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1er août 1763

Déjà avait-elle mit un pied dehors, qu'elle pensait à Caladon. Qu'est ce qui pouvait autant l'indisposer ici à l'instar de son foyer? Les dalles de pierres fumaient sous le même soleil, le même vent à l'odeur salé s’engouffrait entre ces murs où s'entassaient les mêmes pierres...Sous ses airs rustres Délimar était la parfaite jumelle de sa voisine et pourtant...Pourtant la Bourgmestre n'arrivait pas à s'y sentir chez elle. Evidemment qu'elle jouissait particulièrement des attentions qu'on lui faisait en tant qu'invitée de marque; Elle n'y manquerait pas. Et aussi s'était-elle extasiée devant le respect que pouvaient lui témoigner ces colosses qui devaient faire le triple de son poids, si ce n'était plus. Elle avait eu du mal à cacher ce sourire satisfait qui, une fois seule, se transformait en fou rire. Tout était devenu si fou depuis son retour de la bataille. Oui, c'était bien une certaine folie qui l'animait ces derniers temps, si elle pouvait le dire ainsi. Elle était complètement grisée. Elle en avait presque du mal à fermer l'oeil la nuit. Ses insomnies se résumaient à l'ébauche de nouveaux plans, à des tentatives de s'imaginer la réaction d'un tel ou à l'admiration, pour la énième fois, de l'insigne qu'on lui avait gracieusement confié. Aujourd'hui elle le portait fièrement à la poitrine de sorte à ce que personne ne le rate. Bien qu'elle s'était toujours considérée digne de la porter mais que ce rêve devienne réalité la projetait en pleine fantaisie. Elle entendait encore la foule clamer son nom jusque dans les bas quartiers. Sa victoire avait été plus que triomphante. Et jamais, même en dépit de sa nature mégalo, n'avait-elle rêvé d'une telle assomption. Peut-être vivait-elle les plus beaux jours de sa futile existence? Puis il n'y avait rien de tel que de se savoir idolâtrée, aimée, soutenue pour se jouer des moues circoncises des Délimariens.  

Sans  doute était-ce ces regards inquisiteurs qui lui faisaient comprendre que sa place ne serait pas aussi facilement acquise ici qu'à Caladon. En définitif, même si cette ville n'était pas la sienne, et qu'elle s'y sentait inconfortablement mal à l'aise, s'éloigner quelques temps de l'euphorie qui l'emportait dans son sillage n'était peut-être pas si mal. Elle faisait preuve d'un tel enthousiasme que ses conseillers en était quelques peu déstabilisés. Il avaient prit l'initiative commune de lui rappeler que la période était encore au deuil et que des festivités seraient déplacées. Aussi, avaient-ils été assez soulagés de la voir s'éloigner quelque temps, espérant qu'elle revienne la tête froide.  Le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême, disait-on. Elle le voyait ces jours ci et elle le vivait comme jamais elle n’avait cru devoir le vivre. Car le pouvoir grise, le pouvoir enivre, le pouvoir aveugle.

Souvent s'était-elle posé la question du prix qu'elle aurait été prête à donner pour en arriver là où elle en était aujourd'hui. Sous sa cape recouvrant la moitié droite de son corps se dissimulait le dit prix de la victoire. Il était disgracieux d'afficher son membre estropié au regard de tous. Elle en serait profondément embarrassée. Pour autant, elle ne faisait pas plus d'effort pour effacer de l'esprit de ses gens une blessure impropre à une demoiselle de sa stature. Autant à Délimar il était difficile d'user de sa magie sans complication inutiles, autant à Caldaon elle aurait très bien pu remédier à quelques illusions peu coûteuses en attendant de trouver une véritable alternative. Mais non, elle aimait voir, lorsque sa cape suivait son bras valide, qu'elle se soulevait ne serait-ce qu'un peu, un éclair dans leurs regards. Chaque petite allusion ravivaient en leurs coeurs le souvenir des batailles passées. Ils se souvenaient qu'elle était là, avec eux, et quel rôle elle avait joué.
Toutefois, ici, encore une fois pour la contrarier, les blessures de guerre, les cicatrices en tout genre semblaient monnaie courante. Autant de raisons de contrarier son égo pour qu'elle puisse en venir à l'idée que ce qui la réconforterait le plus serait de ne pas se confronter un fois de plus un mastodonte. Elle n'irait pas jusqu'à avouer que l'intendante l'intimidait, elle avait sa fierté. Cependant elle aurait aimé se renseigner auprès des autochtones sur la réelle valeur de cette femme. A vrai dire les seuls rapports qu'elle en avait perçu provenait de l'elfe qui ne pouvait cacher son amitié pour la guerrière. Or cet état d'esprit n'avait rien d'objectif. Et même si il avait tenté d'adoucir la virulence des opinions de sa fille, elle restait dubitative. Eleonnora voulait se faire un avis par elle même de la réelle situation de l'alliance.

Puis c'était en fouillant les notes de son père adoptif qu'elle était tombée sur ce nom qui lui était déjà parvenu aux oreilles auparavant. Enfin, fouiller, c'était un bien grand mot, elle ne faisait qu'utiliser les indices et les ressources que ce dernier avait laissé. Finalement n'était-elle tombée que sur des courriers de formalité et des factures sans importances. Rien qui ne mentionnait ses activités parallèles, ou quelques secrets qu'elle aurait eu plaisir à découvrir avant tout les autres. Il semblait, sans surprise, qu'il n'était pas du genre à laisser traîner les choses au hasard. Aussi avait-elle relevé le nom du conseiller Avente sans oublier de se renseigner sur sa personne. Il s'était trouvé qu'il faisait en ce jour ci le candidat idéal pour répondre les caprices anxieux qui commençaient à animer la Caladonienne en mal du pays.

Elle put en effet constater qu'entre les deux gaillards qui se tenaient qu'elle avait envoyé à sa rencontre se tenait un homme à l'allure bien frêle comparée à ses camarades. Elle ne put réprimer un  sourire à cette vision. « Ah, j'ai bien faillit m'impatienter.» Les appartements qu'on lui avait assigné le temps de son court passage n'avaient rien des luxueux salons que l'on trouvait au sein du palais Caladonien. Toutefois elle appréciait le pragmatisme architectural qui s’évertuait à créer de grands espaces lumineux. On pouvait dire ce que l'on voulait Eleonnora appréciait particulièrement toute ambition de grandeur.
Elle avait presque regretté de ne pas avoir emporté de lecture, ce qui n'aurait pas manqué. L'attente et l'ennui était ce qu'elle supportait le moins au monde. Cependant elle faisait en sorte de ne pas laisser paraître ses signes d'anxiété. Se levant du divan elle enroulait encore machinalement son doigt fin atour d'une de ses mèche de cheveux soigneusement coiffés. Elle jaugea l'homme sans un commentaire avant de se diriger vers lui, sourire aux lèvres. « J'espère ne pas avoir dérangé vos occupations conseiller Avente....bien que je sais que dans ce métier, il n'existe que le repos que l'on s'impose. Permettez donc que je vous libère quelques instants de votre plume. » Elle lança un geste désinvolte aux deux malabars avant d'inviter le nouvel arrivant à la suivre. Au final avait-il vraiment le choix? Elle n'avait pas pensé au fait qu'il puisse refuser la moindre conversation. Et tant mieux s'il avait été intimidé par ces gaillards, se pointant sans demander leur reste, l'embraquant vers une destination inconnue, sans lui donner l'occasion de discuter de quoique ce soit. Elle retarderait évidemment le moment de lui fournir des explications claires et précises. Car si elle aimait impressionner en débitant ses titre, dont le tout nouveau qui tait encore un doux miel lorsqu'il franchissait ses lèvres, cela l'amusait davantage de  lire l'incompréhension dans les yeux de son otage. « Asseyez vous, je vous en prie mon cher! »

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Un tir.

Encore manqué.

Ilhan grogna intérieurement. Il avait acquis récemment un feutonnere. Ces entrainements avec Sigvald se soldaient toujours par un échec cuisant et il faisait toujours montre d’une incapacité notoire en tout domaine de combat, ou presque. Pourtant, plus encore depuis la dernière bataille, il s’était forgé une féroce détermination à en développer une, quelle qu’elle soit, pour ne plus dépendre des autres, pour ne plus voir les autres mourir pour lui, pour ne plus être un poids en plein combat si jamais... D’ordinaire son arme à lui était les mots et l’esprit. Mais en plein combat, face à un adversaire agressif voulant vous tuer à tout prix, quels que soient vos arguments, les mots étaient impuissants. Il avait bien sinon la magie, les illusions, les ombres et autres parades, magie qui d’ailleurs s’était quelque peu développée en puissance en lui. Toutefois cet art semblait à l’heure actuelle complètement fou.

