Kaiikathal
On aurait pu la nommer Wylorel, avec ses écailles d'eau, d'un bleu-vert profond et sombre, comme les profondeurs miroitantes d'un lac de montagne. Immergée, on croirait un courant vif et joueur, l'armure solide se fondant naturellement dans cet élément et lui donnant vie. Chaque écaille a sa propre irisation, sa propre nuance bien à elle, exactement comme chaque perle d'eau est différente sous le soleil. Lorsqu'elle vole ou marche hors de l'eau, cette parure chatoyante semble encore se couvrir d'un voile d'eau, un simple jeu de l’œil sur son long corps puissant. Lorsque l'ombre vient, on la distingue à peine, et sa magnificence devient plus humble, l'eau de son corps se fait plus obscur en réponse à la disparition de l'astre qui la complimente. L'Esprit-Wylorel au repos, ses écailles deviennent presque noire, comme le sein sacré des flots. Armure souple et parfaitement ajustée, ses écailles se meuvent avec elle, tant dans ses mouvements que dans sa gloire ou son oubli. Lorsque l'une d'elles se détache naturellement, elle devient transparente, et ternie. Mais ce qui ne ternit en aucun cas, c'est la crête qui la couronne, plus flamboyante et plus fière que la couronne d'une quelconque royauté. D'un or en fusion et pourtant poudré, sa base tire vers le cuivre là ou son extrémité s'illumine avec férocité sous la lumière. Scintillante d'éclats nuancé, cette crête est aussi mobile, pouvant se déployer ou se replier consciemment. A l'éclosion, elle orne seulement la petite tête serpentine, mais avec l'âge, elle est amenée à se déployer le long de l'arrête dorsale, s'achevant sur sa queue par un bouquet de lances annelées aux pointes de vieil or et aux racines de lapis.
De solide constitution, même pour un dragon, la Marche-Tempête possède un corps excessivement musculeux, noueux et puissant mais pas excessivement imposant. Sinueuse, elle tient en cela plus du serpent que du saurien, une impression renforcée par son museau légèrement triangulaire et ses mouvements ondoyants lorsqu'elle se déplace sur ses pattes ou dans l'eau. Élancée, la dragonne possède des pattes plus longues que la plupart des dragons, alors que ses ailes sont plus courtes, aux jointures plus puissantes et aux bords extérieurs barbelés de petits piquants tranchants. Ses griffes puissantes ont une base d'un noir profond, et des pointes dorées, comme sa crête. Ces pointes sont protégées par des écailles supplémentaires, barbelées, qui renforcent leur résistance et leur efficacité. Des pointes barbelées similaires ornent également l'arrondit de sa mâchoire tandis que des piques annelés et courbés entourent sa ligne dorsale comme autant de gardes vigilantes. Quatre longue cornes prolongent le mouvement sinueux de sa tête. Deux prennent naissance proches de ses yeux, massives et droites, elles entourent le haut de sa crête et sont couvertes d'écailles à la couleur sensiblement plus claire que celle de son corps. Les deux autres prennent naissance dans le bouquet de sa crête, plus courtes, bien qu'imposantes, elles sont également annelées. Plus jeune, encore proche de l'éclosion, le poids de ces armes naturelles fait souvent pencher le petit corps, la poussant à se renforcer et à développer les muscles nécessaires autant pour se défendre contre ses adversaires que pour porter ses propres attributs. D'une démarche vacillante, et nerveuse, elle prend petit à petit de la force et de l'assurance mais conservera toujours une forme d'ondoiement, de sinuosité. En grandissant, cette impression se fera prédatrice, vorace, joueuse.
Taillée pour le combat au corps à corps, ses flammes restent très loin d'être impressionnantes même si elles peuvent tout de même faire mal. Plus fraîche que beaucoup de ses congénères, ses écailles sont à peine tièdes au toucher, alors que son regard de lave et d'or, lui, est brûlant comme la gueule d'un volcan en éruption. Alors même qu'elle est une liée de naissance, la profondeur rayonnante de son regard n'a rien de bipède. Sauvage et acéré, il pétille souvent de façon joueuse, mais qui rirait de ce jeu, cela reste à voir.
Le lien l'a-t-il adoucit, cette créature sauvage et majestueuse, ombrageuse et prédatrice ? Si c'est le cas, cela n'apparaît pas au premier regard. A l'image des dragon sauvages, la Marche-Tempête est une créature différente, étrangère par sa pensée, et fière. Plongée pendant plus d'un millénaire dans la mémoire draconique qui l'a bercée, et plongée à corps perdu dans ses instincts les plus profonds pour échapper à la manipulation des Chimères, Kaiikathal aura énormément de mal à s'adapter au mode de pensée des bipèdes et n'y parviendra peut-être jamais vraiment. Peut-être pourra-t-elle en comprendre la définition, suivre leurs discussions et apprendre, avec force efforts, mais elle ne pourra jamais se sentir à son aise avec cet univers bien trop petit pour elle. Les émotions des bipèdes sont de petites choses parfois complètement incompréhensibles et illogiques, leurs aspirations futiles à son regard et leurs mœurs tout simplement obscures. Leurs normes et leurs moules ne peuvent la contenir, glissant sur elle comme l'eau sur ses écailles. Elle ne se reconnaît pas dans tout cela et questionne trop leurs façons. Elle est différente d'eux, foncièrement, et si elle ne juge pas avant d'en apprendre plus, il est certain qu'elle ne se sent pas à l'aise et n'a pas l'intention de se laisser enchaîner par leurs lois. Suivant les lois de ses ancêtres, elle vogue uniquement au grès de sa mémoire ancestrale et de ses puissants instincts, elle aime sa liberté, et veut s'établir comme une dragonne matriarche lorsqu'elle en aura les moyens. Faire son nid, établir sa nuée, n'est-ce pas naturel ? Prouver sa force au monde et à ses pairs, voilà ce qu'elle a en tête. Le cycle du monde est immortel, omnipotent, il faut y trouver sa place, prédateur ou proie, le fuir st impensable.
Et pourtant, il y a une chose qui provient du monde bipède et qui fait exception à sa façon toute draconique de voir le monde : le lien. Le lien et ce qu'il lui a apporté. La Marche-Tempête a subit de terribles sévices aux griffes des Chimères, des sévices dont les marques sont visibles, dans son corps et son âme. Le lien l'a sauvé, sa puissance a exalté en elle tout ce qu'elle était et lui a donné la force d'attendre son âme-facette, cet être rien que pour elle, son dragonnier. Elle aime le lien, il lui a sauvé plus que la vie, cette intégrité si chère aux dragons sauvages, et à toute créature de ce monde. Grâce au lien, elle a repoussé l'influence de Néant et des Chimères. Grâce à l'assurance que son dragonnier viendrait à elle, qu'il ne pouvait l'abandonner. Bien qu'elle ait l'esprit d'un dragon sauvage, Kaiikathal défendra le lien car à ses yeux, il a été plus puissant que le pouvoir d'un dieu. Il est une réponse, une chance. Et elle aime son dragonnier, l'idéalisant au-delà de tout, bien trop pour ne pas être déçue à un moment ou un autre. Elle le voit comme un être parfait, mais selon sa perfection à elle, avec ses idées à elle et son esprit à elle. Peu importe ce que les autres bipèdes disent de son lié, il est son étoile et l'être duquel elle est la plus proche. Lui seul pourrait la comprendre pleinement et lui seul la complète. Ensemble, ils sont forcément invincibles. Ensemble, ils établiront leur nuée sur le monde s'ils le veulent. Pour autant, ce n'est pas parce qu'elle l'idolâtre ainsi qu'elle volera à son secoure pour une broutille. Une partie de son appréciation vient de l'assurance que son dragonnier est une créature forte, un prédateur, et qu'à ce titre, il peut se débrouiller sans elle pour s'occuper de la majorité de ses tracas.
