Découverte du repère du filou

Keetech fendait les eaux poissonneuses de la mer de la Reshenta, avec une aisance quasi similaires à celle laquelle elle se mouvait dans les cieux et qui lui avait valu le surnom de « reine des nuées ». Son corps gigantesques recouvert d’écailles, agitait la surface des flots, soulevant des nuages d’écumes et faisant naître des vagues immenses.

La Saurienne appréciait particulièrement ses baignades improvisées au sein de l’élément aqueux et profitait de l’agréable fraicheur des flots. Grace à sa respiration aquatique et à sa capacité à nager avec grâce à rapidité, Quartzécaille pouvait explorer les profondeurs abyssales au gré de ses envies.
Autour d’elle, le monde se transformait en un univers d’un bleu, semblable au firmament d’une nuit d’été, et cette dernière apercevait des bancs de poissons qui s’enfuyaient à toute vitesse après avoir croisé un tel monstre.

L’écailleuse pouvait également admirer les formes noirâtres de récifs sous-marins, sculptés depuis des milliers d’années par les courants marins, et admirer la singulière beauté de cet univers immergé sous les eaux et qui se révélait tout bonnement fascinant. Cette dernière s’émerveillait souvent de certaines de ses découvertes qu’elle faisait dans des endroits insolites où les courants marins se révélaient très puissants et causaient de nombreux naufrages. En ces lieux, la dragonne découvrait une myriade d’épaves de navires échoués à cause de la puissance de l’Océan, de la piraterie ou éventrés par les récifs.

Au milieu des débris de certains d’entre eux, celle-ci était parvenue à découvrir des objets rares et singuliers, qui l’interloquaient et l’amenait à se questionner sur le monde de ceux à qui ils appartenaient.

Il lui arrivait d’en conserver certains dont l’aspect se révélait particulièrement plaisant ou qui avaient titillé sa curiosité afin de les étudier et en apprendre davantage à leur sujet. Un jour, la fille des tempêtes avait même découvert des coffres remplis de pierreries près des Crocs-de-Givre et des sculptures de marbre représentant des bipèdes ou des animaux naturels ou imaginaires. Décidément, la fantaisie des deux-pattes la surprendrait toujours ainsi que les étranges objets qu’ils fabriquaient.

Quartzécaille continuait à nager dans les profondeurs océaniques ; soudain, celle-ci aperçut un banc de baleines qui nageait non loin d’elle. Les mammifères marins ne semblaient pas avoir remarqué sa présence et la Saurienne songea que c’était l’occasion rêvée de déguster l’un de ses mets préféré. Aussitôt, elle se mit en chasse de ses mastodontes des mers et parvint à saisir l’un d’entre eux entre sa mâchoire hérissée de crocs acérés.

La baleine se débattit violemment mais face à l’ultime prédateur que représentait la dragonne, elle n’avait aucune chance de se dépêtrer de ce piège mortel. Après une lutte perdue d’avance, l’animal agonisa et Keetech remonta à la surface, tenant sa proie dans sa gueule. Les flots qui l’entouraient arboraient à présent la teinte écarlate du sang et sa tête gigantesque, la seule partie de son corps qui émergeait de l’eau, la faisait ressembler à une monstrueuse créature marine.

Keetech poursuivait son avancée à travers l’environnement aqueux, traquant le banc de cétacés qui avait fui à son approche et cela jusqu’au moment où elle parvint à en capturer un, en le saisissant avec son immense mâchoire. Le mammifère marin se débattit vigoureusement avant de trépasser entre la gueule de cet horrifiant prédateur reptilien. La Saurienne goba rapidement sa proie, se repaissant de la saveur de la chair de la baleine qui constituait l’un de ses mets préférés et représentait une féerie culinaire pour ses papilles gustatives.

Elle étira son corps encore immergé sous les flots, se dégourdissant les membres après cette petite partie de chasse. Même si à vrai dire, ces baleines constituaient des proies des plus faciles pour une dragonne de son âge et de sa taille. C’était des amuse-gueules tout au plus. Après tout, les dragons n’étaient-ils pas les maitres de la terre, des cieux et de l’océan ? Aucune espèce ne leur était comparable.

Et si Quartzécaille ne s’investissait pas autant dans la chasse que sa fille Nynsith surnommée, à juste titre, la dragonne de la faim, elle n’en restait pas moins une chasseresse redoutable, capable de terrasser facilement ses proies. D’autant plus qu’un mammifère marin, même de la taille d’une baleine, n’était rien en comparaison de certaines créatures qui peuplaient les abysses.

Alors que l’écailleuse venait d’avaler son dîner, celle-ci aperçut une goélette qui parcourait les eaux. Il s’agissait de l’une de ces embarcations que les bipèdes utilisaient pour naviguer sur les flots et franchir les océans. Infortunées créatures aux capacités limitées, songea-t-elle en fixant le bateau d’un œil intrigué.

En effet, l’incapacité à nager efficacement et à voler des deux-pattes n’avait guère échappé à son redoutable sens de l’observation. Toutefois, ces bipèdes, peu gâtés par la nature, compensaient les faibles aptitudes mentales et physiques en créant d’étranges objets censés suppléer à leurs lacunes.
La dragonne de Quartz étendit son esprit jusqu’à eux, les enveloppant de son pouvoir télépathique. Tout d’un coup, l’écailleuse surprit dans l’esprit d’un des bipèdes des pensées qui ne lui plaisaient guère. Elle ? Un monstre marin ?

Keetech sentit naître en elle l’agacement et se promit de faire la leçon à cet ignare qui osait confondre la magnificence draconique avec les abominations qui se dissimulaient dans les profondeurs marines.

La reine des nuées se redressa et sortit une partie de son corps des eaux, dévoilant l’entièreté de sa tête, son cou et une partie de son poitrail. Ainsi émergée, elle était encore plus impressionnante et le soleil qui caressait ses écailles et ses cristaux de quartz la rendait étincelante et presque effrayante, comme une divinité vengeresse, née des amours de l’océan et d’un serpent géant.

En utilisant sa voix télépathique, Quartzécaille s’adressa avec sévérité au malheureux qui avait osé, sans doute par mégarde ou cécité, la prendre pour un monstre marin.

- Bonjour, jeune et ignorant bipède. Avant d’aller plus loin je me dois de rectifier ta méprise et de dissiper les brumes de ton ignorance. Je ne suis point un monstre marin mais une dragonne. J’appartiens à la plus belle et la plus noble des races qui habitent cet univers et je me nomme Keetech, connue sous le surnom de dragonne de Quartz. Excuse-toi immédiatement si tu veux que je pardonne ton insolence et que j’épargne ta misérable embarcation.