Il se rappelait encore cette fois où, voulant décrypter un simple courrier reçu, il avait déclenché une explosion dans son bureau. Qui avait réduit sa lettre en cendres, ainsi que bon nombre de parchemins sur son bureau, qui avait failli déclencher un incendie et qui l’avait violemment projeté en arrière. Il en avait récolté une sévère commotion crânienne, encore, et une réprimande salée. Quand bien même il s’était défendu en expliquant ne pas comprendre ce qu’il s’était passé. Un simple sort de décryptage, provoquer de tels dégâts ? Heureusement, les Brise-Sorts intervenus n’avaient pas remis sa parole en cause. Mais depuis cet incident, associé aux divers malaises que ressentaient certains mages, il avait été décrété une interdiction d’user de magie jusqu’à nouvel ordre. Jusqu’à ce que l’on comprenne ce qui se passait. La magie changeait. Il fallait de nouveau la réapprivoiser. Voilà tout ce que l’on savait pour l’heure.

Démuni, dépourvu dès lors des seules armes qu’il avait pour lui, Ilhan se cherchait un art martial à sa portée.

Un autre tir. Encore manqué.

Purnendu lui avait montré une technique de pugilat basée plutôt sur la défense, l’agilité et le contrôle que sur la simple force physique. Une technique à laquelle il tentait de s’entrainer régulièrement. Mais il se souvenait aussi des divers conseils qu’il avait reçus ces derniers mois en la matière ou en matière de magie, et ils n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Développer son endurance, pour mieux supporter la fatigue s'il usait de magie. Il y travaillait, même si durement, avec Sigvald. Tenter de travailler l’archerie, qui lui ferait apprendre le contrôle tout en lui développant sa capacité à viser. Mais l’arc lui semblait trop difficile. L’arbalète trop lourde. Il avait alors trouvé cette idée : le feutonnere. Typiquement délimarien qui plus est. Et, au pire, même s’il ne parvenait pas à maitriser l’arme, elle pourrait toujours lui servir à tenir en joue quelqu’un pour le garder en respect.

Un autre tir. Encore manqué.

Il fallait avouer que de tenter de s’entrainer, en quoi que ce soit, alors qu’il était en piètre état, n’était pas la meilleure idée qui soit. Sa main droite était encore bandée. Un accident lors de ses travaux de caisse… Oui, travaux de caisse.

À cette pensée, il renifla piteusement et, découragé, rangea son arme à sa ceinture. Il était dépité, fatigué, et était tenté de baisser les bras.

Il savait qu’il devait payer pour son insubordination. Il savait avoir acculé Tryghild dans ses derniers retranchements, en s’infiltrant comme ça sur le bateau, en parfait clandestin, et en désobéissant ouvertement à ses ordres pour se rendre au combat alors qu’elle lui avait expressément demandé de rester à Delimar. Il savait qu’elle n’avait pas d’autres choix que de le condamner. Il devait même avouer que la peine était plus légère qu’il ne l’aurait crue, lui qui s’était attendu au bannissement, à la destitution de tous ses biens ou de son rôle de conseiller. Il se souvenait encore de son procès en Cour martiale. Oui, cour martiale, ni plus ni moins. Puisqu’il avait voulu jouer au petit soldat. Il se souvenait n’avoir répondu que par monosyllabes, ou par des silences désespérés. Il n’avait pas argumenté, n’avait pas tenté une seule parole de défense. Coupable ? Oui, il l’était, avait-il reconnu d’un hochement de tête. Comprenait-il la peine ? Oui, d’un autre hochement de tête.

Construire le bûcher de tous les soldats morts pour lui. Pas moins de douze soldats. Douze. Juste pour le défendre, lui, petit diplomate. Il n’en avait vu qu’un seul tombé. Un presque ami, qui avait pris ses maudites dagues de néant pour lui. La honte, la culpabilité le rongeait, comme pour tous les hommes qui étaient déjà morts pour lui dans le passé. Et devoir construire ces bûchers… au-delà de l’épreuve physique féroce (couper lui-même les arbres pour en trouver le bois ? Vraiment ?!), avait été une épreuve morale qu’il espérait ne jamais revivre. Il se revoyait, rasé de près, lui qui portait normalement toujours la barbe, se couper ensuite une mèche pour chaque mort et la jeter dans le bûcher pour qu’une partie de lui accompagne l’âme du défunt dans son voyage, allumer une bougie pour chacun et prier, en compagnie des autres althaïens, devant leur bûcher longuement. Presque toute une nuit durant.

Il avait également été condamné à des travaux d’intérêt général, pour une période de six mois, suivis ensuite de six mois de probation. Six mois de travail d’intérêt général, à raison de deux heures par jour, dans une entreprise de fabrication… de caisses. Oui de caisses. S’il avait noté le trait d’humour de sa Reine, il peinait encore à en goûter pleinement toute la saveur. Le premier mois avait été éreintant pour lui physiquement, le contraignant au strict minimum. Ses tâches de conseiller le jour, son travail de caisse le soir deux heures… et dormir tout son saoul le reste. Tant et si bien que Shan et Vladimir avaient dû penser à lui rappeler de manger. Mais, même s’il s’était un peu habitué au rythme, tenir le tout et assumer toutes ses tâches tenaient parfois du challenge. Même s’il parvenait, enfin, à mieux s’organiser et à se dégager une heure ou deux par jour pour s’entrainer un peu ou méditer.

Peut-être forçait-il un peu trop toutefois. La fatigue le conduisait à des accidents bêtes, comme celui de la semaine d’avant. Il avait glissé de son escabeau, qui lui permettait d’atteindre la bonne hauteur pour l’établi purement glacernois, et s’était pris la main sur un clou. Il avait failli se démettre l’épaule en tombant. Il avait eu l’épaule en écharpe pendant trois jours, avait eu droit encore aux gros yeux de Tryghild lors du dernier conseil, et avait maintenant la main droite bandée jusqu’à cicatrisation. Du coup il tentait de tirer de la main gauche. Il s’était dit qu’étant ambidextre cela ne poserait pas de souci… mais il fallait croire qu’il était aussi mauvais gaucher que droitier concernant les armes.

Il en était là de ses songes et réflexions, fixant sa cible malheureusement intacte, quand deux gardes glacernois vinrent vers lui. On le quémandait. La Bourgmestre de Caladon, la jeune Eleonnora Ostiz. Soit, concéda-t-il en un sourire blasé et las. Après tout, il n’était plus à ça près, et pouvait bien lui octroyer quelques instants. Cela faisait partie d’ailleurs de ses attributions, après tout.

D’un pas lent, il les suivit, leur imposant son rythme à lui. Hors de question qu’il court et se retrouve ensuite essoufflé.

« Ah, j'ai bien failli m'impatienter.»

Dame Ostiz, je suis fort affligé de vous avoir fait attendre, salua-t-il en entrant, tout en s’inclinant légèrement.

Tel un noble devant une de ses paires. Il lui aurait bien offert le baise-main, mais craignit de commettre un impair. Elle qui avait perdu un bras. Il se releva donc simplement, dardant ses orbes sombres sur elle et lui offrant un sourire énigmatique.

J’espère que vous saurez me pardonner cette impudence, chère Bourgmestre.

Il l’observa attentivement. Il avait déjà eu l’occasion d’apercevoir la jeune femme, de la croiser, mais jamais ils n’avaient pu réellement se rencontrer de façon aussi formelle. Et enfin, il pouvait jauger cette déroutante personnalité lui-même. Il nota tous ses petits gestes, ce doigt jouant avec ses cheveux, cette façon de marcher, de le regarder… Tout dénotait en elle la jeune femme de bonne naissance, qui avait une certaine estime de sa personne… et aimait bien jouer avec les autres.

« J'espère ne pas avoir dérangé vos occupations conseiller Avente....bien que je sais que dans ce métier, il n'existe que le repos que l'on s'impose. Permettez donc que je vous libère quelques instants de votre plume. »

Pour tout avouer, vous me délivrez en cet instant d’un tout autre instrument. Mais je ne vais pas m’en plaindre, votre compagnie suffira à estomper la peine d’une telle perte, j’en suis assuré.

Oui il se la jouait lui aussi vil flatteur. Il n’avait rien perdu de ses anciennes habitudes de la Cour au final. Et la nouvelle Bourgmestre de Caladon réveillait en lui tous ses vieux instincts. Pas forcément les meilleurs, cela dit….

Quand elle l’invita à s’asseoir, il obtempéra, sans rechigner. Mais ne se priva pas toutefois d'un rapide tour de la pièce du regard. Voir les issues, les cachettes pour une potentielle oreille indiscrète, les endroits où pouvait se glisser une silhouette mal intentionnée... Tous ces petits détails que sa vieille paranoïa lui avait appris à rechercher.

Que puis-je faire pour vous ? Je doute que ma seule compagnie vous soit de bon aloi.

