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Début Août

« Shyven … »

La petite dragonne se tourna dans son sommeil. Encore cette voix ? Mais qu’est-ce qu’elle lui voulait à la fin ?!

« Shyven … L’Équilibre … »

La petite opale essaya de se concentrer, mais voilà que son esprit se mettait à lui faire un peu de mal. L'Équilibre ne pouvait-il pas attendre le matin, bon sang ? Shyven eut un petit soupir avant de rouler sur elle-même et de se blottir contre son père, qui dormait non loin d’elle.

« L’Équilibre … ». Elle ne savait pas encore exactement ce qu'était vraiment ce concept, mais elle aurait deux trois questions à lui poser une fois qu’ils se rencontreraient, et en tête d’entre elles : « Mais pourquoi tu m’embêtes toujours pendant que je fais un gros dodo ? ».

***

C’était un jour comme un autre dans l’antre où vivait le Grand Saurien et la Petite Opale. Un jour comme un autre où Shyven avait mangé la nourriture gracieusement donnée par son père, et une fois repu, elle s’était occupée de rouler vers différents coins de la grotte que ses trente petits centimètres n’avaient pas encore découverts. Des graaaandes marques de griffes par ci, des marques de pierre calcinées par-là, Shyven faisait bien en sorte de tout mémoriser pour exercer sa mémoire et bien prendre possession de son environnement.

Elle était dure la vie de jeune dragonne ! Et puis il restait le mystère de cet « Équi », qu’elle entendait régulièrement dans son sommeil sans pour autant arriver à vraiment visualiser ce que c’était. La petite opale hésitait à en parler à son papa-tout-chaud, mais elle ne savait pas exactement comment il allait réagir … Shyven ne voulait pas qu’il pense qu’elle cherchait à le remplacer … Elle se déciderait peut-être, un jour.

Toujours est-il que son attention fut rapidement détournée vers la problématique majeure de la journée. Son père lui avait annoncer la nouvelle avec un ton très solennel : le garde-manger était vide. Mélodrame qu’était ceci ! Shyven questionna au moins une bonne douzaine de fois sur ce qu’ils allaient bien pouvoir faire, si « personne ne pouvait remplir son petit bidou, qui allait le faire ? », et s’ils « restaient là comme ça, est-ce que le vent-tout-froid-dehors ils allaient les engloutir ? ».

Fort heureusement, fidèle à lui-même, son père trouva une réponse qui fit taire toute tristesse dans le petit cœur de la dragonne : Il allait aller chasser. Elle ne savait pas ce qu’était chasser, mais dis sur ce ton là, ça avait l’air trèèès trèèès important. Elle se creusa les méninges alors, et se disait que ça avait peut être quelque chose à voir avec le fait que de la nourriture-chaude-trèsbonne apparaissait comme par magie régulièrement dans la tanière.

Encore un mystère qui devait être résolu, tout un travail pour cette petite dragonne, qui doit apprendre cette grande énigme qu’est la Vie.

Pour l’heure cependant, l’heure n’était pas vraiment à la résolution d’énigmes et au fait de savoir ce qu’était la « chasse ». Son père avait été formel. Pendant que lui allait chasser, elle serait entre des pattes sûres, plus bas dans la montagne.
Là se posait un autre problème : qu’était-ce que des « pattes sûres » ? Est-ce que ça s’opposait aux « pattes pas-sûres » … Ou pire … Aux « pattes dangereuses » ?! Ce même « dangereux » qu’employait si souvent Papa-tout-chaud pour lui dire de ne pas faire quelque chose au risque de conséquences très graves, comme se faire gronder ?!

Kaalys lui expliqua en fait que quelqu’un allait le … Remplacer ? Tout du moins temporairement. Disons que cette personne allait lui « tenir compagnie »,  elle allait être son « Gardien » ! c’est-à-dire veiller sur elle pendant que lui allait chasser. C’était quelqu'un qui s’appelait Parr… Porr… Purrnen… ? Purr. Disons Purr, c’était plus simple.

Alors les deux avaient voler un peu, ou plutôt descendu la montagne. Le grand saurien l’avait assuré la petite opale « c’était pas très loin de chez eux, et il allait revenir tout bientôt ». Shyven lui faisait confiance, alors elle acceptait de se faire transporter jusqu’au lieu d’habitation de ce « Purr », qu’elle était impatiente de connaitre ! Son père l’avait vendu comme « encore plus doux que la peau sur laquelle elle dormait » ! Voilà quelque chose qui était très intéressant !

Finalement, les deux arrivèrent assez rapidement à l’endroit où la nouvelle aventure de la petite Opale allait commencée. Dans l’absolu, ce n’était pas si différent de là où les deux dragons habitaient : cela semblait juste peut être … Plus vaste ? On avait une belle vision du monde-du-dehors, Shyven se sentait plutôt à son aise.

Kaalys profita d’un terrain plat pour atterrir, et une fois au sol la dragonne rose put vraiment prendre connaissance de son environnement. Elle fit le tour du propriétaire, constata la neige de partout qui donnait envie de se rouler dedans et surtout … Une énorme boule de poils qui lui donnait une affreuse envie de jouer avec !!!

Le grand saurien retint cependant la petite avec deux griffes. La dragonne essaya de se souvenir ce que Kaalys lui avait dit :

« Surtout, ne lui fait pas trop la vie dure ! »

Shyven réprima alors son envie, et décida d’être sage. Elle sentait que son Papa échangeait deux trois mots avec la boule, puis celui-ci libéra sa fille avant de partir. La petite opale lui fit un petit aurevoir d’une patte, puis elle revint rapidement à son tout nouveau centre d’attention.

Elle combla rapidement la distance entre les deux, en courant pour la voir de plus près, puis de cette boule, elle distingua une tête, et des pattes … « Accueillantes ? ». En tout cas c’était la sensation qui lui venait là tout de suite.

Respectant ce que son père lui avait déjà enseigné, elle fit une petite révérence du haut de ses trente centimètres, et fit :

« Bonjour Purr-boule-de-poils-douce-accueillante ! Je suis Shyven ! Enchantée de faire ta connaissance ! »

Comme pour prendre possession de l’espace, la dragonne se mit à faire des petits pas devant le dénommé « Purr ».

De grands moments d’amusement s’annonçaient, elle le sentait !

Dernière édition par Shyven le Lun 5 Aoû 2019 - 10:05, édité 1 fois

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Aujourd’hui était un grand jour. D’ici quelques minutes, le dragon Kaalys lui apporterait sa progéniture afin qu’il puisse la surveiller le temps qu’il s’absente. Il avait eut le plaisir de revoir plusieurs fois le nacré depuis la guerre contre les Chimères et avait été chagriné de le découvrir souillé par leur essence. Naturellement, il s’était proposé pour le soigner, trouver un remède ou une cure à ce mal étrange qui assombrissait ses belles écailles. Un changement de couleur n’était pas le seul contrecoup que l’on pouvait attendre de ces immondices pernicieuses ! D’autres symptômes pouvaient éclore à tout instant et mettre sérieusement en danger la vie du dragon. Malheureusement, ses connaissances sur le sujet étaient maigres et ses recherches stagneraient tant qu’il sera bloqué ici. Cela faisait un peu plus de deux mois maintenant qu’il était cloîtré sur le plateau ; d’abord pour finir sa dernière semaine de grossesse, puis pour s’assurer que les graärhons soient dans un environnement adéquat jusqu’à leur sevrage, ce qui ne devrait pas prendre plus que quelques semaines maintenant.

Un soupir échappa à ses babines et il s’étira avant de resserrer la cape autour de ses massives épaules. La journée était claire avec un ciel dégagé et peu de vent, probablement idéale pour une chasse. Debout dans l’ouverture extérieure de la grotte, le graärh se mit à observer le plateau d’un œil pensif. Que le dragon accepte ou non son aide lui importait peu, car s’il refusait ? Au moins lui-même s’éduquerait sur un nouveau sujet et rien ne pouvait lui faire davantage plaisir ! Depuis qu’il était dans les faveurs de l’Esprit Hippocampe, le monde lui paraissait plus clair, son esprit plus affûté. Il avait commencé à apprendre l’Elfe ainsi que des dialectes humains sur son temps libre. Les mots s’ancraient en lui pour ne jamais plus le quitter. Sa mémoire était devenu un Palais qu’il parcourait à loisir pour obtenir toutes les informations, souvenirs, odeurs, bruits et saveurs qu’il avait pu, ne serait-ce qu’une seule fois, connaître par le passé.

Une ombre immense se projeta soudainement sur la neige immaculée, tirant le félin de ses pensées. Il leva la truffe pour voir atterrir son voisin et ami ; Kaalys. Il semblait tenir entre deux griffes ce qui ressemblait à une minuscule boulette rose et aussitôt Purnendu éprouva une vive curiosité. Mettant toutefois de côté son besoin de l’enfouir dans sa fourrure pour la garder au chaud, il alla aux devants du dragon de jais afin d’échanger avec lui quelques mots. Il lui indiqua qu’un grand troupeau de rhinocéros remontait habituellement des steppes depuis les flancs sud de la chaîne de montagnes pour gagner la région plus froide de l’Inlandsis à cause de leur épaisse laine qui les rendait extrêmement sensibles à la moindre chaleur. Gavés d’herbes fraîches et de racines tendres qu’ils déterraient de leur corne, ils feraient de bons repas. De plus, leur laine pourrait aussi servir à faire un nid pour la petite Shyven, voire s’échanger auprès des tribus graärh contre des biens essentiels pour son apprentissage et sa croissance.

Après l’avoir assuré qu’il prendrait soin du dragonneau jusqu’à son retour, il se recula de quelques pas afin de ne pas être enseveli sous la bourrasque de neige que Kaalys souleva en battant des ailes. Époussetant sa cape de la fine couche de poudreuse récoltée au brassage de cet envol majestueux, l’herboriste contempla la silhouette sombre disparaître progressivement dans le ciel au bleu si pâle qu’il en semblait gris. Bien vite cependant, de petits crissements se firent entendre et leur approche enjouée fit baisser la truffe au félin. Pour la première fois, il pu porter un long regard sur Shyven et sentit aussitôt un sourire étirer ses babines sombres. Elle était tout simplement adorable et il ne disait pas cela à cause de ses hormones ou de l’instinct maternel qu’il avait développé après sa mise bas, au début Juin. Ne voulant pas qu’elle se fasse un torticolis à force de se tordre le cou à essayer de le regarder, il vint s’accroupir devant elle et l’enroula dans sa queue duveteuse pour la protéger de la neige et de la brise.

« - Bonjour Shyven. Tu peux m’appeler Purr, tout simplement. Je vais m’occuper de toi pendant que ton père s’en va chasser. »

Il tendit ses deux mains vers elle, paumes tournées sur le ciel pour révéler des coussinets sombres et craquelés sous le froid, mais aussi par les nombreux travaux manuels effectués tout au long de sa vie.

« - Viens, je vais te porter à l’intérieur. Ma grotte se trouve sous le sol, bien au chaud. »

Attendant qu’elle se décide et n’ayant de toute façon pas l’intention de la forcer si elle décidait de marcher plutôt que de se faire prendre dans les bras, il tourna la tête en direction de la grotte. La première partie ne comportait qu’une cache d’urgence avec des fagots de bois et de la nourriture séchée au cas où des voyageurs se perdraient ici et auraient besoin d’un abris de fortune. Toutefois, la véritable entrée était dans un renfoncement invisible au premier coup d’oeil et qui avait aussi le mérite d’empêcher le vent -et la neige- d’atteindre l’escalier qui descendait jusqu’à la véritable demeure du kisaan.

