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descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyUn écho par delà les flots - PV Aldaron

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Seconde semaine d'Avril 1763


Le silence des fonds marins avait quelque chose de reposant, mais à mesure que le soleil disparaissait à la surface miroitante de vagues pour ne laisser que le linceul d’une obscurité opaque, la quiétude se transforma progressivement en une angoisse pesante. Le site archéologique immergé qu’il avait découvert récemment s’offrait à son regard comme l’image miroitante d’un rêve confus. Les colonnades mangées d’algues et de corails se dressaient comme les côtes d’un monstre éventré, enfouit dans un sable noir volcanique. Les habitations n’étaient que des ruines et les rues jadis pavées ne ressemblaient plus qu’à des langues grisâtres rongées par une végétation fournie, enrichie par un sol fertile et une température d’eau clémente grâce aux cheminées brûlantes de quelques conduits souterrains directement reliés au ventre rugissant de Tiamat.

Depuis plusieurs jours, Purnendu plongeait au plus haut du cycle solaire afin de bénéficier de la meilleure visibilité possible. Son kattumaram projetait son ombre racée au dessus de lui et l’ancre à l’épais cordage lui servait d’unique lien entre les profondeurs et la surface. Il s’aidait de la corde pour descendre rapidement, mais aussi pour remonter lorsque sa besace était pleine ou que ses poumons criaient pitié. En cet instant, il venait tout juste d’atteindre le nouveau palier qu’il s’était imposait et ses griffes s’accrochaient sur une fresque à moitié effacée dont quelques gravures en or subsistaient. Ses yeux dévoraient chaque détail afin qu’il puisse, plus tard, coucher sur papier cette merveille du passé. Alors qu’il passait les coussinets sur une zone rongée par des bernicles, il vit une ombre apparaître soudainement derrière lui.

Aussitôt le félin fit volte-face, doigts crispés afin de rendre ses griffes aussi menaçantes que possibles, babines retroussées sur ses crocs de smilodon. Si l’on ignorait ses airs de peluche à cause de sa fourrure gonflée et ondoyante autour de lui comme un coton gris et beige, il y avait de quoi faire peur à n’importe quel animal qui l’envisageait comme repas. Ces eaux étaient habitées de grands prédateurs, il s’en doutait parfaitement et ne comptait pas finir dans l’appareil digestif d’une murène géante ou d’autre chose à tentacules. Quelle ne fut pas sa surprise de tomber plutôt nez à truffe avec… Aldaron Leweïnra, le compagnon d’Ivanyr et Bourgmestre de Caladon. Le graärh redressa les oreilles et l’observa avec doute, craignant de subir une hallucination à cause de la pression dû à la profondeur… mais à voir la réaction du pauvre elfe immergé ? Il s’agissait bel et bien de lui. Le cri -ou gargouillement- qui s’en suivit fut aussi sincère qu’abasourdit :

« - Hnnn !? Ald-bloubl... blp !? »

Une nuée de bulles échappa à la gueule grande ouverte du graärh stupéfié qui plaqua aussitôt les deux mains sur le devant de sa truffe pour essayer d’en retenir -futilement- la majorité. Ses yeux ronds restèrent encore accrochés quelques secondes sur l’elfe avant qu’il ne l’attrape par le bras et ne l’attire à lui. Par une série de signes hâtifs, il lui indiqua de se mettre dans son dos afin de pouvoir s’accrocher à ses cornes. Lorsque ce fut le cas, Purnendu attrapa l’épais cordage et commença à se hisser vers la surface. Sa puissante musculature roulait sous la fourrure rendue évanescente dans ce milieu aquatique et la longue queue ondoyait dans son sillage comme un gouvernail qui ajustait sa posture dès qu’un courant trop fort les percutait.

L’air commença à manquer dans ses poumons, mais il ne vint pas à accélérer le rythme de ses brasses sachant qu’une secousse trop forte pourrait déloger son précieux colis. Il ne comprenait pas comment le Bourgmestre s’était arrangé pour se retrouver soudainement devant lui à des dizaines de mètres sous la surface de l’océan, mais dans leur situation précaire ; ça n’avait pas réellement d’importance. Lorsque sa tête fendit enfin les flots, il se contorsionna pour passer un bras ferme autour de la taille de son ami et s’assura qu’il ait lui aussi droit à une grande bouffée d’oxygène. Près d’eux, le clapotis des vagues résonnait sur la coque de l’étrange embarcation graärh que l’herboriste utilisait comme point d’ancrage.

Elle se composait de deux coques parallèles en bois léger, oblongues et retenues à une certaine distance l’une de l’autre par deux tiges en bois flotté. Le dessus était fais d’un large filet de cordage huilés aux mailles denses et qui constituait un vaste espace de vie. Il n’y avait qu’une seule voilure, de toile rectangulaire, dont la base du mât permettait une rotation de 180° afin de pouvoir naviguer dans un sens ou dans l’autre sans avoir à manœuvrer. Taillé dans une ligne basse volontaire, ce bateau offrait une navigation dite à plat et par son manque évident de leste, il paraissait insubmersible. Avec son faible tirant d’eau, il semblait certain que les mouillages en étaient grandement facilité lui permettant de s’amarrer autant sur des plages que des criques, mais aussi d’être utilisé dans les fleuves que les eaux profondes comme aujourd’hui.

« - Aatmaon dvaara ! Que fais-tu ici !? »

La voix enrouée à cause de la tasse particulièrement salée qu’il venait de boire dans sa stupeur quelques minutes plus tôt, Purnendu hissa l’elfe sur le filet et ne tarda pas à la rejoindre dans une cascade lorsque son épaisse fourrure dégorgea le plus gros de son eau. Complètement trempé, l’herboriste paraissait soudain moins impressionnant, même si sa musculature épaisse n’en ressortait que davantage. Accroupi, il vint à s’ébrouer vivement histoire de redonner un peu de volume à ses poils, puis s’approcha de son invité inattendu pour commencer à le déshabiller. Sourd à ses protestations, il le laissa quelques secondes le temps d’aller vers une caisse sanglée près du mât. Lorsqu’il l’ouvrit, l’immense félin en tira une large couverture en laine épaisse et enroula l’elfe dans ses replis avant de le frictionner pour essayer de lui redonner quelques couleurs.

« - Comment… Non, plutôt par quelle magie es-tu ici ? »

Il leva la truffe pour contempler son environnement immédiat, mais à part l’imposant volcan qui trônait au centre de Tiamat, couvrant le ciel de ses cendres éternelles et coupant la ligne d’horizon de sa silhouette noire ; il n’y avait rien. Aucun navire de l’Alliance, aucun radeau de naufrage… Troublé, il rabaissa son attention sur son ami et vint fléchir des pattes afin de pouvoir se mettre à sa hauteur. Oreilles plaquées sur l’arrière en signe d’inquiétude, il frotta sa tête à la sienne avec un profond ronronnement.

« - Ne me fais plus des frayeurs comme ça, tu veux bien ? Je vais croire que sauver ta vie est devenu la norme de nos rencontres ! »

Le timbre quitta ses accents d’angoisse pour retrouver la chaleur d’une taquinerie affectueuse alors qu’il se redressait pour ramasser ses habits et les étendre sur les cordages qui tenaient la voile. La surface d’étendage était réduite, mais suffisante et lorsqu’il eut terminé, Purnendu s’installa confortablement au milieu du filet qui réagissait avec souplesse et élasticité. Il fit signe à Aldaron de le rejoindre et l’attira contre lui pour partager sa chaleur corporelle à la sienne.