Et il pesait ses mots. Il était depuis quelque temps d’humeur morose, et devait faire appel à toute sa maitrise pour faire bonne figure. Cela ne se voyait sans doute en rien, son sourire faux faisant office de masque poli, mais il n’avait aucune envie de sourire, aucune envie de discuter. Et les douleurs de plus en plus lancinantes qui le tiraillaient dans le ventre n’aidaient en rien.

Mais si je puis vous apporter quoique ce soit pour votre séjour, je me ferai un plaisir de tout mettre en oeuvre pour satisfaire vos désiratas.

Dans la mesure du possible.

J’espère d’ailleurs que notre cité est à votre goût..

À défaut d’être à votre taille, siffla une voix intérieure des plus mesquines.

et que votre visite à Delimar nous permettra de renouer les liens forts qui nous unissaient déjà avec Caladon.

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Les faux semblants du nouveau venu rendait Eleonnora perplexe. Car elle n'était pas idiote au point d'être aveugle à ce que tout noble savait maîtriser. Il aurait au moins pu être illuminé par la grâce qu'elle lui faisait... ou être un tant soit peu surpris. A vrai dire elle ne s'attendait pas à faire aussi peu d'effet. Maintenant qu'elle s'était trouvée une occupation, sa tension était retombée. Pourtant ce manque de réaction de la part du conseiller fit émergerles questionnements qui la taraudaient à son arrivée dans cette ville austère. Était-ce le côté Délimarien de cet individu qui éveillait en lui l'idée que son influence n'était pas acquise? Cela avait le don de l'agacer. Elle avait été élue, soutenue, reconnue par des millions de gens; Ses voisins n'avaient aucune raison de douter de son pouvoir. Contrairement à ce qu'il pouvaient assurer, les Delimariens pouvaient, eux aussi, faire preuve de mauvaise foi. Derrière l’étendard de leurs belles et glorieuses valeurs ils étaient aussi humains que les Caladonniens. Se voiler la face de cette manière ne les avançaient absolument à rien. Elle scruta le sourire cachant les faux semblants de son interlocuteur. Son visage lui revenait à peine. Autant dire qu'ils s'étaient sans aucun doute déjà croisés mais la demoiselle n'était pas très physionomiste. Elle avait une mémoire très sélectives des visages. Dans le métier qu'elle exerçait, suivre la foule de visages était une danse compliquée et infinie. Alors pourquoi se souvenir des insignifiants personnages qui suivaient les dirigeants à titre de consultants? Il aurait été aussi aisé de nommer toute la population d'une fourmilière. Aussi, fallait-il que ces derniers gagnent une valeur à ses yeux pour qu'elle s'en souvienne. Elle lui donnait aujourd'hui une chance d'être gravé dans l'esprit de la Bourgmestre. Il n'avait pas encore l'air de s'en rendre compte; Elle décida donc d'être magnanime. Après tout ce n'était pas cet air froid qui allait lui faire oublier sa bonne humeur.
"Nous trouverons bien un moyen de vous faire pardonner..." Elle lui rendit son sourire énigmatique. Il n'y avait aucune raison pour elle de pas mener la danse. Si l'effet de surprise n'avait tout simplement pas marché, au moins lui restait-il sa considérable position de hauteur. Elle imaginait qu'au temps où elle était conseillère, cet homme aurait très bien pu l'envoyer paître. Ils auraient été sur un pied d'égalité...Tout ce qui pouvait lui rappeler que ce n'était plus le cas l'enchantait grandement. Aujourd'hui il était en quelque sorte esclave des caprices égoïstes (dans la mesure de la dignité) de la Bourgmestre.

Habituellement, n'aurait-elle pas pas passé outre les flatteries de ce subordonné. Elle les aurait appuyées avec un plaisir non dissimulé. Toutefois il semblait que quelque chose d'autre avait attiré son attention. Dardant son regard dans une autre direction la jeune femme s'était approchée du conseiller. Sans autre cérémonie elle s'était penchée à sa hauteur. "Puis-je me permettre?" Elle s'était déjà permise de toute évidence. Elle avait déjà glissé son bras valide le long de la taille du conseiller et avait dégainé l'arme qui pendait discrètement à sa ceinture. Elle n'en avait pas retouché depuis lors...Elle la soupesa non sans une certaine nostalgie dans le regard. Étrange diriez vous. Cet instrument était à l'origine de tant de souffrance; Mais aussi tant de gloire. La demoiselle ne savait quelle relation entretenir avec un tel objet...Elle pointa le canon sur le conseiller avec un sourire taquin aux lèvres. "Ne jouez pas la modestie pour que je vous libère de cet interrogatoire. Je suis certaine que votre seule compagnie saura me divertir." Une lueur enfantine brillait dans ses yeux. Elle jouissait du pouvoir que l'on pouvait ressentir à la simple action de pointer une arme sur quelqu'un; Bien que cela reste un geste de comédie. Elle ne s'attendais pas réellement à ce que ce conseiller morose se ratatine à cette vision. Mais si cela pouvait apporter un peu d'émotion dans son regard, peut-être s'en amuserait-elle. "Voilà un instrument aussi mortel que la plume maniée avec finesse conseiller Avente...peut-être bien plus, tout dépend du contexte...Est-il devenu si dangereux de se promener dans l’enceinte de Délimar pour un gringalet tel que vous ou est-ce bien l'objet dont vous parliez à l'instant?" Elle gloussa et rabaissa le canon. Elle ne voulait pas avoir l'air de le menacer de mort. Si quelqu'un avait fait soudainement irruption, la scène aurait surement pu être mal interprétée. Cela aurait été amusant si cette situation n'avait pas le pouvoir de mêler pas les imposants dirigeants Délimariens dont le sens de l'humour semblait...réduit. Et en y repensant c'était surement la carrure plus légère de son interlocuteur qui la mettait davantage en confiance. Il avait un air bien plus caladonniein que ses congénères si on ne s'arrêtait qu'aux apparences. Mais elle était impatiente de s'aventurer sur le terrain des opinions.

"Cela aurait été un plaisir de vous aider dans vos entrainements mais il se trouve qu'une incommodité passagère m'en empêche." Elle prenait plaisir à raconter qu’elle avait, un jour, manié avec adresse cet engin mortel. En vérité elle n'avait jamais eu le niveau d'un véritable amateur. Le tir qui lui avait coûté son bras n'avait été que chance (si l'on pouvait parler ainsi). Mais elle pouvait raconter ce qu'elle voulait, tant que la légende se perpétuait la vérité n'avait plus de réelle valeur. Elle examinait le canon, comme si c'était un nouveau jouet. "J'ai moi même eu un intérêt pour ces armes, aussi rares soient-elles. Après tout si les Délimariens ont cet idéal d'égalité, autant qu'ils fournissent aux plus...démunis une manière de se défendre aussi bien que ces tas de muscles. Enfin, surtout dans cet univers où l'on réprouve les armes que la nature nous a offert et dont chacun devrait faire libre usage..." Elle détourna son intérêt de l'objet avec un soupir las. Voilà, là était la chose qui lui déplaisait le plus à Délimar; Leur rapport à la magie. La taxe élevée qu'elle avait du payer au nom de Caladon à l'entrée de la cité lui avait laissé un goût amère dans la bouche. Eleonnora, ayant prit pour habitude de s'entourer de nombreux mages, avait réduit sa garde magique au strict nécessaire. Il semblait de toute façon que ces dernier temps la vigilance de ces anti-magie primaires ait redoublé. Les mouvements incertains de la trame les troublaient autant que le reste du monde. La Bourgmestre pouvait elle même témoigner du malaise permanent qui se faisait ressentir dans les rues d'une ville où la magie était pratiquée quotidiennement. Mais en ce qui la concernait sa pratique était aussi malhabile que tout ce qu'elle entreprenait de ses mains...à son grand malheur. Tenir une plume était devenu un véritable supplice. Peut-être qu'à force d'entrainement sa main valide deviendra aussi précise que celle qu'elle avait perdue. Cependant certains actes magiques lui restaient prohibées par cette infirmité. Autant dire que cette marque qui lui était désormais distinctive était, au delà des légendes et des beaux discours, à l'origine de terribles frustrations qui ne manquaient de la pousser à bout. Cela lui déplaisait de déléguer des tâches qu'elle pourrait accomplir elle même. Voir sa signature tremblante était le supplice que son impuissance lui infligeait chaque jour depuis son retour. Alors autant dire qu'il était délicat de parler de son infirmité sans l'insulter involontairement. Les mots bras, main, handicap, étaient devenu presque dangereux dans l'enceinte du palais de Caladon. On les chuchotait à la dérobé dans les couloirs mais si le moindre affront revenait au oreilles de la Bourgmestre, elle se faisait un plaisir de discuter avec l'impudent. Cela était presque devenu un jeu pour elle. Autant qu'elle pouvait en abuser les jours de lassitude. Dégager sa frustration sur ses subordonnés était bien plus libérateur qu'elle ne l'aurait pensé. Mais autant savait-elle qu'il ne fallait pas en abuser. Ils finiraient par prendre ses accès d'humeur à la légère et en perdrait toute crédibilité. Mais ici elle n'avait personne pour la décharger de son anxiété.
Alors, en y réfléchissant, peut-être avait-elle quémandé une présence uniquement dans le but d'avoir une oreille attentives à ses plaintes et caprices.
"Autant de raisons que ma visite à Délimar reste prompte. Sans vouloir vous offenser, évidemment, il n'y aucune raison de précipiter ce qui est déjà sur une bonne voix au risque de nous entrechoquer dans des débats qui pourraient nous être nuisibles." Elle connaissait ses opinions et tendait à y rester fidèle. Alors les compromis risqueraient d'être plus abruptes qu'avec son père adoptif qui était, de surcroit, ami de longue date avec de nombreux citoyens Delimariens. Elle n'avait aucune raison de laisser tomber se convictions, celles pour lesquelles elle avait aussi été élue. Tout autant qu'elle ne souhaiterait pas voir cette alliance, vitale pour Caladon, s'affaiblir sous leurs différents. Car elle savait que certains pourraient en prendre parti et ça le conseiller était très bien placé pour le savoir. "Il me tarde de retourner à mes affaires...tant de choses à restent à échafauder de mon propre côté....Mais nos ambitions personnelles finiront toujours par se rejoindre dans la mesure où Délimar et Caladon sont deux jumelles malgré leurs caractères si différents..." Elle s'était rassise et calmement avait posé l'arme sur la table basse. Calmant l'enfant, qui, quelques instant plus tôt aurait prit l'initiative d'offenser un conseiller pour son propre divertissement elle lui.