Sa mémoire, qu'elle conserve avec une tenace rancune, n'a pas effacé ses tourments et elle reste très méfiante envers la majorité des bipèdes, car elle tend à en confondre une partie avec les Chimères qui l'ont torturé. Elle n'ira pas naturellement vers eux, dans la grande majorité des cas, et n’entretiendra qu'un échange de surface. Même si ils ne sont pas tous des Chimères, leurs crimes sont très nombreux. Seuls quelques rares individus auront la chance de changer sa façon de les voir, des individus aux qualités réelles, ou qui auront mit beaucoup de patience à l'approcher, longuement, pour lui montrer qu'ils ne sont pas nocifs. Elle les mettra à l'épreuve, tous autant qu'ils sont, et privilégiera la qualité à la quantité. Elle recherche quelque chose, en elle comme dans ceux qu'elle met à l'épreuve, le feu premier, le feu primaire, primal même, de l'existence, la puissance d'une âme dans tout sa splendeur, illuminée de sa rage de vivre. Elle a survécu à un sort odieux, et son destin de dragonne force de la nature se retrouve dans son mental et dans la voix de ses ancêtres qui la pousse en avant. Les dragons sauvages se lancent souvent des défis, et en attendant de découvrir ceux de l'archipel, elle s'est résolue à se lancer elle-même ses défis. Elle veut se confronter à toutes les forces du monde, elle veut se dépasser, devenir toujours plus forte, dévorer la vie qu'on lui a offerte avec une féroce sincérité, elle veut voir ces terres, en apprendre tous les secrets. Elle a le goût de la victoire et d'une saine rivalité, tous ceux capables de penser ainsi auront droit à son regard, et s'ils parviennent à remporter ses mises à l'épreuve, alors peut-être auront-ils la chance de devenir plus que de simples connaissances. La rivalité et le courage, la force de caractère, voilà ce qui permet de se dépasser, de grandir, et n'a-t-elle pas un monde à emplir ? Son sauvage abandon peut cependant devenir problématique, parfois, car elle ne maîtrise pas très bien sa force.
Elle aime gagner. Peut-être trop ? Perdre ne lui plaît pas et elle n'avouera pas facilement sa défaite, même apparente. Et si elle se montrera meilleure joueuse face aux forces de Tiamaranta, les bipèdes la verront parfois être très mauvaise perdante. Mais ce sont des bipèdes. En revanche, ce que les bipèdes font très bien, c'est l'or. Ce métal doré, fondu pour faire des pièces, des bijoux, est une merveille. Cela, elle veut bien l'admettre, ils ont réussi à rendre quelque chose d'existant encore plus beau, ce qui n'est pas courant. L'or la fascine. Cela lui rappel sa coquille, mais pas seulement. Cela éveille beaucoup de choses indéfinissables en elle, reliées pour la plupart à ses rêves d'avant l'éclosion, et à la mémoire de ses ancêtres. Mais ce n'est pas uniquement l'or comme tel. Les bijoux, les pierres précieuses, sont autant de breloques qui plaisent à son œil. Bien vite, elle cherchera à s'approprier ces richesses, trouvant dans leurs éclats chatoyant un souvenir d'éclats d'écailles de centaines de couleurs différentes. Une nuée. Voilà c qu'elle voit dans ces objets précieux. Les restes d'une nuée. Ces veines dont à extrait les gemmes et le métal qui ornent ces humains futiles, n'étaient-ce pas auparavant des dragons ? Elle en a l'impression à tort ou à raison. Elle se laisse bercer par ces scintillements, ces couleurs, comme si elle pouvait soudain voler avec tant d'autres dragons. Un temps où son espèce gouvernait et assombrissait les cieux. Avant de pouvoir retrouver les siens, elle fera de ces trésors son domaine, les couvant et les dorlotant. Elle réunira le plus grand trésor de l'Archipel et qui sait, peut-être s'ouvrira-t-elle à d'autres formes de préciosité ? En attendant, les éclats apaisent son esprit à la violence aisée, éclairant son ciel orageux de quelques rayons de lumière.
Proche de toute forme de source d'eau, elle passera énormément de temps immergée, ou proche de la mer et des lacs. Adoptant un régime alimentaire souvent marin, elle cherchera autant sa liberté et sa force dans les cieux que sous les flots. L'exploration des fonds marins la fascinera, et elle se sentira très à l'aise dans cet environnement. Elle trouve un écho de sa mer, dans les flots, comme si son esprit avait rejoint Océan plutôt que Mort, et plus que les bipèdes, la mer sait la bercer et la calmer, absorbant son feu pour lui offrir un autre monde infini dans lequel s'ébattre.
Identité et caractéristiques
- Sexe : Femelle
- Surnom : La Marche-Tempête
- Date de ponte : Deuxième âge
- Date d'éclosion : Encore non éclos
- Age : 0
- Lieu de naissance : Archipel de Tiamaranta
- Lieu de vie : Archipel de Tiamaranta
- Force : Bon
- Endurance : Très bon
- Coordination (agilité/réflexe) : Moyen
- Furtivité : Faible
- Perception : Moyen
Caractéristiques physiques
- Force mentale : Très bon
- Education : Moyen
- Charisme : Moyen
- Intuition : Faible
- Espérance/chance : Moyen
Caractéristiques mentales
- Résistance physique : Bon
- Résistance magique : Moyen
Résistances
- Vol : Moyen
- Dracosire : Inné
- Craché de feu : Très faible
- Combat au sol : Bon
- Combat en vol : Moyen
Compétences
Description physique
On aurait pu la nommer Wylorel, avec ses écailles d'eau, d'un bleu-vert profond et sombre, comme les profondeurs miroitantes d'un lac de montagne. Immergée, on croirait un courant vif et joueur, l'armure solide se fondant naturellement dans cet élément et lui donnant vie. Chaque écaille a sa propre irisation, sa propre nuance bien à elle, exactement comme chaque perle d'eau est différente sous le soleil. Lorsqu'elle vole ou marche hors de l'eau, cette parure chatoyante semble encore se couvrir d'un voile d'eau, un simple jeu de l’œil sur son long corps puissant. Lorsque l'ombre vient, on la distingue à peine, et sa magnificence devient plus humble, l'eau de son corps se fait plus obscur en réponse à la disparition de l'astre qui la complimente. L'Esprit-Wylorel au repos, ses écailles deviennent presque noire, comme le sein sacré des flots. Armure souple et parfaitement ajustée, ses écailles se meuvent avec elle, tant dans ses mouvements que dans sa gloire ou son oubli. Lorsque l'une d'elles se détache naturellement, elle devient transparente, et ternie. Mais ce qui ne ternit en aucun cas, c'est la crête qui la couronne, plus flamboyante et plus fière que la couronne d'une quelconque royauté. D'un or en fusion et pourtant poudré, sa base tire vers le cuivre là ou son extrémité s'illumine avec férocité sous la lumière. Scintillante d'éclats nuancé, cette crête est aussi mobile, pouvant se déployer ou se replier consciemment. A l'éclosion, elle orne seulement la petite tête serpentine, mais avec l'âge, elle est amenée à se déployer le long de l'arrête dorsale, s'achevant sur sa queue par un bouquet de lances annelées aux pointes de vieil or et aux racines de lapis.
De solide constitution, même pour un dragon, la Marche-Tempête possède un corps excessivement musculeux, noueux et puissant mais pas excessivement imposant. Sinueuse, elle tient en cela plus du serpent que du saurien, une impression renforcée par son museau légèrement triangulaire et ses mouvements ondoyants lorsqu'elle se déplace sur ses pattes ou dans l'eau. Élancée, la dragonne possède des pattes plus longues que la plupart des dragons, alors que ses ailes sont plus courtes, aux jointures plus puissantes et aux bords extérieurs barbelés de petits piquants tranchants. Ses griffes puissantes ont une base d'un noir profond, et des pointes dorées, comme sa crête. Ces pointes sont protégées par des écailles supplémentaires, barbelées, qui renforcent leur résistance et leur efficacité. Des pointes barbelées similaires ornent également l'arrondit de sa mâchoire tandis que des piques annelés et courbés entourent sa ligne dorsale comme autant de gardes vigilantes. Quatre longue cornes prolongent le mouvement sinueux de sa tête. Deux prennent naissance proches de ses yeux, massives et droites, elles entourent le haut de sa crête et sont couvertes d'écailles à la couleur sensiblement plus claire que celle de son corps. Les deux autres prennent naissance dans le bouquet de sa crête, plus courtes, bien qu'imposantes, elles sont également annelées. Plus jeune, encore proche de l'éclosion, le poids de ces armes naturelles fait souvent pencher le petit corps, la poussant à se renforcer et à développer les muscles nécessaires autant pour se défendre contre ses adversaires que pour porter ses propres attributs. D'une démarche vacillante, et nerveuse, elle prend petit à petit de la force et de l'assurance mais conservera toujours une forme d'ondoiement, de sinuosité. En grandissant, cette impression se fera prédatrice, vorace, joueuse.