« - Nous serons plus à l’aise à l’intérieur pour discuter de ce que tu souhaiterais faire et de ce que je peux te proposer comme activités. Juste un détail très important Shyven. »

Le ton, s’il restait tendre et doux, vint à se durcir quand il fut question de ce détail. Il voulait qu’elle comprenne que le sujet était sérieux et ne voulait pas remettre en doute son intelligence en usant de termes enfantins ou en présentant tout ça comme un jeu. Les conséquences pouvaient être trop lourdes pour s’offrir la moindre marge d’erreur. Il rapprocha donc son museau de celui de la petite dragonne et plongea ses yeux d’absinthe dans les siens pour s’assurer d’avoir toute son attention. Là seulement, il lui parla avec gravité :

« - J’ai mes trois bébés dans cette grotte. Ils ne sont pas encore capables de jouer correctement, ce ne sont que des petites boules de poils maladroites qui ne parlent même pas. Alors je voudrais que tu sois prudente avec eux. Mh… Un peu comme une grande sœur. Tu te sentirais capable de faire ça pour moi ? »

Il ajouta sur la confidence :

« - Si tu y arrives et que tu reviens dans quelques semaines, tu auras trois copains de jeux qui n’auront qu’une envie ; batifoler avec toi dans la neige et chasser les mulots. Qu’est-ce que tu en dis ? »

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« - Bonjour Shyven. Tu peux m’appeler Purr, tout simplement. Je vais m’occuper de toi pendant que ton père s’en va chasser. »

Purr-tout-simplement Shyven hocha la tête pendant que le Bipède-Poilu lui adressait la parole. Elle tâcherait de l’appeler comme ça à l’avenir. La petite dragonne s’autorisa une petite réflexion : s’ils étaient tous comme Purr-tout-simplement, ils étaient quand même compliqués, ces bipèdes !

Choisir des noms compliqués qu’on oubliait ou qu’on ne savait pas comment prononcer, et puis devoir se corriger après … Enfin bon. Depuis que la petite dragonne avait commis la terrible erreur d’offenser son oncle Ssaadjith à leur première rencontre en l’appelant « Tâche-Noire » en comparaison à Grand-Mère-Montagne-Keetech, elle ne voulait plus offenser personne. Elle trouvait Purr-tout-simplement moins attrayant que Purr-boule-de-poils-douce-accueillante, mais si tel était son souhait alors soit. Pour se rassurer, la Petite Opale se disait qu’elle était le dragon de la tolérance, et qu’au moins elle ne risquait pas d’offenser son nouvel ami qu’elle venait tout juste de se faire.

« - Viens, je vais te porter à l’intérieur. Ma grotte se trouve sous le sol, bien au chaud. »

La dragonne releva la tête à cette phrase, un peu distraite par ses réflexions. Elle s’aperçu que Purr-tout-simplement avait ouvert grand ses pattes : elle s’empressa alors de sauter dedans. L’occasion unique de tester le confort réputé des Graärh … En tout cas réputé par Papa-tout-chaud qui avait su le vendre comme une expérience unique pour elle.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Shyven n’était pas déçue ! Elle prit un instant pour se faire à ce nouvel espace, fit quelques tours sur elle-même, gratouilla de ci de là quelques poils, avant de s’installer confortablement en s’allongeant dans les pattes de son Gardien. Voilà un espace fort confortable, en effet ! Dans l’absolu, elle avait envie de se rouler dedans, et de tester pour voir si toutes les parties étaient pareilles, mais elle tâcha d’être bien policée comme son Papa-tout-chaud lui avait appris, et elle n’alla pas plus loin dans ses expérimentations.

« Wahou, tu es vraiment super confortable, Purr-tout-simplement ! » fit la petite dragonne dans un soupir de bonheur, pendant que le Graärh regardait ailleurs.

Shyven se demandait si on pouvait faire des coussins dans cette matière après tout, ce serait … Probablement … Pas terrible. La dragonne posa une petite griffe et se gratta le menton. Non. Ça, ce n’était pas la meilleure idée qu’elle avait eu.

Sans trop savoir pourquoi, une petite voix intérieure lui disait qu’il y avait sans doute de meilleures façons de garantir son confort. La petite dragonne n’y prêta pas trop attention, ne voulant pas trop se creuser la tête, et tâcha de chasser cette pensée qui venait lui ruiner tout son plaisir. Elle porta plutôt son attention sur le grand bipède-poilu qui tenait visiblement à lui dire d’autres choses :

« - Nous serons plus à l’aise à l’intérieur pour discuter de ce que tu souhaiterais faire et de ce que je peux te proposer comme activités. Juste un détail très important Shyven. J’ai mes trois bébés dans cette grotte. Ils ne sont pas encore capables de jouer correctement, ce ne sont que des petites boules de poils maladroites qui ne parlent même pas. Alors je voudrais que tu sois prudente avec eux. Mh… Un peu comme une grande sœur. Tu te sentirais capable de faire ça pour moi »

Eh bien eh bien, visiblement ses bébés étaient très importants pour que Purr-tout-Simplement se rapproche tout près de la dragonne, alors que Shyven n’était pas vraiment du genre à être malvoyante. La dragonne se contenta d’hocher la tête en souriant : message reçu, Grand-Poilu, pas touche à tes bébés-mini-toi-poilus.

« - Si tu y arrives et que tu reviens dans quelques semaines, tu auras trois copains de jeux qui n’auront qu’une envie ; batifoler avec toi dans la neige et chasser les mulots. Qu’est-ce que tu en dis ? »

Ah ! Voilà une information intéressante. En vérité, la petite opale avait hâte de découvrir ces fameux bébés. Elle n’avait côtoyé que ses oncles qui avaient le même âge qu’elle, alors elle était curieuse de voir ce que pouvait donner d’autres espèces venant tout juste de naître. Elle se demandait si les différences au niveau de l’intellect entre elle et eux étaient si flagrantes que ça, s’ils avaient le poil aussi doux que leur propre Papa …

Définitivement, c’était une expérience qui s’annonçait d’or et déjà très intéressante. La dragonne rose répondit alors :

« Compris, Purr-tout-simplement ! J’essaierai d’en prendre soin ! »

Attendant que le bipède-poilu, la dragonne tenait à profiter du moment pour découvrir la culture de son Gardien. C’était la première fois qu’elle parlait à quelqu’un d’autre qu’un Dragon, et il était visiblement amical, alors elle voulait s’investir pour en savoir plus. Ce qu’elle avait retenu de sa rencontre avec ses Oncles -et notamment avec Nephilith-, c’est que parfois, il valait mieux savoir plein de choses. Cela pouvait toujours lui servir. Elle interrogea donc le grand Graärh :

« Dis, Purr-tout-simplement, j’ai une faveur à te demander. Tu pourrais me raconter une histoire typique de chez toi ? Papa-tout-chaud m’a déjà un peu raconté les légendes de chez nous … Mais je suis curieuse. J’aimerais entendre d’autres histoires. Tu en connais ? »

La dragonne fit ses grands-yeux-adorables pour coupler paroles et gestes. Les histoires de chacun était un bon moyen de savoir beaucoup de choses sur la culture des uns et des autres, sans trop de poser de questions indiscrètes. Shyven avait hâte d’entendre ce que le Graärh avait à raconter !

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Immobile, il l’avait observé alors qu’elle se tournait et retournait entre ses pattes pour s’installer le plus confortablement possible. Et bien ! Sa fourrure était-elle du genre à gagner l’affection des dragons ? Après les autres races, une nouvelle tombait sous la coupe de son soyeux ! Un sourire amusé et attendrit avait ourlé ses babines face à ce petit manège tout à fait adorable. Lorsqu’elle sembla bien installée, il referma les bras sur elle pour l’enfouir contre son poitrail soyeux et extrêmement fourni en fourrure. Le compliment, lâché avec autant de naturel que d’enthousiasme, le fit légèrement rire alors qu’il se redressait. Il avait bien noté l’erreur dans son surnom, mais il n’était pas l’heure de la corriger. Il lui parla donc de ses trois graärhons et l’observa alors qu’elle assimilait les informations.

L’entendre accepter d’être prudente et plus encore de prendre soin des nouveaux nés lui arracha un profond ronronnement satisfait. Se relevant, il marcha jusqu’à la grotte et contourna le pan rocheux pour accéder à l’escalier. Ce dernier s’ornait de plusieurs alcôves dans les murs qui comportaient alternativement des coquillages, des sculptures d’ivoire ou encore des bougies. A mesure qu’ils descendaient, le froid s’estompait au profit d’une chaleur douillette. L’odeur de neige fondue se fit remplacer par celle d’un feu de bois, de paille fraîche et de cire. Enfin, Shyven et Purnendu arrivèrent sur le pallier de la seconde grotte et la petite dragonne pu découvrir l’intérieur confortable.

Durant leur descente, le graärh avait expliqué à la jeune dragonne que son vrai prénom était Purnendu. Si elle désirait lui l’appeler d’une façon plus simple alors Purr suffirait. Il prit le temps de marquer des blancs suffisamment longs entre ses phrases ainsi que ses explications pour que la même erreur ne se reproduise pas deux fois d’affilé. Shyven semblait curieuse et très vive d’esprit, mais elle restait aussi excessivement jeune et semblait prendre les choses littéralement. Avec simplicité et honnêteté. Des traits de caractères charmants et totalement dénués de la moindre mesquinerie. Sa demande, en tout cas, n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd et s’il n’y avait pas répondu tout de suite, c’est qu’il avait été occupé à lui expliquer son prénom.

« - Je te pose un instant sur le lit. »

Il joignit la paroles aux gestes et laissa la petite opale dans les fourrures et la paille de son lit, creusé à même la roche par le souffle de Kaalys. Au dessus de ce dernier, un petit hamac de fourrures solidement cousues ensemble gigotait sur ses accroches. Fermées d’un treillage de ficelles, le tout était suffisamment serré pour que le précieux contenu du hamac ne tombent pas, mais en restant assez lestes pour que l’air puisse entrer. Purnendu attrapa avec milles précautions le paquet et le déposa à son tour sur le lit. L’on pu entendre remuer à l’intérieur, puis de minuscules miaulements et appels maladroits, mal articulés, se firent entendre. Émettant un ronronnement et quelques roucoulades chaudes et affectueuses, l’herboriste défit le treillage et ouvrit les peaux cousues avec précaution.

Flouff !
Une petite tête blanche émergea aussitôt et ouvrit d’immenses yeux améthystes. Quatre petites cornes beiges jaillissaient de son front et de ses tempes alors que de grandes oreilles ovales remuaient d’avant en arrière. Toute pelucheuse, elle ouvrit son petit museau pour miauler en direction de Purnendu et s’extirpa de son nid pour trébucher aussitôt dans les lacets et rouler dans les fourrures avec un glapissement offusqué. Une autre tête fit son apparition à présent que la voie était libre. Possédant une fourrure plus rase, mais non moins dense et hirsute, cette fois il s’agissait d’un graärhon de couleur sable avec des rayures sombres. Lui aussi possédait quatre cornes et quatre grandes oreilles, mais ses yeux étaient noirs avec seulement les iris d’un bleu arctique. Une crête noire et douce maquait déjà le haut de son crâne pour courir le long de son échine jusqu’à une queue souple avec un seul pompon de fourrure longue sur son extrémité.

« - La toute blanche s’appelle Jyotsana. Dans la langue commune, cela veut dire Clair de Lune. C’est l’aînée de la portée et la plus mature. Lui, c’est Balaaditya le deuxième né de la portée. Son prénom peut se traduire comme Jeune Soleil. Il est excessivement curieux et très créatif. Quant à la petite dernière... »

Qui ne sortait pas, visiblement. Un sourire attendrit aux lèvres, Purnendu écarta plus encore l’ouverture du hamac et révéla une petite boule de coton tricolore. Principalement blanche, elle possédait toutefois de grandes taches grises avec à l’intérieur des rayures à peine plus sombre. De tous, elle était la plus menue et visiblement aussi la plus timide. Une crinière plus sombre, presque noire, poussait sur sa tête, couvrant de minuscules cornes et cachant presque ses yeux d’un bleu saisissant, semblable à des saphirs ou les lacs des plus hautes montagnes. Sa queue était une véritable ode à ce qui pouvait être un nuage et elle en mordillait le bout tout en jetant de grands yeux effarouchés sur son père et la petite dragonne. Craintive, elle chercha à s’enfouir davantage dans la couverture qui tapissait l’intérieur du hamac.