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Quand il vit la jeune femme s’approcher de lui et se pencher sans préambule, Ilhan fronça les sourcils. Il n’eut guère le temps de répondre lorsqu’elle lui demanda la permission, que déjà elle la prit d’office. Il sentit soudain un bras inopportun enlacer sa taille prestement. À ce mouvement, l’althaïen se raidit, et un souvenir manqua l’aveugler de son éclair fulgurant quand il vrilla son esprit. Un court instant, l’espace de quelques secondes à peine, ce n’était plus la jeune femme, ce n’était plus une petite effrontée, ce n’était plus la nouvelle bourgmestre de Caladon qui se tenait si près de lui, son souffle lui caressant la joue. Non, ce n’était plus qu’un borgne abject, une voix grave dont il maudissait tous les accents, un comte, un Empereur, aux odieux caprices avides et perfides. Heureusement, bien vite le bras se retira, pour mieux le délester de son arme.

Ilhan se surprit à expirer discrètement, relâchant un souffle qu’il n’avait pas eu conscience de retenir. Et aussitôt l’instant présent reprit ses droits. Il se mordit la joue en silence pour ne pas laisser son outrage s’exprimer en mots venimeux et se contenta d’observer le nouveau manège de son hôte, tout en prenant garde à ne rien laisser filtrer sur son visage au masque lisse. Bien qu’un œil attentif aurait pu entrevoir sa brusque crispation, somme toute assez normale pour quiconque se faisait aborder ainsi, ou la lueur fugace de pure appréhension qui dut éclairer ses yeux sombres...

À chaque geste de la jeune femme, il la catégorisait de plus en plus en petite effrontée nobliau qui aimait bien minauder. Pas que cela soit forcément une injure de sa part. Pour tout avouer, s’il s’amusait à mettre des épigraphes sur chaque personne, aucune n’avait de connotation bonne ou mauvaise en son esprit. Elles lui permettaient juste de mieux cerner le type de comportements utilisés par cette personne pour mieux savoir comment y réagir. En l’occurrence, il avait affaire certainement à quelqu’un aimant plaire, et appréciant les compliments. Soit, il avait su jouer à ces jeux-là. Peut-être pourrait-il s’y prêter… si l’humeur lui en disait.

Non, si le devoir le lui demandait, corrigea-t-il aussitôt. Et si elle ne faisait pas montre de comportements outranciers, tendancieux, ou… licencieux. S’il y avait bien une chose qu’il s’était promise en venant à Delimar, c’était de ne plus jamais permettre de tels abus sous prétexte de donner de sa personne pour servir la cause.

Tout à ses pensées, il aperçut soudain le canon de son arme pointer sur lui. Mais à quoi jouait-elle ? Un mauvais mouvement et le coup partait et… Il préféra ne pas y songer. Il garda son calme légendaire, réprimant le frisson qui lui courait dans le dos. Il se contenta de pencher légèrement la tête en un signe interrogateur, et haussa un sourcil. Son sourire se teinta d’une légère nuance entre cynisme et amusement. Si elle croyait lui faire peur… Elle ne pouvait tirer sur lui. Ce serait… drastiquement anti-diplomatique de tuer le diplomate de Delimar au sein même de Delimar. Non, il ne risquait rien… si ce n’est un coup partant sous un mauvais geste. Mais détails que cela.

"Ne jouez pas la modestie pour que je vous libère de cet interrogatoire. Je suis certaine que votre seule compagnie saura me divertir."

Et vous ne jouez pas avec le feu, fut-il tenté de répondre. Mais au lieu de cela, il se contint.

Je l’espère bien, susurra-t-il à mi-voix. Je suis là pour satisfaire votre bon plaisir du moment.

Dans la limite du décent, ajouta-t-il en son for intérieur.

Et venait-elle de l’insulter de gringalet ? Voilà encore qui allait lui valoir un surnom grotesque auprès des Glacernois s’ils venaient à l’entendre. Ilhan se retint de grincer des dents et parvint à ne pas perdre son sourire. Qu’il avait perdu l’habitude de tels jeux, songea-t-il. Et pour autant, ces fourberies-là ne lui avaient pas manqué. Il regrettait déjà l’ancien bourgmestre. Et à cette pensée, il sentit son coeur se serrer. Et une étrange mélancolie l’enveloppa de son manteau de pois.

Il s’agit effectivement de l’objet dont je parlais à l’instant. Je l’ai acquis il y a peu et je tente de m’entrainer à le manier décemment. On m’a conseillé de m’exercer aux armes de trait. En bon élève, je suis les conseils des maitres qui daignent m’enseigner.

Quand elle parla de sa propre expérience avec cet instrument, il hocha silencieusement la tête, se gardant bien de tout commentaire. Bien entendu il avait entendu le récit des prouesses de l’ancienne conseillère lors de cette ultime bataille. Des prouesses qui lui avaient valu des ovations… mais qui lui avaient coûté un bras. Sans mauvais jeu de mots. Et à cette pensée, il réprima à temps, bien que difficilement, un sourire qui se serait montré un brin mesquin.

Parlait-elle bien de la magie quand elle faisait mention d’armes données par la nature et dont tous devraient faire libre usage ? Libre usage, vraiment ? Avec tous les incidents magiques qu’ils connaissaient à l’heure actuelle ? Sur l’instant, Ilhan ne répondit rien, garda silence et écouta avec attention la suite des propos. Même s’il n’en perdait pas une miette et gardait ses réponses dans un coin de son esprit. Quelques hochements polis furent d’abord ses seules réactions, indiquant ainsi à Dame Ostiz qu’elle avait toute son attention. Oui, toute son attention. Les paroles qu’elle lui offrait ne tombaient pas dans l’oreille d’un sourd. Des débats pouvant être nuisibles ? Au sujet de la magie ? Alors que Delimar faisait preuve d’une ouverture d’esprit comme jamais auparavant à ce sujet en ne bannissant pas tout simplement tout mage depuis les incidents magiques ?

Heureusement la suite de ses propos finit sur une note plus optimiste. Pour leur avenir, et surtout l’avenir de l’Alliance. Si elle ne portait visiblement ni Delimar, ni ses habitants, ni leurs mœurs dans son coeur, du moins tenait-elle assez à l’Alliance pour ne pas tout gâcher par des propos malvenus. Peut-être leur serait-il permis de construire quelque chose ensemble tout de même, même si les bases s’annonçaient plus fragiles qu’avec son prédécesseur.

En effet, des sœurs jumelles si différentes, mais si complémentaires, répondit-il enfin avec un sourire plus adouci.

Un brin plus franc aussi.

Je conçois vos inquiétudes et vos désirs de défendre ce qui vous tient à coeur. Sachez cependant qu’ils ne sont peut-être pas si éloignés de ceux de Delimar. Même au sujet de la magie, puisque vous en faites mention.

Il laissa quelques secondes de silence planer, et son regard dériva de l’arme à la bourgmestre, enfin devenue une jeune femme sage et courtoise et non plus une gamine capricieuse.

