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31 Juillet 1763
Ipsë Rosea

« Mon amour j’ai fait couler un bain et j’ai envoyé les serviteurs au lit. Tu devrais me rejoindre, tu as besoin de te détendre avant d’aller te coucher. Pour ton corps et pour ta tête. » dit la voix douce et langoureuse d’Esobelle. Elle avait spécialement préparé la soirée et choisi avec attention ses vêtements les plus suggestifs au goût de son époux. Elle était vêtue de sa robe de nuit couleur carmin et d’un châle transparent sur ses épaules. Elle entrait avec une grâce et une assurance rare dans l’âge mûr de ces femmes qui maintiennent leur pouvoir et leur envie de faire tourner les têtes sur leur passage.

Balthazar, lui, était vêtu de vêtements simples d’intérieur qui ne l’avaient pas quittés depuis quelques jours de trop. Il était assis à son bureau recouvert de bouts de parchemins, de plumes cassées et d’encrier vides. Il se redressa, leva les yeux au ciel en regardant son épouse, serra les poing et crispa sa mâchoire, autant d’agacement, que de douleur de contracter les muscles engourdis de ses doigts noueux. Il avait l’esprit trop clair depuis qu’il avait encore dû prendre le lit, et que son corps se remettait trop doucement. Alors il n’allait pas laisser encore plus de temps passer sans écrire, sans préparer son départ de cette satanée vie, sans léguer son savoir au sang de sa lignée, sans discuter des affaires du monde à ses rares alliés de longues dates.

Balthazar pesta donc :
« Je n’ai pas le loisir de me laisser aller à la détente et au repos quand il me reste tant à faire. Il reste encore trop d’informations à coucher sur le papier et trop de missives à envoyer à trop de gens. Et si le sommeil me fuit, c’est parce que tout le jour on sollicite mon attention à des tâches bassement matérielles qui occupent mon esprit, mais assèchent mon âme. Alors laisse un peu de temps nocturne à mes écritures, puisque tu a cru bon de disposer de mon temps diurne à ton bon vouloir… »

Esobelle émit un soupir éloquent. Ses sourcils s’arquèrent légèrement et sa bouche se pinça. Un autre que lui n’aurait jamais pu deviner que se rictus pétrifié et composé, était celui du reproche et de la colère glaciale. Il comprit alors qu’il avait commis une erreur.

« Très bien. Écris alors. Si tu pense que c’est en grattant des mètres et des mètres de papier que tu t’occuperas bien de ta famille, au lieu de passer du temps auprès d’elle, soit. Puisse ton papier te rendre toute l’attention que tu lui consacre. En attendant, je te laisse trouver un coin de sol dans la maison où tu pourras dormir, puisque ma présence t’insupporte toute la journée, je ne voudrais pas t’imposer de dormir la nuit dans le même lit que moi ! »
Esobelle avait tenté de garder un ton cordial en parlant mais la dernière phrase avait été prononcée sur un ton trop cinglant pour laisser le doute sur son ressenti.

Balthazar grommela en son fort intérieur mais il ne pouvait pas faire taire les émotions qui lui parvenait. Il connaissait trop bien Ésobelle et depuis trop longtemps, et son don de l’hirondelle aidant, il comprenait et sentait sa colère. Il voyait les efforts qu’elle avait mis derrière le choix de ses vêtements, ce qu’elle s’était imaginée sur leur soirée passée ensemble et comment elle l’avait organisée. Encore une fois elle était pétrie de bonnes intentions mais elle avait oublié de le prévenir, et de lui demander son avis. Comme lorsqu’elle avait proposé sa candidature au poste d’Archonte d’Ipsë Roséä.

« Mon amour, dormir par terre est la dernière chose que je souhaite pour cette nuit et je te prie de m’excuser pour cet accès de colère. J’aime écrire mais il s’agit plus de rassurer la peur que mon corps ne me lâche avant que j’ai pu livrer tout ce que sais de manière correcte et complète à Melchiore. Il ne me reste que quelques paragraphes à écrire et ce sera fini, je pourrais me consacrer tout entier à nous deux, promis. Je te demande juste quelques minutes, garde l’eau au chaud et j’arrive. As tu pu essayer ton infusion de mélisse et de lavande dans l’eau du bain ? »

Balthazar n’aimait pas enrober de miel son discours quand il était aussi tard, mais il détestait par dessus tout laisser la colère de sa femme mijoter dans son coin et devoir l’affronter plus tard. Parfois, il en venait à regretter sa vie de veuf solitaire et recherchait la rare solitude là où il pouvait la trouver. Après des négociations conjugales intenses, il parvint à s’offrir une petite marge d’une demi-heure pour boucler ses derniers écrits, avant de rejoindre le bain. Il s’était laissé convaincre que la perspective pouvait être agréable car cela faisait effectivement longtemps qu’il imbibait de crasse et de sueur ses vêtements.

Il reprit une feuille et prépara sa prochaine missive. Cet échange avec sa femme lui rappelait une vieille affaire qui n’avait de cesse de revenir le tracasser ces derniers temps,et il avait décidé qu’il était temps d’y remédier enfin, malgré le retard de plusieurs années qui s’était accumulé sur le sujet.


« Mon cher seigneur Avente de Délimar,

Regrettez vous parfois d’être sorti de votre retraite ? Si j’en crois les récits de vos exploits navals lors de la bataille contre les chimères, il semble que le goût de l’action Glacernois ait eu quelque influence sur votre caractère paisible. Si d’aventure l’agitation sanguine de votre peuple vient à vous peser et que vous rechercher un endroit pour ressourcer votre besoin de sérénité, sachez que les portes de notre cité vous sont grandes ouvertes.

Pas un jour ne passe pour moi sans que je regrette d’être encore et toujours au devant la scène politique à mon âge. Cela en frôle l’indécence, de voir un vieillard humain diriger de jeunes semblables pleins de vie à peine sorti de l’enfance, et des elfes à la beauté permanente me surpassant de plusieurs siècles en savoir et sagesse. Ma femme est une excellente tacticienne, cela est sûr, mais j’aimerai qu’au lieu de m’utiliser à ses propres fins de pouvoir, elle comprenne mes préoccupations et mes désirs de retraite paisible.

Comme j’aimerai vous avoir à nouveau à mes côtés pour m’assister, comme lorsque vous n’étiez qu’un jeune apprenti…
Nos discussions, nos échanges, nos machinations me manquent parfois car je n’ai jamais su recréer la même complicité avec quelqu’un d’autre que vous. Il me pèse de savoir que notre amitié n’ai jamais su vraiment se relever de la tragédie qui vous frappa, et que même après nos épreuves traversées ensuite ensemble, une certaine distance ait pu subsister entre nous…

Ces temps-ci, surtout depuis que je sais que la mort n’est plus seulement un horizon vague et lointain, il me tient à cœur de réparer les manques aux devoirs de ma vie. Manques à mes devoirs d’aïeul auprès de ma petite-fille, manque au devoir conjugal auprès de ma femme, manque d’abnégation auprès du peuple etc etc. Et l’un de ces manque est celui d’un réel soutien auprès de vous lorsque votre compagne et votre descendance s’éteignaient loin de vous. Je tenais, même si les années empilées depuis les rendent bien dérisoires, à vous présenter des excuses.

Si vous vous sentez prêt à les entendre, faites moi parvenir votre réponse par retour de missive. Sachez que si vous répondez par l’affirmative, je vous ferai parvenir un cadeau particulier à forte valeur sentimentale pour sceller notre réconciliation. Comprenez que c’est un bien trop précieux pour que je vous l’envoie sans m’enquérir au préalable de vos dispositions à le recevoir correctement.

J’attends avec impatience votre réponse et vous transmet mes meilleurs vœux de santé et de bonheur.