« - Voici Elakshi… celles aux yeux brillants. Comme tu peux le remarquer, elle est timide. Il lui faudra un peu de temps pour qu’elle s’habitue à toi. Elle sait déjà les premiers mots, ce qui m’encourage à croire qu’elle passe plus de temps à observer et à écouter qu’à participer. »

Il referma le hamac pour qu’elle se sente en sécurité dans son ombre. Jyotsana était en train de faire sa toilette, jetant des coups d’œil intéressés vers Shyven tandis que Balaaditya était déjà en train de la renifler, légèrement méfiant mais définitivement trop curieux pour reculer. L’adulte observa ce petit monde sur son lit et s’en alla ouvrir une jarre de terre cuite dans laquelle il puisa plusieurs louches d’un bon lait frais de barhal. Il versa le tout dans quatre bols, ajouta un peu de gruaux d’avoine, du poisson blanc et une touche de miel. Revenant avec les repas, il en donna un pour chaque graärhon, mais aussi pour la petite dragonne.

« - Prenez le temps de bien mâcher. »

Lanca-t-il à la cantonade. Il commençait le sevrage des petits. Dans quelques semaines à peine, cela fera déjà trois mois qu’ils étaient de ce monde et comme le voulait la coutume graärh ; ils seraient confiés à leur père. Seul aussi ici : même si Purnendu leur avait donné naissance, il restait un mâle et par conséquent il avait la charge des petits même après leur sevrage. Heureusement, d’ici peu Jangali devrait revenir de son voyage et prendre avec lui au moins l’un des enfants. Il était très probable, au vu de son caractère, que ce soit Balaaditya qui soit éduqué par le chasseur. Concernant les deux petites femelles, Purnendu avait déjà sa petite idée.

« - Tu voulais des histoires de mon peuple, n’est-ce pas ? Elles tournent toute généralement sur les Esprits Liés. Est-ce que ton père t’a déjà expliqué de quoi il s’agissait ? Ce seront des contes héroïques et dramatiques aussi, avec une leçon à chaque fois. Tu es toujours intéressée ? »

Dernière édition par Purnendu Chikitsak le Jeu 5 Sep 2019 - 12:52, édité 1 fois

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Shyven découvrait le monde du Graärh local avec plaisir : alors qu’ils descendaient tout deux dans sa tanière, la dragonne bougea un petit peu dans la fourrure pour examiner les détails avec ses petits yeux écarquillés.

C’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un d’autre qui n’était pas de son espèce, alors elle comptait bien apprendre les petites subtilités de son mode de vie. Kaalys lui disait parfois qu’en tant que dragonne, Shyven aurait un rôle important à jouer plus tard. Elle tenait donc à bien cerner ses contemporains, parce qu’elle ne savait pas sur qui elle pourrait compter, ou pas, ces prochains mois et années.

Le moins que l’on pouvait dire, en l’occurrence, c’est que ce bipède-poilu savait vivre ! Son antre, même s’il était certes bien moins spacieux que celui de son Papa, paraissait comme cela d’un très confort : feu à l’odeur très apaisante, petit hamac qui semblait très confortable, lit creusé à même la roche, lumière chauffante du feu qui parcourait tout l’antre … Définitivement, cette cavité semblait tout à fait adéquate à accueillir la vie.

A vrai dire, il s’en dégageait même quelque chose de tout à fait relaxant et rassurant, comme si tant qu’ils étaient là, personne ne pouvait les atteindre. Cela convenait tout à fait à la petite opale, qui émit un petit soupir de plaisir en voyant tout cela.

Elle apprit également que ce grand graärh s’appelait en réalité « Purnendu », en tout cas c’était ses dires. Bah voilà, c’était bien plus simple que Purr-tout-simplement ! Elle se gratta la tête avec sa petite griffe : les bipèdes devaient un peu trop se compliquer la vie, parfois. En tout cas, elle tâcherait de ne pas refaire la même erreur deux fois : si son vrai nom était Purnendu, alors elle l’appellerait Purnendu. Simplement parce que la dragonne détesterait qu’on l’appelle « Shoven », par exemple. C’était moche !

« Je te pose un instant sur le lit. »

Oh oui, chic, un lit ! Pensa la Petite Dragonne, alors qu’elle fit une petite roulade sur celui-ci, quand Purnendu ouvrit ses pattes. Elle fit un petit tour sur elle-même, prenant connaissance de son espace, avant de se mettre debout sur ses quatre pattes. Certes, le lit n’était pas aussi confortable que l’irrésistible fourrure de son Gardien, mais celui-ci convenait tout à fait à Shyven.

A vrai dire, désormais, l’opale regardait Purnendu qui semblait affairé à son hamac. Il prenait soin de l’ouvrir de manière très attentive, comme s’il renfermait un très précieux. Shyven bougea sa petite tête pour voir en avant-première ce qu’il renfermait : Des pièces d’or ? Des choses brillantes ?? Des jolies choses qui pourraient faire pâlir de jalousie son oncle Nephilith ???

Elle fut cependant confrontée à la dure réalité des faits : pour l’instant, elle était trop petite pour voir quoi que ce soit. Elle fit une petite moue, et frotta ses griffes sur sa petite tête. C’était pas juste ! Néanmoins, la dragonne savait qu’un jour, elle aurait sa vengeance, et qu’elle allait pouvoir voir tout avant tout le monde, voir même voler au-dessus d’eux … Ah, qu’elle attendait ce jour avec impatience.

Pour l’heure cependant, la petite opale tâcha d’attendre de voir ce que le grand graärh voulait déballer. Quelques secondes supplémentaires, et la petite opale vit apparaître du petit paquet d’adorables petites boules de poils toutes mignonnes !!! Il y en avait une blanche, une sable, et une tricolore ! Shyven s’approcha d’elles avec beaucoup d’intérêt, émettant de petits gazouillements amicaux pour essayer de voir comment elles réagissaient.

« La toute blanche s’appelle Jyotsana. Dans la langue commune, cela veut dire Clair de Lune. C’est l’aînée de la portée et la plus mature. Lui, c’est Balaaditya le deuxième né de la portée. Son prénom peut se traduire comme Jeune Soleil. Il est excessivement curieux et très créatif. Quant à la petite dernière... Voici Elakshi… celles aux yeux brillants. Comme tu peux le remarquer, elle est timide. Il lui faudra un peu de temps pour qu’elle s’habitue à toi. Elle sait déjà les premiers mots, ce qui m’encourage à croire qu’elle passe plus de temps à observer et à écouter qu’à participer. »

Shyven eut un petit hochement de tête opérationnel : Jyotsana, Balaaditya, et Elakshi !

« Se sont de très jolis noms pour des si adorables petites créatures ! » fit la petite dragonne, déjà émerveillée par les boules de poil ambulantes.

Si Purnendu l’avait prévenu, elle s’aperçut cependant que chacune d’elle avait son petit caractère : timide, soigneuse, aventureuse … Comme ces petits êtres étaient fascinants !  Shyven roula ses yeux, et pris le temps de faire des tours à Balaaditya, qui venait déjà la renifler. La petite dragonne fit l’authentique grande sœur, et joua avec le petit graärh : elle cacha son visage avec ses petites ailes pour réapparaître, permit au petit de poser ses petites mains sur ses écailles … Mais aussi, elle le recadra gentiment quand celui-ci allait un peu trop loin dans les jeux … En bref, elle se prenait presque pour une … Maman ?

Shyven pencha sa petite tête un instant prise par cette pensée : une Maman. Voilà un mot bien étrange, et qui laissait un sentiment de vide très étrange chez elle. Comme si quelque chose manquait à son existence.

Finalement, la dragonne se secoua un petit peu, et se reconcentra sur quelque chose de nettement plus important : à savoir, le somptueux fumet qui avait enveloppé Purnendu. Le Graärh revenait avec de la nourriture qui s’annonçait exquise. Il déposa quatre gamelles devant ses petits et la dragonne, avant de ponctuer cette action par une petite phrase attendrissante :

« Prenez le temps de bien mâcher. »

Shyven eut un petit hochement de tête attendrit, avant de plonger la tête dans le délicieux repas, et de le dévorer en quelques minutes. Shyven était une petite dragonne certes, mais une dragonne quand même : elle avait le métabolisme, et l’appétit qui allait avec. Après avoir fini son assiette, la petite opale fit :

« Merci Purnendu pour le repas ! C’était délicieux ! »

Avec un petit gazouillement content. Il est vrai que ce bipède-poilu, en plus d’être très doux, faisait très bien la cuisine. Pour l’instant, indéniablement c’était un gardien de qualité ! Il attendit que ses petits finirent leurs assiettes, puis il reprit la conversation que Shyven avait entamé il y a quelques temps de ça :

« Tu voulais des histoires de mon peuple, n’est-ce pas ? Elles tournent toute généralement sur les Esprits Liés. Est-ce que ton père t’a déjà expliqué de quoi il s’agissait ? Ce seront des contes héroïques et dramatiques aussi, avec une leçon à chaque fois. Tu es toujours intéressée ? »

Shyven se gratta un temps sa tête avec sa petite griffe : Les esprits-liés, oui définitivement, cela lui disait quelque chose, en tout cas elle était sûre que son père lui en avait déjà parlé, maintenant, quant à savoir précisément ce que c’était, et leur mythologie, Shyven n’en avait pas la moindre idée …

Sa réflexion passée, la dragonne répondit :

« Kaalys m’a expliqué vaguement ce que c’était oui, mais je ne dirais pas non à des histoires détaillées ! Est-ce qu’il y en a une qui tourne autour de … L’Équilibre ? »

Shyven se gratta la tête une nouvelle fois. Peut être fallait-il expliqué pourquoi cette question.

« C’est-à-dire que je suis persuadé que l’Équilibre, c’est important pour moi, et pour le monde. Mais je sens que c’est quelque chose de très vaste, que j’ai un peu de mal à saisir pour l’instant. Alors peut être qu’entendre une petite histoire racontée par mon Gardien préférée m’éclairerait ma pensée … »

La petite opale dodelina de la tête, plongeant son regard dans celui du Graärh. Shyven essayait d’avoir des responsabilités de grande, mais ce n’était pas tous les jours faciles. Dans ce grand océan qu’était la vie, elle avait besoin de bouées pour la guider dans ses premiers pas.

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Les graärhons étaient encore maladroits et peu assurés sur leurs pattes, mais ils ne manquaient pas de vigueur et d’un esprit vif, assoiffé d’apprendre, de découvrir et d’expérimenter. Ils poussaient de petits miaulements aiguës plutôt que des paroles, mais pour tout graärh ce langage, aussi primaire soit-il, était compréhensible grâce aux gestes, postures et intonations qui étaient pour cette race bien plus riches que tous les mots du monde. A cet âge, les enfants pensaient et agissaient de manière basique ; faim, froid, sommeil, etc. rien d’autre n’avait encore une pertinence suffisante pour qu’ils cherchent à l’exprimer plus en détails et il n’en fallait pas réellement plus ; les phrases construites, les subtilités tout cela viendrait beaucoup plus tard et se développerait de façon plus ou moins accrue selon leurs métiers, expériences et intellect propre. Même adultes, beaucoup de graärh restaient avares en préférant les actes à la parole.