Je vous avoue avoir nourri les mêmes récriminations que vous à ce sujet quand je suis arrivé ici. Mais j’ai appris à mieux comprendre les mœurs et les choix de mes compatriotes. Cette taxe pour ma part m’a permis d’ouvrir les yeux sur certains points. Votre noble sagesse a raison : la magie est un don. Mais c’est un don dangereux, et les incidents dont tous les mages souffrent en ce moment nous le prouvent en une âpre et dure leçon. En Delimar, nous ne sommes pas contre la magie. Nous sommes pour un usage raisonné et raisonnable de la magie. Pour user de ce don avec respect et honneur.

Il n’espérait pas forcément la convertir, mais adoucir un peu sa vision des choses et notamment de Delimar.

Un dicton de chez moi disait qu’à grand talent rime grande responsabilité. Il en est ainsi de la magie, je pense. Et comme tout don, il faut apprendre à l’apprivoiser, le comprendre, apprendre à le maitriser. Saviez-vous qu’en Delimar il existe une petite école pour les mages ? Pour leur apprendre les bases de leur don et leur apprendre à comprendre ce qu’est la magie ?

Il était fier que ce projet ait pu voir le jour. Fier que Tryghild l’ait accepté, et, mieux encore, l’ait soutenu. Même si l'enseignement était surtout théorique et une base pratique très rudimentaire. C'était toujours mieux que rien et un pas en avant.

Un cité qui serait contre la magie n’aurait jamais créé pareille institution, très certainement.

Il fit une courte pause et ancra ses orbes noirs dans ceux d’Eleonnora, avant de reprendre, d’une voix profonde et grave :

En tout cas ces sœurs jumelles ont un point en commun qui scelle leur Alliance plus que tout différend. Selon vous, quel est-il ? Et ne me dites pas que nous n’en avons aucun. Vous ne seriez pas ici sinon.

Et soudain il songea que leur discussion devenait sans doute un tantinet trop sérieuse pour la jeune femme, qui l’avait fait mander pour se changer les idées plutôt que pour palabrer.

Mais je vous importune sans doute et fais défaut à tous mes devoirs d’hôte. Sans doute avez-vous envie de vous divertir. Souhaitez-vous visiter notre cité ? Je pourrais vous montrer le quartier marchand, qui n'a certainement pas pu avoir l'honneur de votre présence, lors de votre visite diplomatique.

Elle avait sans doute vu tout le quartier de la citadelle, ou le quartier des arts, mais il doutait que quiconque ait pris le temps de lui faire visiter le reste de la cité. À n’en pas douter, le quartier marchand plairait bien mieux à un citadin de Caladon, par son fourmillement de vie et d’activité. Quand bien même…

Même si je doute qu’il ait l’envergure de celui de Caladon. Aucune cité ne pourrait rivaliser avec la vôtre sur ce point-là. Mais il ne démérite pas et a son charme aussi.

Un charme très martial, mais un charme tout de même.

Et pendant que je vous fais visiter, vous pourrez me faire une liste de type d’ouvrages ou de commodités dont vous auriez envie pour agrémenter votre séjour. Je me ferais un plaisir de vous les faire apporter dans la soirée. Commandez, et je vous sers.

Se disant, il se leva, lui fit une légère révérence, puis, en galant homme offrit son bras. Prenant garde de le tendre du bon côté.

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Bien que cela fut terriblement agaçant, la jeune femme reconnaissait avoir une certaine admiration pour le flegme à tout épreuve du conseiller Avente. Mais sur ce masque impassible chaque émotion venant perturber le pli neutre de sa bouche était alors dénotable. Le moindre souffle de travers était aussitôt remarquable; Tel un craquèlement le long de la façade qu'il avait érigé. Cela ne fit qu'amuser d'avantage son invitée. Loin du soucieux passé qu'elle avait fait surgir, elle s'enquillait à penser que ce petit frémissement, cette tension dans l'air n'était née que de son éminente. Autant dire qu'elle prenait un plaisir tordu à provoquer ce qu'elle aimait interpréter comme de la crainte. Bien que, en le réalisant, le commun des mortel aurait senti ces frissons se nicher au creux de la nuque avec une telle arme pointée sur la tempe. L’intérêt était toutefois qu'elle avait bien là une preuve qu'au sein de la carcasse de cet homme se nichait un coeur battant au même rythme que celui n'importe quel individu normalement constitué. Car là était le réel objectif de cette étrange prise d'otage (en dehors de l'amusement que le moment procurait à la demoiselle); Que valait cet homme? Un test aussi imprévu pouvait en révéler beaucoup. Bien que radical il avait tout de même la prétention de permettre de repérer les idiots. Pour autant ses pupilles d'ébène étaient restées aussi énigmatiques qu'au moment où il avait franchit le pas de la porte. A quoi pensait-il sous ses couverts de bonté diplomatique? Surement retenait-il des paroles malvenues...Mais elle ne le blâmerait pas pour ça, ils le faisaient tous sans exception. Mais rares étaient ceux qui réussissaient à tenir leur langue jusqu'au bout. Le conseiller se révélant étonnement bon à ce jeu, elle laissa tomber plus rapidement qu'elle ne l'aurait imaginé. Il eu même la présence d'esprit de montrer son désaccord avec la Bourgmestre. Malgré le fait qu'elle ait lancé le sujet dans l'espoir d'une réponse franche dont elle aurait pu s'amuser, elle ne s'attendait pas à telle réplique de la part d'un délimarien. C'en était presque curieux. Après tout qui aurait pensé que de telle contrées puissent héberger un résistant à la pensée générale? Où peut-être bien que les estimations de la Bourgmestre étaient fausses? Elle avait levé sourcil d'un air circonspect. Elle avait pourtant eu peine à croire son père lorsqu'il tentait, tant bien que mal, de remettre ses préjugés à leur place. Cependant ,en dépit des efforts que semblait soutenir à bras le corps cet individu, il semblait que ces idées n'étaient qu'un début branlant et qu'elles restaient un tant soit peu marginales. Il aurait été mal venu de répliquer ou de s'en moquer bien que cela démangeait l'esprit taquin de la demoiselle. Son rôle était au contraire de soutenir cette noble cause et ses partisans. Qu'est ce que c'était ennuyeux de faire partie des gentils tout de même... "Je ne puis que louer vos efforts certains pour faire évoluer les mentalités dans un sens qui me semble bien sage. Je vous avouerais presque mon admiration...Il est vrai que le seul remède contre la peur et la haine est l'éducation. " Elle hocha la tête d'un air entendu avant de croiser les bras d'un air soucieux. " Toutefois veuillez le permettre de rester sceptique quand à ce 'contrôle' qui est exercé sur les mages en fonction de leur puissance et la discrimination que cela peut entraîner..." Pouvaient-ils réellement juger quelqu'un en prérogative des dégâts qu'il pourrait causer? Eleonnora pensait évidemment à son frère adoptif. Cet imbécile heureux ne ferait pas de mal à une mouche, et c'était vraiment le cas de le dire. Pour autant il n'aurait pas eu les moyens de faire ne serait-ce qu'un pas entre les imposantes murailles de la cité. Cette atteinte à la liberté de chacun qui semblait faire défaut à Délimar serrait la poitrine de la politicienne d'un étau toujours plus ferme.
 
Sélénia.
La réponse fusa dans son esprit sans aucun préambule. Bien heureusement s'était-elle retenue d'exprimer cette pensée. Il avait bien dit plus que tout différent...enfin, c'était un accord tacite d'avoir défendu leur liberté, leur indé...
"Leur désir d'indépendance de toute évidence. Et nous ne pouvons être libre de nos choix sans la protection dont nous nous allouons les uns les autres." Elle n'avais aucune envie de se voiler la face en croyant naïvement à une amitié bon enfant. Ce genre de relation était tout simplement biaisée dans ce milieux. Et elle espérait par la même occasion avoir plus de recul que son prédécesseur qui, disons le, avait des liens privilégiés avec certains de ces guerriers. Elle était mal placée pour dire qu'il était nocif de mélanger les relations privées avec le travail mais elle espérait y trouver une nouvelle dynamique, un véritable changement et des ambitions toujours plus conséquentes pour sa cité. Après avoir retourné la question dans un sens qui lui semblait politiquement correct elle réalisa qu'après tant d'efforts de sa part, le jeu s'était retourné contre sa personne. L'arme n'était pas braquée sur sa tempe mais c'était bien elle qui se faisait tester. La jeune femme se retrouvait face à un professeur guettant sagement les erreurs à corriger. Elle eu une moue qui fut surement interprétée comme un signe d'ennui de sa part.

