Les yeux mis clos, le rossignol fixait le plafond. Le mouvement des vagues était apaisant, mais le confort de son lit et de sa demeure lui manquait. Elle pensait au sourire de ses enfants, à Satie qui devait l’attendre comme elle avait attendu son frère qui n’était jamais revenu, au bras tranché dans l’horreur d’un combat trop long sur la conscience et trop rapide pour l’esprit. Elle pensait à Ivanyr, à Aldaron, dont elle ne pouvait s’assurer la sécurité. La fatigue pesait son corps mais le sommeil ne venait pas.
Une lumière bleutée se déposa devant ses yeux, sans l’aveugler, comme une poussière lumineuse qui venait voler sur son front. Puis des ailes émergèrent de la forme éthérée et la dernière chose qu’Autone vit avant de fermer les paupières fût la forme d’une corneille.
Le danger, l’humiliation tonnaient dans sa poitrine alors qu’elle n’y était même pas. Sur un navire, un garçon dont elle ne pouvait voir le visage entouré d’hommes à l’hygiène douteuse, certains mieux habillés que d’autres, la plupart sans vêtements mais ornés de faux bijoux autour de leurs cous. Ils se servaient de lui comme d’un buffet, assez pour couper le souffle de l’imbrisée dans son sommeil tant elle aurait voulu surgir dans la scène et lancer une dizaine de boules de feux. C’est lorsqu’ils eurent enfin terminé et le laissèrent là, couché sur le sol qu’elle pût enfin voir son visage. Le fils adoptif d’Aldaron, moins bien traité qu’une fille de joie des bas-fonds de Gloria. D’autres hommes arrivaient et tout recommençait. Non, elle ne voulait pas le voir.
« Arrêtez! »
Sa voix retentit dans la cabine sans la réveiller, mais la vision d’horreur s’éclipsa dans le son d’un battement d’ailes et une brume noire fit tout disparaître.
Elle revit le garçon dans un bain, tanguant sur le rythme des vagues en harmonies avec celles qui berçaient Autone. Elle avait encore toutes ses sensations physiques, la nausée, la respiration courte, tout en rêvant, tout en pensant. Les images semblaient si vraies, ses entrailles lui criaient que c’était réel.
Un elfe aux yeux bandés entra dans la pièce, offrant un bol de nourriture au garçon. Il lui semblait familier, mais elle ne parvenait pas à réfléchir.
Autone entendit le battement d’ailes à nouveau, tout fondit au noir. Un bâtiment elfique s’éleva de la terre, l’ancien domaine baptistrel et sa nature glorifiante, ses sons de paix. Elle entendait les carillons depuis la plaine et marcha jusqu’au domaine qu’elle connaissait grâce à Aramis. Elle se sentait comme une traîtresse, sur ce sol. Elle qui avait tenté de vivre comme eux avant de se détourner de la vertu pour survivre dans les mensonges et les secrets. Sans vraiment savoir pourquoi, elle marcha jusqu’au domaine des chanteciel, cet observatoire qu’elle n’avait jamais pu voir de l’intérieur. Était-ce son imagination qui inventait cette bibliothèque? Sa poitrine se soulevait dans l’admiration, elle aurait voulu pouvoir toucher ces livres, les ouvrir et apprendre tout ce qui pouvait être appris.
Elle pâlit en tombant nez à nez avec Dawan. Il ne la voyait pas, passait son chemin et quittait l’observatoire, un air mélancolique au visage. Autone passa derrière lui et le suivit dans sa marche. Sans nourriture et sans eau, il ne cessait de marcher. Quelque chose lui soufflait qu’il eût marché trois jours, sans qu’Autone ne sache d’où lui venait cette impression. Elle le voyait mourir à chaque pas, ses cernes se creusaient, la faim s’emparait de lui. Alors pourquoi marchait-il encore? Pourquoi voyait-elle cela? Pourquoi rêvait-elle à cela?
Son corps déjà écroulé, Dawan s’assied enfin. Autone s’approcha de lui, lui fit face et s’accroupit devant lui.
« Non… » murmura-t-elle en pleurant, alors qu’il fermait les paupières.
Il fermait enfin les yeux et cela lui brisait le cœur, mais un sentiment de soulagement la prenait aussi. Elle allongea son corps dans la plaine, dans une impuissance qui l’enrageait.
