à ce que nous faisons ici, ajouta-t-il en frappant avec vigueur dans ses deux mains puis en se les frottant, je me suis dit qu’il me fallait changer peut-être de méthode. Que je n’avançais peut-être pas parfaitement dans la bonne direction avec vous. A Délimar.

Il s’avança alors vers le terrain et vers un des mannequins d’entrainement. Et observa que les terrains jouxtant le leur avaient bien été vidés, comme il l’avait demandé. Il voulait qu’aucune oreille indiscrète ne puisse entendre ce qu’il allait dire.

Voyez-vous, je me demande continuellement si… je ne vous corromps pas. Vous apprendre oui, mais trouver la limite entre vous apprendre sans vous dénaturer, vous conseiller sans vous souiller, est parfois délicat.

Il avait l'impression parfois de jouer au funambule.

Non pas que nous ayons obtenu de mauvais résultats, loin de là, ma Reine. Vous dépassez toutes mes espérances. Même si tout n’était pas parfait, vous avez fait montre pour toutes les discussions délicates concernant Cordont d’une grande maitrise. Vous avez su montrer que vous étiez une dirigeante digne de ce nom et digne d’être écoutée. Vous avez été… grandiose. Sans doute perfectible, mais grandiose. Et sans rien casser en fâcheuse présence.

Il appuya ses derniers mots d’un fin sourire taquin en se retournant vers elle.

Mais ma Reine, chassons la nature et elle revient au galop.

Il n’y avait qu’à voir son propre comportement avec le Trésorier. Il avait toujours été farceur, taquin et joueur, fondamentalement. Avant de devenir un soit-disant diplomate mature.

Et il n’est pas dit que nous devrions vraiment chasser votre nature. Nous devrions peut-être juste… apprendre à la contrôler, la juguler. Mais sans totalement la museler. Je pense que c’était là mon erreur. Vous contenir est une chose. Importante. Mais… Vous ne pouvez pas vous contenir sans cesse. Non pas que vous n’en soyez pas capable, mais… cela va vous ronger. Il vous faut…

Il ramassa un panneau de bois qui était posé contre le mannequin à terre et le souleva pour l’accrocher par la corde au cou du mannequin.

Trouver un dérivatif, un exutoire, un défouloir. De quoi décharger l’énergie, la colère, qui gronde souvent en vous. Quelques part, votre colère, vos sentiments impétueux, sont aussi votre force. Nous devrions juste trouver quand les laisser s’exprimer, non ? Vous contenir oui. Pour les événements importants. Les Conseils, les débats, les discours devant le peuple, ou lors des pénibles négociations avec vos paires. Mais…

Il redressa le panneau et se décala, révélant ce qu’il avait, laborieusement, et fort peu gracieusement gravé dans le bois. Son propre nom "Ilhan Avente".

Vraiment, est-il utile de toujours vous contenir quand nous ne sommes qu’entre nous ? Jusque-là, oui, je devais vous entrainer à cela. Mais… puisque vous semblez enfin en être capable… Peut-être doit-on vous laisser… vous défouler ?

Il se retourna alors vers elle avec un grand sourire en lui désignant la pancarte. Puis l’épée et le bouclier à côté.

Je vous aurais bien proposé de jouer les adversaires, mais… je fais toujours un piètre guerrier. Nous avons un programme chargé pour cette réunion, ma Reine. Et je sais devoir aborder des sujets…

Son sourire se fana quelque peu.

épineux.

Il attrapa alors un parchemin à son brassard et le déroula. Y figurait toute la liste de leur discussion à venir. Un possible point sur Cordont si nécessaire, les soucis rencontrés avec Sigvald (il y tenait ! Même s’il avait pu observer de nettes améliorations et de réels efforts chez le Général aussi), la demande d’un certain vampire, des projets pour l’alliance à lui proposer, un point à faire sur le projet abolition, quelques cadeaux si elle les acceptait (oui, le sujet était listé, il avait peur d’oublier lui-même), et deux points personnels délicats à aborder.

Il la laissa compulser la liste, avant de reprendre, d’une voix posée, mais plus basse.

Par où désirez-vous commencer, Ma Reine ?


descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Elle manqua s'étrangler un bref instant et le foudroya du regard, campant de nouveau les épaules dans l'intention plus qu'évidente de le secouer de nouveau. L'indignation, cependant, l'empêcha de formuler quelque chose de cohérent. Elle avait beau savoir exactement, intérieurement, ce qu'elle voulait dire, les mots lui échappaient. Bon sang mais le problème n'était pas là ! Qu'elle fut mêlée à tout ça était une excellente chose ! Il ne manquait plus qu'elle ne soit pas au courant de ce genre de querelles ! C'était un monde tout de même ! Ses conseillers s'écharpaient comme des chiffonniers et elle aurait dû rester aveugle ? Alors ça, non et non ! Oh oui, elle pensait parfaitement la chose, mais celle-ci ne se transmettait pas à ses lèvres et elle se contenta de gronder en lui dédiant un regard à faire s'effondrer une pierre. De forte méchante humeur, elle croisa finalement les bras, clairement courroucée et se contenta de le laisser parler jusqu'à pouvoir retrouver sa capacité à s'exprimer convenablement, autrement qu'en feulant sauvagement et en proférant les pires insultes du monde qu'elle retenait à grand peine.

L'acceptation d'Avente quant au ridicule de son comportement fut saluée par un nouveau grognement d'ursidé mais ce fut tout. Le grognement suivant était mitigé, appréciant l'idée mais ne croyant pas sincèrement qu'elle fut nécessaire sur le moment. Que le grand Trésorier digère seul et qu'il revienne après et on en reparlerait ! Le terme de comptable valut à l'Althaïen un grondement d'avertissement. Oh que oui, il avait besoin d'un comptable ! Certes, il était intelligent, mais ce n'était pas pour cela qu'on lui demandait d'être parfait. Que quelqu'un gère ses finances à sa place n'était pas une honte et cela lui permettrait de ne plus s'inquiéter de cela et se concentrer sur le plus important pour lui tout en ne venant pas le mettre en danger. C'était un monde tout de même que ce soit à elle de le lui dire !

A elle bon sang de bonsoir ! Elle a qui son père et tous ses professeurs avaient toujours conseillés de faire attention. Elle qui était justement l'image même d'une personne qui poussait trop loin et ne faisait pas assez attention aux menus bien-êtres pour plus d'efficacité et qui peinait encore aujourd'hui à s'y plier. Elle, entre toute autre personne, devant lui faire la morale à ce sujet ! Le monde marchait sur la tête. Le corps frémissant de colère, elle déglutit, se campa davantage pour ne rien faire de répréhensible et attendit la suite. Si elle était satisfaisante, cela ne la dérida qu'à peine. Lèvres pressées désormais, pour éviter de l’interrompre grossièrement et elle essaya d'inspirer profondément par le nez pour espérer se calmer un peu.

Fort heureusement, Avente avait le chic pour la prendre au dépourvu. Incrédule, elle se calma d'un seul coup, douchée par la nouvelle. Un instant, dans les prunelles claires de la nordique, apparurent les ombres de l'inquiétude, du doute et de la culpabilité. Que voulait-il dire changer de méthode ? Ne pas avancer parfaitement ? Elle était si mauvaise élève que cela ? Pourtant elle faisait réellement des efforts pour le prendre au sérieux et appliquer ses conseils ! Même si c'était souvent très dur, elle avait vraiment l'impression d'avancer et de s'en sortir, pas parfaitement, loin de là, mais elle faisait des progrès ! Il suffisait de voir ce qui venait de se passer, non ? Elle n'avait rien cassé et n'avait pas hurlé. Elle faisait des progrès ! Alors pourquoi disait-il qu'il n'avançait pas ? Est-ce qu'il y avait autre chose ? Comme cette querelle avec le Grand Trésorier, quelque chose qu'elle ignorait car elle ne le voyait pas mais qui minait son diplomate ? Est-ce qu'elle pouvait être aussi mauvaise dans son rôle d'Intendante ? Coite pour ne pas s'excuser, cette fois, elle attendit la suite.

A mesure qu'il parlait, elle se fit de plus en plus incrédule et perdue, ne sachant absolument pas comment prendre tout cela. Son air désemparé devait être placardé sur son visage et dans toute sa posture, mais elle n'avait rien à dire. Savoir qu'il était satisfait de leur progression était rassurant, sans aucun doute mais elle ne voyait que difficilement le cœur du problème qu'on lui exposait.

« Euh… je ne pense pas en être capable, vraiment »

Se contenir en permanence. Elle était touchée de sa foi en elle, mais c'était une foi très subjective et aveugle s'il pensait réellement qu'elle ne craquerait pas. Simplement, elle apprenait à craquer avec Sigvald ou Nyko et ne pas balancer un souverain étranger du haut de ses murailles. Dans un cas, elle pouvait craquer en toute confiance, dans l'autre cela menait à une guerre.

Elle n'alla pas plus loin, attendant la suite, même pas certaine qu'il l'ait entendu tant elle marmonnait. Et la suite l'affola un peu. Non… il voulait vraiment qu'elle tape sur le mannequin en pensant à lui ? Son incrédulité glissa, devenant peine et gravité. Muette, séchée sur place par ce qu'on lui présentait, elle ne savait plus où se mettre et ses joues se mirent à chauffer de honte. En voyant le parchemin tendu, elle ne réagit qu'à retardement, et le prit comme s'il s'agissait d'un serpent venimeux prêt à la mordre. Son regard parcourut la liste puis se reposa sur son auteur, toujours mortifiée.

« Avente... »

Encore une fois, sous le coup de l'émotion, elle perdait complètement sa capacité à parler. Ouvrant et refermant plusieurs fois la bouche, comme un poisson hors de l'eau, elle le contemplait avec un fond d'horreur dans les yeux. Les mots se coinçaient dans sa gorge alors que l'angoisse montait en elle, vive et terrible. Elle avait l'impression d'avoir fait quelque chose d'horrible dont elle ne connaissait pas encore les conséquences. Elle avait l'impression d'être sale, vulgaire et surtout complètement impuissante. Elle avait l'impression d'être littéralement incapable de parvenir jusqu'à lui. Étouffant quelques instants, elle se détourna quelques instants, marcha un peu, bu à une gourde laissée là à l'intention de ceux qui s'entraînait.

Lorsque sa voix revint enfin, elle se tourna de nouveau vers lui, interdite.

« Je suis désolée, Avente. Je vous présente mes excuses »

Elle ne savait pas comment faire à part cela. Ce qu'elle venait de prendre en pleine figure était inattendu et définitif.

« Je… je suis… Je n'ai jamais voulu vous faire du mal. Jamais. Jamais je ne voudrais vous blesser ou... »

Désemparée, elle eut un geste impuissant vers le matériel de combat et le mannequin. L'idée même l'effrayait terriblement. C'était plus que ses valeurs, son instinct le plus primaire refusait d'aller dans le sens d'une telle idée, d'une telle pensée. Même si elle se mettait en colère, hurlait, brisait des objets, elle n'aurait jamais volontairement voulu lui faire le moindre mal. Même quand elle se battait avec Sigvald, c'était dans les règles du combat et pas autre chose. Pour rien au monde elle n'aurait eut l'idée de brutaliser gratuitement un membre de sa meute. Et elle angoissait par vagues de sueur froide à savoir quand et comment elle avait pu donner une telle image d'elle-même. C'était grave, c'était excessivement grave !

« Je suis le bouclier de Délimar… pas son tyran, jamais de la vie. Je préférerais me couper les muscles des poignets et ne jamais plus porter les armes plutôt que ça. Par les déesses quand ai-je fauté à ce point ? Vous… vous auriez dû me le dire ! »

Elle ne savait plus où se mettre. Ses joues chauffaient atrocement et son souffle était haché. C'était exactement ses plus profondes angoisses qui se réalisaient là.

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Qu’il n’aimait pas l’entendre gronder ainsi. Il avait envie de se terrer, de s’enfouir six pieds sous terre, de disparaître à tout jamais sous ce regard de braise qu’elle lui offrait. Il avait encore une once de dignité toutefois et parvint à faire front. Malgré le frisson qui courut le long de son échine, la sueur froide qui lui donnait la chair de poule.

Il parvint à rester lucide et à continuer son laïus, en donnant le change et sans laisser transparaitre son malaise. Sans trop le laisser transparaitre, pour être plus honnête. Chaque grondement faisait rater un battement à son coeur, mais il continua. Espérant que le reste parviendrait à dévier la conversation vers des eaux plus clémentes. Sur un terrain moins accidenté. Même si… en y regardant de plus près… Son ordre du jour était un terrain glissant en soi. Ce n’était pas pour rien qu’il avait prévu ce mannequin au cas où… D’ailleurs il était content, fier, de son idée. Il se disait avoir peut-être trouvé un côté délimarien à leurs échanges qui plairait un tant soit peu à leur Reine.

Qu’elle ne fut pas alors sa surprise et sa déception quand…

Quand il vit tout un panel de sombres émotions traverser les traits si durs, mais si plein de caractère, si charismatiques à défaut d’être l’incarnation de la beauté, de sa Reine. Et ce n’était plus là ni Colère, ni Rancoeur, mais… Inquiétude ? Peur ? Appréhension ? Tristesse ? Diantre, qu’avait-il dit, fait, pour provoquer soudain cette nouvelle avalanche de sentiments ? Sentiments si prenants, si lisibles sur elle, qu’il avait alors l’impression de les vivre lui-même. Sans savoir pourquoi ni comment. Sans comprendre comment, par toutes les neiges glacernoises, il en avait pu être l’auteur.

Il attendit, de longues secondes, l’observant lire sa liste. Devinant qu’elle ne lisait pas vraiment en fait. Son regard était bien trop vague et brumeux pour lire les mots.

« Avente... »

Il hocha la tête, muet lui-même d’appréhension et d’inquiétude pour elle. Contrit, peiné, de ce qui se jouait dans le coeur de Tryghild, sans qu’il n’en comprenne toutes les nuances. Et s’il y avait bien une chose qu’il détestait, c’était de ne pas comprendre !

Il garda silence toutefois, attendant, avec une patience infinie, que sa Reine retrouve ses esprits, un tant soit peu, et parvienne à s’exprimer. Elle devait être sacrément ébranlée pour manquer ainsi de mots. Pour ne pas éclater comme à son accoutumée. Ne serait-ce qu’un juron délimarien lui conviendrait ! Tout plutôt que ce mutisme choqué et ces mouvements bouleversés et bouleversants. Si les sauts de colère de sa Reine le perturbaient souvent, il était beaucoup plus angoissé, beaucoup plus tourmenté, par ce violent silence, ces troublantes hésitations. C’était si peu délimarien. Et c’était lui qui avait généré ça !

Quand elle se détourna de lui, il crut sentir son coeur se briser. Il l’observa sans un mot, un éclat de profonde tristesse brillant dans ses orbes sombres, et laissa son bras tenant le parchemin retomber. Puis laissa finalement le parchemin glisser à terre. L’impuissance se mêla à l’incompréhension en un âpre vertige. Il resta toutefois figé, incapable du moindre mouvement, statue de marbre au milieu du terrain de boue, attendant que la sentence tombe.

Mais elle ne tomba pas. Au lieu de cela...

« Je suis désolée, Avente. Je vous présente mes excuses »

Que… Quoi ?

Ilhan fronça les sourcils, la bouche entrouverte, prêt à lui demander de quoi elle parlait. Mais se ravisa. Sa Reine n’avait, visiblement, pas fini. Et il n’interrompait jamais sa Reine.

« Je… je suis… Je n'ai jamais voulu vous faire du mal. Jamais. Jamais je ne voudrais vous blesser ou... »

Mais de quoi parlait-elle ? De… Comme un coup de fouet, une idée fugace fusa. Il coula un regard dubitatif, circonspect, vers le mannequin, et soudain… Il comprit. Tout. Son désarroi, sa méprise. Et son coeur se serra en comprenant alors la terrible erreur qu’il venait de commettre sans le vouloir, la terrible peine dont il avait flagellé sa Reine par cette bourde monumentale. Lui, maître des mots, avait laissé s’installer pareil malentendu. Honte et culpabilité le frappèrent de plein fouet et manquèrent le mettre à bas. Il dut faire un effort surhumain pour ancrer de nouveau ses obsidiennes dans le regard franc, et si sincère, de sa Reine. De la voir se fustiger ainsi, de la voir si désemparée, il eut envie de pleurer lui-même. Il peina d’ailleurs à chasser les larmes traitresses et à refouler ses émotions.

« Je suis le bouclier de Délimar… pas son tyran, jamais de la vie. Je préférerais me couper les muscles des poignets et ne jamais plus porter les armes plutôt que ça. Par les déesses quand ai-je fauté à ce point ? Vous… vous auriez dû me le dire ! »

Oh ma Reine, fit-il aussitôt quand elle sembla en avoir fini.

Se disant, il s’avança d’un pas, la dardant d’un regard étonnamment franc, son visage abandonnant son masque habituel pour la laisser lire, une fois n’est pas coutume, au fond de lui. Il laissa sur ses traits s’exprimer toute son affliction.

Je n’ai jamais, ô par tous les dieux, pensé cela. Je… me suis mal exprimé. J’ai sans doute été maladroit. Ne vous coupez pas les poignets et n’abandonnez pas vos armes. Vous n’avez pas failli. Jamais. Ce n’est pas vous le problème… mais sans doute moi, avoua-t-il d’une voix plus basse en baissant la tête cette fois.

Il hésita, les mots se chahutant dans sa tête sans qu’il ne parvienne à les dompter, les clarifier, sans qu’il ne parvienne à choisir les meilleurs pour lui faire comprendre que…

Ce mannequin… n’était pas pour vous faire injure ni pour vous accuser de quelconque maltraitance. Je n’ai jamais pensé que vous pourriez me faire du mal.

Pas physiquement du moins. Elle lui avait parfois fait mal par des mots, par ses éclats contre lui, mais ce n’était jamais intentionnel, jamais malveillant non plus. Les mots avaient parfois bien plus de tranchants qu’une épée après tout.

Certes les premières fois que je vous ai vu casser une table devant moi, j’ai bien dû frôler la crise cardiaque, ajouta-t-il en relevant les yeux, en tentant de donner à cette petite boutade un ton un brin moqueur.

Mais le sourire qu’il lui offrit resta empreint de peine.

Et j’ai peut-être eu peur parfois en voyant quelques échardes siffler près de mon visage.

Son sourire se fana et son regard se fit plus sérieux et plus dense quand il reprit :

Mais je n’ai jamais craint pour ma vie ou mon intégrité physique auprès de vous ma Reine.

Il n’en dirait pas tant auprès de tous les délimariens, cela dit. Mais c’était là un autre problème.

Et si je veux être honnête, je ne me suis jamais senti aussi en sécurité, physiquement, qu’en Délimar. Autant que je puisse me sentir en sécurité où que ce soit.

Il préférait nuancer tout de même. Il avait après tout de nombreux ennemis. Il n’était pas bien sûr qu’il puisse être totalement en sécurité où que ce soit. Mais en Délimar… En Délimar il était couvé, choyé, un peu trop parfois même. Tout avait été mis en œuvre pour qu’il n’ait rien à craindre, ou le moins possible.

Je souhaitais juste… Quand vous avez un désaccord pénible avec un délimarien, membre du Conseil ou non, quand les tensions sont trop fortes, il est souvent d’usage de proposer un duel, pour régler un désaccord ou purger un conflit. Cela est ancré dans vos mœurs, jusque dans vos lois.

On ne pouvait le détromper à ce constat.

Il vous est possible de combattre, même si par combat amical, un de vos conseillers qui vous agacerait trop, irait trop loin ou… Tous, sans exception, sont capables de répondre à ce besoin que les délimariens ressentent souvent de prendre les armes. Tous… sauf moi.

Il inspira profondément, abordant un sujet litigieux pour lui. Le fait que jamais, ô grand jamais, il ne pourrait être un parfait délimarien.

Nommer un champion si jamais vous vouliez…

D'un geste de main, il chassa cette idée grotesque qui ne lui plaisait guère.

Avouez que ce n’est pas pareil que de croiser le fer avec celui qui porte litige. Je ne puis vous offrir cela, fit-il en un soupir. Je ne le pourrais sans doute jamais, ma Reine, et je le déplore. Ça aurait été un honneur

Et il pesait ce mot.

que de pouvoir jouter avec vous. Mais je ne le puis. Alors tout ce que j’ai trouvé…

Il désigna le mannequin et retint les larmes qui remontaient. Il déglutit, inspira profondément, et ancra de nouveau ses perles de jais, presque noyées de larmes non versées, sur Tryghild.

Je savais aborder aujourd’hui des sujets fâcheux, des sujets personnels, me concernant de près, qui ne vous plairaient guère, des sujets dont je vous croyais avoir connaissance, mais que vous semblez en fait ne pas savoir… Une fois ces sujets abordés, il n’est pas dit que vous ne voudriez pas un bon duel pour vous passer les nerfs. Et soit je vous affrontais avec mes maigres armes, qui ne sont pas dans vos usages d'ailleurs...

Magie n'était pas tolérée dans les duels d'ordinaire. Un autre trait bien peu délimarien...

Soit je vous offrais cet ersatz d’exutoire. Il sera en tout cas hors de question qu’un champion prenne ma place, pour ces sujets-là.

Le Tisseur assumait ses actes. Tous. Toujours. Même si certains lui coûtaient beaucoup.

Il souffla une fois encore, tentant de calmer les battements de son coeur. Peu confiant que tous ses mots soient parvenus à chasser le doute qui s’était insinué en elle. Alors… alors, il reprit, dans un nordique hésitant, lent, en tentant de ne pas écorcher un seul mot.

Ô ma Reine, jamais je n’ai été aussi fier de servir auprès de quelqu’un.

Ce qui était beaucoup pour lui.

Lorsque j’ai fouillé les archives, avec votre permission, je suis tombé sur un ancien serment. Un serment… j’espère ne pas le trahir… mais…

Il ferma les yeux et tenta de se le remémorer. Son nordique, surtout de ce nordique un peu ancien, se faisant plus lent encore.