"Vous ne m’ennuyiez pas, bien au contraire, nous en venions tout juste au point intéressant." Son sourire éclatant était revenu sur son visage. Elle n'avait pas quémandé sa présence pour rien. Et surement saurait-il la distraire encore plus. Ou mieux encore, pourrait-elle en tirer des informations? "J'ai bien peur que votre cité ne me paraisse que peu glorieuse si j'en viens à visiter vos marchés sans vouloir en offenser la fierté...Peut-être que vous pourrez me surprendre davantage...Par exemple, où est-ce mon pèr-prédécesseur s'attardait-il en ville? Je veux dire par là quels endroits fréquentait-il?" L'elfe en question, aussi parfait pensait-on qu'il était, avait toujours prit soin de cacher de nombreuses informations au grand public. Sa manière de diriger un tel empire se défendait tout à fait et Eleonnora n'avait rien à y redire...à part lorsqu'elle était considérée comme le grand public. Il s'était évertué à ne laisser aucune trace de ses activités, rien qui ne puisse la guider sur les affaire se tramant sous les beaux plis de sa PROPRE cité. Non, cela ne l'énervait pas que ses conseillers aient surement reçus des indications secrètes. Cela ne l’agaçait pas qu'ils soient plus informés qu'elle. "Je vous le demande par pure curiosité, vous ne le côtoyez peut-être que peu en votre qualité de simple conseiller..." Parce que, ce qui l'embêtait le plus était de n'être qu'une marionnette sur un fauteuil.
Elle prit le bras de son compagnon de fortune avec légerté et se laissa guider. " Commodités et ouvrages? Mais vous pensiez que j'allais passer ma nuit à la lumière d'une chandelle à épousseter des archives? Une ville inconnue me tend les bras et le masque de la nuit ne fait que dévoiler les véritables visages... " Elle gloussa. Que l'insouciance était reine! C'était de ces voyages qui la faisait frémir à la lumière de son inlassable curiosité. Elle était restée enfermée trop longtemps, dans sa tour d'ivoire. Aussi, paradoxalement, c'était en devenant Bourgmestre qu'elle en venait à quitter sa cité. Alors amis de l'aventure, l'aventure vous appelle!

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Il n’aurait su dire s’il faisait évoluer les mentalités de Delimar, ou si Delimar avait fait évoluer sa propre mentalité, sur le sujet de la magie. Sans doute était-ce un mélange d’un peu des deux. Lui-même avait revu sa façon de considérer la magie et l’usage qu’il en faisait par le passé, parfois, souvent outrageuse et abusée par fainéantise plus que par nécessité, tandis que Delimar avait peut-être un peu ouvert les portes aux mages en acceptant de créer une école de base pour les personnes se trouvant dotées d’un tel don. C’était en avançant ainsi de concert tous ensemble, en apportant leur propre pierre à cet énorme édifice, qu’ils construiraient un avenir pour leur cité, et pourraient faire tomber certains préjugés bien trop ancrés dans les mentalités extérieures.

Mais quand elle affirma que le remède contre la peur et la haine étaient l’éducation, il ne put qu’acquiescer. Enfin, enfin !, un sujet sur lequel ils tombaient tous deux d’accord. L’ignorance avait toujours été l’arme la plus puissante des fourbes et des tyrans. Il acquiesça aussi, bon prince, quand elle évoqua rester sceptique sur le sujet des taxes, ce fameux système de contrôle quant à l’usage raisonné et raisonnable de la magie. C’était là, il le concédait, un sujet litigieux. Lui-même avait râlé assez, et râlait encore, contre ce système qui menaçait souvent de le mener à la ruine s’il n’y prenait pas garde. Mais, il devait l’avouer, il lui avait fallu au moins cela, pour qu’il apprenne à se restreindre et à doser l’usage de sa magie. Toutefois, il savait que le sujet argent était encore plus délicat pour les caladoniens, et que leur système parfois bien libertaire sur le plan économique était en complète contradiction avec le système de partage communautaire mis en place à Delimar. Les deux cités, pourtant alliées, étaient sur ce point-là aux antipodes.

Il préféra donc ne pas approfondir ce sujet épineux, sentant, pour l’instant, qu’ils ne pourraient tomber d’accord. Il préférait qu’ils s’accordent sur le fait d’être en désaccord sur ces deux points-là, plutôt que de créer une totale discorde. Nul besoin de convaincre, cela viendrait en son temps, songea-t-il.

Il fut d'ailleurs à la fois surpris et soulagé de la réponse qu’elle lui offrit quant à sa question sur le point commun des deux cités. Oui, leur volonté d’indépendance. Leur volonté de défendre leur liberté. C’était là un point commun fort, qui les unissait dans l’adversité, mais qui pouvait aussi les unir dans la paix, s’ils le désiraient. Il leur fallait juste faire de ce point commun ultime une valeur commune, un étendard, qui pourrait illuminer leur avenir, même quand ils n’auraient plus d’adversaires communs contre lesquels se liguer. Peut-être pourraient-ils se trouver d'autres valeurs aussi pour fortifier l'Alliance.

Il hocha alors simplement la tête et lui offrit un petit sourire appréciateur. Si elle avait toutes les manières d’une gamine capricieuse, au moins était-elle aussi une gamine intelligente. Ils avaient peut-être une possibilité de bâtir quelque chose avec elle, même si le sentier serait ardu et semé d’embûches.

Bon, il devait avouer aussi qu’elle était une jeune femme fort charmante, quand elle savait abandonner ses moues boudeuses. Une femme dont il pourrait ne pas être totalement indifférent, s’il n’était pas conscient de la nécessité de garder une distance décente et respectable dans leurs situations respectives.

Et soudain le sujet dériva, sans qu’il ne s’y attende, sur le sujet d’Aldaron, précédent bourgmestre dont elle prenait la relève. Était-ce lui ou elle tentait de lui soutirer les vers du nez ? Ilhan retint une moue amusée, même s’il laissa son sourire s’élargir légèrement. Intelligente, belle et fourbe à souhait. Une merveille. Une politicienne potentiellement redoutable aussi, lui susurrèrent ses vieux instincts. Méfiance, prudence, il lui faudrait mesurer ses paroles à ce sujet. D’autant plus alors qu’il ne savait pas ce qu’elle pouvait bien savoir sur ce fameux prédécesseur. Ou… Père ? Avait-elle failli dire père ? Il préféra ne pas répondre de suite, et la guida d’un pas posé à l’extérieur où, effectivement, le soleil commençait doucement à décliner.

"Commodités et ouvrages? Mais vous pensiez que j'allais passer ma nuit à la lumière d'une chandelle à épousseter des archives? Une ville inconnue me tend les bras et le masque de la nuit ne fait que dévoiler les véritables visages... "

À ces mots, il laissa un léger rire chanter, alors qu’il décida de l’emmener vers le quartier des arts, qui était sur le chemin du Colisée.

Vous avez raison, la lune lève souvent bien des voiles. Je ne sais toutefois s’il serait décent pour une jeune femme de si bonne naissance, et pour une bourgmestre aussi noble que vous, de voir certains aspects… dénudés… de notre si belle cité, susurra-t-il de ses accents althaïens, laissant les sous-entendus flotter entre eux.

Delimar n’était pas réputée pour sa pruderie. Outre leur caractère porté sur l’honneur, les délimariens étaient aussi des hommes et des femmes natures. Dans tous les sens du terme. Une relation leur plaisait ? Ils s’y lançaient, sans forcément se poser de questions. Toujours dans le respect et l'honneur, cela dit. Si on lui demandait son avis, ces moeurs-là frisaient l’indécence, pour lui à la pudeur parfois exacerbée sur ces sujets sensibles. Mais pour Delimar, cela n’était que l’ordre des choses naturel de la vie. Une vie courte et dangereuse, qui n’épargnait personne de ses affronts mortels, et dont il fallait goûter toutes les saveurs avant que votre âme ne convole hors de votre enveloppe corporelle. Ilhan avait mis un certain temps à, si ce n’est adopter ces mœurs, au moins les accepter pour ce qu’elles étaient, sans porter de jugement pudibond. Il ne savait encore s’il oserait mener la jeune bourgmestre à une des fêtes délimariennes, ou s’il était plus sage de l’inviter chez lui à dîner dans une ambiance plus intime et plus décente. Il aviserait. Le temps de leur petite visite.

Il guida leur pas vers le quartier des arts donc. Autrefois, les artistes locaux donnaient leurs représentations sur les places du quartier de commerce, mais depuis quelque temps, un quartier leur avait été entièrement dédié. Les arts en Delimar étaient hautement encouragés. Les corps chétifs ou plus faibles peu portés au combat pouvaient exprimer alors tout leur potentiel et participer, à leur façon, à l’émulation collective de la cité. C’était là un aspect peu reconnu de Delimar. Mais pourtant très développé.

Pour répondre à votre question sur votre prédécesseur, il se rendait surtout à la citadelle, ou auprès de notre Intendante. Mais je pense que vous avez déjà beaucoup côtoyé les deux, nul besoin que je vous y emmène de nouveau. Il lui arrivait sinon de venir se promener ici, dans ce quartier des arts.