« Pou…pourquoi est-ce que je vois ça? Dawan…Tu étais innocent… C’est ce qui est arrivé, non? Pourquoi ? »
L’imbrisée déplaça une mèche blonde du front pâle, puis, restant accroupie près du corps inerte, essuya ses larmes. Cette fois ci, ni la falaise, ni les arbres, ni le ciel bleu ne disparaissaient. Dawan était partie lors d’une journée aussi douce et claire que son cœur.
Une lumière bleutée se déposa devant ses yeux, sans l’aveugler, comme une poussière lumineuse qui venait voler sur son front. Puis des ailes émergèrent de la forme éthérée et la dernière chose qu’Autone vit avant de fermer les paupières fût la forme d’une corneille.
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Le danger, l’humiliation tonnaient dans sa poitrine alors qu’elle n’y était même pas. Sur un navire, un garçon dont elle ne pouvait voir le visage entouré d’hommes à l’hygiène douteuse, certains mieux habillés que d’autres, la plupart sans vêtements mais ornés de faux bijoux autour de leurs cous. Ils se servaient de lui comme d’un buffet, assez pour couper le souffle de l’imbrisée dans son sommeil tant elle aurait voulu surgir dans la scène et lancer une dizaine de boules de feux. C’est lorsqu’ils eurent enfin terminé et le laissèrent là, couché sur le sol qu’elle pût enfin voir son visage. Le fils adoptif d’Aldaron, moins bien traité qu’une fille de joie des bas-fonds de Gloria. D’autres hommes arrivaient et tout recommençait. Non, elle ne voulait pas le voir.
« Arrêtez! »
Sa voix retentit dans la cabine sans la réveiller, mais la vision d’horreur s’éclipsa dans le son d’un battement d’ailes et une brume noire fit tout disparaître.
Elle revit le garçon dans un bain, tanguant sur le rythme des vagues en harmonies avec celles qui berçaient Autone. Elle avait encore toutes ses sensations physiques, la nausée, la respiration courte, tout en rêvant, tout en pensant. Les images semblaient si vraies, ses entrailles lui criaient que c’était réel.
Un elfe aux yeux bandés entra dans la pièce, offrant un bol de nourriture au garçon. Il lui semblait familier, mais elle ne parvenait pas à réfléchir.
Autone entendit le battement d’ailes à nouveau, tout fondit au noir. Un bâtiment elfique s’éleva de la terre, l’ancien domaine baptistrel et sa nature glorifiante, ses sons de paix. Elle entendait les carillons depuis la plaine et marcha jusqu’au domaine qu’elle connaissait grâce à Aramis. Elle se sentait comme une traîtresse, sur ce sol. Elle qui avait tenté de vivre comme eux avant de se détourner de la vertu pour survivre dans les mensonges et les secrets. Sans vraiment savoir pourquoi, elle marcha jusqu’au domaine des chanteciel, cet observatoire qu’elle n’avait jamais pu voir de l’intérieur. Était-ce son imagination qui inventait cette bibliothèque? Sa poitrine se soulevait dans l’admiration, elle aurait voulu pouvoir toucher ces livres, les ouvrir et apprendre tout ce qui pouvait être appris.
Elle pâlit en tombant nez à nez avec Dawan. Il ne la voyait pas, passait son chemin et quittait l’observatoire, un air mélancolique au visage. Autone passa derrière lui et le suivit dans sa marche. Sans nourriture et sans eau, il ne cessait de marcher. Quelque chose lui soufflait qu’il eût marché trois jours, sans qu’Autone ne sache d’où lui venait cette impression. Elle le voyait mourir à chaque pas, ses cernes se creusaient, la faim s’emparait de lui. Alors pourquoi marchait-il encore? Pourquoi voyait-elle cela? Pourquoi rêvait-elle à cela?
Son corps déjà écroulé, Dawan s’assied enfin. Autone s’approcha de lui, lui fit face et s’accroupit devant lui.
« Non… » murmura-t-elle en pleurant, alors qu’il fermait les paupières.
Il fermait enfin les yeux et cela lui brisait le cœur, mais un sentiment de soulagement la prenait aussi. Elle allongea son corps dans la plaine, dans une impuissance qui l’enrageait.
« Pou…pourquoi est-ce que je vois ça? Dawan…Tu étais innocent… C’est ce qui est arrivé, non? Pourquoi ? »
L’imbrisée déplaça une mèche blonde du front pâle, puis, restant accroupie près du corps inerte, essuya ses larmes. Cette fois ci, ni la falaise, ni les arbres, ni le ciel bleu ne disparaissaient. Dawan était partie lors d’une journée aussi douce et claire que son cœur.