Taillée pour le combat au corps à corps, ses flammes restent très loin d'être impressionnantes même si elles peuvent tout de même faire mal. Plus fraîche que beaucoup de ses congénères, ses écailles sont à peine tièdes au toucher, alors que son regard de lave et d'or, lui, est brûlant comme la gueule d'un volcan en éruption. Alors même qu'elle est une liée de naissance, la profondeur rayonnante de son regard n'a rien de bipède. Sauvage et acéré, il pétille souvent de façon joueuse, mais qui rirait de ce jeu, cela reste à voir.
Description psychologique
Le lien l'a-t-il adoucit, cette créature sauvage et majestueuse, ombrageuse et prédatrice ? Si c'est le cas, cela n'apparaît pas au premier regard. A l'image des dragon sauvages, la Marche-Tempête est une créature différente, étrangère par sa pensée, et fière. Plongée pendant plus d'un millénaire dans la mémoire draconique qui l'a bercée, et plongée à corps perdu dans ses instincts les plus profonds pour échapper à la manipulation des Chimères, Kaiikathal aura énormément de mal à s'adapter au mode de pensée des bipèdes et n'y parviendra peut-être jamais vraiment. Peut-être pourra-t-elle en comprendre la définition, suivre leurs discussions et apprendre, avec force efforts, mais elle ne pourra jamais se sentir à son aise avec cet univers bien trop petit pour elle. Les émotions des bipèdes sont de petites choses parfois complètement incompréhensibles et illogiques, leurs aspirations futiles à son regard et leurs mœurs tout simplement obscures. Leurs normes et leurs moules ne peuvent la contenir, glissant sur elle comme l'eau sur ses écailles. Elle ne se reconnaît pas dans tout cela et questionne trop leurs façons. Elle est différente d'eux, foncièrement, et si elle ne juge pas avant d'en apprendre plus, il est certain qu'elle ne se sent pas à l'aise et n'a pas l'intention de se laisser enchaîner par leurs lois. Suivant les lois de ses ancêtres, elle vogue uniquement au grès de sa mémoire ancestrale et de ses puissants instincts, elle aime sa liberté, et veut s'établir comme une dragonne matriarche lorsqu'elle en aura les moyens. Faire son nid, établir sa nuée, n'est-ce pas naturel ? Prouver sa force au monde et à ses pairs, voilà ce qu'elle a en tête. Le cycle du monde est immortel, omnipotent, il faut y trouver sa place, prédateur ou proie, le fuir st impensable.
Et pourtant, il y a une chose qui provient du monde bipède et qui fait exception à sa façon toute draconique de voir le monde : le lien. Le lien et ce qu'il lui a apporté. La Marche-Tempête a subit de terribles sévices aux griffes des Chimères, des sévices dont les marques sont visibles, dans son corps et son âme. Le lien l'a sauvé, sa puissance a exalté en elle tout ce qu'elle était et lui a donné la force d'attendre son âme-facette, cet être rien que pour elle, son dragonnier. Elle aime le lien, il lui a sauvé plus que la vie, cette intégrité si chère aux dragons sauvages, et à toute créature de ce monde. Grâce au lien, elle a repoussé l'influence de Néant et des Chimères. Grâce à l'assurance que son dragonnier viendrait à elle, qu'il ne pouvait l'abandonner. Bien qu'elle ait l'esprit d'un dragon sauvage, Kaiikathal défendra le lien car à ses yeux, il a été plus puissant que le pouvoir d'un dieu. Il est une réponse, une chance. Et elle aime son dragonnier, l'idéalisant au-delà de tout, bien trop pour ne pas être déçue à un moment ou un autre. Elle le voit comme un être parfait, mais selon sa perfection à elle, avec ses idées à elle et son esprit à elle. Peu importe ce que les autres bipèdes disent de son lié, il est son étoile et l'être duquel elle est la plus proche. Lui seul pourrait la comprendre pleinement et lui seul la complète. Ensemble, ils sont forcément invincibles. Ensemble, ils établiront leur nuée sur le monde s'ils le veulent. Pour autant, ce n'est pas parce qu'elle l'idolâtre ainsi qu'elle volera à son secoure pour une broutille. Une partie de son appréciation vient de l'assurance que son dragonnier est une créature forte, un prédateur, et qu'à ce titre, il peut se débrouiller sans elle pour s'occuper de la majorité de ses tracas.
Sa mémoire, qu'elle conserve avec une tenace rancune, n'a pas effacé ses tourments et elle reste très méfiante envers la majorité des bipèdes, car elle tend à en confondre une partie avec les Chimères qui l'ont torturé. Elle n'ira pas naturellement vers eux, dans la grande majorité des cas, et n’entretiendra qu'un échange de surface. Même si ils ne sont pas tous des Chimères, leurs crimes sont très nombreux. Seuls quelques rares individus auront la chance de changer sa façon de les voir, des individus aux qualités réelles, ou qui auront mit beaucoup de patience à l'approcher, longuement, pour lui montrer qu'ils ne sont pas nocifs. Elle les mettra à l'épreuve, tous autant qu'ils sont, et privilégiera la qualité à la quantité. Elle recherche quelque chose, en elle comme dans ceux qu'elle met à l'épreuve, le feu premier, le feu primaire, primal même, de l'existence, la puissance d'une âme dans tout sa splendeur, illuminée de sa rage de vivre. Elle a survécu à un sort odieux, et son destin de dragonne force de la nature se retrouve dans son mental et dans la voix de ses ancêtres qui la pousse en avant. Les dragons sauvages se lancent souvent des défis, et en attendant de découvrir ceux de l'archipel, elle s'est résolue à se lancer elle-même ses défis. Elle veut se confronter à toutes les forces du monde, elle veut se dépasser, devenir toujours plus forte, dévorer la vie qu'on lui a offerte avec une féroce sincérité, elle veut voir ces terres, en apprendre tous les secrets. Elle a le goût de la victoire et d'une saine rivalité, tous ceux capables de penser ainsi auront droit à son regard, et s'ils parviennent à remporter ses mises à l'épreuve, alors peut-être auront-ils la chance de devenir plus que de simples connaissances. La rivalité et le courage, la force de caractère, voilà ce qui permet de se dépasser, de grandir, et n'a-t-elle pas un monde à emplir ? Son sauvage abandon peut cependant devenir problématique, parfois, car elle ne maîtrise pas très bien sa force.
Elle aime gagner. Peut-être trop ? Perdre ne lui plaît pas et elle n'avouera pas facilement sa défaite, même apparente. Et si elle se montrera meilleure joueuse face aux forces de Tiamaranta, les bipèdes la verront parfois être très mauvaise perdante. Mais ce sont des bipèdes. En revanche, ce que les bipèdes font très bien, c'est l'or. Ce métal doré, fondu pour faire des pièces, des bijoux, est une merveille. Cela, elle veut bien l'admettre, ils ont réussi à rendre quelque chose d'existant encore plus beau, ce qui n'est pas courant. L'or la fascine. Cela lui rappel sa coquille, mais pas seulement. Cela éveille beaucoup de choses indéfinissables en elle, reliées pour la plupart à ses rêves d'avant l'éclosion, et à la mémoire de ses ancêtres. Mais ce n'est pas uniquement l'or comme tel. Les bijoux, les pierres précieuses, sont autant de breloques qui plaisent à son œil. Bien vite, elle cherchera à s'approprier ces richesses, trouvant dans leurs éclats chatoyant un souvenir d'éclats d'écailles de centaines de couleurs différentes. Une nuée. Voilà c qu'elle voit dans ces objets précieux. Les restes d'une nuée. Ces veines dont à extrait les gemmes et le métal qui ornent ces humains futiles, n'étaient-ce pas auparavant des dragons ? Elle en a l'impression à tort ou à raison. Elle se laisse bercer par ces scintillements, ces couleurs, comme si elle pouvait soudain voler avec tant d'autres dragons. Un temps où son espèce gouvernait et assombrissait les cieux. Avant de pouvoir retrouver les siens, elle fera de ces trésors son domaine, les couvant et les dorlotant. Elle réunira le plus grand trésor de l'Archipel et qui sait, peut-être s'ouvrira-t-elle à d'autres formes de préciosité ? En attendant, les éclats apaisent son esprit à la violence aisée, éclairant son ciel orageux de quelques rayons de lumière.
