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descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyInvité de résistance [PV Ilhan]

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22 Août 1763
La Revanche de la Reine


Le fumet embaumait la pièce, s'étirant en de languides volutes, paisibles appendices éthérés venant chatouiller les sens. Riche, il venait se lover au creux du palais, suggérant les goûts et la générosité d'une table bien montée. Un éveil à l'inimitable douceur, l'appeau d'un sacrifice volontaire à la faim humaine non rassasiée. La table occupait l'espace central de la capitainerie, sous un lustre lyssien d'époque, sculpté dans un bois clair à l'image de scènes marines au saisissant réalisme. Dressée à la mode Althaïenne, les assiettes étaient d'une très fine porcelaine peinte à la main, trois séries de couverts étaient disposés autours de l'ensemble, l'une de bois sculpté, l'une d'argent, l'une de porcelaine. Cinq verres de tailles disparates étaient disposés derrière, tous de cristaux soufflés et ciselés, commençant avec le plus grand sur la gauche, le plus petit sur la droite. Les serviettes étaient de soie brodée, tout comme la nappe, les carafes de cristal transparent laissait voir un vin rouge, un rosé et un blanc fruité tandis que le tout dernier contenait une eau maintenue froide par un glaçon éternel. Les chandelles brûlaient en diffusant un parfum délicat et discret qui rafraîchissait les puissantes effluves provenant des plats encore couverts. Le maître des lieux parachevait les ultimes pliures d'un napperon lorsque le son de l'éveil de son invité lui parvint et par des gestes minutieux, à la lenteur ajustée, il plaça l'ensemble avant de se détourner de son ouvrage, s'approchant sur ses longues jambes fuselées de l'alcôve où reposait le conseiller. Son pas, alerte mais composé, témoignait sa vivacité sans urgence.

Emplissant l'encadrement du paravent, il soupesa la forme disposée sur la couche sans se fendre de la moindre critique, ses traits racés reposant en une expression contemplative, pensive. Après quelques instants, sa voix s'éleva, courtoise et policée.

« Bonsoir, Seigneur Avente. Bon retour parmi nous »

Sans doute s'emplissait-il la tête de question, à commencer par le lieu où il se trouvait. Son invité s'était assoupit dans un lit lui appartenant, et c'était éveillé ici. Sans avertissement, sans invitation réelle. Tous deux s'étaient croisés, un bref instant. Un seul bref instant.

« La table est mise et n'attend plus que vous. Si vous acceptez me faire l'immense plaisir de vous avoir à dîner »

Qu'est-ce qu'il aurait donné pour observer les rouages sous son crâne. Mais il n'avait pas ce pouvoir, quant bien même ses nouveaux yeux disposaient de capacités singulières. Il en était donc réduit à sa propre imagination. Un bras élégamment replié sur les reins, il eut un geste d'invitation de l'autre, large, lent, lui présentant d'abord une porte vers une salle d'hygiène, puis des vêtements propres et à sa taille, d'une facture qu'il n'aurait sans doute pas oublié, avant de désigner la table ornée qui n'attendait plus que lui. Se détournant dans un lenteur calculée, il lui laissa la place, venant l'attendre derrière sa propre chaise, trop bien éduqué pour s'asseoir avant lui. Une invisible musique s'élevait, subtile et légère, qui accompagnait plutôt qu'elle ne masquait les soupires de l'océan au-delà des murs de bois de la grande frégate. La 'Revanche' voguait à présent loin de Sélénia, laissant derrière elle les turpitudes de la cour humaine pour voguer vers les vices de la Perfide. Le voyage était long, fort heureusement il disposait cette fois d'une compagnie de premier choix pour occuper ses journées. Plongé dans ses pensées, il n'en restait pas moins extrêmement alerte quand aux gestes de son invité. Il tendait l'oreille avec vigilance et ce ne fut qu'en le voyant s'avancer qu'il tourna de nouveau la tête vers lui. Ses yeux d'obsidienne, entièrement obscurs, sondèrent chaque frémissement de la délicate silhouette de l'Althaïen avant qu'un sourire suave ne vienne toucher ses lèvres.

« En entrée, foie gras au torchon avec sa sauce aux truffes, figues fraîches et séchées, roses de vin rouge cristallisées au sucre »

descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyRe: Invité de résistance [PV Ilhan]

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Un bruit léger. Un froissement de tissu. Un tintement discret.

Le roulis de la mer en bruit de fond, bercé d’une sourde musique aux douces harmonies.

Une délicate fragrance suggérant mets raffinés.

Ilhan papillonna des yeux, peinant à émerger des limbes de sa léthargie.

Ses membres lourds, gourds, se faisaient alanguis. Il se tourna sur le côté et tenta d’ouvrir les yeux. Sa main courut lentement sur l’oreiller… et se figea sous la texture. Cette fois ses yeux sombres s’ouvrirent enfin. Même si sa vue semblait brouillée. Il papillonna une fois encore, tentant d’acclimater sa vision à l’étrange ambiance de sa cabine. Elle lui semblait à la fois plus grande et plus petite. Il ne se souvenait pas de ce pan de bois si près de lui.

Non… pas un pan de bois, réalisa-t-il abruptement. Un paravent. Mais qu’est-ce qu’un paravent faisait là ? Et qui avait donc mis de la musique dans…

Et soudain une ombre se profila pour venir se découper dans l’ouverture du paravent. Diantre !

Ilhan se redressa aussitôt sur un coude, faisant fi de l’étrange tournis qui le happa à ce geste. Qu’est-ce qu’était-ce que tout cela ? Qui était cet inconnu ? Et… où donc était-il au juste ? se demanda-t-il enfin quand il réalisa ne pas être ni dans sa cabine ni dans son lit.

« Bonsoir, Seigneur Avente. Bon retour parmi nous »

Ilhan fronça les sourcils et détailla l’inconnu lui faisant face. Dans la semi-pénombre dans laquelle il était, il peinait à voir les traits de son visage. Et ses sens, soudain affolés à l’idée de se réveiller ainsi en un lieu inconnu en présence d'un personnage tout aussi incongru, ne l’aidaient en rien à se focaliser sur celui qui se trouvait devant lui. Un jeune homme vraisemblablement. De là où il se trouvait, c’était tout ce qu’il pouvait subodorer. Maintien noble, courtois… de bonne naissance possiblement. Ou en tout cas, il en avait reçu l’éducation.

L’althaïen laissa alors son regard sombre courir autour de lui. Pas d’issue immédiate mis à part ce paravent, dont l’accès était contrôlé par son… quoi ? Ravisseur ? Il semblait toujours sur un bateau, mais il n’en reconnaissait pas le bois. S’il n’était pas expert en navire, il aurait su reconnaître en tout cas toute cabine ou pièce du navire délimarien sur lequel il était censé se trouver. Et une chose de sûre… Il n’était plus sur ce navire délimarien. Fichtre. Il s’était donc bel et bien fait enlever !

« La table est mise et n'attend plus que vous. Si vous acceptez, me faire l'immense plaisir de vous avoir à dîner »

La table ? Pour le dîner ? Ils étaient donc déjà le soir. Avait-il dormi toute une nuit et tout le jour durant ? Ou peut-être plus encore ? Par les Sept, comment donc avait-il pu dormir autant ? Et comment avait-on pu le transporter sans qu’il ne se réveille ? Drogué ! réalisa soudain une petite voix en lui. On l’avait drogué ! Et qu’en était-il des délimariens qui l’accompagnaient ? Il sentit une sueur froide lui arracher un frisson, en songeant que tous les autres étaient peut-être morts. Sans doute même, non ? Comment pourrait-il en être autrement ? Ils ne l’auraient jamais laissé sans se battre.

Qu’était devenu le navire de Delimar ? Avait-il été coulé ? Abattu ? Leurs frégates étaient pourtant réputées pour être la solidité incarnée et une force féroce des océans. Peu se seraient risqué à attaquer leur flotte ainsi. Qui pourrait donc avoir tant de cran ? Tant de folie ? Les pirates ? Il lui semblait pourtant qu’ils ne se frottaient à la flotte délimarienne qu’en cas de nécessité. Et pourquoi aurait-il voulu l’enlever lui ? Tant et tant de questions se bousculaient en lui, faisant battre chamade son coeur. À deux doigts de céder à la panique, son tambour battant manqua quelques dératés dans sa course effrénée, et Ilhan dut faire appel à ses habituels mantras. Il peina à reprendre un tant soit peu de contrôle et à se composer un masque décent.

Il aperçut vaguement l’autre lui désigner une porte. Des vêtements. Mais sur l’instant, ces gestes lui donnaient le tournis plus qu’autre chose. Une lente et profonde inspiration. Une discrète et longue expiration. Oui, voilà, se concentrer sur cet éternel leitmotiv. Une fois encore. Déjà son coeur se calmait quelque peu. Ilhan se redressa alors en position assise, et soupira intérieurement de voir l’autre s’écarter. Et de lui laisser l’opportunité de sortir de sa petite alcôve. Ilhan laissa une fois encore son regard sombre courir autour de lui. Non, il ne connaissait pas ce navire. Mais comment donc en était-il arrivé là ?

Il tenta alors de rassembler les lambeaux de ses derniers souvenirs. Tout ce qu’il se remémorait était de s’être allongé sur sa couchette dans sa cabine, sur le navire délimarien qui quittait tout juste Sélénia pour un retour vers l’Océanique. Oui, il avait beau creuser dans les tréfonds de son esprit, il ne se souvenait de rien d’autre après cela. Pour tout avouer, il ne se souvenait que peu de choses juste avant, également. Si ce n’est l’extrême fatigue qui l’avait soudain harassé et contraint à se coucher plus tôt que prévu. Cela ne lui avait pas semblé anormal, sur l’instant. Ces derniers temps fatigue et douleurs l’accablaient, plus souvent encore que d’habitude. Maintenant toutefois, elle prenait pleinement sens. Il s’était fait avoir en beauté. Et après on se récriait contre sa paranoïa légendaire ! Mais même elle n’avait pas su le prévenir de cette fourberie éhontée.

Cela signifiait-il qu'ils avaient un traitre infiltré parmi les délimariens ? Ou un intrus avait réussi à s'infiltrer à leur insu ? En tout cas, aucun souvenir d’avoir entendu quelques batailles que ce soit. Aucun souvenir de s’être fait transporté d’un navire à l’autre non plus.

Une autre inspiration. Garder son calme. Ne pas céder à la panique. Faire montre de décence et de patience, et attendre le bon moment. S’il gardait la tête froide, peut-être parviendrait-il à comprendre cette situation rocambolesque et pourrait-il tenter de s’extirper de ces sombres filets. Son regard se posa alors sur l’anneau à son doigt. Éternel compagnon qu’il ne quittait jamais. On ne lui avait pas enlevé. Pas qu’il lui serait d’une grande utilité. La magie était hors de contrôle actuellement… Il pourrait toujours essayer. Mais plus tard. Quand il serait seul. Si on le laissait seul toutefois… Oui, plus tard, il tenterait un appel. Il observa alors être vêtu de simples braies et d’une tunique noires et manqua rougir d’avoir été vu en si petite tenue. Il caressa son cou et nota que sa toupie y était toujours présente. Voilà les seuls atours qu’il portait. Et enfin ses yeux happèrent les vêtements mis à sa disposition. Les gestes de l’inconnu lui revinrent en mémoire. Les lui désignant, ainsi qu’une porte. Oui, s’habiller, ce serait déjà là un pas. Ensuite il aviserait. Puisque son hôte imposé semblait vouloir se montrer courtois, autant prendre ce qu’on lui offrait.

Il se leva alors et attrapa les vêtements. Qu’il reconnut aussitôt. Il se figea alors et laissa ses doigts courir sur le tissu. De la soie, typique d’Althaïa. Des vêtements tels qu’il en portait quand il était… à la Cour glorienne. Un savant mélange de drapé althaïen et de coupé glorien. Ces vêtements, à la conception unique, qu’il faisait faire sur mesure, et que seul lui portait antan. L’autre le connaissait-il de ce temps-là ? Ou lui faisait-il comprendre par là qu’il en savait long sur lui ? Dans tous les cas, méfiance était de mise, plus encore qu’il ne le pensait. Il avançait en aveugle tandis que l’autre était en terrain connu.

Se morigénant à perdre tant de temps en questions inutiles, Ilhan observa la porte qu’on lui avait désignée, et, à pas comptés, s’y glissa. Quelle ne fut sa surprise d’y découvrir une salle d’hygiène. Il soupira un court instant. Aucune issue, nota-t-il toutefois, sans aucune déconvenue. Il aurait été stupide d’espérer en trouver une. Un broc d’eau, une petite bassine. Un pot de chambre aussi. Après avoir avisé l’eau d’un œil critique, puis songeant que sa situation ne pouvait être plus catastrophique et qu’il pouvait bien prendre le risque de l’utiliser, il la versa dans la bassine et s’aspergea le visage pour se rafraichir. Après avoir vérifié que personne ne s’incrustait dans la pièce intime, il défit sa tunique et ses braies et se rafraichit rapidement. Il profita de se soulager la vessie, puis se lava les mains dans le reste d’eau, et enfin enfila prestement les vêtements offerts.

Il lui fallait maintenant sortir. Affronter ce qui l’attendait. Pour le meilleur ou, plus certainement, pour le pire. Malgré toute la galanterie dont avait fait preuve jusque-là le forban l’ayant enlevé. Après une profonde inspiration, Ilhan sortit, et toisa son hôte de ses obsidiennes les plus froides. Il parvint à se composer un masque lisse tout en politesse sournoise pour affronter ces pierres noires qui le dardaient.

Son hôte serait-il aveugle pour avoir besoin de pareils artefacts ? Il ne les avait en tout cas jamais vus. Enfin, si, corrigea sa mémoire encore embrumée. Si, il les avait déjà aperçus une fois. À Sélénia. Au palais, lui semblait-il. Ces derniers jours. Une fois. Rapidement. Ces yeux entièrement noirs l’avaient interpelé sur l’instant. Et lui inspiraient alors un malaise profond. Il ne parvint à retenir un long frémissement qui fit tressaillir tous ses membres. Et dut se concentrer pour garder quelque contenance.

Il préféra alors se focaliser sur le visage de l’autre. Jeune homme dans la vingtaine. Il ne se rappelait pas avoir vu cet individu plus longuement par la suite. Pourtant… Pourtant ce visage lui évoquait vaguement quelque chose. Vaguement… tel un souvenir lointain. Mais il ne parvenait à mettre le doigt dessus. De bonne ascendance ou de bonne éducation. Il l’avait attendu pour s’asseoir. Était-il si bien éduqué pour connaître les bienséances de la Cour ? Ou peut-être était-il de la Cour ? Son ravisseur aurait-il pu être mandaté par Sélénia ? Après tout, il y avait encore quelques ennemis…

Qu’il détestait déjà ce sourire. Se drapant alors de toute sa fierté écornée, Ilhan lui rendit à son tour son rictus le plus ambigu. Ce sourire énigmatique qui semblait hésiter entre vous tendre sa condescendance moqueuse avant de vous offrir quelque abject mot, ou vous accorder son incommensurable clémence pour vous éviter sa faux.

« En entrée, foie gras au torchon avec sa sauce aux truffes, figues fraîches et séchées, roses de vin rouge cristallisées au sucre »

Ilhan accorda alors enfin un regard vers la tablée. Et manqua sursauter. Pour un peu, il se serait cru revenu en Althaïa, lors de ces immenses repas familiaux, où les banquettes des repas quotidiens n’étaient plus de convenance et où l’on préférait les grandes nappes aux beaux drapées, les mille plats et couverts variés pour déguster en toute convivialité raffinée.

L’althaïen releva alors un lourd et sombre regard sur son hôte, son sourire faux s’agrandissant encore. Bien, l’autre voulait jouer à cela. Soit, qu’ils jouent donc et avisons de qui mènera la danse à la fin du repas. Même s’il partait pour l’instant perdant, et n’était pas bien sûr de pouvoir renverser les pions. Le plateau de jeu n’était pas en sa faveur, l’autre avait toutes les cartes en main. Mais foi d’Avente, il ne se laisserait pas défaire si facilement.

Cela semble exquis. Je ne me savais pas invité…

Il laissa trainer ses accents althaïens sur ce mot en particulier.

