Selenia, Ville Haute
6 Août 1763
6 Août 1763
Encore, une fois, le chapiteau avait été comble. Ici, à Sélénia, la réputation du Cirque n'était plus à refaire. Ici, plus qu'ailleurs encore à Calastin, la troupe jouissait d'une formidable réputation. Plus que dans n'importe quelle autre ville ou village, l'aura de mon Père avait su faire vibrer les séléniens, toucher leur sensibilité à l'art et la magie. Bourgeois et nobles en quête de raffinement ou bien paysans et petits gens cherchant émerveillement, tous avaient afflué. C'est simple, à chaque représentations nous devions refuser des entrées par manque de place. Autant dire que cela ne faisait que renforcer la détermination des badauds à y assister. Il faut dire que non ne sommes pas des amateurs, comme la plupart des artistes qui pullulent dans les rues. Non, le Cirque du Renouveau est un gage de qualité et de savoir-faire transmit depuis trois générations après tout !
-Euh, Elza ? S'cuze moi mais y'a un spectateur qui veut pas partir. Il prétend être un mécène. Y'a Klaus et Milène qui sont en train de lui parler...
Au milieu de l'agitation de fin de représentation , je mettais à profit mon affinité avec le Léopard pour rafraîchir les artistes. Ils donnaient tous le meilleur d'eux-même pour fournir un spectacle de qualité. Leur offrir un peu confort était la moindre des choses pour moi. Ceci dit, la perspective d'une embrouille avec un spectateur, et a fortiori avec un mécène, était beaucoup plus important, aussi, intrigué et alarmé par cette information, je jetai un œil à travers le rideau. Immédiatement, reconnaissable entre milles, je reconnu cette prestance.
-Dis à Barbe à Rosa que je m'en occupe, ordonnai-je à Kaleb. Avec Klaus et Milène, ils faisaient parti des nouvelles recrues, ils n'avaient jamais eux affaires au mécènes du cirque, aussi, je leur pardonnai cette erreur.
Même si je n'avais pas sué comme tout les autres, il n'en demeurait que j'étais fatigué mais pour ce spectateur, je ne pouvais tout simplement pas me plaindre et l'ignorer. Écartant les rideaux d'un geste milles fois répété, je m'avançai droit vers mes malheureux collègues.
-Ma chère Toryné, je vous pris d'excuser le comportement de mes deux amis ici présent. Ils ont rejoint notre troupe il n'y a pas longtemps, votre visage si radieux ne leur est donc pas encore familier. Je tâcherai de corriger cela au plus vite.
Je lui offrit mon plus beau sourire, sincèrement ravi de sa présence. Aux deux forains, je leur adressais un regard équivoque qu'ils saisirent sur le champs et battirent retraite dans les loges. Couvrant les derniers mètre qui nous séparaient, je lui saisit les deux mains, comme deux amies qui se retrouvaient. Ce devait être l'une des rares personnes à qui le contact de mes mains gelées ne dérangeait guère, les siennes étant tout aussi froides.
-Avez-vous assisté à la représentation ? Je dois avouer qu'avec le trac, je ne fais pas trop attention au public et je rate beaucoup de détails... même si celui-ci est plutôt difficile à louper, finis-je en levant les yeux vers sa coiffure flamboyante.
Cela faisant des mois que je ne l'avais pas revu et parmi les informations que j'avais pu glaner après la bataille contre les Chimères, cette nouvelle couleur n'y figurait pas. Mon informateur, la peste l'emporte, ayant visiblement préférait se concentrer sur l'annonce de sa survie et de sa victoire !
-Ou bien... venez-vous vous enquérir que votre investissement se porte bien ?, ajoutai-je malicieusement.
J'espérai que sa récente ascension au sein du peuple vampirique n'allait pas entacher notre relation, aussi, en testais-je les limites. Je guettais ses moindres réactions à mon attitude désinvolte. Notre amitié soufrerait-elle du statut de Parangon ? S'il s'avérait que le pouvoir allait le corrompre, je m'en trouverai sûrement fort attristé...