Se disant, ils passèrent une des lourdes portes de fer qui séparait les différents quartiers et désigna de sa main libre ce qui se révélait sous leurs yeux. Une grande rue pavée où s’érigeaient diverses statues de chaque côté de l’allée, des statues qui redessinaient tout un pan de l’histoire glacernoise tout au long de leur marche, et pas seulement guerroyante. La rue déboucha sur une grande place où se rejoignaient deux autres rues. Chacune bordée également de statues et chacune dédiée à l’histoire d’un des autres peuples. Sur la place s’étendaient de nombreux tréteaux ou autres planches rehaussées présentant diverses représentations, de danse, d’acrobatie, ou de théâtre même, de lecture de poésie nordique… pendant que certains peignaient, parfois sur les pavés même, devant tous les badauds passant. Tous les arts y étaient représentés et c’était là une fierté de Delimar.

Un quartier qui représente tous les arts de tous les peuples réunis en cette cité. Chacun peut alors exprimer son esprit créatif ici, sans brimade ni censure.

Il y avait effectivement quelques statues ou peintures de nus, ou au contraire au caractère violent. Toutes les sensibilités se retrouvaient en ce lieu sans interdit, ou presque.

Même les mages, ajouta-t-il en un sourire taquin, tout en désignant un artiste réputé pour en être un.

Même si, en cette période de chaos de la trame, tout usage de la magie était interdit en Delimar, pour des questions de sécurité évidente.

Il aimait bien ce quartier, et aller jusqu’au Colisée, qui se trouve au bout de la rue représentant Almara et son histoire.

Se disant, il désigna la rue en question où se dessinait au loin l'imposante silhouette de l'édifice, dont la construction se finissait peu à peu.

Si vous souhaitez y aller, peut-être un combat s’y déroule-t-il encore. Un des autres endroits qu’il semblait apprécier, outre mon humble demeure quand nous devions converser affaire diplomatique en un endroit plus confortable que mon bureau à la citadelle, était les remparts, sur lesquels je l’ai vu une fois ou deux se promener.

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Le ciel paré de ses plus belles couleurs s'étendait au dessus des toits bien alignés, bien rangés le long de la ligne d'horizon. La brise marine emportait avec elle les embruns et l'odeur salé du port jusqu'au plus hauts quartiers de la cité. Mais en cette époque charnière, si les matinée étaient fraiches, les soirées portaient le souvenir de la canicule qui avait sévit au long de la journée. Au bras de cet homme d'Etat la Bourgmestre filait un regard circulaire autour d'elle. Si ces gens avaient entendu parler d'elle, reconnaitraient-ils son visage? Mais ici l'absence d'éffusion la plongeait dans un anonymat qui ne lui était plus si habituel. Après tout c'était sa première halte en ces terres. Elle aurait voulu connaitre les pensées, les cris et les avis de ces visages inconnus mais ce conseiller n'avait pas tout à fait tord, se mêler à la foule n'était plus son apanage.
Malgré son profond mépris pour ceux qui, par dépit restaient au bas de l'échelle, son comportement dédaigneux envers les vices de la société et ce qu'ils faisaient de son peuple, elle reconnaissait avoir une fascination particulière pour ces milieux cachés aux yeux des belles apparences. A vrai dire, elle se prenait d'intérêt pour tout ce qu'elle ne connaissait pas, tout ce qu'elle ne possédait pas. Insouciante, dans l'ivresse que le danger pouvait lui procurer elle se trouvait confiante, baignant dans cette aura d''invincibilité et cumulant alors les pires défauts de ceux qui se croyaient protégés. Après tout quand tout nous est accessible, il est normal de tenter l'interdit. Comme, par exemple, pointer un feutonerre sur la tempe d'un de ses honorables voisins Délimariens. Aussi, ce dernier aurait bien pu de lui-même considérer le ridicule de ses propos. Ils ne manquèrent donc pas de provoquer un gloussement étouffé sous une main délicatement gantée. Il aurait très bien pu constater qu'elle n'avait rien d'une sainte. Elle ne se faisait pas non plus d'illusions quand à ce partenaire. Entre politiciens ils pourraient reconnaitre la difficulté à rester un ange.
Mais surement que ce conseiller, en toute objectivité de sa fonction, avait raison; Une Bourgmestre ne devrait s'abandonner à de telles folies. Puis en y repensant, elle n'était plus la jeune fille prête à tomber dans les bras du premier voyou passant par là. Bien d'autres choses pouvaient désormais la faire frissonner, parcourir son corps des soubresauts électriques de la vie.

" Pensiez-vous qu'un Bourgmestre se mêlerait aux bas fonds de votre cité? Bien que je n'ai rien contre les frivolités dont les plaisirs restent à considérer, je songeais simplement tromper ma solitude, ne serait-ce qu'un soir..." Elle détourna le regard un sourire amusé s'étirant le long de ses lèvres. Voulait-il réellement jouer à ça avec elle? La courte pose qu'elle s'était prescrite pour admirer le massif Colisée offrit le temps nécessaire à l'imagination de son interlocuteur pour interpréter ses dires. Certes Caladon était prude et intime comparée à la fougueuse Délimar mais le mystère entretenait ce que certains appelaient la fourberie, et d'autre la persuasion. Avec délicatesse même les putains arrivaient à leurs fins; Alors la parole qui élève l’homme au-dessus de sa condition animale, pourquoi accepter de la réduire à son usage le plus élémentaire en la privant de son pouvoir d’évocation et de création. Ils préféreraient ainsi la communion à la communication, la connivence à la différence et l’instinct à la réflexion? Le raffinement semblait exempt de cette société qu'elle commençait à peine à apprécier. Surement était-elle tombée sur l'homme qui confirmait la règle par l'exception qu'il incarnait. Cette hypothèse se confirma lorsqu'elle ouvrit les yeux sur le quartier qu'il avait décidé de lui faire visiter. Il était décidément surprenant. Et tout à fait contraire à l'image qu'elle s'était faite d'un citoyen Délimarien. Ces manières calculées dont toute spontanéité était évacuée était davantage semblable à celle d'une aristocratie marquée par le bien pensé et l'étiquette. La demoiselle mimant intérêt devant les oeuvre présente intimait des regard curieux vers le personnage qui l'accompagnait.

"Je ne me serait pas doutée de l'ampleur de la chose, je vous en fais la confession sincère. Je m'attendais à ce que l'on envisage davantage l'art à la portée du peuple ici, un art 'universel' voyez vous...Un art sans concession, sans interprétation, et sans discrimination ni individualisme...A vrai dire c'est la vision que reflète l'architecture de votre cité à premier abord...si linéaire, si droite, si fonctionnelle et impersonnelle. Je suis bien soulagée de voir qu'il reste des espaces aux citoyens pour exprimer leur individualité et leurs vérités personnelles. "
Cette belle utopie que de penser que la société entière pouvait se trouver sur le même piédestal, elle aurait évidemment pensé qu'ils l'auraient appliqué radicalement à l'art comme ils semblaient l'intégrer à leurs pratiques quotidiennes. Une esthétique reflétait toujours un mode de pensé...ici on y trouvait la vérité multiple, l'individualisme, et la liberté qui lui manquait tant depuis qu'elle avait mit les pieds entre ces murailles de pierres froides. " Mais cela ne m'étonne guère que mon prédécesseur appréciait se rendre en ces lieux; Et je suppose que, dans ce sens, la philosophie Caladonienne nous rassemble sur beaucoup de points..."
Elle effleura une idole en marbre du bout des doigts. Elle ne se serait pas doutée de la finesse dont pouvaient faire preuve les artisans de cette cité. Mais quelque part il n'était pas étonnant d'en trouver de si doués lorsque l'on considérait les travaux réalisés dans le façonnage des armes ou sur les chantiers navals. La jeune femme trouvait cela presque dommage que leur potentiel ne soit alors exploité qu'à une seule tâche...Certains passeraient leurs vies sur les chantiers alors que leurs mains valent de l'or. Ce manque d'ambition la désolait.

" Tant d'endroits où je me réjouirais de suivre les traces de ce cher Aldaron! Je ne sais point si cela était aussi son cas mais pour ma part les combats ont vite tendance à m'ennuyer. Je vous avoue que même si les divertissements sont bien aise à vider l'esprit de tout un chacun je ne suis pas très portée sur la violence physique. Je pense que sa nécessité devrait se limiter au stricte minimum. Mais je ne voudrait pas exposer plus longtemps un point de vue qui ne fera surement pas l'unanimité ici..." Pourquoi l'avait-elle débité dans ce cas? La raison était simple, ce conseiller n'était en rien un Délimarien comme ceux dont on chantait les exploits. Si on pouvait encore considérer qu'il en était un...Eleonnora en avait presque des doutes. Mais cela n'avait. rien de négatif, au contraire. Surement s'accommoderait-elle mieux de la compagnie d'un tel personnage que de celle de la géante qui lui servait de dirigeante.
"Mais vous me parliez là d'un endroit confortable. Si votre demeure se trouve être plus agréable que les spacieux bureaux de la citadelle pour parler affaires, je souhaite assister à cela!" De son air faussement enjoué elle prit Le bras de son guide de circonstance. " Et puis si vous entreteniez des liens si privilégiés avec l'ancien Bourgmestre finalement sommes nous plus proches que vous ne le pensiez...étrange qu'il n'ait jamais réellement évoqué votre existence...Oh mais ne vous sentez pas blessé! Je suis certaine qu'il avait ses raisons, ne pensez vous pas?"