La nuit se regroupe, et voici que débute ma garde.
Jusqu'à ma mort, je la monterai sans faillir.
Je vivrai et mourrai à mon poste sans faiblir.
Je ne gagnerai ni gloire ni profit, veilleur au rempart.

Je suis l'épée dans les ténèbres et l’effroi.
Je suis le feu qui réchauffe contre le froid,
la lumière qui rallume l'aube en nos coeurs,
le cor qui secoue les âmes des dormeurs.

Je suis le bouclier protecteur du royaume des humains.
Je voue mon existence et mon honneur à tous les miens.

Je les lui voue pour cette nuit-ci,
comme pour toutes les autres nuits.


Il rouvrit les yeux et son regard perçant foudroya Tryghild d’une conviction sans faille. Une conviction qu’il espérait lui transmettre alors.

Ce serment… C’est vous ma Reine. Vous en êtes la plus parfaite, la plus pure incarnation. Et savez-vous de quel serment il s’agit ? D’un ancien serment, apparemment oublié, de la famille… Svenn. Vous êtes, ô ma Reine, ce bouclier, magnifique, qui je sais, nous protégera à jamais. Je ne serai jamais votre épée, ni même votre étendard peut-être, mais j’aurais aimé être, à défaut, votre voix.

Et se disant, il mit genoux à terre. Attendant, pour la troisième fois en une journée, le verdict.

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Si elle l'observait, il n'y avait nulle certitude dans son regard assombris par la crainte d'une faute irrémédiable. Plantée sur place, Tryghild observait l'Althaïen sans trop savoir s'il tentait de minimiser et de dissiper la chose ou s'il était sincère. Cla aurait bien ressemblé à Ilhan que d'essayer d'arrondir les angles mais si elle était coupable elle ne désirait absolument pas qu'on l'épargne, bien au contraire. Désenchantée, elle resta coite tandis qu'il s'exprimait. Elle avait peur, non seulement d'avoir manqué à ses devoirs et à ses valeurs mais également d'avoir tant faillit envers quelqu'un envers qui elle avait une telle dette. Car elle avait parfaitement conscience d'avoir une dette envers le diplomate, pour avoir accepté de s'installer à Délimar, pour avoir accepté de la tutorer, et d'aider sa ville. Le surnom n l'aidait pas non plus, maintenant qu'elle doutait d'elle-même. Est-ce que cela pouvait être plus qu'un simple surnom affectueux ? Est-ce qu'elle lui avait fait croire à quoi que ce soit de malheureux ? Non non non, c'était forcément un malentendu. Pourtant il ne cessait de l'abreuver d'affirmations contradictoires, qui venaient réfuter ses peurs.

« Ilhan... »

Il ne s'était jamais sentit aussi en sécurité qu'à Délimar ? Mais pourquoi le mannequin alors ? Pourquoi tout ça ? Avait-elle mal comprit ? Réellement ? Jusqu'au bout, elle resta silencieuse, sans bouger, sans rien montrer de plus que son expression troublée et atterrée. Elle ne savait même pas quoi dire, tandis qu'il poursuivait encore et encore, inlassablement. La vue de ses yeux vitreux de larmes l'alarma davantage mais eut pour effet d'occulter un instant ses propres émois. Son esprit secoué cherchait frénétiquement un moyen d'aider cet homme qui était, comme tout Délimar, sous sa protection. Mais elle n'avait aucune idée, elle ne savait pas comment le réconforter, elle comprenait à peine pourquoi il pleurait en cet instant. Elle n'était pas habituée à une telle manifestation. Peu d'hommes du nord montraient leur peine aussi ouvertement qu'il le faisait en cet instant. La peine était de toute façon vécue autrement mais cela ne l'empêchait pas de vouloir l'aider. Et d'en être strictement incapable. Et c'était une gifle en pleine figure pour elle que de se sentir aussi impuissante.

Elle resta coite, encore, bien après qu'il eut achevé de réciter cet ancien serment ainsi exhumé. Des mots qui n'étaient pas familiers mais qu'il affirmait provenir de sa famille à elle. Et elle le croyait sur parole. Parce qu'elle n'était pas intime de la méfiance et parce qu'elle n'avait pas de raisons de se défier de lui en sus de cela. Elle inspira profondément, expira de même, et se passa une main gauche et tremblante sur le visage, comme pour chasser tout ce qui s'était accumulé en elle. Sa main se perdit, en remontant, dans sa chevelure, et elle batailla avec quelques nœuds accrochés sur ses doigts avant de laisser sa dextre retomber. Après un long moment, elle lui demanda de se relever d'une voix lasse où l'épuisement n'avait rien de feint. Elle se sentait bête d'avoir réagit aussi vivement, sans doute était-elle si tendue à cause des préparatifs innombrables, que ce soit pour Cordont ou pour tous les autres projets qu'elle se devait de suivre au sein d'une cité en pleine construction. Oui, elle se sentait très bête, même si une toute petite part d'elle n'arrivait toujours pas à se convaincre, se récrier vertement aurait été mal faire confiance à son conseiller.

« Je suis loin d'être magnifique et je ne serais pas éternelle, je ne suis qu'une humaine Avente, comme vous. Mais pour mon court séjour sur cette terre, je ferais mon devoir aussi bien que je le puis. C'est… c'est un très beau texte, serment… Je ne l'avais jamais entendu auparavant mais ce à quoi il fait référence semble être le cœur de la guerre contre les vampires. Cela ferait presque mille ans… »

Oui, ces mots lui parlait. Pas intellectuellement mais émotionnellement en tout cas. Même si elle était quelqu'un de pragmatique et de peu rêveur, elle pouvait s'imaginer ses ancêtres prêter un tel serment et le bénir de leurs lames glaciales. Mais elle n'était pas bien certaine de ce que cela devait générer en elle. Ce que cela générait, en tout état de cause, c'était une admiration renouvelée pour ses ancêtres. Leurs exploits étaient une grande source d'inspiration et de fierté pour elle, mais aussi… une source d'angoisse. Ceux qui avaient prononcé ce serment étaient des hommes et des femmes d'une trempe qu'elle n'atteindrait sans doute jamais. Un tel héritage culturel méritait sans aucun doute d'être conservé et restauré afin d'être porté à l'attention de ceux qui pourraient être intéressés. Au-delà de ceci néanmoins, il y avait bien des choses qu'elle se trouvait en peine d'adresser. Et encore davantage maintenant qu'elle retrouvait ses angoisses. Mais si il y avait une chose à laquelle elle tenait énormément, c'était aux valeurs de Délimar. Pour elles, la nordique avait accepté beaucoup, et accepterait encore bien plus.

« Cela mis à part, Avente, vous devez vous souvenir que tous les Délimariens ne portent pas d'armes. Nous avons parmi nous des artistes, des médecins, des architectes qui comme vous ne sont pas fait pour porter les armes. Ils ne sont pas moins nos confrères et concitoyens. Si je ne peux pas vous combattre je peux encore vous hurler dessus sans vous laisser en placer une, cela revient au même »

Elle ne savait pas quoi lui dire d'autre. Ni comment lui faire comprendre. S'il ne se donnait pas plus de valeur lui-même alors les autres auraient moins d'intentions de le faire également et pourtant il le méritait et n'était pas un cas isolé chez eux. Qu'il puisse le penser était dommage à de nombreux égards et pas seulement parce qu'elle aurait voulu qu'il se sente à son aise. La population Délimarienn n'était pas composée que de Glacernois et elle possédait une richesse et une diversité innée et qu'ils essayaient de fructifier afin de créer une culture unique issue de toutes celles qui la composait. Ce n'était pas parce que certains ne se battaient pas qu'ils n'étaient pas utiles. Certes elle avait eut du mal à l'admettre elle-même mais elle était honnête et elle l'avait vu de ses propres yeux. Que lui-même n'y prenne pas plus plaisir l'attristait. Soupirant, elle reprit en espérant parvenir à faire passer ce qu'elle avait en tête sans le blesser une nouvelle fois. Elle avait l'impression de marcher sur des œufs maintenant, ne voulant pas non plus violenter ses sentiments quand ce n'était pas absolument nécessaire.

« Il va falloir que vous finissiez par vous en convaincre si vous voulez être ma voix. Je sais que je suis difficile… mais je tiens à ce que chacun à Délimar trouve sa place avec ses compétences. Je sais que l'on nous reproche notre attitude face à la magie également, mais je ne changerais pas d'avis. Je ne déteste pas la magie, mais je ne pense pas qu'elle soit saine d'être utilisée sans limites. Et je n'ai pas peur de pointer du doigt les ravages qu'elle a causé. Mais cela ne veut pas dire que j'ai mis dehors les lyssiens et ls almaréens qui s'étaient découverts une capacité magique. Je ne m'attends pas à ce que vous portiez une arme, et si j'ai besoin de déverser ma frustration, j'ai de nombreuses façon de le faire... »

Plongeant de nouveau dans le silence, elle se massa l'arrête du nez en l'observant d'un regard ennuyé. Pas par lui, mais bien par une situation stupidement désastreuse. Et par sa faute à elle qui plus est.

« Je suis désolée, Avente, j'espère que vous pourrez me pardonner mon éclat. J'ai… je ne vous ai pas compris, j'en suis navrée »

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Le silence, long, pesant, qui suivit sa tirade, le mina plus sûrement encore que toutes les récriminations qu’elle aurait pu lui offrir. Son regard ne vacilla pas, aucun muscle ne cilla, quand bien même des crampes menaçaient de le foudroyer, mais il sentait son coeur battre de façon erratique. Quel cataclysme avait-il créé pour tétaniser ainsi sa Reine ? Elle d’ordinaire si spontanée, si directe, si tranchante même, soudain si hésitante…

Enfin, alors qu’il pensait s’enliser là, dans cette boue terreuse, elle lui permit de se relever. Il s’exécuta, les genoux légèrement vacillants, faisant fi des protestations qu’ils émirent en craquant. Il n’était pas bien sûr d’aimer le ton, las, épuisé, qu’elle lui offrit, toutefois. Et il l’écouta avec attention. Guettant chaque geste, chaque signe, pouvant lui indiquer qu’elle le croyait. Que le doute s’estompait. Qu’elle reprenait confiance en elle. Mais les signes ne furent guère probants. Il soupira intérieurement, se flagellant pour avoir instillé ces incertitudes pernicieuses quant à ses qualités de Reine. Ou d’Intendante plutôt. Déjà son esprit voguait sur les solutions pour redonner confiance à sa Reine, pour lui inspirer force et tranquillité, et chasser toutes ces craintes obscures.

Non effectivement, tous ne portaient pas d’armes. Mais tous n’étaient pas un condensé de tout ce que Délimar exécrait. Ou dont tout Délimar se méfiait du moins. Certes, on l’avait mandé, on l’avait fait venir ici et il avait été nommé à l’unanimité du Conseil. Il n’en restait pas moins qu’il représentait en une seule personne ce que nombre de délimariens réprouvaient.

« Je suis désolée, Avente, j'espère que vous pourrez me pardonner mon éclat. J'ai… je ne vous ai pas compris, j'en suis navrée. »

Il n’y a rien à pardonner ma Reine. Mon Intendante, répondit-il lui aussi en langue commune.

Il devait avouer que ce langage lui permettait de mieux s'exprimer. Même s'il maitrisait de mieux en mieux le nordique.

Et si incompréhension il y a, c’est que je me suis mal exprimé. C’est que, voyez-vous, j’apprends encore à parler le délimarien, ajouta-t-il en tentant un sourire taquin.

Mais le coeur n’y était pas. Et son sourire se fana bien vite pour redevenir son rictus mi-figue mi-raisin tandis que son regard se ternissait. Il se détourna, et chercha des yeux son ordre du jour. Tombé dans la boue. Il alla le ramasser et observa, dépité, qu’il était presque illisible par endroit.

Quant à trouver sa place… Il ne s’agit pas seulement d’une question de compétences, reprit-il d’une voix grave et basse. Si ce n’eut été que cela, ma place serait incontestable.

Oui, la modestie ne l’étouffait pas. Mais il ne l’avait jamais été. Il savait être humble quand il n’était pas dans son domaine de compétences, mais il connaissait sa valeur, son intelligence, et ses compétences justement. On l’avait fait mander parce qu’il était l’un des meilleurs diplomates et l’un des meilleurs politiciens de sa génération. Et peut-être l’un des meilleurs de l’archipel, tout peuple confondu. Il n’allait pas chercher à amoindrir cet état de fait.

Vous donnez des exemples de Délimariens ayant leur place en notre cité sans pour autant qu’ils ne soient des guerriers ou des combattants. Mais ce sont… des glacernois, des lysséens, ou des Almaréens de souche. Ce sont des gens ayant une culture commune, des valeurs communes, des mœurs communes, qui ont souvent été proches dans le passé et ont su trouver des points d’ancrage. Il ne s’agit pas… d’étrangers comme moi.

Il se tourna alors vers Tryghild et ancra de nouveau ses orbes sombres sur elle.

Je suis l’étranger en Délimar, Tryghild Svenn, et vous ne pouvez le nier. Je le suis à bien des égards et incarne, pour nombre de délimariens, ce que vous avez toujours combattu : la politique, les belles paroles au lieu d’actions honorables, l’incompétence martiale, un mage certes peu puissant, mais un mage quand même, un althaïen, issu d’un peuple proche des elfes, aimant confort et raffinement. Je suis l’exact opposé du délimarien de souche en somme.

Il offrit un pâle sourire à sa Reine.

Mais ce n’est pas vous le problème ma Reine. Je ne me suis jamais senti rejeté par vous. Toutefois, force est de constater que tous en Délimar ne pensent pas, pas tout à fait, comme vous. Et si je suis plutôt bien toléré, on ne peut dire que je suis vraiment accepté.

Il leva une main pour lui demander de le laisser finir.

J’ai longtemps pensé que je le serai. Qu’en montrant mes compétences, comme vous dites, qu’en oeuvrant pour la cité, je serais accepté. Pleinement, entièrement, pour ce que je suis. Malgré ce que je suis. Que le gouffre entre nos cultures se comblerait alors de lui-même. Mais ce que je n’avais pas compris, c’est que pour être accepté, il me fallait peut-être accepter avant toute chose ce qui, en Délimar, m’était contraire. Qu’il me fallait pleinement, entièrement, comprendre Délimar. Ce que je n’avais pas compris c’est que le gouffre serait toujours là, quelque part. Nous sommes nés trop différents. Mais que si nous voulions construire ensemble malgré nos différences…

Il soupira. Cherchant ses mots pour bien se faire comprendre sans créer de nouveau cataclysme. Se livrant alors comme jamais il ne l’avait fait. Il était dit que cette journée serait placée sous le sceau des révélations.

Il nous fallait d’abord construire un pont au-dessus du gouffre qui nous sépare. Nous ne pourrons sans doute jamais vraiment le combler, mais nous pouvons assurément le franchir. Ensemble. Si chacun fait un pas vers l’autre. Revoir ma vision sur la magie…

Parce qu’il l’avait revue. Les taxes l’y avaient aidé, mais, Tryghild pourrait sans doute lui reconnaître cela, il prônait maintenant à part entière cette vision des choses quant à l’usage de la magie.

a été le premier de mes pas. Un pas douloureux. Surtout pour ma bourse.

Son sourire taquin refit surface.

Mais je pense avoir pleinement, entièrement, accepté votre vision et votre attitude quant à la magie. Même si j’ai encore des efforts à faire…

Pour preuve son petit coup d’éclat à l’aide d’un parchemin cendré envers le Grand Trésorier…

Ma pratique de la magie devient plus raisonnée et raisonnable. Je prône vos préceptes dès que je le peux. J’use de remèdes non magiques dès que faire ce peut. Et me cantonne au maximum aux domaines pour lesquels Délimar n’a pas encore trouvé de palliatifs efficaces par rapport à la magie, à savoir les transports et la communication, la guérison quand vos remèdes ne suffisent pas, et la défense dans mon cas, la magie étant ma seule véritable arme en cas de danger. J’ai fait ce pas, tout comme vous avez fait un geste pour accepter les mages comme moi, en leur offrant une ouverture sous condition.

Il baissa les yeux, tout en baissant ses défenses mentales. S’il voulait lui faire comprendre, il ne pouvait rester ce mur lisse et ce marbre infranchissable. Avec elle, sans doute pouvait-il se permettre de se laisser un peu aller à la franchise.

Mais ce pas ne suffit pas pour construire un pont solide. J’ai longuement étudié votre culture tous ces mois durant. Par mes cours avec Sigvald, aussi. Grâce aux archives que j’ai pu consulter. Cordont a été un grand déclic également. Je ne suis pas fier de mon attitude des premiers jours lors du voyage menant à Cordont et Sigvald a su m’ouvrir les yeux. J’ai pu alors… nouer des liens, avec certains gardes. Nous avons su construire un morceau du pont ensemble.

Il observa alors le mannequin.

Et ce mannequin en était, je l’ai cru, un autre tronçon. Tout comme mes entrainements avec Sigvald. Même s’ils ne portent guère leur fruit, et qu’il y a peu de chance qu’ils en portent. J’ai toujours été une calamité en tant qu’épéiste. Mon paternel a vite abandonné l’idée de faire de moi un digne chevalier quand j’étais enfant.

Une douce nostalgie le happa à ses souvenirs. Loin de lui apporter tristesse, elle le réconforta quelque peu.

Même si j’ai peut-être trouvé une piste de développement en art martial me concernant, je ne serai jamais un guerrier ou un combattant…

Il se frotta la barbe, hésitant, puis se lança.

Un Graärh m’a montré une de leur technique de combat, à main nue… enfin pattes nues les concernant… qui, étonnamment… pourrait me correspondre. Un minima. En l’adaptant à ma morphologie. Il s’agit de techniques de défense et de contrôle, basées sur la précision et l’agilité plutôt que la force, très intéressantes. Je pourrais vous les montrer, un jour, quand je les maitriserai un peu mieux.

Une chose qu'il n'aurait jamais conçu avant Délimar : se former dans un art martial. Même un tant soit peu. Il avait abandonné l'idée il y a longtemps... Mais il considérait que tenter de développer, même si de façon dérisoire, une petite capacité, une petite compréhension, dans un art de la guerre, serait un pas de plus, un gage de bonne volonté, une main tendue.

Il soupira. Épuisé.

Tout cela pour dire ma Reine, que je me suis mal exprimé. J’ai voulu pour une fois parler en actes et non en mots. Mais si je suis un maître en rhétorique, je ne le suis guère en gestes.

Il laissa échapper un petit ricanement avant de reprendre, plus sérieusement :

Ce mannequin ne se voulait pas une critique, mais un pas vers vous. Vers vos aspirations. C’était maladroit toutefois et je m’en excuse.

Il alla défaire l’écriteau du mannequin, et aurait bien pulvérisé ce dernier d’un petit sort s’il l’avait pu… Mais au lieu de cela, il se contenta de se retourner vers Tryghild et de lui présenter de nouveau son parchemin, avec son ordre du jour entaché.

Mais nous avons du travail. À moins que vous ne vouliez reporter ? Ou que vous souhaitiez rentrer à la citadelle pour en parler sur une chaise… assise… à écouter sans bouger ?

Et le sourire taquin reprit pleinement ses droits alors que ses yeux pétillèrent de moquerie paternelle.

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Dans sa bouche, le mot étranger sonnait comme une blessure pour lui, et une gifle en pleine face pour elle. Certes, il avait le statut d'étranger, mais comme tous les individus qui s'enrôlaient dans l'armée pour avoir, à l'issu de leurs six ans de service, le statut de citoyen de Délimar. C'était ainsi, et cela ne retirait rien à l'appréciation de sa place ou de ses conséquences. Ce n'était pas non plus quelque chose qu'elle lui avait dissimulé lorsqu'elle lui avait demandé de prendre le poste de conseiller en Diplomatie. Elle ne savait pas dissimuler. C'était l'une des premières choses qu'elle avait porté à sa connaissance, pour ne pas avoir le sentiment de le piéger. Ne le faisait-elle pas déjà sortir de sa retraite après tout ? Il avait le droit de savoir pleinement dans quoi il mettait les pieds. Soupirant profondément, elle se fit la réflexion, au fond d'elle-même, qu'elle allait certainement encore subir une de ces fameuses migraines qui l'assaillait dès qu'elle ne parvenait pas à comprendre facilement quelque chose. Ce qui arrivait souvent lorsqu'elle interagissait avec un étranger, justement, mais par respect pour Avente et pour ses affects, elle avait des scrupules à le dire à voix haute. Souvent, ses mots trahissaient facilement sa pensée, mais là, elle voyait d'avance le mal que cela ferait. En cela, elle n'avait pas besoin qu'on lui explique.

« Vous n'êtes pas le seul étranger, Avente. Loin de là. Beaucoup de lyssiens vous ressemble par bien des aspects. Vous n'êtes pas auprès de nous depuis longtemps, c'est tout. Cela viendra, avec le temps. Tout le monde finira par vous associer davantage à nos frères qu'à nos adversaires. Mais ça aiderait que vous ne pointiez pas cela du doigt en permanence. On ne peut pas vraiment oublier quelque chose ou finir par le remettre en question quand on vous le rappel... »

Elle la première d'ailleurs. Mais elle avait été éduqué par une main intransigeante, dans un moule intransigeant, aussi lorsqu'elle donnait une parole ou se donnait un cap, elle s'y tenait. Et elle avait toujours fait son possible pour ne pas le voir par son origine mais bien pour ce qu'il apportait à une ville qui avait grand besoin de lui. Et elle avait été récompensée. Ne faisait-il pas un très bon travail ? Elle ne saurait se passer de lui et si une seule de ses décisions n'était pas sujette à des doutes de sa part c'était bien d'avoir débauché cet homme. Cela, elle ne le regretterait sans doute jamais, même si parfois elle avait envie de le secouer comme un prunier bien mûr. En vérité, sans doute devait-elle lui donner du temps également. Cela serait certainement plus juste. Plus équitable. Il avait besoin de temps, peut-être, pour comprendre justement qu'il fallait qu'il arrête de se voir ainsi et croit en ce qu'il voulait être. Ce serait plus simple de convaincre les autres ensuite. Ils étaient simples, comme elle. Mais ils savaient ce qu'ils étaient. Ils avaient foi en cela et cette croyance, cette assurance, leur permettait d'avancer. Si les Délimariens n'avaient pas été fiers de ce qu'ils étaient, le cultivant réellement, ils n'auraient pas pu se relever.