À un si noble repas. En quel honneur festoyons-nous ainsi ? Et en quelle compagnie, puis-je savoir ?

Se disant, il daigna enfin s’asseoir et contempla son assiette, les couverts, verres, plats divers. Tout y était. Distillé en un art parfait, il devait bien l’avouer.

Je puis toutefois déplorer que mes compagnons précédents ne soient pas de notre tablée.

Question sous-entendue quant à leur devenir. Sa question première… que leur était-il arrivé ? Étaient-ils morts ? S’il n’y avait qu’une question à laquelle il souhaitait une réponse, ce serait celle-là. Le reste… Le reste, il aviserait ensuite.

Je ne me souviens pas avoir déjà visité cette… cabine. Je me serais souvenu d’un art si raffiné. D’un goût pour les belles choses si prononcé, fit-il en laissant ses doigts courir sur le bois clair de la table.

Sans toucher au contenu de son assiette toutefois. Hors de question qu’il avale quoique ce soit que l’autre n’aurait pas goûté. Bien qu’il sentait son estomac crier famine. Et que ses papilles salivaient rien qu’à la vue exquise de ce qu’on lui offrait.

Il préféra, au lieu de cela, scruter rapidement son environnement. Hublots trop petits, bien trop fermés et ravagés par les flots. Porte devant lui... derrière son hôte, hors d'accès. Si tant est qu'il eut voulu commettre la folie de fuir en se jetant en pleine mer. S'il n'était pas mis aux fers, il n'en était pas moins captif. Et il détestait ce sentiment-là.

descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyRe: Invité de résistance [PV Ilhan]

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Tout à son ineffable courtoisie, il accorda autant de temps que nécessaire à son invité pour que celui-ci se remette des nombreux chocs engendrés par sa présence en ces lieux. Pas un instant le sourire qu'il affichait ne vacilla, naturel et composé, attentif à l'homme qu'il choyait ce soir avec toutes les attentions du parfait hôte. Toujours debout, n'éprouvant aucune fatigue à maintenir cette position, l'Immaculé avait posé une main sur l'angle de son propre fauteuil, gardant toujours l'autre repliée dans son dos. À l'image du service de la soirée, sa mise était celle de la Romantique, fait de fins drapés aux couleurs choisies avec égard pour complimenter sa sombre complexion et ses cheveux argentés. L'amplitude de la tunique chatoyante dissimulait habilement sa queue de scorpion, ne désirant, pour ce soir, pas la mettre en valeur car après tout, les spirites du scorpion étaient souvent très mal vus. Un simple signe de tête courtois salua le compliment qu'on offrait à ce met préparé avec le plus grand soin puis tous deux prirent enfin place, dans un même mouvement alors qu'il calquait ses gestes sur les siens. L'attente apparente malgré la ferveur choisie des mots distillés lui arracha de nouveau un sourire éphémère et ce fut avec une bonne volonté ouverte et des gestes sans équivoque qu'il prit une première bouchée sans jamais le quitter du regard. Les saveurs se mêlaient, la rondeur du foie gras s'alliait à la fraîcheur du fruit pour alléger l'impression de graisse qui aurait pu venir. Les roses cristallisées possédaient l'amertume du vin rouge rapidement dosée par le sucre délicat utilisé. Avec un très léger soupire, il savoura ce prélude de dégustation sans cacher son appréciation, et sans répondre à la moindre question.

Lorsqu'il brisa enfin le silence, ce fut toutefois sur un note parfaitement étrangère aux interrogations de son invité, dont il gardait la curiosité comme cette ultime rose poudrée sur le coin de son assiette.

«Je vous conseil le blanc moelleux en accompagnement, rien ne saurait mieux convenir pour rafraîchir le palais sans casser l'ensemble des saveurs »

Il attendit de savoir si l'appétence de son invité se laisserait tentée, ne pouvant guère, par courtoisie, se servir avant lui. Lui-même en prendrait effectivement un verre, avant de poursuivre sa dégustation lentement, maniant les couverts sans le moindre mal. Plusieurs minutes s'écoulèrent, avant que le pirate n'émette un délicat soupire en reposant temporairement ses couverts et en essuyant ses lèvres du bord plié de la serviette, par petites touches, avant de prendre une nouvelle fois la parole.

« J'ai toujours eu grande fascination pour l'art Althaïen, et j'ose même prétendre sortir des sentiers battus quant à mon appréciation. Peut-être est-ce pur fourvoiement de ma part que de le penser, mais voyez-vous ce qui me fascine en ce savoir faire est la minutie que les artisans ont réussis à atteindre, la beauté du geste, sa précision, la capacité à créer dans des matériaux nobles et délicats... »

Le foie gras fondait sur la langue, répandant ses saveurs puissantes, d'abord celles de la chair bien entendu, puis celles des herbes aromatiques dans lesquels elle avait été cuite. La méfiance de l'humain ne le perturbait pas le moins du monde. N'était-elle pas parfaitement saine et compréhensible ? Il se trouvait dans une situation et un lieu inconnu, lui ôtant le bénéfice de ses connaissances et lui ne donnait aucun indice sur les raisons qui le poussait à se faire l'hôte parfait.

« Et bien entendu, toute la symbolique que chaque pièce peut contenir. Je me souviens avoir été ainsi frappé par l’œuvre d'un sculpteur, voilà des années. Les mots paraîtront bien faibles et fades pour décrire sa création, néanmoins je gage qu'un Seigneur tel que vous saura y retrouver l'image que je tente maladroitement d'évoquer. Une porte, presque arche, faite d'un métal sombre, aux battants puissant. De nombreuses figures humaines semblent en émerger, dans des positions torturées, ou exaltées. L'ensemble est d'un noir brillant et extrêmement lourd. Chaque figure est sculptée avec une richesse extraordinaire de détails de sorte que chaque visage soit unique… comme si le sculpteur avait passé des années à étudier l'anatomie humaine pour parvenir à rendre ce saisissant spectacle »

Sa voix avait lentement gagné en ferveur, avant de s'adoucir de nouveau, comme en compréhension de l'exaltation qui l'avait gagné. Les ailes de son nez frémirent alors qu'il prenait une inspiration tremblante, qui vint se nouer ensuite dans ses muscles. Comme doté d'une conscience aiguë de son envolée et doté d'une gêne composée, il se rembrunit et retourna un moment à son assiette, sans presser les choses. Et puis, ponctuer un dîner de cette qualité d'une conversation d'égale qualité n'était que naturel.

« Bien entendu, ce n'est qu'un exemple. Mais l'art est une forme d'expression fascinante et l'inclure en toute chose, à sa juste mesure, permet d'élever n'importe quel acte ou tâche. L'art forme un travail de l'esprit d'une incroyable richesse, mais elle développe aussi des étendues psychologiques et même médicales. Hélas, je crains de ne partager cette appréciation qu'avec un nombre réduit d'individus de mon entourage. J'aurais même la prétention d'affirmer que vous êtes le seul sur ce navire. Ainsi, sans doute pourront-nous conclure de concert festoyer en l'honneur de l'art »

Et il éleva son verre pour y porter un toast.

descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyRe: Invité de résistance [PV Ilhan]

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Tout dans son hôte le mettait mal à l’aise. Cette façon de jouer les miroirs en synchronisant si bien ses gestes aux siens, cette façon de le regarder avec ces orbes entièrement noirs, cette façon d’étaler son savoir sur lui et sur les mœurs althaïennes. Cette façon de jouer les hôtes parfaits, ce qu’il réussissait presque à merveille, si l'on omettait le fait que le diplomate était en ces lieux sans son propre consentement…

Ilhan observa l’autre porter sa fourchette à sa bouche et accepter de jouer les goûteurs pour lui. Ou un ersatz de goûteur. Un vrai goûteur aurait testé ce qu’il avait dans l’assiette de son invité, et non dans sa propre assiette. Ou alors dans le plat principal avant que les invités ne se servent. De même que ce vin… Rien ne lui indiquait qu’il n’était pas drogué lui non plus. Son hôte avait déjà son verre plein, même s’il semblait attendre que son invité forcé se serve à son tour.

Mais, à tout bien considérer, quel intérêt de jouer telle mascarade pour ensuite l’empoisonner ? Non, vraisemblablement, son hôte le voulait vivant. Peut-être se jouait-il de lui, mais s’il avait voulu le tuer, il aurait eu maintes occasions de le faire. Vivant il serait gardé donc. Peut-être pour de sombres méfaits, mais en tout cas pas d’empoisonnement à craindre. Peut-être pouvait-il suspecter une autre drogue ? Ou autre fourberie de ce genre ? Mais là encore, quel intérêt ? Ilhan était déjà à sa merci, toute issue gardée, et nombre de gardes sans doute en présence. Sans compter le fait qu’ils étaient en pleine mer… Il n’avait aucune chance de s’évader, et encore moins d'y réussir vivant. Nul besoin que son hôte use de quelconque drogue. Si ce n’est peut-être pour amoindrir ses possibles résistances… mais quand on avait besoin d’affaiblir un prisonnier, c’est qu’on voulait lui extorquer quelque chose, ou que l’on souhaitait le faire parler. Or pour l’heure, son hôte n’avait fait montre d’aucune de ces funestes intentions. Peut-être pouvait-il espérer également avoir une volonté assez forte pour résister à toute pression, drogué ou non ? Ou peut-être se leurrait-il sur sa réelle résistance psychologique...

Rha, maudites soient toutes ces pensées qui l’agitaient. Tout à ces calculs, se retenant d’attraper sa toupie d’une main comme il le faisait souvent en situation compliquée pour l’aider à réfléchir, il écoutait d’une oreille distraite le babillage de l’autre. Compliments sirupeux, sur l’art althaïen et leur savoir-faire exemplaire, envolées lyriques faisant montre d’une fascination sans nom, avérée ou usurpée, il ne saurait dire… Ilhan se demandait s’il avait affaire à un fou exalté, un prodigieux acteur, un artiste un peu désaxé, ou un véritable pirate amateur. En tout cas la création qui lui était décrite dépeignait selon lui un tableau bien macabre et lui évoquait sombrement la sortie des rares rescapés de Morneflamme. Il garda toutefois cette pensée au fin fond de son esprit, et se contenta d’offrir un sourire poli, de cet éternel rictus énigmatique impossible à réellement décrypter.

Saisissant, répondit-il alors d’un ton sobre. L’art est effectivement fascinant et Althaïa l’a érigé en véritable apogée de toute sa culture, il est vrai. Et ce dans tous ses aspects. L’art a imprégné tous les pans de notre vie, même encore aujourd’hui. Quand bien même la Romantique n’a plus de murs, elle a encore un coeur pulsant dont les battements perdurent.

Son œil avisa de nouveau son assiette et le vin, et son esprit calculateur évalua définitivement les chances d’empoisonnement ou de drogue quelconque à un pourcentage bien faible. Il aurait au final bien plus de risque de vexer son hôte et de provoquer son ire en refusant de partager cet instant, plutôt qu’en goûtant ce festin ainsi offert. Ilhan attrapa alors son verre de vin blanc déjà servi, et le leva, répondant à l’invite de toast de son hôte.

Festoyons donc en l’honneur de l’art, puisque je suis si… généreusement…

Ce dernier mot résonna de tous ses accents trainants.

invité en ces nobles lieux et en cette table si fastieuse.

Mais une fois le toast porté, au lieu de goûter de suite le vin qu’on lui offrait, il en huma les arômes, en fermant les yeux pour mieux s’en imprégner, puis rouvrit les yeux et fit délicatement tourner le vin dans son verre. Quand il eut fini son appréciation, il releva les yeux vers son hôte avec une note appréciative dans les yeux.

Sa famille avait tenu pendant longtemps des vignobles renommés. Il s’y connaissait un tant soit peu en vin, et il pouvait déjà qualifier celui-là d’exquis avant même d’y avoir goûté.

Je suis choyé, un vin d’une telle qualité. Les festivités doivent être d’importance pour que vous nous accordiez des mets de choix.

Et enfin, il en goûta une gorgée, et laissa ses papilles se délecter de ses arômes. L’attaque d’abord franche laissa ensuite un milieu de bouche un peu plus acide. Tout bonnement parfait pour un blanc effectivement exquis. D’un geste lent, et d’un léger hochement de tête, évoquant en silence son appréciation de ce choix, il reposa son verre. Puis daigna enfin s’emparer de ces couverts. Tout aussi lentement, il porta une fine bouchée à ses lèvres. Et manqua gémir de plaisir quand le foie gras fondit en bouche. Par les Sept, c’était tout simplement divin. Il parvint à retenir toute interjection malvenue ou autre onomatopée inopportune, mais dut fermer les yeux pour laisser ses sens se remettre de cet assaut éhonté de plaisir des plus indécents. Surtout en pareil moment.

Il inspira lentement, posément, pour reprendre pied, puis rouvrit les yeux sur son hôte.

Choyé, en effet, répéta-t-il en susurrant presque.

Pour qui le connaissait, ce ton-là n’indiquait rien de bon en fait. Car il indiquait une méfiance soudain exacerbée. Pourquoi, par tous les Dieux, Néant inclus, lui offrait-on tout cela, comme cherchant à l’acheter d’une quelconque façon ?

Je n’ai jamais goûté un foie gras aussi raffiné. Et pourtant je pense pouvoir me targuer de m’y connaître en raffinement, reprit-il d’une voix faussement soyeuse.

Si l’on cherchait à endormir sa méfiance par de quelconque cadeau ou en lui offrant un confort inégalé, il était capable de même en montrant docilité parfaite et en usant de compliments tout aussi outranciers que ceux qu’on lui murmurait.

Tout en continuant sa dégustation, par petite bouchée, laissant les saveurs exulter ses papilles, il riva son regard sur son hôte, étudiant chaque geste, chaque signe, même infime, pour mieux essayer de le décrypter. De même qu’il laissa son ornithorynque évaluer ce qui l’entourait. Il avait en face de lui un vautour doublé d’un scorpion. Intéressant. Troublant. Et dérangeant aussi. Un spirite puissant. Sans doute était-il père, mais vu son âge apparent, il y avait peu de chance qu’il soit également grand-parent, n’est-ce pas ? En tout cas méfiance était de mise davantage encore. Il laissa alors ses sens de spirite s’étendre un peu plus.

Il perçut divers autres spirites, vautour, cobra, loups, chauve-souris… Tous aussi charmants les uns que les autres dirait-on. Il y en avait deux derrière la porte, plus ou moins éloignés. Et de nombreux au-dessus d’eux. Sans doute sur le pont. Cerné. Sans aucune chance, en effet. Il nota toutefois les informations récoltées. Elles pourraient toujours servir. Et qui sait, si son anneau acceptait de marcher, peut-être pourrait-il user de son Esprit-Lié à pleine puissance pour usurper le pouvoir d’un autre… si l’occasion se présentait.

J’avoue toutefois être étonné que nous festoyons seuls. Ne pas partager de tels raffinements me paraît presque un crime d’égoïsme. Si vos comparses ne sauraient savourer pareilles grâces, certains membres de mon équipage auraient pu y faire honneur dignement.

Et oui il remettait la question sur le tapis. Il n’avait pas oublié et n’avait pas été dupe de la manœuvre de l’autre d’esquiver sa question muette.

Et ne nous serions nous pas déjà rencontrés par hasard ? Autrement que lors de ces derniers jours, j’entends bien. Votre visage m’interpelle. Et si je suis sûr de vous avoir vu à la Cour il y a peu, j’ai l’impression, floue et nébuleuse, que nos chemins se sont déjà mêlés par le passé. J’espère que vous pardonnerez ma mémoire défaillante, qui ne parvient à remettre un nom sur votre si noble visage.

descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyRe: Invité de résistance [PV Ilhan]

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Ah, la chaleur réconfortante de l’appartenance et de l’identité culturelle. Merveille d’acclimatation et d’une éducation séculaire, travail de générations entières sous le sceau d’un eugénisme à peine dissimulé, édulcoré dans la cécité admirative de l’étranger. Comme il aurait aimé s’entretenir avec le géni qui pouvait se réclamer parent d’une telle conception. S’adjoindre le tutorat de l’auguste intellect l’aurait comblé mais hélas, il devait s’agir d’un biais commun. Sans doute n’était-ce pas le fruit d’une gestation unique, comme bien des penchants et courants des moeurs du vieu continent. C’était néanmoins fascinant à observer de même qu’à vivre car il n’était pas assez niais pour penser y échapper. Il en était tout autant victime et saluait la manoeuvre autant que la passion avec laquelle de telles couleurs pouvaient êtres arborées. La digne exaltation de son invité fut saluée d’un nouveau toast alors qu’il reprenait son verre pour laisser toute les saveurs du vin emplir sa bouche. Lorsqu’il reposa le réceptacle sa voix s’éleva avec une parfaite mesure pour venir broder la passion si justement épicée de son interlocuteur.