« - … Es-tu ici pour m’annoncer de sombres nouvelles ou puis-je espérer n’avoir qu’une conversation paisible à tes côtés ? »

Il n'était pas dupe, une telle visite avait peu de chance d'être de simple courtoisie. Un petit clin d’oeil alors qu’il observait les rives sombres de Tiamat à quelques kilomètres de là et il ajouta, d’une voix basse :

« - Nous rentrerons à mon camps lorsque tu auras un peu séché, d’accord ? »

Il n’était pas très sûr de la résistance des elfes et craignait que celui-là en particulier n’attrape un rhume ou pire s’il faisait immédiatement le voyage de retour. Même si ce dernier durerait que quelques minutes d’ici à ce qu’ils atteignent les rivages de l’île, le vent pouvait être encore froid et piquant à forte vitesse.

descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyRe: Un écho par delà les flots - PV Aldaron

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    Le froid lui glaça la peau de surprise, le figeant dans un sursaut face à l’inattendue situation.Ce sort l'aura, au final, mis dans des tas de situations incongrues, choquant ses interlocuteurs par la soudaineté de leurs rencontre. Une semaine plus tôt, il s'était retrouvé dans la demeure de la Kamda Aaleeshaan de Néthéril, tenu en joug par une panthère noire. Et quoi ? Maintenant il était dans l'eau ! Il se remerciait d'avoir une solide force mentale pour ne pas avoir tout simplement et immédiatement enclenché le rappel vers Calastin de son double. La stupéfaction faisait parfois prendre de mauvaises décisions... Et il n'allait pas se noyer s'il prenait le temps d'activer son glyphe. Des branchies s'ouvriraient le long de sa gorge pour remplacer sa respiration bipède à celle, spécifique, empruntée à son esprit-lié. Il préféra néanmoins jauger de la situation dans un premier temps, son inquiétude ne tardant pas à grimper en flèche. Il s'était présenté ici dans l'espoir de trouver Purnendu. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas croisé la route de son ami et celui-ci semblait avoir déjà traversé tout l'archipel pendant que l'elfe se rongeait les ongles jusqu'au sang dans l'attente qu'on lui porte des bribes de nouvelles. Parfois fort peu rassurantes. Il y avait d'abord eu Jangali qui s'était présenté aux portes de Délimar et qui lui avait relaté leur commune mésaventure sur Néthéril. Puis il y avait eu Ivanyr pour lui indiquer avoir retrouver leur immense boule de poils sur Nyn-Tiamat. Ne doutant pas un instant de l'implication de Purnendu pour toutes les choses visiblement dangereuses sur cet archipel, il s'était présenté à lui aujourd'hui, afin que recueillir de ses nouvelles en personne.

    Mais en se retrouvant de la sorte sous le niveau de la mer, son inquiétude se figea dans l'horreur et la crainte, celle de trouver le graärh noyé ou jeté à la mer, laissé pour mort, son cadavre emporté par les vagues salines. Quel ne fut pas son bonheur (et sa terrible peur, bon sang !) que de le savoir en vie, tous crocs et griffes dehors ! Ah ça, c'était son terrible chaton ! Le corps massif, poils emportés dans une danse rituelle sous l'eau, tel un prédateur... Qui finirait par manquer d'air. Et il n'était pas le seul. Lorsqu'il avait vu Purnendu bouger, le bourgmestre avait sursauté et avalé de l'eau. Il agitait frénétiquement les bras en vue de remonter à la surface. Ses mires verdoyantes portées sur la lumière des cieux, il réalisa bien vite qu'ils étaient encore très loin de pouvoir respirer à plein poumons. S'accrochant sur le dos du graärh à ses cornes, il se laissa emporter et sauver, tâchant de s'économiser le peu d'air qu'il lui restait... Le temps d'être sorti de là. Il inspira une grande bouffée d'air, la sentant pénétrer dans ses poumons comme une liqueur salvatrice. Bien vite il toussa, recrachant l'eau avalée par inadvertance, la gorge et le nez salés par son acidité naturelle. Reprenant son souffle, il se fustigea de cette mauvaise idée... Sans pour autant parvenir à la regretter le moins du monde. Cela faisait bien trop de mois qu'il n'avait pu revoir son guérisseur (et son héros attitré), que cela valait bien la prise de risque. Peut-être aurait-il dut se présenter plus à l'aube, ou encore en fin de journée... Mais c'était aussi le moment choisi par les gens, en général, pour se promener nu ou prendre un bain. Au final, il n'y avait pas tant de bons ou de mauvais moments, tout n'était qu'un calcul assez aléatoire de chance ou de malchance.... Et en ce moment, il accumulait les catastrophes, ce qui ne laissait rien présager de bon pour le bataille contre les chimères.

    Une fois les émotions fortes dilapidées au néant avec un peu de temps, l'elfe mira les alentours. Une embarcation à la coque de bois semblait être leur prochaine étape et, non loin, le sommet fumant de Tiamat se dressait avec une proximité presque dangereuse. Qui savait quand il entrerait en éruption ? Les récentes nouvelles signalaient ce point comme le dernier bastion à défendre, leur ultime espoir. Ce qu'il faisait ici ? La question lui parvint sans qu'il ne percute de son sens dans un premier temps : « Je... C'est plutôt moi qui devrait te poser cette question... Je n'ai fait que te suivre... Je cherchais à te revoir... » Il toussa à nouveau, chassant les dernières lampées d'eau salée qui avaient agressé sa gorge. Se hissant dans le filet, aidé par Purnendu, Aldaron se laissa retomber, allongé, reprenant son souffle. Morneflamme avait érodé son endurance, l'elfe n'était plus aussi prompt à des sports de l'extrême que jadis. Le ciel azuré lui offrait une contemplation reposante, paisible, malgré la fumée volcanique qui émanait du pic. Étrangement, cette fine odeur de souffle le mettait mal à l'aise. Ici, elle était encore discrète, mais le traumatisme de Morneflamme lui en décuplait le parfum : il l'aurait reconnu d'entre mille. « Héééé ! » pesta-t-il lorsque le chat mouillé décida de s'ébouer à côté, lui faisant prendre une douche à la suite de son bain. Il renouvela ses protestations lorsqu'il se fit déshabiller sans sommation, puis couvrir d'une large couverture de laine et frictionner jusqu'à ce qu'il arrête de trembler et claquer des dents.

    S'apprêtant à répondre à la question du comment il était arrivé jusqu'ici, il fut coupé par le ronronnement puissant et chaleureux de son ami venu coller sa tête à la sienne. Un doux sourire vint sur ses lèvres de cendres, un sourire désolé : « Je suis navré, je ne le choisis malheureusement pas... » Si seulement : il se serait bien passé de certaines situations cocasses ! Ou dangereuses. « Ma transe me permet de créer un double de moi qui apparaît à proximité d'une personne que je connais. Malheureusement, ma transe ne me permet pas d'être devin et de savoir ce que font ces personnes avant que je ne pointe le bout de mon nez... Tu me crois si je te dis que je me suis retrouvé sous la yourte de la Kamda Aaleeshaan de Néthéril la semaine dernière ? » Il serrait les dents, se frottant la nuque, l'air penaud. Il se mordit la lèvre inférieure avant d'ajouter : « Cela en vaut le coup, néanmoins, cela faisait bien longtemps que je ne t'avais pas vu. L'on est venu me porter de tes nouvelles et conter de tes aventures. Je ne suis pas le seul à côtoyer le danger il semblerait... » railla-t-il, pour autant assez sérieux. Face à Rog, Purnendu aurait très bien pu perdre la vie. « J'aimerais n'avoir qu'une conversation paisible à tes côtés. Les chimères approchent et ne nous laisseront peut-être pas l'opportunité d'en avoir une nouvelle si nous ne parvenons pas à les repousser... Notre dernier espoirs semble se trouver ici, à Tiamat... Et c'est justement là où tu te trouves. J'ai du mal à croire aux coïncidences... Que fais-tu ici ? Que recherches-tu ? Et... Te remets-tu de ta rencontre avec Rog ? »

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Avoir l’elfe enroulé dans ses bras était extrêmement plaisant comme situation. A voir ses cheveux blanc mouillés et emmêlés, Purnendu devait lutter contre le besoin compulsif de lui faire sa toilette. Pour s’éviter une telle maladresse, il posa sagement le museau sur le sommet de son crâne et ferma à moitié les yeux alors qu’il émettait un bas et profond ronronnement. S’entendre expliquer le sort unique de son ami manqua de lui arracher un grand éclat de rire si les situations dans lesquelles il se mettait n’étaient pas toutes plus dangereuses les unes que les autres ! Non, mais franchement… finir dans la demeure de la Kamda Aaleeshaan de Néthéril !? Il fallait avoir des pulsions suicidaires tout de même. Seul un soupir échappa à ses babines alors qu’il maronnait dans ses moustaches :

« - Promet moi de ne jamais tenter l’expérience avec celle de Paadshail… tu n’en ressortirais absolument pas en vie. »

Kamda Illidim le tuerait sur place et dans la seconde, sans chercher à comprendre le pourquoi du comment. Lui-même, enfant du même peuple et de la même île, avait craint pour sa vie à chacune de leur rencontre ! De ses bras, il rapprocha davantage encore Aldaron et frotta un peu son museau contre sa tempe.