« Oui... »

Il n'avait pas tort, force était de le reconnaître. Oui, essayer de construire un pont aiderait à son intégration. C'était des choses en lesquelles elle avait foi. Même si en l'instant, son cœur se serrait de sa peine. Elle n'avait pas su que quoi que ce soit ait eut lieu entre Sigvald et lui. Tous deux… non elle ne saurait dire quelle relation ils avaient. Elle n'avait pas fait assez attention, il fallait l'avouer. Peut-être devrait-elle y prêter plus d'égards à l'avenir. Pourtant, elle ne désirait nullement se montrer trop invasive, trop intrusive avec sa vie. Il donnait déjà beaucoup, et son fiancé également alors… alors elle avait l'impression d'être aveugle. Et cela la gênait autant qu'elle se sentait ainsi très bête. Et elle détestait ça. Cela allait contre toute sa bonne volonté mais il n'y avait bien qu'avec les sudistes qu'elle se sentait aussi bête. Elle ne comprenait pas comment ces gens pouvaient se sentir bien ainsi. Mais ce n'était pour une fois pas vraiment de la faute de son conseiller qui mettait toute sa bonne volonté à essayer de la ménager. Un cuisant échec cette fois. Mais Tryghild préférait pleinement cela à l'alternative que ce qu'elle avait comprit fut la vérité. Expirant profondément, la nordique se passa une main sur le visage, pressant un instant sur l'arrête de son nez pour essayer de chasser l'immense poids qu'elle portait.

« J'ai vraiment envie de vous en coller une cette fois... »

Personne ne pourrait jamais l'accuser de ne pas dire ce qu'elle pensait. Et ce qu'elle pensait sur le moment, c'était qu'elle avait envie de lui en coller une, pour toutes les émotions qu'il lui infligeait et pour se moquer d'elle ainsi, même si c'était bon enfant. Après quelques secondes à réfléchir, elle l'attrapa par un bras, en faisant attention de ne pas le lui démettre en y allant trop fort, et le traîna plus ou moins loin des terrains d'entraînement. Elle le traîna au travers des docks, puis dans le quartier des artisans jusqu'à une petite boutique de bottes dans l'une des allées. La nordique relâcha le pauvre diplomate et le fit asseoir sur un tabouret sous l’œil surpris et amusé du Lyssien qui travaillait là, et qui les salua sans obséquiosité aucune. L'Intendante, semblant parfaitement à son aise en ce lieu, prit elle-même un tabouret taille glacernoise, une pair de botte encore partiellement en morceaux, du fil, des aiguilles et tout un nécessaire de traitement. S'asseyant face à son diplomate, elle noua ses cheveux puis se mit au travail sur le plan d'ouvrage entre eux. S'occuper les mains et focaliser son énergie lui ferait du bien. Et puis… cela jetait un pont entre eux non ?

« Vous pouvez y aller. Quel sujet voulez-vous aborder en premier ? »

Lui décochant un coup d’œil au-dessous de son point de couture, elle consentit à lui fournir une explication, pour éviter qu'il ne se perde en conjectures.

« Tout Glacernois apprend les armes bien sûr, mais pas seulement. Nous apprenons également un métier civil afin de pouvoir être utiles à notre communauté en temps de paix… ou si nos blessures ne nous permettent plus de combattre. Une armée n'a pas besoin que de bras forts pour gagner mais aussi d'une logistique et de matériel, d'outils, d'hygiène. Il n'y a pas de sous métier. Moi, je fais des bottes. Et en général, cela me permet de me vider la tête et de me calmer. Parfois, je vais aussi simplement marcher sur les falaises ou galoper en réfléchissant à un problème. C'est ma façon de conjuguer mon éducation, mes mœurs et mon devoir à l'Intendance. Kaleo, ici présent, a la bonté et la patience d'accepter de perfectionner mon apprentissage dans l'art de tanner le cuir et de le transformer. Plutôt que de rester assise à ne rien faire à mon bureau, autant que j'avance mon ouvrage pendant que nous discutons. Et avec un peu de chance, votre ordre du jour sera assez long pour me permettre de finir et de vous faire essayer ces bottes pour vérifier que j'ai bien retenu votre taille... »

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Non, il n’était pas le seul étranger, en effet. Mais les exemples qu’elle lui donnait ne faisaient que renforcer son sentiment. Elle parlait de Lyssiens… Elle aurait pu citer aussi certains Almaréens, ou certains Immaculés anciens Nordiens. Mais c’était là des étrangers qui avaient tout de même un ciment commun avec les Glacernois et avec Delimar. Les Lyssiens avaient eu des racines communes, des mœurs communes, avec le peuple du Nord. Les Almaréens avaient des croyances communes, des liens forts qui les unissaient vers une même voie. Alors que lui… eux, les Althaïens… étaient bien plus différents. Diamétralement différents. Leur sentiment d’étrangers était alors d’autant plus fort. Ils ne nourrissaient pas la même méfiance envers la magie que les Glacernois ou les Almaréens, au contraire. Ils n’avaient jamais été proches des Nordiens comme les Lyssiens, ils n’étaient en rien portés sur les arts martiaux et guerriers et avaient préféré la culture, l’art et le raffinement. Et la magie. Ils avaient été bien plus proches des elfes d’ailleurs, que des humains, quels qu’ils soient, par certains aspects. Ils en avaient nourri d’ailleurs un certain sentiment de supériorité, pour certains d’entre eux.

Et avaient été décimés. De sa belle Althaïa, il ne restait rien, et la poignée de survivants était bien trop peu nombreuse pour pouvoir espérer réellement la reconstruire. Si tous étaient des déracinés, les Glacernois, les Lyssiens et les Almaréens avaient su survivre par centaines, par milliers même, et avaient au moins l’espoir de reconstruire leur cité et leur patrie. Quand bien même ce ne serait pas celle qu’appelait leur nostalgie de tous ses vœux, ils étaient ensemble, nombreux, et pouvaient voir leur culture ressusciter de ses cendres. Est-ce que le temps effacerait ce sentiment de nostalgie, de perte et d’impuissance qui le rongeait depuis la disparition de sa Romantique ? Il n’en savait rien.

Sans doute pouvait-il essayer toutefois. Il ne dit mot alors, préféra ne pas affliger davantage sa Reine, qui par ailleurs tentait réellement de l’écouter, le comprendre. Même s’il sentait qu’elle en avait bien du mal. Était-ce lui qui pointait sans cesse sa différence du doigt ? Peut-être, par certains aspects, ou comportements. Pour autant, renier ces aspects, ne serait-ce pas renier sa personnalité ? Alors qu’on lui demandait d’être plus vrai, plus lui-même, pour mieux s’intégrer ? Parce qu’être plus lui-même signifiait au final être plus différent encore… Rha, il avait l’impression que le serpent se mordait la queue.

« J'ai vraiment envie de vous en coller une cette fois... »

Oups… oui, mieux valait se taire. Ilhan se contenta de détourner le regard et de fixer un point au sol, avant de se sentir soudain happer par le bras et entrainer, heureusement à vitesse décente pour qu’il parvienne à suivre le rythme, jusqu’au quartier marchand. Il agrippa sa lourde besace d’un bras, son rouleau dans l’autre main, et se laissa installer sans cérémonie, sans réelle brusquerie non plus. S’il ne dit mot, ravalant les mille questions qui le taraudaient, il ne se priva pas de laisser son regard sombre courir partout dans la boutique. Un autre artisan travaillait dans le fond, visiblement sur une semelle ou ce qui y ressemblait. Ilhan nota rapidement la possible issue dans le fond, les murs tapissés d’outils et de matériaux divers, de cuir en tout genre, les établis dont celui sur lequel ils étaient installés… Il ne voyait là aucun danger, aucun endroit où se cacherait une oreille indiscrète. Mais il n’en resta pas moins très mal à l’aise, par la présence des deux autres. Certains sujets étaient très… délicats… et personnels… et il n’aimait pas trop l’idée de les aborder dans un tel endroit, auprès d’autres gens, et surtout dans un lieu qu’il ne maitrisait pas un tant soit peu.

Toutefois, il songea qu’émettre ses doutes en cet instant serait outrageant. Et pour sa Reine, et pour ce Kaleo, qu’il salua d’un signe de tête respectueux quand Tryghild le présenta.

Heureusement, sa reine le connaissait assez bien et avait dû lire les mille questions dans son regard, car déjà elle répondait à certaines d’entre elles. À son récit, il arqua un léger sourcil et son sourire amusé, un brin taquin, refit surface, même si plus timidement.

À nous deux, nous pourrions presque faire notre garde-robe, répondit-il enfin.

Un léger soupir lui échappa, alors qu’il reprit, d’une voix calme, mais lasse.

Enfin, pas totalement. Disons que si votre pantalon a un accroc, je pourrais sans doute le réparer. Ou lui ajouter un joli petit dessin.

Puis songeant qu’il devait paraître assez sibyllin soudain, il accepta de révéler un petit pan de sa vie d’avant. Après tout, il avait déjà décidé de lui révéler bien des choses sur lui, bien plus compromettantes encore. Il pouvait bien ajouter ce petit chapitre.

Quand je suis parti étudier au Domaine de la Rhapsodie, il y a longtemps, j’étais dans une sombre période. Amer, cynique. Colère et rancoeur, nourrissaient mon coeur. Le maître qui me prit sous son aile alors m’enseigna la patience... à sa manière. Il me fit faire des travaux de broderie notamment. Ce que je réalisais le jour, il le défaisait la nuit. Et ce, jusqu’à ce que j’apprenne l’art de la patience et d’un minimum d’obéissance. L’obéissance n’a jamais été mon fort, avoua-t-il dans un léger reniflement. Toujours est-il qu’au moins j’ai appris à broder sans me piquer le doigt à chaque coup d’aiguille. Si je perdais ma langue… peut-être ne serais-je pas tout à fait inutile non plus, ajouta-t-il dans un sourire moqueur. Ou sinon je pourrais tenter de me remettre à l'orgue d'eau.

Puis, se raclant la gorge, il posa sa besace sur la table et l’ouvrit.

Je vous serai infiniment reconnaissant d'accepter de garder cette petite révélation pour vous, Ma Reine. Ma réputation pâtit déjà bien assez de certains aspects…

Il fit un vague signe de mains, pour finir sa phrase par un silence plus éloquent que les mots. Il sentait toutefois le terrain glissant. Pour un Nordien, savoir broder n'avait sans doute aucune mauvaise connotation. Mais chez les sudistes, c'était un art plutôt réservé aux femmes. Entre ca, et sa propension à n'entretenir aucune relation, à rester veuf et célibataire, sans compter son incapacité notoire à tout art du combat... Mais il préférait ne pas s'étendre et lancer un nouveau débat. Et ne souhaitait pas non plus que cette petite information court les rues.

Mais vous avez raison. Notre ordre du jour.

Il déplia de nouveau son parchemin, tâché en bien des endroits de boue et de terre, et le cala avec quelques instruments en le tournant vers Tryghild.

Si je continue à palabrer, vous aurez le temps de me faire deux paires.

Un petit clin d’oeil accompagna ses mots avant que son visage ne reprenne tout son sérieux. Son regard parcourut rapidement la liste. S’arrêta un court instant sur les dernières lignes, sur la partie personnelle qu’il voulait aborder avec elle. Et qu’il préféra garder pour la fin. D’une part parce qu’ils n’étaient pas seuls, et d’autre part… parce qu’au moins elle écouterait les comptes-rendus qu’il avait à lui faire sur les affaires en cours.

Commençons par Cordont. Vous en avez déjà eu un long compte-rendu, tout ce temps durant. En voici les derniers avancements.

Et il commença alors, de façon méthodique comme toujours, point par point, tel un plan détaillé et savamment préparé. Le Conseil, mis en place et enfin totalement effectif, les travaux de déblaiement et reconstruction, la sécurisation du gouffre, les Ekinoppyres plaies vivantes qu’il peinait à contrôler, les évocations de solution avec Sigvald à ce sujet… Tout y passa, dans un résumé ciblé. Quand ils en eurent fait le tour, il aborda le sujet de la demande d’Achroma, qu’il avait rencontré à Cordont. Ses recherches le concernant, ce qu’il avait pu trouver, après avoir reçu l’accord de Tryghild pour fouiller les archives.

J’ai trouvé une branche d'ancienne famille glacernoise, apparentée de très loin aux Elusis, et portant un autre nom.

Il sortit alors un parchemin qui retraçait l’histoire de cette lignée.

Une très ancienne famille totalement disparue. Décimée par les vampires. Je pense que nous tenons là une réelle alternative à lui proposer, qui pourrait honorer sa demande, sans offenser la lignée des Elusis encore en vie. Et j’ai trouvé leur symbole particulièrement… adapté.

Se disant, il désigna le blason de la famille, un arbre aux branches expansives et aux racines bien ancrées. Il aimait particulièrement ce symbole, pour sa part, et trouvait qu’il allait comme un gant au millénaire.

Mais la décision finale, quant à accepter de lui proposer cela, vous revient, bien entendu, ma Reine.

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Elle grimaça, guère convaincue de pouvoir réellement porter quoi que ce soit qu’il eût fait de ses mains, simplement parce qu’il voudrait à tout coups lui faire des robes et qu’elle ne savait pas porter ces choses, en plus d’avoir l’air ridicule dedans. Par Loup qu’elle n’aimait pas ces infernals oripeaux qui se prenaient partout et empêchaient de courir ou de monter convenablement. Vraiment, comment une seule femme du sud avait pu survivre à toutes ces guerres en portant de telles horreures ? Elle en concevait une angoisse latente rien que d’imaginer devoir enfiler ces volants et ces bijoux. Ce n’était vraiment pas fait pour elle. Elle l’écouta néanmoins lui narrer comment il avait acquis de telles compétences, plus amusée par cela que par la perspective d’être attifée comme une cariatide. Sa dépréciation personnelle était parfois d’une exceptionnelle ampleur, qu’elle en devenait comique. Mais elle ne chercha pas à le faire changer d’avis, puisqu’il semblait être dans une période sombre.

“ Ah bon ? Et sous quels aspects, Avente ? Si vous voulez m’apprendre à broder, je serais intéressée. Comme ça je le rajouterais sur vos bottes

Mais ils verraient cela sans doute plus tard. Pour l’heure, l’ordre du jour. Celui qui traînait depuis déjà un moment. Elle ne le délayait même pas par oisiveté, c’était un comble ! Mais dans cette ambiance, peut-être allaient-ils enfin réussir à travailler correctement. En fin de compte, elle se demandait même pourquoi elle n’y avait pas pensé plus tôt. C’était un compromis acceptable, non ? Ainsi, elle n’avait pas l’impression de périr à ne rien faire de son temps, condamnée à rester à écouter placidement en se consument de l’intérieur. Et lui pouvait lui parler sans craindre de la voir craquer à un moment importun de ses explications. Fondamentalement, elle n’en avait rien à faire, qu’il connaisse le lieu où elle se rendait en dehors de ses présences au sein de la Citadelle. Elle ne se cachait pas. Il suffirait au pire de se mettre dans le jardin à l’arrière pour éviter de déranger les autres travailleur. Il fallait juste pouvoir respecter leur ouvrage, comme eux ne seraient pas dérangés. c’était peu conventionnel, sans doute, mais tant pis. Si c’était efficace ? ça suffisait. Et elle ne se rappelait déjà plus de l’ordre du jour.

“ Deux paires ne vous ferez pas de mal cela dit

Cordont donc. Elle inspira profondément, fit un point avec son aiguille et hocha la tête, prête à plonger là-dedans. Ce n’était, finalement, pas pire que ce qu’elle aurait pensé mais la situation restait compliquée. Sigvald avait les choses bien en main et elle avait confiance en lui, comme le reste de l’Alliance. Ilhan avait apporté sa contribution personnelle également. Elle commençait à soupeser l’idée d’envoyer davantage de moyens sur place pour soutenir l’effort contre les Ekinoppyres. Cependant, tandis qu’elle commençait à faire le décompte de nouvelles sorties potentielles, la suite la fit manquer un de ses points et elle se piqua le doigt. Relevant vivement le regard, elle harponna celui de son conseiller, les prunelles exigeant un rapport séance tenante. La première fois qu’il en avait parlé, elle avait accordé la demande d’un très mauvais grès en espérant qu’elle ne soit pas fructueuse. Mais Avente avait la mauvaise manie d’être efficace.Donc forcément, il avait trouvé. Voilà qui ne lui plaisait pas forcément. Pinçant les lèvres, méfiante, elle vint observer le blason dont il était question?

“ Vous me glissez le miel pour mieux me faire avaler la bile?

C’était rosse mais elle n’aimait pas ça. Enfin, c’était elle qui avait accepté en premier lieu. Pendant un long moment, elle resta silencieuse à réfléchir. Connaissant l’héraldique glacernois, elle connaissait cette famille comme toutes les autres, passées ou présentes. Pouvait-elle se permettre d’accepter, ou serait-ce une offense aux siens ? Ils étaient certes disparus mais avec les liens étroits des familles entre elles. Et qu’est-ce qu’elle y gagnait hein ? Même en raisonnant comme l’Althaïen elle n’était pas certaine d’y trouver son compte. Lui jetant un regard maussade, cette fois, elle reprit son ouvrage. Non vraiment, elle avait pensé qu’il ne trouverait rien. Fichu vampire. Mais au fond, si ce qui était exhumé ne manquait vraiment à personne… Si elle se montrait le plus pragmatique du monde… Et au fond, s’il immaculait alors ça ne serait plus un soucis non plus… c’était s’avancer sur beaucoup et elle n’aimait pas la sérénade que Sigvald allait lui faire si elle acceptait.

“ Oh bon, d’accord très bien… ne serait-ce que pour claquer leur bec à ceux qui disent que je ne suis pas ouverte d’esprit

Elle expira par le nez et fit la grimace.

“ Continuez, avant que je ne change d’avis…

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Quand elle lui demanda sous quels aspects sa réputation pouvait être ternie, il préféra s’abstenir de répondre. Il n’était pas bien sûr qu’elle puisse percevoir la gêne que de potentielles rumeurs le concernant insufflaient en lui. Pour les Nordiens, de ce qu’il en avait compris, ces rumeurs n’auraient rien d’outrageant. De même que certaines compétences qui, en son ancienne patrie, étaient plus dévolues à la gent féminine, ne l’étaient pas forcément ici en Delimar, où les Glacernois avaient su faire prédominer leur vision de la femme comme un véritable égal de l’homme, en tout point, toute chose et tout métier. Mais une part de lui ne pouvait se départir de ses anciens carcans. Sans compter que de telles rumeurs ravivaient les cendres de vieux souvenirs qui le hantaient déjà bien trop en cauchemar pour qu’il craigne les revivre ici aussi.

Pour autant, il garda silence et se contenta d’un hochement de tête quand elle lui demandé de lui apprendre la broderie. Il était assez curieux de la voir à l’ouvrage, pour tout avouer. Mais plus tard. Ils avaient du travail qu’ils avaient assez retardé ainsi. Même s’il trouvait ces conversations avec sa Reine plutôt agréables et intéressantes. Ces échanges, un peu trop rares à son goût, par manque de temps mutuel, leur permettaient de mieux apprendre à se connaître et un jour mieux se comprendre.

Bon, pour tout avouer, il commençait à bien la connaître. Il ne sursauta pas même quand elle se piqua le doigt, après ses révélations quant à ses trouvailles pour Achroma Seithvelj. Il s’était attendu à ce qu’elle soit surprise. Il avait bien senti, quand elle lui avait accordé, du bout des lèvres, cette autorisation de consulter les archives nordiennes, qu’elle ne croyait pas qu’il puisse trouver quoi que ce soit. Mais qu’on lui donne un challenge, et il se faisait un plaisir de le relever et de l’honorer autant que faire se pouvait. Foi d’Avente, il ne serait pas dit qu’il ne saurait pas fouiner aux confins de leurs arbres généalogiques et de leurs précieuses archives ! Il retint toutefois le petit sourire victorieux qui lui démangeait les lèvres. Si la réaction de sa Reine n’avait rien d’étonnant, et s’il s’était même attendu à une impulsion plus virulente, sa décision quant à elle était bien moins prévisible. Ou plutôt ses prévisions penchaient vers le négatif, même s’il ne pouvait le parier. Il attendit donc, attendit, dans un calme apparent qu’il était loin de totalement ressentir. Selon lui, Delimar se devait d’accepter. C’était primordial. Diplomatiquement, pour l’avenir de Calastin et pour les liens qui pourraient les unir au millénaire s’il venait à immaculer.

“ Vous me glissez le miel pour mieux me faire avaler la bile?”

Ilhan se contenta de sourire légèrement. D’un sourire étonnamment franc. Et retint tout argument supplémentaire qui pourrait lui démanger la langue. Il les lui avait déjà tous servis quand il lui avait présenté la demande du vampire. Les répéter serait faire injure à la mémoire de sa Reine et à son intelligence. D’ailleurs… Il la voyait réfléchir. Le regard azur de Tryghild se fit plus vague, comme perdu au loin, sur des rives lointaines. Elle semblait réellement peser le pour et le contre. Au moins, se dit Ilhan en son for intérieur, si elle refusait la demande, elle l’aurait fait en y réfléchissant sous tous les angles. Ce qui, quelle que soit sa décision finale, serait déjà un grand pas en avant.