Votre vieil ami,
Balthazar Emerloch. »

Balthazar apposa son sceau et posa la lettre dans le petit panier de missive cachetées qu’un page se chargerai de transmettre aux différents messagers, cavaliers ou oiseaux. Puis il se leva, se débarrassa avec lenteur de ses vêtements et se dirigea vers la salle d’eau de sa demeure où il fut accueilli par un sourire espiègle.

« Alors, monsieur l’écrivain crasseux ? Avez vous fini votre prose et acceptez vous la toilette qui s’impose ? » Esobelle décroisa ses jambes dans le bain, pour en lever une hors de l’eau et faire passer le savon tout du long. Balthazar soupira avec un sourire fatigué… Il regrettait déjà d’avoir pu oser présenter des excuses à Ilhan pour sa vie conjugale réduite en miette par sa faute, alors qu’il profitait d’un tel bout de féminité à ses côté, pour le meilleur et pour le pire.
« Qu’on me pardonne de céder à votre tentation, vile lavandière, mais je me fait trop vieux pour savoir ce qui est respectable, et votre stupre paraît le plus doux des réconforts à mes vieux os... »
Il se laissa prendre par les eaux relaxantes et chaudes, et par les bras accueillants et chaleureux.
« Pauvre Ilhan, j’ai peine à imaginer ce que les chèvre peuvent vous procurer qui puisse rivaliser avec ce que j’ai maintenant... » ne put-il s’empêcher de penser...

Dernière édition par Balthazar Emerloch le Lun 12 Aoû 2019 - 0:41, édité 2 fois

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Correspondance Delimar - Ipsë Rosea / 3 août 1763


Clang

Un clou de planté. Un. Et cette fois il avait bien visé. Ni sa main, ni le vide. Quoique… Ilhan observa un instant son bout de bois et doucement le bougea… Sauf que ce maudit bout de bois n’aurait pas dû bouger. Diantre, il n’y arriverait  donc jamais ?! Agacé comme rarement il l’était par sa propre incompétence manuelle, il manqua envoyer son marteau valser contre sa caisse tout juste commencée. Il se retint, mais son grondement sonore dut alerter le patron de la fabrication. Un glacernois, fort patient, qui avait accepté de le prendre pour purger sa peine.

Et quelle peine. Tryghild n’aurait pas pu trouver pire châtiment en fait. Parfois son pessimisme venait à penser que la mort aurait été autrement préférable que… ça. Cette humiliation constante.

Ilhan, fit l’homme de sa voix caverneuse et de son accent prononcé. T'es têtu. Je t’avais dit de t’occuper des comptes comme les aut'soirs, jusqu’à c'que ta main aille mieux.

Un autre grognement échappa à l’althaïen alors qu’il relevait les yeux, furieux, sur l’homme. Pourtant il n’y était pour rien, Ilhan était après tout le seul responsable de sa situation présente et de son "malheur". Mais était-ce utile de lui rappeler son infirmité due à sa maladresse patentée ? Sa main droite, encore bandée pour un jour ou deux, restait un tantinet sensible, certes, mais elle l’élançait moins. Le guérisseur avait d’ailleurs dit qu’il pouvait s’en servir s’il ne forçait pas. Clouer un maudit bout de ferrailles dans un maudit tas de bois n’était pas forcé pourtant, si ?

Hum… Si, à en croire le regard ferme et lourd de sens que l’autre riva sur sa main. Bon. Soit. Réfrénant de nouveau l’envie de balancer son outil, Ilhan se contenta de le poser doucement sur le bord de son établi. Il caressa un instant le manche de ce petit marteau, qui lui rappelait sans cesse tout ce que faisait le patron de la fabrique pour lui. L’homme se l’était procuré exprès pour l'althaïen, pour qu’il soit à sa poigne, lui qui était bien peu robuste pour manier les instruments du glacernois. De même qu’il avait aménagé un escabeau plus solide pour qu’Ilhan puisse accéder à l’établi sans se blesser comme la semaine précédente. Grinçant des dents à cette pensée, se fustigeant de ses propres incivilités en cet instant, il descendit dudit escabeau et releva ses yeux sombres sur l’homme.

Tu as raison. Heureusement que j’ai pris quelques cours avec mon comptable, sans quoi tes nouveaux relevés seraient aussi catastrophiques que mes caisses, souffla-t-il en passant près de l’homme pour rejoindre la table, bien trop haute pour lui encore, où se situaient les cahiers de compte.

Il tira un tabouret, s’y hissa laborieusement, presque fatigué de ces seuls efforts, et se mit à l’ouvrage. Il devait avouer préférer le contact de la plume à celui du marteau, ou l’odeur du parchemin à celui du bois… Le glacernois sourit en l’observant un court instant tout en secouant la tête de droite à gauche. Si les débuts avaient été laborieux, surtout devant l’incompétence flagrante d’Ilhan en de tels travaux, et sa propension à casser tout ce qu’il touchait ou à construire des caisses toutes plus bancales les unes que les autres, ils avaient vite appris à se connaître. Et étonnamment à s’apprécier. Bon, peut-être que la baisse de taxe, dont avait bénéficié l’homme pour avoir accepté la calamité qu’il était, avait aidé aussi. Mais pas seulement. L’homme était austère, mais honnête, droit, comme beaucoup de glacernois. Et il avait vu en Ilhan une certaine rigueur et application, un certain perfectionnisme frôlant parfois le ridicule, mais qui dénotait sa bonne volonté réelle à purger sa peine dignement. Cela avait semblé plaire à l’homme.

Ilhan laissa un discret sourire fleurir quand l’homme se détourna et retourna à son travail. Puis se concentra sur le sien. Il n’était pas question qu’il fasse des erreurs ici aussi. Foi d’Avente, il s’appliquerait. C’était là, en outre, un travail à sa portée. Et deux heures durant, il travailla ardemment. Il clôtura même le retard qui avait été accumulé sur les comptes du glacernois. Il avait certes dépassé un peu le temps qu’il était censé accorder à ses travaux forcés, mais au moins il avait le contentement du travail terminé.

Parfait Ilhan, fit l’homme en se penchant par-dessus son épaule. Mais tu devrais déjà êt'parti.

Et manquant le faire sursauter. Il claqua la langue et posa sa plume, ferma l’encrier, puis le livre de compte, et enfin se retourna vers l’homme.

Plus jamais ça,, je vous prie, par tous les dieux, fit-il d’une voix sourde.

Puis il sauta au bas du tabouret.

Merci à vous, ajouta-t-il en un hochement de tête. Je vous souhaite une bonne nuitée et vous retrouverai demain avec un grand plaisir.

Et enfin, il regagna sa maisonnée. À peine entré, il sentit les effluves du repas qui l’attendait. Mais il voulait prendre un bon bain avant toute chose, et vérifier s’il n’avait pas reçu du courrier. Et du courrier, effectivement, l’attendait. Et quel courrier ! Ce cher Balthazar ! Il n’avait pas eu de nouvelles de lui depuis quelque temps. Presque depuis la bataille des chimères. Un frisson lui parcourut l’échine à ce souvenir, et en lisant les mots de son ancien mentor, qui les ravivaient plus encore. Une nostalgie poignante vibrait de cette lettre et le happait tout entier. Il sentit une vague de tristesse et de mélancolie l’empoigner et une larme traitresse manqua s’évader. Il parvint à la retenir, et se passa une main sur le visage, comme pour en chasser tout signe de sentiment malvenu.

