3 Février 1763
La brise jouait dans le tissu brodé de sa tunique, le faisant doucement ondoyer au rythme de la mélopée qui courait et tintinnabulait le long du foehn tandis qu'il se tenait, longue silhouette pâle dans son écrin chatoyant, au sein du jardin du souvenir. Tout autours de lui n'était qu'éclatante verdure, brillante de vie et savamment guidée pour venir enlacer de ses bras tortueux les sculptures et les arches de bois clair, offrant un semblant de sauvagerie aux constructions élégantes et choyées. Un ersatz de labyrinthe verdoyant protégeant ceux qui souhaitaient y trouver le repos, à la fraîcheur ombrée des spécimens venus du vieux continents dont ils avaient pu emporter des graines. De discrètes fontaines chantaient délicatement, apaisant l'équilibre ambiant et offrant une source de soulagement à la chaleur de l'île-savane, noyant le silence sans pour autant s'imposer, en une discrète rythmique qui berçait l'âme lasse de ses voyages. Il aimait ce lieu, et pas seulement parce qu'il détenait les cendres de sa défunte fille. Il se dégageait de lui quelque chose de singulier, qui parvenait même à atteindre son cœur caparaçonné dans son rayonnement intemporel. C'était aussi un lieu parfait pour toute âme alourdie par la vie, et c'était précisément la raison pour laquelle il avait décidé de l'inviter ici plutôt qu'ailleurs. Dans un cercle de lierre et de vigne grimpante, une petite table de bois laquée aux pieds arrondis avait été installée, sur un carré de lattes de bois de rose, entourée de coussins épais. Sur une table plus petite avait été installée une vasque formée dans une conque, un coquillage à l'extérieur d'un noir bleuté, et à l'intérieur nacré, remplit d'eau claire. Sur la principale surface, on avait disposé un repas simple mais choisi : des fruits frais, du pain, du fromage, des œufs non fécondés. Une vasque au haut bec, faite de céramique, ainsi que deux petites tasses de la même matière, blanche et peinte de rouge, se trouvait sur le bord droit. De temps en temps, une clochette tintait au loin, produisant un son cristallin et pur qui assainissait les vibrations du jardin du souvenir.
Le soleil jouait entre le dessin des feuilles, mouchetant la scène d'éclats d'or, de brun et de vert tandis qu'un parfum de lavande flottait dans l'air poudré. Dans la tranquillité ambiante, il entendit finalement le souffle discret de la présence marmoréenne, la prêtresse qui approchait lentement de lui. Pourtant, le barde attendit qu'elle apparaisse, figure d'ivoire et de jais, silhouette de clair obscur, pour se relever, lentement, écartant les pans aux bords richement brodés et décorés afin de ne pas marcher dessus, puis venant la saluer avec simplicité mais une gravité lacée dans toute sa posture, sa façon d'être. Après un bref instant à l'observer, à la détailler, quelque chose chez lui sembla s'adoucir, un tranchant à la limite de la conscience.
« Merci »
Elle aurait pu refuser, il ne l'avait pas un seul instant obligé à venir, elle avait choisit de son plein grès. Il y avait une raison pour cela, mais ça ne l'empêchait pas d'agir en hôte acceptable. La femme face à lui avait une histoire riche et profonde, et elle portait une marque ancienne qu'il ne pouvait que reconnaître. D'un geste, il l'invita à s'installer avec lui. Midi sonnait et il y avait de quoi se sustenter si elle le désirait. Lui-même retourna s'asseoir sur l'un des coussins et laissa, pendant quelques instants, le silence reprendre ses droits autours d'eux. Gardien, protecteur du Domaine, il savait tout ce qu'il s'y passait et acceptait ou refusait les entrées. Il savait donc quelque peu ce qui était récemment advenu de la prêtresse immaculée.
« Est-ce qu'elle vous manque ? »
Il ne suivait pas de stratégie particulière, mais la question lui était venue simplement, naturellement, d'un parent en deuil à un autre. Claïra était morte en couche, exactement comme Merÿl, en donnant naissance à un petit garçon. Il avait été impuissant à la sauver, et il n'avait pas même été présent pour ces derniers instants. Comment avait-elle fait son deuil ? L'avait-elle fait ? Il ne voulait pas simplement voler l'information par son chant-nom, il voulait connaître sa réponse. Les mots avaient une grande importance, ils montraient beaucoup au sujet d'un personne. L'information, sans tout ce qu'il y avait autours, sans l'unique de son être, ne lui était d'aucun intérêt.
« Regrettez-vous…. »
Quoi ? De ne pas avoir assez donné, d'être là à sa place ? Il ne savait pas, elle comprendrait certainement…
Le soleil jouait entre le dessin des feuilles, mouchetant la scène d'éclats d'or, de brun et de vert tandis qu'un parfum de lavande flottait dans l'air poudré. Dans la tranquillité ambiante, il entendit finalement le souffle discret de la présence marmoréenne, la prêtresse qui approchait lentement de lui. Pourtant, le barde attendit qu'elle apparaisse, figure d'ivoire et de jais, silhouette de clair obscur, pour se relever, lentement, écartant les pans aux bords richement brodés et décorés afin de ne pas marcher dessus, puis venant la saluer avec simplicité mais une gravité lacée dans toute sa posture, sa façon d'être. Après un bref instant à l'observer, à la détailler, quelque chose chez lui sembla s'adoucir, un tranchant à la limite de la conscience.
« Merci »
Elle aurait pu refuser, il ne l'avait pas un seul instant obligé à venir, elle avait choisit de son plein grès. Il y avait une raison pour cela, mais ça ne l'empêchait pas d'agir en hôte acceptable. La femme face à lui avait une histoire riche et profonde, et elle portait une marque ancienne qu'il ne pouvait que reconnaître. D'un geste, il l'invita à s'installer avec lui. Midi sonnait et il y avait de quoi se sustenter si elle le désirait. Lui-même retourna s'asseoir sur l'un des coussins et laissa, pendant quelques instants, le silence reprendre ses droits autours d'eux. Gardien, protecteur du Domaine, il savait tout ce qu'il s'y passait et acceptait ou refusait les entrées. Il savait donc quelque peu ce qui était récemment advenu de la prêtresse immaculée.
« Est-ce qu'elle vous manque ? »
Il ne suivait pas de stratégie particulière, mais la question lui était venue simplement, naturellement, d'un parent en deuil à un autre. Claïra était morte en couche, exactement comme Merÿl, en donnant naissance à un petit garçon. Il avait été impuissant à la sauver, et il n'avait pas même été présent pour ces derniers instants. Comment avait-elle fait son deuil ? L'avait-elle fait ? Il ne voulait pas simplement voler l'information par son chant-nom, il voulait connaître sa réponse. Les mots avaient une grande importance, ils montraient beaucoup au sujet d'un personne. L'information, sans tout ce qu'il y avait autours, sans l'unique de son être, ne lui était d'aucun intérêt.
« Regrettez-vous…. »
Quoi ? De ne pas avoir assez donné, d'être là à sa place ? Il ne savait pas, elle comprendrait certainement…