Proche de toute forme de source d'eau, elle passera énormément de temps immergée, ou proche de la mer et des lacs. Adoptant un régime alimentaire souvent marin, elle cherchera autant sa liberté et sa force dans les cieux que sous les flots. L'exploration des fonds marins la fascinera, et elle se sentira très à l'aise dans cet environnement. Elle trouve un écho de sa mer, dans les flots, comme si son esprit avait rejoint Océan plutôt que Mort, et plus que les bipèdes, la mer sait la bercer et la calmer, absorbant son feu pour lui offrir un autre monde infini dans lequel s'ébattre.
Histoire
L'oeuf sombra, emporté par le courant, pour se loger dans un bras du fleuve Wylorel, coincé entre deux branches, tandis que les cieux vibraient d'une rage sans pareil et que son monde s'obscurcissait. Lentement, le silence se mit à emplir l'espace autours de la solide coquille couleur d'or. Bientôt, il ne resta plus que l'eau, berçant doucement, caressant tendrement. Il ne resta plus que les rêves, et dans les flots rougis, un nom pour protection, jusqu'à ce qu'une main bipède ne vienne soulever l’œuf hors de ce nid improvisé. L'ironie, cet art purement bipède, se repaîtrait certainement de tout cela si le seul esprit bipède conscient en cet instant de l’occurrence n'était pas la proie de la rage et du bellicisme le plus violent qui soit. Loin au-dessus du courant fier du fleuve, le dragonnier et sa partenaire observait le massacre sans aucune idée de ce que l'avenir réservait à cette quantité si négligeable qu'ils avaient abandonnés. Leur ombre disparut du ciel d'eau de Kaiikathal… pour ne jamais y revenir.
Il ne restait alors que Wylorel pour veiller sur l’œuf d'or en sommeil. Mais Wylorel n'avait pas toujours été un fleuve. Pas uniquement. Wylorel était le nom de sa mère, une dragonne aux écailles d'un bleu mirifique, changeant sous la lumière. Une dragonne sauvage résidant sur les côtes du vieux continent, près de ce qui deviendrait bien plus tardivement, Lyssa la Vagabonde. Et lorsque les elfes vinrent à poser pieds en ces terres et à s'y établirent, eux qui devaient donner des noms aux choses qui n'en avaient pas besoin, ou qui en possédaient déjà, sombres et secrets, ils nommèrent le grand fleuve Wylorel en hommage à l'ancestrale dragonne. Mais Wylorel, bien qu'étant un être sauvage était également méfiante et fière, et elle ne désirait pas s'approcher de ces êtres qui marchaient sur deux pattes et semblaient si frêles bien qu'ils usaient de magie. Elle ne faisait pas partie des dragons ayant aidé les elfes en premier lieu, et lorsque les guerres avec les vampires éclatèrent, elle ne s'en mêla pas.
Elle aurait été parmi les premiers dragons à quitter le continent, si elle n'avait fait partie d'une nuée, et si cette nuée n'avait pas eut besoin d'elle. Elle serait partie, si en ce temps, à mi-chemin entre guerre et paix, elle n'avait pas eut trois œufs avec elle. Après les massacres causés par les bipèdes, Wylorel quitta son ancien nid et s'installa plus loin des humains, afin que ses petits puissent éclore en paix. Mais les humains ne cessaient de s'étendre et les dragonniers les protégeaient. Et il vint un temps où la dragonne fut contrainte de se battre pour protéger ces éclats de vie auxquels elle tenait plus qu'à tout, car parmi les dragonniers, certains chassaient volontairement les dragons sauvages, aveuglés par le voile de la guerre et de la malfaisance. Le plus passionné de tous, Faëlin Evanaelle, utilisa l'agressivité de Wylorel à protéger son nid pour la pourchasser, la tuer et lui voler ses œufs. Il ne réussit que partiellement, pour autant, car alors même que la dragonne tombait, il ne put récupérer qu'un seul œuf sur les trois. Le second fut détruit dans le combat, tandis que le troisième…
Sombrait.
Un mouvement, lent et régulier, faussement berçant. Un mouvement sans nom, uniquement perçu, ressentit, par le petit être qui s'éveillait enfin d'un long, si long sommeil. L’œuf roulait légèrement, de droite et de gauche, sur un rythme de paresseux balancier, la mer pour berceau et pour sombre geôle, l'obscurité en complice avérée. Là, au dehors, dans l'étreinte furieuse de l'océan, voguait l'Armada du clair obscur, les hérauts de la destruction, et sur l'une de ces esquifs ballottées par la mugissante puissance d'une déesse morte, l’œuf reposait, un sac de toile et une boîte pour tout écrin, solidement gardé, occulté aux regards pour l'instant où il servirait. Mais la conscience bourgeonnante encore protégée de sa coquille d'or brossé n'avait nullement conscience de ce décor de fin du monde, son esprit prenait lentement le pas sur la nuit de son long sommeil, se déployant lentement, très lentement, comme la corolle d'une fleur rare ou les rubans d'une algue profonde. Repliée sous la surface brillante, le dragonnet attendait, sentant confusément que son étoile se rapprochait. Là, quelque part à l'extérieur, l'attendait un être très spécial, un être rien que pour elle. Elle l'avait sentit, dans les méandres de son sommeil millénaire, une pulsation profonde et vive à la fois, une empreinte qui faisait vibrer la coquille protectrice de son cocon, la musique-qui-n'en-était-pas de sa présence toute proche. L'avait-elle sentie, cette personne rien qu'à elle, lorsqu'elle se rapprochait, comme elle le ressentait ? Avait-elle perçu ce frémissement, comme l'on retient son souffle en un instant fatidique ? Avait-elle entendue l'onde portant le chant de ce cœur immensément minuscule qui palpitait déjà pour elle ? Mais elle n'était pas restée, cette personne spéciale, chaque fois, l'esprit encore engourdit l'avait sentit s'éloigner, l'abandonnant là, à son sommeil peuplé de couleurs et des formes aussi familières qu'inconnues, bras aimants d'un rêve emplit des chuchotis de ses ancêtres. Mais cette fois, c'était différent. Les rêves s'éclaircissaient, le vrombissement profond des esprits du passé s'étiolait lentement, remplacé par le silence et l'attente.
Très bientôt. Il sera là très bientôt
Les mots n'étaient pas des mots, mais la pensée en convoyait le sens, l'attente était là, trépidante. Dans le silence et l'attente, le petit esprit en éveil cherchait à se raccrocher à son imaginaire, se dessinant la personne qu'il attendait de ses moyens encore gauches et brouillons. Il y avait d'autres consciences, entre son étoile et elle, néanmoins, des consciences étranges, comme des tâches dans son univers psychique, comme des vides béants, à l'impression vorace. A l'impression mauvaise. Ces consciences, ces tâches, étaient comme des éraflures sur son œuf, le bruit atroce de serres crissant sur la surface chatoyante. A moins que ces serres ne soient bien réelles ? Le contact rugueux et aiguë cinglait son cocon chaud, l'emprise vide se referait soudain sur elle et son cœur palpitait alors de toutes autres sensations. Le petit être aurait aimé pouvoir reculer, s'éloigner de ce contact étrange et nauséabond, dont les échos créaient dans son esprit de sombres vrilles sinueuses, froides et chitineuses, mais il était prit au pièce dans son écrin, retenu dans cet espace clos que seule la présence de son étoile pourrait vaincre. La conscience s'emplit de plus en plus, des tâches apparaissent comme autant d'ombres hideuses projetées en elle et son esprit se rétracte, ne voulant pas toucher ces choses. Elle n'a alors nulle conscience des formes d'oiseaux disgracieux et défigurés, des corps suintant et encore moins des yeux méphitiques se posant sur l'ovale brossé et gracieux qui la sépare du monde qui ne l'a pas encore accueillie. Elle n'a alors nulle conscience des intentions hérétiques convoyées vers ce qu'elle est. Elle n'a d'ailleurs aucune conscience de ce qu'elle est, ne connaissant que ce que la voix ancienne contait sans mots, par les images et les ressentis d'un rêve millénaire, antique, par une mémoire dans laquelle elle baignait naturellement. Elle n'avait nul terme pour se décrire, elle était 'elle' et il y avait l'extérieur, au-delà-de-l'or, et bien plus loin encore, il y avait sa personne rien que pour elle. Pourtant, malgré cette naïve hébétude naturelle, Kaiikathal ressentit l'approche. Et la déchirure.