Lire l’évocation de sa femme et de son fils décédés l’avait touché bien plus qu’il n’était raisonnable de le penser. Peut-être parce que les mots s’accompagnaient d’excuses, qui pourtant n’avaient pas lieu d’être, mais le touchaient en plein coeur. Comme s’il avait attendu ces mots-là depuis tant d’années, sans s’en sentir vraiment le droit de les réclamer. Car après tout, son vieil ami n’était pas responsable de ses propres choix. Il l’avait certes convaincu de rester, mais il ne l’avait ni enchainé ni emprisonné. Pas physiquement du moins. Ou peut-être était-il trop fatigué, tout simplement. Il n’aurait su dire.

Changement de programme, décida-t-il. Mieux valait y répondre de suite, ou, surmené de travail comme il l’était, il risquait d’oublier. Il s’installa donc à son bureau, et attaqua le parchemin de sa plus belle plume.


Mon cher Archonte Emerloch d’Ipse Rosea,

Votre lettre m’a surprise au détour d’une journée chargée et éprouvante, mais fut une brise de fraicheur dans cette canicule accablante. Je sais mon silence envers votre personne possiblement outrageant. Je puis en tout cas vous assurer que je ne nourris aucune rancoeur à votre encontre. Peut-être dois-je avouer en avoir nourri, il fut un temps. Mais alors l’amertume rongeait mon coeur et mon âme envers toute chose, et non envers vous seul. Ma douleur m’aveuglait. J’ose espérer avoir su, avec le temps, ouvrir les yeux. Les grains s’égrènent dans le sablier et les années ont passé. Notre amitié a peut-être pâti de mes décisions de vouloir prendre du recul, ainsi que de mon ambition dévorante qui préféra Gloria à vos conseils. Mais je doute qu’elle ne puisse s’en relever. Si une certaine distance persiste, sans doute est-ce aussi par la distance géographique. Toutefois Delimar et Ipsë Rosea ne sont pas si éloignées que cela, nous devrions pouvoir espérer nous rencontrer à nouveau, et ce plus souvent. Et partager, encore, tant de choses.

Si je regrette d’être sorti de ma retraite ? Cela serait mentir que de répondre non. Mon coeur oscille souvent entre les deux réponses. Mais il me suffit ensuite de voir la grandeur d’âme de notre Intendante pour chasser tous mes doutes quant à cette décision. Il est étonnant et amusant de voir que tant de gens m’invitent à les rejoindre en leur cité. Et ce, malgré tous les chemins parfois tortueux que j’ai empruntés. Sélénia, Caladon, Ipsë Rosea, le Domaine… Si je voulais changer, j’aurais l’embarras du choix. Et je puis vous assurer que Ipsë Rosea ne serait pas facilement écartée de mes aspirations. Mais je suis fier d’être à Delimar, et ne l’abandonnerai pour rien au monde, tant que cette noble cité gardera son cap vers son avenir de gloire et d’honneur.

Toutefois j’espère que vous ne prendrez pas ces assertions pour un autre rejet. Nos conversations, nos échanges, nos vieilles manigances de vils comploteurs, me manquent également. J’ai appris pour vos soucis de santé, et je suis affligé de peine à l’idée de pouvoir vous perdre, vous aussi, après tant d’âmes qui nous ont quittés. J’espère que vous saurez prendre soin de vous pour nous faire profiter de votre présence encore quelques longues années. Ipsë Rosea a besoin d’un archonte tel que vous. Il serait regrettable qu’à l’aube de sa naissance, elle perde un homme aussi précieux.

Quant à vos excuses, elles m’ont touché plus que de raison, je dois l’avouer. Quand bien même il ne vous revient pas de me les présenter. Vous n’avez nul besoin de faire amende honorable ainsi. Je me suis blâmé bien plus que je ne vous ai blâmé, soyez-en assuré. Cependant, puisque vous les avez couchées sur parchemin, leur donnant encore plus d’essence tangible que par de simples paroles, je ne puis que les accepter. Avec chaleur et sincérité. Nul besoin de cadeau, quand bien même vos présents ont su me toucher et ont été souvent mis à grande contribution pour une œuvre qui me tient beaucoup à coeur. Mais si vous y tenez, alors soit. Mais permettez-moi en retour de sceller nos retrouvailles et la nouvelle ascension de notre vieille amitié par un cadeau de mon cru également. Je ne puis vous l’envoyer de suite, il demande quelque temps de préparation, mais j’espère pouvoir vous le faire parvenir avec ma prochaine réponse.

Dans la hâte de vous lire à nouveau.
Avec tous mes vœux de prompts rétablissements et d’apogée pour votre cité.


Votre vieil apprenti,
Ilhan Avente


D’un sourire, Ilhan scella sa lettre, puis fit mander Vladimir pour qu’elle parte dès le lendemain. Enfin, son sourire nostalgique ne le quittant pas, il partit prendre son bain.

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"Tiens donc cette bougie plus haut s'il te plait ma chère." dit le grand-père d'une voix ferme. Il pénétrait d'un pas clauquediquant dans son étude pleine de parchemins sur les tables et de livres dans les étagères. Ça sentait l'encre, la suie, le vieux papier, la poussière, la cire jaune épaisse. La jeune fille suivait et tenait le bras de son aïeul tout en regardant avec des yeux écarquillés ce qu'elle voyait rarement. Jamais son grand-père ne l'autorisait à rentrer dans son étude d'habitude.

Mais cette fois ses vieux yeux n'étaient plus ce qu'ils étaient et il avait besoin des sens aiguisés de la jeunesse pour s'y retrouver dans son bazar. Et surtout depuis que sa femme lui boudait ses activités d'écriture, il était obligé de pratiquer la plume à la lueur des bougies ou de la lune. Les femmes font danser les hommes et les entortillent autour de leurs petits doigts et la souplesse artrosée de Balthazar, n'appréciant pas le prix à payer pour pratiquer le tango de literie, aimerait bien pouvoir se reposer de temps en temps...

"Regarde donc entre le secrétaire et le buffet dans le fond à droite. Non à droite j'ai dis, écoute moi donc au lieu de te précipiter ! Le secrétaire c'est le grand meuble que tu vois avec les trois livres ouverts et l'encrier renversé. Voilà, maintenant, en faisant attention à la table basse des traductions, tu vas contourner le buffet et ouvrir le placard du bas. La serrure est un peu grippée, il faut pousser le battant et le lever avant de le tirer pour ouvrir. Tu m'as entendu ? Ah bon bon... oui je patiente..... C'est bon ? Alors décale le service de porcelaine avec les scènes de chasse et les tasses à fleurs. Regarde ce que tu fais avec cette bougie, ce sont des heures de travail que tu menace de faire partir en fumée avec tes mouvements de poignet irréguliers ! Ne te cogne pas surtout. Oui tu peux sortir les assiettes si tu veux, mais ne les fait pas claquer, tu n'as pas envie d'affronter ta mère quand son sommeil est interrompu par une excursion nocturne. Tu vois les bouteilles pleines de poussières ? Sors la plus sombre s'il te plait. Non la plus sombre de contenu, ça c'est de l'eau de vie d'abricot. Tiens d'ailleurs je pense qu'on pourrait peut-être s'en servir contre les ekynopyres... Oui celle là ! Fait très attention ! Elle est très précieuse !"

Récuperant la bouteille pleine de poussière, l'archonte l'essuya de sa manche et observa l'étiquette ainsi que le sceau pour être sûr de son coup. Le héron tenant une grappe dans son bec. Tout était bon. Maintenant il allait falloir retrouver la missive.