Pour l’heure, les trois graärhons mangeaient avec beaucoup d’appétit, couvrant leurs babines de lait en des moustaches grotesques et comiques. Chaque bouchée était à peine mâchée tandis que leur ventre gonflait et se tendait à chaque minute qui passait. Sans surprise, Shyven termina la première et aux compliments reçus, l’herboriste se contenta d’un sourire accompagné d’un petit hochement de tête en guise de remerciements. Kaalys l’avait très bien éduquée, il ne manquerait pas de lui faire savoir lorsqu’il reviendrait de sa chasse. La question, toutefois, lui fit dresser des oreilles et il la contempla avec des yeux ronds, sans cacher sa surprise. S’il s’était attendu à ça !

« - Hum… L’Équilibre, dis-tu ? »

Voilà un sujet aussi bien mâture qu’extrêmement vague, mais après tout il s’agissait d’un dragon. Suite à ses longues conversations avec Kaalys, il lui était devenu évident que l’âge physique ne comptait pas dans la maturité mentale de ces créatures. Alors autant ne pas ménager la petite opale comme il avait eut l’intention première de le faire. Avisant ses enfants qui roulaient sur le dos ou le flanc pour entamer une longue et méritée sieste après un tel festin, Purnendu se pencha pour les débarbouiller à grands coups de langues. Une fois leur toilette terminée, il ramassa les bols pour les plonger dans un baquet d’eau tiède, tenu près du feu. Lorsqu’il revint près de la petite dragonne, il passa une main le long de son dos pour lui offrir une longue caresse sur ses douces écailles rosées.

« - Oui, j’en aurais une qui pourrait s’y approcher et peut-être te donner une meilleure perception de ce qu’est l’Équilibre. »

Il vint s’allonger dans le lit et ramassa ses trois petits graärhons pour les aligner contre son abdomen là où sa fourrure était la plus longue et la plus dense. Comme couverture, il rabattit sa queue et esquissa un sourire en sentant les petites pattes s’y accrocher. Assuré qu’ils ne seraient pas dérangé de ce côté là avant quelques heures, il invita Shyven à s’installer où elle le désirait ; que ce soit sur lui ou à côté.

« - Ceci est le Conte de Nuliajuk la Borgne, Mère des Océans et de toutes les créatures y vivant. »

Sa voix profonde et riche s’éleva dans le calme de la pièce, rythmée par le craquement du bois et le grésillement des braises.

« - Il y a très très longtemps, alors que les graärh venaient tout juste d'être élevés au dessus des Smilodons pour devenir une jeune race pensante et bénie par les Esprits-Liés, une tribu quitta les terres fertiles de Néthéril pour gagner Nyn-Tiamat qui était alors une île sévère, stérile et glacée. Ses eaux n'offraient rien de plus qu'un linceul de froide mort alors que son sol dur ne possédait qu'un gibier rare et farouche. Il était impossible de cultiver et bientôt seuls les plus robustes purent survivre. »

Purnendu fit une pause et souffla à la petite opale qu’il lui expliquerait plus tard, si elle le souhaitait, d’où venaient leur croyance quant à l’origine de leur peuple. Il s’agissait là d’une histoire bien à part et il préféra continuer avec celle qui les intéressait présentement.

« - Dans cette tribu se trouvait Anguta, un chasseur émérite qui était le père d’une petite graärh qui s’appelait Nuliajuk. Malgré sa beauté et ses nombreux autres dons, elle refusait de se choisir un mâle et préférait passer son temps libre avec son renard des glaces, jouant et travaillant ses pièces de cuirs avec insouciance. Son père toutefois, qui voulait une grande famille pour participer à la chasse quotidienne, se fâchait souvent de l’obstination de sa fille. Un jour, il fut si furieux qu’il emporta Nuliajuk sur un îlot proche où il l’abandonna avec son animal en jurant qu’il l’y laisserait tant qu’elle ne changerait pas d’avis. Son comportement, vois-tu, était jugé comme égoïste autant par Anguta que toute la tribu ; la femelle refusait de procréer et de soutenir ainsi son peuple en sécurisant la prochaine génération. »

Il était difficile d’expliquer les conditions de l’époque ou encore les mœurs de son peuple. Pour beaucoup de sans-poils, forcer une jeune fille à s’accoupler sans amours ou consentement était un crime. Mais comme disait l’autre : différentes époques, différentes mœurs.

« - Après plusieurs jours, un graärh approcha de Nuliajuk et lui proposa de l’emporter loin de ce bout de terre stérile et de son père. La femelle accepta et monta dans la barque de l’inconnu. Un long voyage suivit et lorsqu’ils arrivèrent finalement au village du mâle, Nuliajuk décida de le prendre comme compagnon. Toutefois, elle comprit rapidement et avec horreur qu’il ne s’agissait pas d’un graärh mais d’un Jonkped qui usait d’un vile sortilège pour changer son apparence et la leurrer ! Heureusement, son père qui la cherchait la trouva et observa ce faux village avec beaucoup de patience. Un jour, lorsque le Jonkped s’envola pour aller chercher à manger, Anguta se précipita pour récupérer sa fille et tout deux grimpèrent dans le bateau du père. Malheureusement… »

Purnendu fit une pause volontaire pour faire grimper la tension, eut un sourire et continua d’une voix plus basse :

« - Le Jonkped avait tout vu ! Furieux, il battit des ailes si fort dans sa poursuite des deux graärh qu’il leva une véritable tempête !!! Anguta fut terrifié et pour essayer de calmer la créature, il jeta sa propre fille par dessus bord. Mais Nuliajuk s’accrocha de toutes ses griffes avec désespoir et supplia son père de la remonter… en vain. Et alors que la tempête redoublait, Anguta coupa un à un les doigts de son enfant et les pouces devinrent des baleines au contact de l’eau, les doigts se firent phoques, orques et toute sorte d’animaux marins. Avant qu’elle ne disparaisse totalement dans les vagues tumultueuses, son père lui creva un œil d’un coup de pagaie. »

L’herboriste acheva cette partie de l’histoire d’une voix grave et sinistre. Penché au dessus de Shyven, il lui avait saisit les pattes une à une et avait chatouillé ses phalanges quand il racontait comment Anguta avait rejeté son seul enfant en étant guidé par la peur et l’égoïsme.

« - La pauvre Nuliajuk descendit vers le monde inférieur, tout au fond de l’océan où elle devint la maîtresse et la gardienne des animaux marins. Son dos se transforma en bas de sable blanc, ses cornes en récif de corail alors que sa crinière fut une forêt d’algues emmêlées. Ses larmes furent le sel dans les écumes des vagues. Son père quant à lui rejoignit le rivage et, finalement, son village. Il avait échappé au Jonkped, mais pas à la rancœur de sa fille et une nuit, alors qu’il se reposait dans sa yourte, les flots montèrent et montèrent… pour l’emporter dans le monde inférieur ! Il est dit qu’il est captif depuis tout ce temps dans la gueule de Nuliajuk dont le renard des glaces, son fidèle compagnon, en garde toujours les portes. »

Il se redressa sur un coude, sourire aux babines alors qu’il poursuivait d’un ton plus léger, voire docte.

« - Malgré le tort qui lui a été fait il y a très longtemps, Nuliajuk reste généreuse dans ses dons à l’égard des tribus de Nyn-Tiamat à condition, bien entendu, qu’ils respectent ses règles : Si nous nous révélons dignes, elle libère les animaux et nous obtenons des pêches fructueuses. Lorsque les poissons se font rares, nous organisons une cérémonie à son honneur et l’un de nos plus respectables membres va alors lui parler pour la supplier de laisser davantage d’animaux nager librement dans les flots glacés. Lorsqu’un tabou est violé, nous devons apaiser sa colère en peignant sa crinière d’algues et libérer les poissons qu’elle y aura piégé par dépit. »

Le félin haussa un peu des épaules.

« - Ce n’est qu’un conte, mais la morale reste la même ; tout est question d’Équilibre et donc de partage, mais plus encore de la conscience de nos actes et du fait que l’on est un tout aux yeux de l’Origine. L’un ne doit pas agir égoïstement, car un acte isolé aura toujours des conséquences. Imagine : si une personne se croit être la seule à agir de la sorte, mais en réalité nous sommes des centaines, voire des milliers à faire la même action alors nous causons tous un grand tort dans un ensemble, même si nous dénigrons ce dernier par nos actes égoïstes et notre pensée individualiste. Lorsque Nuliajuk a refusé de prendre un compagnon au sein de sa tribu et si toutes les femelles se mettaient à agir de même alors il n’y aurait plus de tribu d’ici la prochaine génération. Il en va de même pour son père ; ce n’est pas seulement à sa fille qu’il a tourné le dos, mais à toutes les valeurs qui faisaient de lui un graärh et donc un exemple compétent pour les prochaines générations, entamant là une déchéance, une gangrène sociale qui se serait propagée à d’autres tribus… menant une race entière à un cataclysme. »

Ce qui était déjà arrivé avec les Couronnes et la désacralisation du Bâoli. Une erreur que son peuple s’efforçait de repayer en se cantonnant à une civilisation primaire et nomade, comme aux temps de jadis. Un soupir gonfla son poitrail alors qu’il chassait ce sujet épineux de son esprit afin de poursuivre sa petite leçon qui, il l’espérait, répondrait aux questions qui agitaient la petite tête de l’opale.

« - L’Équilibre est la balance de toute chose. Tu peux en reconnaître la matérialisation via les quatre saisons ou encore le cycle de la vie et la chaîne alimentaire. Ce qui meurt est utilisé pour nourrir autre chose, ce qui dort est le lit de ce qui veille. Mais malgré son absolu, c’est une conception extrêmement fragile, surtout lorsque ceux qui en dépendent n’y sont pas proprement éduqués. Les animaux y obéissent instinctivement, mais ce n’est pas toujours le cas des êtres sentients comme les dragons, les sans-poils ou encore les graärh. Nous avons facilement tendance à oublier. Ainsi les guerres, l’agriculture, les chasses ou les pêches à grande échelle, la déforestation… tout cela mène à la perte de l’Équilibre. »

Il hésita, mais préféra arrêter là plutôt que de la noyer davantage encore dans des propos philosophiques qui pourraient la dépasser malgré ses efforts pour les rendre plus simples. Calibrer l’intelligence d’un si jeune dragon lui était une absolue nouveauté.

« - Comprends-tu ce que j’aborde ? Je peux te donner de meilleurs exemples si tu le souhaites. N’hésite pas à me dire si quelque chose te semble obscure. »

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Shyven observa Purnendu s’occuper de ses enfants avec beaucoup d’attention : il était amusant de voir les bipèdes ainsi procéder pour s’occuper de leurs enfants. Leurs comportements étaient si différents des dragons. Les enfants du grand Graärh étaient des créatures si mignonnes, mais si primitives … C’était tout juste s’ils savaient marcher !

La dragonne contempla la vie se faire pendant un temps, et se demanda si elle aussi plus tard, elle aurait à s’occuper de cette façon de ses enfants, où bien à la manière de Purnendu, d’un enfant d’un de ses amis ou bien de quelqu’un d’égaré qui aurait voulu lui demander conseil …

Elle était déjà pétrie par ses questions existentielles, elle n’espérait pas que dans l’immédiat quelqu’un lui demande des conseils, sans quoi qu’est-ce qu’elle aurait pu lui répondre ? “Alors oui mais attend, ça dépend, parce que qu’est-ce que l’Équilibre dirait, là, et puis Papa-tout-chaud un jour il m’a dit que … Et puis ... “ Non, ça n’aurait pas été correct.