Quelle ne fut pas sa surprise alors quand elle accepta soudain. Le spirite du dauphin se retint de s’exclamer sous la victoire. Cela n’aurait pas sied à son rang, et surtout cela aurait pu faire revenir l’Intendante sur sa décision. Il ne retint pas son sourire de s’élargir, à la fois de contentement et de fierté, et acquiesça simplement en un lent hochement de tête, grave et solennel. Que sa Reine avait grandi ! Il n’y avait pas quelques mois, elle aurait refusé catégoriquement. Oui, elle avait grandi, mûri. Tout en parvenant à garder sa propre personnalité et à protéger Delimar d'une possible corruption. Ilhan pria alors les Sept pour que cela dure ainsi. Tant que Tryghild garderait ce cap, il n'avait finalement pas à craindre de corrompre la cité. Elle saurait veiller. Le veilleur sur les remparts....

“ Continuez, avant que je ne change d’avis…”

Il retint un léger ricanement amusé, et se contenta de baisser les yeux sur son parchemin d’ordre du jour.

Le projet abolition, lut-il.

La première chose qui lui était tombée sous les yeux. Bien. Un autre point fastidieux et long, voilà qui allait lui changer les idées. D’autant plus que les nouvelles étaient plutôt positives jusqu’à maintenant. Certes, rien n’était gagné et leur restait encore un lourd travail, mais… ils avançaient.

Il sortit alors un autre parchemin de son brassard sous sa manche, et le déplia devant Tryghild, en le tournant vers elle. Il attrapa divers outils pour caler les coins. Mais il lui manqua quelque chose pour le quatrième. Il avisa sa besace et en sortit une petite bourse de friandises qu'il déposa sur le dernier coin récalcitrant. Puis l’ouvrit, révélant les gourmandises enveloppées dans quelques feuilles pour les préserver, qu’il ouvrit également. Il en attrapa une, l’avala, tout en invitant d'un geste sa Reine à se servir, puis lui montra le plan qu'il avait élaboré avec Sighild quelques jours plus tôt, en laissant son doigt glisser sur les trois phases prévues.

Sa friandise avalée, il reprit enfin la parole.

Je vous prie de m’excuser, je me suis laissé emporter par ma gourmandise. Mais je voue en prie, faites-vous plaisir, elles sont délicieuses. Et Dihya sera heureuse d’avoir votre avis sur son talent. Oui, donc le projet abolition de l’esclavage. Nous nous sommes rencontrés avec Sighild il y a quelques jours pour faire un point sur nos avancées. Elle a acquis un Graärh comme convenu, un certain Quet'xo. Après avoir tenté de faire connaissance avec lui, avec grandes difficultés, elle l’a libéré et lui a confié la mission d’apporter notre message à sa tribu.

Il soupira légèrement. Il devait avouer avoir peu de foi en ce plan-là. Mais soit. Ils se devaient après tout de tout essayer.

J’ai également rencontré un Graärh à Cordont, qui m’a beaucoup appris sur son peuple, comme je vous en avais déjà fait part. Nous en sommes donc là, à la phase une du plan d’attaque que nous vous proposons. Un plan qui n’attend plus que votre approbation pour continuer. En première phase, il s’agit de s’instruire et construire une propagande pro-Graärh. Pour cela il faut se renseigner sur ce peuple, ce que nous avons tenté de faire avec Sighild. Puis regrouper et organiser, les informations recueillies pour pouvoir ensuite les présenter à toute la communauté. Ce que j’ai déjà commencé.

Il sortit un autre parchemin et le lui présenta rapidement.

Une fois cette propagande validée, il faudra la lancer et commencer à la diffuser. Instruire tout Delimar au sujet de cet autre peuple. Appuyer sur nos similitudes.

Il ne releva même pas avoir parler en "nous" et non en "vous", comme s'il s'incluait naturellement dans le peuple de Delimar.

Ensuite nous pourrons passer en phase deux.

Ce disant, il montra sur le premier parchemin le point concerné.

À savoir préparer la venue de la loi et compenser les mécontents. Cela signifie voir la situation de l’autre côté, du côté des esclavagistes eux-mêmes, et voir la vision des choses des possesseurs d’esclaves.

Il présenta alors pourquoi selon lui tout cela se révélait nécessaire et les différentes mesures qu’ils avaient pensées, telles que recenser les types de commerce le plus sujet à cette pratique, et voir ceux que Délimar souhaitait aussi encourager, prévoir de proposer une baisse de taxe favorisant ces types de commerce, convaincre les possesseurs d'esclaves du bien-fondé de la loi à venir ou leur offrir une compensation pour l’esclave qu’ils leur ôteront, et prévoir une mesure de contrôle des salaires pour éviter que dans certaines professions à la qualification recherchée, les salaires deviennent plus élevés que l'ordinaire.

Cette deuxième phase comporte aussi un pan pour préparer le devenir des affranchis libérés.

Il lui présenta alors toutes les tâches à prévoir : recenser les Graärh esclaves, pour en avoir une liste précise, recenser notamment les femelles présentes et de se renseigner à leur sujet, si l’une d’elles présentait le potentiel d’Aaleeshaan si besoin, au cas où que l’une d’elles veuille provoquer Tryghild.

Je sais que vous ne les craignez nullement, mais autant savoir à qui nous avons affaire si besoin, ajouta-t-il rapidement.

Quoi qu'elle en pensait, le recensement des femelles lui semblait important. Il enchaina aussitôt sur le reste de sa liste : préparer des logements, de la nourriture, des subventions peut-être pour couvrir leurs besoins élémentaires dans les premiers temps immédiats, préparer de quoi voyager et organiser le voyage sur le lieu qu’ils voudront, ou leur permettre de rester, pour ceux le souhaitant, avec métier à l’appui, et aide à l’insertion.

Même s’il doutait que beaucoup choisissent cette dernière option.

Pour ceux voulant fonder une tribu sur Calastin, nous devons aussi réfléchir à cette éventualité. Enfin il nous faut songer à la loi en elle-même et ses pendants, tels une loi interdisant et réprimant toutes représailles. D’un côté comme de l’autre.

Il attrapa une autre friandise et la laissa fondre quelques instants, son regard sombre planant sur ce dernier point. Puis il releva les yeux sur Tryghild et lui offrit un autre sourire avant de reprendre.

Enfin, le plan passera en une troisième phase. Voter, instituer la loi et surveiller sa bonne mise en œuvre. Ce serait presque la partie la plus facile si tout le reste a bien été mené avant. Vous avez tout le détail sur ces parchemins, que je vous laisse, si vous voulez les lire à tête reposée pour y réfléchir. Bien entendu tout cela devra être fait conjointement avec votre projet de rapprochement avec la légion de Néthéril et votre…

Son regard sombre parcourut les alentours, un brin suspicieux, avant qu’il ne finisse sa phrase, de façon plus nébuleuse. Mais suffisamment éloquente pour que Tryghild comprenne.

Épreuve.

D’avoir tant parlé, il avait soudain la gorge sèche. Et le petit courant d’air froid dans son dos le titillait depuis quelques minutes maintenant, lui qui n’avait pas pris le temps de revêtir sa cape, si pressé à fuir le trésorier. Même si dans la boutique il ne faisait pas froid à proprement parler.

Voilà le projet en son entier, dans ses moindres détails. Je pense que nous avons couvert tous les aspects et j’espère que nous n’avons rien oublié.

Il avala sa salive et attrapa une autre friandise, attendant le verdict de sa Reine. Après ce sujet, ne lui restaient plus, en sujet important à aborder, que ses idées sur l’Alliance et sur la formation d’une institution de politique extérieure commune. Le reste… Le reste serait plus litigieux ensuite. Et lui donnait des frissons. Révéler certains secrets ou lever certains voiles sur lui, pour que sa Reine ait toutes les cartes en main et sache qui elle avait en face d’elle vraiment… Oui, cela lui donnait des frissons rien que d’y penser. Pour un peu, il en tremblerait presque d’appréhension. Et à la place, il avala une quatrième sucrerie.

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Ah, le projet d’abolition, voilà qui lui donnerait moins la migraine. Parfait. Elle se détendit légèrement et hocha la tête, mais ne fit aucun commentaire, préférant le laisser lui exposer ce qu’il désirait. Et en le voyant déployer un énième parchemin, elle roula des yeux ouvertement. Il ne faisait jamais travailler sa mémoire ? Néanmoins, l’apparition des friandises la fit renacler d’un léger rire. Ilhan Avente et son goût pour le sucre… elle ne savait absolument pas comment il faisait pour se confire à longueur de journée. Elle déclina l’invitation, n’ayant pas envie de se rendre malade. elle se concentra à la place sur le plan qu’il présentait, très intéressée par les avancées qu’ils avaient pu faire. La dernière fois qu’elle en avait discutée avec sa soeur d’arme, celle-ci commençait tout juste ses recherches. Il fallait dire que les derniers mois avaient été remplis et ce pour tout le monde. Sighild avait donc libéré un Graarh ? Elle n’était pas bien certaine de l’objectif que cela devait permettre. Coite néanmoins, elle attendit qu’il aille plus loin avant de dire quoi que ce soit. Elle ne voulait pas lui griller son discour après tout. Cependant, en le voyant sortir un second parchemin, elle décida de placer tout de même ses doutes afin qu’il puisse y répondre.

Pourquoi l’avoir envoyé porter un message si tôt ? Il aura pu en dire nombre de choses, y compris des choses que nous ne voulons pas mais qui lui auront parues véridiques. Elle a apprit à le connaître avant ça ? Ils ont réussi à s’entendre ? Vous êtes sûr qu’il était sensible de le faire maintenant ?

Elle-même n’était pas certaine de ce qu’elle aurait fait à la place de l’ancien esclave. Sa liberté était une chose sacrée et honnêtement ? Elle n’avait aucun mot pour exprimer combien elle avait honte de ce que le vide juridique de leur ville avait causé en termes de souffrances et de déshonneur. Cela ne ressemblait pas du tout à son peuple qui vivait selon des codes moraux strictes et pétris de justice et d’équité. Il n’existait pas d’esclavage à Glacern et elle ne s’imaginait même pas capable de faire cela. Prendre sa liberté à quelqu’un était un acte retentissant qui devait être réservé à ceux qui enfreignaient la loi. C’était un jugement sacré, pas seulement une sentence humaine et terrestre car le geste avait une immense importance. Un Glacernois n’enfermait jamais qui que ce soit, bipède comme animal, sans une très bonne raison et sans être certain de ce qu’il faisait. Ils avaient été négligents, pour de bonnes raisons, certes, ils se redécouvraient, ils s’unissaient lentement, tous, en une seule et même peuplade, c’était compréhensible mais ce n’était pas pour autant acceptable. C’était une faute, tout simplement et une faute qu’elle avait du mal à supporter. Ne pouvant cependant revenir en arrière, elle ne pouvait que rectifier le tir pour l’avenir.

Davantage qu’une mesure de contrôle des salaires, je pense qu’offrir une formation à ceux qui souhaiteraient intégrer cette profession ou se reconvertir serait une bonne démarche. Nous avons certains contingents d’emplois avec des listes d’attente pour l’heure, mais une jeune personne ne sachant pas toutes les possibilités d’une ville…

Et surtout, elle préférait être proactive en présentant l’opportunité d’un emploi immédiat et intéressant plutôt que d’attendre que les autres s’y intéresse hypothétiquement. Cela étant dit, si un graarh voulait rester et être employé de façon conventionnelle c’était aussi possible même si elle doutait que cela arrive, à moins d’être employé par un autre que son ancien ‘maître’. La suite lui arracha un léger sourire alors qu’elle observait son conseiller avec circonspection. Son inquiétude était touchante même si non nécessaire.

Il ne s’agit pas de craindre ou non. Je sais que les natifs sont plus forts, physiquement, que nous humains. C’est plus que, s’ils veulent me défier, ils en ont le droit. Cela ne mettra pas en danger l’intendance en soi, quelqu’un d’autre sera élu à ma place si je venais à être tuée ou à être inapte. En soit, je pense que ce sont même potentiellement des éléments pour se rapprocher. Maintenant je suis d’accord avec vous, aussi, je pense que savoir quels sont ces personnes est une bonne chose

La suite lui allait, ils étaient arrivés aux mêmes conclusions qu’elle et avaient développé techniquement la chose pour avoir des bases solides de procédés. Il faudrait à présent intégrer d’autres individus dans le travail de réflexion. Des hommes de lois, des gardes, des marchands, de préférence choisis parmis les citoyens les plus impliqués. Ces individus allaient nourrir leur projet avec leurs connaissances techniques, leur expérience et leurs points de vue sur la question. Tendre une main vers les graarh n’étaient pas suffisant car si rien n’était concrètement fait derrière, cela n’aboutirait pas non plus. Il y avait le voyage jusqu’à Néthéril, il y avait le rapprochement, mais il fallait plus solide que ça.

Je vais étudier vos parchemins et je vous donnerais mon accord dans la semaine, avec des idées si j’en ai

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Ah délicate question que celle-là. Pourquoi avoir libéré le Graärh si rapidement, et pire, l’avoir renvoyé dans sa tribu si tôt ? Ilhan serait bien en peine de lui répondre de façon claire, se posant lui-même la question. Il l’avait vaguement soulevée à Sighild, ainsi que les risques qu’il entrevoyait dans une telle démarche, bien trop précipitée selon lui, mais la nordique avait déjà agi, sans consulter son avis, et il ne pouvait plus rien y faire. Il hésita un instant à répondre à sa Reine en toute honnêteté, ne souhaitant pas avoir l’air de casser du sucre sur le dos de la sœur d’arme de Tryghild, et se donna un petit temps de réponse en mangeant une sucrerie, tout en observant sa Reine du coin de l’oeil. Puis, après un lourd soupire, il se décida à lui répondre franchement. Tryghild n’aimait pas qu’on lui mente ou qu’on enrobe ses paroles, encore moins quand on cherchait à la ménager. Il prit donc son courage à deux mains et répondit d’une voix composée.

Je me suis posé la même question et ai émis les mêmes doutes à ce sujet auprès de Sighild, ma Reine. Selon moi, c’était une décision trop précoce et possiblement dangereuse. Elle a effectivement tenté d’apprendre à le connaître avant, toutefois le Graärh ne lui faisait pas encore vraiment confiance et s’ouvrait difficilement à elle. Elle a alors tenté de lui apprendre notre culture, la culture nordique surtout, si proche de celle des Graärh. Dire qu’ils ont réussi à s’entendre serait mentir, la méfiance n’a jamais semblé quitter le Graärh. Sighid a pensé alors qu’elle n’arriverait pas à mieux ainsi et a sans doute cru qu’en le libérant elle lui montrerait sa bonne foi et acquerrerait, sinon sa confiance, du moins le bénéfice du doute. Je subodore qu’il s’agit de cela, du moins.

Il avala une autre confiserie, puis reprit, à voix basse, scrutant alentour pour vérifier qu’on ne les écoutait pas.

Dès que j’ai eu connaissance de cette décision, j’ai pris soin d’envoyer quelques agents sur les traces du Graärh. Même s’ils ne pourront pas… s’infiltrer… dans sa tribu même. Du moins essaieront-ils de surveiller les agissements de la tribu. Sans prendre le moindre risque bien entendu.

Mais ses agents étaient suffisamment rôdés à ce genre d’exercice pour savoir devenir ombre parmi les ombres. Même en pleine nature. Puis il haussa légèrement les épaules, ne se sentant pas à l’aise d’évoquer plus en ce lieu, où des yeux et des oreilles indiscrètes pouvaient les espionner. Il laissa son regard sombre dériver tout autour, avant de revenir sur sa Reine.

Quand elle évoqua son idée de formation, il farfouilla dans sa sacoche et sortit en hâte plume et encrier, pour la rajouter sur le parchemin. A défaut d’avoir du sable pour sécher l’encre, il souffla légèrement dessus et attendit sagement, avant d’enfin rouler le parchemin et le tendre à Tryghild.

Je saurai attendre le temps qu'il vous conviendra, ma Reine. Je pense pouvoir déjà continuer sur la voie engagée et je veillerai à entretenir la connaissance Graärh que j’ai rencontrée à Cordont.

Il hésitait à acheter lui-même un esclave, qu’il libérerait mais engagerait chez lui… mais il n’aimait guère l’idée, sans compter que ses finances n’étaient guère au beau fixe. Il préférait tenter, il ne savait encore comment, de contracter une amitié Graärh de pleine volonté. Douce utopie sans doute cependant…

Il préféra donc taire cette idée et passer à la suite de son programme chargé. Même s’ils en avaient épuré le plus lourd.

J’aurais aimé vous faire part ensuite de potentielles idées d’évolution pour l’Alliance.

Il s’humecta les lèvres et sortit, encore, un autre parchemin, guettant les réactions de sa Reine. Allait-elle de nouveau lever les yeux au ciel face à sa manie de tout noter ? Fabius, déjà, de son temps, avait eu tendance à se moquer de cette habitude. Mais le comte était ensuite bien heureux de pouvoir relire à tête reposée les parchemins ainsi rédigés pour prendre ses décisions. Il ne se permettrait pas de comparer sa Reine à Fabius, elle n’en avait ni les vices, ni la fourberie, encore moins sa propension à se moquer, mais il aurait détesté l’agacer pour une si petite chose.

J’ai, encore une fois, tout noté sur parchemin, murmura-t-il tout en dépliant ses propositions à ce sujet. Toutefois, si jamais cette façon de procéder en consignant sur parchemin ne vous convient pas, j’espère que vous n’hésiterez pas à me le signaler, je trouverai bien un autre moyen de vous faire parvenir un résumé de nos échanges pour que vous puissiez les consulter plus tard, au calme, afin d’y réfléchir ensuite posément.

Il se racla la gorge, soulagé d’être parvenu, cette fois, à un semblant de franchise, en lui soulignant un sujet anodin de prime abord, mais qui pourrait être important sur le long terme pour éviter tout impair.

Toutefois il se dépêcha de continuer sur ses idées de projet à échelle sudiste.

L’affaire de Cordont a, selon moi, souligné un grand manquement dans la gestion de l’Alliance. Je ne reviendrai pas sur les faits et les circonstances ayant amené chacun à ses décisions. Mais le Bourgemestre de Caladon s’est retrouvé dans une situation compliquée et litigieuse et a dû prendre une décision rapidement, en son nom d’abord, mais également, indirectement, au nom de l’Alliance. Du moins, même si ce n’était pas aussi formel bien entendu, l’Alliance n’avait d’autre choix que de suivre, si nous voulions faire front commun et pouvoir montrer notre union indéfectible face au Royaume sélénien.

Il marqua un petit temps d’arrêt pour mettre de l’ordre dans ses idées et pouvoir les formuler au mieux.

Cela aurait pu être évité si l’Alliance avait une gestion commune définie, bien plus formelle, si elle avait une politique extérieure commune clairement érigée. Autre que le simple fait de s'allier contre Sélénia, j'entends. Cela éviterait toute prise en faute par Sélénia, de quelque manière que ce soit, quand bien même dans le cas de Cordont nous nous en sommes bien sortis. Nous aurions pu frôlé la catastrophe, dans les liens et les fondements mêmes de l’Alliance. Nous avons su faire fi de nos possibles différends ou récriminations internes, pour montrer un front uni et soudé. Mais… nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve.

Ils avaient la chance que les dirigeants principaux de l’Alliance soient assez ouverts et unis pour discuter posément et trouver un terrain d’entente malgré leurs différences. Mais ce pourrait ne pas toujours être le cas. Il leur fallait alors songer à consolider l’Alliance.

L’Alliance s’est formée pour faire front contre Sélénia. Mais nous devons nous consolider sur des bases plus solides, et non plus seulement sur les bases d’une querelle commune, qui pourrait devenir du passé pour certains ou être remise en cause. L’Alliance doit trouver des fondements stables et durables, inébranlables, un socle de valeurs commun en fer forgé aussi solide que celui qui détient l’épée de l’Alliance.

Si un jour l’une des cités, à tout hasard Caladon, trouvait plus d’intérêt à s’allier à Sélénia, l’Alliance serait-elle pulvérisée sous l’autel des intérêts personnels d’une cité ? Ilhan n’avait aucune envie de parier sur les bonnes volontés de chacun. Il leur fallait, selon lui, quelque chose de plus solide encore.

J’avais ainsi dans l’idée d'ériger un Conseil Allié, pas seulement pour les tribunaux, et pas seulement constitué des dirigeants comme c’est le cas, informellement, à l’heure actuelle. Mais un réel Conseil Allié, qui serait désigné pour définir ce socle commun, sur la politique extérieure du moins, et qui serait désigné ensuite pour décider et trancher sur toute question qui concernerait l’ensemble des territoires alliés, tels que les sujets d’annexion, d’extension de territoire, par exemple, un conseil qui définirait une même ligne politique. Il serait constitué d’une part des dirigeants de chaque cité, mais également de membres qui s’y dévoueraient entièrement. Des membres désignés par les dirigeants de chaque cité, selon les modalités choisies par le dirigeant de chaque cité. Chaque cité aurait à ce conseil un pourcentage de "sièges", de membres, proportionnel à l’importance et à l’investissement de la cité dans l’Alliance. Caladon et Delimar auraient par exemple un nombre de sièges plus important que les autres cités, et à part égale entre elles.

Il désigna ensuite le parchemin, où il avait même élaboré quelques chiffres, ainsi qu’une liste de rôles définis de ce Conseil.

Je vous ai noté ici des idées plus détaillées, si jamais vous vouliez étudier cela de plus près.

Bien entendu son projet allait ensuite bien au-delà d’un Conseil allié commun. Il avait dans l’idée d’étendre ce système commun, pas seulement pour la politique, mais aussi pour l’économie ensuite. Un système de libre échange entre les cités alliées, avec la mise en place de routes commerciales alliées fiables et sécurisées. Il doutait toutefois que ce dernier point soit bien accueilli, à l’heure actuelle, par Delimar. Il l’avait noté dans son parchemin, mais n’osa l’évoquer oralement. Il ne voulait pas braquer sa Reine. D’autant plus que ce projet serait un projet de longue haleine, qui demanderait sans doute des années pour voir totalement le jour et être totalement effectif…

Mais nul besoin de répondre de suite à un tel projet, ma Reine. Ce ne sont là que des ersatz d’idées.