"Merci ma chérie. Sans ton aide je n'aurai jamais pu faire parvenir son cadeau au seigneur Avente. Tu te souviens du seigneur Avente ? Oui bien sûr suis-je bête... Il y a fort longtemps de cela, nous nous disputâmes et je n'ai jamais vraiment exprimé que j'étais désolé. La bouteille est un vieux souvenir qui devrait, sinon lui faire plaisir, au moins l'émouvoir. Hmm ? Oui je me doute que ce n'est pas évident pour toi mais je t'expliquerai tout plus tard. Ton grand-père consigne tout dans ses notes qu'il te lègueras à ta majorité. Jusque là il va falloir patienter. Oui je sais ce n'est guère drôle... Allez, file donc chercher un fruit confit aux cuisines, je dois finaliser ma missive et je te rejoindrais. Allez ! File !"

Une fois seul, le vieil homme sortit d'un tiroir quelconque un bout de papier qu'il avait mis quelques nuits à elaborer. Il le relit et corrigea quelques lettres mal formées avant de l'enfiler dans son enveloppe.

Mon cher Ilhan Avente,

Vous lire pour le simple plaisir de l'échange, réchauffe mon vieux coeur et rappelle à ma mémoire des souvenirs, des moments partagés avec vous, et des lettres que nous échangions jadis. L'espièglerie et les langages codés ne sont plus de circonstance, mais le plaisir reste le même après toutes ces années.  Je me prend souvent à divaguer sur ce qui aurait pu être si notre amitié n'avait pas rencontré les obstacles qui séparèrent nos chemins respectifs.  Peut-être que le sablier pourrait se retourner et nous pourrions ainsi rebrousser nos chemins pour passer les épreuves de l'histoire côte à côte... C'est un souhait qui m'est cher mais ce ne sont que les affabulations d'un vieillard fourbu de regrets, comme ceux que j'éprouve en pensant à mon fils ou mon frère, ou tout ceux qui nous quittèrent trop tôt.

Cependant, et malgré qu'il m'en coûte à l'honneur et au coeur, il me parait juste de dire qu'en dépit des épreuves et du deuil, ainsi que de la tournure des événnements qui secouèrent notre monde, vous fîtes le bon choix en vous séparant de mon influence. Il suffit de constater vos actions, vos choix, votre philosophie, pour se rendre compte que votre chemin de vie a fait de vous un homme indépendant remarquable, capable d'influer sur les grandes factions de ce monde en douceur et subtilité. Je ne saurais trop célébrer votre résilience et votre enthousiasme à vous relever après chaque estocade du destin. Quant à moi, j'ai peine à imaginer pouvoir me dire que les blessures et les pertes que j'eus à supporter aient fait de moi un homme meilleur.

Mes excuses sont l'occasion pour moi de tirer un trait sur une tension qui empoignait mon coeur depuis bien trop longtemps. La pudeur ne saurait m'empêcher de vous dire que la générosité et la compréhension que vous exprimâtes à travers votre lettre, m'émurent aux larmes. Comme j'aurai voulu vous dire tout cela plus tôt.. J'ai compris votre douleur... Et chaque jour qui passaient après la nouvelle de la mort de mon fils, je ne rêvait que de vous supplier de me pardonner à genoux. Aucun parent ne devrait avoir à enterrer son enfant.

Afin de payer le prix de cet enseignement et pour sceller notre engagement à ce que ces tragédies cessent un jour dans le monde que nos fils et filles bâtirons, je vous offre cette bouteille de mon meilleur cru. C'est la seule qu'il m'a paru valable de conserver en abandonnant aux chimères la cave de mon domaine. C'est un Grand Yonnis 1738. Il provient des coteaux peu ensoleillés du flanc ouest, d'un cep ancien planté par mes ancêtres. Il a probablement été réduit à néant maintenant. C'est un raisin et un vin que vous ne reverrez plus jamais. Je l'ai personnellement fait presser et mis en bouteille. Dégustez le. Seul, ou aidé d'un proche, mais finissez cette bouteille. Laissez l'amertume capiteuse vous emplir, jusqu'à l'ivresse s'il le faut, mais aucune goutte ne doit subsister.


Bonne dégustation,
Balthazar Emerloch.

Balthazar apposa sa bague de sceau sur le cachet de cire et observa la cire rouge vive et compara avec celle qui fermait la bouteille de vin. Elle était vieille, elle lui rappelait trop de chose, une époque révolue pleine de naïveté, de problèmes abscond qui paraissaient broutille aujourd'hui. Il lut une dernière fois l'étiquette usée avant d'emballer son paquet.

Fruits d'Alana
Grand Yonnis - 1738
Mis en bouteille par Balthazar De Yonnis, à l'annonce d'une naissance à venir dans la maison de son ami le plus cher. Puisse ce vin faire honneur aux corps et esprits féconds d'Althaïa.

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Delimar à Ipsë Rosea 7 août 1763



Quelqu’un toqua à la porte de son bureau. Ilhan autorisa l’entrée.

Oh, c’est toi Shan, fit-il d’une voix lasse tout en offrant un doux sourire au vieil homme.

D’ordinaire, c’était Dihya qui venait lui servir son plateau du matin et s’assurer que tout allait bien. Mais les deux femmes de la maisonnée étaient en période de recueillement. En Althaïa, lors de leur lunaison, les femmes, du moins celles de bonne maison, étaient sommées de se reposer, de ne plus s’occuper d’aucune tâche si ce n’est de prendre soin d’elles-mêmes et de s’adonner, si elles le souhaitaient, à leur passion. Art, culture, lecture, couture, tout leur était permis, du moment qu’il s’agissait de détente et de repos. Elles étaient alors choyées et tous leurs désirs, dans la limite de la décence, leur étaient accordés. Les autres personnes de la maisonnée prenaient alors le relais et se répartissaient leurs tâches.

La maison Avente n’avait pas renié cette tradition, et en cette lunaison, Shan avait pris l’essentiel des tâches de Dihya. C’est ainsi que le vieil homme se retrouvait en cette heure fort matinale, à servir son plateau, accompagné de la nouvelle bouteille de remède tout juste reçue, au conseiller.

Comment vous portez-vous ce matin, Ilhan ? demanda Shan.

Teintait dans sa voix aux accents un peu rugueux une réelle inquiétude. Personne ici n’avait été dupe quant à la santé déclinante de leur seigneur.

Tout va bien, répondit Ilhan comme par automatisme.

Heureusement que je ne suis pas Baptistrel, ou ce mensonge m’aurait écorché le coeur, plaisanta le serviteur, même si qu’à moitié.

Ilhan lui offrit une grimace hésitant entre contrition et dépit. Il oubliait parfois bien vite à qui il avait affaire avec Shan. Spirite du hibou de haute puissance, lui qui avait été grand-parent, il était impossible de lui mentir, même par omission. Ilhan jeta un rapide regard vers Shan, puis lui accorda un sourire plus sincère.

Si vous ne voulez pas m’entendre mentir sur ces sujets-là, mieux vaudrait ne pas poser les questions fâcheuses alors.

Je m’en souviendrai, fit simplement Shan, avec un léger hochement de tête, tout en rendant son sourire, plein de tendresse presque paternelle, à son maitre.

As-tu porté leur plateau à nos deux femmes ? s’enquit aussitôt Ilhan.

Tout autant pour changer de sujet que pour réellement savoir ce qu’il en était. En cette matinée, il avait un peu d’avance sur son emploi du temps habituel.

Pas encore, je pensais monter les voir juste après vous avoir servi.

Je vais venir avec toi.

Est-ce raisonnable ? Vous…

Je peux encore monter des escaliers. Et cela me ferait plaisir. Je peux encore porter un plateau…

Son ton se faisait un peu plus sec qu’il ne l’aurait voulu. S’en rendant compte, il soupira, puis avec un sourire contrit, ajouta plus doucement.

S’il te plait Shan.