Quelque chose, provenant de ces tâches de la conscience, s'approcha d'elle. Quelque chose prend possession de son cocon, du don-de-mère qui la protège. Cette impression renouvelée, griffe raclant la surface, éraillant, dans un bruit de silex et d'ardoise torturée. Du mouvement, de nouveau, plus vif, cette fois, plus soudain. Il ne le berçait pas. Cela dure un moment, sa conscience s'étend et se rétracte chaque fois qu'elle touche une de ces tâches, si proches à présent, tellement proches ! Puis l'immobilité, le monde s'est emplit de tâches, elles s'étirent, comme des ombres projetées sur la lueur de son cocon doré, déformées. Son esprit frémit alors que le monde change autours d'elle. Son étoile ? Est-ce son étoile qui s'approche ? Est-ce la personne qu'elle attend depuis tout ce temps ? Quelque chose la touche, quelque chose d'étrange, sinueux, quelque chose que son âme fébrile et innocente a tout d'abord prit pour son élu, son autre part, celle qui réchauffe son univers. Un instant, le dragonnet avance son esprit vers l'étrange vrille qui se développe et cherche à l'enlacer, par curiosité, par naïveté, par confiance. Mais la chose est vide, creuse et pire encore, la sensation la glace, menaçant de souffler le feu de son cœur draconique, puis la révulse, elle qui ne connaît pas encore l'idée même de répugnance. Au sein de son œuf, Kaiikathal s'agite, son instinct et sa mémoire ancestrale se rebellant contre ce qui l'approchait. Pour le petit être encore vulnérable, et portant pourtant la précieuse lueur de la magie, ce qui envahissait si fermement son espace, son essence, était révoltant, incompréhensiblement étranger, et, instinctivement, le dragonnet chercha le réconfort de la lueur qu'il attendait depuis si longtemps. Cette lueur ferait forcément la différence, elle pourrait forcément dissiper cette impression d'ombre qui approchait, elle remplirait forcément ce vide, elle était faite pour. Et pourtant… quelque chose clochait, quelque chose qui, soudainement, faisait jour en son esprit embrouillé et vulnérable. Un doute. Sa lumière, son étoile, elle… était là ? Est-ce qu'elle s'était trompée ? Si elle était là, peut-être alors ce sentiment de vide venait-il de son erreur ?
Lentement, alors qu'une chape pulsante, vibrante, mirifique de magie l'enlaçait et la couvrait, la petite créature vit le sentiment de vide, le sentiment d'erreur, et de méfiance disparaître au profit d'une incrédule certitude : celui qu'elle attendait se trouvait ici. Comment n'avait-elle pas pu le voir auparavant ? Elle se serait épargnée bien des peines si seulement elle avait comprit plus tôt. Il lui suffisait de suivre l'impression, de remplir le vide, de se laisser couler dedans pour le combler. L'absence disparaîtrait rapidement sous le flot de ce qui la berçait, l'enivrait, l'amadouait. Bien sûr, c'était tellement évident à présent, elle le sentait, là juste derrière cette barrière, elle n'avait qu'à tendre son être vers lui. Cette ombre, ce n'en était pas une, pas une tâche, c'était une lumière ignorée. Et elle voulait cette lumière. Elle voulait l'être qu'on lui destinait. Il était là, là ! Il suffisait de suivre l'impression, de suivre la pulsation, elle se faisait de plus en plus présente, de lus en plus vibrante, elle enveloppait son monde lentement et l'emplissait, l'emplissait tellement qu'elle ne sentait plus que cela. Plus rien n'avait d'importance, ni les autres tâches, ni ces fausses impressions, rien ! Pas même… pas même cette aube, là au loin ? Pas même ce chant qui la portait soudain ? Une dissonance dans sa soudaine plénitude, comme si tout cela était trop parfait pour être réaliste. Sa conscience bourgeonnante et pourtant exaltée de la proximité de son âme-facette se figea, frémissante, puis s'intéressa de plus près à ce qui fleurissait en elle et autours d'elle. Suspendu entre deux fils de magie, entre deux fils de destin, en équilibre précaire entre vide et profusion, l'héritière des seigneurs du ciel se tourna vers ce que son inconscient chuchotait de son âme-facette, de son étoile tant attendue. Elle voulait être certaine qu'il serait bien tel qu'elle l'attendait, tel que ses antiques songes le dépeignait. Elle tenta maladroitement de projeter ces inspirations viscérales sur ce qui rayonnait sur elle alors, de superposer les formes, les sensations, l'énergie même qui émanait de son esprit et de cette présence toute proche. Et alors elle sut. Et alors elle comprit. Ce n'était pas son âme-facette. La certitude vint briser l'impression de découverte incrédule et surprise comme un coup de tonnerre.
Comme au sortir d'une noyade, elle eut l'impression de se fracasser sur une surface à la fois solide et souple, et son esprit encore faible dévora l'espace alentours alors qu'une pensée puissante frappait en elle comme un gong, l'enserrait comme un étau. Ce n'était pas lui ! Ce n'était pas lui ! Rejetant l'idée, elle essaya de se détourner des présences extérieures, de leur interdire sa proximité. Pourtant, à l'instant même où elle avait l'impression d'y parvenir, le doute revint, plus fort encore, lacée de cette impression de manque, de vide qui la faisait souffrir. Son âme-facette était là, semblait-il et elle la refusait. Elle n'avait qu'à se laisser faire pour que la peine cesse. Mais dès qu'elle tentait d'observer de près la présence qui se rapprochait plus encore, elle se heurtait encore une fois à cette certitude qu'il ne s'agissait pas de l'être qu'elle attendait. Sans notion de temps, l'infini s'étirait pour elle dans cette boucle de plus en plus insupportable de doute, de vide, d'étrangeté en son âme et en son corps engourdi, endormi, puis d'espoir, et de rejet désespéré. La présence et la tâche ne cessaient de grandir, de l'assaillir, changeant toujours d'angle de pénétration tout en continuant d'assaillir la part la plus vulnérable de son être : son espoir. Sa force et sa faiblesse, son atout et sa chute. Les suggestions étaient là, l'abandon semblait d'or, être chérie là tout de suite, laisser le vide se combler de son Don et elle ne serait plus seule, elle ne serait plus vide. Mais elle savait que c'était un piège, que c'était une tromperie, une erreur et qu'elle ne pouvait se laisser aller. Elle supportait, de toute la force de son petit être, de son petit cœur qu'elle tendait vers une seule personne. Chaque fois, la boucle la dépouillait un peu plus de sa force, de sa résistance, chaque fois elle était plus fatiguée et moins prompte, alors elle plongeait profondément dans ses souvenirs, dans la promesse scellée en elle, dans ces rêves d'écume qu'elle faisait. Quand l'impression de manque et de solitude devenait trop intense, elle se laissait envahir par les images-formes et les images-couleurs qu'elle associait à son âme-facette. Elle plongeait dans la sensation éblouissante, fébrile, qu'elle avait ressentit dans ses rares instants d'éveils, lorsque sa présence l'avait frôlé.
Jamais son âme-facette ne serait une tâche, comme ces choses tout près, comme cette chose qui essayait de se faire passer pour son lié, elle était une brume blanche et mousseuse sur une surface miroitante et mouvante à la profondeur impensable. Jamais son âme-facette ne serait ce son horrible qui rayait et crissait et déchirait, elle était un soupire profond, grondant, et un éclat chaud comme la lumière qu'elle percevait faiblement, et un craquement riche, sec et soudain. Jamais son âme-facette ne serait ce vide qui l'affolait et qui lui demandait de le remplir, elle était entière, elle était forte et déterminée, elle n'avait pas besoin d'être remplie par sa présence, ils devaient se compléter. Chaque jour, elle s'accrochait, à la promesse de sa fermeté lorsqu'elle serait dans ses bras, à la férocité qu'ils partageraient, à la liberté qu'ils goûteraient. Son âme-facette était plus forte que ces tâches, elle les dévorerait pour faire cesser son calvaire, elle ne la laisserait pas là. Elle devait juste tenir assez longtemps pour rejoindre la lumière. Son âme-facette l'attendait là-bas, elle le savait. Prisonnière dans ce cocon devenu cage, Kaiikathal se noyait dans son propre esprit et pour chaque instant de manque, elle rêvait son lié, pour chaque instant de souffrance incompréhensible, elle se préparait à le trouver. Ensemble, ils chasseraient, ensemble ils voleraient, ensemble, ils feraient disparaître les tâches. Ils iraient où ils voudraient, et rien ne viendrait les arrêter. Elle ne ressentirait plus jamais la peine et le manque quand son autre facette serait là. Elle entendait presque les battements de son coeur, elle voulait tendre son être et l'attraper, imprimer en lui que jamais, jamais, jamais elle ne le laisserait, et son autre facette ne voulait pas qu'elle parte évidemment ! Il n'y aurait rien, rien du tout entre eux ! Ils allaient se retrouver, ils allaient se retrouver ! Il le fallait, son âme-facette n'allait pas l'abandonner, elle viendrait forcément ! Elle allait manger toutes ces tâches une bonne fois pour toute !