« - Je suis heureux de te savoir en bonne santé. »

Sincèrement, il l’était. L’affection qu’il portait à ce sans-poil était profonde et nourrie par toutes ces semaines passées ensemble à Caladon où l’elfe lui avait été d’une grande aide pour en apprendre plus sur les us et coutumes des différents peuples. L’accès à sa bibliothèque, ses ressources presque illimités et sa bienveillance lui avaient été d’un soutient inestimable pour son intégration sur Calastin. Plus encore, il était la seconde moitié d’Ivanyr et avait sa place toute désignée dans sa tribu sur Paadshail. Cessant de le câliner un peu lorsqu’il aborda un sujet bien plus sérieux, l’absinthe de ses yeux s’assombrit alors qu’il observait une fois de plus le sommet du volcan.

« - Je présume qu’Ivanyr t’a mis au courant des grandes lignes ? »

Il n’avait pas réellement besoin d’une réponse, se doutant déjà qu’il avait vu juste. Il gonfla un peu les babines avec dépit, car toute cette histoire dans le bayou de Néthéril n’était réellement pas une source de fierté pour lui. Malgré tout ce que l’on pouvait lui accorder après coup, il était la cause principale du retour des Couronnes et s’en voulait énormément. Avait-il manqué de volonté ? N’était-il réellement qu’un vulgaire pion qui n’était bon qu’à rien d’autre à présent qu’il avait servi son objectif ? Les oreilles du grand félin se couchèrent vers l’arrière à mesure que ses pensées tombaient dans une spirale d’auto-flagellation. Il s’en extirpa lorsque l’elfe aborda un autre sujet ; les Chimères.

Bien content de pouvoir mettre de côté cette histoire épineuse, Purnendu s’allongea sur le flanc afin de s’étendre de tout son long et pouvoir atteindre le coffre. Fouillant un instant à l’intérieur, il en sortit une brosse et un peigne, puis se redressa en position assise et commença par s’occuper de la chevelure de l’elfe tout en l’écoutant avec une grande attention. Il n’avait appris que très récemment l’existence de ces créatures et si la majorité des Graärh imputait aux bipèdes leur venue sur cette Archipel, l’herboriste savait pour sa part qu’il n’aurait été qu’une question de temps avec que les entités ne les trouve et ne les domine à leur tour, avec ou sans leur fuite jusqu’aux les îles.

« - Mh ? Oh… je faisais parti de l’expédition qui a découvert le Baôli. La Kamda Illidim m'avait donné pour mission de complaire à la demande du dragon Verith de trouver le Puits des Esprits et de faire la lumière sur le pourquoi de cette volonté. »

La nouvelle tomba sur le ton de la conversation alors qu’il continuait de brosser les longues mèches blanches, puis commença à les tresser pour qu’elles n’encombrent plus le visage de son ami. Il veillait à ce que ses griffes n’écorchent pas la peau douce et délicate, usant plutôt de ces dernières pour retenir et assembler les cheveux avec une aisance née de l’habitude.

« - Maintenant je sais dans quel but nous l'avons cherché et puisque certaines préparations restent nécessaires et demandent du temps, je suis resté sur l’île pour y effectuer des études ainsi que plusieurs recherches. Cela fait des jours que j’ai fini d’explorer de fond en comble les couloirs qui parcourent le volcan et que j’ai reproduit toutes les fresques murales. J’ai fais le plan du ziggourat, la liste de toutes les plantes s’y trouvant ainsi que d’innombrables croquis et prélèvements. »

L’excitation causée par le fruit de ses recherches était palpable dans le timbre chaud et rauque de sa voix. Sa queue frappa le filet avec enthousiasme alors qu’il avait les oreilles bien droites et les pupilles dilatées. Un sourire étirait ses babines et l’on pouvait sentir quelques frissons parcourir son corps musclé.

« - Les merveilles enfouies dans le Baôli sont inestimables et apportent tellement d’éclairages sur le passé de mon peuple ! Je me suis ensuite souvenu d’une très vieille légende qu’une tribu de Néthéril se confie de génération en génération à propos d’une ville, peut-être même une ancienne Légion, bâtie sur le sol de Tiamat. Dans cette légende, une éruption volcanique força le peuple à quitter l’île et à trouver refuge sur les côtes de Néthéril. Il est dis qu’ils assistèrent, depuis leurs embarcations, à la disparition de leur cité dans les flots enragés alors que le sol se fendait et que des geysers soufflaient jusque aux étoiles. »

Il avait à présent posé ses grandes mains sur les épaules d’Aldaron et tricotait de ses griffes l’épaisse couverture de laine. Un vague ronronnement pouvait s’entendre dans ses consonnes, arrondissant chacun de ses mots d’un accent plus chaud et profond encore.

« - Lorsque tu es apparu, j’étais justement en train de découvrir les premières ruines ! »

Il passa une langue sur le devant de sa truffe.

« - La légende était donc vraie ! Mon peuple a résidé sur Tiamat il y a plusieurs siècles, peut-être même plus ! Qui sait ce que les ruines englouties contiennent comme reliques et secrets !? Cette ville se trouvait aux pieds du Baôli, elle doit forcément contenir des informations vitales pour les Esprits et… peut-être… les Couronnes de Cendre. »

Son excitation retomba à mesure qu’il revenait au coeur du problème. Avec un soupir, il lâcha Aldaron pour prendre une brosse et l’utiliser sur sa propre fourrure, à nouveau songeur.

« - Si je survis à la confrontation avec les Chimères, j’aimerai ouvrir un site de fouille… pour cela, il me faudra convaincre la Kamda qui aura réclamé cette île à la fin de la guerre. Si tout se passe comme je l’avais prévu, je ne serais plus un Ashuddh de Paadsaïl… et j’aurais aussi gagné du prestige auprès de Vaat’An’Ruda pour mes services. Ma requête sera probablement entendue. »

Mais à voir les secousses nerveuses de sa queue et le tique à l’une de ses oreilles, le félin n’en était pas tout à fait certain. Le caractère des deux femelles qui contrôlaient les Légions n’était pas… et bien, le plus facile. Lui qui n’était qu’un mâle allait devoir sortir les bouchées doubles s’il voulait les convaincre de fouiller dans un passé que son peuple s’était employé durant des siècles à oublier, voire à renier totalement. Silencieux et redevenu maussade, il continua de se brosser avec le museau baissé et le regard distrait.

descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyRe: Un écho par delà les flots - PV Aldaron

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    L’affection que lui témoignait Purnendu lui faisait du bien au cœur, tant est qu’il ne regretta pas un instant d’avoir un peu bu la tasse pour le retrouver. Il se garderait bien de lui dire que son comportement câlin lui faisait penser à celui d’un gros chat. Il savait combien les graärh n’appréciaient guère d’être pris pour des animaux, forts de leur conscience et de leur intelligence bien plus évoluée… Mais il trouvait la ressemblance amusante alors qu’il l’étreignait et se laissait couvrir de signes d’affection. Il s’estimait chanceux de l’avoir pour ami. Les liens avec les indigènes de l’archipel se faisaient à couteaux levés, par crainte de cet inconnu et de sa volonté. Aldaron ne se souvenait pas avoir eu peur… Autant qu’il s’était montré téméraire de vivre parmi les hommes, des siècles durant, ou encore de se lier intimement avec des vampires. Beaucoup le prenaient pour un inconscient et ils n’avaient pas tord. Mais il n’avait pas eu peur et il ne regrettait pas cette amitié. « Promis. » souffla-t-il à la demande de prudent, d’un ton si complet qu’il était difficile de cerner combien il doutait. Il n’avait pas pensé qu’il puisse s’agir de la Kamda Aaleeshan, initialement. Il n’avait pas recherché cette rencontre. Il pouvait tout aussi bien finir face à celle de Nyn-Tiamat… Mais au moins il promettait de suivre son conseil et de ne pas tenter la chose volontairement. C’était un bon début, non ?

    Il acquiesça d’un signe de tête à sa nouvelle question : « Ivanyr m’a prévenu oui, ainsi que Jangali. Lorsqu’il est arrivé à Délimar, on m’a fait appeler. » Les deux Inséparables échangeaient beaucoup, si bien qu’il n’était pas difficile de deviner que Purnendu ne posait cette question que pour la forme. Il n’avait pas l’air fier de ce qui s’était produit. Aldaron n’avait pas été fier, non plus, quand sa quête avait fini par libérer le Tyran Blanc et l’avait conduit à Morneflamme. On pouvait dire qu’il avait payé chèrement son erreur, et il ne souhaitait pas cela au graärh. Il n’en demeurait pas moins vrai qu’il savait ce que c’était d’agir en croyant faire le bien et réaliser en bout de compte, qu’il avait donné vie à un monstre. La marque de Purnendu était encore plus profonde car il ne s’agissait pas que d’une erreur dans une vie… Mais dans le sens même qu’il avait choisi pour orienter toute sa vie. Lui offrant sa longue chevelure en distraction de ses pattes, l’elfe l’écouta attentivement, son sourire s’étirant à mesure que l’enthousiasme de Purnendu gonflait. Ses découvertes le passionnaient, indéniablement.