Mais d’un autre côté, Shyven se disait aussi parfois qu’elle devrait arrêter de se poser tant de questions existentielles, et aussi profiter du fait d’être un enfant. Mais depuis qu’elle avait eu des conversations avec ses oncles, elle s’était sentie pousser des ailes (aussi bien littéralement que mentalement d’ailleurs) et se disait qu’elle aussi, elle devait se trouver sa place …

Néanmoins pour un moment Shyven apprécia aussi le fait d’être une petite dragonne, et elle se blottit contre Purnendu qui allait lui raconter une merveilleuse histoire à propos de l’Équilibre …

Que Shyven compris, mais qui lui posa encore plus de questions. Elle écouta tout du long l’histoire de Nuliajuk la Borgne, se familiarisant au passage avec le patrimoine historique de ces bipèdes à poil …

Il était amusant de constater à quel point ce peuple était construit autour de mythes et de légendes. L’histoire sonnait juste aux oreilles de Shyven, il fallait dire que son Gardien pour la journée était un excellent conteur. Mais il y avait cette … Chose en plus. De part l’intensité des paroles que le Graärh prononçait, et par son implication dans le récit, on sentait que plus qu’un simple conte, c’était un véritable morceau d’histoire de son peuple que Purnendu lui racontait là.

En vérité, Shyven trouvait cela dommage que même si elle savait des choses sur son propre peuple, et qu’elle baignait dans sa culture depuis sa tendre enfance … Qu’elle n’ait jamais connu d’histoires aussi romancées que celles-là, et d’un ton aussi fondateur et fédérateur.

Sans aller jusqu’à dire qu’elle pouvait aller donner des leçons aux plus anciens de son peuple, elle se disait que peut être, cela aurait été une bonne idée de rassembler autour d’une vraie culture commune plutôt que de simples faits que l’on racontait de nuées en nuées …

Mais après tout, Shyven était encore trop jeune pour pouvoir s’exprimer sur la question -et sans doute que ses réflexions changeraient au fil du temps-, après tout, la jeunesse était aussi faite pour apprendre.

Cela étant, elle écouta attentivement ce que Purnendu lui disait à la fin de son histoire :

“L’Équilibre est la balance de toute chose. Tu peux en reconnaître la matérialisation via les quatre saisons ou encore le cycle de la vie et la chaîne alimentaire. Ce qui meurt est utilisé pour nourrir autre chose, ce qui dort est le lit de ce qui veille. Mais malgré son absolu, c’est une conception extrêmement fragile, surtout lorsque ceux qui en dépendent n’y sont pas proprement éduqués. Les animaux y obéissent instinctivement, mais ce n’est pas toujours le cas des êtres sentients comme les dragons, les sans-poils ou encore les graärh. Nous avons facilement tendance à oublier. Ainsi les guerres, l’agriculture, les chasses ou les pêches à grande échelle, la déforestation… tout cela mène à la perte de l’Équilibre.”

On touchait ici quelque chose d’important, cependant Shyven plissa les yeux n’étant pas sûr de comprendre, et émis une réflexion à haute voix :

“Mais alors, qu’est-ce qui fait que nous autres sommes immunisés à ces concepts pourtant si importants ? Qu’est-ce qui nous différencie des animaux … ? Et surtout, si les peuples sont si attachés au fait de se détourner de l’Équilibre, serait-ce parce que notre nature nous pousse au … Contraire ?”

A vrai dire, le crâne de la petite dragonne commençait à chauffer. Cela faisait beaucoup d’éléments à gérer d’un seul coup et même si elle pouvait encore en parler, elle n’était pas sûr de bien tout comprendre.

Profitant d’un instant de répit, et de la question de son Gardien qui était soucieux de savoir si elle comprenait tout elle renchérit alors :

“Oui, oui … Je comprends, mais ce n’est pas facile d’appréhender une question aussi vaste … En fait j’ai l’impression que nous les dragons, sommes voués à être une race accomplissant de grands choses … Et pourtant, c’est comme s’il manquait quelque chose dans l’équation …

Toi et ton peuple, Pur, vous avez une histoire, des mythes à raconter, une destinée à suivre, des choses à construire … Et nous aussi d’une certaine façon mais …”


Elle chercha son mot, avant de dire, d’une façon laconique :

“C’est pas pareil.”

Elle se gratta la tête avec une de ses pattes, en attendant une éventuelle réponse de son Gardien.

Tous ces questionnements lui causait bien des soucis, dans la construction de sa personnalité …

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A la voir froncer ainsi son adorable petit museau, le grand fauve resserra sa queue angora autour d’elle et passa une main sur son dos pour en caresser les écailles lisses couleur d’opale. Avait-il poussé trop loin la philosophie d’un tel concept ? Il se posait en toute sincérité la question, sans condescendance aucune et il fut même surpris, voire totalement déstabilisé, de l’entendre réfléchir de vive voix en assumant une telle maturité. Décidément, les dragons étaient quelque chose de tout à fait à part ! Un nouveau sourire lui vint aux babines et il émit un vague rire alors qu’il enfouissait le museau dans le creux de son bras pour ne laisser voir que l’absinthe de ses grands yeux en amande. Les questions de l’enfant étaient pertinentes et les réponses fourmillaient déjà sur la langue de Purnendu pourtant il préféra garder le silence et l’observa. Elle n’avait pas encore répondu à sa question aussi ne voulait-il pas enfoncer un clou qui semblait déjà bien en place et attendit donc avec un léger ronronnement lacé au fond de la gorge.

« - C’est probablement parce que vous êtes des Sauvages. Et je ne le dis pas dans le mauvais sens du terme. »

Ce fut annoncé d’une voix très douce, dénuée de jugement ou de reproche. Il glissa un doigt sous son museau pour capter son regard et frotta sa truffe à la sienne en un geste affectueux.

« - Nous formons une société avec toutes les contraintes que cela implique, alors que vous, les Dragons libres, êtes la personnification de la liberté et du Sauvage avec un grand S. Vos ailes vous portent où bon vous semble, sans contrainte de frontières et de maîtres. Vous vivez par couple au mieux, voire en famille le temps que les petits deviennent indépendants, mais la plupart du temps vous voguez dans les cieux infinis sans autre but qu’étancher vos rêves et vos désirs. Il est vrai que vous êtes une race bien à part, des piliers de la Trame avec, à présent, le Bâoli. Vous avez donc de grandes choses à accomplir, des choses qui dépasseront l’entente de la majorité des autres races parce que vous seuls êtes dotés du savoir, de la puissance et de la longévité nécessaires à ces objectifs. Et justement parce que vous avez une telle ligne de vie, Shyven, mon seul conseil est de ne pas te précipiter dans la découverte de ce qui t’entoure et de ce qui semble hanter ta mémoire. »

Il lui tapota le sommet du museau du bout d’une griffe et lui offrit un large sourire qui révéla sa dentition impressionnante. Enfin, certainement moins que celle de Kaalys. En cet instant, Purnendu était heureux de ses nombreuses heures d'études sur la race des Dragons et s'il lui restait de nombreuses lacunes, il se sentait suffisamment à l'aise pour guider une petite écailleuse jusqu'au retour de son père et légitime formateur.

« - Mon peuple possède une histoire et des mythes à raconter uniquement parce que je m’y suis intéressé. Uniquement parce qu’il s’agit de ma spécialité, parmi d’autres. Nombres des miens ne connaissent pas ce Conte et en ignorent tant d'autres... Aussi, parce que ton père n’est pas familier avec cela -ou ne semble pas l’être- ne veut pas forcément dire que ta race ne possède pas cette tradition orale… ou n’a pas des vestiges quelque part racontant son histoire. Il faut juste les trouver. »

Il pencha un peu la tête sur le côté.

« - Les dragons qui sont aujourd’hui sur cette Archipel n’y étaient pas quelques années auparavant ce qui veut dire qu’ils venaient forcément d’ailleurs. Quel était cet ailleurs ? L’ancien continent des sans-poils ou encore plus loin ? Quelle est la source de l’Équilibre, quel est son dosage exact dans le grand Plan de ce monde ? Comment le préserver ? Je pense que ton peuple est le plus ancien qui ait jamais foulé cette terre… donc il doit avoir réponse à cette question quelque part et… Et bien, si la question est réellement ce qui te préoccupe tant, alors nourrie la. »

Il caressa le sommet de son petit crâne avec affection.

« - Nourrie-la avec attention et patience. Découvre ce qui t’entoure d’abord, pas à pas. Construit ton palais mental de nouvelles expériences ; brique par brique. Observe les saisons, possède-les dans leurs plus infimes secrets. Apprend les cycles plus restreints tel que la faune et la flore, trouve le sens des marées et des courants aériens. Contemple la pollinisation et les secrets des profondeurs. »

Purnendu s’arrêta après un soupir, conscient qu’il partait encore probablement trop loin et bavassait de trop comme le lui reprochait parfois Jangali. Un détail cependant lui revint sur ce que la petite opale avait exprimé comme regret et il lui attrapa de nouveau les pattes pour les observer.

« - Pourquoi ne pourrais-tu pas construire des choses toi aussi ? Pourquoi ne pas t’octroyer une destiné et l’accomplir ? Qu’est-ce qui t’en empêche, Shyven ? Lorsque tu seras capable de voler et de cracher tes flammes, lorsque tu sauras chasser et parcourir les cieux comme le dragon libre que tu es ; qu’est-ce qui te retiens de faire tout ce que tu soupirs après nous ? Si tu es Libre et Sauvage, alors pourquoi te retenir ? Si ce que tu souhaites te semble « bien » pourquoi ne pas le gagner de bon droit ? »

Il plongea son regard dans le sien avec un grand sérieux, essayant de la pousser à la réflexion et à la construction de ses rêves, de ses objectifs. Peut-être était-il en train d’alimenter un sentiment instable et dangereux, surtout venant d’une créature naturellement dotée d’un tel potentiel magique et de force brute, et puis quoi ? Il avait confiance en l’éducation de Kaalys et à cette petite lueur qu’il voyait danser dans les adorables yeux de la dragonne. Lui-même avait suivis ses rêves, avait causé un grand mal sur cet Archipel en agissant selon ses propres codes, mais pas un instant au final ne regrettait-il suffisamment ses choix pour vouloir y revenir. Et cette Liberté ? Il la souhaitait à tout le monde.

« - Tu peux me parler, Shyven. Je ne répéterai rien de ce que tu me confieras… je suis ton Gardien après tout, non ? Cela veut aussi dire que je vais garder tout ce qu’il se passe ici. »

Un petit clin d’œil et un sourire complice accompagnèrent ses derniers propos.

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Shyven fit le dos rond et émis un soupir de soulagement quand elle se fit câliner de cette façon par le Graärh. Décidemment, elle appréciait vraiment se faire chouchouter par son Gardien, et puis son pelage qui paraissait si doux au toucher, avait également de véritables vertus relaxantes quand il passait sur ses écailles.

Cela eut pour effet de tranquilliser un peu la dragonne qui était avant cela un peu tout feu tout flamme dû à ses réflexions intenses pendant un court moment. C’était bien compliqué de réfléchir, surtout quand on était un dragon !

Cependant, quand le grand-bipède-poilu répondit à ses interrogations, Shyven dressa sa petite tête vers ses yeux. Kaalys lui avait dit qu’il était « d’un grand savoir » et qu’il fallait l’écouter attentivement quand il parlait, ce qu’elle fit avec attention.

“C’est probablement parce que vous êtes des Sauvages. Et je ne le dis pas dans le mauvais sens du terme. Nous formons une société avec toutes les contraintes que cela implique, alors que vous, les Dragons libres, êtes la personnification de la liberté et du Sauvage avec un grand S. Vos ailes vous portent où bon vous semble, sans contrainte de frontières et de maîtres. Vous vivez par couple au mieux, voire en famille le temps que les petits deviennent indépendants, mais la plupart du temps vous voguez dans les cieux infinis sans autre but qu’étancher vos rêves et vos désirs. Il est vrai que vous êtes une race bien à part, des piliers de la Trame avec, à présent, le Bâoli. Vous avez donc de grandes choses à accomplir, des choses qui dépasseront l’entente de la majorité des autres races parce que vous seuls êtes dotés du savoir, de la puissance et de la longévité nécessaires à ces objectifs. Et justement parce que vous avez une telle ligne de vie, Shyven, mon seul conseil est de ne pas te précipiter dans la découverte de ce qui t’entoure et de ce qui semble hanter ta mémoire.”