Le temps n'existait pas. Seul le cycle existait. Seule l'âme-facette existait. Lentement, le désespoir de Kaiikathal devint rage et défi, violence. Lentement, elle s'éveillait et brûlait, illuminée de l'intérieur par la ferveur démentielle d'un lien qu'elle consumait et sublimait, l'écho de son cri psychique cherchant son lié avec passion. Près d'elle, il y avait un autre esprit qui subissait les mêmes tourments, et inconsciemment, la Tempétueuse avait adopté cet esprit comme sa sœur-espoir, comme une part d'elle-même. Dans ses vœux, dans les promesses mugissantes qu'elle crachait à la face de ses tortionnaires, elle jurait que, très bientôt, elle serait complète, que son lié viendrait à elle pour la délivrer et qu'ensemble ils détruiraient ceux qui lui faisait du mal et qu'ils sauveraient sa sœur. Elle le sentait, instinctivement, magnifiquement. Il approchait. Son lié. Il serait bientôt là, très bientôt. Il n'y aurait plus de manque, de vide, plus de tâches, plus de prison pour elle et sa sœur-espoir. Très bientôt oui, cela pulsait en elle, une promesse à laquelle se raccrocher avec toujours plus d'abandon. Bientôt il n'y aurait plus rien que son ressenti, la liberté, la force, cette surface miroitante que ses souvenirs ébauchaient. Ils noieraient tout le reste. Ils noieraient le cycle.
Et au dehors, la tempête mugissait, hurlement d'Océan.
Une brisure, dans la trame de son cycle, une lueur, si proche, toute proche, et elle s'agitait soudainement dans son œuf, dans cette coquille prison. Son âme-facette était là, elle était là ! Son lié allait enfin la rejoindre, se mêler à elle et ils détruiraient toute cette obscurité ensemble. Le vide allait enfin se combler et elle ne ressentirait plus jamais de souffrance. Elle devait le rejoindre, il allait venir, elle devait sortir, elle devait… elle devait… Cela bougeait. Cela bougeait bien trop. Tout sembla trembler, secouer, puis elle sentit son âme-facette s'éloigner. Quelque chose en elle hurla, de rage et de terreur. Non ! Cela ne se pouvait ! Elle devait le rejoindre, ils allaient enfin être réunis… enfin… quelles étaient ces nouvelles ombres, différentes mais semblables ? C'était cette même sensation étrange, une chose, un être, qui s'approchait et engloutissait sa coquille dans l'obscurité. Elle était en colère, une ire sans nom, sans forme, une ire comme un rugissement psychique silencieux qui se répercutait sur la coquille sans parvenir à s'en extraire. Mais la lueur de son âme-facette existait encore. La sensation de sa présence se faisait plus précise. Il était là, il viendrait. Il devait venir. Sinon, tout cela n'aurait pas eut de sens.
Il ne restait alors que Wylorel pour veiller sur l’œuf d'or en sommeil. Mais Wylorel n'avait pas toujours été un fleuve. Pas uniquement. Wylorel était le nom de sa mère, une dragonne aux écailles d'un bleu mirifique, changeant sous la lumière. Une dragonne sauvage résidant sur les côtes du vieux continent, près de ce qui deviendrait bien plus tardivement, Lyssa la Vagabonde. Et lorsque les elfes vinrent à poser pieds en ces terres et à s'y établirent, eux qui devaient donner des noms aux choses qui n'en avaient pas besoin, ou qui en possédaient déjà, sombres et secrets, ils nommèrent le grand fleuve Wylorel en hommage à l'ancestrale dragonne. Mais Wylorel, bien qu'étant un être sauvage était également méfiante et fière, et elle ne désirait pas s'approcher de ces êtres qui marchaient sur deux pattes et semblaient si frêles bien qu'ils usaient de magie. Elle ne faisait pas partie des dragons ayant aidé les elfes en premier lieu, et lorsque les guerres avec les vampires éclatèrent, elle ne s'en mêla pas.
Elle aurait été parmi les premiers dragons à quitter le continent, si elle n'avait fait partie d'une nuée, et si cette nuée n'avait pas eut besoin d'elle. Elle serait partie, si en ce temps, à mi-chemin entre guerre et paix, elle n'avait pas eut trois œufs avec elle. Après les massacres causés par les bipèdes, Wylorel quitta son ancien nid et s'installa plus loin des humains, afin que ses petits puissent éclore en paix. Mais les humains ne cessaient de s'étendre et les dragonniers les protégeaient. Et il vint un temps où la dragonne fut contrainte de se battre pour protéger ces éclats de vie auxquels elle tenait plus qu'à tout, car parmi les dragonniers, certains chassaient volontairement les dragons sauvages, aveuglés par le voile de la guerre et de la malfaisance. Le plus passionné de tous, Faëlin Evanaelle, utilisa l'agressivité de Wylorel à protéger son nid pour la pourchasser, la tuer et lui voler ses œufs. Il ne réussit que partiellement, pour autant, car alors même que la dragonne tombait, il ne put récupérer qu'un seul œuf sur les trois. Le second fut détruit dans le combat, tandis que le troisième…
Sombrait.
* * *
Un mouvement, lent et régulier, faussement berçant. Un mouvement sans nom, uniquement perçu, ressentit, par le petit être qui s'éveillait enfin d'un long, si long sommeil. L’œuf roulait légèrement, de droite et de gauche, sur un rythme de paresseux balancier, la mer pour berceau et pour sombre geôle, l'obscurité en complice avérée. Là, au dehors, dans l'étreinte furieuse de l'océan, voguait l'Armada du clair obscur, les hérauts de la destruction, et sur l'une de ces esquifs ballottées par la mugissante puissance d'une déesse morte, l’œuf reposait, un sac de toile et une boîte pour tout écrin, solidement gardé, occulté aux regards pour l'instant où il servirait. Mais la conscience bourgeonnante encore protégée de sa coquille d'or brossé n'avait nullement conscience de ce décor de fin du monde, son esprit prenait lentement le pas sur la nuit de son long sommeil, se déployant lentement, très lentement, comme la corolle d'une fleur rare ou les rubans d'une algue profonde. Repliée sous la surface brillante, le dragonnet attendait, sentant confusément que son étoile se rapprochait. Là, quelque part à l'extérieur, l'attendait un être très spécial, un être rien que pour elle. Elle l'avait sentit, dans les méandres de son sommeil millénaire, une pulsation profonde et vive à la fois, une empreinte qui faisait vibrer la coquille protectrice de son cocon, la musique-qui-n'en-était-pas de sa présence toute proche. L'avait-elle sentie, cette personne rien qu'à elle, lorsqu'elle se rapprochait, comme elle le ressentait ? Avait-elle perçu ce frémissement, comme l'on retient son souffle en un instant fatidique ? Avait-elle entendue l'onde portant le chant de ce cœur immensément minuscule qui palpitait déjà pour elle ? Mais elle n'était pas restée, cette personne spéciale, chaque fois, l'esprit encore engourdit l'avait sentit s'éloigner, l'abandonnant là, à son sommeil peuplé de couleurs et des formes aussi familières qu'inconnues, bras aimants d'un rêve emplit des chuchotis de ses ancêtres. Mais cette fois, c'était différent. Les rêves s'éclaircissaient, le vrombissement profond des esprits du passé s'étiolait lentement, remplacé par le silence et l'attente.
