14 février 1763, Athgalan
Demens manipulait avec soin de très petites fioles qu’il avait créées de ses mains en usant des pouvoirs que lui octroyait la pierre philosophale. Toujours incertain quant à la manière dont il avait réussi à la créer, il avait rapidement compris qu’il devait avoir un contact direct avec celle-ci afin d’utiliser ses capacités transmutatrices. C’est pour cela qu’il la portait au cou, suspendue à une chaînette qui disparaissait sous sa tunique de sorte qu’elle reposait contre la peau de son torse.
Dans les fioles se trouvaient différents liquides, tous dans les tons d’orange et classés selon un dégradé de couleur allant du plus pâle au plus foncé. Il s’agissait là de l’antidote permettant de contrer la drogue qui pouvait saper l’esprit d’autrui de manière subtile demandée par Irina Faust, ou plutôt de tests relatifs à cet antidote. S’il avait bel et bien réussi à créer une poudre aux effets attendus, l’alchimiste devait encore mettre au point le liquide qui permettrait de les enrayer. Évidemment, il ne pouvait pas s’utiliser lui-même, car sa propre drogue n’avait aucun effet sur son organisme. Dans les faits, depuis qu’il avait obtenu la pierre, il avait constaté que sa résistance naturelle déjà remarquable était allée en augmentant davantage.
Au dehors, les planches du quai grincèrent, annonçant l’arrivée de quelqu’un. Le Cafard repoussa délicatement le support qui contenait les variations du potentiel antidote tandis que les pas s’arrêtaient dans la cadre de porte.
- Hé oh l’Alchimiste ! Je viens te faire une petite visite, pas de courtoisie car je n’ai pas le temps pour ces conneries. J’ai un employeur qui aurait besoin de tes services.
L’interpellé se tourna vers sa cliente qui s’assit sur une chaise et posa ses pieds sur sa table de travail. Son nom était Béatrice. Elle était venue le visiter pour la première fois au début du mois de décembre en lui apportant des morceaux d’Ékinoppyre ainsi qu’un spécimen de bulbe mort. Elle lui avait expliqué comment la plante réagissait au soleil et en quoi cela constituait un problème sur Calastin. Bien entendu, Demens ne se préoccupait pas le moins du monde du sort qui menaçait l’île, mais lorsque la pirate lui avait mentionné que la demande d’étudier cette créature végétale provenait de Nolan Kohan en personne, il avait deviné qu’il lui serait inutile de dire non.
Il avait donc pris un peu de temps pour analyser ce qu’on lui avait fourni, mais n’avait pas pu en conclure grand-chose. La plante était inoffensive une fois morte, ce qui laissait entendre que la substance qui permettait à la plante de se propager grâce à la lumière diurne disparaissait sitôt la mort arrivée. Elle résistait à un feu extrêmement chaud, de même qu’à toute les variantes de feu alchimique, et n’avait jusqu’ici présenté aucune propriété alchimique pouvant être exploitée. Ce que Béatrice lui apportait à présent présentait de nouvelles possibilités puisqu’il s’agissait de graines non écloses contenue dans un boitier opaque scellé.
- Comme ces saloperies continuent à s’étendre, mon employeur voudrait te rencontrer. J’en sais pas plus, mais semblerait que c’est à moi de te ramener.
L’homme aux cristaux observa la boîte un moment, puis les fioles sur sa table, et enfin d’autres contenants ailleurs dans son atelier. On aurait pu y voir un attachement à son lieu de travail, mais il était plutôt en train d’évaluer à quel point quitter Athgalan pour quelques temps risquait de nuire à ses autres travaux. Les drogues d’Irina allaient bon train et les recherches quant à la demande de Kalza’ah concernant les tatouages d’esclave avaient récemment donné une piste qui demandait encore à être explorée.
- Donnez-moi jusqu’à ce soir.
Béatrice acquiesça, donna au Cafard le nom de son navire, l’Albatros, et s’en retourna vers celui-ci en attendant qu’il vienne la rejoindre. L’alchimiste se dirigea vers la Cabine du Capitaine, mais comme aucun des membres de la confrérie ne s’y trouvait, il fit simplement savoir à l’une des catins qui se trouvait là qu’il s’absenterait de la ville pour un long moment sans spécifier où il allait, ni pour combien de temps exactement. Il retourna ensuite à son atelier afin d’y faire un ménage sommaire et en retirer toutes ses notes pour les glisser dans son sac, ne laissant sur les tablettes que des fioles d’ingrédient, ainsi aurait-il encore tous ses travaux s’il ne revenait plus. Enfin, en début de soirée, il s’en alla vers le port et monta à bord de l’Albatros. Le bâtiment quitta rapidement la place et pris la haute mer sous les étoiles.