Il n’ajouta pas le fait qu’il n’aurait peut-être plus trop le loisir de se faire ce petit plaisir, que ce serait peut-être l’une des dernières lunaisons où il pourrait prendre soin de ces femmes sous sa responsabilité. Car oui, cela était un réel plaisir. Ça et partager les prières avec elles, comme elles le faisaient si souvent toutes deux en cette période, pour remercier Vie de leur accorder encore ce don de porter un enfant. Même si pour la femme de Shan, ses cycles devenaient erratiques.

Shan céda bien vite à ce regard, même s’il ne put cacher son inquiétude. Tous deux allèrent en cuisine et prirent les plateaux déjà prêts, puis montèrent rejoindre les femmes. Ils toquèrent à la porte. Ce fut une Dihya souriante qui leur ouvrit, un sourire qui s’élargit plus encore quand elle aperçut Ilhan.

Je vous prie de bien vouloir entrer, Ilhan. Shan, fit-elle en saluant les deux hommes, Ilhan ayant le droit à une petite révérence et Shan à un long hochement de tête.

Les deux hommes entrèrent dans la grande pièce de vie commune dédiée à la domesticité de la maison. Grande et spacieuse, bien éclairée par une grande baie vitrée qui donnait sur la petite cour.

Nous allions commencer une prière.

Puis-je me joindre à vous ? s’enquit Ilhan, donnant à sa voix toutes les inflexions d’une demande et non d’un ordre.

Dihya lui prit délicatement la main et lui offrit une autre révérence tout en déposant un baiser volage sur ses doigts.

Avec plaisir Ilhan.

Et lui tenant toujours la main, elle l’invita à s’agenouiller, tout en veillant à se qu’il soit bien installé, devant une grande toile représentant Althaïa, que Dihya avait peinte elle-même à leur arrivée ici, et devant laquelle brûlaient sept bougies, dont une plus grande au milieu. Celle pour Vie. La Déesse était mise à l’honneur plus que toutes en cette période essentielle pour la vie d’une femme. Ilhan était alors encadrée par les deux femmes et Shan s’installa derrière. Tous quatre prièrent ainsi un long moment, d’abord par une douce chanson althaïenne festoyant la femme et la vie, puis par une prière dans la langue de la romantique. S’ensuivit ensuite un petit moment de communion en silence, où ils se joignirent les mains. Avec un profond soupir, Ilhan rompit ce moment puis se leva. D’un doux baiser sur le front, il embrassa chacune des femmes puis les quitta.

Quand il revint à son bureau, prêt à se sustenter lui-même, Elyas le rejoignit avec un colis qu’il lui tendit.

Ceci est arrivé pour vous, Ilhan.

L’althaïen le remercia simplement puis, enfin seul, ferma la porte et s’installa à son bureau. Il reconnut aussitôt le sceau de son ami Balthazar. Il hésita un instant à ouvrir le paquet, mais finalement il céda à la curiosité. D’une main fébrile, presque tremblante, il en défit l'emballage. D’abord curieux, il observa la bouteille, la caressa d’une main, sans prêter plus d’attention au cachet de cire. Il reconnaissait ce genre de bouteille. Un cru du domaine de Yonnisos. Il attrapa le courrier et le lut avec avidité. À la lecture de la lettre, la date du cru lui sauta au visage. 1738, c’était l’année de son mariage avec sa belle Alana.

Aussitôt il attrapa la bouteille et observa plus attentivement le cachet de cire, puis l’étiquette. Et alors, alors, les lettres semblèrent valser dans son esprit. "Fruits d'Alana". Sa femme. Son meilleur ami avait donné le nom de sa femme à un cépage ! 1738, l’année de son mariage avec Alana. Et la suite… la suite le laissa sans voix, la gorge nouée d’émotions qu’il peinait à contenir. Il caressa la phrase avec une infinie tendresse. Cette phrase représentait soudain tant pour lui.

"Mis en bouteille par Balthazar de Yonnis, à l'annonce d'une naissance à venir dans la maison de son ami le plus cher. Puisse ce vin faire honneur aux corps et esprits féconds d'Althaïa."

Oui, tant. Son ami avait réservé cette bouteille exprès pour lui. Il se souvenait que tous deux avaient scellé ensemble quelques bouteilles de ce cru lors de son séjour en 1741. Ils avaient plaisanté, beaucoup ri, un peu bu, mais avaient partagé surtout des instants magiques et uniques. Un élan de nostalgie le happa dans ses vieux souvenirs et des larmes traitresses s’échappèrent. Une plus que les autres dévala sa joue et tomba sur l’étiquette usée, la frappant de son sceau de mélancolie et de peine juste à côté du nom d’Althaïa.

Ilhan resta ainsi un long moment à pleurer, tout en observant cette bouteille. Il n’avait nulle envie de l’ouvrir, de la boire. Il avait envie de la garder, de la sceller dans son coffre du dauphin. Ou alors, songea-t-il soudain, s’il devait un jour faire honneur à un tel vin, ce serait avec son ami. Oui, décida-t-il déterminé. Il le boirait, mais en compagnie de son vieil ami. Et tous deux célèbreraient alors la nostalgie du passé pour mieux reconstruire un avenir.

Fort de cette volonté, il déposa la bouteille, puis s’empara de sa plume et commença sa réponse. Il voulait lui répondre maintenant. Sans perdre un instant.


Mon vieil ami Balthazar,

Vous ne pouvez avoir idée combien votre cadeau m’a touché. Profondément. Il a ravivé en moi tant et tant de souvenirs. Je ne doute pas que votre cru soit aussi savoureux qu’elle était belle. Alana, mon épousée. Elle aurait été honorée de savoir que vous aviez ainsi pensé à elle. Je suis confus, mes propos semblent sans doute décousus, mais l’émotion est encore vive. Vous qui me connaissez bien savez, que, sous les masques que je revêts, pulsent des émotions fortes et puissantes, qui, si je sais bien les cacher, font toujours vibrer tout mon être. En cet instant, plus que tout autre encore.

Si vous saviez comme je m’en veux soudain d’avoir gâché tant d’années à nourrir une rancoeur éhontée et à avoir écarté ainsi notre belle amitié. Oui je m’en veux et mon coeur saigne de cela aussi. Vous êtes beaucoup trop généreux d’accorder ainsi tant de compliments à mes choix et mes actions. Ils n’ont pas toujours été des plus honorables, j’ai souvent dû commettre des exactions, si ce n’est par moi-même, du moins en ai-je été le commanditaire. Et si je suis fier de certaines réalisations, d’autres sont bien plus ombreuses et inavouables que je ne le voudrais. Alors ne soyez pas trop prompte à vous vilipender. Vous aussi avez su vous relever de toutes vos épreuves. Et même si votre chemin a été tout aussi tortueux que le mien, si ce n’est plus par certains aspects, vous avez après tout toujours suivi le même dessein. Vous ne vous êtes jamais éloigné de la droite lignée que vous vous étiez fixé : protéger votre famille. Dans les événements troublants qui ont parsemé nos vies, c’est d’autant plus louable, et peu peuvent se targuer de cette constance. Peu importe les médisants qui vous accableront en vous accusant de n’être que girouette au vent, ils ne voient pas ce que moi je vois : un homme fort et déterminé, qui a toujours tout fait pour sa famille et qui a mis bien souvent sa propre vie en danger pour se faire.

Ne l’oubliez pas. La bonté peut se trouver même dans la plus grande obscurité. Rien n’est noir ou blanc en ce monde, tout n’est que gris. Reste à savoir quelle nuance nous voudrons lui donner.