 Patrie nichée au coeur plus qu’à l’esprit est de tout temps l’appeau à la plus immortelle des forces unificatrices

De qui était-ce déjà ? Le duc-mage Eodric d’Aldaria ? Il lui semblait bien. Le cinquième volume des ‘Traités de gouvernance et de loyauté réciproques’ lors du règne d’un Kohan particulièrement discuté. Fameux ouvrage quoique bordant sur une propagande guère subtile dans les derniers volumes, fruit, à n’en pas douter, d’un esprit vieillissant et plus timoré ayant subit la pression royale toute sa vie durant. Les premiers essaies en revanche étaient des exemples d’analyse sociétale à une époque qui ne soutenait guère de telles prises d’initiatives. Une influence Baptistrale, sans doute. Il n’en aurait pas été étonné. Son désamour pour les pratiques hypocrites des maîtres-chanteurs était presque aussi dispendieux que son admiration de leurs prouesses en termes d’archives et de transmission des connaissances. Car quoi qu’on puisse reprocher à l’Ordre, il fallait au moins lui reconnaître qu son but premier était louablement remplit. Lui-même avait, pendant quelques temps, à l’époque d’une jeunesse encore dorée, séjourné parmis eux. Il se prenait désormais la fantaisie de visites à son apprentie de fille.

 Il est cependant fort regrettable qu’un tel héritage ait subi de tels outrages

Le voir hésiter était fort amusant, tout autant que le jeu qu’il lui dédiait. Que pouvait-il s’imaginer, là en face de lui ? Cherchait-il à quelle sauce il comptait le manger ? Mais il se targuait d’être moins lisible que cela. Son objectif n’était pas de se soustraire à l’acier de son esprit par une quelconque permanence, être découvert lui plairait mais il voulait pouvoir savourer la réaction à sa juste valeur et cela nécessitait de ne pas la presser. Cela nécessitait de cultiver ce dialogue avant tout étalage. Tout comme un bon vin nécessitait une certaine maturation avant d’être dégusté. Il n’avait, en sus, pas l’espoir d’une parfaite dissimulation car il avait travaillé à apprendre son invité avant sa venue et connaissait son talent. Un tel homme ne pourrait que le percer à jour tôt ou tard mais plutôt que se faire avaricieux de ses vérités, il souhaitait pouvoir choisir le moment de les divulguer puisqu’il le faudrait bien. C’était, en fin de compte, autant un plaisir pour lui que du respect pour son interlocuteur. Sans doute ne verrait-il pas les choses ainsi, le contact d’intellects plus brutaux et moins bien dégrossis avait sans doute sensiblement émoussé son appréciation des finesses théâtrale de tels échanges.

 L’hospitalité orne l'existence et embellit les heures ordinaires

Il s’amusait énormément. Se trouver confronté à meilleur que lui, hors de la boue d’un combat, était une exaltation réelle et poignante. Pouvoir l’observer, et jauger de ses réactions mais pouvoir également roder davantage encore ses propres capacités. Les prouesses politiques de l’Althaïen étaient étourdissantes, jouer les hôtes modèles était donc un plaisir réel et rémunérateur à ses yeux. Et bien qu’il continua à manger avec bonhomie, le pirate surveillait subtilement son vis à vis. Il ne voulait perdre aucune miette du spectacle qu’il avait orchestré et pour lequel il avait beaucoup risqué. Le compliment fut accueillit d’un sourire roué et ouvertement amusé. En réalité, l’appréciation de son vis à vis avait une réelle importance car il portait un soin maniaque à toute entreprise un tant soit peu artistique qu’il effectuait. Il aimait avoir le bon geste, il aimait un résultat propre et correctement exécuté et il aimait par-dessous tout le reste produire, même de façon éphémère, une pièce doté d’une esthétique réelle, sollicitant les sens, tissant un cheminement. C’était une forme de vénération autant que de réalisation.

 Je tente simplement d’accorder la qualité de mon effort à celui de mon invité, Seigneur Avente. Et je défie quiconque de m’affirmer que vous n’êtes pas un invité de qualité

Et de toute évidence, il avait visé jusque là assez juste dans sa composition. C’était un très beau compliment qu’on lui offrait mais il avait donc tout intérêt à ce que le reste du repas se déroule aussi bien. En réponse aux louanges, il eut un petit salut de la tête, bref et sans outrance.

 J’en suis persuadé et votre approbation n’en est que plus élogieuse. J’ai réalisé toute la cuisine moi-même

Lui-même délayait la fin de son assiette afin de ne pas laisser l’Althaïen manger seul. Cela aurait été d’une grossière impolitesse. Cependant, il semblait que l’autre n’eut pas la même délicatesse, quand il sentit un vague frisson le parcourir sous l’énergie présente autours d’eux. Il ne savait pas exactement ce que l’autre avait fait mais son lien avec les esprits était assez puissant pour remarquer l’usage qu’on faisait de l’un d’eux, quel qu’il fût. Coi, la voix du diplomate anima l’air alentours de longs instants, sans qu’il ne réponde. Que voilà de biens tristes manières, lui refuser ainsi le droit à sa prude retenue. Dans son immense bonne volonté et son respect, il ne pourrait que le mettre sur le compte de la désinhibition du plaisir gustatif. Il n’était certes pas tant d’aborder un tel sujet si rapidement au cours du repas. Cela venait au dessert, lorsque les autres appétits étaient comblés et soumis, contentés dans leur essence implacable et souveraine. Il ne tenait pas à ce qu’une quelconque bile psychologique ternisse l’éclat d’un si fameux festin. Pourtant il semblait indéniable que son invité désirait instamment lui imposer un tel état d’esprit.

 Nous nous sommes déjà rencontrés, en effet Seigneur. Vous pourriez même prétendre que nous avons été intimes tous deux

Le ton était paisible mais d’une lenteur prudente, cette fois, car il n’imaginait guère que ce fut un bon souvenir pour son invité, cette période ne lui avait guère semblé être la plus propice à son confort personnel et à sa réalisation intrinsèque. Souffrance serait même un meilleur terme pour le décrire.

 Vous m’appeliez alors Nicté. Je puis à présent vous dire que ce fut un surnom plus qu’un patronyme, choisis afin de m’esquiver aux recherches de notre patron de l’époque. Mais sans doute l’aviez-vous déjà compris. A tout le moins suis-je à présent défait d’une dette de mensonge à votre égard. Mon véritable nom est Nayan. Eärendil.

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Il avait devant lui un homme cultivé, à n’en pas douter. Peu d’hommes, même de la Cour, connaissaient telle citation s’apparentant à de la philosophie politique. Ilhan avait dévoré chaque ouvrage en la matière, chaque parchemin, chaque parcelle de savoir, où qu’elle puisse se trouver, dans cet art complexe qui avait transcendé et corrompu sa vie tout à la fois. Il se contenta toutefois d’un hochement de tête appréciateur. Il garda silence cependant, scellant toute réplique malvenue. Il n’avait nulle envie de partir sur ces sentiers-là. Son hôte semblait vouloir le diriger vers des chemins de discussions polissées et cultivées, ourlées de beaux compliments et de jolis arguments, de belles répliques, pour mieux détourner son attention des questions sur sa condition d’invité forcé et d’otage prisonnier, gardé telle une précieuse relique. Oh certes, rien en cet instant n’en donnait les apparences, mais les faits étaient là, outrageants, et l’althaïen était le mieux placé pour savoir que les apparences étaient trompeuses. Elles cachaient souvent de terribles vérités, bien plus vicieuses et pernicieuses.

Plus que trompeuses, réalisa-t-il quand, enfin, l’information quant à l’identité de son hôte tomba. Le mot intime lui arracha un frisson. Ce seul mot suffit à raviver certaines réminiscences, d’un passé lointain qu’il aurait voulu enfouir dans les terres les plus profondes de son inconscience. L’althaïen scruta les traits fins et délicats de son hôte, et d’autres se superposèrent soudain en des images spastiques, où passé et présent se mêlèrent en un ballet hypnotique. Un visage au-dessus de lui, lui murmurant des paroles suaves presque lèvres contre lèvres, ce même visage lui révélant en cet instant de sombres secrets qui rompaient toute trêve. Un visage au-dessus de lui, si jeune, si beau, ses lèvres ravissant son cou, son torse, pour mieux venir happer son souffle erratique dans un dernier sursaut. Ce même visage souriant devant lui malgré ces révélations honnies, toujours si jeune, toujours si beau, mais revêtant soudain de biens sinistres appeaux. Ou serait-il vampire ? Pour ne pas avoir vieilli ainsi, serait-il devenu prédateur de la nuit ?

Nicté. Ce nom sonna le glas de toute sérénité. Une honte viscérale enveloppa l’althaïen de son lugubre manteau de froid. L’étau de vive humiliation enserra sa poitrine et menaça de le mettre à bas. Sous l’assaut de ces tortueux souvenirs, il sentit son contrôle s’effriter, partir en lambeaux, sans parvenir à trouver prise où se racrocher. Il manqua recracher le morceau qu'il avait en bouche et souiller la tablée d’âpres vomissures. Il dut faire appel à toute sa volonté, toute sa fierté écornée, tout son orgueil dénudé, pour parvenir à ne pas s’humilier outre mesure. Dans un ultime effort, il laissa fondre le morceau et en avala les reliquats sans même faire attention aux saveurs onctueuses qu’ils lui offraient. Seule comptait la bile acide qui, à la gorge, lui remontait. Il parvint à garder un masque lisse, un miroir déshumanisé, un simple reflet de sa volonté forgée. Toutefois il devinait que ses orbes sombres trahissaient son trouble bien plus qu’il ne le voudrait. S’il avait réussi à ne pas fuir ni vomir, il lui était difficile de contrôler toute pensée.

De chasser tout souvenir. Non, cela ne pouvait. Ce ne pouvait être Nicté, songea-t-il un instant, son esprit se prenant d’un espoir fou que l’autre lui aurait menti. Nicté devrait être plus âgé, depuis lors. Nicté aurait dû vieillir. Nicté était un humain, comme lui, et les années auraient dû ravager cette beauté outrageuse. Ou du moins en altérer les traits altiers et la perfection avantageuse. Nulle ride discourtoise sur le visage qui lui faisait face. Nul outrage du temps. Ne lui avait été infligée nulle disgrâce. Non, cela ne se pouvait…

Il revoyait encore Nicté, au bras de la Baronne. Il le revoyait souriant, élégant, dans des drapés qui soulignaient sa silhouette élancée. Il s’était surpris lui-même à couler un regard approbateur sur le bel homme. Mais il s’était vite ravisé, quand il avait réalisé la teneur de la soirée à laquelle Fabius l’avait convié. Ces messieurs-dames, certains déjà en petites tenues, se languissant dans divers fauteuils et couffins, sans aucune retenue… Il en avait détourné le regard, honteux et apeuré, jusqu’à ce que Fabius l’entraine dans une alcôve un peu plus privée. Jeune idiot qu’il avait été, il s’était laissé entrainer dans ces vils filets. Il avait tenté de fuir, mais trop tard, et déjà le borgne le possédait. Là contre un mur, sans cérémonie aucune. On ne fuyait pas son maitre, on ne fuyait pas son futur roi. Il en aurait pleuré, mais ses sanglots ravalés, il avait tenté de laisser son esprit s’évader. La suite n’était que réminiscences brumeuses de douloureuses flagrances.

Il revoyait soudain Nicté au-dessus de lui. Il ne savait plus comment ils en étaient arrivés là. Les assauts du borgne et sa propension à le saouler avaient eu un effet délétère sur sa mémoire soudain bien éphémère. Mais ce visage… oui, là au-dessus de lui, soudain si réel, mais aussi si doux et si charnel. Là où le borgne et la baronne n’avaient été que rudesses fougueuses et possessions sauvages, Nicté avait été sensualité sulfureuse et langueur suave. Il n’aurait su dire ce que l’homme lui avait fait, quels outrages il lui avait ravis. Il ne se souvenait que de cette lente agonie qui avait longuement perduré, pour son plus vil plaisir et pour de bien sombres attraits.

Nicté. Là, devant lui ? Et soudain un autre nom résonna, prit sens en son esprit désemparé. Eärendil. Elfe. C’était un elfe ! Les orbes sombres dérivèrent alors aux oreilles, à leur courbe si finement dessinée et si typiquement humaine. Un elfe dépourvu d’oreilles pointues… ou… ? Se les aurait-il coupées ? Serait-il assez fou pour ainsi se mutiler ? Il en avait en tout cas la grâce naturelle, la beauté charismatique intemporelle... Oui, il avait tout d'un elfe, mis à part les oreilles.

Eärendil. Pirate ! Il avait là une réponse. Fils de pirate. Pire même fils du nouveau roi des pirates. Ce fourbe vorace de pouvoir qui avait réussi la prouesse de se faire élire par tous ces forbans. Diantre. Serait-il en plus fâcheuse posture encore qu’il ne le croyait ?

Son regard dériva sur son assiette qu’il manqua souiller de nouveau. Il dut fermer les yeux pour contenir la bile qui remonta. D’un effort incommensurable la ravala, puis d’une main tremblante il attrapa son verre. Il le vida doucement, par petite gorgée. Autant pour se donner contenance que pour ne pas tout recracher. Chasser ces images, chasser ces souvenirs. Il n’avait pas le luxe de se laisser languir sur ces anciens rivages. Il ne pouvait céder au vent de la panique, il ne pouvait céder au cri d’agonie de son esprit. Il devait rester fort. Tel que Delimar le serait. Oui, pour Delimar. Pour Tryghild. Leur faire honneur, même si le sien était déjà souillé, ravi, trainé dans la boue d’un passé honteux. Tant que pulserait son coeur, il se devait de garder la tête haute, de mettre son plus beau masque pour jouer dans ce théâtre odieux.

Ce vin est véritablement exquis, parvint-il à dire en des accents faussement suaves.

Mais sa voix était un brin trop basse pour ne pas trahir totalement son trouble. Il dut se racler la gorge, pour reprendre, d’un ton plus assuré. Qui se voulait du moins bien plus assuré qu’il ne l’était vraiment.

Ainsi vous seriez d’ascendance elfique. Les apparences sont souvent trompeuses, mais plus encore à votre égard.

Et de nouveau son regard coulissa vers les oreilles courbes.

Mon esprit vous imagine soudain une vie à la fois tortueuse, fascinante et déroutante, qu’il m’aurait plu d’entendre conter, si cette curiosité ne risquait pas de paraitre déplacée. Comment un elfe, de telle parenté, a-t-il pu parvenir jusqu’à la Cour ? Et comment a-t-il pu disparaître ensuite sans laisser nulle trace de lui ? Parce que Nicté a disparu, n’est-ce pas ? De même que la Baronne déchue fut exilée dans son domaine et n’en sortit plus jamais. Oui, une vie déroutante, sans aucun doute, pour en arriver là, à cette tablée...

Il coula un dernier regard sur son assiette, se força à prendre la dernière bouchée qu’il restait, et l'avala, dans une lente déglutition.

Je subodore que si votre ancien surnom a été abandonné, c’est qu’il doit rester dans les ombres du passé. Et je partage d’ailleurs cette farouche volonté.

Un frisson lui échappa, malgré lui. Avant qu’il ne parvienne à se maitriser.

Comment souhaitez-vous que je vous nomme présentement ? Ser Eärendil ? Je doute que nous puissions prétendre à usiter de nos prénoms sans que cela ne paraisse trop…

Intime.

familier, sans doute.