    Il aimait cet état d’esprit et le Marché Noir cherchait ce genre de talent pour l’aider à avancer, faire progresser la culture, la magie et la science… Purnendu l’ignorait et la Triade ne pouvait que le savoir : le graärh était déjà sous sa protection et ses faveurs. Il était alors bon d’entendre qu’il n’avait pas eu tord de parier sur lui. Verith de l’Ire était donc mêlé à la découverte de ce Baôli de légendes. Il n’était pas étonnant que le dragon se soit tourné vers les graärh car eux seuls pouvaient échanger avec lui sur le passé enfoui de Tiamaranta…. Tout comme lui même cherchait des réponses sur ce qu’il pouvait bien y avoir sous Calastin. Ses mires verdoyantes s’illuminaient de contentement à voir son ami si fier de son avancé, jusqu’à ce que tout ne retombe comme un soufflet. Son regard se teinta de peine et sa main se posa sur l’avant-bras du guérisseur, par compassion.

    « C’est une bonne chose. Je suis certain qu’il y a beaucoup à apprendre sur l’histoire de votre peuple. Tiamaranta est pleine de surprise : il n’y a qu’à voir ce qui s’est produit sur Calastin. Nous avons bâti nos cités sur un gouffre prêt à les engloutir d’un moment à l’autre. » Son regard se porta par dessus le bord de l’embarcation pour scruter les fonds de l’eau : « Tout ce que tu pourra trouver ici sera une richesse. Si tu as besoin de… Matériel ou de main d’œuvre, je tâcherai de t’en faire parvenir après la bataille. » S’ils y survivaient. Pour l’heure, ils ne pouvaient que se préparer à ce qui leur arrivait droit dessus, inéluctablement. « Tu n’auras qu’à demander et me lister ce qu’il te faut pour t’adonner à cette découverte dans les meilleures conditions possible et… Purnendu, nos erreurs nous forgent autant que lorsque nous avons raison. Je dirais même plus. Je comprends que cela ne te rende pas fier mais… » Il n’était pas fier non plus de ce qu’il avait fait à Morneflamme : « Cette épreuve t’apprend à réguler ton propre tempérament. Est à jamais candide celui qui n’a connu l’infortune, car il est persuadé que les hommes seront toujours aussi bons où qu’il aille. »

    C’était vrai, dans la majorité des cas. Les crapules n’étaient pas à chaque coin de rue, mais il y en avait quelques unes. « Quant à Rog… Ce n’est pas parce qu’on forge en toi un talent dans le but d’en user sournoisement, que c’est un mauvais talent. Tu as été berné et utilisé, c’est un fait. Tu m’as sauvé la vie, c’est un fait également. Et tu ne l’aurais pas fait, tu n’aurais pas aidé Ivanyr si tu n’avais pas été forgé ainsi. Je t’en suis sincèrement reconnaissant. » Il s’arrêta là, sans aller plus au devant puisqu’il risquait de remuer le couteau dans la plaie. Son silence aurait fait croire à de l’indifférence et trop de paroles pourraient le contrarier. Il avait choisi l’équilibre pour lui faire part de son soutien et de sa reconnaissance, c’était tout ce qui importait. Il ne voulait pas forcer la conversation si cela ne venait du graärh. Et il ne voulait pas non plus lui fermer une porte en sautant du coq à l’âne pour changer complètement de discussion. Il se contenta d’observer les tréfonds nébuleux sous l’eau, tâchant d’y discerner les ruines tant bien que mal. Il aurait aimé voir à quoi cela pouvait bien ressembler. Était-ce grand ? Était-ce plein de reliques comme autant d'énigmes à percer ? Les traits de son visage n'en cachaient pas l'intérêt.

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Sourire lové dans les babines, il vint émettre un profond ronronnement affectueux lorsqu’il fut question d’obtenir un soutient matériel dans son projet d’archéologie. Tournant tout juste la tête, il frotta un instant sa truffe froide contre la tempe de l’elfe et ferma les yeux de contentement. Comment pouvait-il lui expliquer qu’il y avait très peu de chances pour que cette aide, aussi salutaire soit-elle, soit acceptée par la ou les Kamda qui réclameraient Tiamat lorsque toute cette folie s’achèverait ? Lui-même n’était pas certain à 100 % de pouvoir entamer pareil projet, alors faire venir des ressources et des ouvriers depuis les autres peuples ? Intérieurement, Purnendu grimaça. Il allait devoir jouer très finement s’il voulait glisser l’idée de façon favorable à Illidim… peut-être avec l’excuse d’une dette d’honneur ? Après tout, il avait sauvé la vie d’Aldaron qui est un chef éminent sur Calastin. Laver son ardoise en « réclamant » un paiement en nature ne serait pas contraire aux lois et coutumes de son peuple…

Songeur, il continua de respirer contre la tempe de l’elfe et ne se redressa enfin qu’en l’entendant aborder la suite. Cillant légèrement, il le fixa d’abord sans comprendre, puis arbora un sourire cynique qui révéla davantage encore ses crocs courbés comme des sabres. Son emprise sur se raffermie autour du corps svelte et il hocha silencieusement du chef, n’ayant rien à répondre à cela. Il acceptait le conseil et le prendrait en compte lorsque la culpabilité et les doutes l’assailliraient à nouveau, probablement au moment de s’endormir. D’une voix pourtant chaude et profonde, il déclara avec une fausse légèreté :

« - J’aime beaucoup, je pense ressortir cet adage à une autre occasion si tu me le permets... »

Beaucoup dans sa tribu pourraient en tirer une grande leçon. Ravalant son sel concernant l’obstination, voire l’aveuglement de son peuple sur les Couronnes ou encore l’apprentissage de leur Histoire passée, Purnendu leva la truffe vers le ciel pour en respirer la brise iodée. La mention de Rog le fit frémir et il planta légèrement les griffes dans l’épaisse couverture qui enroulait l’elfe comme une crêpe. Son ancêtre était un mystère qu’il mourrait d’envie de décortiquer de fond en comble. Savoir qui il était exactement, ce qu’il avait fais dans les détails, mais surtout pourquoi le faire ! Pourquoi en arriver à de tels extrêmes, pourquoi continuer après plus de milles ans ?

Un soupir coula de ses narines et il reposa lourdement le museau sur le sommet du crâne elfique, fermant les yeux alors qu’il maronnait quelques mots incompréhensibles entre ses moustaches. Il était toutefois bon d’entendre la reconnaissance de ceux qu’il avait aidé, même s’il n’avait jamais agis en premier lieu pour l’obtenir. Après un long silence à l’observer à la dérobée, Purnendu le relâcha suffisamment pour qu’il puisse s’approcher du bord s’il le souhaitait.

« - Sache aussi qu’il n’y pas une seule minute où je regrette d’avoir aidé qui que ce soit… pas même Rog. »

Ce dernier lui avait, à son tour, sauvé la vie. L’herboriste ne voulait pas en démordre ; le graärh à la fourrure de prune pouvait être raisonné. Lorsqu’il réaliserait ce qu’était devenue l’Archipel et combien les nouveaux peuples pouvaient être terrifiants en terme de puissance magique et technologique, alors peut-être changerait-il ses plans et opterait-il pour une « retraite » plus cordiale envers son peuple et ses nouveaux voisins. Un espoir un brin utopique, peut-être candide et illusoire, mais Prunendu ne voulait pas se montrer défaitiste dès le départ. Pas encore.

« - Mmmh… Tu veux y retourner ? »

Il se pencha par dessus l’une des coques, trempant la patte dans l’eau fraîche.

« - Mon ballon d’air est encore en bas… je n’ai pas eut le temps de l’utiliser. »

Accroché à l’encre du long cordage qui reliait le kattumaram aux fonds rocailleux de la mer, la panse de rhinocéros laineux avait était hermétiquement cirée, puis remplie d’air avant d’être lestée et fermée d’un ingénieux cordage. Lors des plongées les plus profondes, Purnendu avait ainsi moyen de rallonger leur durée en s’offrant quelques bouffées salvatrices avant de devoir fatalement remonter à la surface. Lui-même était tenté de redescendre encore un peu, au moins pour finir la fresque découverte tantôt. Alors qu’il continuait de jouer avec l’eau au creux de sa main, il regarda Aldaron et pencha la tête de côté, interrogateur.