J’avais moi aussi un cadeau pour vous, qui attendait depuis de nombreuses années, mais que je n’avais jamais osé vous envoyer. J’ai peiné à le retrouver, mais il a survécu à l’exil et tous ces voyages. J’espère qu’il vous plaira. Il est le symbole de tout ce qui a jalonné ma vie et, en un sens, de ce qui a su me garder en vie. Non pas la négation des émotions comme j’ai pu le prétendre il fut un temps, mais leur acceptation pleine et entière, pour qu’elles puissent un jour trouver le repos en nous et devenir une force sans nous faire défaut. Car c’est là une des essences de notre humanité : nos émotions et notre conscience. La méditation a su me montrer cette voie-là, et ce petit objet m’a ainsi souvent aidé dans ma pratique quotidienne. J’espère qu’il saura aussi vous guider vers la paix, envers vous et le passé, pour mieux avancer vers un avenir à reconstruire.

Quant à votre vin, je n’ose l’ouvrir et ne puis me résoudre à le déguster seul. J’ai d’ailleurs réalisé que je souhaitais le savourer avec une personne qui pourrait pleinement partager cet instant. Et cette personne, ce sera vous, lors de notre prochaine rencontre, qui, je l’espère, ne saurait tarder.


Bien à vous, en toute émotion
Ilhan Avente

Il sabla alors sa lettre, puis la scella, sans même la relire, de peur de vouloir la reprendre, lui qui, si pudique d’ordinaire, délivrait certains pans de lui-même.

Il alla ensuite à son coffre et en sortit une belle boîte à musique, en bois foncé sur laquelle était gravé le sceau de la famille de Yonnis sur le dessus du couvercle, accompagné d'une petite phrase en belle calligraphie : "La musique est la langue des émotions". Sur le dessous de la boite était gravé le sceau des Avente. Il ouvrit la petite boite qui joua alors une mélodieuse harmonie, tandis qu’en son centre un Héron se mit à tourner sur un fond tapissé d'un épais tissu rouge sombre couleur vin. Souriant, il la referma, et manda Elyas pour faire expédier sa missive de toute urgence.

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Balthazar arrivait de sa démarche clauquediquante. Il traversa sa maison en saluant ses domestiques, les remerciant de leur service et complimentant le fumet qui montait de la cuisine. Il écarta les rideaux pour se rendre sur sa terrasse. Depuis peu, il n'aimait plus passer ses courts temps de repos que là bas. Le mobilier simple était réalisé de mains d'hommes. L'assemblage et l'artisanat n'était pas perfectionné au fil du savoir-faire accumulé des siècles durant. Les plantes ne poussaient pas sous la férule d'une volonté magique inébranlable. C'était l'humanité construite en oasis au milieu de l'architecture elfique omniprésente dans la cité. Curieux comme jadis il avait aimé leur culture et chéris la rareté de ses séjours parmi ce peuple secret et magnifique, les diamants et les étoiles plein les yeux. Mais le rare et le beau s'était fait quotidien et son esprit ne s'étonnait plus du matériel qu'il jalousait plus jeune.

Il était encore vêtu de ses habits d'extérieur. Des bottes de cuir idéales pour la monte et la marche, un pantalon sobre, une chemise de lin aux manches bouffantes, recouverte d'un gilet de velours bleu aux motifs aqueux. Il jeta son long manteau vert émeraude ainsi que son couvre-chef assorti sur une chaise et s'assit lentement en grognant et s'appuyant sur sa canne, sur un fauteuil d'osier. Il soupira et profita de l'instant de confort. Il avait fait un tour dans la campagne alentour et sur les rives du lac pour recueillir les solicitations du peuple. C'était l'usage d'un archonte. Serviteur du pouvoir ainsi que bras executif de sa volonté, il se devait de faire tourner avec la plus douce des parcimonie les rouages complexes et trop nombreux du pouvoir d'Ipsë Roséa. Bourgeoisie ancienne et parvenue, noblesse déchue, paysans, artisans, guerriers, mages... toutes ces catégories se mélangeaient dans le maelstrom de l'égalité citoyenne de la nouvelle ville, et découvrait chacune avec un enthousiasme exaspérant les joies de l'expression de son petit pouvoir politique sur la grande scène démocratique. Et au milieu de tout cela, Balthazar devait faire en sorte que ni les coulisses, ni les planches, ni le rideau, ni le public, ni la fosse, ni les acteurs ne s'écroulent dans un bain de sang.

Le travail l'épuisait et rongeait ses forces. Et cela le terrifiait. Il ne pouvait plus, physiquement, tenir de longues heures de négociations et de journées de travail à faire avancer petit à petit ses petits pions sur l'échiquier. Non seulement il ne se sentait plus capable, mais en plus il sentait aussi sa volonté faiblir. Si le travail lui demandait autant d'abnégation, en aurait il assez à donner à ses proches ? Ne devait-il pas revoir ses priorités ? Allait il refaire les même erreurs que dans le passé ? Peste…

Il fut tiré de sa reflexion par un contact glacé et métalique contre sa gorge. Une lame pointue qu'il reconnut sans peine. Il re-positionna ses mains nonchalament sur sa canne et un sourire fit monter sa moustache fournie et plisser ses pattes d'oies aux coin de ses yeux.
"Bonjour madame l'assassine. Les vignes que je vous ai confiées poussent elles bien sur les pergola dont nous avons fait l'aquisition ?"
"Tout à fait monsieur l'Archonte, mais je ne suis pas là pour ça.  Vous êtes mort, je viens vous détroner et vous dérober votre fortune !" dit une voix juvénile.
"Mademoiselle l'assassin, j'ai quelques objections à vous soumettre avant de mourir, écoutez moi je vous en prie avant de m'occire." dit il en jouant le jeu.
"Très bien, choisissez bien vos dernières paroles monseigneur."
"Tout d'abord n'acceptez pas une concession aussi grossière. Il est déjà trop tard dès lors que j'entame ma diatribe. Ensuite, ma fortune est bien moindre que jadis et vous fites une faute de jugement en estimant mes deniers assez nombreux pour vous donner la peine de m'assassiner. De plus, mon statut d'Archonte est soumis au vote populaire des membres de la cité, je ne possède malheureusement aucun trône pour accueillir votre petit derrière et aucune couronne pour ceindre votre petite tête. Et enfin, je n'ai pas envie de mourir et je vais vous le faire savoir aussitôt."

Avant même de finir sa phrase il releva sa main droite devant lui et imposa sa volonté à la trame. Un vent violent vint tourbillonner en dôme autour du vieux mage. Emporté par la puissance de l'air, des feuilles de vignes, les autres fauteuils ainsi que la jeune fille à la volonté meurtrière furent emportés et expulsés à quelques mètres.
Une missive qui avait été emportée par la bourrasque qui se dissipait vers le ciel retomba en voletant jusqu'aux pieds de l'Archonte.

"Tiens, tiens, tiens... tu voulais m'apporter cela c'est ça ? Décidément les facteurs n'ont plus aucune manières..." dit-il d'un ton narquois à sa petite-fille qui se relevait et lui présentait un air boudeur.
"Allez, c'est de bonne guerre, tu avais réussi à me toucher à l'escrime et à me faire un sacré bleu qui n'est parti qu'après trois jours d'application d'onguent. Tu me dois bien un petit décoiffage en règle."
Il observa le sceau et le reconnut tout de suite. Il déglutit et son coeur se mit à palpiter. C'était le retour du seigneur Avente à propos de son présent spécial. Après une seconde d'apréhension, il brisa le sceau et se mit à lire.

Après de très longues minutes de silence, Melchiorée se rapprocha de son grand-père.

"Grand-père pourquoi tu pleures ?"

Une question à laquelle il ne pouvait, ni ne voulait répondre.
Elle posa le petit paquet qui accompagnait la lettre sur les genoux de son grand-père, et le couva d'un regard convoiteux.

"Je peux l'ouvrir s'il te plait ?"

"Ou-oui... v-vas-y..." hoqueta l'aïeul.