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Et bien quel silence, quel austère accueil à ce qui n’était rien de plus que la réponse aux questions qu’il avait posé. N’avait-il point invoqué tout cela ? Pourquoi alors s’en chagriner ? Ceux qui souhaitaient goûter à la coupe de la vérité devaient être préparés à tout. A moins qu’il ne se trompe, et que son vis à vis ne soit que pensif et songeur ? Mais cela ressemblait bien mal à cet homme. Il n’avait connu de façon suffisante pour en être presque certain. Pour autant, il ne le pressa à aucun moment, contenté de terminer son assiette et de lui laisser toute latitude pour penser. Et lorsque la voix aux accents exotiques reprit, elle lui arracha l’ombre d’un sourire caustique qui se passa de commentaires. Le vin était excellent, surtout pour cacher la bile, et il avait conscience de ce qui troublait son invité, mais n’avait nulle intention de l’éclairer. Il ne voulait pas parler de ce qui s’était passé dans la forêt elfique. Ces souvenirs étaient enfermés à double tour et le resteraient, mais la suite lui posait bien moins de problèmes, évoquait moins de scrupules.

Je dois avouer, à ma grande honte, ne pas saisir cet élan de curiosité, Seigneur. Les prostitués vont et viennent par dizaines au sein des cours, sous la houlette des nobles. Je n’étais alors que cela, un prostitué. On me favorisait pour mes origines et ma docilité, mon esprit et mes idées, mes jeux, et un jour, j’ai décidé de changer de ville et de vie, comme toute prostitué de luxe parvenant à mettre suffisamment de côté pour cela

Croyait-il à quelque grand plan secret ? Il était parti, poursuivant ses buts, sans aucune autre raison. Fabius ne l’avait pas remercié, sans doute même avait-il regretté qu’il ne soit plus là, pendant dix minutes, avant de passer à d’autres cuisses ou de revenir à l’Althaïen. Ainsi allait l’existence des petites gens. En fin de compte, sa vie n’avait rien de très palpitant. Il la lui conta dans ses grandes lignes, la perte d’une famille d’accueille humaine, l’arrivée à Gloria sans le sous, l’inévitable conclusion pour gagner suffisamment pour vivre bien et en relative sécurité, puis son départ. En cela, il ressemblait à beaucoup d’autres individus. Et il n’en avait pas honte. Cela avait été nécessaire pour survivre, alors il l’avait fait. Dans le cas de l’Althaïen, les choses étaient encore différentes, les raisons et l’issue étaient différentes. Mais cela l’amusait que de le voir chercher les éléments les plus intéressants, s’imaginer un contexte à leurs rencontres. Bien sûr, il ne comptait rien dire de son appartenance au Souffle…

Je suis néanmoins flatté d’inspirer l’imagination d’un homme d’une telle trempe

Son verre s’éleva, un toast à son invité. Il le laissa finir, ne se pressant pas à débarrasser. Ils avaient tout le temps du monde, toute la soirée, la nuit s’ils le voulaient. La suite lui fit hocher légèrement la tête, sans qu’il ne s’étende. Ce n’était pas son passé de catin qui l’ennuyait mais davantage l’association à l’empereur félon. L’histoire était écrite par les vainqueurs et hélas, les vainqueurs de Fabius était de la race de ces héros bien pensant qui s’imaginaient qu’une prostituée avait le choix de sa clientèle et qu’ils pouvaient exiger d’elle qu’elle meurt d’une maladie honteuse plutôt que de s’assurer une certaine hygiène de vie auprès de leurs ennemis. Il détestait les héros qui n’avaient pas la bonne idée de rester dans leurs contes pour damoiselles de haute naissance. Et il détestait qu’on vienne le juger quand on naissait avec une cuillère en argent dans la bouche. C’était bien trop facile. Le vin était parfait contre la bile avait-il pensé, la sienne comme celle que lui-même produisait.

J’en conviens, mais puisque je ne suis qu’un humble marin, et vous un noble, il sera sans doute à votre seule charge de décider de la façon dont vous souhaitez vous adresser à moi. Je n’ai aucune préférence

Lui-même comptait continuer sur sa lancée, rien n’obligeait donc son invité à se montrer trop familier avec lui. Qu’il ne se sente nullement contraint à la moindre intimité, celle-ci naîtrait d’elle-même si elle y était destinée. Il reposa son verre, se levant enfin, prenant les assiettes et débarrassant avec adresse avant de faire de même avec les carafes. Lorsqu’il revint, ce fut avec le plat de résistance, un lourd présentoir qu’il déposa sur la table avec précaution avant de l’indiquer d’un geste de la main.

En plat principal : agneau saisi à l’alcool et rôti dans sa gangue d’argile, de fruits et de fleurs, sur lit de braises et de glace

Il retira avec précaution la gangue, coupa une fine tranche qu’il déposa avant d’effectuer l’habillage de l’assiette avec l’accompagnement puis en plaçant l’assiette face à son propriétaire. Deux nouvelles carafes furent installées, puis il se servit également avant de s’asseoir de nouveau à la conclusion d’une révérence et d’un souhait de bon appétit. Longues jambes croisées, il inspira le parfum épicé et riche de la viande cuite, laissant la faim venir.

Pour tout vous dire, j’ai séjourné quelques temps à Althaïa, justement, suite à mon départ, ou j’ai pu parfaire mes connaissances en matière de broderie

Toryné pourrait très certainement vanter les mérites de son goût pour les costumes sur-mesures. Oui, il avait fait de nombreuses expériences. Althaïa, Lyssa, Aldaria. Il savait apprendre et s’enrichir de connaissances précieuses. Et il était encore jeune, pour un immaculé, il pouvait très certainement encore apprendre aujourd’hui. Ses lippes se pincèrent à un souvenir parasite. Lui qui semblait vouloir farouchement abandonner derrière lui son passé auprès du Borgne, il profitait de ses largesses comme de celles d’un concubin.

Mais je dois avouer que l’art oral m’a toujours davantage fasciné bien que je me veuille sensible à tout forme d’élévation spirituelle… car l’art en est une, n’êtes-vous pas d’accord ? Quoi qu’il en soit, vous êtes maître en la matière, que même en votre retraite, les grands de ce monde soient venus à vous pour vos talents….

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Il fut soulagé que l’elfe daigne répondre à ses questions. Sa voix et ses tonalités suaves avaient au moins le mérite de le distraire de ses tortueuses pensées et de le forcer à se concentrer sur les mots plutôt que sur les sombres souvenirs. Quand bien même de nombreuses zones d’ombre persistaient. S’il ne put s’empêcher de rougir quelque peu au mot si franc, si direct, de prostitué, que l’autre prononçait sans aucune hésitation ni même gêne, l’althaïen parvint à garder un semblant de contenance en reprenant une dernière gorgée de vin. Vin traitre qui menaçait de lui faire tourner la tête s’il continuait à ce charriot-là. Mais il n’était pas bien sûr de parvenir à soutenir la conversation sans cet ersatz de soutien, aussi insidieux que délétère. Et l’alcool avait le bénéfice de diminuer la douleur qui de nouveau enflammait peu à peu ses entrailles. Sa dernière dose de remède prenait fin très certainement et il ne pouvait certainement pas compter sur lui en ce lieu, en cet instant, pour le soulager un tant soit peu.

Oui de nombreuses zones d’ombre persistaient. Certes l'elfe disait avoir fui, pour poursuivre une autre vie. Admettons. Mais comment donc en était-il arrivé à devenir ensuite pirates ? De par l’exil ? Le rejet de ses paires qui auraient pu connaître son passé… dépravé ? Ou tout simplement en retrouvant son père ? Du peu qu’Ilhan entrevoyait dans ce récit fort succinct, l’elfe n’était pas né auprès de son paternel, et avait été accueilli par une famille humaine. Ce qui expliquait beaucoup de son passé. Aurait-il tenté de retrouver son géniteur et, de fil en aiguille, se serait enrôlé à ses côtés ? Ou y avait-il encore plus sombres secrets sous tout cela ? Et lui, que venait-il faire dans cette galère ?

Au toast que son hôte porta à son hommage, Ilhan se contenta d’acquiescer en un faux sourire, tout en levant son propre verre. Déjà de nouveau vide.

Permettez-moi alors de vous appeler Ser Eärendil.

Et de garder une certaine distance, semblaient susurrer en non-dits ces simples mots. Il se contenta alors d’observer son hôte s’affairer et présenter le plat suivant. De l’agneau, vraiment ? Diantre, est-ce Aldaron qui lui avait soufflé cette idée ? Qu’avaient-ils donc tous avec l'agneau ? Il fut un instant tenté de refuser, mais songea qu’au vu de sa situation, plus que précaire et toujours aussi incertaine, un refus pourrait offenser son hôte et le mettre en plus fâcheuse posture encore. L’appétit l’avait quitté, et l’âpre acidité de ses aigreurs d’estomac le taraudait toujours. Il dut avouer toutefois que les doux effluves qui se dégageaient du plat étaient plus que tentateurs et semblaient tout faire pour de nouveau l’aiguiser. Le fumet de l’agneau, relevé de discrètes exhalaisons d’alcool, chatouillait ses papilles, et se mêlait aux arômes de fruits et de fleurs en une merveilleuse harmonie, faisant ronronner ses sens de plaisir. Oui, refuser serait une offense à cet art dégustatif qu’on lui offrait, de même que ce serait une grave erreur stratégique. S’il parvenait à endormir, quelque peu, la méfiance du scorpion, peut-être pourrait-il tenter…

“Pour tout vous dire, j’ai séjourné quelque temps à Althaïa, justement, suite à mon départ, ou j’ai pu parfaire mes connaissances en matière de broderie”

Oh, vraiment ? songea-t-il. Voilà qui expliquait sa connaissance de la culture althaïenne, et surtout cette quasi parfaite reproduction de leurs us et coutumes romantiques. Il happa enfin un morceau de sa fourchette et le contempla un instant. Puis le goûta. Ce fut alors une explosion gustative qui brûla ses papilles et envahit sa bouche. Il en ferma les yeux pour mieux savourer le pétillement de sensations. Il avait connu maints plats raffinés, mais il devait bien admettre que celui-là rivalisait avec tous les mets de maitre qu’il avait pu goûter.

Il les rouvrit bien vite toutefois aux derniers propos de son hôte, plus que litigieux et licencieux. De quel art oral parlait-il soudain ? La gêne empourpra de nouveau les joues de l’althaïen, alors que le double sens le prit à la gorge. Il préféra se resservir du vin et en but quelques gorgées plutôt que de répondre de suite.

Vous êtes bien trop flatteur, fit-il enfin d'un ton faussement badin. On me dit maître des mots, pour autant, ils leur arrivent, comme pour tout un chacun, de me faire défaut.

Comme en cet instant, où ses sens s’embrumaient.

Oui, l’art nous élève et nous transcende vers des contrées dont nous ignorons tout, et nous mène à explorer au plus profond de nous. Nos pauvres âmes mortelles ne pourraient toutefois jamais en toucher ne serait-ce que la moitié du quart de la moitié de sa réelle beauté. Si j’ai pu apprendre une seule chose de ma petite expérience, c’est que toute une vie ne suffit pas à maitriser tous les filets d’un art, quel qu’il soit. Plus vous avancez sur ses sentiers, et plus vous réaliser qu’il n’a en fait aucune fin, que jamais vous ne pourrez en atteindre l’excellence ultime, ni la maitrise parfaite. Nous pourrions peindre mille toile que toujours elles contiendraient une petite imperfection en leur sein. Telle à notre image. Oh nous pourrions nous en approcher, mais à jamais Dame perfection nous est refusée.

Il reprit une bouchée et referma les yeux pour la savourer. Une fois avalée, il rouvrit les yeux et darda son hôte d’un regard perçant.

Ce mets est exquis. Il frôle l'accomplissement ultime dont je parlais.

Ce qui était là un compliment.

J’ai rarement eu l’honneur de savourer une viande si… savoureuse. Aurais-je l'honneur que vous me révéliez votre secret ?

Une autre fournée encore, avant qu’il ne reprenne :

Vous parlez de grands de ce monde voulant ravir mes talents. Mais qu’en est-il de vous ? Que voulez-vous me ravir ? Je doute qu'en cet instant toute ma maitrise de l'art... oral... vous intéresse, susurra-t-il d'un ton soyeux.

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Douce floraison carmine ornant ce teint pourtant déjà bruni par la nature et l'hérédité. Mais qu'avait-il donc à s'effaroucher de ses paroles, alors même qu'il se montrait pour le moins civil, courtois et distingué ? A moins bien entendu qu'il n'ait, en sa gêne, distingué un double sens quelconque. Et alors, l'amusement éclosant en son sein, Teotl se trouva fort flatté de cette potentielle méprise. Était-ce leur passé commun qui le poussait à croire à sa perversion pleine et entière, son affirmation d'avoir été une catin, son statut de pirate ou tout simplement un attrait inavoué de la part du Seigneur Romantique à son égard ? Quelle poésie, presque aussi proverbiale que sa lente danse de séduction auprès de Valmys. Pour autant et malgré cette improbable perche si innocemment tendue, l'Immaculé se contenta de hausser un sourcil argenté et de se tenir coi en attendant sa réponse. Devait-il lui conseiller de ne pas forcer sur le vin ? Il n'avait après tout nulle ambition de le confire comme un oignon, et un invité imbibé était un invité dont la conversation et la tenue tendaient, de concert, à ne plus lui agréer. Il n'aimait pas l'ivresse, pas celle-ci en tout cas, perdre son maintient, son contrôle, voilà des perspectives horrifiantes pour sa propre personne, mais véritablement inacceptables, castratrices, pour tout interlocuteur.

« Détrompez-vous »

Le ton était courtois, dosé, et il le ponctua d'une bouchée tranquille, très satisfait de ne rien laisser voir de sa critique sur les excès de boisson. Il avait les beuveries en horreur et avait toujours interdit aux marins du Maelström d'en pratiquer en pleine mer. Ils étaient forcés d'attendre l'arrivée au port, mais au moins étaient-ils sobres et efficaces pour les manœuvres et les abordages. L'ordre, la productivité, l'hygiène, voilà trois choses que ces brutes infâmes avaient été forcés d'apprendre à grand coup de fouet et de dard. Et cela payait. Fort heureusement ici, à bord de la Revanche, il n'avait pas à suer pour garder un contrôle décent sur l'équipage trié sur le volet. Les membres de la secte noire adhéraient aux mêmes principes, puisqu'ils étaient du même moule. Et il était très fier de cette discipline de fer. Souvent, une ville tombait par la maladie bien avant qu'un siège ne fasse effet. Toutefois, s'il avait voulu interroger l'althaïen, son taux d’alcoolémie aurait sans doute était son meilleur allié. Ou pour toute autre intention peu louable d'ailleurs s'il en jugeait par les résultats de feu son altesse impériale Kohan. Pour le moment, cependant, sa compagnie était la seule chose qu'il s’octroyait et elle était déjà riche. Décidément, Athgalan manquait de telles personnalités. Devrait-il réellement le relâcher quand son père en aurait fini ?

« Je serais extrêmement honoré d'être compté parmi vos apprentis et de bénéficier de votre expertise. Mais je doute que vous acceptiez de me la transmettre, mes affinités semblent vous rebuter tout autant que notre commun passé »

Un sourire, léger, amusé et franc, le défiant de le détromper. Ne serait-ce que parce que son invité était Délimarien, il ne lui ferait pas la grâce de son éducation. Ne pas donner d'armes supplémentaires à ses adversaires était naturel, logique et de fort bon sens. Il ne lui fit pas l'affront de saisir la perche du quiproquo au sujet des arts oraux, principalement parce qu'il ne pouvait pas vanter ses talents, ne l'ayant que regretté quand il était fin alcoolisé. Non vraiment, l'ébriété ne seyait pas du tout à cet homme. Et il ne lui trouvait aucun attrait. Au mieux, cela humiliait même le meilleur des individus, sans parler de l'effet désastreux sur la plèbe.