Même si déjà assez élaborées, comme en attestait le parchemin noirci devant elle.

Je vous confie ce parchemin qui consigne toutes les suggestions à ce sujet, que vous puissiez y réfléchir posément. En toute sérénité.

Doucement, il ré-enroula son parchemin qu’il déposa ensuite devant sa Reine. Ses orbes de jais refirent un rapide tour d’horizon, et aperçurent l’ouvrier toujours dans le fond de la salle. Non, vraiment, il ne se sentait pas d’évoquer ici, dans ces conditions, les sujets suivants, bien personnels, qui allaient délivrer un de ses plus lourds secrets.

J’aurais aimé évoquer ensuite des sujets… plus personnels… si cela ne vous semble pas outrageux. Je pensais, à tord apparemment, que vous en aviez connaissance, mais il semblerait que ce ne soit pas le cas. Il m’est difficile de vous révéler ces choses-là ici, des choses que je n’ai jamais révélées à aucun des dirigeants auprès desquels je servais, pour une partie d’entre elles du moins. Mais… vous êtes différente. Et... je pense que cela est nécessaire. Il vous faut les connaître.

Il fallait en tout cas que ce soit lui qui lui apprenne. Si elle l’apprenait d’un autre, elle se sentirait, peut-être à raison, trahie. Et il détesterait cette idée-là, entre toutes, pour cette Reine-là, entre toutes.

J’aurais aimé pouvoir vous les révéler… sans crainte d’être entendu par quiconque autre que vous. Sans vouloir offenser notre hôte actuel.

Il baissa les yeux et se concentra sur un des noeuds de bois de la table, peu sûr de comment sa demande serait reçue, et attendit, une étrange anxiété au creux de l’estomac, quand bien même son visage était redevenu un masque lisse totalement inexpressif.

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Elle se souvenait de leur première année sur Calastin, lorsque Thelem était encore de ce monde, et qu'ils travaillaient à établir leur citadelle, leur ville, leur peuple tout entier en un lieu sûr et sécurisé, digne d'eux, capable de pourvoir à leurs besoins. Elle se souvenait l'enthousiasme et la détermination des leurs à construire, comme une armée d'abeilles au printemps, récoltant le miel des bourgeons tout juste éclos, butinant pour bâtir leur ruche. Ils avaient investis cette côte avec efficacité et sans jamais se plaindre. Même les Glacernois qui, à son image, avaient soufferts aux beaux jours n'avaient pas émit de protestations. Et pourtant, que Loup lui en soit témoin, elle aurait comprit. Et pas que de leur part d'ailleurs, de tous. Ils avaient tous eut des problèmes, les premiers mois, la première année. Il y en avait encore d'ailleurs hélas. Il y en aurait toujours. Mais les premiers temps avaient vraiment été les plus éprouvants. Pour eux, fils et filles du nord, le climat de Calastin était difficile. La chaleur érodait leur endurance, car ils n'avaient jamais connu pareille aridité à part dans le désert d'Esfelia. La canicule de l'été avait manqué avoir raison de leur capacité à résister car ils ne possédaient pas de moyens pour lutter contre. Fort heureusement, c'était leurs frères et sœurs, almaréens et lyssiens, qui étaient venus à leurs secours en un exemple parfait de ce que Délimar souhaitait être. Leurs cousins estivaux avaient été de bons professeurs, pour leur apprendre à user des berges océaniques pour pouvoir accéder à une eau plus fraîche que celle des lacs, brassées et blanche d'écume, à se dissimuler sous des manteaux d'algues qui absorbaient une partie de la chaleur. Elle-même se souvenait d'une mémorable occasion au cours de laquelle Alek Syrène, Thelem, Elle et quelque autres étaient partis en bateau[/i] au large pour un [b]bain de minuit vivifiant. Elle qui n'avait jamais été une grande baigneuse à Glacern, pour des raisons évidente, elle s'était prise d'affection pour ce milieu aquatique si riche et avait même demandé à Alek de lui apprendre à nager.

Elle se souvenait avec une certaine nostalgie de ces premiers mois. Ils avaient été si occupés… terriblement occupés même. Mais ils avaient également pu savourer ce nouveau territoire et elle en avait eut besoin. Elle avait eut besoin de ne pas le voir comme une nouvelle trahison, d'apprendre à aimer ce lieu, à lui trouver du charme. Elle y avait mit tout son cœur, non pour oublier d'où elle venait, mais pour relativiser. L'autel du renouveau avait été la consécration de cet effort en plus d'être un lieu sacré aux yeux des Délimariens. Il ne s'agissait que d'une élévation de roches, près de la plage sur laquelle ils avaient débarqués. Une construction simple, sur laquelle étaient déposées des offrandes diverses. Des coquillages, des galets blancs et des écailles de poisson mais également des offrandes périssables, surtout après les moissons. Il ne s'agissait pas même de gaspillage. Ces offrandes n'étaient pas faites aux Dieux, ou aux Esprits-liés, mais aux camarades et compatriotes. A tous ceux qui étaient citoyens de la ville. Ils échangeaient et donnaient librement parce qu'ils n'étaient jamais matérialistes. Le rituel s'était instauré de lui-même, sans même qu'ils le forcent ou le surjoue, simplement comme un moyen de rapprochement et ils n'étaient pas rares, en dehors des heures de labeur, que des familles ou des voisins viennent aux abords de l'autel, en particulier après les semailles et lors de la saison chaude, telles des couleuvres lézardant au soleil. Là, ils dégustaient les grappes raisin importé depuis Caladon et Roseä, un des rares fruits non local que le peuple de l'Océanique appréciait. Sa récolte coïncidait avec ces mois les plus ensoleillés qui voyait le lieu du débarquement aussi populeux. Non que ce fut un mal ! C'était une saine façon de commémorer. Profiter des bienfaits de la nature, lorsqu'on savait les apprécier, était une forme de respect. Elle-même appréciait de s'y promener ou de s'isoler seule sur la plage, mais elle le faisait davantage lorsque l'autel était délaissé. Beaucoup appréciaient ces retrouvailles rituelles en ces lieux, elle en était heureuse, mais elle était d'une minorité plus compliquée.

La mer avait été une découverte récente, qui resterait gravée dans sa mémoire. Les rivages du vieux continent s'étaient alors présentés à ses yeux grands ouverts, tandis qu'elle chevauchait vers les ruines de Lyssa la Vagabonde pour contempler la ruine causée par la perle de Néant. Les rivages de Tiamaranta étaient différents, sans qu'elle l'explique tout à fait. Peut-être était-ce simplement qu'ils ne portaient pas la même morosité endeuillée. Ils le portaient moins. Ici, le zephyr ne semblait pas porter l'écho du désespoir de milliers d'individus. Au bord de l'eau il n'y avait que le bruit apaisant, berçant des vagues, le sifflement lorsque la brise marine se levait, chargée d'iode. C'était une bonne chose. En particulier pour les almaréens. Un lieu neuf, qui ne rappelait pas les horreurs commises au nom de la folie. Un lieu où elle avait l'espoir de les voir enfin regarder vers l'avenir pleinement et sans crainte. Ils commençaient, lentement, et c'était une excellente chose. Tiamaranta était une promesse, tel un phare dans la nuit. Il y avait tout à construire ici, tout du moins c'était ce que Délimar avait promis à ses enfants. Tout le monde repartait sur des bases saines. Les flots avaient emportés bien plus que des exilés. Ils avaient emportés une promesse qu'il suffisait d'accepter en son cœur pour aller de l'avant. La promesse qu'à présent, tout était possible. Ils avaient eut peur, ils avaient souffert au cours de leur voyage elle n'allait pas le nier. Quand chaque orage était monstrueux, en haute mer, que la sécheressede l'iode dans le vent accentuait la soif jusqu'à vous cuire le palais, que la chaleur se faisait étouffante jusqu'à la suffocation, le doute et la peur avaient été présents. Elle s'en souvenait également très bien. Elle se souvenait avoir rêvé, alors, du moindre ombrage vivifiant pour se dissimuler, elle se souvenait avoir fêté chaque averse, chaque pluie et chaque précipitation pour le rafraîchissement qu'elles apportaient à leurs réserves à sec, elle se souvenait avoir été sur le qui-vive à chaque brume océanique après qu'ils aient apprit à leurs dépends combien elles étaient dangereuses, parfois davantage que les tempêtes

Lorsqu'elle repensait à l'Alliance, elle repensait également à tout cela, et à bien davantage. Elle pensait au bien de son peuple, et aux souffrances qu'il avait enduré. L'Alliance était une protection, pour eux, mais aussi pour d'autres peuples dans des situations similaires. L'herbe n'était pas plus verte dans le jardin d'à-côté. Ils avaient tous les mêmes considérations et objectifs. Et ensemble, ils avançaient. Délimar était une version miniature de l'Alliance, à l'heure présente. Ses souvenirs étaient son moteur, un carburant à sa détermination et sa droiture. Elle les chérissait, bon comme mauvais et un souvenir s'entremêlait à un autre et ainsi desuite, inextricablement. Et ses souvenirs de cette première année étaient plus vivaces encore que tous autres. Leur première récolte de blés quand Thelem avait manqué se couper un doigt avec sa faucille en allant aider aux champs. Leur première excursion en forêt avec Sigvald pour cueillir des fraises ou leur première ouverture de mine dans la montagne. Elle se souvenait aussi de son premier été, quand elle avait passé une semaine sans dormir, n'étant pas habituée aux multiples grillons, cigales et criquets qui ne cessaient de chanter, puis à l’automne quand elle avait été contrainte de faire face à ses premiers moustiques et mouches et avait failli confondre son époux avec l'un d'eux parce qu'il ronflait. Mais il n'y avait pas, en Calastin, que de l'inconnu. Elle qui avait toujours parcourut les pâturages[b] de haute montagne à Glacern afin de monter la garde sur les champs et les [b]troupeaux qui paissaient contre les prédateurs, elle s'était prise de plaisir à parcourir sur son destrier la campagne de Délimar, à se dissimuler, parfois, de l'éclat brûlant du soleil sous les verdoyants feuillages de leurs forêts. Même si ce n'était pas Glacern, c'était un beau lieu, un lieu où un leur peuple pouvait fleurir, uni, soudé.

Un peuple, et non plus des ethnies réunies. Déjà, parfois, cela se sentait, comme au port lorsque l'activité battait son plein et que les pêcheries ouvraient pour proposer leurs produits, l'air parfumé par l'iode, les oiseaux de mer venant tournoyer dans le ciel et se poser près des bacs pleins et riches, attirés par les senteurs. Cela se sentait aussi dans le travail commun de la terre, et les efforts également répartis, portés à fructification par la volonté commune de voir leur ville grandir. Au ramasse des foins et tournesols, on voyait alors tout un chacun se prêter main forte, grimaçant sous la chaleur torride mais pas moins présents. Les bateliers chargeaient leurs embarcations qui descendaient le fleuve avant que les charretiers prennent le relais jusqu'en ville, les roues parvenant à peine à aplatir la florissante végétation qui déployait son éblouissante verdure, quand elle n'était pas brûlée par la chaleur. En été, les labeurs de plein air réunissaient souvent, donnant une autre dynamique que la vie industrieuse du coeur de la ville où s'étendaient les industries et les commerces. Bien sûr, le labeur était omniprésent à Délimar qui avait un code moral stricte à ce sujet-là, mais cela ne signifiait pas qu'ils ne savaient pas se détendre non plus. L'art était tout aussi présent que la peine en leur ville. Au solstice comme à l’équinoxe, de grandes fêtes étaient organisées, pour changer du quotidien, durant bien après que le clair de lune ait pâlit à l'horizon et que l'aube ait débuté son efflorescence. Ils savaient s'amuser, mais toujours dans le respect. Elle-même appréciait de partager un hydromel mûr avec ses compagnons d'armes et ses frères et sœurs de patrie pendant que les enfants couraient nu-piedssur le sable en faisant voler des cerfs-volants, pendant que les femmes lyssiennes tressaient des lanières végétales nouées de graines dont elles tiraient des mélodies sur la voix de rossignol d'une almaréenne…

Elle se souvenait. Et ce fut pour cela plus que pour sa logique qu'elle avait accepté l'Alliance. Pour que tout cela perdure, que d'autres souvenirs s'y ajoutent… Et chaque fois que quelque chose lui déplaisait dans l'Alliance, elle y repensait. Ainsi, elle n'oubliait jamais, ni ce qu'elle avait vécu, ni pourquoi elle agissait. Et si l'homme face à elle n'avait pas la même exacte source de motivation, elle le savait tout aussi bienveillant. Quoi qu'il veuille lui dire, cela ne changerait jamais.

«  Ce n'est pas tant que cela. J'ai simplement l'impression qu'ainsi, on entretient moins la mémoire. Je ne vous en empêcherais pas cependant »

Et il semblait qu'elle avait eut raison de se replonger dans ses souvenirs. Son conseiller était excessivement actif, mais dès qu'il s'agissait de l'Alliance, il avait à peu près autant d'idées qu'ils y avaient de Contes dans l'histoire du Renne et des cents et une lune. Elle inspira profondément, se focalisa de nouveau et hocha la tête pour lui dire de continuer, indiquant ainsi qu'elle s'accrochait et était bien avec lui, autant que possible.

«  Si la diplomate Sélénienne avait été moins sotte, ça aurait été plus simple pour Aldaron, surtout »

C'était sortit tout seul mais elle n'avait pas réussi à s'en empêcher. Oui, l'elfe avait mit l'alliance dans une situation complexe mais enfin tout de même, il n'aurait jamais eut à faire ça si les Séléniens avaient agit correctement. Qu'Ilhan veuille y revenir ou non, elle n'admettait pas qu'on pu mettre en doute le bourgmestre. Ronchonne un fois de plus, ell retourna à sa couture en lui jetant de petits coups d’œil. Dire que Cordont était une affaire sensible et délicate était un euphémisme. C'était une plaie à vif qui guérissait lentement.

«  Avente... »

Ouille ouille et ouille… comment lui expliquer ? Il avait une très bonne idée, mais cela oubliait, à raison puisqu'il ne savait pas, les mesures prises par Aldaron et par elle d'un commun accord, sur les fondements de l'Alliance. Elle allait devoir lui en parler. C'était une bourde de sa part, elle aurait déjà dû le faire mais avait complètement oublié ce… détail ? Pas vraiment un détail. Bien plus qu'un détail. Bon d'accord, elle n'aurait pas du oublier, mais elle l'avait fait. A sa décharge, il s'était passé beaucoup de choses ces derniers temps ! Soupirant, elle se concentra d'abord sur son propos présent.

«  Je suis… Je comprend votre point de vue. Je ne doute pas de son bien fondé. Mais… il y a nombre de questions en suspend dans cette construction que vous imaginez. Nous sommes sensés être égaux, tous, même si Caladon et Délimar protègent l'Alliance. Un nombre de sièges différent serait une entorse à cette volonté. Ensuite, si ce sont les dirigeants qui se mettent d'accord, c'est pour une bonne raison. Je ne crois sincèrement pas qu'il soit bon de les muselés en mettant d'autres personnes avec les mêmes droits décisionnels qu'eux. Nous avons tous des conseillers que nous entendons et respectons, mais si la décision finale revient à une tribune et plus un seule personne, alors il y a un risque que la décision manque d'unicité, de force… je n sais pas si je m'exprime bien mais… un dirigeant doit rassembler, après discussion avec ses conseillers, un seul avis. Avec un tel conseil, cela est dilué et qui nous dit que quoi que ce soit sera fait ? C'est la même chose quand nous devons nous mettre d'accord pour une action extérieure, non ?»

Pour le coup, elle voulait bien en entendre davantage immédiatement. Et puis, ne lui avait-il pas dit une fois que discuter des idées était la meilleure façon de les rendre plus solides ? Elle voulait qu'il lui explique davantage ce qu'il avait en tête, ses idées et qu'il réponde à ces potentiels problèmes. Elle même de son côté savait qu'il fallait avoir une base d'idée pour réagir, même séparément vis à vis de l'étranger, mais de là à ce qu'un conseil décide de tout ? Là il y avait un monde.

«  J'étudierais vos parchemins bien sûr mais… je voudrais en discuter un peu plus, avant que nous n'allions plus loin, si cela ne vous gêne pas. J'entends votre demande, si ce que vous voulez aborder ensuite est personnel, nous pourrons aller dans la cour intérieure, par exemple. Pour avoir plus de tranquillité, si cela vous convient ? »

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Ilhan ne put que sourire quand Tryghild lâcha une petite pique envers le comportement de Sélénia, notamment de leur diplomate. Il ne pouvait nier que ses agissements, aussi louables soient-ils, avaient bien failli tous les conduire au désastre. La guerre est pavée de bonnes intentions, disait-on. Et c’était des instants comme ceux-ci qui le prouvaient si bien.

«  Avente... »

Arf, qu’il n’aimait pas quand elle l’appelait comme ça. Il avait l’impression, souvent assez juste, qu’il avait commis un impair, une erreur. Et il détestait cela. Non seulement parce que cela voulait dire qu’il n’avait pas réussi à cerner toute la situation, mais aussi parce que son intelligence avait failli et n’avait pas su parer les pièges. Il écouta attentivement sans broncher, notant dans son esprit tous les points qui effectivement, au vu de cette, nouvelle, information, demandaient de corriger ses plans.

Mais au final… pas tant que cela. La base de son projet restait la même. Unifier l’Alliance de façon plus formelle, plus enracinée encore qu’une simple envie d’indépendance envers Sélénia. Leur trouver des valeurs communes à défendre, vives et tenaces, qui pourraient survivre des siècles durant pour les garder unis même dans l’adversité. Et ce quel que soit le dirigeant de telle ou telle cité. Il hocha simplement la tête quand elle eut fini. Il hésita à poursuivre sur cette lignée de suite. D’une part parce que cela lui demandait de rectifier son plan suite à ces nouvelles données, d’autre part parce qu’il pressentait, avait déjà pressenti, que ce qu’il proposait était bien trop avant-gardiste. Jamais empire humain n’avait vu un tel système. Ce qu’il proposait était totalement novateur. Un peu trop peut-être. Et les réticences potentielles de sa Reine en la matière étaient plus que légitimes. Elles étaient également les plus légères qu’il pourrait rencontrer en exposant pareil projet, sa Reine se montrant en cet instant plus qu'ouverte d'esprit, rien que dans sa volonté d'en savoir plus et de l'écouter.

Car elle ne refusait pas d’écouter son idée, bien au contraire même ! Elle lui demandait d’en exposer plus. Lui qui pensait devoir batailler pour que ce projet ne soit pas balayé d’un revers de main, sous couvert que l’Alliance avait plus urgent à régler, ce qui était d’ailleurs le cas…

Et ce fut cette considération, plus que tout autre, qui l’incita à lui en dire davantage, à s’expliquer plus en avant. Éventuellement en exposant les ersatz d’idées qui lui venaient pour concilier ce projet à la volonté de sa Reine que les dirigeants gardent la main. Mais il allait falloir mettre de l’ordre dans son propre esprit, pour s’exprimer clairement. Et cela, plus que tout, était assez compliqué. Il avait besoin d’un peu de temps. Au moins une poignée de minutes.

Il rangea alors un à un les objets qu’il avait sortis de sa besace et la referma.

Je comprends et je vois, ma Reine. Cela toutefois ne change peut-être pas les fondements même du projet, même si cela demande sans doute des… corrections.

Il empoigna alors sa besace et se leva, à gestes lents.

Nous pouvons peut-être nous rendre de ce pas à la cour intérieure, si cela ne vous dérange pas ma Reine.

Il la suivit alors et reprit, posant ses mots, les cherchant clairement. On sentait dans sa façon de s’exprimer qu’il tentait d’éclaircir ses propres idées en même temps qu’il les exposait.

Là où vous voyez concentration du pouvoir dans les dirigeants de chaque cité, j’y vois, moi, à terme, une dispersion. Vous parlez d’une décision finale devant revenir à une seule personne… mais si cela est effectivement le cas pour les décisions à prendre pour chaque cité, concernant l’Alliance ce n’est pas le cas. Les décisions finales au sujet de l’Alliance dans sa globalité reviennent déjà à une tribune à l’heure actuelle et non pas à une seule personne. Certes à une tribune constituée des dirigeants de chaque cité, mais à une tribune quand même.

Il se racla la gorge alors qu’il pénétrait dans la cour intérieure et laissa son regard sombre en faire le tour. Il s’agissait d’une cour assez fermée, dont la seule issue était la porte qu’ils venaient de franchir. Effectivement, elle pourrait convenir pour la suite de la conversation. Mais il devait tout d’abord finir son idée.

Et pire même d’une tribune avec des règles élémentaires, mais sans plus de précision. Mais…

Il leva la main en un geste d’excuse.

Je vous le conçois, ce sont là alors des règles que vous connaissez tous. Alors que le jeu que je propose peut paraître une fosse aux lions et un grand saut vers l’inconnu. Et ça l’est, j’en ai conscience. Un tel système, comme je le propose, ne s’est encore jamais vu. Jusque-là, nous ne connaissions que des royaumes uniformes, chacun avec son dirigeant, avec un simple système d’alliance entre eux en cas de guerre. La coalition que forme l’Alliance des Cites Libres à l’heure actuelle est déjà une grande première : une coalition de cités unies non plus seulement dans l’adversité, mais une alliance qui va bien au-delà encore. Pour preuve le système de tribunal de l’Alliance déjà mis en place. Mais…

Il s’humecta les lèvres, la gorge sèche, et sentait déjà qu’il pouvait devenir confus. Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement, disait-on. Mais face à la nouvelle qu’il venait de recevoir, il concevait son projet de façon floue encore. Mais foi d’Avente, il voulait au moins transmettre le message d’une nécessité de formaliser l’Alliance de façon plus forte.

– Votre accord avec les dirigeants actuels tient bon d’une part parce que vous êtes, pour l’instant, peu nombreux encore, et d’autre part parce qu’une bonne entente vous lie.