Avec la délicatesse fameuse de la jeunesse, le paquet soigneusement emballé céda son trésor dans un froufrou joyeux.
"Oh ! Que c'est joli ! C'est notre héron ! Et en dessous... c'est le même blason que celui qui était sur le cachet de cire de la lettre ! La statuette est magnifique... et cette mélodie... ah... c'est comme du miel pour les oreilles..."

La boite à musique Melodia fit son oeuvre et délivra son trésor phonique, aux teintes de l'amitié des deux hommes. Dans un écrin de bois foncé verni, frappé de leur deux sceaux, au sein d'un intérieur rouge vin, un héron noblement dressé tournait lentement. La musique résonnait sur la terrasse entourée de lianes de vigne enlacées.
Balthazar se laissa aller sur l'air de la musique, son esprit balayé par l'émotion et par les petites notes aigues qui s'égoutaient en ronde, si simples, et si puissantes. Cette mélodie... elle était à la base d'un des premiers codes qu'ils avaient utilisé ensemble... C'était un code qui reposait sur l'oreille musicale de tout un réseau d'espion et leur capacité à entendre, reconnaitre, et reproduire en sifflant des mélodies différentes. Par conséquent, ils n'avaient jamais réussi à le mettre en place dans leurs réseaux respectifs car bien trop imprécis et compliqué. Ils l'avaient rapidement mis de côté, mais les souvenirs passés à le tester, à établir des règles, à enrichir le vocable... c'était ces souvenirs qui lui remontèrent, directement sorti de ce petit coffret pour s'imposer à son esprit. C'était la consécration d'une époque et un remerciement d'élève que peu de mentors avaient jamais eu l'honneur de recevoir.

Les moments où l'Archonte d'Ipsë Roséa perdait le contrôle de lui même étaient rares car il en fallait beaucoup pour le faire lâcher.
Mais de lire dans la réponse de celui qu'il respectait et admirait, un respect semblable, presque un reflet, c'était trop pour lui. C'est une chose de constater soi-même les bienfaits de certaines actions passées, et d'assumer des choix difficile à la faveur d'un présent plus clément. Mais c'en était une tout autre, par la plume inestimable de quelqu'un de si proche, d'apprendre que l'on était un "homme fort et déterminé qui a toujours tout fait pour sa famille."
Était-ce cela que l'on retenait de lui, au delà du camp des détracteurs ? Balthazar De Yonnis - enfin, Emerloch - l'homme dévoué à sa famille, un homme fort, prêt à se sacrifier pour le bien des autres ?
Bien sûr, en suivant vaguement ses principes, c'était une ligne de conduite qu'il avait essayer de tenir, au moins en apparence. Un idéal à atteindre, une sorte d'héroïsme romantique pour horizon, justifiant l'usage du pouvoir auprès de sa conscience, et surtout, une béquille morale lorsque le poids des responsabilités se faisait trop lourd.
Mais après la perte de son fils et ses exactions diverses et variées au sein du pouvoir, il n'y croyait plus vraiment...

"La musique est la langue des émotions"... Il a raison... Il faut accepter ses émotions pour nous donner de la force... Il a raison aussi là dessus... Et Dieux que c'est à la fois flatteur et agaçant de se faire ainsi dépasser..." pensa-t-il en reprennant ses esprits et en essuyant ses yeux humides.
Ah oui il aimait les émotions ?! Il allait en voir la couleur ! Serrant les poings et battant ses petites ailes mentales, il ferma les yeux et chargea l'envol mental de son esprit-lié. Fendant les vents, le petit oiseau chargé d'un message se lança pour arpenter les chemins de la trame qui reliaient Ipsë à Délimar.

"ILHAN AVENTE !" tonna l'esprit de l'Hirondelle à travers l'île de Calastin jusqu'aux oreilles mentales de son destinataire.
"J'ai reçu votre lettre et votre présent ! Comment osez-vous ?! Faire pleurer votre mentor en présence de sa petite-fille ! La pauvre enfant n'avait pas besoin de contempler ce triste spectacle ! Vous avez réussi à humidifier des sillons creusés de mon visage que je pensais tari à jamais, bravo, de quoi ai-je l'air désormais ?! Je ne vous laisserai pas vous en tirer ainsi !"
La voix puissante et autoritaire était chargé d'une colère feinte, à peine un agacement. Et l'hirondelle, dont le potentiel était pleinement éveillé, communiquait les émotions autant que les messages. La voix du vieux mentor ne faisait qu'exhiber l'énergie et la joie d'avoir reçu son cadeau. La joie et le soulagement de voir à nouveau les sentiments s'insinuer au milieu de la froide cordialité qu'ils avaient laissé s'installer entre eux.

"Enfin... j'imagine que c'est de bonne guerre puisque vous me renvoyez la pareille si j'en crois les ondulations du papier que vous m'envoyâtes. Estimez vous chanceux, conseiller, que mes obligations d'Archonte me retiennent à l'intérieur des murs de ma cité, sinon je me serai mis en route pour Delimar aussitôt. Je vous promet que je ne laisserai pas cette bouteille patienter beaucoup plus longtemps, et que l'occasion de la partager ce présentera sous peu. Passez moi l'expression mais... Vous allez boire ce que vous allez boire !"

Il ré-intégra le confort de ses 5 sens habituels et vit sa petite-fille qui le regardait, toujours en boudant. La pauvre petite n'avait clairement pas assez d'attention. Et de matière à mettre entre sa peau et ses os, rajouta son instinct de grand-père.

"Allez, viens Melchiorée, ce soir nous fêtons et trinquons à l'amitié inaltérable. Malgré la distance et les années, certaines choses ne saurait cesser de se relever. Nous mangerons une caille farcie, comme si elle était un véritable phénix ! Car le feu de nos passions, qu'on croyait éteint, fini toujours par renaitre de ses cendres pour faire dorer nos meilleures denrées !
...
Oui ma chérie, tu auras droit au lait avec du miel. Allez, à table."
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Les embruns étaient revigorants en cette matinée et lui fouettaient le visage en charriant des effluves marins rassérénants. Il n’avait pas pu se rendre sur la plage comme à son habitude pour une séance méditative et s’entrainer quelque peu aux nouvelles techniques que Purnendu lui avait apprises. Mais il était encore tôt et il avait quelque temps devant lui avant de devoir se rendre à la citadelle. Il avait alors décidé d’aller offrir quelques créations typiquement althaïennes à l’autel du renouveau. Cette simple petite élévation de roches érigée près de la plage, sur laquelle les délimariens avaient pris pour habitude de déposer des offrandes diverses et variées pour leurs paires.

Ilhan s’y était rendu déjà quelques fois, mais peu souvent, pour y déposer un livre, don rare et précieux à ses yeux, ou un parchemin contenant un poème, une rose, des oranges de sa petite orangeraie qu’ils avaient tenté de faire pousser dans sa petite cour, ou un broc de lait de chèvre. Mais il devait avouer ne pas en avoir fait un rituel sacré et coutumier. C’était là peut-être l’une de ses erreurs. Prendre les rites de Delimar et les adopter pleinement, consciemment, pourrait les aider, lui et les siens, les autres althaïens de sa demeure, à faire partie de cette cité qui leur avait semblé si étrange. Parfois hostile, parfois rassurante, mais toujours déroutante.