Très bientôt. Il sera là très bientôt
Les mots n'étaient pas des mots, mais la pensée en convoyait le sens, l'attente était là, trépidante. Dans le silence et l'attente, le petit esprit en éveil cherchait à se raccrocher à son imaginaire, se dessinant la personne qu'il attendait de ses moyens encore gauches et brouillons. Il y avait d'autres consciences, entre son étoile et elle, néanmoins, des consciences étranges, comme des tâches dans son univers psychique, comme des vides béants, à l'impression vorace. A l'impression mauvaise. Ces consciences, ces tâches, étaient comme des éraflures sur son œuf, le bruit atroce de serres crissant sur la surface chatoyante. A moins que ces serres ne soient bien réelles ? Le contact rugueux et aiguë cinglait son cocon chaud, l'emprise vide se referait soudain sur elle et son cœur palpitait alors de toutes autres sensations. Le petit être aurait aimé pouvoir reculer, s'éloigner de ce contact étrange et nauséabond, dont les échos créaient dans son esprit de sombres vrilles sinueuses, froides et chitineuses, mais il était prit au pièce dans son écrin, retenu dans cet espace clos que seule la présence de son étoile pourrait vaincre. La conscience s'emplit de plus en plus, des tâches apparaissent comme autant d'ombres hideuses projetées en elle et son esprit se rétracte, ne voulant pas toucher ces choses. Elle n'a alors nulle conscience des formes d'oiseaux disgracieux et défigurés, des corps suintant et encore moins des yeux méphitiques se posant sur l'ovale brossé et gracieux qui la sépare du monde qui ne l'a pas encore accueillie. Elle n'a alors nulle conscience des intentions hérétiques convoyées vers ce qu'elle est. Elle n'a d'ailleurs aucune conscience de ce qu'elle est, ne connaissant que ce que la voix ancienne contait sans mots, par les images et les ressentis d'un rêve millénaire, antique, par une mémoire dans laquelle elle baignait naturellement. Elle n'avait nul terme pour se décrire, elle était 'elle' et il y avait l'extérieur, au-delà-de-l'or, et bien plus loin encore, il y avait sa personne rien que pour elle. Pourtant, malgré cette naïve hébétude naturelle, Kaiikathal ressentit l'approche. Et la déchirure.
Quelque chose, provenant de ces tâches de la conscience, s'approcha d'elle. Quelque chose prend possession de son cocon, du don-de-mère qui la protège. Cette impression renouvelée, griffe raclant la surface, éraillant, dans un bruit de silex et d'ardoise torturée. Du mouvement, de nouveau, plus vif, cette fois, plus soudain. Il ne le berçait pas. Cela dure un moment, sa conscience s'étend et se rétracte chaque fois qu'elle touche une de ces tâches, si proches à présent, tellement proches ! Puis l'immobilité, le monde s'est emplit de tâches, elles s'étirent, comme des ombres projetées sur la lueur de son cocon doré, déformées. Son esprit frémit alors que le monde change autours d'elle. Son étoile ? Est-ce son étoile qui s'approche ? Est-ce la personne qu'elle attend depuis tout ce temps ? Quelque chose la touche, quelque chose d'étrange, sinueux, quelque chose que son âme fébrile et innocente a tout d'abord prit pour son élu, son autre part, celle qui réchauffe son univers. Un instant, le dragonnet avance son esprit vers l'étrange vrille qui se développe et cherche à l'enlacer, par curiosité, par naïveté, par confiance. Mais la chose est vide, creuse et pire encore, la sensation la glace, menaçant de souffler le feu de son cœur draconique, puis la révulse, elle qui ne connaît pas encore l'idée même de répugnance. Au sein de son œuf, Kaiikathal s'agite, son instinct et sa mémoire ancestrale se rebellant contre ce qui l'approchait. Pour le petit être encore vulnérable, et portant pourtant la précieuse lueur de la magie, ce qui envahissait si fermement son espace, son essence, était révoltant, incompréhensiblement étranger, et, instinctivement, le dragonnet chercha le réconfort de la lueur qu'il attendait depuis si longtemps. Cette lueur ferait forcément la différence, elle pourrait forcément dissiper cette impression d'ombre qui approchait, elle remplirait forcément ce vide, elle était faite pour. Et pourtant… quelque chose clochait, quelque chose qui, soudainement, faisait jour en son esprit embrouillé et vulnérable. Un doute. Sa lumière, son étoile, elle… était là ? Est-ce qu'elle s'était trompée ? Si elle était là, peut-être alors ce sentiment de vide venait-il de son erreur ?
Lentement, alors qu'une chape pulsante, vibrante, mirifique de magie l'enlaçait et la couvrait, la petite créature vit le sentiment de vide, le sentiment d'erreur, et de méfiance disparaître au profit d'une incrédule certitude : celui qu'elle attendait se trouvait ici. Comment n'avait-elle pas pu le voir auparavant ? Elle se serait épargnée bien des peines si seulement elle avait comprit plus tôt. Il lui suffisait de suivre l'impression, de remplir le vide, de se laisser couler dedans pour le combler. L'absence disparaîtrait rapidement sous le flot de ce qui la berçait, l'enivrait, l'amadouait. Bien sûr, c'était tellement évident à présent, elle le sentait, là juste derrière cette barrière, elle n'avait qu'à tendre son être vers lui. Cette ombre, ce n'en était pas une, pas une tâche, c'était une lumière ignorée. Et elle voulait cette lumière. Elle voulait l'être qu'on lui destinait. Il était là, là ! Il suffisait de suivre l'impression, de suivre la pulsation, elle se faisait de plus en plus présente, de lus en plus vibrante, elle enveloppait son monde lentement et l'emplissait, l'emplissait tellement qu'elle ne sentait plus que cela. Plus rien n'avait d'importance, ni les autres tâches, ni ces fausses impressions, rien ! Pas même… pas même cette aube, là au loin ? Pas même ce chant qui la portait soudain ? Une dissonance dans sa soudaine plénitude, comme si tout cela était trop parfait pour être réaliste. Sa conscience bourgeonnante et pourtant exaltée de la proximité de son âme-facette se figea, frémissante, puis s'intéressa de plus près à ce qui fleurissait en elle et autours d'elle. Suspendu entre deux fils de magie, entre deux fils de destin, en équilibre précaire entre vide et profusion, l'héritière des seigneurs du ciel se tourna vers ce que son inconscient chuchotait de son âme-facette, de son étoile tant attendue. Elle voulait être certaine qu'il serait bien tel qu'elle l'attendait, tel que ses antiques songes le dépeignait. Elle tenta maladroitement de projeter ces inspirations viscérales sur ce qui rayonnait sur elle alors, de superposer les formes, les sensations, l'énergie même qui émanait de son esprit et de cette présence toute proche. Et alors elle sut. Et alors elle comprit. Ce n'était pas son âme-facette. La certitude vint briser l'impression de découverte incrédule et surprise comme un coup de tonnerre.
Comme au sortir d'une noyade, elle eut l'impression de se fracasser sur une surface à la fois solide et souple, et son esprit encore faible dévora l'espace alentours alors qu'une pensée puissante frappait en elle comme un gong, l'enserrait comme un étau. Ce n'était pas lui ! Ce n'était pas lui ! Rejetant l'idée, elle essaya de se détourner des présences extérieures, de leur interdire sa proximité. Pourtant, à l'instant même où elle avait l'impression d'y parvenir, le doute revint, plus fort encore, lacée de cette impression de manque, de vide qui la faisait souffrir. Son âme-facette était là, semblait-il et elle la refusait. Elle n'avait qu'à se laisser faire pour que la peine cesse. Mais dès qu'elle tentait d'observer de près la présence qui se rapprochait plus encore, elle se heurtait encore une fois à cette certitude qu'il ne s'agissait pas de l'être qu'elle attendait. Sans notion de temps, l'infini s'étirait pour elle dans cette boucle de plus en plus insupportable de doute, de vide, d'étrangeté en son âme et en son corps engourdi, endormi, puis d'espoir, et de rejet désespéré. La présence et la tâche ne cessaient de grandir, de l'assaillir, changeant toujours d'angle de pénétration tout en continuant d'assaillir la part la plus vulnérable de son être : son espoir. Sa force et sa faiblesse, son atout et sa chute. Les suggestions étaient là, l'abandon semblait d'or, être chérie là tout de suite, laisser le vide se combler de son Don et elle ne serait plus seule, elle ne serait plus vide. Mais elle savait que c'était un piège, que c'était une tromperie, une erreur et qu'elle ne pouvait se laisser aller. Elle supportait, de toute la force de son petit être, de son petit cœur qu'elle tendait vers une seule personne. Chaque fois, la boucle la dépouillait un peu plus de sa force, de sa résistance, chaque fois elle était plus fatiguée et moins prompte, alors elle plongeait profondément dans ses souvenirs, dans la promesse scellée en elle, dans ces rêves d'écume qu'elle faisait. Quand l'impression de manque et de solitude devenait trop intense, elle se laissait envahir par les images-formes et les images-couleurs qu'elle associait à son âme-facette. Elle plongeait dans la sensation éblouissante, fébrile, qu'elle avait ressentit dans ses rares instants d'éveils, lorsque sa présence l'avait frôlé.