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Tromper la solitude, un soir ou une vie… Oui, il pouvait entendre cela. Et la solitude n’était pas forcément un choix. Même lui, qui avait choisi de rester solitaire, de ne plus s’accorder d’attaches, la solitude, compagne de si longues années, parfois lui pesait. Certes, elle était également souvent la compagne éternelle des hommes, ou femmes, de pouvoir. Quand bien même ils étaient entourés d’une Cour ou d’un Conseil où fourmillaient des centaines de petits insectes, tout n’était qu’apparat et leur coeur ne pouvait que pleurer leur véritable solitude. Il pouvait comprendre que ce fardeau, posé si tôt sur ces si frêles épaules, puisse être lourd à porter alors. La jeunesse parlait soudain dans les paroles de la bourgmestre. Comme l’envie de rattraper une vie perdue, de profiter de ses petits plaisirs qui lui étaient presque défendus…

Il se contenta toutefois de lui répondre d’un sourire serein, faisant fi du petit gloussement moqueur qu’elle lui avait offert de prime abord. Ses yeux sombres parlaient toutefois pour lui : on n’apprenait pas au vieux dauphin à faire la grimace.

Il est vrai, une sorte d’art universel existe en cette cité. Vous pourrez le voir alors dans les magnifiques architectures de notre citadelle, notamment en son sein, avec tout l’art de l’architecture almaréenne, comme cette grande verrière dans le pas de l'honneur. Ou en ses fresques historiques magnifiques relatant l’histoire des peuples réunis ici. Vous pouvez le voir dans ces statues bordant nos rues, ou gardant nos fontaines. Vous pouvez le mirer également dans l’art de nos forgerons et dans les armes qu’ils offrent à notre cité, si réputée pour son art guerrier. Car oui, la guerre aussi peut être un art, un art universel.

Il ne fallait pas le lancer sur ces sujets philosophiques, tant il pouvait alors s’emporter dans sa passion éhontée.

Mais cet art universel laisse aussi sa place à un art plus intime, plus individuel comme vous dites. Ce n’est pas parce que nous oeuvrons pour une cause commune, dans le bien commun de toute la cité, que nos individualités doivent s’effacer. Vous en avez la preuve ici même, fit-il en désignant la place des arts. Ou devant vous ici aussi, fit-il cette fois se désignant lui-même.

Car oui, si son origine étrangère à la cité ne pouvait se gommer, il en faisait tout de même partie, intégralement, oeuvrant pour elle comme tout un chacun en ce lieu. On lui laissait son individualité, on l’encourageait même à l’exprimer au Conseil, car cette individualité apportait alors quelque chose à la cité, une part qui lui avait manqué, un petit rien qui faisait alors un tout.

L’individu est important ici, mais il œuvre pour un tout. Chacun, à sa manière. Peut-être certains font-ils l’erreur de croire que la cause commune, l’oeuvre commune, le communitarisme, efface les personnes derrière. Mais c’est alors ne pas voir que, ce qui fait la force de cette œuvre commune, ce sont les personnes qui chacune apportent sa pierre à l’édifice commun. Et c’est parce que chacun apporte une part de soi, que ce petit rien construit un grand tout, un tout où chacun devient alors une part entière, où chacun a autant de valeur que les autres.

C’était là la force de Delimar : le partage égalitaire, à la mesure de chacun. L’importance de chaque personne à égalité, car oeuvrant et partageant ce qu’ils avaient pour un but commun : le bien de la cité. Ce n’était pas l’individualité qui s’éclipsait dans ce système, mais l’individualisme. Le profit individuel. Et c’était là toute une nuance… Mais il lui semblait délicat de pleinement le faire comprendre à la représentante de Caladon, incarnation de l’individualisme majoritaire.

Quant à la violence… là encore, c’était une vision des choses bien arrêtées sur Delimar. Ilhan laissa un petit temps de silence, afin de bien choisir ses mots pour faire passer ce qu’il ressentait pour la cité.

Je partage votre point de vue sur la violence physique. Je ne suis guère attiré non plus par ces jeux-là, je dois bien l’avouer. Pour autant… ce n’est pas la pure violence physique qui caractérise Delimar, mais… je dirais l’art guerrier. Selon moi, cela lui donne toute une nuance.

Se disant, il dirigea leur pas vers le Colisée. Non pas pour l’obliger à voir des combats qu’elle ne voudrait pas, mais tout simplement parce que si elle souhaitait visiter sa demeure, c’était alors le plus court chemin. Ce qu’il s’empressa de préciser.

Si vous souhaitez visiter mon humble demeure, notre chemin le plus court nous mène aux portes du Colisée. Vous pourrez peut-être apercevoir ce que j’entends par art guerrier. Même si j’ai bien compris que cela n’est pas à votre goût, rajouta-t-il rapidement, faisant chanter ses accents althaïens, tout en posant une main douce et chaude sur celle de la bourgmestre alors toujours accrochée à son bras.

Et bientôt ils arrivèrent au fameux édifice. Ilhan les firent rapidement s’arrêter devant une entrée. De là on pouvait entre-apercevoir vaguement deux guerriers s’entrainer.

L’art guerrier… Pour moi quand je les vois s’entrainer ainsi, je ne vois ni violence ni férocité, juste… une danse. Une valse rythmée au son des percussions de leur arme, une danse tambourinante, mais enivrante par certains aspects. Les délimariens ont élevé cet exercice au rang d’art, et en deviennent des artistes à la chorégraphie parfaitement maitrisée. Ils mettent alors dans cet art non pas leur plus vil instinct primaire, ni même leur soif de sang, mais leur honneur et leur volonté farouche de se montrer digne d’une parfaite maitrise.

Il laissa un court instant son regard sombre errer sur la jeune femme, puis finalement, les fit décrocher de ce spectacle.

Mais vous souhaitiez voir ma demeure. Et sans doute pourrez-vous vous y délasser quelque peu. Peut-être, si ma maisonnée est disponible, pourrez-vous assister à une autre forme d’art encore, issue de notre feu la romantique.

Peut-être Dihya accepterait-elle de divertir la bourgmestre en dansant et chantant pendant que Shan et Elyas joueraient de leurs instruments. Il déplorait dans ces instants-là de ne pas avoir lui-même un orgue d’eau à sa disposition pour pouvoir pratiquer de nouveau ce qu’il avait tant aimé apprendre auprès de son maitre Kehlvelan…

Quant à évoquer mon existence… cela ne me vexe nullement qu’il n’en ait dit mot. Cela me rassure même en un sens.

Ils avaient évoqué tant de secrets en non-dits et sous-entendus, qu’il était plutôt rassurant qu’Aldaron n’en ait pas parlé. Il n’allait d’ailleurs pas s’étendre lui-même plus en avant sur ce qu’ils avaient pu réellement partager.

Notre relation avec l’ancien bourgmestre datait de longues années, mais a longtemps été teintée… d’une sorte de petite rivalité amicale, tout en complicité amusée. Peut-être aurions-nous pu être de réels amis, lui et moi, si nous n’étions pas liés par des relations diplomatiques. Par contre, j’ai entendu parler de vous, assurément, fit-il d’une voix soyeuse.

Presque caressante. Oh oui il avait entendu parler d’elle. Il ne préciserait pas qu’Aldaron lui-même l’avait peu évoquée, et qu’il avait surtout entendu parler d’elle par ses araignées espionnes, ou par sa réputation…

Les éloges vous concernant ne tarissaient pas. Mais d’avoir enfin eu l’honneur de vous rencontrer me fait réaliser qu’ils étaient bien en dessous de la réalité, et que votre personne irradie bien plus encore de cette force qui fait l’apanage des grands et dignes dirigeants.

Oui, vile flatterie que tout cela. Mais après tout, n’était-ce pas ce qu’elle semblait tant désirer et tant aimer ? Et il ne mentait qu’à moitié. Il avait entendu parler de sa noble beauté. Mais ce qu’on lui avait décrit était bien en deçà. C’était une jeune femme magnifique, et ce malgré la mutilation qui la frappait. Cela n’enlevait d’ailleurs rien à son charme, et montrait même une force de caractère fort appréciable. Au-delà de son côté capricieux d’enfant gâté.


Et c'est ainsi qu'Ilhan offrit à la bourgmestre de Caladon au tempérament de feu, une soirée digne d'Althaïa qu'il espérait inoubliable en l'esprit de la jeune femme.

descriptionCe sont toujours les indifférents qui sont les mieux renseignés. [Ilhan] EmptyRe: Ce sont toujours les indifférents qui sont les mieux renseignés. [Ilhan]

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