« - A moins que tu souhaites me parler d’autre chose. »

Il se fit lui-même songeur.

« - Comment se porte Ivanyr au fait… ou bien est-ce Achroma lorsqu’il n’est pas avec moi ? »

Parler de son patient et ami n’était pas dans ses habitudes normalement, mais puisqu’il s’agissait non seulement de son lié éternel, mais aussi d’un membre adoptif de sa propre tribu, le graärh était prêt à faire une petite entorse à son règlement.

« - Je me doute que vous allez participer à cette guerre, mais sous quel étendard ? J’ai entendu beaucoup de rumeurs depuis l’incident de Licorok. La dernière fois que j’ai vu Ivanyr, nous avions bien trop sur les pattes à aborder pour que j’approche ce sujet-là. Voudrais-tu bien m’éclairer ? Et surtout, si tu le souhaites, partager avec moi ton ressenti. »

S’installant sur le bord, ce furent ses pattes arrières qu’il trempa dans l’eau et s’accouda sur le filet, offrant son ventre et son faciès aux rayons du soleil, profitant du remous paisible de l’embarcation pour détendre ses muscles. S’ils redescendaient, il aurait besoin de toute l’énergie possible pour rentabiliser au mieux la plongée.

descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyRe: Un écho par delà les flots - PV Aldaron

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    Il était l'heureux créateur d'un adage. C'était dans ce genre de moment qu'il se sentait vieux, quand, en ces instants, sa parole devenait proverbiale et digne de sagesse. Un instant, l'elfe songea à plaisanter en réclamant des droits d'auteur pour chaque citation que Purnendu en ferait... Mais le Graärh n'était pas accoutumé aux finances des exilés d'Ambahùna et on lui avait toujours appris que s'il devait expliquer une blague ou un trait d'humour pour qu'ils soient compris, c'était qu'il ne s'agissait pas une bonne plaisanterie. Qu'importe, cela faisait bien rire son esprit-lié du saumon et c'était le principal. Fort de la dérision silencieuse, il notait en amont que le ton employé par son ami laissait d'ores et déjà entrevoir qu'il savait déjà pour quel interlocuteur ce serait fort à propos. « Bien sûr. » se contenta-t-il de répondre avec un amusement intrigué dans la voix et tant pis pour les droits d'auteur ; ça n'était pas les occasions qui manquaient, à la Triade, pour se faire de l'argent. Il n'avait pas besoin de taxer ses protégés.

    La seconde réplique eut le don de le faire cogiter et de mieux orienter sa pensée sur ce qu'espérait le guérisseur à l'avenir : « Tu penses pouvoir lui faire entendre raison. » Cela n'était plus une question, mais une affirmation. Il aurait aimé y croire, mais il ne savait pas s'il apprécierait que Purnendu se mette en danger pour quelque chose dont il n'était pas sûr du résultat favorable... A bien y réfléchir, néanmoins, quelles autres pistes avaient-ils ? Il ne savait rien de ce titan et si la corde sensible pouvait être effleurée... Pourquoi pas ? Lui-même savait combien tout ceci pouvait ne tenir qu'à un fil parfois et Dawan lui avait laissé l'espoir que tout n'ait pas à se résoudre dans le sang et la violence. Le bon acte, au bon moment, au bon endroit pour faire basculer la balance... Il y songerait, s'il survivait aux chimères.

    Il redressa son regard vers le graärh à la question pour descendre. Un fin sourire étira ses lèvres de cendres : « J'avoue que c'est tentant. » Il aimait ces découvertes et s'il avait spontanément proposé de lui fournir ce dont il aurait besoin, c'était autant par affection pour Purnendu que par attrait personnel. Les légendes avaient, à ses yeux, quelque chose de fascinant. Elles étaient le berceau des rêves et, bien souvent, la route vers la réalité, à mi-chemin entre ces deux composantes indissociables. Elles apportaient des mensonges pour cacher de cruelles vérités, et des énigmes pour résoudre l'impossible. Ce Baôli en était un exemple indiscutable car aujourd'hui, leur seul moyen de s'en sortir était logé au sein de ce sommet fumant. La seule façon de contrer les chimères... Si tant est qu'ils parviennent à trouver comment s'en servir. Les mires verdoyantes de l'elfe contemplaient les hauteurs du volcan, frissonnant au souvenir de Morneflamme. Il était difficile de croire que ce qui avait été son pire cauchemar se montrait aujourd'hui leur ultime espoir. C'était ironique, en un sens, et s'il croisait celui qui écrivait le scénario de leur histoire, un jour, il le regarderait dépité. Certains parlaient d'Origine.

    Les questions de Purnendu le tirèrent de ses songes et il acquiesça d'un signe de tête à la demande de partage. « C'est compliqué... C'est Achroma pour ceux qui n'ont pas fait le pas de connaître Ivanyr. Il était Achroma pour moi, avant. Il est Achroma pour de nombreux vampires. Je ne sais pas si c'était un bon choix de ma part que de projeter l'Aîné sur le devant de la scène. Il n'avait sûrement pas besoin de cela mais en l'instant... Quand nous étions au milieu de la forêt de Licorok et que le commandement se montrait défaillant, je ne pouvais pas le reprendre... Moi l'elfe, pour des vampires, je suis plutôt le goûter que le meneur, tu vois ? Il fallait un vampire, et un vampire dont la légitimité ne pouvait pas être contestée. » Ses yeux se baissaient. Il n'aimait pas avoir été mis dos au mur et d'avoir du sacrifier un peu de son aimé... Mais s'il n'avait rien fait, ils seraient tous morts dans cette forêt par la désorganisation notoire de Faust. « Au début, j'ai regretté et puis, il m'a dit qu'il avait envie de continuer ce sur quoi je l'avais lancé. Il voulait continuer sur les pas d'Achroma. »

    Il expira sèchement l'air par le nez dans un rire contrôlé : « C'est drôle... L'instant d'avant, il n'avait aucune attache pour les vampires. Il ne venait dans cette expédition que pour moi. Et... Je ne sais pas exactement, mais je pense que cela a déclenché quelque chose. Il s'est attaché à ce peuple, son peuple. A cette mission. C'était devenu important pour lui, comme cela l'avait été par le passé pour Achroma. Il aimait infiniment son peuple. » Évoquer Achroma, c'était encore comme faire revenir un fantôme du passé. C'était assez désagréable mais... Il avait promis que cela ne durerait pas éternellement. « Je l'ai laissé partir à Aerthia avec le dragon Kaalys. Et il a quitté la forteresse avec une partie de son peuple qu'il a pris sous son aile. Les vampires sont... Éclatés. Faust est restée à Nevrast. En vérité, je ne sais même pas si elle est encore en vie. » Au fond, Aldaron avait vendu la Capitaine des Catins à Nathaniel. Ce qui était advenu d'elle ne le regarderait que si elle revenait à Nevrast. « Dalis, Seithvelj et Illmarïe ont réuni autour d'eux des partisans. De l'Empire Vampirique, il n'y plus que quatre clans en colère. Ça aussi, je ne sais pas ce que cela donnera... Nous verrons. » S'ils survivaient. Cette expression semblait ponctuer chacune de ses phrases d'une note dramatique.

    « Nous nous battrons au nom de l'Alliance, pendant la guerre, même s'il est difficile de parler d'étendard... Nous sommes tous dans le même bateau. Ivanyr a mis son clan en vagabondage sur Nyn-Tiamat, le temps qu'il leur trouve un endroit où aller. Je pense qu'il est heureux de ce qu'il fait pour eux. Cela donne un sens à ses jours, en plus de veiller sur moi. Il aime les voir évoluer dans la nature et apprécie leur charme prédateur. Il rêve de leur rendre leur grandeur. » Les yeux dans le vide, l'elfe souriait, songeur. Il aimait voir Ivanyr s'épanouir et y trouver du plaisir sans dépendre de lui. Son regard revint sur Purnendu, plus ancré dans la réalité. « Lorsque j'ai présenté l'Aîné au vampires, dans la forêt... Ivanyr n'a pas eu besoin de mon aide pour jouer son rôle. Il agissait comme Achroma aurait agi. Le même calme, la même tonalité, les mêmes sentiments dans ses yeux. C'était comme s'il était revenu du passé. Comme si c'était lui. » L'elfe secoua la tête de gauche à droite, perplexe : « Je ne sais pas trop comment fonctionne l'amnésie... La seule que je connaisse, c'est celle des vampires et bien souvent... Ils ne retrouvent jamais le moindre souvenir. »