« La perfection, certes, n'existe pas, comme vous l'affirmez si justement. Néanmoins, je pense qu'il est saint de la rechercher, non comme une fin mais comme un chemin. Exiger le meilleur de soi-même afin de se dépasser et de s'améliorer est preuve d'un caractère qualitatif et de prédispositions naturelles à la survie »

Une créature capable de s'échiner à s'adapter, à devenir plus efficace était une créature avec davantage de chances de s'en sortir. Et lui désirait s'en sortir plus que tout. Une nouvelle bouchée, les saveurs éclosant sur sa langue et son palais en une lente corolle, un goût laissant place au second avant de se fondre dans le troisième pour amener le quatrième, comme une danse parfaitement ajustée. Il y eut un silence, pendant lequel il resta songeur, contemplant, solitaire, sa propre foi en l'évolution. Voilà une parfaite digression de cette soirée, et néanmoins fort stimulante.

« L'humain est imparfait mais cette imperfection même est la source de tout les possibles. Sur un chemin sans fin, l'on peut tout croiser, tout imaginer. On nous refuse une conclusion, certes, mais la plus stérile de toute. Une chance que l'on devrait célébrer. L'opportunité nous ouvre ses porte, immortellement renouvelée. La perfection n'est qu'une image, une motivation, un jalon afin de s'orienter. La richesse est ensuite dans ce que l'on fait de ce cap »

Il bu une gorgé d'un vin à la robe rouge sombre comme un sang de qualité.

« En vérité, je pense que cette viande serait mieux complimentée par des baies roses et airelles. Il faudra que je me penche sur la question à l'occasion... »

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Bénéficier de son expertise… Ilhan était de plus en plus sceptique quant à l’expertise dont il était question et sentait une suffocation le prendre à la gorge, à la pensée des possibles sous-entendus cachés. Il parvint à cacher cette sensation en avalant une bouchée, tout en écoutant les propos soudain bien philosophiques de son hôte. Ce dernier avait une certaine éducation, et ses propos trahissaient une certaine intelligence. Un esprit vif et curieux, un esprit acéré capable de réflexions profondes. Un esprit qui, sans les travers de perversion qu’il lui connaissait, le charmait à son insu. Il sentait une douce tension l’envahir, une chaleur insidieuse l’envelopper, et savourait ces mots, ces paroles, cet échange, comme il n’aurait jamais dû.

Oublié le vin en cet instant. Oublié sa gêne première au souvenir éhonté. Oublié ce lien qui les avait unis et souillés par le passé. Oublié tous ses possibles tourments. Plus rien ne comptait que cette soudaine envie que cet instant se fige. Que cette conversation s’éternise, et que toute horreur du moment s’évanouisse pour cette nuit. Adieu peur et terreur d’avoir été ainsi aux siens ravi. Ne comptaient plus que les mots et leur douce harmonie.

Quand soudain, cette simple pensée rompit le charme qui l'affligeait. Ilhan sentit un nouveau sentiment de honte l’alpaguer. Il osait savourer cet instant, faisant fi de l’âpre réalité de la situation, alors qu’il ne savait toujours pas ce qu’étaient devenus ses compagnons ! Oui, honte et culpabilité le happèrent de plein fouet et lui firent baisser les yeux sur son assiette presque finie. Il ne devait pas oublier que tout ceci n’était que vile mascarade. Il était facile de se laisser duper par ce beau parleur, ce vil menteur, cet escroc patenté, mais il ne devait pas oublier. Tout ceci n’était qu'une danse masquée, et il serait de bon ton qu’il n’abaisse pas les siens le premier.

Fort de cette détermination, il releva ses yeux sombres sur son partenaire de bal, et lui accorda de nouveau toute son attention.

Je doute que les baies roses et les airelles soient le secret de ce talent culinaire si exemplaire, fit-il d’un ton badin. Je pense que mes gastronomes seraient jaloux de vous et n’auraient plus qu’une pensée : vous voler vos recettes.

Il appuya ses mots en reprenant un morceau de cette viande onctueuse et la laissa chatouiller ses sens au-delà de la décence.

Je partage assez votre vision de la perfection, reprit-il d’un ton plus sérieux. Qui cherche la perfection obtient l’excellence. Qui veut atteindre la perfection, veut marcher sur l'horizon. Cela a été, et est encore, un des credo qui a rythmé ma vie tout entière. La perfection méprise le temps et la peine. Même si souvent peine et temps nous rattrapent de façon affligeante et nous embourbent dans notre imperfection. Il ne tient qu’à nous alors de nous relever. Encore, et encore, sans jamais nous lasser, dans cette quête intemporelle et éternelle.

Il avala une petite gorgée de vin, ralentissant toutefois son débit de boisson, sentant que son esprit s’échauffait bien trop facilement et qu’il avait tout intérêt à garder un tant soit peu les idées claires. Ou en tout cas pas trop embrumées.

Je me suis surpris souvent à répéter, à ceux qui me traitaient de perfectionniste, que les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail. Je dois avouer que cela ne vient pas de moi, mais d’un célèbre penseur et créateur répondant au doux nom de Del Veïncis. Un autre de mes maitres me disait toutefois souvent : "Il est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection ; car c'est une perfection que de garder l'équilibre." Chercher alors la perfection dans l’équilibre… J'ai tenté de suivre cette ligne de conduite également. Et cela relève parfois du véritable défi.

Il reposa alors son verre et garda un petit instant de silence. Les propos de l’elfe avaient fait mouche en lui. Mais au-delà du plaisir évident à discourir philosophie, lui qui avait passé une bonne partie de sa vie à en explorer de nombreux pans, à dévorer chaque ouvrage, chaque parchemin, de ses paires en la matière, oui au-delà de tout cela, ces propos lui inspiraient soudain une autre pensée concernant son hôte. Une sorte de révélation qui tout d’un coup lui sautait à la gorge. L’autre avait-il bien parlé de "nous", en évoquant les êtres humains ? D’un air songeur, Ilhan suivit du regard la courbe si "parfaite" de ces oreilles, une courbe si humaine et bien peu elfique… Tout était là devant lui, tout avait été dit, et ce n’était que maintenant qu’un semblant de compréhension se faisait. C'était un elfe, il ne devait pas l'oublier. Mais son hôte semblait l'avoir fait ! Cet elfe semblait avoir voulu devenir humain parmi les humains. Pourquoi ? Détestait-il donc les elfes ? Quelle tragédie avait bien pu l’y amener ? Si l’on connaissait son géniteur… Une tragédie oui, cela devait être le bon mot. La mère aurait-elle été éconduite, tuée, ou pire abusée, par ce géniteur qui n’en avait sans doute que le nom ? Aurait-elle alors rejeté son enfant, l’aurait-elle abandonnée ? Il avait été recueilli par une famille d’accueil… humaine. Qui l’avait peut-être élevé, assurément même, comme un humain. Oui, tout s’expliquait. Et cela révélait alors un pan intéressant de son hôte.

Une information précieuse. Une arme à double tranchant. Que le Tisseur prit grand soin de ranger dans un coin de son esprit. Il lui fallait toutefois confirmer, tâter le terrain… Il en ressentait soudain un besoin impérieux.

Mais j’avoue que vos propos m’interpellent. "Nous"… vraiment ? Vous parlez des humains comme si vous faisiez vous aussi partie de ce peuple si imparfait et si infini.

Il laissa ses accents althaïens trainer sur le dernier mot comme pour en souligner le double sens. Infinition et infini des possibles, si intimement imbriqués, l’un ne pouvant exister sans l’autre, pour mieux se compléter.

Je dois toutefois vous rappeler que si cette opportunité nous est immortellement offerte, nous, humains, ne sommes pour autant que de simples mortels, dans cette valse du temps qui ravit nos vies si instamment. Mais, dites-moi, qu’en est-il alors des elfes ? Si je puis me permettre cette question.

Question osée, il en avait toute conscience. Surtout si ses soupçons se confirmaient.

Et se disant, il savoura le dernier morceau qu’il lui restait, tout en dardant un regard de défi au jeune Nayan Eärendil en face de lui.

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Un simple geste de la main, permissif, pour répondre à la menace d’un vol culinaire. La recette n’avait rien de compliquée, en fin de compte, mais la recherche de l’équilibre des saveurs sans entamer leurs richesses ? Cela ne se devait nullement à une recette, mais au sens du goût et de l’arrangement, à l’inspiration, et au développement des connaissances culinaires. Même avec la recette en main, ils ne sauraient pas reproduire le délice de la chair emplie de jus, épicée et confite par l’alcool. C’était-là un plat qu’il avait perfectionné pendant des années et encore aujourd’hui, seul un essaie sur les papilles lui indiquait ce qui était à rectifier. Puisque son interlocuteur se faisait un peu plus prolixe, à son grand plaisir, lui-même pouvait alors dignement déguster le contenu de son assiette plutôt que de porter la distraction de leur soirée à bouts de bras. Et il devait avouer apprécier que l’althaïen ne soit pas de la race des naïfs aux idées obtuses et trop bien arrêtées par les bornes de valeurs communes diluées et vulgarisées. Le mot était fort juste, que d’affirmer que l’excellence ne se découvrait qu’à l’ombre d’une méticuleuse recherche de perfection. Car en soi, il était parfaitement sain et sensé de chercher cette perfection. Ce qui ne l’était pas, c’était la croyance qu’elle était atteignable comme la croyance que cette quête fut inutile. Se gorgeant des sensations d’extase sur sa langue, il hocha la tête avec simplicité, pour confirmer convenir de tout cela, et ravala un sourire en le voyant faire davantage attention à sa descente.

“ Votre maître était-il baptistrel ? Ce me semble parfaitement raccord avec leurs enseignements

L’équilibre pouvait être la forme de perfection la plus ardue à courtiser. On tombait trop aisément dans l’excès, dans la focalisation, ne se développant qu’en un angle ou un sujet, une discipline. Le monde était emplit d’individus ainsi construits mais de bien trop peu d’êtres tentant d’embrasser la globalité, l’ensemble. C’était également ce qui séparait les visionnaires du commun des mortels. Et Avente était certainement un de ces visionnaires, ce qui rendait sa présence plus précieuse encore en ce lieu. Il était absolument comblé de profiter de cet esprit vif et acéré, même si déboussolé. C’était comme de se trouver près d’une oeuvre d’art ou d’un trésor, d’un bijou de grande valeur, mieux encore que de contempler la couronne Kohan elle-même. Cette oeuvre d’art là était vivante, évolutive, interactive et forgée par une histoire sans nulle doute passionnante et parce qu’elle était justement le fruit d’un cheminement complexe et tortueux, elle disposait d’une valeur sans commune mesure. Quel était l’élément déclencheur transformant un enfant en un homme comme celui qu’il observait présentement ? Quelle était l’étincelle allumant la flamme ? A moins que ce ne soit de naissance, peut-être de sang même ? Il n’y avait encore jamais réfléchit. Se pouvait-il que même au sein de l’humanité, certaines chairs et essences valent plus que d’autres ? Voilà qu’il devrait étudier avec le plus grand soin à l’avenir. Peut-être était-ce là la clef qui lui manquait.

Sa bonne humeur tourna pourtant plus vite qu’un vin de mauvaise qualité. Il expira, lentement, se forçant à ne pas se crisper par pur instinct. Ses lèvres sensuelles restaient closes tandis qu’il le mirait en silence, avec d’autant plus d’intensité. Les minutes passèrent, lentement, les unes après les autres. Comme les grains de sable dans un sablier. Sans qu’il ne bouge, sans qu’il détourne le regard. Sans qu’il cille. Et devant les yeux de l’althaïen, en retour, son interlocuteur disparaissait petit à petit, semblant se fondre complètement dans le décor jusqu’à ce qu’il ne reste, pour preuve de sa présence, qu’un verre de vin levé et une fourchette à l’angle étrange, mais de pirate, aucune trace, envolé. Il était pourtant toujours là, coeur battant avec une violence insoupçonnée, doigts fourmilliant. Il n’aimait pas du tout ces questions, qui tournaient sur un sujet bien trop personnel, bien trop délicat. Il n’avait pas envie d’évoquer de telles augures, son passé, ce qu’il était, par essence… il n’en avait aucune envie. Il ne rêvait que de s’étioler loin de son regard, il n’avait envie que de lui arracher les yeux soudain. Elfe lui ? N’était-ce pas ce qu’il pensait au fond ? Il pouvait le tourner comme il le voulait, la vérité était-là, aisée à comprendre pour quelqu’un avec deux sous de jugeote. Et soudain, il se sentait sale, incroyablement sale, bien plus sale que lorsqu’il devait se nettoyer après avoir reçu un client du temps où il était courtisan à Gloria. Il avait envie d’être invisible, de se soustraire à tout cela mais il ne le pouvait pas réellement.

Il devait se montrer ferme et fort, parce qu’il l’était. Il avait changé, les marques de cuivre sur son corps le prouvait, il n’était pas un elfe, il n’avait aucune honte à avoir. Expirant doucement, il sourit, ne se rendant pas compte qu’il n’était pas visible pour son interlocuteur. Sa voix vint de nulle part, semblait-il, lorsqu’il décida de répondre.

“ Je ne connais pas bien les elfes hélas. Néanmoins, j’avance l’hypothèse que leur longévité et leur lignage au maillage trop serré, ainsi que leurs siècles d'autarcie ont pu biaiser leur propre interprétation de cette recherche de la perfection. De plus, comme tout concept, j’avance qu’elle n’est pas universelle. La façon dont elle est perçue est différente. Comme les besoins finaux ou l’image qui émane d’elle

S’interrompant sur cela, il réfréna l’envie d’affirmer les elfes inférieurs car ayant une vie trop longue. Le renouvellement constant de l’humanité lui permettait d’éviter qu’une même idée prenne racine trop longtemps. Une forme de nettoyage, de brassage positif. Il allait porter le verre à ses lèvres pour boire, détournant son regard, lorsqu’il comprit enfin ce qui advenait de lui.

“ Qu’est-ce que…

Il eut un geste de surprise, et dans celui-ci, son corps apparut de nouveau. Qu’est-ce qui venait de se passer exactement ? Affichant sa perplexité, il s’examina attentivement sans découvrir quoi que ce soit de notable. Voilà qui était curieux… est-ce qu’un de ses glyphes était devenu fou sous les récents troubles qui s’opéraient dans la trame ? Il avait réduit sa consommation au minimum afin d’éviter un fâcheux incident mais n’avait pas tout abandonné non plus. Mais cela l’inquiétait. peut-être devrait-il effectivement se défaire de tous ses biens magiques pour le moment… au moins par mesure de sécurité. Il avait vu ce que donnaient les tentatives des mages pour contrôler leurs sorts et n’était guère friand de l’idée de finir fondu ou d’exploser violemment et sans sommation en raison d’un glyphe qui aurait mal tourné. Mais pour le moment, il ne pouvait pas se mettre à nu devant son invité ni l’abandonner le temps de se changer, ce serait le comble du barbarisme après tout. Que venait-il de se passer bon sang… il n’en avait aucune idée, mais il allait devoir le découvrir. En attendant ? Il préférait d’autant continuer de jouer les hôtes. Il ne pouvait pas s’inquiéter et faire son enquête dès à présent, le jeu devait se poursuivre jusqu’au bout. Retrouvant sa composition, il eut une légère révérence en soufflant des excuses mesurées pour ce malheureux incident, puis lui proposa de prendre un digestif non alcoolisé avant de passer au dessert afin de ne pas laisser son palais sur une note trop riche, comme il convenait.

“ Pour en revenir à notre propos… je pense que la connotation attitrée au mot imparfait relève d’un défaut de sens. Une forme de simplicité erronée. L’imperfection humaine est en elle-même la perfection. La perfection de ‘pouvoir’ si vous suivez ma pensée. Cette imperfection est la source du potentiel infini des nôtres car s’ils ne l’étaient pas, alors ils n’auraient pas l’opportunité de cheminer et de se réaliser ce qui pourrait, en soi, être une réponse à la lenteur et à l’immobilisme elfique

Tout en parlant, il se leva, débarrassa leurs assiettes ainsi que le plat. Dès qu’il restait immobile, sa silhouette semblait perdre en consistance et présence. Mais dès qu’il bougeait, même légèrement, elle se redessinait. Pourtant, il faisait comme si de rien n’était.