Il laissa planer ces derniers mots dans l’air comme pour bien les laisser s’ancrer en Tryghild. Car là était les deux clés du problème selon lui. Le nombre de dirigeants à parlementer pour décider, un nombre qui pourrait augmenter à l’avenir. Plus de cités pourraient se développer et vouloir prétendre avoir droit de parole. Selon les concepts de l’Alliance, ils ne pourraient la leur refuser, si ces cités prêtaient serment à l'épée… Et qui étaient-ils pour empêcher d’autres cités de s’ériger ? Ensuite l’entente… Jusque-là Caladon et Delimar avaient su faire fi de leurs différences fondamentales, car les deux dirigeants avaient su nouer une sorte d’amitié. Qu’en serait-il quand un autre bourgmestre prendrait la place d’Aldaron ? Qu’en serait-il surtout si cet autre bourgmestre n’avait pas la même vision des choses et déclarait la guerre à Delimar, malgré la folie que cela pourrait être ? Car oui il existait des fous, partout, et ils n’étaient nullement à l’abri que l’un d’eux prenne le pouvoir d’une des cités. Ilhan avait suffisamment d’expérience du pouvoir pour savoir que les fous étaient les plus à même de l’usurper… C’était de cela qu’il voulait protéger Delimar et l‘Alliance.

Mais admettons que vous souhaitez garder un système de décision par les dirigeants de chaque cité. Soit. Cela ne remet pas en cause le fondement du projet que je vous propose. Ces fondements : réfléchir à consolider l’Alliance, à en consolider les bases. Non plus une Alliance pour conquérir notre liberté et notre indépendance vis-à-vis d’un ancien ennemi, mais une Alliance basée sur des valeurs communes qu’elle voudra défendre avec un système efficace et concret, pour en asseoir tous les principes fondamentaux et pour en assurer le respect et la défense justement. Voyez-vous où je tente d’en venir ?

Il posa sa besace contre un mur et reprit, cette fois en faisant les cent pas devant Tryghild, pour décharger l’énergie qu’il sentait irradier de son corps au fur et à mesure que le tout reprenait forme pour lui.

Un conseil de l’Alliance garderait tout de même son intérêt, même s’il n’aurait pas alors de pouvoirs décisionnaires. Car gérer l’Alliance demande une énergie folle. Nous sommes tous débordés actuellement entre Cordont, les Ekkinopyres, la guerre à venir… Imaginez qu’un nouveau souci concernant l’Alliance nous tombe sur les bras en cet instant ? Je crois que nous peinerions à y faire face encore. Soyons honnêtes, nous ne sommes que des humains. Un Conseil de l’Alliance pourrait alors aider à gérer les soucis qui concernent l’Alliance à part entière. Imaginez…

Il s’arrêta alors, offrant un quart de profil à Tryghild, alors qu’il regardait au loin vers le ciel, les mains devant lui, dessinant presque ce qu’il décrivait.

Imaginez… Votre tribune de dirigeants, qui possède le pouvoir décisionnaire, qui prendra toutes décisions d’un commun accord. Et un Conseil de l’Alliance à ses côtés qui exécuterait alors ces décisions. Imaginons un nouveau souci tel que Cordont. Les dirigeants auraient défini des règles d’actions en cas de tels soucis ou en matière de politique extérieure engageant l’Alliance. Le Conseil aurait pu alors intervenir rapidement, un dirigeant d’une cité à son côté bien sûr. Le dirigeant aurait pu alors parler au nom de l’Alliance sans souci, sans peur de se voir seul ou de se voir récrié par ses paires des autres cités. Là, il aurait été sûr de son bon droit, sûr d’être soutenu. Voyez-vous ?

Il se tourna vers Tryghild, les yeux brillants.

Ce Conseil pourrait aussi avoir le temps d’analyser tout souci apparaissant au sein de l’Alliance, en dehors de problèmes purement juridiques j’entends, et il pourrait alors discuter d’idées de solutions. Il serait alors force de proposition d’amélioration. Il pourrait ainsi proposer la solution qu’il aurait trouvée la plus adaptée à la Tribune des dirigeants et la Tribune déciderait de l’adopter ou non, déciderait d’en requérir une autre ou non. Rien n'interdirait la Tribune de proposer aussi, d'ailleurs.

Il avait peur de l’avoir perdue dans sa vue visionnaire. Car oui, c’était peut-être un peu, trop ?, visionnaire.

Je sais que je vais loin. Je vois loin. Je vois pour les siècles à venir. Un tel système mettrait des années, voire des décennies à se construire. Jamais aucun peuple n’a connu pareille situation telle que celle de l’Alliance. Il nous faut tout construire, tout inventer. Mais nous pouvons le faire.

Il s’arrêta et calma les battements effrénés de son coeur. Puis plus calmement, il reprit.

Il y avait un rêve, qui s’appelait Calastin. Voilà ce que je vous propose Tryghild. De construire les bases d’un tel rêve. Un Conseil qui puisse réunifier toutes les cités en une seule voix. Ce conseil aurait pour première mission de trouver les bases fondamentales de l’Alliance, les valeurs communes que nous voulons tous défendre d’une seule voix. Puis il proposerait des règles de politique extérieure, des règles d’action pour agir efficacement dans telles ou telles situations, des règles qu’il proposerait à la Tribune de dirigeants. Chacun de vous garderait donc son pouvoir décisionnaire. Vous n’auriez pas cette sensation de dilution du pouvoir. Mais vous pourrez au moins diluer l’effort, en demandant un effort commun de réflexion ?

Se disant il haussa un sourcil, comme l’invitant à contredire que l’effort à fournir pour diriger l’Alliance ne relevait pas du surhumain parfois.

Un tel système serait fort intéressant aussi, car il aurait l'avantage de séparer les pouvoirs : nous avons un pouvoir judiciaire déjà à part, nous aurions alors avec un tel système un pouvoir parlementaire d'un côté et un pouvoir décisionnaire de l'autre... Cela protégerait l'Alliance et chaque cité d'un dirigeant un peu trop zélé qui voudrait usurper le pouvoir sur l'Alliance sans raison, si ce n'est son seul désir égoïste de régner.

Tel un deuxième Fabius Kohan par exemple. Là encore, une séparation des pouvoirs serait une grande première, pour un peuple humain si habitué au pouvoir suprême d'un Empereur... Comment donc un tel système pourrait alors s'appeler d'ailleurs ? Il ne s'agirait plus ni d'un empire ni d'une monarchie. Alors... quoi ? Il chassa cette question futile et inopinée et reprit, ses accents althaïens revenant en force, sous le feu de la passion.

Je vous avoue avoir déjà une idée des valeurs communes qui nous animent. Liberté. Notre volonté d’indépendance l’a bien soulevé, quiconque de l’Alliance le proclamerait. Vous avez parlé de vouloir que chaque cité soit égale dans ces décisions. Soit.

Même si cela l’embêtait, lui, fondamentalement, lui qui rêvait d’ériger Tryghild en Reine suprême du peuple humain… mais c’était là son sentiment propre qu’il saurait faire taire. Pour l’Alliance. L’avenir du peuple humain. Pour le moment du moins.

Voilà donc notre deuxième valeur : Égalité. Je pense que l’incident de Cordont nous en a soufflé un autre : Fraternité. L’entraide que nous avons tous apportée sans compter à la Chue. Voilà ce qui serait pour moi nos trois valeurs fondamentales : Liberté, Égalité, Fraternité. Mais il nous faudrait ensuite des textes les ancrant profondément. Les définissant.

Il se retrouvait soudain essoufflé de tout son laïus. Et baissa la tête en réalisant s’être totalement laissé emporter par sa passion, lui d’ordinaire si calme et posé.

Je suis confus ma Reine, murmura-t-il soudain. Je me suis laissé emporter. Mais… Vous qui vouliez en savoir plus, voilà ce que je vous propose. Prenez de tout cela, ce que vous désirez. Veuillez bien oublier les chiffres et considérer surtout l’idée de base, les fondements et les raisons d’une telle proposition. Et vous aviserez en temps et en heure. Je fais confiance en votre jugement, ma Reine.

Se disant, il releva les yeux et les planta, avec une étonnante franchise, dans ceux de Tryghild, sans ciller.


descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Elle hocha la tête et se releva sans oublier de prendre son ouvrage, avant de l’accompagner dans la cour intérieur de l’atelier, près du pin maritime. S’installant sur le banc en bois massif, elle attendit qu’il s’exprime à nouveau. Et elle écouta jusqu’au bout, sans l’arrêter, bien qu’elle eut parfois beaucoup du mal à suivre. Il y eut un blanc pendant lequel elle tenta elle-même de digérer tout ce qu’il lui confiait, car elle peinait à aller aussi vite et aussi loin dans ces exercices de politique et de social en comparaison. Lorsqu’elle se sentit prête, elle inspira profondément, et brisa le silence d’une voix prudente. Pas par méfiance, mais parce qu’elle ne voulait pas dérailler ou se mélanger, et parce qu’elle n’avait pas envie de le décevoir non plus. Il était évident qu’il s’était prit de passion pour tout cela et ça la gênait, d’être aussi réticente, sans qu’elle puisse se montrer hypocrite en mettant de côté ce qu’elle en ressentait.

Il faut que vous compreniez une chose. Même avant Délimar, sur l’ancien continent, nos chefs étaient respectés et soutenus parce qu’on plaçait de la confiance en eux. Ils n’étaient pas choisis comme les Gloriens par le sang car on sanctionnait leurs capacités à gouverner. Ici, c’est encore plus le cas car nous sommes élus en partant de rien. Mais si nous décidons aussi de voir d’autres individus se joindre à ces décisions, cela n’est pas respectueux pour la confiance qu’on nous porte, d’une part, et d’autre part, nous partageons ce pouvoir unificateur placé en nous

Ce qui était délicat à faire. Leurs conseillers, comme eux, étaient élus et validés par le peuple. Leur charge était sacrée, tant elle recelait les attentes de toute une nation. Ce n’était pas quelque chose à traiter avec légèreté et excès de confiance. Et surtout, c’était quelque chose qui ne pouvait être aisément remis en cause ou modifier car il s’agissait d’un des premiers actes de gouvernance libre de l’Alliance. Ce n’était pas impossible, juste très délicat et non sans conséquences. Tout le problème, pour être le plus prudent possible, aurait été de nommer des conseillers déjà élus, sauf qu’ils avaient déjà beaucoup à faire. Mais était-ce bien nécessaire, que de séparer tout cela sous prétexte d’un trop plein d’activité ? Ces questions méritaient-elles d’être traitées séparément, ou bien était-ce plus sage de les laisser entre les mains des personnes déjà en charge ? Le temps gagné ne serait pas perdu en communication inutile ? En formation ?

C’est là la raison qui me rend très sceptique à l’égard d’une telle construction décisionnelle. De plus, même si les personnes choisies étaient parmis les élus du peuple, comme des conseillers de nos royaumes, cela resterait une brouille de la limite qui permet aux dirigeants de s’assurer que ces conseillers restent dans les limites de leurs pouvoirs et ne deviennent pas, justement, des ambitieux et des dictateurs

Car si Ilhan craignait un unique souverain tyrannique, elle voyait ce potentiel autant dans un groupement d’individus. Ce n’était pas l’individualité qui créait cette menace, c’était les valeurs des élus. C’était la façon dont ils voyaient leurs fonctions. Elle releva les yeux un bref instant, en laissant sa couture pendant un bref instant. Voilà qui était sensiblement contrariant, en fin de compte. Elle aimait pouvoir regarder les gens quand elle parlait, une façon de montrer du respect et de l’attention, et de montrer qu’elle ne mentait pas, en laissant les autres plonger leurs regards dans le sien. Mais c’était soit ça soit elle perdait patience à rester aussi inerte. Il allait falloir qu’elle trouve une solution alternative en fin de compte, ou alors qu’elle s’excuse auprès de ses interlocuteurs à l’avenir. Et là, cela la gênait encore davantage car c’était une discussion d’importance.

Une seule personne est bien plus simple à abattre qu’un groupe. Je ne vous dis pas que renforcer la base de notre Alliance est une mauvaise idée, au contraire. Je suis parfaitement consciente de la fragilité de nos relations. Aldaron aussi. Nous en avons déjà parlé à de très nombreuses reprises entre nous. Cordont est un premier pas pour cela. Notre effort commun sur place n’est pas contre Sélénia, mais pour aider nos semblables au-delà des questions de territoires

Ils débutaient déjà leur cheminement vers autre chose. Ce serait long, mais l’effort fourni à Cordont était exemplaire en matière d’investissement commun. Ils pouvaient se servir de cela pour aller vers l’avant, pour que le peuple en vienne naturellement à émettre ses valeurs et ses souhaits. Le peuple était souverain pour eux, ils n’agissaient qu’en avatar de ses volontés. Elle soupira. Oui, elle espérait que ce qui prenait corps à Cordont se poursuivre. C’était nécessaire et bénéfique. Il fallait renforcer leurs relations internes, sinon ils n’allaient pas pouvoir poursuivre. Mais comment faire ? Encore une fois, les grands mots, ça ne suffisait pas vraiment, il fallait le faire vivre pour son peuple, qu’ils le sentent battre dans leurs coeurs, et qu’ils le voient, en soit des témoins, de leurs propres yeux. Il fallait impliquer tout le monde, ce n’était pas juste le fait d’un conseil, de dirigeants ou non.

Il ne s’agit pas d’un scepticisme en rapport avec nos fondements, ou le besoin de ceux-ci… mais envers des individus dont la loyauté et l’intérêt peuvent varier. Nous ne sommes que des Humains, oui… avec ce que cela signifie. Avec notre corruption et notre attrait pour le pouvoir

Elle y revenait, balançant d’un sujet à l’autre mais il y avait juste… juste tellement de choses qu’elle ne pouvait pas vraiment faire autrement et elle en était désolée, elle n’avait pas sa rigueur et son ordre.

Un dirigeant de l’Alliance, à mon sens, doit parler à chaque instant pour l’Alliance, et pas seulement pour sa cité. Parce que nous ne formons qu’un. Aussi, si quelqu’un doit agir pour l’Allianc,e lorsque nous donnons des ordres et déléguons, nous avons déjà des personnes agissant pour l’Alliance. C’est l’image que cela va donner qui risque de changer leur attitude et leur motivation

Elle ne voulait pas qu’agir au nom de l’Alliance encourage certains à prendre un pouvoir personnel. La force des symboles était réelle après tout et pour le moment, ils tentaient encore d’en ancrer les premiers exemples pour leur peuple. Un instant, elle s’arrêta, pour essayer de remettre pensées et ressentis au clair et ne pas le perdre plus encore dans ce qu’elle lançait ainsi, qu’elle martelait. Elle savait qu’une part de sa prolixité venait du fait qu’elle se sentait réellement mal mais elle ne voulait pas abandonner à mi-parcours. Mal ou pas, elle pensait réellement cela au delà d’un non clair car ce n’en était pas un.

En plus de quoi, laisser des individus à discuter en permanence, je suis désolée mais je ne vois pas en quoi cela permettra d’améliorer les choses. Mettre des gens dans une pièce pour qu’ils passent tout au crible en s’imaginant pouvoir tout améliorer, c’est une utopie. Je ne dis pas que certaines choses ne pourront pas être trouvées, mais y dédier de la main d’oeuvre en permanence sur le long terme me paraît une perte de ressource sans parler d’une perte d’efficacité à la longue. Je ne vais pas vous l’apprendre, quand on est le nez dans les problèmes on perd du recul

C’était son coeur de soldate qui parlait. Et d’ouvrière. Elle avait vu faire, même des artisans, autant que les seigneurs des grandes maisons glacernoises. Ce n’était pas que l’idée n’était pas bonne, mais elle doutait de son application, de la manière que cela pouvait avoir de fonctionner. Mais puisqu’elle l’avait entre les mains, elle pourrait peut-être, si elle parvenait à trouver une façon d’ancrer ces idées, leur appliquer un aspect concret et pratique justement. Un aspect basique. Mais absolument nécessaire. Ilhan était un esprit, elle était la réalisation. C’était naturel qu’ils ne voient pas les choses sous le même angle.

Je préfère qu’un fermier vienne me voir en me soumettant un problème concret et son idée de solution, plutôt que de laisser un homme dans un bureau m’en parler sans avoir mit les mains dans la terre. Parce que je sais que ce que le fermier va me dire vient d’une expérience personnelle. Et oui, je vous entend aussi. Vous avez les mains dans votre terre aussi. Simplement la portée et l’impacte n’est pas la même. Les risques non plus. Dites moi, si nous refusons toutes les propositions de ces hommes propres qui n’auront jamais vu de terre, combien de temps avant qu’ils ne veuillent écarter les dirigeants des décisions ? Et même si vous mettiez des ouvriers dans ce conseil, combien de temps avant qu’ils s’écartent trop de leur labeur et perdent la notion de concret ?

Est-ce qu’elle arrivait à se faire comprendre ? Elle en doutait. Hésitant un instant, elle préféra changer de tactique.

Je suis désolée si j’ai l’air aussi pessimiste, vraiment, Ilhan. Je me rend bien compte que cela vous tient à coeur et j’y vois aussi des échos à ce que je peux penser et voir. Je vous jure que je vais réfléchir, mais je veux avant tout protéger mon peuple. Et je ne veux surtout pas le mettre entre des mains qui abuseraient de lui. C’est pour ça qu’on m’a élue. Je vous ferais certainement un retour complet une fois que j’aurais étudié la question mais je ne veux pas mentir sur mes premiers sentiments... c’est tout. Laissons cela de côté pour le moment, sauf si vous désirez répondre à mes inquiétudes. Vous aviez autre chose dont vous vouliez me parler

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Un long silence suivit ses paroles. Son coeur battait si fort qu’il avait l’impression de l’entendre rugir entre eux. Il s’attendit un instant à ce qu’elle rejette l’idée. Une idée bien trop avancée, bien trop osée, si peu coutumière de tout ce que le peuple humain avait pu construire jusque-là. Une idée peut-être totalement folle et impossible, une énième utopie que son esprit avait nourrie en voulant tant se projeter dans des avenirs parfois bien trop lointains. Mais loin de cela…

Elle répondit et argumenta. Certes, sa réponse s’apparentait à un rejet. Mais un rejet argumenté, et ses arguments étaient loin d’être idiots ou dénués de justesse. Il comprenait ses appréhensions, et ne pouvait nier nourrir les mêmes. Si la peur de voir naître un autre Fabius, ou un autre tyran pire encore, était ancrée dans son coeur, celle de voir un groupe ayant les mêmes caractéristiques néfastes pulsait également au fond de lui.

Il se permit de s’asseoir, sur une caisse non loin d’elle, sans même prêter attention au siège improvisé qu’il avait choisi, et l’écouta attentivement, tout en hochant la tête. Il était étrange de comparer leur vision des choses, et de constater à la fois leur différence et leur ressemblance. Car oui, tous deux n’étaient pas forcément en désaccord. Les craintes qu’elle lui avouait, il les ressentait également. Qu’elle parvienne à les lui expliquer, les lui partager, tout en déroulant son mode de pensée, et en exposant ce qui lui tenait à coeur, montrait une certaine maturité dans l’état d’esprit politique de sa Reine. Et cela, plus que toute autre chose, bien au-delà de son potentiel refus, lui gonfla le coeur de joie. C’était dans ces moments-là où il se demandait si elle avait encore besoin de lui. Elle avait grandi, mûri, tant appris en si peu de temps. Et, même si l’application n’était pas encore toujours parfaite, l’esprit était là. Le reste viendrait en son temps, et avec l’expérience.

Il écouta donc, tandis que son sourire s’élargissait légèrement et se teintait d’une nuance de sincérité et de fierté mêlées, qu’il offrait à bien peu de monde. Mais le monde n’était pas sa Reine après tout.

Il tiqua légèrement quand elle parla de ce qui caractérisait selon elle un dirigeant de l’Alliance. Il eut envie de rétorquer que, si cela s’appliquait parfaitement à Delimar, il n’en était pas, ou n’en serait pas, forcément de même pour les autres cités. Et que s’il avait songé à un tel système, c’était aussi et surtout pour les protéger d’un potentiel despote allié, qui voudrait saboter tout ce que l’Alliance avait construit jusque-là. Selon lui, que le pouvoir des dirigeants puisse être a minima jugulé par une autre instance ne serait pas un mal. Même s’il entendait le souci et le besoin de Tryghild de voir son pouvoir protégé, car c’était là son pouvoir de protéger son peuple. Dans une cité comme Delimar, il n’aurait nulle crainte à ce sujet. Mais concernant l’Alliance entière… Si pour l’heure il accordait une certaine confiance, même si toujours teintée d’une légère vigilance paranoïaque, au bourgmestre actuel de Caladon, il se méfiait de tout potentiel successeur. Ou potentielle succeseuse.

Mais elle avait raison aussi… Un tel système demandait de réfléchir aux conséquences d’un tel pouvoir confié à un groupe de personnes, de réfléchir à comment juguler cet autre pouvoir, comment trouver l’équilibre entre un conseil d’alliance et le pouvoir exécutif des dirigeants, trouver un juste milieu, des règles, des.. Oui, un tel système demanderait beaucoup de réflexion avant de se mettre en place. De cela, il en avait conscience et l’avait souligné. Cela ne se construirait pas en un tour de bâton magique.

Il n’y a pas à être désolée, ma Reine, répondit-il enfin quand elle en eut fini. Vous exposez votre point de vue et vous l’étayez d’arguments qui sont loin d’être purement subjectifs. Cela révèle une maturité de réflexion tout à votre honneur.

Et c’était là un énorme compliment venant de sa part, lui qui était si exigent parfois, et souvent assez avare de toute éloge. Et ce n’était là nulle flatterie pour tenter de corrompre l’avis de sa reine. Il ne s’y serait jamais essayé avec elle, ne souhaitant pas user de telle fourberie en usant de sa confiance, et était persuadé que cela ne marcherait d’ailleurs pas. Elle n’était ni Fabius ni Korentin, et les éloges, du moins les flatteries fallacieuses, glissaient sur elle comme sur la glace. La plupart du moins.