    Et c'était tant mieux pour eux. Ils n'avaient pas à lutter avec ce qu'ils avaient été. « La nuit avant qu'il parte pour Aerthia, nous avons eu une grosse discussion. Il m'a dit que l'Aîné était là, près de lui. Qu'il le guidait, comme un spectre dans sa conscience. Il m'a proposé de lui parler et j'ai accepté. Et je lui ai effectivement parlé... C'était Ivanyr, le corps d'Ivanyr. Mais dans son regard, c'était Achroma. Dans ses gestes à la fois tendres et directifs, c'était Achroma. Dans les mots qu'il exprimait, c'était Achroma. C'était son verbe, c'était ses émotions, c'était son expérience. Dans les souvenirs que nous évoquions, c'était Achroma. Il me parlait de... Deux nuits que nous avions passé ensemble avant sa mort et dont Ivanyr ne se souvient pas. C'était... C'était troublant. Il me disait qu'il était un spectre, qu'Ivanyr apprendrait de lui-même, petit à petit, verrous défaits les uns après les autres... Et qu'au terme, c'est leur commun amour pour moi qui les aiderait à ne faire qu'un. » Il secouait de nouveau la tête de gauche à droite : « Pour être honnête avec toi, je trouve ça presque trop beau pour être vrai.. Mais j'ai envie d'y croire. »

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Ce fut dans un silence parfait qu’il écouta le flot de ses confessions. Les informations s’égrenaient au rythme des vagues tandis que lui, dans le palais immense de sa psyché, il les collectait, les triait, puis les utilisait afin d’alimenter ses propres pensées et réflexions, hypothèses et scénarios. Il entendait les craintes prudentes de l’elfe concernant son Inséparable lié, il comprenait leur source et ce qui les alimentait. Toutefois, il ne pouvait que compatir pour les épreuves qu’Aldaron traversait, car il lui était impossible de se mettre à sa place. Son esprit n’était pas encore apte à concevoir des émotions aussi fortes que cela soit sur l’amour ou le sens filiale, mais il essayait de toute sa volonté aussi primaire et basique soit-elle. Ses yeux d’absinthe ne lâchaient pas la silhouette emmitouflée alors qu’il s’appuyait doucement contre elle afin de partager sa chaleur avec la sienne, conscient d’être un véritable brasero sur pattes.

« - Achroma est… Il est effectivement un garde-fou. Il est le barrage de ses souvenirs. Il est le guide pour l’aveugle qui longe un immense gouffre. Il est le dernier souffle d’un homme qui a souhaité la mort. Il est l’éclat chancelant d’un souvenir dangereux. Il est beaucoup de choses et malheureusement la majorité sont des attentes frustrées de ceux qui ne le retrouvent pas totalement. Il est... »

Il s’interrompit, la voix un instant brisée et détourna le regard vers les flots impétueux au large de Tiamat, bien au-delà des récifs qui formaient une grande couronne dans les profondeurs tourmentées du volcan, protégeant quelque peu ses flancs escarpés de vagues dévastatrices. Les courants restaient forts et les cheminées de souffres brûlaient tout dans les replis froissés des roches volcaniques englouties, mais de cette même menace provenait une abondance de vie et de ressources inexploitées. Tout comme l’était l’esprit de son ami. Un sourire mélancolique ourla ses babines sombres alors qu’il reprenait avec douceur :

« - Achroma ne désire pas qu’Ivanyr en vienne à soupirer après les regrets et n’aspire à la même fin tragique que lui-même expérimenta. »

Il posa une main sur l’épaule de l’elfe pour le serrer dans ses bras, il l’observa de nouveau avec ce sentiment indéfinissable de regrets, de douceur et d’amertume. Purnendu était heureux de le savoir à la tête de son peuple, heureux qu’il se soit trouvé un nouvel objectif… Pourtant, il ne pouvait chasser cette rancœur et ce sentiment confus d’abandon. Allait-il sortir du tableau bien avant qu’il ne rende son dernier souffle de mortel ? Leur promesse n’était-elle que vents portés par les bourrasques du plateau, perdus sur les flancs du Nyn-Daaruth comme bien d’autres choses ? Un soupir ébranla la massive silhouette du graärh qui s’ébroua mentalement pour se focaliser sur ce qui était réellement important à l’instant : Aldaron. Il pressa sa truffe contre la tempe de son ami et ravala l’envie de lui repeindre le visage à grands coups de langues. A la place, il reprit avec une expression plus sereine :

« - C’est une notion étrange que de croiser deux êtres sous un même visage, dans une même voix et que seul change les regards, n’est-ce pas ? Mais je sais qu’Achroma et Ivanyr ont une chose en commun ; ils aiment leur famille et sont prêt à tout pour leur bien être et leur sécurité. Depuis que j’ai trouvé ce vampire amnésique, désespérément accroché à son bord de falaise avec l’une de mes brebis… il n’a jamais cessé d’éprouver un besoin d’appartenance. Que ce soit les peuplades graärh de Nyn-Tiamat, que sa famille à Caladon, toi, puis récemment le peuple vampirique tout entier et si je ne connaissais pas Achroma, je peux t’assurer que tu n’as forcé en rien Ivanyr à endosser la responsabilité de son peuple. Pour ça au moins, ne te sens pas responsable. »

Une pause, pour appuyer ses propos avant qu’il ne poursuive :

« - En ce qui concerne les sentiments tel que l’amour et sa capacité à influer sur la volonté, le moral et d’autres aspects plus complexes encore de votre mode de pensée, vous autres races évoluées, je ne suis probablement pas le meilleur conseiller. Les graärh sont des créatures assez basiques et pragmatiques en terme d’émotions, mais il est une chose qu’il m’est possible d’affirmer sans le moindre doute ; vous êtes liés par les Inséparables. De tous les Esprits-Liés, ils sont les seuls à œuvrer en couple. Tu dois savoir que la majorité des Esprits est aisée à comprendre, à aborder et donc à appeler pour obtenir leurs faveurs et pourtant il existe une minorité de ces entités qui agissent dans les voies les plus nébuleuses et insaisissables qui soient. Une poignée d’Esprits-Liés qui n’approchent leurs spirites qu’avec des conditions et des termes connus d’eux seuls. »

Il eut un sourire et lui releva le menton avec douceur au creux d’une de ses mains, lui faisant sentir le moelleux de ses coussinets rêches et chauds.

« - Des millions de personnes qui s’aiment, s’accouplent, fondent des familles sur cet Archipel et le reste du monde, c’est toi et Ivanyr qui avaient été élus par les Inséparables. C’est une occasion rare parmi mon peuple qui appelle toujours une grande célébration et créait bien des Contes et Légendes qui perdurent sur de nombreuses générations au sein d’une même tribu. Je peux assumer sans me tromper qu’il s’agit aussi d’un événement rare parmi vos races. Maintenant que savons-nous ? Ivanyr est revenu d’entre les morts. Ceci est un premier miracle. Le second, c’est qu’avec toutes les personnes qu’il aurait pu rencontrer de l’ancien Continent, c’est toi qu’il croisa en premier. C’est à toi qu’il s’accrocha. Le troisième miracle sont les Inséparables. Une force qui nous dépasse vous pousse à être ensemble. Que ce soit le Destin pour vous rembourser de toutes les souffrances que vous avez enduré pour vos proches et vos peuples… quelle importance ? Le résultat est le même ; soit libre d’y croire, Aldaron. Aime-le, car il t’aime et il vaincra ses monstres du passé, il vaincra ses peurs et son amnésie. Pour toi. Pour vous deux. »

Il lécha tendrement sa joue et frotta son museau au creux de sa gorge avec un profond ronronnement qui fit vibrer toute sa silhouette massée contre l’elfe. Il était heureux pour eux, mais aussi terriblement inquiet.

« - Et dans chaque épreuve, chaque trouble ; je serais là. Pour lui, comme pour toi. Vous êtes de ma tribu et je veillerai toujours à vos côtés aussi longtemps que ces vieux os pourront me supporter. »

L’amusement ironique à la fin de sa phrase vint relever un peu l’ambiance alors qu’il délogeait sa grosse truffe de sa cachette aux parfums d’iode et d’une légère sueur. Il observa Aldaron avec une profonde affection et s’ébroua ensuite dans une envolée de gouttelettes.

« - Haut les cœurs ! Je dompterai les souvenirs disparus d’Ivanyr avec prudence. Le peuple vampirique sous son égide retrouvera sa gloire d’antan. L’esclavage de mon peuple prendra fin et avant tout cela ; nous ferons rôtir ces Chimères dans les tréfonds de Tiamat bien avant qu’elles ne mettent la main sur notre Bâoli. »

Il tourna la truffe vers les vagues scintillantes sous le soleil pâle de ce printemps tardif.