Jamais son âme-facette ne serait une tâche, comme ces choses tout près, comme cette chose qui essayait de se faire passer pour son lié, elle était une brume blanche et mousseuse sur une surface miroitante et mouvante à la profondeur impensable. Jamais son âme-facette ne serait ce son horrible qui rayait et crissait et déchirait, elle était un soupire profond, grondant, et un éclat chaud comme la lumière qu'elle percevait faiblement, et un craquement riche, sec et soudain. Jamais son âme-facette ne serait ce vide qui l'affolait et qui lui demandait de le remplir, elle était entière, elle était forte et déterminée, elle n'avait pas besoin d'être remplie par sa présence, ils devaient se compléter. Chaque jour, elle s'accrochait, à la promesse de sa fermeté lorsqu'elle serait dans ses bras, à la férocité qu'ils partageraient, à la liberté qu'ils goûteraient. Son âme-facette était plus forte que ces tâches, elle les dévorerait pour faire cesser son calvaire, elle ne la laisserait pas là. Elle devait juste tenir assez longtemps pour rejoindre la lumière. Son âme-facette l'attendait là-bas, elle le savait. Prisonnière dans ce cocon devenu cage, Kaiikathal se noyait dans son propre esprit et pour chaque instant de manque, elle rêvait son lié, pour chaque instant de souffrance incompréhensible, elle se préparait à le trouver. Ensemble, ils chasseraient, ensemble ils voleraient, ensemble, ils feraient disparaître les tâches. Ils iraient où ils voudraient, et rien ne viendrait les arrêter. Elle ne ressentirait plus jamais la peine et le manque quand son autre facette serait là. Elle entendait presque les battements de son coeur, elle voulait tendre son être et l'attraper, imprimer en lui que jamais, jamais, jamais elle ne le laisserait, et son autre facette ne voulait pas qu'elle parte évidemment ! Il n'y aurait rien, rien du tout entre eux ! Ils allaient se retrouver, ils allaient se retrouver ! Il le fallait, son âme-facette n'allait pas l'abandonner, elle viendrait forcément ! Elle allait manger toutes ces tâches une bonne fois pour toute !
Le temps n'existait pas. Seul le cycle existait. Seule l'âme-facette existait. Lentement, le désespoir de Kaiikathal devint rage et défi, violence. Lentement, elle s'éveillait et brûlait, illuminée de l'intérieur par la ferveur démentielle d'un lien qu'elle consumait et sublimait, l'écho de son cri psychique cherchant son lié avec passion. Près d'elle, il y avait un autre esprit qui subissait les mêmes tourments, et inconsciemment, la Tempétueuse avait adopté cet esprit comme sa sœur-espoir, comme une part d'elle-même. Dans ses vœux, dans les promesses mugissantes qu'elle crachait à la face de ses tortionnaires, elle jurait que, très bientôt, elle serait complète, que son lié viendrait à elle pour la délivrer et qu'ensemble ils détruiraient ceux qui lui faisait du mal et qu'ils sauveraient sa sœur. Elle le sentait, instinctivement, magnifiquement. Il approchait. Son lié. Il serait bientôt là, très bientôt. Il n'y aurait plus de manque, de vide, plus de tâches, plus de prison pour elle et sa sœur-espoir. Très bientôt oui, cela pulsait en elle, une promesse à laquelle se raccrocher avec toujours plus d'abandon. Bientôt il n'y aurait plus rien que son ressenti, la liberté, la force, cette surface miroitante que ses souvenirs ébauchaient. Ils noieraient tout le reste. Ils noieraient le cycle.
Et au dehors, la tempête mugissait, hurlement d'Océan.
* * *
Une brisure, dans la trame de son cycle, une lueur, si proche, toute proche, et elle s'agitait soudainement dans son œuf, dans cette coquille prison. Son âme-facette était là, elle était là ! Son lié allait enfin la rejoindre, se mêler à elle et ils détruiraient toute cette obscurité ensemble. Le vide allait enfin se combler et elle ne ressentirait plus jamais de souffrance. Elle devait le rejoindre, il allait venir, elle devait sortir, elle devait… elle devait… Cela bougeait. Cela bougeait bien trop. Tout sembla trembler, secouer, puis elle sentit son âme-facette s'éloigner. Quelque chose en elle hurla, de rage et de terreur. Non ! Cela ne se pouvait ! Elle devait le rejoindre, ils allaient enfin être réunis… enfin… quelles étaient ces nouvelles ombres, différentes mais semblables ? C'était cette même sensation étrange, une chose, un être, qui s'approchait et engloutissait sa coquille dans l'obscurité. Elle était en colère, une ire sans nom, sans forme, une ire comme un rugissement psychique silencieux qui se répercutait sur la coquille sans parvenir à s'en extraire. Mais la lueur de son âme-facette existait encore. La sensation de sa présence se faisait plus précise. Il était là, il viendrait. Il devait venir. Sinon, tout cela n'aurait pas eut de sens.
Liens
- Nathaniel Earendil, son lié : Il est tout pour elle, bien qu'elle ne l'ait pas encore rencontré. Pour elle, il est sa perfection et ce qui l'a sauvé. Sans lui, elle aurait sombré, sans le moindre doute. Kaiikathal attend avec impatience sa venue qui sera pour elle la levée des dernières chaînes qui la contraigne. Elle s'est raccrochée à lui avec une telle force qu'elle l'idéalise et ne s'attend pas le moins du monde à trouver autre chose que ce qu'elle attend très exactement. Ensemble, ils seront les plus forts. Ensemble, ils seront libres. Mais encore faut-il qu'on cesse de l'éloigner d'elle !
- Nahui, compagne de désespoir : Kaikkathal savait qu'il y avait sa sœur d'espoir, bien qu'elle ne sache pas grand-chose d'elle en fin de compte. Une vague tâche bien plus claire que les autres, et la sensation de ce vide intense chez elle également. Elle a disparue à présent, Kaiikathal ne la sent plus, et cela l'inquiète. Et si les tâches avaient finit par la happer ? Et si le vide l'avait dévoré ? Dès que son âme-facette l'aura libéré, ils iront la retrouver, c'est sûr et certain. Elle ne laissera pas sa sœur d'espoir disparaître s'il n'est pas trop tard.
- Honor Harrington : Ce n'est pas le sens dans lequel il fallait aller ! Son âme-facette partait à l'opposé ! A moins que ce ne soit volontaire ? Oui, certainement, c'est volontaire. Cette nouvelle tâche travaille avec les autres, elles sont assemblées. Mais son âme-facette viendra et lui reprendra son œuf pour la libérer. Elle n'a aucune confiance en cette impression être, essence, qu'elle sent au moment où les autres tâches s'éloignent. Mais l'impression reste la même et ne cessait de s'amplifier. Son âme-facette s'éloignait et ne ressemblait pas à cette nouvelle tâche… une nouvelle tâche qui semblait réinventer son vide. Elle la haïssait.
- Wylorel et Tesseleth : Deux dragons sauvages, ses parents. Wylorel était une dragonne bleue, elle fut tuée alors qu'elle tentait de protéger ses œufs contre le dragonnier Faëlin Evanaelle, reconnu pour ses crimes contre les dragons sauvages. Tesseleth était un dragon doré qui décida de quitter le vieux continent après la mort de sa partenaire et la disparition de ses petits. Il est peut-être encore en vie, sur le continent des dragons.
Derrière le clavier
- Petite présentation : C'est madame poulpe
- Particularité RP ? comme d'hab
- Rythme RP ? J'essaye plus de comprendre mon rythme, la dcïte a raison de moi T_T
- Comment as-tu découvert le forum ? Suis déjà dessus *le couve*
- As-tu signé le reglement ? Ouaip'