Je note toutefois que vous êtes à deux doigts de dire que certains membres actuels du conseil de Delimar, payés à réfléchir dans une pièce, sont une perte de ressources, se permit-il d’ajouter en un sourire taquin.

Il savait pertinemment bien qu’elle n’avait pas voulu dire cela. Mais il avait de suite fait un rapprochement et n’avait pu se retenir de la petite plaisanterie. Il reprit rapidement un air sérieux, chassant toute moquerie de son regard ou de son sourire, et reprit d’une voix grave et posée.

C’est à moi de m’excuser, ma Reine, car je ne peux répondre à vos inquiétudes, que je nourris aussi. Elles sont légitimes et montrent encore une fois l’honneur que vous mettez à respecter la confiance que le peuple a placée en vous. Tout ce que je peux vous dire…

Il soupira, ne sachant pas comment lui faire passer ce dernier point.

C’est que je doute que tous les paysans viennent à vous pour vous soumettre un problème. Et que parfois il faut aller vers le paysan pour lui demander les problèmes qu’il a rencontrés, ce qu’il aimerait voir le jour, ou les solutions qu’il a déjà trouvées. Mon expérience m’a montré que parfois, souvent même, il ne faut pas attendre que les gens viennent vous dire ce qui ne va pas. Car il peut être alors déjà trop tard, le mal s'est installé, les rancoeurs ont pourri les coeurs, et la grogne monte. Mon expérience m’a montré qu’il vaut mieux parfois aller vers les autres et devancer ce qu’ils voudraient demander ou exprimer, pour élaborer alors des solutions en combinant ce que tous les fermiers que vous avez rencontrés ont pu vous dire, et non pas en se fondant sur l’avis d’un seul. Le système que je proposais, mais cela n’est dit que dans le parchemin je vous le concède, inciterait les personnes du… conseil de l’alliance… à aller au-devant de leurs concitoyens et non pas seulement à rester planter dans une pièce. Même si quelquefois tout de même, ajouta-t-il, son sourire taquin revenant en force. Ils seraient des collecteurs d’avis, d’envies, de problèmes et de solutions, de tous les fermiers et de tous les citoyens de l’alliance, et ensuite sur ces informations pourraient réfléchir à une base solide à ancrer pour l’alliance.

Il baissa ensuite les yeux et réfléchit un court instant, avant de relever les yeux vers Tryghild.

Mais non sincèrement, en toute honnêteté, je ne peux répondre à vos autres inquiétudes. Je ne peux d’ailleurs que les conforter. Tout système a ses forces et ses faiblesses. Il est possible de réfléchir au maximum à celles que nous entrevoyons et d’y trouver des solutions… éventuellement… si nous le désirons.

Si Tryghild acceptait finalement l’idée, même si elle souhaitait utiliser cet embryon pour construire finalement toute autre chose, un tout autre système.

Et il est parfois sage de laisser décanter un projet potentiel, de le laisser mûrir, là, dans notre esprit.

Se disant, il désigna sa tempe.

Pour qu’il prenne forme et que nous puissions y voir plus clair, que nous puissions prendre du recul et en observer tous les aspects.

Il valait mieux, selon lui, qu’ils y réfléchissent à tête reposée. Il avait noyé Tryghild d’informations et d’un concept novateur pouvant être lourd de répercussions. Il ne s’attendait pas à une réponse. Ça aurait été pure inconscience d’ailleurs, que de lui en donner une en cet instant.

Et… effectivement. J’aurais aimé… vous faire part... d’autres choses. Plus... personnelles.

L’hésitation dans ses mots et sa voix soudain bien trainante montraient clairement son malaise, qu’il ne cherchait même pas à cacher. Il lui aurait été facile de jouer les indifférents, de revêtir son habituel masque de politicien insensible. Mais pour ce qu’il s’apprêtait à révéler… les masques devaient tomber. L’heure de la totale franchise était venue. Et c’était là un exercice particulièrement difficile pour lui.

Ce que je vous apprête à vous révéler est… compliqué pour moi. Et cela tient en deux points. Je dois vous avouer que je pensais que vous en connaissiez l’un d’eux, lorsque vous êtes venue me chercher pour me proposer ce poste à Delimar. Mais… plus le temps passe, et plus je me rends compte qu’au final vous ne savez probablement pas. Vous…

Il hésita, s’humecta les lèvres, mais garda son regard noir, étonnamment franc et perçant, rivé sur Tryghild.

Vous ne savez pas. Vous ne savez pas qui je suis.

Il se leva alors et commença à faire les cent pas. Il avait pourtant tourné son petit laïus cent fois dans sa tête, mais soudain il ne savait plus par où commencer. Il se passa une main dans ses cheveux, puis s’arrêta, songeant que son manège devait mettre mal à l’aise sa Reine plus encore que lui-même. Il se força à se rasseoir, et reporta son regard sur elle. Et le simple fait de plonger ses orbes sombres dans ses perles claires lui montra la voie, les mots, à choisir.

Je ne suis pas né noble. J’ai été anobli par Korentin Kohan au sortir de la guerre du Tyran blanc. J’ai été anobli au titre de comte, ce qui n’est pas une moindre chose, pour service rendu au royaume. Et… ce, ou plutôt ces services rendus ne vous plairaient sans doute pas dans leur teneur.

Quand on songeait qu’un Kohan l’avait anobli pour avoir, notamment, trahi un autre Kohan !

J’ai été anobli pour services d’espionnage, en quelque sorte. Pour avoir trahi Fabius Kohan, et ce, dès le premier jour de son usurpation du trône. Mais également…

Il s’humecta les lèvres, s’apprêtant à révéler l’autre traitrise, bien plus délicate en Delimar.

Pour avoir trahi les almaréens, après qu’ils aient destitué l’usurpateur. Sans doute serais-je resté aussi auprès du Tyran Blanc et aurais-je tenté de le trahir à son tour, si tous ne m’avaient pas soufflé que je ne serais pas de taille à ce jeu-là.

Il laissa alors un lourd silence tomber entre eux, et, ne soutenant plus le regard clair de sa Reine, il préféra regarder leur ombre sur le sol.

Cela constituait le premier point, qu’il me semblait important que vous sachiez. Encore une fois, en toute honnêteté je pensais que vous en aviez connaissance avant même ma venue ici. Mais il y a encore….

Oui, encore.

Autre chose.

Il lâcha un lourd soupir, s’apprêtant cette fois à révéler une information qu’il n’avait jamais dite à personne. Et que peu savaient, du moins il fut un temps, même si la rumeur commençait à courir en Calastin et à enfler. Il préférait alors la lui révéler, avant que Tryghild n’en ait vent, de peur de perdre sa confiance et qu'elle ne se croie prise en traitre, en apprenant son identité de Tisseur par un autre que lui. Surtout après lui avoir révélé être un traitre avéré, et ce à deux reprises. Un dicton disait "jamais deux sans trois", après tout…

Cette autre chose est délicate et j’aimerais oser vous demander de ne jamais le révéler à quiconque autre. Même si cela commence à se savoir, pour tout avouer. Cette autre chose explique comment j’ai pu trahir les détenteurs du pouvoir d'alors, pendant de si longues années, sans me faire prendre, et comment je parviens souvent à récolter tant d’informations. Cette autre chose… Cette autre chose…

Il n’y arrivait pas. Les mots restaient bloqués, là, au fond de sa gorge, et refusaient de sortir.

Que savez-vous du Tisseur ? demanda-t-il abruptement à la place.

Et soupirant de soulagement. Voilà c’était dit. Certes de façon un peu ilhanesque, à sa manière détournée, mais si Tryghild n’était pas stupide, elle additionnerait deux et deux et comprendrait. Restait maintenant à attendre sa réaction qu'Ilhan redoutait férocement. Ses orbes sombres revinrent se planter sur elle et ne cachèrent en rien toutes ses incertitudes.

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Moui…

Elle n’était pas si convaincue de bien faire, elle et Ilhan était toujours trop élogieux avec elle. Enfin tant que cela lui allait et qu’il ne se sentait pas lésé de sa réponse, ça lui convenait. C’était tout ce qu’elle cherchait car elle avait été parfaitement honnête, et c’était là sa plus grande forme de courtoisie. Il avait prit le temps de lui présenter un projet auquel il semblait avoir beaucoup pensé même si c’était encore une ébauche, le moins qu’elle puisse faire était d’y accorder un temps réel et une attention plus réelle encore. D’ors et déjà, elle savait qu’elle en retirerait un nombre affolant de migraines, y perdrait des heures voire des jours et s’arracherait plusieurs touffes de cheveux. Mais elle le ferait. En attendant elle allait l’inviter à ne pas la flatter inutilement quand il lui coupa l’herbe sous le pied. Ouvrant autant des yeux ronds que la bouche comme une carpe hors de l’eau, elle rougit furieusement en s’empressant de démentir la chose, catastrophée et coupable.

Quoi ? Mais non ! Je pensais à Caladon ! Enfin non c’est pas ça non plus, c’est pas ce que je voulais dire enfin mais….

Grognant et jurant elle s’excusa platement, profondément frustrée et coupable. Si, elle avait pensé à Caladon, mais elle n’avait pas eut l’intention de le clamer avec autant de candeur ! Elle n’avait pas eut l’intention de nommer qui que ce soit enfin, pour vexer les autres ? Mais comme d’habitude dans son empressement à vouloir s’expliquer, elle s’était laissée avoir. Retombant dans le silence, elle resta coite un moment, n’ayant pas envie de se rater encore une fois. Elle se sentait profondément idiote sur le moment, une fois lui suffisait amplement, pas besoin de recommencer. Elle écouta simplement en se bornant à hocher la tête jusqu’à ce que la conversation se fasse moins pentue et qu’elle se sente moins menacée si elle rouvrait la bouche pour émettre un son. Bras croisés, elle lui jeta un coup d’oeil prudent, méfiant, comme un loup jaugeant un adversaire, avant d’enfin répondre, et de la façon la plus courte et la plus neutre possible. Non vraiment, elle n’avait pas besoin de plus.

Nous verrons donc cela plus tard

Elle ne voulait pas y revenir pour le moment, autant parce qu’elle avait déjà dépassé son quota de politique pour cette journée, mais qu’en plus elle était curieuse de savoir ce qu’il voulait lui dire. En le voyant hésiter ainsi, un léger sourire lui vint aux lèvres et elle se laissa amadouer suffisamment pour glisser une taquinerie bien à elle, mais qui se voulait aussi une forme flagrante d’auto dérision et de tentative de le rassurer.

Je ne suis toujours pas cannibale et je n’ai qu’un pauvre banc à vous jeter si je m’énerve

Le risque qu’il en meure était donc minime. Au pire, le cordonnier lui viendrait en aide pour l’empêcher de lui tordre le cou. Plus il attendait et plus elle était curieuse et frustrée. mais qu’il parle bon sang ! Puis enfin le bouchon sembla se désagréger. Attentive autant qu’elle pouvait, Tryghild hocha plusieurs fois la tête. Il n’était pas né noble. Soit, elle s’en souvenait effectivement. Anobli pour services rendus. Soit également. Lesquels ? Une légère grimace lui vint à la mention du mot espionnage mais elle ne tempêta pas. Il n’avait pas pu aller se battre, c’était une évidence, cela laissait donc peu de possibilités pour des services rendus. ça aurait pu être un prêt conséquent accordé à la couronne également, mais elle ne le voyait pas acheter son titre.

Je ne suis pas certaine de vous suivre…

Autre chose ? Parce que la série de trahisons n’était pas terminée ? Ou alors c’était pire encore. Ne posant pas de questions, elle attendit qu’il poursuive. Là, elle n’avait même pas une devinette à tenter. Pourtant, il semblait bien que ce soit cela qu’il lui demande. Perplexe et déconcertée elle l’observa un bref instant avant de répondre, ne sachant pas trop dans quoi elle mettait les pieds.

La seule chose que ça m’inspire c’est l’atelier de tissage central du quartier marchand, Ilhan, j’en suis désolée, je crois que ce n’est pas du tout ce que vous attendez…

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Il ne put s’empêcher de sourire, amusé, quand elle bafouilla suite à sa petite taquinerie sur les pertes potentielles quant à l’emploi de conseiller. Il savait pertinemment bien qu’elle n’avait pas sous-entendu cela. Mais il était prompt à la taquinerie, autrefois à la moquerie cynique du temps de la Cour. L’humour distillé à bonne dose et sous un certain ton, ou sous certaines allusions, était parfois une arme tranchante aussi acérée que les insultes ou le meilleur des plaidoyers. C’était aussi sa manière de lui montrer régulièrement comment des propos pouvaient être déformés si l’on n’y prenait pas garde. En tant qu’intendante en relation avec des paires extérieures à la langue plus fourbe et à l’esprit bien plus vicieux, c’était là une chose qu’elle devait garder en tête. Quand bien même il la savait bien trop franche et honnête pour prêter attention à chaque mot qu’elle prononcerait. C’était là une de ses forces. Le tout était que cela ne devienne pas aussi une faiblesse se retournant, telle une arme à double tranchant, contre elle.

Il ne dit mot de tout cela. Il avait un sujet bien plus urgent sur le feu et il préférait distiller cet enseignement-là sur le long terme. Il lui en avait déjà maintes fois fait part. Il la jugeait suffisamment intelligente pour qu’elle voie, au fur et à mesure, les piqûres de rappel qu’il ne manquait jamais de lui donner. Même si toujours à sa manière, et toujours avec bienveillance.

Mais oui, ils verraient cela plus tard, acquiesça-t-il en silence. Il sourit à sa taquinerie sur le jeté de banc. Il ne se sentait jamais en vrai danger avec elle, même s’il la savait prompte à l’emportement et aux gestes vifs. Les premières fois où il avait vu des tables se casser, il devait avouer avoir été surpris, voire effrayé. Mais il avait vite compris que si elle se permettait de laisser son humeur exulter contre les meubles, pauvres d’eux, jamais elle ne lèverait la main sur l’un de ses conseillers. En tout cas, jamais sur lui. Sans doute bien trop consciente qu’un seul revers de main lui suffirait à casser le cou du frêle althaïen qu’il était.

Mais cette brève trêve ne suffit pas à dénouer les nœuds de son estomac. Et même quand il en eut terminé, il n’en menait pas large. Il attendait ses réactions avec force appréhension. Et ce qu’il entendit alors… le laissa pantois.

“La seule chose que ça m’inspire c’est l’atelier de tissage central du quartier marchand, Ilhan, j’en suis désolée, je crois que ce n’est pas du tout ce que vous attendez…”

Bon. Cela s’annonçait plus compliqué encore qu’il ne le pensait, mais pas de la manière dont il le pensait ! Il n’irait pas jusqu’à dire qu’elle était finalement stupide, mais… visiblement elle ne savait pas additionner deux et deux. Et après c’était à lui que l’on disait nécessiter des cours de comptabilité !

Se massant la nuque d’un air décontenancé, laissant son désarroi et ses hésitations s’afficher sur son visage d’ordinaire vide de toute expression, abattant tout masque pour une des rares fois de sa vie, il resta un court instant… totalement silencieux. Coi. Abasourdi.

Donc, en plus de devoir lui annoncer qu’il était le tisseur, il allait devoir lui annoncer ce qu’il représentait ! Sans en être vexant, car après tout si ce titre était resté sagement sous silence dans le secret des ombres, cela l’aurait bien arrangé, cela lui semblait toutefois inquiétant que Tryghild n’ait pas eu vent d’une quelconque rumeur à ce sujet. Si ce n’est de qui était le Tisseur ou la Toile, d’au moins de ce qu’ils traficotaient. Mais après tout, était-ce si étonnant que la Nordique ne prenne même pas la peine d’écouter les rumeurs ? Il se sentait soudain si bête d’avoir pensé que sa Reine ait pu prêter attention à ce qui pour elle n’était que ragots inutiles et futiles… Et ne les retienne même pas, tant cela lui semblait sans doute malvenu.

Toutefois, elle devait savoir. Ne serait-ce que pour ne pas se sentir prise en traître si un autre conseiller le lui rapportait.

Il soupira lourdement et reprit doucement contenance. Puis, se passant une main lasse sur le visage, qui effaça sur son passage tout signe de fatigue et de déconvenue, il replaça ses traits détachés.

Non, ma Reine, répondit-il enfin d’une voix douce, presque en un murmure. Ce n’était effectivement pas ce que j’attendais. Et je dois vous avouer qu’il m’est alors compliqué de vous expliquer de quoi je parle, en plus de cet aveu délicat, difficile, pour moi. Un aveu qui peut me mettre dans une position litigieuse et inextricable, aussi bien à vos yeux, que par rapport à l’activité qui en découle.

Il soupira une énième fois, baissa les yeux un court instant, déglutit, puis se força à relever ses orbes sombres pour les planter dans ceux clairs et limpides de sa Reine.

Le Tisseur est une identité secrète. Il s’agit du nom du personnage à la tête d’une organisation, elle aussi secrète, qui agit dans l’ombre, et s’infiltre dans toutes les sphères de tous les royaumes possibles. Autant que faire se peut toutefois. Cette organisation s’appelle la Toile.

Se disant, son regard refit un rapide tour de la cour et s’assura que la porte était toujours fermée derrière eux. Il n’était pas à l’aise de parler de cela, ici. Mais il n’avait plus le choix, maintenant qu’il avait commencé.

Je pense que vous connaissez ce que sont le Marché Noir et la Triade ?

Il l’espérait. C’était tout de même une organisation légendaire… et le nom de Triade courait les rues bien plus que celui du Tisseur.

En un sens, la Toile et le Tisseur pourraient y être comparés. Si ce n’est qu’ils n’ont pas la même organisation, pas le même but, pas la même activité. Mais leur jeu de l’ombre se ressemble sous quelques aspects.

Il s’humecta les lèvres, avant de poursuivre, d’une voix plus basse encore.

Je vous ai parlé de mes activités d’espionnage par le passé. J’espère que vous faites un minima le lien maintenant… Si j’ai pu réaliser toutes ces actions, si j’ai pu, et peux encore, récolter tant d’informations, c’est grâce à la Toile. Ce réseau d’espions, d’informateurs, d’araignées comme je les appelle, et d’autres apparentés qui les secondent dans leur mission d’infiltration, je l’ai créé il y a longtemps. Dès que j’ai compris la fourbe nature de…

Fabius. Mais il préférait ne pas prononcer une fois encore ce nom qui l’écoeurait et le révulsait. Il laissa d’ailleurs une moue dégoûtée déformer son rictus, avant de rapidement l’effacer et de reprendre un masque affable.

du comte que je servais prétendument. La Toile est un réseau d’espions, Tryghild. Mon réseau d’espions. Et je suis le Tisseur.

Voilà c’était dit et cette fois clairement !

Il espérait qu’elle ferait le lien avec tout ce qu’il lui avait dit, qu’elle comprendrait certaines actions passées, certaines informations présentes aussi. Toutes ces fois où elle s’était demandé le comment il parvenait à savoir tout cela… Elle en avait maintenant toutes les réponses.

Il n’irait pas jusqu’à lui expliquer le but ultime de la Toile. Sauf si elle le lui demandait. Ni comment elle s’organisait. Cette information-là mettrait trop en péril ses araignées.

Je pense que vous comprenez l’importance capitale de cette information. De même que l’importance que cela reste… un tant soit peu secret. Même si…

Il s’autorisa un léger rictus dépité.

Même si l’anonymat commence à s’effriter depuis quelque temps. Après tant d’années, il aurait été étonnant que cela ne se sache pas. Mais… autant faire se peut, mieux vaudrait ne pas aider la rumeur à se répandre. Et je tenais à ce que vous l’appreniez de moi-même, avant que la rumeur ne vienne à vous.

Il baissa cette fois les yeux, incapable de soutenir plus longuement le regard, le jugement peut-être, de sa Reine.

Je sais que toutes ces révélations ne sont sans doute pas à votre goût. Et c’est aussi pour cela que j’ai jugé… indispensable… primordial… que vous sachiez. Car je ne souhaite pas vous trahir Tryghild.

Il lutta, pour relever ses orbes sombres et lui offrir toute la franchise dont elle avait sans doute besoin.

Je ne veux pas vous prendre en traitre. Quand bien même j’en ai été un. Et je ne veux pas perdre la possible confiance que vous me faites l’honneur de m’accorder.

Il songea alors que le meilleur moyen pour voir si elle acceptait toujours de le garder et de lui faire confiance, après de tels aveux, était de voir si elle acceptait son présent. Il s’avança alors vers sa besace, d’un pas qu’il tenta de rendre déterminé, malgré le fait qu’il n’en menait pas large. Il l’ouvrit et en sortit deux carnets. Deux livres peu épais, de la taille d'un carnet pouvant donc être facilement transporté, d’une couverture de cuir brun sombre contenant une gravure en son centre représentant le sceau de la famille Avente mêlé au symbole de Delimar. Les feuillets de parchemin étaient reliés par une technique éprouvée par le temps rendant les carnets résistants même pour un usage intensif.

Il se tourna alors vers Tryghild, un des carnets en main, et le lui tendit des deux mains, la tête légèrement baissée, tel un offrande faite à une Reine.

Si vous m’acceptez encore auprès de vous, ma Reine, même sachant tout cela sur moi, je tenais à vous faire ce présent. Je tiens à préciser et je m’en excuse d’avance, qu’il s’agit d’un objet magique. La taxe en est payée et sera sous ma responsabilité bien évidemment. Ce carnet est un carnet relié à son jumeau, que je garderai, et nous permettrait de communiquer plus facilement et presque instantanément. En effet, je l’ai créé pour que tout ce qui sera écrit dans l'un apparaisse dans l'autre aussitôt, et ce quelle que soit la distance. Les écrits restent jusqu'à ce que la personne possédant l'autre carnet les lise. Une fois lus, les écrits s'effacent, et l'autre personne peut répondre. Les échanges peuvent se faire ainsi de façon infinie. Je précise également qu’ils sont enchantés pour que tout texte qui y est écrit ne puisse être lu qu’une fois le mot de passe donné, mot de passe que je vous laisserai choisir.