“ C’est pourquoi je pense que le terme de ‘simple mortel’ est davantage une opinion elfique qu’humaine, et qui dévalorise ce potentiel que chaque individu renferme plutôt que de l’exalter. Ce qui est souvent le propre des elfes, que de ne jauger de la valeur du monde qu’au travers de leurs propres moeurs et idéaux. Bien entendu, j’en conviens, de nombreux humains le font également, mais leur diversité, leur individualité tend à donner plus de relief même à ce simple fait

Le dessert fut apporté après le digestif, sur un plateau littéralement constitué d’argent. Après la richesse du plat principal, il était une note plus fraîche pour soulager l’organisme. Poire pochée, baies de passion, mousse de rose, fromage onctueux et glace infusée à l’essence de fruits, tout cela accompagné d’une part de gâteau croustillant pour contrebalancer le fondant du reste. Les deux coupes étaient dressées comme des jardins miniatures. Il observa un instant tout cela, puis s’assit à nouveau, lentement, avec mille précautions, encore frémissant de son émois.

“ Je suis, pour ma part, une créature d’évolution, parente de l’humain d’esprit si ce n’est de corps. Mais je pense que vous vous méprenez sur ma personne. Je ne suis pas un elfe

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Son maitre était-il baptistrel ? En effet, fit-il d’un simple hochement de tête. Nulle autre précision ne fut révélée, il se garda bien de donner un nom. Moins il en dirait sur lui-même, mieux cela serait, cet être en savait déjà bien trop sans qu’il ait besoin de l’aider. Non pas qu’il soit bien difficile de connaître son lien avec Maitre Kehlvehan Vairë, cela dit. Nul doute également que le gardien du domaine soit apte à se défendre, s’il venait en tête à cet individu de s’y attaquer. Mais Ilhan préférait dans tous les cas ne pas lui faciliter la tâche. Il ne voulait pas non plus lui donner plus d’armes qu’il n’en avait déjà. Il préférait plutôt tenter de lui en arracher quelques-unes pour pouvoir rétablir… un certain équilibre dans cette étrange et déroutante entrevue.

Et il semblerait qu’il en ait trouvé une. Son intuition avait été la bonne, se félicita-t-il, se gardant bien d’exprimer son triomphe de tout signe malvenu, même si la jubilation le faisait pétiller de joie. Le sujet elfe était un sujet délicat, à en voir la subite réaction de son hôte. Oh certes, nulle envolée lyrique ou nulle colère cataclysmique. Non, les réactions étaient… bien plus subtiles. Lèvres closes soudain bien trop pincées pour être honnêtes, regard intense, presque incendiaire, qui vous donnait l’envie de disparaître en fond de cale, et ce silence pesant, oppressant, qui les happa dans sa cape de plomb pour mieux les tétaniser dans cette scène presque figée. Oui, ces réactions étaient subtiles, à peine tangibles. Et bien transparentes aussi.

Ilhan manqua rester pantois, la bouche entrouverte d’étonnement contenu, les orbes sombres rivés sur l’autre, quand l’elfe disparut tout doucement devant lui pour mieux se fondre dans le décor. Était-ce un incident magique encore ? Ou usait-il d’un sort ? D’un glyphe ? Ilhan réprima un frisson d’anticipation alors que mille possibilités se dessinaient en son esprit. Prêt à réagir au besoin. Bien que statufié sur place face au spectacle qui s’offrait à lui. C’en était magnifique et horrifique à la fois. Et alors que peu à peu l’autre ne devenait plus qu’éther invisible, que seuls un verre levé et une fourchette lui indiquaient que son hôte n’avait vraisemblablement pas bougé, il sentit, là, au fond de lui, son ornithorynque lui souffler la réponse. Un nouvel Esprit-Lié… Ce gredin de pirate avait encore trouvé un nouvel allié ! Parce que deux ne suffisaient pas, voilà qu’un troisième l’avait choisi. Et pas n’importe lequel. La pieuvre ! Diantre, le voilà entre de bien dangereuses mains pour converser.

Et alors que le néant semblait le seul à lui tenir compagnie, Ilhan observa devant lui avec intensité, comme pour détecter toute trace de son hôte disparu, tout indice autre que ce verre ou ce couvert, tout contour qui se redessinerait. Soudain la voix répondit et manqua le faire sursauter. Non, le fit sursauter, dut-il rectifier, quand il entendit son propre couvert résonner contre l’assiette, alors qu’il venait de le lâcher. Peste soit de ce damelot ! Il avait réussi, encore, à lui faire perdre sa bonne tenue. Il expira alors un léger souffle, qu’il n’avait pas eu conscience de retenir, et reprit contenance en attrapant son verre et en buvant une gorgée de ce vin sulfureux, et se fit tout ouïe.

Enfin… tout ouïe était beaucoup dire. Il était tant fasciné par ce jeu de transparence et d’illusions spiritiques qui se jouait devant lui, qu’il peinait à suivre réellement les propos de son hôte. Il hocha alors légèrement la tête, vaguement en accord avec ce qu’il entendait.

“ Qu’est-ce que…”

Ilhan se garda bien de répondre, quand bien même il avait la réponse, et offrit un sourire amusé et presque provocateur. Ses lèvres restèrent closes en ce rictus sournois et presque moqueur, alors qu’il observait attentivement les réactions de l’elfe. Il le vit passer par les phases de questionnement, de fourmillements de réponses possibles, puis finalement de reprise de contenance. Tout ceci se passa extrêmement vite, tant l’elfe était parvenu à chasser son émoi en un tour de main. Ilhan devait saluer la prestance. Il devinait qu’une telle situation devait être déstabilisante, bien qu’il soit hors de question qu’il compatisse en une telle situation. Voir l’autre revenir à sa préoccupation première, à savoir son invité, si rapidement, était alors tout à son honneur. Ilhan était assez honnête pour saluer la performance. Même s’il ne l’avouerait en rien, même devant un bourreau.

Un bourreau qui était peut-être même déjà devant lui, en fait. Ilhan n’oubliait pas la situation étrange, et bien plus déroutante encore, dans laquelle il se trouvait à cause de ce maraud qui l’avait kidnappé. Et peut-être pire même.

Aux excuses que Nayan lui offrit, Ilhan se contenta d’un élégant geste de main, beau prince acceptant d’offrir sa clémence au pauvre malandrin qui la lui réclamait. Sans se départir de son petit sourire oscillant entre cynisme amusé et victoire affichée. D’un simple de signe de tête, il accepta le digestif, chassant la pensée que son guérisseur le réprimanderait vertement pour tous les excès de cette soirée. Mais à situation désespérée, solutions désespérées, n’est-il pas ? Il n’était même pas sûr de revoir ce cher guérisseur, pour être honnête. Il pouvait donc bien se permettre quelques excès…

Il écouta avidement, mais resta tout autant subjugué par le spectacle de la pieuvre devant lui. Lui qui aimait tant les talents d’illusion et les capacités pour se fondre dans l’ombre, il devait avouer fortement apprécier cet Esprit-Lié là. Peut-être pourrait-il même être intéressant… pour un quelconque plan d’évasion ? C’était à réfléchir. Entre la pieuvre et le loup rôdant non loin, il avait de quoi pouvoir tenter une incursion hors de la cabine, voire tenter de voler une petite embarcation que ce navire avait sans doute pour se rapprocher des terres. Mais fuir pour se jeter à la mer serait pure folie, et il ne s’y résoudrait qu’en cas d’extrême danger, si mort venait à rôder elle aussi. Après tout, mourir pour mourir, il préférait le faire en tentant quelque chose d’utile, ou en tout cas en agissant plutôt qu’en se contentant de subir.

Il acquiesça d’un air approbateur quand le dessert apparut devant lui. Assurément, son hôte s’était encore surpassé, jusque dans les saveurs sucrées.

Et enfin, enfin, l’autre daigna pleinement répondre à son ultime question quant à sa nature elfique.

“ Je suis, pour ma part, une créature d’évolution, parente de l’humain d’esprit si ce n’est de corps. Mais je pense que vous vous méprenez sur ma personne. Je ne suis pas un elfe”

Une réponse qui, une fois encore, ne faisait que confirmer ce qu’il avait deviné. Cet être, cet elfe, ou ancien elfe, avait rejeté, pire même renié, son ascendance du beau peuple, et avait voulu devenir humain parmi les humains. Malheureusement pour lui, sa grâce le trahissait presque. Même si Althaïa avait compté nombre d’humains dotés de pareils attraits. Et pour couronner son affliction, Nayan s’était contraint à vivre immortel parmi les mortels. Car il avait beau dire, les humains étaient bien plus mortels que n’importe quelle race, Graärh compris. Quand bien même ils palliaient nombre de leurs déficiences physiques par une adaptabilité hors pair et une ingéniosité exemplaire.

Pas un elfe disait-il ? Ou plutôt… plus un elfe. Donc… Vampire ? Il revenait à sa toute première hypothèse… Ou… Ou peut-être…

Oh, Sainnûr, alors ? fit-il, sa curiosité titillée.

Si son idée se confirmait, c’était là un fait très intéressant. Cet elfe rejetant les elfes et se voulant humain aurait immaculé bien rapidement après l’apparition de cet étrange phénomène. Y avait-il un lien ou n’était-ce que pure coïncidence ? Mais non, les coïncidences n’étaient qu’une paresse du destin et le destin était rarement paresseux. C’était là ce que sa petite expérience lui avait appris au fil des années. Mais s’il n’y avait pas de coïncidences au fait qu’un elfe ne voulant pas être elfe soit touché par l’immaculation, est-ce que cela signifiait que l’immaculation pouvait être provoquée ? Désirée ? C’était là une question qu’il devrait poser à l’occasion à ceux qui étudiaient activement la question.

Mais je vous prie de pardonner mon outrageuse curiosité.

Il mourrait d’envie toutefois de lui demander le récit de cet événement, s’il avait bien affaire à un immaculé. Mais ses lèvres n’osèrent laisser filtrer cette dernière requête. De même qu’elles n’osèrent laisser passer le flot de questions qui le titillaient. Si le sujet elfe était si délicat, qu’en était-il du sujet père ? L’était-il tout autant ? Peut-être pas si père et fils travaillaient ensemble. Et si Nayan portait le nom de son géniteur, c’est que ce forban de pirate l’avait reconnu. Peut-être le sujet mère l’était davantage toutefois ? Devait-il pousser son audace, son courage, à tâter ce terrain-là aussi ? Ou risquait-il de déclencher l’ire de son ravisseur ? Ce qui ne serait guère le plus judicieux, au vu de sa situation encore précaire. Même s’il avait quelques pistes pour tenter de se soustraire à cette compagnie, certes raffinée, mais imposée, il n’avait aucun plan avancé, aucune information confirmée. Tout ce qu’il savait était d’être sur un bateau probablement en pleine mer, sans doute en direction de la cité pirate en compagnie de malandrins en tout genre. Il ne savait pas ce que ses compagnons de voyage étaient devenus, ni où il se situait, ni le pourquoi de cette situation désespérée.

Non, décidément, aussi tentante soit l’idée d’attiser les points faibles potentiels de son interlocuteur, cela n’était guère le plus intelligent à faire. Il s'était déjà montré suffisamment osé pour cette soirée. Ilhan ravala alors ses questions, tout en goûtant une cuillerée du dessert. Il laissa fondre sa bouchée en fermant les yeux, se retenant de gémir de plaisir, mais laissa ses sens le ravir. Et alors qu’il avait les yeux fermés, une pensée fugace lui vint. S’il ne pouvait le chatouiller sur sa parenté, peut-être le pouvait-il sur ce qui venait de lui arriver. Il rouvrit alors les yeux, et darda sur Nayan un regard amusé, mais brillant de détermination et de provocation.

Je subodore que vous vous questionnez encore sur ce qui vous arrive présentement. Je pense pouvoir répondre à cette fatidique question.

Il reprit une bouchée, alliant le croquant du gâteau au moelleux de la poire, en un mélange onctueux et savoureux.

Un délice, vraiment. Si vous n’aviez pas déjà un quelconque emploi, j’aurais pu vous honorer d’une proposition…

Il ne plaisantait qu’à moitié cela dit. La finesse et la délicatesse de son hôte le ravissaient, plus qu’il ne serait décent de l’admettre. Il aimait son bel esprit, sa vivacité d’intelligence, son élégance. En fait, tout en cet être aurait pu le charmer, s’il ne s’était pas agi de son ravisseur et d’un potentiel tueur.

Puis-je me permettre de vous proposer un petit jeu ? Une question pour une autre. Si vous répondez à une de mes questions, je réponds à l’une des vôtres. La première pourrait être de vous révéler ce qui vous amène à cet état mystérieux… de translucide éther. Et la mienne serait de savoir ce qu’il est advenu de mes infortunés partenaires.

Un prêté pour un rendu. Une information pour une autre. Il avait toujours été bon à ce jeu-là. Même si en cette occasion, il n'avait pas toutes les cartes en main. Mais c'était peut-être aussi un moyen de les obtenir petit à petit. Du moins il l'espérait.

Et se disant, sans lâcher Nayan du regard, quand bien même il continuait de disparaitre dès qu'il ne bougeait plus, il reprit une cuillerée.

descriptionInvité de résistance [PV Ilhan] EmptyRe: Invité de résistance [PV Ilhan]

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Ce fut à son tour de le gracier d’un geste de la main, plus retenu, plus cérémonieux, en un sens. Deux façons bien distinctes d’effectuer la même action, témoignant de leurs états d’esprits. En vérité, la curiosité était à cet homme ce que la lumière était aux phalènes, ou aux poissons des abysses et lui était le prédateur se dissimulant à la lisière de l’aura de clarté, dents prêtes à mordre. Pour le moment, cependant, il se contentait de laisser la saveur se répandre sur son palais. Le sucre était justement dosé, contrebalancé par la fraîcheur des fruits aux notes plus acidulées, plus pétillantes malgré le fondant de la texture. Il appréciait moins les desserts de façon générale, non seulement car il était plus simple de les rater, mais surtout parce qu’il manquait ce tempérament plus robuste que possédait la viande, une stimulation plus complète du goût, du toucher, de l’odorat. Le jus de la viande s’imprégnait davantage dans les accompagnements, s’infiltrant et se fixant plutôt que de glisser et de stagner. La viande absorbait en retour une part des saveurs de l’accompagnement et des épices, produisant chaque fois un mélange unique et qui s’harmonisait de lui-même. Mais il appréciait sa réussite de ce soir. Ce n’était pas trop sucré, sans doute grâce aux fruits frais. Il n’aurait pas voulu user de fruits conservés dans de la glace pour ce genre de recette de haute volée, ils devenaient fades et granuleux. La chair tendait à ne pas conserver sa fermeté et son intégrité. La peau séchait quand l’intérieur se liquiéfiait. C’était au mieux répugnant.

La riche voix de son invité vint de nouveau troubler sa dégustation, si l’on pouvait réellement parler de trouble. Son ton était égal, sa diction très agréable à l’oreille, fort juste et son accent était un ravissement de subtilité. Il l’écouta donc de bonne volonté, sous le charme de cet organe roué. Le contenu, néanmoins, manqua lui arracher un sourire carnassier. Voilà qu’il se montrait très audacieux. Il essayait réellement de le ferrer avec cette proposition ? Ce qui venait de se passer… certes, il y pensait, il comptait d’ailleurs enquêter dès la fin de leur soirée en tête à tête. Mais il n’avait absolument aucune intention de contracter une dette envers lui pour quelque chose comme ça. L’empire des dettes était des plus dangereux et délicat, s’y aventurer sans être tout à fait certain de son partenaire d’affaire pouvait coûter énormément. Et cet homme n’était clairement pas de ceux avec lesquels il ferait affaire les yeux fermés. Surtout pas pour l’intégrité de sa personne. Non, il n’allait pas se laisser amadouer pour si peu. Il souriait, avec un très léger mouvement du buste pour ne pas disparaître de nouveau. Il souriait avec une parfaite courtoisie, sans jamais cesser de l’observer, gardant pour un temps le silence, le laissant s’épaissir, s’étirer, s’alourdir même en prenant de l’ampleur. Puis, il reposa son couvert, tamponna ses lèvres pour en ôter une légère humidité et le reliquat de goût qui s’y accrochait, puis, prenant tout son temps, il replia sa serviette nettement, plaça ses couverts perpendiculaires l’un à l’autre, et examina son assiette avec un léger soupire.