Shyven agita ses écailles et roula ses yeux, essayant d’éclaircir dans sa propre tête ce que venait de dire le Graärh. A vrai dire, elle n’avait jamais encore songé au problème de cette façon - mais qui pouvait bien lui reprocher à seulement trois mois d’existence - …

Les dragons étaient Sauvages et Libres … Cela pouvait donc dire qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait, comme elle l’entendait ? Sans que personne ne la juge ? Mais alors, d’où venait toutes cette pression, et cette volonté de bien faire qui pesait sur ses petites ailes ?

Peut-être est-ce que cela venait d’elle-même ? Était-ce cela ce que l’on appelait une personnalité ? La petite dragonne s’ébroua légèrement la tête au milieu de ses réflexions, tenta de les dissiper pour le moment et revint à ce qui lui disait son gardien.

“Mon peuple possède une histoire et des mythes à raconter uniquement parce que je m’y suis intéressé. Uniquement parce qu’il s’agit de ma spécialité, parmi d’autres. Nombres des miens ne connaissent pas ce Conte et en ignorent tant d'autres... Aussi, parce que ton père n’est pas familier avec cela -ou ne semble pas l’être- ne veut pas forcément dire que ta race ne possède pas cette tradition orale… ou n’a pas des vestiges quelque part racontant son histoire. Il faut juste les trouver. Les dragons qui sont aujourd’hui sur cette Archipel n’y étaient pas quelques années auparavant ce qui veut dire qu’ils venaient forcément d’ailleurs. Quel était cet ailleurs ? L’ancien continent des sans-poils ou encore plus loin ? Quelle est la source de l’Équilibre, quel est son dosage exact dans le grand Plan de ce monde ? Comment le préserver ? Je pense que ton peuple est le plus ancien qui ait jamais foulé cette terre… donc il doit avoir réponse à cette question quelque part et… Et bien, si la question est réellement ce qui te préoccupe tant, alors nourrie la.”

Cette fois-ci, Shyven plissa les yeux en écoutant son Gardien professer. Alors comme ça il y avait bien une histoire au peuple draconique ? Mais il ne pouvait pas la laisser comme ça ! Maintenant, Shyven avait envie de tout savoir ! Qu’est-ce qui s’était passé avant ? Pourquoi son peuple avait fait le choix de venir ici ? Que disait ses racines à propos de l’Équilibre ? Qu’est-ce que ça voulait dire d’être un dragon ?!

Shyven avait mille et une questions, et au moment où elle s’apprêtait à prendre la parole, elle eut un petit moment d’absence.

Puis un écho sourd dans sa tête.

“Tout viendra en son temps.”

… Encore cette voix ! Celle-là même qui l’encourageait à suivre la voie de l’Équilibre. La dragonne fit une petite moue : décidément, elle ne savait toujours pas qui c’était, mais elle aimait bien les énigmes, celle-là. “Tout viendra en son temps”, et puis quoi encore ! La dragonne était impatiente, elle voulait tout savoir maintenant et accomplir son destin ! C’était maintenant que l’Équilibre avait besoin d’elle, pas dans dix ans !

Seulement … Une leçon de son gardien vint tempérer son esprit :

“Nourrie-la avec attention et patience. Découvre ce qui t’entoure d’abord, pas à pas. Construit ton palais mental de nouvelles expériences ; brique par brique. Observe les saisons, possède-les dans leurs plus infimes secrets. Apprend les cycles plus restreints tel que la faune et la flore, trouve le sens des marées et des courants aériens. Contemple la pollinisation et les secrets des profondeurs.”

Shyven tourna sa tête, à gauche, puis à droite. Elle ne comprenait pas. Elle devait prendre son temps ? Mais si les voix étaient si insistantes, c’était bien qu’il y avait quelque chose d’urgent non ? Quelque chose qui nécessitait sa présence ? Et puis d’un autre côté, elle se sentait tellement “emprisonnée” par un carcan ne lui disant de ne jamais aller trop loin, de toujours bien réfléchir, et de ne pas prendre son envol trop vite … C’était un sentiment étrange vraiment.

Puis son Gardien eut ses mots :

“Pourquoi ne pourrais-tu pas construire des choses toi aussi ? Pourquoi ne pas t’octroyer une destiné et l’accomplir ? Qu’est-ce qui t’en empêche, Shyven ? Lorsque tu seras capable de voler et de cracher tes flammes, lorsque tu sauras chasser et parcourir les cieux comme le dragon libre que tu es ; qu’est-ce qui te retiens de faire tout ce que tu soupirs après nous ? Si tu es Libre et Sauvage, alors pourquoi te retenir ? Si ce que tu souhaites te semble « bien » pourquoi ne pas le gagner de bon droit ? Tu peux me parler, Shyven. Je ne répéterai rien de ce que tu me confieras… je suis ton Gardien après tout, non ? Cela veut aussi dire que je vais garder tout ce qu’il se passe ici. ”

Mais mais … ! Cette fois-ci, s’en était trop, Shyven attendit la fin de la phrase de son Gardien, et agita ses petites ailes, l’air mi-figue mi-raisin.

“Mais je suis toute petite, je peux encore rien faire toute seule ! Et puis même si je pouvais faire des choses … Si je déçois Papa-tout-chaud, si je fais quelque chose de mal, et si je déçois ceux qui me parlent dedans moi, hein, qu’est ce qu’il va se passer ?! Ça sera terrible … !”

Elle agita encore ses petites ailes, puis posa ses pattes sur le poil de Purnendu, tâchant de retrouver un peu de sérénité et de chaleur dans celui qui l’avait accueilli dans son terrier avec une infinie gentillesse.

“La vérité c’est que … Je ne sais pas. J’ai le sentiment que de graaaandes choses m’attendent, comme tu le disais, mais … C’est terrible ! Comment je vais faire, Gardien ?! Je suis encore toute petite, j’ai beau être une dragonne et comprendre beaucoup de choses, mais j’ai le sentiment de ne pas pouvoir … Vraiment faire ? Mais est-ce que c’est normal ? Les Dragons ne sont-ils pas censés être grands, forts et libres en tout temps, comme tu l’expliquais ?”

La petite dragonne vint se blottir dans le poil de Purnendu. Elle se sentait bien ici en fin de compte, bien mieux que le dehors qui était si attrayant mais aussi terrifiant pour cette petite chose qui découvrait peu à peu la vie sous toutes ses formes, de la plus pure à la plus dure.

“Si je dis à quelqu’un que je ne sais pas, qu’est-ce qui va se passer hein ? Le légendaire savoir draconique, si je n’en suis pas digne … ? J’ai peur de tout ça Purr. Peur de ne pas pouvoir répondre, peur de ne pas pouvoir porter tous sur mes ailes. Et je n’ai pas le sentiment qu’attendre me fera trouver la raison de tous ces ennuis ... ”

La vérité c’était que Shyven était évidemment bien trop jeune, et devait calculer ce tas d’informations avec le temps, prendre de la bouteille. Mais elle ne s’en rendait pas compte. Même si son Papa-tout-chaud était le plus admirable des pères, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser à ce qu’il se passerait quand elle sera elle seule maîtresse des décisions …

Mais d’un côté, est-ce que c’était vraiment une réflexion qu’une toute jeune dragonne devait vraiment avoir ?

Le combat contre elle-même s’annonçait rude et compliqué …

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Il encaissa la vague de peur, de questionnement et de déroute sans ciller. Ses quatre oreilles se tenaient droites et à l’écoutes. Ses orbes d’absinthe couvaient la petite opale avec cette même patience et tendresse paternelle. Il ne chercha pas à l’interrompre, ne gloussa même pas lorsqu’il vit les petites ailes battre furieusement l’air et soulever quelques brins de paille. Ce fut un silence attentif qui recueillit les angoisses et les confessions de Shyven. Sa queue resta enroulée autour de la petite silhouette alors que sa dextre lui soutenait les reins quand elle se hissa sur les pattes arrières et s’appuya à son poitrail. Ce fut avec un ronronnement qu’il l’aida à se blottir dans son collier de fourrure et il caressa doucement son dos aux écailles semblables à des plumes. Il massa ce petit corps qu’il sentait frémir d’inquiétude comme la dernière feuille d’un chêne au premier givre d’hiver.

« - Rien de terrible ne se passera, Shyven. »

Il lui prit son petit museau rose en coupe de son autre main, laissant son coussinet lui servir de repose menton. Il plongea son regard dans le sien et lui fit l’ombre d’un sourire. Ses crocs se révélèrent alors, trop nombreux pour y laisser une impression agréable et pourtant, les grandes moustaches et la fourrure longue adoucissaient le spectacle carnassier en une grimace plus joviale. Dans le timbre rocailleux de sa voix, il n’y avait pas l’once d’un doute.

« - Tu as le droit de ne pas savoir. L’absence de connaissance n’est pas une honte. Un homme vivrait un millier d’années qu’il ne saurait pas tout du monde qui l’entoure. La véritable honte est de ne jamais chercher à savoir. La honte est de se complaire dans l’ignorance. »

Il marqua une pause et pressa sa truffe fraîche sur le sommet de son petit crâne.

« - Comme il est normal d’être terrifiée de l’inconnu. Terrifiée de décevoir ceux que tu aimes et qui t’aiment. C’est parce que tu as conscience de ton environnement que tu éprouves tout cela. Je m’inquiéterai davantage si tu n’avais pas tout ces soucis en tête ! Tu as un grand cœur et un esprit vif, Shyven. Le courage de surpasser toutes ces angoisses n’est pas quelque chose avec laquelle l’on naît. Le courage est la capacité à surmonter ses peurs, ainsi pour être courageuse tu dois avoir peur. »

Il recula le museau pour la regarder à nouveau et murmura de son souffle aux saveurs de réglisse :

« - Et parce que tu n’es encore qu’une enfant, il est d’autant plus normal que tu éprouves toutes ces choses. C’est un long processus que de grandir et je ne parle pas uniquement en taille ou en force physique. Tu rencontreras bien des adultes qui seront lâches et méchants simplement parce qu’ils n’ont pas eut la force de volonté de surpasser leurs peurs et qui se seront laissés ronger par elles jusqu’à obtenir des cœurs laids et minuscules. »

Il tapota le poitrail de la dragonne, juste au dessus de son cœur.

« - Si tu ne connais pas une réponse à une question, n’ait pas peur de le dire. Quelqu’un finira forcément par te répondre et alors, la prochaine fois que l’on te posera cette question, tu sauras répondre. Quant aux erreurs, elles sont inévitables. C’est d’elles que l’on apprend. Comment crois-tu que nous en soyons ici ? Ta race, la mienne… le monde en lui-même : tout est forgé à partir d’erreurs. Ce qui compte réellement, c’est de ne pas les reproduire. Ce qui est important, c’est de rester humble face à elles même si elles sont douloureuses, humiliantes etc. Chaque fois que tu trébucheras ou que tu tomberas, chaque fois que tu échoueras ; une seule question doit persister. ‘Où ai-je eut faux’ ? Et alors tu devras te relever, même si c’est difficile, même si tu ne sais pas forcément où aller. Une fois debout, tu réaliseras que tu es plus grande qu’avant ta chute. Tu auras un cœur plus riche et une vision plus vaste du monde qui t’entoure. »

Purnendu marqua une pause et sembla un instant réfléchir, puis il frotta son museau à celle de la petite opale avec un grand ronronnement chaud et affectueux.

« - Et tu ne seras jamais seule, Shyven. Ton père sera là pour toi, même quand tu seras capable de voler seule. Je serais avec toi aussi longtemps qu’un souffle m’habitera. Et au cour de tes voyages, tu feras de nombreuses rencontres ! Tu te feras de nouvelles amitié et tous ces gens pourront t’aider si jamais tu doutes ou te questionnes. Je suis sûr que tu sauras t’entourer de personnes à l’esprit vif et altruiste. Au fil des âges, tu auras pleins de souvenirs, pleins d’histoires et de réponses à toutes sortes de questions… et tu l’as déjà commencé cette aventure Shyven. »

Il lui fit un large sourire.