« - Mais aujourd’hui, nous allons retourner là dessous et poursuivre l’exploration de cette cité. Je suis persuadé qu’il s’agit de la ville perdue dans le Conte de Hailibu… Si c’est exacte, il y a peut-être là dessous un artefact ancien d’une immense valeur. Une pierre précieuse supposée donner à qui la possède le pouvoir de communiquer avec tous les animaux ! Toutefois, il est impossible au possesseur de le dire sous peine de subir une terrible malédiction et de finir changé en statue de pierre. »

Excité, Purnendu ne pouvait cacher le balayage impatient de sa queue alors que ses babines se gonflaient et que ses moustaches frémissaient. Accroupi sur le bord de l’embarcation, il tourna la tête vers Aldaron et fut un moment pensif. Fermant les yeux, il accumula son énergie jusque dans son poing droit et approcha de son ami pour tirer la couverture de sa dextre afin d’avoir accès à son torse glabre.

« - Fourrure septentrionale. »

C’était une expérience à faire ; il frappa doucement le torse de l’elfe de son poing droit, diffusant la magie pour lui appliquer ce sort simple, mais terriblement efficace parmi son peuple. Une fine couche de chaleur engloba le Bourgmestre, s’accumulant davantage dans ses poils et cheveux, mais couvrant aussi les zones plus éparses grâce au fin duvet sur son épiderme cendré.

« - Je ne sais pas combien de temps cela va durer… Au pire, n’hésite pas à me signaler sa dissipation et je l’appliquerai une nouvelle fois. Es-tu prêt à replonger ? »

La nudité de l’elfe ne semblait absolument pas le gêner alors qu’il glissait de nouveau dans les vagues dont l’écume froide s’accrocha à sa fourrure au niveau des épaules, collant ses cornes d’une pellicule saline scintillante.

« - Il suffit de descendre le long de la corde. Tu verras bien vite la cloche d’air vers le fond. S’il y a le moindre soucis, n’hésite pas à remonter, mais les eaux devraient être assez calmes. »

S’immergeant davantage pour ne laisser que le haut de son crâne dépasser des flots, Purnendu ressemblait à son Esprit-Lié de l’Hippopotame et s’amusa à créer des bulles en soufflant par la truffe, les yeux pétillants d’impatience et d’une bonne humeur retrouvée.

« - Allez, vient ! Nous sommes les premiers à retrouver une cité entière disparue depuis des millénaires… tu ne veux pas emporter un petit souvenir avec toi ? »

Il joua des sourcils, vile tentateur avant de retourner faire des bulles sous l’eau et de l’attendre d’une main accrochée au bord du filet.

descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyRe: Un écho par delà les flots - PV Aldaron

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    L'elfe ferma les yeux, emmitouflé et blotti dans la fourrure épaisse de son compagnon. Écouter simplement les battements de son cœur et le mouvement des vagues qui clapotaient contre la coque de l’embarcation lui faisait du bien. Ce clair calme dans l'activité terrorisée des préparatifs de guerre était un océan de bonheur, une bulle confortable et une parenthèse pour se ressourcer. Purnendu dégageait une chaleur singulière, à la fois purement physique, mais également psychique. Sa présence l'apaisait et ce n'était pas forcément le cas avec tous les charlatans de guérisseurs qu'il avait pu croiser. Beaucoup lui inspiraient plus la méfiance que la confiance, mais avec le graärh, c'était assez différent. Il n'était pas assez stupide pour le croire parfaitement blanc comme neige, car Morneflamme lui avait montré le loup qui sommeillait dans chaque agneau, mais il lui accordait une grande valeur. Il l'écoutait, attentif autant que touché. Ivanyr lui avait dit une bonne partie de tout cela et lui aussi, en son for intérieur, s'était martelé ces mots mentalement, mais cela l'avait pas pour autant apaisé. Les mots d'une personne à l'extérieur de leur couple, moindrement biaisée par le romantisme de leur amour transit. Ça, ça venait percuter un peu plus fort dans sa petite tête qui avait besoin d'être rassurée. Le silence avouait bien de ces choses, mais l'entendre pour de vrai, parfois, c'était nécessaire. Ces paroles-là, elles le rassuraient, elles lui offraient le confort d'une sécurité et ses yeux se gorgèrent de larmes qui, à défauts de couler, étaient l'expression de son cœur touché.

    L'humour lui arracha sourire puis rire alors que les larmes refluaient, disparues. « Merci... » souffla-t-il, sincère, sans qu'il n'y ait besoin de d'avantage si ce n'était que sa gratitude brillait dans ses mires verdoyantes : « Nous serons aussi toujours là pour toi. Ivanyr et moi tenons beaucoup à toi. » Il serra sa patte avant que son regard ne soit happé par les vagues qui luisaient sous la caresse des rayons du soleil. C'était si beau, comme un trésor qui camouflait, à entendre Purnendu, également d'autres trésors. La chaleur que diffusa le sort du graärh sur son corps l'émerveilla., clignant des yeux en en percevant l'effet bien agréable. Il écouta les consignes, comme un parfait apprenti, sa nature curieuse et désireuse d'explorer de nouvelles choses n'avaient guère changé depuis des siècles. Elle avait été étouffée par les horreurs qu'il avait traversées mais elles restait, au fond de lui, un moteur remarquable. L'elfe s'extirpa du cocon dans lequel il avait été enburité et retourna à l'eau. Il réalisa qu'au cours de ses quatre siècles de vie, il n'avait nagé que peu de fois dans l'océan complètement nu. Les sensations étaient toujours aussi agréables, presque émotionnelles tant elles étaient empruntes de liberté. « Prêt à plonger » Confirma-t-il avant d'ajouter : « J'ai un enchantement qui me permet de respirer sous l'eau... » Ce disant, il prit une inspiration et descendit quelques centimètres sous l'eau, là, il activa enfin de glyphe qui vint obstruer son système respiratoire usuel et ouvrir les branchies le long de sa gorge. Sous l'eau, il le montra à son ami puis continua de descendre à la corde malgré la force de l'eau qui désirait le faire remonter naturellement à la surface. Il s'arrêtait régulièrement pour ajuster la pression dans ses oreilles, en égalisant.

    Une fois au niveau du sol sous marin, il se lesta d'une grosse roche pour continuer d'explorer les profondeurs. Bien qu'assez sombres, ils n'étaient guère encore trop en profondeur pour que les rayons du soleil ne perce pas les eaux claires. La lumière était fluctuante, dansante et le village était vaste. Il se demandait ce qui avait donné l'idée à Purnendu de plonger sous l'eau à cet endroit précis pour y découvrir pareille merveille. Probablement les légendes ou peut-être quelques traces de vie à la surface. La lave avait, ici été solidifiée en cousins en arrivant dans l'eau. Le ruines portaient la marque du feu et les pierres fondatrices, érodées par l'eau, laissaient néanmoins deviner les bâtiments de jadis. Le bois, lui, n'avait guère résisté à l’appétit de l’océan, émietté ici et là. Avec stupeur, on retrouvait parfois des corps calcinées à rigidifiés par la roche magmatique. Le décor évoquait presque une fin du monde où le silence, sous la surface de l'eau, rendait hommage à ceux lieux marqués par la tragédie. Ils passèrent un long moment sous l'eau, autant que leurs réserves leur permettaient, quelles soient physiques pou magiques. On trouvait quelques objets conservés. Souvent, ils avaient été détruit ou avaient fondu, d'autres semblaient presque intact. Ce fut le cas de deux disques clairs, l'un rosé et l'autre bleuté, gravés sur chaque face. Avec les mouvements de l'eau et la demie-obscurité, il était assez difficile d'admirer le travail en détail mais Aldaron les avait gardés, dans l'attente de remonter à la surface.