Il s’humecta de nouveau les lèvres, les mains toujours tendues avec son carnet, devenant presque tremblant sous l’attente et l’étau qui l’enserrait.

Même un non-mage peut l’utiliser. Je vous sais peu portée sur ce genre d’objet, et je déplore d’oser vous faire un tel présent… mais nos communications à Cordont ont parfois souffert de délais qui auraient pu être préjudiciables. Je n’ai pas trouvé d’autres moyens plus efficaces, qui nous permettent d’éviter la magie. Je pense, j’espère, qu’il s’agira alors d’un emploi raisonné et raisonnable de la magie.

Oh oui il l’espérait. Tout comme il espérait qu’elle accepte ce don. Ce serait là le signe qu’elle l’accepterait toujours auprès de lui, même après tout cela, et ce, tel qu’il était. Ce qui, étrangement, avait une certaine importance pour lui. Lui qui n’avait jamais porté d’égards à ce qu’avait pu penser un monarque de lui...

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Bien sûr, ce n’était pas ça qu’il s’attendait à entendre, il suffisait de voir son expression pour cela, sans même avoir besoin d’une affirmation orale. Et ça la vexait, même si elle s’en doutait depuis le départ. Cela la vexait car elle se sentait stupide et elle n’aimait pas cela. qui aimait cela d’ailleurs ? Elle savait cependant que ce n’était pas là l’objectif de son conseiller et ne lui en tenait absolument pas rigueur. Si elle en voulait à qui que ce soit, c’était à elle-même en fin de compte, pour ne pas pouvoir lui donner ce qu’il attendait, pour être trop lente sans aucun doute. En tout état de cause, il commençait cependant lentement à l’inquiéter, voire à l’angoisser. De quoi s’agissait-il donc, qui puisse lui valoir la disgrâce ? A présent, elle n’osait plus l’interrompre et attendit, expectative. Une identité secrète donc ? Plus elle en entendait et plus son expression s’allongeait d’autant. Et à la fin ? Oh, à la fin ! Elle ne savait plus à quel esprit se vouer. Le regard qu’elle lui décochait mêlait détresse et perplexité et lorsqu’elle essaya de parler, elle ne produisit aucun son. Une fois, deux fois, trois fois, elle tenta de s’exprimer, mais se sentait alors complètement impuissante et dépassée. Et lui, il lui avouait tout ça et il voulait lui faire prendre un objet magique en plus ? Coite, elle laissa les minuts s’étirer sans réellement faire ou dire quoi que ce soit, commençant par essayer de digérer ce qui venait de lui tomber dessus. Quand enfin sa capacité d’élocution sembla lui revenir, elle ne produisit tout d’abord qu’une vague onomatopée avant de parvenir à s’exprimer correctement.

Je ne peux pas user de magie” Son regard trouva le sien “Je ne suis pas une ‘non-mage’ je suis maudite. Il n’y a pas de magie en moi, même si j’acceptais, je ne pourrais pas le faire fonctionner moi-même

Ce n’était pas même une question de vouloir, mais bel et bien de pouvoir. Même en s’échinant pendant des années, elle ne pourrait rien tirer de ce carnet. C’était, en tout état de cause, le sujet le moins litigieux du lot. Autant commencer par le plus aisé, non ? Pour le reste, elle ne savait pas réellement quoi dire, même en tournant et retournant la question plusieurs fois dans son esprit. En fait, en dehors d’une vague rancune à l’idée qu’on lui demande encore de garder un secret lui était difficile à supporter. Qu’est-ce qu’ils avaient tous à se confier à elle ? Bon sang, n’avaient-ils pas conscience qu’elle avait déjà du mal à s’exprimer, alors garder un secret ? C’était le meilleur moyen pour que tout l’archipel soit au courant. Une main devant la bouche, doigts repliés, comme pour se baillonner et éviter justement de laisser filtrer un secret impromptu, la nordique se mit à tourner et virer, dans une situation très inconfortable. Et puis finalement, elle soupira lourdement et ses épaules s’affaissèrent vers l’avant en un signe évident de découragement. Ses sentiments étaient pour le moins conflictuels à l’égard de telles révélations. Elle n’aimait pas les espions, et elle n’aimait pas l’espionnage, les conspirations et les coups de poignards dans le dos. Elle trouvait cela vil et bas mais elle savait aussi que dans un monde où la majorité agissait ainsi, elle ne pouvait pas blâmer ceux qui s’y pliaient pour survivre. Néanmoins, elle n’aimait pas l’idée de devoir en dépendre. Pour elle, ce n’était pas parce que cela existait qu’on ne pouvait pas l’éviter.

Je ne sais pas quoi vous dire. Je crois que j’aurais préféré ne pas savoir. Je ne juge pas vos actes passés. Ils sont ce qu’ils sont et les circonstances dans lesquels ils ont été faits. Ils ne me plaisent pas, mais c’est tout. Ce qui me gêne c’est le présent. Que vous usiez de telles méthodes va à l’encontre des valeurs que je veux promouvoir, comment puis-je être légitime dans mes discours, si je cède à ces bassesses ensuite ?

Elle comprenait aussi la protection que cela pouvait représenter. En fin de compte, ce qu’elle n’aimait pas, c’était de savoir qu’elle était dans la position d’une cible devant sacrifier sa morale pour sa survie, quand elle aurait aimé être capable d’imposer ses conditions et ses valeurs à la place. Mais plus que ses valeurs, elle devait penser à son peuple, à ce qui était nécessaire pour lui. Par le passé, la morale des glacernois avait été leur perte car ils étaient les seuls à en avoir, elle ne pouvait pas fermer les yeux là-dessus non plus, quand elle avait la preuve que leur bonne foi complète était une vulnérabilité face aux hyènes peuplant le monde. C’était dur, de devoir sacrifier à un tel besoin, et une salissure réelle pour elle mais elle pouvait encore faire la différence dans la manière dont elle usait des informations reçues. Si ces informations servaient à protéger et mettre en pratique les principes de son peuple alors… alors peut-être pouvait-elle s’y faire ? L’idée même lui arrachait la gorge. Expirant profondément, elle reporta son regard sur l’althaïen. Cela partait d’un bon sentiment de sa part mais en pratique, il ne cessait de la mettre dans des situations impossibles. Pour autant, à moins qu’il ne soit un très bon acteur, il avait prouvé avoir une morale, donc si elle pouvait faire confiance à quelqu’un pour gérer toute cette sale besogne avec un minimum de dignité c’était sans doute son conseiller en diplomatie. Et elle ne pouvait de toute façon pas entièrement le condamner même si elle le voulait, n’avait-elle pas accepté Aldaron et son fichu marché noir ?

Sincèrement ? Vous et Aldaron, vous serez ma mort à force de vouloir me confier des secrets comme ceux-là. Je suis très flattée mais je m’en passerais volontier ! Très bien d’accord, vous restez, mais je veux que ces affaires soient faites avec autant de probité que possible si on peut seulement en parler pour de l’espionnage.... Ne me faites pas plus honte Ilhan. Je pense que vous savez ce que cela représente pour moi et pour cette ville

Jouant de la mâchoire en le couvant d’un regard mauvais, elle hésita un instant puis reprit d’une voix sourde et contenue.

Je veux le reste du conseil au courant également. Ils ont le droit de savoir. Ils oeuvrent pour cette ville de la même façon que nous et doivent comprendre ce qui est en jeu

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Le silence s’étira en une éternité et il crut un instant se faire ensevelir sous tous les grains du sablier qui tombaient, sous ce mutisme atterré qu’elle lui offrait pour seule réponse, sous ce regard empreint de tant d’émotions contradictoires. Et quand enfin un semblant de voix revint à sa Reine, ce ne fut que pour répondre tout d’abord à son objet ? Ilhan en resta un moment interdit, seul son regard parlant pour lui. Était-ce là la seule chose qu’elle retenait ? Ou… commençait-elle par la réponse la plus facile, tant ce qu’il lui avait révélé l’avait choquée ?

Il semblerait que la seconde option soit la plus juste, songea-t-il ensuite quand enfin, elle avoua ne pas savoir quoi lui dire. Oui, cela, il l’avait compris, tout son corps, son silence, le criait pour elle, bien plus fort que les mots. Ilhan baissa simplement la tête quand elle se lança enfin à exprimer ce que cela pouvait bien lui inspirer et s’apprêta à essuyer la colère, enfin, qui allait sans doute s’abattre sur lui et le foudroyer de toute son ire. Mais…

Point de colère. Point de foudre, point d’esclandre. Oh certes, elle disait clairement ne pas apprécier ses révélations. Il s’y était attendu, bien entendu. Il tiqua légèrement aux mots Aldaron et secret et décocha brièvement un regard en coin à sa Reine. Ces deux mots associés lui évoquaient pour sa part bien des choses : Marché Noir, Triade… Ainsi Aldaron confiait ses secrets à Tryghild lui aussi ? Était-ce de ceux-là ? Ou s’agissait-il encore de toute autre chose ? Et s’il s’agissait du Marché Noir, lui avait-il avoué qu’il reprenait du service ? Ilhan le subodorait depuis un bout de temps, mais n’avait encore pas réussi à en avoir de preuve formelle. Il fut alors tenté de titiller Tryghild sur le sujet… mais se ravisa bien vite. Il était vil d’user de ses bas instincts d’espion ainsi aux dépens de sa Reine. Il baissa donc de nouveau les yeux et fit taire cette envie irrésistible d’en savoir plus, de même qu’il musela son esprit taquin qui, en toute autre circonstance, et avec toute autre personne, n’aurait pu s’empêcher une petite pique cynique ou amusée sur le sujet de ces confidences.

D’ailleurs, la suite des propos de Tryghild doucha bien vite toute pensée de la sorte, toute étincelle d’amusement. Le mot honte le gifla bien plus fort qu’un banc cassé n’aurait pu le heurter. À tout prendre il aurait préféré colère et casse, débris d’objets et éclats de voix, plutôt que ce mot. Ce mot-là, entre tous. Honte.

Ne me faites pas plus honte, Ilhan.

C’était donc là tout ce qu’il lui inspirait : la honte ? Il s’était attendu à toutes les émotions, toutes les récriminations… sauf celle-là. Et elle le frappa de plein fouet, et manqua de peu de le faire totalement chanceler. Il garda la tête baissée, chassant les larmes traitresses qui lui serraient la gorge. Non, il ne les laisserait pas couler. Non, il ne montrerait pas l’affliction soudaine qui étreignait son coeur et le faisait saigner. Il saurait taire, et étouffer, cette émotion malvenue, et montrer, comme toujours, un masque lisse sur lequel tout glissait, même la pire des injures.

Il préféra toutefois ne pas relever son regard sombre sur sa Reine, de peur que sa résolution ne s’effrite et que, face à ce regard qu’il devinait polaire, les digues de son esprit ne se rompent. Jamais parole d’aucun suzerain ne l’avait autant atteint. Et c’était là un mauvais signe pour lui, car cela signifiait qu’il s’était trop attaché à sa Reine, son Intendante, cette femme si forte qu’il avait envie de porter au-delà de ce qu’elle prétendait. Il s’y était attaché, et ce contre tous ses si beaux principes qui l’avaient forgé toutes ces années. Était-il encore apte à la servir si son coeur parlait aussi fort que sa raison et s’il se montrait trop affligé de tels sentiments ? Pouvait-il encore rester à son service en toute décence ? Ou devrait-il, pour leur bien à tous deux, s’écarter ? Après tout, cela éviterait à sa Reine de lui infliger cette… honte… qu’il était soudain pour elle. N’est-il pas ?

Mais ne venait-elle pas de dire qu’elle voulait qu’il reste ? Qu’il reste. Malgré cela. Malgré la honte. Malgré tout ce qu’il lui avait révélé et ce que cela signifiait. Qu’il reste… mais qu’il le dise aussi au Conseil.

À ces mots, il ne put que fermer les yeux pour mieux encaisser. Il tenta alors de faire appel à son mantra intérieur pour chasser peine et peur qui soudain le happaient. Et sa Reine attendait maintenant une réponse de lui. Il ne pouvait garder silence ainsi. Il devait s’extirper, il devait chasser ce marasme d’émotions. Les emprisonner au fin fond de son for intérieur, tout au bout de cette immense forêt dense. Que les branches de son esprit se referment sur elles, et les enchevêtrent en leur racine à jamais. Oui, voilà, qu’elles refluent, que ce torrent revienne à son flux d’origine, plus petit, plus calme, plus intime… bien plus modeste et bien plus insignifiant.

Fort de ce petit interlude privé, il releva lentement, très lentement, la tête, et son regard de jais posa sur sa Reine des orbes vides de toute expression, un désert sombre s’étendant dans un infini intérieur, une longue étendue nue et dépourvue de toute lumière.

D’un sourire triste, il parvint enfin à lui répondre, d’une voix atone, aux accents trainants, mais éteints de toute leur richesse habituelle :

Je tacherai que la honte que je vous inflige n’atteigne jamais l’ampleur que fut la mienne il fut un temps, ma Reine.

Il laissa une discrète expiration lui échapper, tentant de desserrer l’étau qui le comprimait. Oui, si elle avait honte de lui en cet instant, lui aussi avait eu honte toutes ces années durant. Honte de devenir un traitre, un parjure, honte de se laisser souiller pour mieux jouer son jeu de dupe, honte oui. Une honte passée qui souvent, surtout en cet instant, revenait le hanter. Une honte qui avait un nom. Plusieurs en vérité, mais un résonnait plus encore que les autres. Un nom qu’il préférait taire, car même le susurrer en son esprit serait lui donner bien trop de réalité.

Je puis toutefois vous certifier que la Toile a une certaine éthique et tente d’agir avec autant de… probité… que possible.

En effet, parler de probité et d’espionnage était un jeu de funambule très délicat...

La Toile agit pour une cause commune, pour un bien commun, et fait fi de ses propres intérêts. Elle agit pour le peuple humain et souhaite lui assurer un avenir serein. C’est là la Grande œuvre qu’elle s’est fixée, folle utopie, et la droite ligne qu’elle tente de suivre, ma Reine.

Son regard n’avait toujours pas cillé, et sa voix restait toujours aussi dénuée de toute expression, bien loin de l’élan passionné qu’il avait pu lui offrir auparavant. Il n’en avait, en cet instant, plus la force, se sentant vide lui-même, comme sorti de sa coquille épuisée.

La Toile a, elle aussi, un certain honneur, malgré les apparences.

Il hésita un court instant à lui révéler un petit pan de son histoire, puis se décida, espérant que cela la rassurerait un tant soit peu sur leur possible "probité".

Quand j’ai décidé de me retirer du service des Kohan, la Toile s’est mise en sommeil. Personne n’a voulu reprendre le rôle du Tisseur. Personne n’a voulu prendre la relève, car la Toile ne souhaitait pas servir autre chose que le peuple humain. Et en ayant perdu foi en l’Empereur censé le guider alors, elle préférait se mettre en sommeil, s’éteindre voire mourir, plutôt que de servir ce en quoi elle ne croyait plus. Elle préférait mourir plutôt que de servir un Empire qui ne servait plus le peuple humain. Elle aurait pu choisir de le trahir, de fourbir dans l’ombre sa chute… mais elle ne voulait pas non plus se retourner contre un nom qu’elle avait, il fut un temps, fort respecté.

Il déglutit et baissa les yeux, sentant un lourd manteau de fatigue l’envelopper.

Quand vous êtes venu me chercher, j’ai vu soudain en vous… quelque chose. Un espoir. Fol espoir. Qu’un jour, oui, un jour, le peuple humain puisse retrouver sa gloire et son chemin. J’ai vu en vous la femme qui pourrait peut-être accomplir ce qu’aucun homme n’avait su réaliser.

Il releva ses yeux vers elle, ses orbes retrouvant un semblant de pétillement de passion, même s’il fallait fouiller au tréfonds de leurs ombres pour l’apercevoir.

La Toile a choisi alors de suivre la folie du Tisseur et de croire en vous aussi. Je ne sais si cela vous rassure un tant soit peu. Mais nous tentons d’agir, malgré toutes nos faiblesses humaines, pour une œuvre commune. Tout comme Delimar et tout comme vous. Nous ne sommes sans doute pas des enfants de coeur et faisons sans doute bien des erreurs, mais chaque fois nous tentons de retrouver le chemin que nous nous sommes fixé.

Il inspira lourdement, ferma un court instant les yeux. Très court. Pour les rouvrir en un semblant de détermination. Et de lassitude aussi.

Quant à le dire au Conseil… Cela n’était guère dans mes projets, je dois l’avouer. Plus de personnes seront au courant, et plus cela attisera le feu des rumeurs. Plus cela augmentera les risques aussi pour mes araignées. Mais… le bruit court déjà en Calastin quant à l’identité du Tisseur. Sans doute avez-vous raison, concéda-t-il en haussant les épaules. Mieux vaut-il peut-être que le Conseil soit mis au courant, avant que la rumeur ne lui parvienne, et qu’il ne se sente, lui aussi, trahi…

Après être la honte de sa Reine, il serait donc celle du Conseil, songea-t-il, retenant au dernier moment ces mots âpres qui lui venaient.

Puis, ses yeux se posèrent sur le livre. Ce cadeau honni sans doute. Un cadeau toutefois qu’il lui laisserait, quand bien même elle choisirait de ne pas l’accepter. Il s’apprêtait à lui tendre à nouveau, mais songea que tout contact avec lui pourrait la dégoûter, il choisit finalement de le lui poser à ses pieds. En un geste lent presque solennel, et caressa rapidement le livre avec une sorte de tendresse et de respect, avant de se relever.

Loin de moi l’idée de vous imposer ce présent, ma Reine. Mais, quand je parlais de non-mage, cela valait aussi pour les impuissants en magie. Ce livre puise dans la trame et toute personne, même incapable d’user de cette capacité, peut utiliser le livre. Il suffit d’écrire dedans son message ou de prononcer un mot de passe pour en lire le contenu. Le livre saura trouver l’énergie nécessaire dans la trame… l’environnement… pour faire son office. Mais je conçois que cet objet vous rebute et que vous pourriez ne pas l’accepter.

Il tira délicatement un petit sachet d’une de ses poches, puis alla le poser sur le livre, avec la même révérence solennelle.

J’avais également trouvé des graines d’un arbre particulier. Il se nomme le Sapik. Il s’agit d’un conifère qui a la propriété de rester toujours gelé, quel que soit le climat. Quand je l’ai trouvé, j’ai tout de suite pensé à votre ancienne Glacern et à la nostalgie que nourrissait les vôtres concernant vos climats enneigés, de blanc pur et de froid enivrés. Mais… Il s’agit d’un arbre magique. Je ne sais si cela plairait à Delimar.

C’était là un des pans qu’il peinait à déterminer en cette cité.

Mais son Intendante saura certainement ce que le coeur des siens approuverait. Vous pourrez choisir de les planter… ou de les brûler.

Se disant, il s’écarta d’un pas et offrit une petite inclinaison à sa Reine.

Je pense, ma Reine, que nous avons abordé tous les points de notre ordre du jour. Certainement, souhaitez-vous que…

Je vous soulage de la honte que je vous inflige, songea-t-il

Je prenne congé et vous laisse enfin en paix, fit-il à la place, tête toujours baissée, le buste très légèrement incliné. À moins que vous n’ayez d’autres choses à ajouter ou que vous ne souhaitiez aborder d’autres points d’intérêt.

descriptionReine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild] EmptyRe: Reine de Coeur ou Reine de Pique ? [PV Tryghild]

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Ah qu’elle détestait quand il faisait les yeux d’Althaïen battu.Ce qui était plus frustrant encore que simplement les yeux d’Althaïen battu, c’était de savoir qu’il ne le faisait même pas exprès et qu’elle ne pouvait donc pas vertement l’accuser d’essayer de la faire culpabiliser pour ce qu’elle disait. Elle en aurait pourtant eut envie ! Cela ne lui plaisait pas plus qu’à lui de devoir dire tout cela après tout ! Elle tint bon, cependant, et se refusa à culpabiliser. C’était dur, mais c’était ce qu’elle pensait en toute sincérité. Expirant lentement, très lentement, pour se contenir, elle le laissa parler, en se jurant de ne surtout pas changer d’avis. Et par Loup que c’était dur ! Muette et les dents serrées comme pour faire front, elle attendit qu’il termine et ne su que répondre dans un premier temps. Passé un certaine limite dans sa tolérance à l’émotivité, elle avait envie de fuir. Mais vu la tête qu’il faisait, il allait réellement le vivre mal si elle fichait le camp sans demander son reste. Et là, ça serait effectivement de sa faute à elle. “Il… Il faut que vous montriez comment on use de cet objet” Avec des gestes gauches, elle vint prendre le carnet et fit de son mieux pour ne pas le tenir comme un serpent venimeux. Puis, s’avisant que l’objet était certes déclaré mais pas en règle avec son nouveau possesseur, elle hésita. “Enfin, il faut d’abord que je le déclare en ma possession et que j’indique un usage estimatif mais… enfin si vous m’accompagnez, ça ne prendra pas très longtemps et après vous pourrez me montrer… s’il vous plaît” C’était le mieux qu’elle puisse faire pour essayer de le faire se détendre et lui faire comprendre que malgré son avis sur ses activités, elle ne le mettait pas dehors pour autant et qu’elle avait d’autres sujets où elle l’estimait davantage. Gauche et hésitante, elle reprit son ouvrage et vint le déposer à l’intérieur, puis revint pour prendre le carnet offert par Ilhan et lui fit un petit signe pour qu’il la suive. Elle remercia le cordonnier avant leur départ. Dans la rue, elle chercha tout d’abord ses mots, puis, comprenant finalement qu’une longue discussion ne servirait à rien, la nordique glissa simplement : “J’espère juste ne pas vous décevoir de la même manière que les Kohans

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