« - Tu es ici, non ? A la prochaine lune tu pourrais être ailleurs encore à faire de nouvelles expériences. Il suffit d’y aller une patte après l’autre. Comme on n’apprend pas à voler au premier essaie, la vie est une longue route. Et sache que la patience n’est pas synonyme d’immobilité. »

Il se redressa et s’étira en plantant les griffes dans le matelas. Dos arqué, il bâilla et s’ébroua ensuite. Ils venaient d’avoir une longue et ardue conversation et il pouvait presque voir de la fumée sortir des oreilles de la petite opale ! Il gloussa et lui caressa le dos.

« - Veux-tu que l’on fasse quelque chose de moins intellectuel le temps que tu digères tout cela ? Je comptais entraîner Jyotsana et Balaaditya à tuer. J’ai quelques leurres de chasse dans un panier, veux-tu te joindre au jeu ? »

Tout en parlant, le graärh avait quitté l’alcôve pour fourrager dans un panier d’osier. L’on pu entendre le bruit de grelots, de plumes et de petits objets fouillés de droite et de gauche. Les deux graärhons concernés se dressèrent après avoir péniblement émergés de leur sieste et s’approchèrent du bord de la couche avec des miaulements et des caquètements excités de petits prédateurs. Ils avaient les pupilles rondes et les queues gonflées avec de petits frétillements du popotin alors qu’ils guettaient leur père toujours occupé à pêcher le bon leurre pour la session de aujourd’hui.

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« - Rien de terrible ne se passera, Shyven. »

L’affirmation se voulait posée et rassurante, et rassura quelque peu la dragonne, elle même se sentant bien dans les flots infinis des poils de Purnendu. Il fallait dire que le Graärh savait y faire en matière de mise en confiance, à se demander si c’était la première fois que le grand bipède le faisait.

Shyven se faisait chouchouter, et de fait elle aimait beaucoup cette sensation qui quelque part lui rappelait quand son père prenait soin d’elle -même si évidemment, ce n’était pas le même sentiment, mais tout de même-. Ainsi en voyant la tête rassurante de son Gardien, Shyven repris du poil de la bête, et essaya envers et contre toutes ses pensées néfastes, de se redresser sur ses quatre pattes.

« - Tu as le droit de ne pas savoir. L’absence de connaissance n’est pas une honte. Un homme vivrait un millier d’années qu’il ne saurait pas tout du monde qui l’entoure. La véritable honte est de ne jamais chercher à savoir. La honte est de se complaire dans l’ignorance. Comme il est normal d’être terrifiée de l’inconnu. Terrifiée de décevoir ceux que tu aimes et qui t’aiment. C’est parce que tu as conscience de ton environnement que tu éprouves tout cela. Je m’inquiéterai davantage si tu n’avais pas tout ces soucis en tête ! Tu as un grand cœur et un esprit vif, Shyven. Le courage de surpasser toutes ces angoisses n’est pas quelque chose avec laquelle l’on naît. Le courage est la capacité à surmonter ses peurs, ainsi pour être courageuse tu dois avoir peur. »

Oui ! Il avait raison ! La dragonne regarda le Graärh, les yeux pleins d’étoiles. Elle se rengorgea de la fierté propre à son peuple, et repris déjà un air plus vaillant. Les voix qui résonnaient dans sa tête lui intimait de raisonner comme ça, Shyven le savait puisqu’elle n’avait plus cette boule au ventre qui la tiraillait un peu avant.

Ainsi, à partir d’aujourd’hui elle devait vraiment prendre la vie sous cette angle : car plus Purnendu continua sa démonstration, plus elle semblait se retrouver à l’intérieur de celle-ci.

Certainement que sa construction personnelle prendrait du temps, et sera emplie de questions, mais après tout : n’était-ce pas là l’essence même de l’Équilibre, concept si cher à son petit coeur de dragonne ? Si elle ne prévoyait pas de temps pour se questionner, et pour mettre en balance les choses, comment pouvait-elle prendre les meilleures décisions ? Elle sentait que son “doute perpétuel” était quelque part assez salvateur, et qu’elle devait l’embrasser …

Cependant, cela ne voulait pas dire qu’il fallait le confondre avec l’inaction : après tout Shyven était une dragonne, déjà à son jeune âge, elle sentait ses responsabilités importantes envers le Monde ! Bien qu’il y aura fatalement des erreurs à un moment ou à un autre de sa vie, elle espérait en faire le moins possible : car quelque part, elle sentait au plus profond de son âme, que tout ce qui trottait dans sa tête n’était pas une question de Bipèdes, ni-même de divinités ou d’autres forces supérieures …

Elle sentait que tout ceci impliquait le labyrinthe gigantesque du Monde, et tout ce qui le composait au sens très large du terme. Elle ne savait pas encore comment se le figurer, mais elle sentait que c’était “global” … Et qu’il faudrait parfois prendre des décisions compliquées, au risque d’en décevoir certains.

La petite opale pris bien en compte les conseils du grand graärh concernant le fait de s’entourer de bonnes personnes et de considérer sa construction personnelle, et ses expériences sous un angle moins court termiste. Elle hocha la tête, avant de gratifier le Graärh d’un petit frottement d’écailles à ses poils et d’un grand sourire. Elle lui répondit ensuite :

“D’accord. Je te remercie vraiment de ta patience Purnendu, et de tes explications. Même si tous mes doutes ne sont pas entièrement dissipés, je me sens maintenant … Plus en … équilibre ? Avec ma personne. Disons que j’envisage les choses plus sereinement, grâce à tes paroles. Tu es peut-être le premier Gardien que je connaisse, mais ça ne m’empêche pas de dire que tu es le Meilleur, et que, foi de Shyven, je garderais toujours ta personne et tes enseignements auprès de mon coeur !”

Pensées sincères qu’étaient celles-ci. Quand Kaalys parlait des bipèdes à Shyven, elle les trouvaient toujours un peu … Particuliers, souvent pas très malins et s’embrouillant parfois sur des choses un peu futiles. Mais la dragonne d’opale sentait que c’était moins le cas de Purnendu, sa longue conversation avec lui sur de nombreux sujets en gage de témoins. Déjà du haut de ses quelques centimètres, elle sentait que garder ce genre de profils auprès d’elle ne pouvait être que bénéfique pour elle et aussi au … Global.

Alors que Purnendu s’étira, Shyven en profita pour faire de même. La discussion s’était faite plus longue que prévu, et la rosée sentait ses pattes engourdies, comme si elle avait besoin de se dépenser. Aussi quand le grand graärh lui fit cette proposition :

« - Veux-tu que l’on fasse quelque chose de moins intellectuel le temps que tu digères tout cela ? Je comptais entraîner Jyotsana et Balaaditya à tuer. J’ai quelques leurres de chasse dans un panier, veux-tu te joindre au jeu ? »

Elle hocha rapidement la tête, acceptant avec grande joie. Même si chasser des choses factices pour elle serait rapidement un peu ennuyant, elle n’avait pas encore appris à chasser avec son père, celui-ci attendant que la petite opale soit un peu plus grande. Après tout, cela ne pouvait pas lui faire de mal d’en apprendre un peu plus sur la question …

Et puis surtout, une autre attraction l’intéressait, à savoir les bébés graärh de son Gardien. Pendant que Purnendu allait chercher ses leurres dans ses affaires, Shyven tenta de se rapprocher de Jyotsana et Balaaditya. La dragonne ouvrit grand ses yeux, faisant des petits gestes et autres grimaces, pour essayer d’amuser les deux petits, eux aussi plein d’énergie après leur sieste.

Shyven était fasciné par cette vie si primitive, alors que vraisemblablement ils devaient être autant âgés qu’elle si ce n’est plus. Ils semblaient si fragiles, mais à la fois tellement mignons … Shyven les auraient bien couvés entre ses petites ailes et ses petites pattes, mais elle n’osait pas vraiment les toucher de peur de trop les effrayer ou de fâcher son Gardien.

A propos, Shyven se rapprocha de Purnendu, toujours occupé à chercher le matériel adéquat pour la séance de sport qu’ils s’apprêtaient à vivre. La dragonne le questionna alors :

“Dis Purnendu, tes enfants ne sont pas bien grands n’est-ce pas ? Quels âges ils ont ? Sont-ils aussi vieux que moi ? Ils sont si mignons ! … Et puis …”

Shyven sentit un blocage au moment de la deuxième question, elle s’ébroua sa petite tête, avant de faire quelque pas en rond, avant de finalement adresser sa question :

“Tu les élèves tout seul, toi aussi ? Il n’y a pas un deuxième comme toi, qui … Enfin, je veux dire …”

Les mots peinaient à sortir parce que la pauvre Shyven était effectivement également complètement abandonnée de sa mère. Même si elle n’était pas vraiment particulièrement blessée par cette situation, cela bloquait toujours la petite opale de parler ainsi d’un potentiel deuxième parent … Tout simplement parce que elle n’avait pas l’habitude, bien qu’elle savait que nécessairement, au départ deux personnes étaient nécessaires pour qu’une union porte ses fruits …

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Quatre yeux ronds comme des billes et noirs comme des tâches d’encre affamées se tournèrent vers Shyven lorsqu’elle commença à faire des pitreries sur le bord du lit. Les petits graärhons la jaugèrent et s’égayèrent ensuite pour se cacher derrière les plis et replis des draps ou fourrures pour commencer la chasse de leur nouvel adversaire.Bien sûr, ils ignorèrent que leurs petits popotins dépassait ou que les cornes s’accrochaient aux fibres des linges et coupait court à l’élan de leur chasse terrifiante. Ils se contentaient de caqueter, de rouler en amas de poils piaillant et donnaient finalement la charge avec maladresse pour se cogner les truffes contre les écailles roses de la petite dragonne. Loin de se démotiver face à leurs échecs, ils repartaient se cacher par petits bonds, crachotant des feulements novices, tels de petits de crabes hérissés. On pouvait alors entendre leurs pattes racler sur les draps juste avant qu’ils ne reviennent combattre l’horrible, la féroce et terrifiante queue de Shyven, la lui mordillant et la frappant de coussinets vengeurs mais sans d’autres conséquences qu’un peu de bave et de poils pris dans les écailles en forme de gouttes.

Lorsque l’opale descendit du lit, les petits prédateurs hésitèrent avant de descendre en rappel d’une fourrure qu’ils poussèrent sur le bord et ne tardèrent pas à poursuivre leur ennemis sur les tapis et la roche fondue de la grotte avec force de miaulements et de claquements de langues excités. Purnendu pour sa part détourna son attention des nombreux leurres et observa la jeune créature avec un mélange de surprise et d’indécision. La nouvelle volée de questions dont l’arrosait généreusement Shyven était pour le moins… déstabilisante. Était-ce réellement à lui d’expliquer ce genre à la fille de Kaalys !? Il était d’ailleurs étonnant que le père et l’enfant n’aient pas déjà tenu ce genre de conversation. Un silence tomba entre le graärh et le dragon. Il ne la quittait pas des yeux, mais ses mains continuaient de fouiller à l’aveugle le panier de leurres et finalement ses doigts se refermèrent sur ce qui ressemblait à un lapin. S’asseyant en tailleurs, il joua distraitement avec l’objet tandis qu’il essayait d’ordonner le fil de ses pensées.