“ Lorsque j’étais enfant, j’avais adopté un chien. Une créature relativement intelligente, douce et d’une immense loyauté qui me suivait partout et m’aidait dans ma vie de tous les jours. Il s’agissait d’un chien berger, au poils crème épais, une misère à nettoyer et brosser quand il allait jouer dans l’eau ou essayait de m’y suivre. Une fois, il a bondit dans un banc d’algues pour essayer d’attraper un poisson. J’ai passé trois jours à retirer les végétaux de sa fourrure. Je ne l’ai jamais autant maudis

Le souvenir lui arracha un léger rire bon enfant alors que ses traits, comme sa voix, se peignaient de nostalgie. Il soupira profondément, posa le menton sur un poing fermé, et contempla à la fois son invité, et au-delà de lui, sa mémoire. Parfois, plutôt qu’une réponse simple, un contexte, une histoire, valait la peine d’être esquissé. Se levant après une bonne minute, il poursuivit le récit, tout en débarassant leurs assiettes à présent terminées. Il savait aussi la conclusion du récit aussi n’avait-il pas envie de voir son argenterie souillée par des rejets gastriques. Sa voix, tandis qu’il s’affairait, restait la même, égale et plaisante, sur le ton d’une conversation amicale et sans rodomontades.

“ Il avait l’habitude, tous les soirs, de se coucher sur le rideau qui masquait l’entrée de ma maison. Et il jappait pour me réveiller le matin. Deux fois, à un souffle d’interval. J’ai passé de très bons moments avec cette bête, j’y étais terriblement attaché. Ma mère devait me disputer pour que je ne partage pas mon repas avec lui et plusieurs fois, il m’a défendu contre des mouettes et des goélands. Mais bien entendu, il est mort trop vite. J’étais inconsolable. Nous étions réellement fusionnels, lui et moi

Il s’arrêta, un plateau vide à la main, et secoua la tête avant de reprendre. La table à présent débarrassée, il plaça deux flacons d’un alcool vert profond en son milieu, puis s’installa de nouveau à sa place, jambes croisées. Son récit était fort en émotions, visibles sur ses traits si ce n’était en son regard de gemmes. L’affection, la tristesse, la contemplation, l’amusement avec une pincée de dérision… Il laissait tout cela naître changer et teinter sa voix pour lui donner de la personnalité et de l’attache. Son récit n’était pas une récitation, il en vivait chaque instant et chaque rebondissement. Par instant, il dédiait à son vis à vis un sourire entendu, car après tout, c’était là le récit d’un enfant, non?

“ Pour me consoler, ma mère me dit que sa réincarnation serait certainement un bipède car il avait eut une vie exemplaire, mais qu’en attendant, une part de lui serait toujours avec moi, qu’une part de lui m’accompagnerait, même si elle n’était pas visible de façon claire et immédiate. Pendant des années, cela m’a réconforté. Savoir qu’une part de ce fidèle compagnon était auprès de moi. Dans les moments difficiles, je me raccrochais à cette croyance et elle adoucissait les choses pour le petit être que j’étais

Il s’interrompit un moment, détendu, songeur, avant de dédier un nouveau regard à son invité, avec un petit mouvement de la tête, sans signification si ce n’était la grande expressivité corporelle qu’il se donnait. Le ton de sa voix se fit plus intime mais non avec sensualité, c’était là le partage d’une profonde certitude, d’une profession de foi, d’une assurance qui tenait de la croyance plus que du simple et froid calcule. Il avança légèrement le buste, mains ouvertes en un geste d’invitation à partager cette croyance, à la sentir vivre plutôt qu’à l’observer. Il semblait se livrer, donner un fragment de son coeur dans cette volonté émotionnelle. Il semblait attendre, en retour, la vibrance de son interlocuteur.

“ C’est une bienveillance que j’aime à partager, voyez-vous, car je pense qu’elle nous sert tous. C’est pourquoi je n’ai pas eu le coeur à vous séparer définitivement de vos compagnons personnels

Il y eut un blanc, puis avec un léger, presque un frêle sourire, il hocha la tête, dans la direction des plats débarrassés, qui trônaient sur un meuble prévu spécifiquement à cet effet.

“ Ils sont ici, Seigneur. En tout cas une part d’eux…

Là, il le laissa mariner quelques instants sans cesser de l’observer. Puis, comme si de rien n’était, il reprit, semblant davantage se parler à lui-même qu’à un autre.

“ ... Comment s’appelait ce chien déjà ? Cela me navre d’avoir oublié… je pensais l’avoir sur le bout de la langue mais…

Il semblait ennuyé de cet oubli, chercha ouvertement un instant puis eut une exclamation retenue et un sourire de victoire, reprenant son verre dans le même mouvement, pour le finir. Dans le mouvement et sans que son invité le note, il activa le sceau de traque se trouvant sur son bras. Une part de sa puissance, de son efficacité, venait du secret sur ses façons, sur ses actions et sur ses méthodes. Désormais, l’Althaïen était au parfum et il était donc hors de question de ne pas le garder à l’oeil. Pouvoir savoir où il se trouvait avec exactitude lui permettrait plus d’aisance dans la surveillance de ce nouveau ‘ami’, la marque invisible qu’il lui imposait le désignait comme une cible privilégiée de son regard.

“ Ah mais si bien sûr, Coucou, il s’appelait Coucou ! Ah… quel animal fidèle… ce sont toujours les plus loyaux qui nous quittent les premiers…

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Il n’était pas bien sûr d’apprécier ce sourire. Ce sourire qui oscillait entre affabilité galante et espièglerie prédatrice. Un sourire qui, au fur et à mesure que le silence s’étirait et le laissait languir vers l’infini des possibles, lui donnait des frissons plus que le rassérénait. Ses yeux sombres ne quittèrent pas un instant son hôte, notant tous ses gestes, détaillant avec prudence chacun de ses traits. Il accorda toute son attention à l’histoire qui soudain lui fut contée. S’il n’était pas du genre impatient, il devait avouer que d’écouter cette histoire, semblant soudain complètement hors de propos, mettait ses nerfs à rude épreuve. Il parvint à se contenir et à offrir à son interlocuteur une façade polie et sereine, attentive et patiente.

Il savait aussi que les histoires a priori anodines l’étaient au final bien rarement. Quand une personne commençait à vous tenir des propos apparemment détachés de la conversation, ces propos détenaient au plus profond d’eux une importance capitale. Lui-même avait déjà usé de tels stratagèmes pour faire passer un message, faire comprendre une idée. Il écouta donc et but avec avidité chaque phrase, chaque mot, que l’autre lui offrait. Il devait lui concéder des talents de conteur éhontés. Il vivait son histoire et la faisait vivre à son auditoire, le faisant vibrer de ses émotions si féroces. Avant même que l’histoire ne soit terminée, l’althaïen en pressentait la fin. L’horreur s’insinuait en lui, l'étranglait de ses doigts glacés à la faire suffoquer et le statufiait peu à peu, alors qu’enfin l’ultime dénouement, tant attendu, bien que deviné, fut révélé.

Ilhan ne put s’empêcher de déglutir, alors que déjà son esprit cherchait le lien entre ce récit et sa question. Un lien qui peinait à se dessiner. Un lien que son esprit se refusait à faire de lui-même. Un lien qu’il n’était pas bien sûr de vouloir comprendre, tant l’horreur de ce qui lui était suggéré lui insufflait une répugnance féroce. Un lien qu’il préférait réfuter, rejeter, tant cela lui paraissait inconcevable. Il n’aurait tout de même pas… ?

L’autre ne semblait guère partager son sentiment toutefois. Bien au contraire. Les derniers mots étaient teintés d’une telle foi, d’une telle ferveur… tel un fanatique du Néant aurait pu prêcher pour son Dieu en un sens. Oui, on aurait dit un croyant prêchant sa bonne parole. Et la suite ne le détrompa pas.

"C’est une bienveillance que j’aime à partager, voyez-vous, car je pense qu’elle nous sert tous."

Quelle charmante attention, eut-il envie de répondre. Mais son hôte ne lui en laissa pas l’opportunité et déjà reprenait. Scellant l’horreur tant redoutée du sceau de la réalité, alors abjecte et terrifiante.

"C’est pourquoi je n’ai pas eu le coeur à vous séparer définitivement de vos compagnons personnels."

Le silence happa Ilhan et le laissa coi, peu sûr de ce qu’il comprenait. De ce qu’il avait déjà entrevu, lors du conte qu’on lui avait offert, mais qu'il n'avait pas voulu accepté ni même formulé. Il suivit du regard ce que son hôte lui désignait, et cette fois, il lui fut impossible de nier plus longuement l’évidence. L’évidence qui aurait dû le frapper bien plus tôt, réalisa-t-il dans un sursaut ! Il était avec un vautour, et un spirite des plus puissants qui plus est ! Une croyance, avait-il pensé ? Une véritable foi oui, une foi si ancrée qu’elle lui était devenue inaliénable au point que l’Esprit-Lié l’avait choisi. Et au point qu’il avait voulu la partager ?!

"Ils sont ici, Seigneur. En tout cas, une part d’eux…”

Cette fois, le haut-le-coeur monta en lui, alors qu’il réalisait pleinement. Que l’outrage s’imposait à lui. Il avait mangé… Il avait mangé… ses compagnons délimariens ?! Il les avait… mangées… Ils étaient là, en lui… Son regard sombre resta vrillé sur les reliquats du repas, alors qu’il tentait de lutter contre la nausée qui le submergeait. Vaillamment, il porta son poing fermé à ses lèvres, et braqua toute sa volonté pour ne pas se souiller, pour ne pas s’humilier plus encore. Il se sentit pâlir sous l’effort. Oui, une croyance, une foi, que le spirite du vautour ne pouvait nier. Mais cela ne lui donnait pas le droit de… violer… ainsi son consentement. Oui, violer. C’était là, une fois encore, son sentiment. Et en cet instant, il ne saurait dire si c’était pire que ce qu’il avait pu déjà subir par le passé.

Son hôte déjà reprenait, mais les mots dansaient autour de l’althaïen sans qu’il ne les comprenne pleinement, sans qu’il ne les retienne, tant il se focalisait sur l’instant pour contenir son malaise, son mal-être, son désarroi affligé.

Il sentait toutefois ne plus pouvoir se contenir, perdre bientôt toute maitrise. Un regain d’orgueil le retint de tout vomir sur la tablée. D’une main tremblante, il s’appuya lourdement sur le meuble et se leva presque vacillant. Il attrapa ensuite le dos de son siège et en fit le tour, presque à reculons.

Je vous prie… d’excuser cette sortie… de table…

Il dut de nouveau poser sa main sur ses lèvres pour retenir la nausée.

Je me dois de prendre congé.

Il leva une main vers son hôte, en requête muette de ne pas approcher. Comme si, lui, pauvre humain, pourrait retenir l’immaculé de faire quoi que ce soit, lui si faible et l’autre si fort… Geste stupide et inepte qui ne lui donnait alors que l’illusion d’un ersatz de contrôle, il en avait vaguement conscience. Vaguement, car il fut trop accaparé à courir vers la salle d’hygiène, à rabattre le battant de porte rapidement, et à s’écrouler devant le pot de chambre pour rejeter tout le contenu de son estomac. Il ne sut combien de temps il subit ces terribles assauts de nausée, en cet instant peu lui importait. La douleur, insidieuse jusque-là, se réveilla fortement en son ventre, le forçant à hoqueter entre deux rejets.

Il peina à reprendre son souffle et à calmer les tremblements de son corps, presque en suée. Après de longues minutes, il jeta un coup d’oeil autour de lui, et manqua hurler sa frustration, son impuissance.

Il avait mangé ses compagnons. Il en avait savouré la chair, avait complimenté son hôte de ces mets aux saveurs exemplaires. Il en avait honte soudain. Il se sentait souillé, humilié, et surtout culpabilité déjà le rongeait. Ils étaient morts, et lui, encore vivant, les avait savourés et avait profité d’une soirée magnifiée de luxe et d’art raffiné ! Il ne pouvait décemment laisser faire. Il ne pouvait…

Qu’est-ce qu’un délimarien ferait ? Il se vengerait, songea-t-il. Il répliquerait. Mais il n’avait pas la force ni la puissance d’un délimarien. Il n’avait que les mots pour lui. Et la ruse éventuellement. Il pourrait fuir ? Non, impossible, fort difficile du moins, surtout en pleine mer. Et il ne pouvait partir sans tenter de les venger dignement, tel Delimar le voudrait. À quatre pattes devant son pot de chambre, la tête basse, les yeux fermés, tentant de calmer son souffle erratique et de contenir ses larmes traitresses, il concentra toutes ses forces pour trouver une parade, une solution, qui permettrait…

Il pourrait saboter le bateau ? Il pourrait… Pourrait-il réitérer son exploit qu’il avait réalisé lors de la bataille des chimères ? Faire couler ce maudit navire pirate ! Oui, ce serait là une idée. Il y resterait lui aussi, il y avait de fortes chances. Mais après tout, n’était-il pas un mort en sursis ? Plus que ne l’était déjà un homme du moins. Il était malade, et malgré les dires de son guérisseur, il sentait son état décliner et sa fin arriver. Alors mort pour mort, ne pouvait-il pas la rendre un tant soit peu utile ? Oui, il pouvait essayer. Mais comment ? User de nouveau de son sort ? Vu les aléas chaotiques de la magie dernièrement et au vu des incidents qu’il avait déjà dû essuyer à Delimar… Il risquait fort d’exploser avant même d’avoir pu finir son oeuvre. Non, pas la magie. Inutile de songer le faire par la seule force de son corps ou…

Mais par contre, peut-être pouvait-il faire appel aux Esprits-Liés, songea-t-il à la pensée du vautour non loin de lui. Oui, les Esprits-Liés pourraient l’aider. Il lui fallait trouver… Il fit appel alors à son ornithorynque et palpa les spirites l’entourant. Non le loup ne l’aiderait pas. L’ours ? Non plus. Le cobra non plus. La chauve-souris pas plus. Mais… Oui, là, le scarabée. Le scarabée ! Il lui fallait du métal, mais…

Il jeta un coup d’oeil autour de lui, aperçut le métal sur l’écoutille. Mais ils étaient haut au-dessus de la ligne de flottaison. Il lui faudrait ensuite une tempête et… Non pas l’écoutille. Il déclencha alors le pouvoir de l’ornithorynque pour copier les capacités du scarabée et ainsi trouver une source de métal utile. Il dut se concentrer et faire appel au peu de force qu’il lui restait, mais parvint à sentir des objets métalliques sous lui. Certainement dans une salle située sous la capitainerie. Les cales ? Ils étaient sans doute bien plus haut. Les salles d’armement ? Allez savoir.

Peu importait en fait. Il lui fallait maintenant mettre toute sa force pour expulser ce qu'il sentait être une sorte de boule de métal sous lui. La hisser au dessus du sol et la propulser aussi violemment qu’il le pouvait contre la coque. Cela lui demanda un effort considérable et le laissa pantelant, mais il fut assez content de sentir un choc et d’entendre un bruit féroce sous lui. Par précaution, peu sûr que cela suffirait, il préféra réitérer l’effort avec une deuxième boule de métal.

Un autre choc et un autre craquement. Cela le laissa toutefois essoufflé, au bord de l’évanouissement, le forçant à se caler contre le mur pour calmer le tangage du monde autour de lui. Sa vue devenait floue et il peina à voir ce qui soudain se dessinait devant lui... Avait-il réussi ? Il aimerait tant avoir l'honneur de voir son oeuvre avant de mourir. Qu'il puisse au moins avoir la satisfaction du devoir accompli...

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Il l’observait toujours aussi attentivement et vint appuyer du menton contre un poing fermé en savourant le cheminement des pensées sous ce front bien fait. En tout état de cause, c’était tout à l’honneur de son invité que de parvenir à conserver ce reliquat de dignité devant lui après ce qu’il venait d’apprendre. L’idée lui était bien venue d’avouer que c’était un mensonge, qu’aucun Délimarien n’avait été violenté dans la composition de ces plats, mais non, c’était décidément bien plus savoureux de le voir s’emplir à ce point d’horreur. Parfaitement satisfait de sa détresse, le pirate n’eut qu’un geste de bon prince pour l’excuser et le mira tout du long pendant qu’il quittait la tablée, pour un destination prévue d’avance. Pendant qu’il quittait sa culpabilité physique de la plus simple manière possible, l’Immaculé se releva de son siège pour approcher d’un apothicaire de bois de rose aux sculptures florales et marines, provenant de Caladon. Il s’agissait d’une pièce qu’il avait réclamée comme seul butin d’un navire Caladonien coulé par le Maelström des mois plus tôt et qu’il avait immédiatement identifié comme une création d’un grand ébéniste de la ville du luxe. En temps normal, il aurait dû débourser des centaines de pièces d’or pour l’avoir, à la place, il avait bien mangé. Il ouvrit un tiroir, prit un verre propre et prépara une décoction de menthe, de gingembre et de citron pour son invité, trois éléments qui aideraient à apaiser ses nausées et à calmer son organisme éprouvé par le rejet psychologique.