1er mars 1763, Sélénia
Durant le voyage, l'homme de science avait profité de la noirceur de la nuit pour étudier sans danger les graines. À mi-trajet, on l’avait fait passer de l’Albatros à l’Horus, un navire dont l’équipage de corsaires qui pouvait flotter dans les eaux côtières sans problème, contrairement au navire pirate de la jeune femme dont la condition d’espion était inconnue de plusieurs. Durant la seconde partie du trajet vers le port d’Azzuréo, on avait demandé à l’alchimiste s’il lui était possible de cacher ses cristaux au cas où d’autres équipages l’apercevaient, aussi tailla-t-il les plus gros d’entre eux tout en conservant les morceaux dans sa sacoche. Une fois amarré, on fournit à Demens une grande cape pour qu’il puisse couvrir son infection déjà beaucoup moi repérable, puis il fut escorté par un groupe de gardes jusqu’au palais royal.
De là, un nouveau groupe de gardes vint à sa rencontre, ceux-là vêtus de manière plus ostentatoire et affichant les couleurs de l’Empire Sélénien d’une manière qui tenait probablement plus de l’esthétisme que de la praticité. On le guida quelques minutes à travers des couloirs qu’il avait jadis connus en tant que tortionnaire. À l’époque, les Humains n’étaient établis à Calastin que depuis peu et on ignorait pratiquement tout de lui en dehors de l’aide qu’il avait su apporter aux malades durant la traversée. Il s’était révélé un peu trop entreprenant dans sa nouvelle tâche et avait simplement déserté son poste tandis qu’éclatait le conflit avec le sud. Comment l’Empereur avait-il su où aller le chercher? Peu lui importait, ce qu’il savait, c’était qu’à présent, il allait à nouveau travailler pour Nolan Kohan afin de lutter contre les Ékinoppyres.
En entrant dans la salle où trônait le souverain, on fit retirer à Demens sa cape, puis on le mena au pied de l’estrade. Celui qui dirigeait était jeune, vêtu de riches parures qui auraient probablement su impressionner le Cafard s’il avait accordé de l’importance à ce genre de chose. Dans l’état actuel des choses, il ne s’agissait que de vêtements d’apparat sans la moindre valeur fonctionnelle, exception faite des perles et de l’or qui avaient de multiples propriétés alchimiques. Un long échange s’ensuivit, un échange qui contenait beaucoup de détails superflus et de formules alambiquées dont l’homme de science se serait passé, mais au bout duquel une entente fut tout de même conclue. Demens s’engageait à utiliser ses talents d’alchimiste pour étudier et éventuellement contrer le mal végétal qui s’attaquait à l’île en évitant tout comportement illégal et tout débordement. De son côté, le jeune Nolan s’engageait à créer une couverture qui permettrait au criminel de ne pas attirer de soupçons, le faisant ainsi passer pour un ermite nommé tout simplement Thôrmyr, un savant vivant seul dans l’extrême nord de l’île en raison de certaines difformités obtenues à la naissance. Dès le lendemain, Thôrmyr l’Ermite rejoignit un groupe de civils et partit en direction de Cordont comme s’il était un simple citoyen.
29 mars 1763, Cordont
Comme pour le voyage en mer, celui sur terre se déroula sans anicroches. De temps à autre, une troupe de gardes les arrêtait pour discuter avec ceux qui les escortaient, mais en dehors de ces interactions, ils ne croisérent que peu d’individus. Le premier véritable contrôle eu lieu à la frontière qui séparait le nord et le sud. Là, de nouveaux gardes prirent le groupe en charge afin de le guider à bon port. Tant par leur uniforme que par leurs méthodes, il était aisé de voir que leur entrainement et leur code de conduite différait des gardes impériaux.
En arrivant à Cordont, les civils eurent droit à un nouveau contrôle, cette fois-ci plus approfondi. Demens dû montrer le contenu de sa sacoche magique, mais ayant prévu le coup, les items qui s’y trouvaient n’avaient rien d’incriminant. On le questionna à propos de ses nombreuses notes et il utilisa les informations relatives à sa fausse identité de savant ermite pour répondre de manière tout à fait satisfaisante. On lui fit signer un registre afin qu’il confirme son identité, puis on le fit passer dans une petite zone d’attente clôturée où se tenaient quelques autres civils avec lesquels le Cafard avait voyagé. Lorsque tous eurent passé le contrôle et signé le registre, on les guida à travers la ville jusqu’à un quartier dont les constructions récentes étaient assurément temporaires. Ce serait leur lieu de vie durant tout leur séjour à Cordont, aussi devraient-ils vivre en communauté. Si quelques-uns maugréèrent à cette nouvelle, Demens demeura silencieux, n’y voyant aucun inconvénient. Enfin, on les laissa libre de se promener, mais ils devaient rester à l’intérieur du périmètre du quartier qui était sous haute surveillance afin d’éviter qu’un civil se retrouve dans un lieu où ne devrait pas être.