    Lorsque ce fut le cas, il rejoignit la lumière chaleureuse du printemps, désactivant son glyphe pour prendre une large bouffée d'air. Il était épuisé, par la magie et par l'exploration, mais en toute honnêteté, cela avait été tellement magique qu'il n'en regrettait rien. Lorsqu'il fut rassuré en voyant la silhouette de chat mouillé émerger à son tour, il observa les deux disques. Les gravures étaient des caractères finement dessinés, en spirale, et sur l'un d'eux, l'elfe trouva plusieurs figures de ratons-laveurs : « Oh, regarde, des ratons ! » fit-il en montrant sa trouvaille. Il toussota en tendant l'objet au graärh tandis qu'il observait le second qui avait presque la couleur de sa propre peau. « Je peux garder celui-là ? » demanda-t-il en agitant le disque rosé. Purnendu lui avait bien proposé d'y trouver un souvenir, à conserver, mais ces reliques avaient été trouvés sur le site découvert par le graärh. Il était certes caladonien, mais il n'arnaquait pas ses amis. Il s'accrocha à l’embarcation et remonta dessus à la force de ses bras, grelottant à l'air frais. « Je ne pense pas pouvoir rester plus longtemps, je suis épuisé. C'était magnifique, Purnendu. Je te remercie d'avoir partagé ceci avec moi, c'est... » Il le serra fort dans ses bras en guise de conclusion, même si tout deux dégoulinaient allégrement. Il empoigna ses affaires trempées, sur le départ.

descriptionUn écho par delà les flots - PV Aldaron EmptyRe: Un écho par delà les flots - PV Aldaron

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Un sourire tendre ourla ses babines alors qu’il hochait sobrement du chef aux paroles de l’elfe. Il savait que les deux Inséparables ne l’oublieraient pas de si tôt et dans le cas où leur mémoire finirait par estomper les souvenirs de leur rencontre après plusieurs décennies, voire siècles d’une longue et riche existence, alors le Vaadon kee yaad servirait à raviver le tableau de sa personne en leurs esprits. Après tout, avant d’être un refuge cette grotte perdue entre les flancs stériles du Nyn-Daaruth était le prémisse d’un monument dédié entièrement à sa mémoire, mais aussi aux promesses que lui et Ivanyr, puis plus tard Aldaron, s’étaient échangés avec tendresse et solennité. Immortalisé par le souffle d’un dragon, meublé pour n’accueillir qu’une personne dans une ambiance qui se voulait propice à la méditation -ou la transe en l’occurrence- Purnendu n’y vivait que pour l’emplir de sa présence pour le jour où il disparaîtrait et rejoindrait les étoiles.

S’ébrouant de la mélancolie qui menaçait de l’engloutir plus sûrement que les flots tièdes bordant Tiamat, le graärh observa avec amusement l’elfe qui le rejoignait. Il ne comprenait toujours pas comment une race aussi démunie dans ses atouts naturels avait pu être la dominance de son ancien continent. D’un autre côté, elle avait su manier la magie comme aucune autre, mais où cela l’amenait ? A vivre exile sur exile, d’un continent à un autre… Gardant ses pensées pour lui, il l’écouta avec attention et manqua de boire la tasse à la mention d’un enchantement capable de faire respirer sous l’eau. Toujours immergé jusqu’aux oreilles, faisant des bulles à la surface en soufflant de la truffe, Purnendu plissa des yeux alors qu’un grand sourire déchirait son museau en une grimace narquoise. Le ferait-il ou ne le ferait-il pas ? L’absinthe de ses yeux pétilla alors qu’il sortait la gueule juste pour pouvoir lâcher d’un flegme moqueur :

« - Aaah… tu veux dire ce même enchantement que tu n’as pas pensé à activer lorsque tu te noyais quelques minutes plus tôt ? »

Il ronronna un rire, puis s’esclaffa de bon cœur. Il avait craqué. L’occasion avait été trop belle pour la laisser filer. Laissant Aldaron plonger le premier, le félin continua de glousser encore quelques secondes en s’accrochant au bord de son embarcation. Lorsqu’il fut certain de ne plus se risquer à boire la tasse s’il plongeait, il prit une grande inspiration et nagea à la suite de son ami. Il n’eut aucun mal à repérer le sillage de sa chevelure d’argent et s’accrocha au cordage pour s’enfoncer dans les flots sans avoir à gaspiller son énergie, ni son précieux air.

Ce fut avec un plaisir évident qu’il retrouva le silence confiné des profondeurs. La lumière perçait jusqu’à eut en ruban scintillant qui ondoyaient dans les vagues et s’estompaient en particules évanescentes. Les murs rongés d’algues et de corail surgissaient comme les dents brisées d’un quelconque monstre. Les bancs de poissons s’égayaient à leur approche avant de se reformer et de se mettre à les suivre à bonne distance. Purnendu s’accrochait de ci et de là pour avancer et rester au niveau du sol au sable noir d’une roche volcanique érodée depuis des millénaires. Il marchait dans les avenues d’une ancienne citée graärh, observant les alentours avec émerveillement. Mentalement, il retraçait chaque rue, chaque impasse, ruelle et bâtiment de sorte à composer le plan exact de cette splendeur engloutie. Il y avait des tours effondrées, des portiques au bois dévoré par les eaux, l’on devinait ici des esplanades, par là des escaliers et même un amphithéâtre. L’on retrouvait sous le corail des éclats bleu de quelques cristaux endormis, des mosaïques émiettées sur des murs lézardés.

Pour chaque éclat de poterie ou vestige transportable, l’herboriste les ramassait avec mille précaution pour les glisser dans un panier accroché à la cloche d’air. Il montra à Aldaron une extrémité de la ville, celle étant la plus proche de l’île. L’on pouvait deviner dans la brume sous-marine qu’une énorme fissure flanquait la falaise submergée de Tiamat et que des colonnes d’eau bouillante trahissaient des conduits magmatiques. Jadis la ville avait dû être côtière, puis lors d’une éruption d’une rare violence où le sol s’était fissuré sous les pieds même des habitants. La vapeur avait englouti les rues, érodé les roches comme de l’acide. La cendre brûlante avait rapidement suivie et avec elle les coulées de lave qui avaient finit par faire sombrer en l’état la citée tout entière qui s’était figée dans un linceul aquatique, tableau éternel au silence morbide.

Quand la cloche fut remplie de buée et son air irrespirable, Purnendu remonta à la surface et toussa légèrement, la gorge asséchée et la tête lourde. Il s’ébroua une fois hissé sur le filet qui joignait les deux coques et, s’installant sur le bord de sorte à pouvoir hisser la corde lestée du panier et de la cloche, il lorgna Aldaron avec un petit sourire fatigué dans les babines. Il le laissa nettoyer et observer ses découvertes, réfrénant sa propre curiosité pour terminer sa corvée. Une fois le panier sécurisé et le reste rangé dans un coin du filet, il s’approcha de l’elfe pour regarder par dessus son épaule. Il prit le disque avec une infinie délicatesse et le fit tourner entre ses coussinets pour en découvrir chaque détails et secrets. Un sourire plus large lui vint, faisant jaillir ses trop nombreuses canines en éclats ivoirins.

« - Des reliques graärh... »

Ronronna-t-il avec émerveillement alors qu’il s’arrachait difficilement à la contemplation de son disque pour observer celui que tenait encore l’elfe. L’idée de le lui refuser ne lui vint même pas à l’esprit et il hocha donc la tête par l’affirmatif.

« - Tu l’as mérité. »

Il n’avait même pas besoin de lui rappeler d’en prendre soin, car Aldaron était un être de connaissance. Il savait apprécier chaque chose à sa juste valeur, plus encore lorsqu’il trimait autant pour l’obtenir ! A le voir grelottant, nu comme un vers et visiblement épuisé, le graärh laissa filer un rire chaud avant d’approcher et de l’enrouler dans une couverture au moins pour le temps qu’il lui restait à le visiter.

« - C’est normal. »

Dit-il pour terminer la phrase de son ami alors qu’il lui rendait l’étreinte avec force, mais en veillant à ne pas trop le froisser. Les elfes étaient solide,s plus que des humains en tout cas, mais la prudence n’avait jamais tué personne alors il se contenta d’un gros ronron avant de s’écarter et de lui souhaiter un bon retour.

« - Prend soin de toi et d’Ivanyr. Puissent les Esprits nous permettre de nous revoir d’ici la nouvelle saison. »

Il le regarda disparaître et resta un moment songeur, les pattes trempées dans l’eau et sa fourrure humide collée à son corps massif. Ainsi mouillé, il n’avait plus autant de prestance, mais il s’en fichait bien. Ses yeux parcouraient les flots là où, quelques dizaines de mètres plus bas, sommeillait l’un des plus grands vestiges de sa civilisation. Suivant le reflet des vagues, la danse de l’écume et le vol de quelques mouettes, Purnendu en vint à contempler les pentes sombres de Tiamat. Là dessous, c’était carrément le Bâoli qui se cachait avec pudeur. Un oiseau passa au dessus de ses cornes, croassant d’un timbre sinistre. Le graärh tourna la tête vers l’Ouest et coucha des oreilles avec méfiance. Un vent âpre approchait, aux relents de haine et de sang. Une prière aux esprits lui échappa alors qu’il hissait la voile et prenait la direction de la côte escarpée. Le temps était compté...

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