« - Ils n’ont que quelques mois. Tu es leur grande sœur de pas longtemps, effectivement. Notre métabolisme est le plus rapide des races bipèdes, mais ce n’est encore rien comparé à celui des dragons, il est vrai… c’est pourquoi tu as l’impression qu’ils sont aussi petits. Dans une poignée de mois supplémentaires, ils seront assez grands pour commencer à être indépendants et pourront entamer leur formation. »

C’était d’ailleurs aux alentours de cette période que Jangali devra revenir ici pour récupérer Balaaditya et que lui partirait pour Néthéril afin d’entrer au Domaine et y proposer sa petite dernière en apprentissage baptistral… entre autre choses. Un soupir lui vint quand il fut question d’aborder la suite et il finit par baisser le museau sur le leurre de lapin dont la fourrure, issue d’un véritable animal, apportait une véritable douceur à ses coussinets.

« - Les graärh découpent l’éducation de leurs progénitures de façon très nette et par plusieurs phases.La femelle s’occupe du sevrage lors des quatre premiers mois, ensuite c’est au père de récupérer toute la portée durant les six années suivantes afin de leur apprendre les bases de la survie comme la chasse, l’entretient d’une yourte, du bétail et d’autres choses. Lorsque les graärhons passent leur sixième année, ils quittent le foyer de leur père pour fonder le leur propre au sein de la tribu. »

Il marqua une pause et observa la petite opale.

« - Mon cas est particulier. Je suis autant la mère que le père de ces enfants, car je suis béni par l’Esprit-Lié de l’Hippocampe qui me donne, bien que je suis un mâle, la capacité d’enfanter comme une femelle. »

Purnendu espérait ne pas troubler la pauvre dragonne avec de telles explications. Non pas qu’il la pensait prude, mais bien parce qu’en découvrant tout de la Vie, il était toujours mieux de commencer par aborder la généralité plutôt que l’exception.

« - C’est pour ça que je m’occuperai des graärhons de leur naissance jusqu’à ce qu’ils aient six ans. Du moins, pour les deux petites femelles. Mon compagnon graärh, actuellement absent, reviendra chercher Balaaditya dans quelques mois pour le former à la chasse sur son île. »

Malgré leurs circonstances, ils avaient essayé de suivre au mieux les traditions graärh. Prenant une corde, Purnendu l’accrocha à un petit anneau vissé sur le dos du faux-lapin et qui était relié à son autre extrémité à un long bâton de bois souple, comme une canne à pêche. Avec ça, il pourra mimer les bonds de l’animal et exciter l’instinct de ses trois petits prédateurs.

« - Tu sais, une seule personne peut faire des merveilles pour l’éducation d’un petit. Il ne faut pas nécessairement être deux pour cela. N’oublie pas que la qualité prévaut toujours sur la quantité dans ce genre de cas. »

Il hésita, connaissant plus ou moins la situation familiale de Shyven et il ajouta avec énormément de douceur :

« - Par exemple, je peux constater qu’en dépit d’être seul à t’élever, ton père fait un excellent travail. »

Le graärh lui fit un sourire tendre puis se leva et fit pendre le faux-lapin au bout de sa corde, laissant les pattes tout juste effleurer le sol avant de le faire bondir de droite et de gauche. L’illusion était presque parfaite ! Du moins, pour des yeux de graärhons… et peut-être ceux de la dragonne si elle voulait bien se prêter au jeu.

« - Commençons la leçon si tu veux bien ! Les lièvres arctiques sont assez communs sur les flancs bas de la chaîne de montagne. Ils sont toutefois difficile à attraper car ils se camouflent excessivement bien, sans parler de leurs terriers ou de leur grande rapidité... »

Il continua d’expliquer ce qu’était cette proie, ses habitudes et ses faiblesses pendant plusieurs minutes, veillant toutefois à ne pas perdre la concentration de son auditoire en remuant trop souvent le leurre. Quand il eut terminé, il accepta les questions si Shyven en avait, puis proposa de monter à l'extérieur et de s'essayer à une chasse dans la neige proche du refuge.

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Shyven mira avec un grand amusement les graärhons pourchassant sa queue et essayant, à grands renforts de miaulements si mignons et d’attaque-de-coussinets-tout-doux, de se saisir de la dragonne. En effet, la vie si primitive était très amusante pour elle, et la petite opale ce à quoi les bébés graärh pouvaient penser, en cet instant précis. Quel était leur vision du monde ? Est-ce qu’ils appréciaient la dragonne ?

Tout autant de questions existentielles que Shyven garda cette fois-ci en son for intérieur. Elle se doutait que son gardien ne pouvait pas non plus tout connaître, et puis les voir jouer ici lui donnait déjà un début de réponse : probablement qu’ils n’avaient presque aucune conscience du dangers, et probablement que leurs visions du monde devaient se limiter à “Manger, jouer, et écouter Papa”. Ce qui n’était pas très loin des premiers instants de vie de Shyven par ailleurs, mais elle savait qu’en tant que Dragonne, elle était déjà née avec un esprit naturellement supérieure.

A vrai dire, Shyven n’était pas du tout contre à l’idée de jouer les grandes soeurs. Elle écouta sagement ce que lui disait Purnendu au sujet de leur rythme de croissance … Alors ils allaient grandir dans quelques mois, hein ? De si mignonnes boules de poils pouvaient vraiment grandir si rapidement ? Bien qu’elle fut étonnée de l’apprendre, Shyven hocha doucement la tête en écoutant les explications de son Gardien.

Pour la suite, elle écouta avec attention les explications que le grand graärh lui donna concernant le système d’éducation des Graärh … Et ce qui était sûr c’est que tout cela était bien compliqué aux yeux de la dragonne ! Quand ils auront six ans on fait çi, et puis dans quelques mois on échange, et notre cas est particulier parce que les Esprits-liés … Shyven tourna la tête et eut un petit sourire, ses petites dents de dragonne dehors.

Finalement, Purnendu avait raison : Heureusement que son Papa-tout-chaud se contentait d’être là, il était seul, mais au moins ils ne devaient pas s’embêter avec tout un mic-mac de ce style. Shyven se doutait bien que tout ce presque-cérémoniel autour de l’éducation des Graärh était en fait un reliquat d’anciennes traditions, tout comme l’histoire que son Gardien lui avait raconté, et que les dragons ne procéderaient probablement jamais ainsi mais … Quand même.

Quelque part, la dragonne se disait qu’il était bien que Papa-tout-chaud soit là, seul. Au moins ils ne risquaient pas de se perdre dans les méthodes d’éducation, ou dans des conflits familiaux pouvant cristalliser des tensions !

Elle ponctua les dernières phrases de Purnendu par un petit :

“Oui. Papa-tout-chaud est vraiment un super Papa-tout-chaud. Mais je suis sûr que toi aussi tu es un super Papa-tout-poilu !”

Shyven eut un nouveau petit sourire pour son gardien, avant de venir se caresser à son pelage paraissant si immense à côté de sa si petite taille. Elle s’assit ensuite sagement, et écouta la leçon du Sage.

La première réaction de Shyven fut probablement la surprise. Du haut de ses quelques mois d’existence, elle trouvait cela amusant de voir que l’on pouvait passer plusieurs minutes à parler d’un animal qu’elle jugeait “naturellement inférieur” à elle. Pour la dragonne, un lièvre était … Un lièvre, et puis c’était tout. Mais là, Purnendu semblait tellement bien connaître le sujet, que Shyven en vint à se demander s’il n’en avait pas été un, dans une vie antérieure ! Leur habitat, leurs habitudes, leur mode de vie, leur pelage … Tout, tout, tout, Purnendu savait tout sur le lièvre arctique !

Elle écouta avec sagesse tout ce que son gardien lui racontait, espérant ne pas manquer un détail important : cependant, si elle n’avait pas vraiment de mal à se concentrer, elle se demandait si le sort était le même pour les deux tout petits qui semblaient assez fascinés par ce jouet … D’ailleurs, Purnendu semblait l’avoir compris et il régulait l’activité du leurre en fonction de ses explications.

Une fois ce court exposé terminé, Shyven pris le temps de dire à Purnendu, quand celui-ci demanda si elle avait des questions :

“Oh non, tu as tout bien expliqué Gardien-Poilu ! Tu sais vraiment un tas de choses sur ces lièvres arctiques !”

La dragonne était admirative, et se disait que peut être, à l’avenir elle aussi elle devrait passer plus de temps parmi les autres animaux : même s’ils étaient des créatures naturellement moins développés que les dragons ou même les bipèdes, eux aussi avaient tout un mode de vie, qu’il convenait de prendre en compte si on voulait bien protéger l’Equilibre global de ce monde …

Mais bon, comme l’avait si justement dit son Gardien, cela se construisait pierre par pierre.

Elle tâcha de poser la première pierre de sa nouvelle promesse en emboitant le pas à Purnendu qui semblait vouloir montrer l’extérieur, et comment vivait cette proie, à la petite assemblée …

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Que ses graärhons soient intéressés par le leurre et les explications qui l’accompagnaient était normal, voire même attendu. L’instinct éveillé des petits félins surpassait encore toute logique à cet âge, la parole et l’intelligence plus complexe viendrait progressivement au cours des prochaines semaines. Toutefois, que la jeune dragonne éprouve la même curiosité ingénue et soit accrochée à ses moindres paroles ? Oui, c’était une agréable surprise. Il la surveillait donc du coin de l’œil et veillait scrupuleusement à ne pas l’assommer de ses enseignements. L’herboriste cherchait à rendre ses récits ludiques, à les dépeindre avec de petites anecdotes et lorsqu’il fut certain d’avoir fait le tour des bases sur la chasse des lièvres, il décida de poursuivre sa leçon avec une activité pratique. Se levant, il embrassa la petite troupe d’un seul bras et les souleva tous sans la moindre gêne. Ils ne pesaient rien, ou presque. Même Shyven fut enfluffée contre le poitrail du graärh et emportée à la surface.

Un vent frais, piquant et humide d’une neige récemment tombée, leur fouetta le visage dès qu’ils émergèrent des escaliers en colimaçon gravés dans la pierre. Dressant les oreilles, Purnendu prit le temps de vérifier qu’aucun bruit suspect ne s’élevait depuis les alentours proches avant de déposer la petite tribu au sol légèrement couvert de givre craquant. Il avança vers la sortie de la grotte, huma l’air et observa scrupuleusement le paysage glacé avant de sembler se détendre. Il était rare que quoi que ce soit n’approche, surtout avec l’odeur persistante de Kaalys dans la neige, mais l’on était jamais trop prudent. Lorsqu’il eut terminé son petit tour d’inspection, l’herboriste observa les enfants et se pencha pour leur lécher le front et le dos à grands coups de langue, un léger ronronnement au fond de la gorge. La dragonne eut le droit au même traitement affectueux, puis il se redressa et montra une fois de plus le leurre.

« - On va essayer des approches et des attaques individuelles, puis nous verrons pour travailler en duo. »

Le premier à se présenter fut Balaaditya et il se révéla aussi tête brûlée et impatient que l’était son autre père. Purnendu n’eut donc aucune difficulté à faire s’échapper plusieurs fois le lièvre, laissant son fils manger à de nombreuses reprises la poudreuse dans des dérapages incontrôlés. Il eut beau le sermonner, rien n’y fit. Le petit graärhon était trop excité et bientôt l’herboriste fut contraint de le tenir à distance pour laisser les autres s’entraîner. Les heures filèrent, les exercices se poursuivirent avec bonne humeur et bientôt la journée arriva à son terme. Les étoiles gagnèrent un ciel limpide, lavé de tous nuages par les puissantes bourrasques de vent qui battaient les hautes pentes du Nyn-Daaruth. Museau levé en l’air et oreilles droites, le graärh attendit d’entendre les puissants battements d’ailes de Kaalys pour aller chercher la petite opale qui somnolait près du feu. Les graärhons s’étaient tous entassés sur elle, profitant de sa chaleur pour former un amas de poils, d’écailles et de couleurs. Attendrit, Purnendu déterra la petite dragonne et l’emporta rejoindre son père.

Elle serait toujours la bienvenue ici. Seule ou accompagnée. Cet endroit devait être un havre, mais surtout le recueil des mémoires. Les siennes avaient leur place au même titre que toutes celles de ses amis.

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