L’alchimiste explora donc ledit quartier. Sans surprise, aucune taverne ne s’y trouvait, mais il y avait tout de même une zone de divertissement où on pouvait jouer et échanger où il resta un instant à observer les autres en silence avant de s’éclipser. Il alla s’étendre dans un des lits de camp et attendit patiemment que le nuit tombe pour s’endormir.
30 mars 1763, Cordont
Le lendemain, on les réveilla tôt afin que tous mangent en même temps dans la zone commune. Encore une fois, la nourriture militaire fit s’élever quelques voix, mais pas celle de Demens. Durant le repas, on leur fit savoir que durant la journée ils rencontreraient tous à tour de rôle le général Sigvald Elusis de l’Alliance de Cité libre, l’un des responsables de l’opération anti-Ékinoppyres, puis on les laissa vaquer à leurs occupations. En milieu d’avant-midi, un soldat clama d’une voix forte, à l’entrée du périmètre :
- Monsieur Thôrmyr l’Ermite.
Demens vint aussitôt à sa rencontre.
- C’est moi.
- Bien. Suivez-moi monsieur, le général est rendu à vous.
Le soldat se mit en route, la démarche martiale, et le duo revint à l’endroit où la veille le groupe avait passé le contrôle, mais se dirigea vers un escalier qui longeait un mur extérieur.
- Soyez respectueux avec le général en tout temps. Répondez clairement aux questions, soyez franc et évitez les détails inutiles. La rencontre sera terminée lorsque le général en décidera ainsi. Vous pouvez monter. Cognez à la porte et attendez la permission d’entrer.
Et il désigna l’escalier d’un mouvement du bras avant de se mettre au garde-à-vous. Demens grimpa donc les marches, cogna à l’unique porte en bois qui se trouvait sur la galerie et la poussa lorsqu’une voix grave lui ordonna de pénétrer à l’intérieur.
Demens manipulait avec soin de très petites fioles qu’il avait créées de ses mains en usant des pouvoirs que lui octroyait la pierre philosophale. Toujours incertain quant à la manière dont il avait réussi à la créer, il avait rapidement compris qu’il devait avoir un contact direct avec celle-ci afin d’utiliser ses capacités transmutatrices. C’est pour cela qu’il la portait au cou, suspendue à une chaînette qui disparaissait sous sa tunique de sorte qu’elle reposait contre la peau de son torse.
Dans les fioles se trouvaient différents liquides, tous dans les tons d’orange et classés selon un dégradé de couleur allant du plus pâle au plus foncé. Il s’agissait là de l’antidote permettant de contrer la drogue qui pouvait saper l’esprit d’autrui de manière subtile demandée par Irina Faust, ou plutôt de tests relatifs à cet antidote. S’il avait bel et bien réussi à créer une poudre aux effets attendus, l’alchimiste devait encore mettre au point le liquide qui permettrait de les enrayer. Évidemment, il ne pouvait pas s’utiliser lui-même, car sa propre drogue n’avait aucun effet sur son organisme. Dans les faits, depuis qu’il avait obtenu la pierre, il avait constaté que sa résistance naturelle déjà remarquable était allée en augmentant davantage.
Au dehors, les planches du quai grincèrent, annonçant l’arrivée de quelqu’un. Le Cafard repoussa délicatement le support qui contenait les variations du potentiel antidote tandis que les pas s’arrêtaient dans la cadre de porte.
- Hé oh l’Alchimiste ! Je viens te faire une petite visite, pas de courtoisie car je n’ai pas le temps pour ces conneries. J’ai un employeur qui aurait besoin de tes services.
L’interpellé se tourna vers sa cliente qui s’assit sur une chaise et posa ses pieds sur sa table de travail. Son nom était Béatrice. Elle était venue le visiter pour la première fois au début du mois de décembre en lui apportant des morceaux d’Ékinoppyre ainsi qu’un spécimen de bulbe mort. Elle lui avait expliqué comment la plante réagissait au soleil et en quoi cela constituait un problème sur Calastin. Bien entendu, Demens ne se préoccupait pas le moins du monde du sort qui menaçait l’île, mais lorsque la pirate lui avait mentionné que la demande d’étudier cette créature végétale provenait de Nolan Kohan en personne, il avait deviné qu’il lui serait inutile de dire non.