C’est ainsi que lui, accompagné de toute sa maisonnée, se rendait sur la plage, à ce fameux autel. Dihya y déposa des étoles, qu’ils calèrent avec des pierres. Shan et sa femme y déposèrent des statuettes de bois que Shan avait taillées et policées et que sa femme avait peintes. Vladimir y déposa une petite dague venant du forgeron althaïen qu’Ilhan avait rapatrié de sa dernière visite à Cordont. Et Elyas déposa des friandises typiquement althaïennes et un fromage de chèvre tout récent. Ilhan offrit à son tour une petite pierre de joaillerie précieuse, qu’il avait reçue il y a de longues années, d’un grand orfèvre althaïen, et qu’il avait conservée tout ce temps sans savoir qu’en faire. Il avait songé l’offrir à Dihya en cadeau de mariage, sertie en diadème ou collier… mais elle lui avait alors suggéré de l’offrir plutôt sur cet autel. C’était là un don précieux qu’il avait longuement hésité à faire, mais il avait suivi son vœu.

Ils ne s’attardèrent pas toutefois, malgré quelques badauds qui allaient et venaient aussi à l’autel. Ilhan avait clairement senti le malaise des siens à être ainsi exposés et observés, eux qui avaient si peu l’habitude de sortir. Peut-être était-ce un tort d’ailleurs, et sans doute devrait-il y remédier et les solliciter plus souvent à l’extérieur, pour qu’ils se mêlent plus aux habitants de Delimar. Mais il ne les obligea pas à s’attarder plus longuement en ce lieu, songeant que cet effort était déjà un grand pas pour tous. Pour eux et pour les délimariens qui les saluaient sur le passage, ou leur offraient parfois un signe de tête, un léger sourire, ou simplement un regard bienveillant. Des signes encourageants, qui, il l’espérait, pousseraient les siens à continuer. À son retour, il instituerait certainement une sortie hebdomadaire de la sorte, pour les aider.

Ce fut sur ces pensées qu’ils arrivèrent en sa demeure. Des messages l’attendaient, dont une lettre d’une araignée. Des nouvelles de celle qu’il avait postée en surveillance à Néthéril pour vérifier si elle parvenait à rapatrier l’araignée en détresse qui semblait s’être fait démasquer chez les pirates. Pas de nouvelles, pas de trace, aucun signe de vie, disait la missive.

Ilhan reposa la lettre dans un soupir, et ses sombres pensées l’amenèrent à ce jour où l’un de ses agents lui avait signalé un messager suspect et étrange à Cordont, qui aurait, vraisemblablement, délivré une missive, malheureusement non interceptée, à un membre du bureau. À son grand désarroi, il n’avait pas réussi à attraper le messager en question ni à savoir qui était ce membre du bureau. Mais ils avaient pu remonter quelques traces et l’une des principales hypothèses retenues par ses araignées était que le message pourrait venir des pirates. Le Bureau d’Études des Ekynoppires avait-il été infiltré ? Si oui, comment et par qui ? Pour l’heure, Ilhan ne le savait toujours pas. Quand bien même ils avaient gardé un œil sur chaque membre du bureau au potentiel suspect. Mais de là leur était venu l’idée, folle, suicidaire, d’infiltrer les pirates à leur tour. Parfois, Ilhan regrettait cette décision. Une seule araignée restait en lice. Saurait-elle survivre et infiltrer ce sombre réseau sans se faire prendre ? C’était en plus l’une des araignées à laquelle il s’était étrangement attaché. Il détesterait l’idée d’apprendre sa mort.

Mais il n’était plus temps de se morigéner à ces sujets. Les dés étaient jetés. Il ne pouvait plus qu’attendre. Et espérer. Et il était temps de se rendre au Conseil.

Une séance de Conseil à laquelle il fut quelque peu distant, écoutant certes d’une oreille attentive, mais l’esprit clairement ailleurs également. Il peinait à se concentrer. La douleur, la fatigue, l’inquiétude… la préparation de son voyage à Sélénia aussi. Une combinaison qui ne l’aidait en rien. Que dire alors quand il entendit soudain son nom rugir en son esprit par une voix forte de stentor. Il l’aurait reconnue entre mille, même s’il ne l’avait plus entendue depuis longtemps. Le son fut si fort, et résonna de façon si violente en son esprit, qu’il manqua sursauter. Tryghild à ses côtés ne manqua sans doute pas sa crispation toutefois. Et il lui coula un regard d’excuse. Il ne put cependant répondre à sa question muette, de peur que ses paroles ne soient qu'incohérences ineptes, alors qu’il entendait l’hirondelle continuer son discours. Il lui fit un discret signe de la main lui signifiant que tout allait bien, tout en écoutant les vociférations de son ancien ami.

Qu’il aurait aimé en cet instant pouvoir lui rendre la pareille ! Lui crier de la même façon quand il serait à son tour au conseil d’Ipsë Rosea ! Était-ce des façons ? Tous ces regards circonspects sur lui alors qu’il manqua rire aux paroles outrées de Balthazar. Il dut se mordre les lèvres, même si son sourire ne disparut pas, et, une fois le laïus de son ami fini, expliqua rapidement avoir reçu un message un peu foudroyant d’un spirite un tantinet cyclomique. Cela eut le don de faire sourire quelque peu ses paires et de tourner la page sur ce petit incident. Mais foi d’Avente, une fois rentré chez lui, il lui répondrait, dut-il retarder son départ de quelques minutes.

C’était dans ces instants-là qu’il hésitait à lui envoyer un anneau des murmures. Quand bien même ils étaient pour l’heure hors d’usage… Ils étaient normalement destinés à la Toile, comme Calliste, son infiltrée chez les pirates, qui en avait un en sa possession. Mais il en avait également décerné à des alliés particuliers, tel Kehlvelan Vairë, son maitre et soutien indéfectible dans les moments les plus difficiles. Pourquoi n’en enverrait-il pas à Balthazar ? Après tout il était mécène de la Toile, même s’il ne l’avait pas toujours su… Peut-être pourrait-il en donner un aussi à Aldaron pour garder contact… Mais il s’égarait, se fustigea-t-il mentalement. Il devait répondre à cette maudite hirondelle. Et vite !

Et c’est ainsi que le soir venu, il attrapa sa plume et griffonna à la va-vite, avant de devoir embarquer pour Sélénia, une réponse à son ancien mentor.


Cher ami,

J’ai bien reçu votre réponse. J’ai bien failli devenir sourd d’ailleurs et passer pour un parfait idiot en plein Conseil de Delimar. Grand bien vous a pris de faire appel aux Esprits-Liés et non à la magie, en cet instant ! J’aurais été bien en peine d’expliquer un énième cataclysme magique au sein de la cité de l’honneur.

Je dois vous avouer n’avoir aucun remords quant à ce cadeau. Je suis heureux que votre coeur ait résisté à tant d’émotions et aurait été éploré de vous avoir causé quelque crise que ce soit, mais je ne regrette pas de vous avoir enfin fait parvenir ce qui vous attendait depuis de si longues années. Ne comptez donc pas sur mes excuses à ce sujet. Je suis d’ailleurs certain que vos larmes n’ont pas creusé tant de rides que cela. Et n’osez pas prétendre quand nous nous reverrons que celles que vous avez sont de mon fait ! Un ancien mentor à moi m’a appris à détecter ce genre de mensonge éhonté !

Mais vous avez raison. Je dois avouer avoir été épris des mêmes affres en recevant votre colis. Même si ma réponse n’était alors en rien une fourbe vengeance calculée. Loin de là, et j’espère qu’en votre coeur le vieil ami que vous êtes me croira. J’espère pouvoir bientôt visiter Ipsë Rosea, au sein de laquelle j’ai déjà été invité pour visiter la Loge d’ailleurs. Toutefois, je crains que ce ne puisse être de suite. Je dois partir ce soir pour un court séjour diplomatique à Sélénia. Peut-être lorsque je serai rentré, courant septembre, et si les affaires de Delimar ne m’obligent pas à un autre voyage entre temps.

Sachez en tout cas, qu’il me tarde de vous revoir et de partager avec vous les Fruits d’Alana.



Avec affection
Ilhan Avente

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