Il plaça un fond d’eau en premier lieu, puis broya les feuilles de menthe afin d’en récupérer l’essence qu’il mélangea à une forte dose de gingembre déjà mariné. Il pressa ensuite un citron et mélangea le tout pendant plusieurs minutes, lentement, avant de rajouter un peu plus d’eau. Le craquement sinistre ne le fit qu’à peine frémir, tandis qu’il ajoutait une pincée de poudre qui se dilua et disparut dans l’eau, un extrait séché de plante narcotique destinée à calmer les nerfs de l’althaïen. En revanche, il tourna la tête en direction de la porte de la capitainerie quand il entendit des pas précipités approcher. Ils moururent devant la porte, tirant à ses lippes une expression satisfaite et cynique. Les membres de son équipage n’étaient pas des pirates au sens premier du terme. Tous, sans exception, étaient avant tout des membres de la secte obscure, le clan des assassins de la confrérie. Tous, à une exception près, étaient des élus accomplis ayant fait leurs preuves et passés les rituels sacrés de leur ordre. Des élus ayant été reconnus par lui, le Père. Des enfants qu’il avait cultivé pendant longtemps, éduqué et formé avec l’aide d’autres spécialistes. Il leur avait transmis sa foi, sa croyance en les déesses et en l’essence de chaque créature. Il s’était attaché chacun d’eux par la profonde liturgie du clan, les prières et rituels et les accomplissements de groupe. Un partage profond, intime et subtile qui avait forgé un lien et un esprit de groupe aux règles religieuses. Et quand leur Père ne désirait pas être troublé, il ne l’était pas.

Entrez

La porte s’ouvrit aussitôt, crochetant davantage son sourire. Ils avaient été prêt à entrer immédiatement. A bord, il ne portait jamais son masque d’anonymat, car son équipage était le fruit d’une sélection drastique, critique. Ces individus, tous à une exception près, étaient dignes de voir le visage de leur Père. Une récompense, et une forme de rapprochement, de renforcement de leur lien intime, offert avec austérité. Au dehors, il n’était le Père que couvert d’un masque. Ici, ils savaient la vérité. Il y avait fort à parier que s’il portait le masque, son visage apparaîtrait toujours le même à leurs yeux. Les deux hommes lui expliquèrent immédiatement l'origine de leur intrusion comme du bruit sinistre entendu un peu plus tôt  et il eut un léger hochement de tête avant de les remercier et de leur demander de partir. Songeur, il tourna le regard vers la cabine d’hygiène où son invité se trouvait encore. Un sabotage d’un marin félon ? Il n’y croyait pas. Tous étaient loyaux envers leur Père et l’acte lui-même serait d’une profonde stupidité. L’althaïen alors ? Il disposait après tout du pouvoir de voler les dons des autres. Oui, sans doute. Devait-il lui expliquer que son geste n’avait pas aboutit à la conclusion logique qu’il aurait dû avoir ? Non, il préférait le laisser s’imaginer la suite. C’était plus amusant et beaucoup plus utile. Qu’il pense ce qu’il voulait et déduise ce qu’il voulait de ce qu’il avait pu entendre, il doutait que quiconque en dehors de son équipage puisse comprendre ce qui protégeait la coque puissante de la Revanche.

Seigneur Avente ? Vous sentez-vous mieux ?

Il attendit un peu, puis s’avança jusqu’à se tenir à l’angle et étudia la figure avachie par terre, soupesant l’idée de le relever de force. Mais non, cela ne serait guère courtois.

J’ai préparé un philtre apaisant pour votre nausée. Avez-vous la capacité de vous relever ou désirez-vous mon aide ?

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S’il se sentait mieux ? Non, eut-il envie de répliquer. Comment pouvait-il se sentir mieux, ou même simplement bien, après l’horreur qu’il venait d’apprendre ? L’horreur qu’on lui avait fait commettre à son insu. Il se sentait souillé, au plus profond de lui, et n’avait qu’une seule envie : s’extirper de cette enveloppe charnelle, qu’une fois encore on avait avilie de cette ignominie sans nom. Lui qui avait eu quelques pointes de regret quand Naal lui avait confirmé qu’il risquait fort de mourir bientôt, n’avait soudain qu’une seule hâte : que son heure vienne. Qu’il puisse laisser ce corps à l’agonie, cette chair déchue et corrompue par ce monde d’infamie. Et qu’il puisse peut-être, enfin, retrouver l’âme de son aimée et de son fils éploré. Qu’il soit, enfin, après tout ce temps, tous trois réunis.

À cette douce pensée, il ferma les yeux, sans prendre la peine de répondre à son hôte. Sans bouger de l’endroit où il avait échoué. Il avait vaguement conscience de son air avachi, de sa position bien peu digne du noble qu’il était. Ou qu’il était censé être. Mais ses forces l’abandonnaient. Et physiques et psychiques, dirait-on. À croire que là où les chimères avaient échoué, ce vil bandit avait réussi, en détruisant ses dernières brides de combattivité. Toute cette soirée, après s’être réveillé en un endroit inconnu avec un pseudo inconnu, à tenter de donner le change pour comprendre, et trouver une possible échappatoire, jusqu’à cette apothéose digne des pires arts dramatiques, avait eu raison de ses nerfs. Pourtant il avait vécu bien pire auparavant, non ? Oui, il avait déjà vécu des situations compliquées, en apparence inextricable, où tous les filets semblaient se resserrer autour de lui et manquaient de peu de l’enserrer pour révéler sa fourbe félonie. Et pourtant, jamais il n’avait cédé à la pression. Jamais son esprit n’avait échoué. Toujours il avait su braquer toute sa volonté vers son but ultime et toujours il avait su braver les obstacles pour continuer, encore, envers et contre tout.

Pourquoi en serait-il alors autrement ? souffla soudain une petite voix en lui. De cette petite voix qui avait toujours su lui insuffler le courage qui semblait parfois lui manquer dans ces moments de défaillance où abandon lui ouvrait les bras. Se laisser aller et céder aux vents de la panique ou de la défaite serait indigne de Delimar, songea-t-il. Eux si fiers guerriers qui jamais ne s’avouaient vaincus. Eux féroces combattants qui toujours affrontaient les pires dangers, même quand seule la mort leur était promise en dû. Non, pour eux, il ne pouvait se laisser aller ainsi.

“J’ai préparé un philtre apaisant pour votre nausée. Avez-vous la capacité de vous relever ou désirez-vous mon aide ?”

À gestes désespérément lents, Ilhan ouvrit les yeux et se redressa tant bien que mal. Il braqua son regard sombre las et épuisé sur son hôte au vice avéré. Pouvait-il se relever ? Il n’en savait rien. Mais ils allaient bientôt être fixés. Il s’appuya contre le mur et, lentement, à gestes lourds, il tenta de se relever. Il manqua chavirer et se rattrapa de justesse au mur d’à côté. Le monde tanguait autour de lui de façon alarmante. Des lumières vives papillonnèrent un instant dans son champ de vision et il dut inspirer et expirer à trois reprises pour apaiser un tant soit peu son vertige. Il aperçut alors le broc d’eau et la bassine, et d’un pas vacillant, parvint à l’atteindre. Bien qu’il dut se rattraper là encore au meuble pour ne pas tomber et s’y avachit lamentablement de tout son poids. D’une main tremblante, il plongea la main dans la bassine et s’en aspergea le visage. En but une gorgée pour se rincer la gorge, songeant qu’il devait avoir une haleine de chacal et qu’il aurait bien aimé un peu de menthe pour faire passer le goût infect qui lui collait à la langue. Il but une autre gorgée, avant d’attraper toujours d’une main malhabile le linge pour s’essuyer. Il s'en tamponna le visage et prit le temps d’inspirer calmement, avant de tenter de se redresser. La pensée de ce qu’il avait mangé lui revint en mémoire et manqua de nouveau le mettre à bas. Il dut alors fermer les yeux et focaliser sa volonté pour ne pas de nouveau se ridiculiser. Après un ultime effort, la nausée reflua et il parvint à éviter cette énième déchéance.

Il rouvrit les yeux et accorda, enfin, à son hôte, toute son attention.

J’ai pu me relever seul, répondit-il d’une voix sombre, tout à fait conscient de prononcer une évidence inutile.

Mais il avait besoin de ces quelques mots pour reprendre contenance. Il redressa son port et reprit des allures de prince, même si défait, tout en relevant le menton, simple geste voulant crier sa fierté écornée tout en silence mortifié.

Il avisa le flacon, tâta l’idée de refuser toute autre substance venant de cet être qui, sous ses belles apparences et ses belles manières, n’avait pas éprouvé la décence de lui accorder quelque consentement que ce soit, mais finit par songer à la puérilité d’une telle pensée. Si l’autre voulait encore l’humilier d’une tout aussi abjecte manière, il ne pourrait s’y opposer. Si l’autre voulait le droguer, l’empoisonner, ou quoi que ce soit d’autre, il serait toujours aussi impuissant pour l'en empêcher ou s'y dérober. Il ne pourrait se défaire de son emprise ni même s’évader. Au-delà du fait qu’il avait déjà donné le peu de force qu’il lui restait dans son geste précédent, inconsidéré.

Un geste d’ailleurs qui semblait avoir totalement échoué. Il avait entendu les bruits de pas. Sans doute les soldatons de ce maudit navire qui avaient rendu des comptes quant à ces déflagrations à leur pirate de capitaine. Ce dernier ne serait pas aussi calme si le navire était sur le point de couler. Et il entendrait plus de raffut pour colmater la brèche, si sa folle entreprise avait réussi. Il avait épuisé ses maigres forces dans un geste désespéré, futile et inutile, qui avait la-men-ta-ble-ment échoué. Non, il ne pourrait échapper à son tortionnaire du moment. Mieux valait jouer les conciliants et attendre le bon moment. Si tant est qu’un bon moment se présente. Et mort pour mort…

D’un geste lent, il tendit la main vers le verre et accepta le remède qu’il avala, une fois n’est pas coutume, d’un trait, sans même en sentir les effluves, ni même tenter d’en détecter les poisons. Peu lui importait en cet instant.

Dois-je vous remercier de cela aussi ? s’enquit-il d’un ton acerbe.

Qui sous-entendait tout le peu de bien qu’il pensait de toute cette situation. La question n’était bien entendu que rhétorique et il était certain que l’autre avait suffisamment d’intelligence pour le comprendre.

Il tenta alors de sortir, en vue de regagner la petite alcôve où il s’était réveillé, espérant pouvoir s’asseoir et faire cesser ce tangage qui lui vrillait la tête. Mais à peine fit-il deux pas, qu’il perdit l’équilibre, en un traitre vertige. Il se rattrapa alors à la première chose qui lui tomba sous la main… à savoir nul autre que son hôte. Dès que compréhension se fit, il tenta de reculer, fuyant ce contact qui soudain l’incendiait, mais là encore le monde vacilla et il ne put que s’accrocher au bras qui passa par là.

Il sentit ses joues s’échauffer et s’empourprer, alors qu’il relevait les yeux sur le visage altier au-dessus de lui. Il maudit d’être encore de si petite taille face à son ravisseur… et se maudit plus encore de le trouver si beau, si… Il se gifla mentalement alors qu’il sentait déjà son corps se détendre et s’alanguir contre ce support si haï, mais si désiré.

Je crois que je ne pourrais marcher seul toutefois, souffla-t-il en baissant la tête.

Acceptant, honteux, cette âpre défaite.

Puis, se rappelant qu'il avait fait un marché, et que, même si la réponse ne lui avait pas convenu, l'autre avait tenu sa part, il ravala son orgueil blessé et sa colère renfrognée. Il s'accrocha à l'épaule de son ravisseur et se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre son oreille et lui susurrer, les lèvres contre sa peau :

Et puisque je suis homme de parole, je vais tenir mon engagement. Si vous jouez les ombres invisibles, c'est parce qu'un nouvel Esprit-Lié vous a élu. La pieuvre est vôtre désormais, en sus du scorpion et du vautour...

Il laissa ces derniers mots trainer dans des accents presque accusateurs. Tout en s'écartant doucement pour planter ses orbes sombres dans ses gemmes de jais.

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Il attendit en l’observant paisiblement, sans esquisser le moindre geste de contrainte à son égard. S’il ne désirait pas boire le remède, il en avait le droit, et en assumait les conséquences, se résumant à son propre mal-être. Il hocha cependant de la tête en acceptant sa docilité, la trouvant bien plus sage qu’une rébellion butée. Lui-même prit un verre de rhum qui réchauffa son corps, et exprima un léger soupire, paisible, loin d’être perturbé par cet invité remuant. L’acerbe de son ton ne lui valut qu’un léger mouvement de la tête, et un regard long, le jaugeant sans vexation aucune. Sa réponse, lorsqu’elle vint, fut d’autant plus courtoise et simple qu’elle était raccord à son attitude présente et défaite d’une quelconque colère.

Je ne suis qu’un simple marin Seigneur, et vous un noble. On m’a certes appris qu’un remerciement pour un don était de rigueur, mais je ne possède pas vos prérogatives

S’il s’amusait d’agir ainsi ? Oui. Parfaitement. En le voyant tenter de s’extraire et regagner l’alcôve, il esquissa un geste pour lui laisser le passage. Il le rattrapa cependant sans pour autant le comprimer, se faisant un soutien neutre pour ce corps défaillant. Discrètement, il inspira à plein poumon ce qui se dégageait de lui, faisant fi des relents les plus récents. Sa faiblesse était trop exagérée pour un simple choc psychologique, il y avait forcément autre chose. Une maladie ou une blessure, car jamais il ne se serait volontairement affalé sur lui autrement. Cependant, il ne distinguait pas les fumets les plus subtiles pour l’heure, et devrait sans doute attendre que son invité s’endorme avant de réessayer.

A votre service, Seigneur

Cette fois, il lui fit un doux sourire, charmant et  aussi suave qu’innocent, comme un sous-entendu involontaire, une sucrerie promise sans perversion, une opportunité que l’autre seul pouvait saisir et cultiver. Il sentait la tension quitter l’althaïen, exactement comme il avait eut l’habitude de la voir le quitter à l’époque. Avente était un jouet amusant tant il était aisé de savoir par quel angle l’aborder. Il s’inclina légèrement, comme un serviteur l’aurait fait, sans cesser de le maintenir d’un bras, l’autre ne pesant rien du tout. Il lui faisait même l’offre de prendre cela comme un ordre de sa part et non comme une demande d’aide honteuse, n’était-ce pas parfait ? Il allait commencer à le guider lorsque l’autre s’accrocha davantage à lui.

Un simple sourire lui orna les lèvres, et il s’inclina légèrement de nouveau.

Bien entendu

Sans en dire plus, il le fit s’installer dans l’alcôve, sur une couche moelleuse aux draps riches et brodés, colorés et doux, propres. une petite poche de lavande glissée sous l’un des oreillers de plumes. Il le fit asseoir et l’observa de nouveau avant de lui mettre à disposition une eau mentholée dans une carafe de verre, un verre allant avec et des atours de nuit à sa taille et de tissu doux. Se redressant, il fit une fois le tour de la pièce, pour s’assurer de n’avoir rien oublié qui pu gêner son invité. Rien ne lui vint immédiatement à l’esprit, aussi fit-il retraite jusqu’à l’entrée de l’alcôve où il s’arrêta de nouveau.

Si vous avez besoin de quoi que ce soit, mon alcôve se trouve juste à côté

Autant une invitation à lui indiquer ses besoins qu’un avertissement. Il n’irait nul part sans qu’il ne soit alerté.

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