Il avait donc pris un peu de temps pour analyser ce qu’on lui avait fourni, mais n’avait pas pu en conclure grand-chose. La plante était inoffensive une fois morte, ce qui laissait entendre que la substance qui permettait à la plante de se propager grâce à la lumière diurne disparaissait sitôt la mort arrivée. Elle résistait à un feu extrêmement chaud, de même qu’à toute les variantes de feu alchimique, et n’avait jusqu’ici présenté aucune propriété alchimique pouvant être exploitée. Ce que Béatrice lui apportait à présent présentait de nouvelles possibilités puisqu’il s’agissait de graines non écloses contenue dans un boitier opaque scellé.
- Comme ces saloperies continuent à s’étendre, mon employeur voudrait te rencontrer. J’en sais pas plus, mais semblerait que c’est à moi de te ramener.
L’homme aux cristaux observa la boîte un moment, puis les fioles sur sa table, et enfin d’autres contenants ailleurs dans son atelier. On aurait pu y voir un attachement à son lieu de travail, mais il était plutôt en train d’évaluer à quel point quitter Athgalan pour quelques temps risquait de nuire à ses autres travaux. Les drogues d’Irina allaient bon train et les recherches quant à la demande de Kalza’ah concernant les tatouages d’esclave avaient récemment donné une piste qui demandait encore à être explorée.
- Donnez-moi jusqu’à ce soir.
Béatrice acquiesça, donna au Cafard le nom de son navire, l’Albatros, et s’en retourna vers celui-ci en attendant qu’il vienne la rejoindre. L’alchimiste se dirigea vers la Cabine du Capitaine, mais comme aucun des membres de la confrérie ne s’y trouvait, il fit simplement savoir à l’une des catins qui se trouvait là qu’il s’absenterait de la ville pour un long moment sans spécifier où il allait, ni pour combien de temps exactement. Il retourna ensuite à son atelier afin d’y faire un ménage sommaire et en retirer toutes ses notes pour les glisser dans son sac, ne laissant sur les tablettes que des fioles d’ingrédient, ainsi aurait-il encore tous ses travaux s’il ne revenait plus. Enfin, en début de soirée, il s’en alla vers le port et monta à bord de l’Albatros. Le bâtiment quitta rapidement la place et pris la haute mer sous les étoiles.
1er mars 1763, Sélénia
Durant le voyage, l'homme de science avait profité de la noirceur de la nuit pour étudier sans danger les graines. À mi-trajet, on l’avait fait passer de l’Albatros à l’Horus, un navire dont l’équipage de corsaires qui pouvait flotter dans les eaux côtières sans problème, contrairement au navire pirate de la jeune femme dont la condition d’espion était inconnue de plusieurs. Durant la seconde partie du trajet vers le port d’Azzuréo, on avait demandé à l’alchimiste s’il lui était possible de cacher ses cristaux au cas où d’autres équipages l’apercevaient, aussi tailla-t-il les plus gros d’entre eux tout en conservant les morceaux dans sa sacoche. Une fois amarré, on fournit à Demens une grande cape pour qu’il puisse couvrir son infection déjà beaucoup moi repérable, puis il fut escorté par un groupe de gardes jusqu’au palais royal.
De là, un nouveau groupe de gardes vint à sa rencontre, ceux-là vêtus de manière plus ostentatoire et affichant les couleurs de l’Empire Sélénien d’une manière qui tenait probablement plus de l’esthétisme que de la praticité. On le guida quelques minutes à travers des couloirs qu’il avait jadis connus en tant que tortionnaire. À l’époque, les Humains n’étaient établis à Calastin que depuis peu et on ignorait pratiquement tout de lui en dehors de l’aide qu’il avait su apporter aux malades durant la traversée. Il s’était révélé un peu trop entreprenant dans sa nouvelle tâche et avait simplement déserté son poste tandis qu’éclatait le conflit avec le sud. Comment l’Empereur avait-il su où aller le chercher? Peu lui importait, ce qu’il savait, c’était qu’à présent, il allait à nouveau travailler pour Nolan Kohan afin de lutter contre les Ékinoppyres.
En entrant dans la salle où trônait le souverain, on fit retirer à Demens sa cape, puis on le mena au pied de l’estrade. Celui qui dirigeait était jeune, vêtu de riches parures qui auraient probablement su impressionner le Cafard s’il avait accordé de l’importance à ce genre de chose. Dans l’état actuel des choses, il ne s’agissait que de vêtements d’apparat sans la moindre valeur fonctionnelle, exception faite des perles et de l’or qui avaient de multiples propriétés alchimiques. Un long échange s’ensuivit, un échange qui contenait beaucoup de détails superflus et de formules alambiquées dont l’homme de science se serait passé, mais au bout duquel une entente fut tout de même conclue. Demens s’engageait à utiliser ses talents d’alchimiste pour étudier et éventuellement contrer le mal végétal qui s’attaquait à l’île en évitant tout comportement illégal et tout débordement. De son côté, le jeune Nolan s’engageait à créer une couverture qui permettrait au criminel de ne pas attirer de soupçons, le faisant ainsi passer pour un ermite nommé tout simplement Thôrmyr, un savant vivant seul dans l’extrême nord de l’île en raison de certaines difformités obtenues à la naissance. Dès le lendemain, Thôrmyr l’Ermite rejoignit un groupe de civils et partit en direction de Cordont comme s’il était un simple citoyen.
29 mars 1763, Cordont
Comme pour le voyage en mer, celui sur terre se déroula sans anicroches. De temps à autre, une troupe de gardes les arrêtait pour discuter avec ceux qui les escortaient, mais en dehors de ces interactions, ils ne croisérent que peu d’individus. Le premier véritable contrôle eu lieu à la frontière qui séparait le nord et le sud. Là, de nouveaux gardes prirent le groupe en charge afin de le guider à bon port. Tant par leur uniforme que par leurs méthodes, il était aisé de voir que leur entrainement et leur code de conduite différait des gardes impériaux.
En arrivant à Cordont, les civils eurent droit à un nouveau contrôle, cette fois-ci plus approfondi. Demens dû montrer le contenu de sa sacoche magique, mais ayant prévu le coup, les items qui s’y trouvaient n’avaient rien d’incriminant. On le questionna à propos de ses nombreuses notes et il utilisa les informations relatives à sa fausse identité de savant ermite pour répondre de manière tout à fait satisfaisante. On lui fit signer un registre afin qu’il confirme son identité, puis on le fit passer dans une petite zone d’attente clôturée où se tenaient quelques autres civils avec lesquels le Cafard avait voyagé. Lorsque tous eurent passé le contrôle et signé le registre, on les guida à travers la ville jusqu’à un quartier dont les constructions récentes étaient assurément temporaires. Ce serait leur lieu de vie durant tout leur séjour à Cordont, aussi devraient-ils vivre en communauté. Si quelques-uns maugréèrent à cette nouvelle, Demens demeura silencieux, n’y voyant aucun inconvénient. Enfin, on les laissa libre de se promener, mais ils devaient rester à l’intérieur du périmètre du quartier qui était sous haute surveillance afin d’éviter qu’un civil se retrouve dans un lieu où ne devrait pas être.
L’alchimiste explora donc ledit quartier. Sans surprise, aucune taverne ne s’y trouvait, mais il y avait tout de même une zone de divertissement où on pouvait jouer et échanger où il resta un instant à observer les autres en silence avant de s’éclipser. Il alla s’étendre dans un des lits de camp et attendit patiemment que le nuit tombe pour s’endormir.
30 mars 1763, Cordont
Le lendemain, on les réveilla tôt afin que tous mangent en même temps dans la zone commune. Encore une fois, la nourriture militaire fit s’élever quelques voix, mais pas celle de Demens. Durant le repas, on leur fit savoir que durant la journée ils rencontreraient tous à tour de rôle le général Sigvald Elusis de l’Alliance de Cité libre, l’un des responsables de l’opération anti-Ékinoppyres, puis on les laissa vaquer à leurs occupations. En milieu d’avant-midi, un soldat clama d’une voix forte, à l’entrée du périmètre :
- Monsieur Thôrmyr l’Ermite.
Demens vint aussitôt à sa rencontre.
- C’est moi.
- Bien. Suivez-moi monsieur, le général est rendu à vous.
Le soldat se mit en route, la démarche martiale, et le duo revint à l’endroit où la veille le groupe avait passé le contrôle, mais se dirigea vers un escalier qui longeait un mur extérieur.
- Soyez respectueux avec le général en tout temps. Répondez clairement aux questions, soyez franc et évitez les détails inutiles. La rencontre sera terminée lorsque le général en décidera ainsi. Vous pouvez monter. Cognez à la porte et attendez la permission d’entrer.
Et il désigna l’escalier d’un mouvement du bras avant de se mettre au garde-à-vous. Demens grimpa donc les marches, cogna à l’unique porte en bois qui se trouvait sur la galerie et la poussa lorsqu’une voix grave lui ordonna de pénétrer à l’intérieur.