Une plage de Caladon
5 Septembre 1763
5 Septembre 1763
Dieux qu'il avait du mal avec les vacances...
On lui avait sommé de se reposer, de se détendre, de se prélasser sur le sable chaud, sans rien faire. Cela devait lui faire du bien aux os, à ses rhumatismes et tout ce qui clochait avec son corps. Et effectivement il sentait ses muscles se dénouer, et son corps s’amollir doucement. Mais au lieu de le calmer, cela ne faisait que l'agacer. Il avait fui l'ennui toute son existence et on le punissait encore de repos sous prétexte que sa santé était fragile. Oui il avait failli mourir plusieurs fois d'une attaque cardiaque mais bon... ce n'était pas une raison pour le laisser dépérir sous un parasol, les vêtements irritants plein de sable et la peau agressée par les embruns marins ! En plus, le repos n'était même pas de bonne qualité, car les plages étaient petites, et surtout étriquées entre les embarcadères bruyant du port. Sur les pontons les marins et dockers s'activaient, chargeaient et déchargeaient des caisses de marchandises, en agrémentant le paysage sonore de leur accent chantonnant et surtout de leur argot fleuri et subtil.
Il avait accepté de mauvaise grâce d'aller à Caladon sous prétexte que sa petite-fille et sa femme voulaient découvrir les marchés et surtout les belles étoles. On lui avait vendu une cité de plaisance et un lieu idéal pour se détendre et découvrir pleins d'objets curieux. Mais tout d'abord, il trouvait qu'Ipsë Roséa était plus plaisante parce que bien plus jolie grâce à l'apport culturel des elfes, certes moins fournie en objets curieux, mais par conséquent moins bondée de foule et bien moins bruyante et vulgaire.
Puis on l'avait trainé contre son gré dans les multiples échoppes des différents charlatans, non, "marchands caladoniens", et ça n'avait pas été non plus. On lui reprochait d'abord son mutisme et scepticisme, puis quand il s'était enfin mis à parler, on lui avait demandé de se taire. C'était absurde ! La tradition marchande comprenait pourtant bien une certaine part de négociation, et il avait décidé de l'honorer. Ce n'était quand même pas sa faute si chacun des articles de chaque boutique était bien trop cher par rapport aux prix normaux... Le cours du textile n'était vraiment plus ce qu'il était... De son temps... On pouvait s'habiller décemment sans être dépouillé d'une valeur d'au moins 3 génisses !
Les femmes avaient décidé de se séparer de lui, comme d'un garnement qui aurait fauté. Dur d’apprécier la beauté du paysage dans pareilles conditions. Heureusement il avait fait l'acquisition de bonnes pièces de viande de moutons, bien grasses et riches, cuites à la broche et garnies dans un pain blanc saucé et tapissé de légumes frais, pour pouvoir les déguster sans couverts. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas expérimenté une telle nourriture, si typique des coutumes culinaire du bas peuple. Un "plat d'honneur" quelque chose que ça s'appelait... Il pouvait bien en gouter quelques bouchées et laisser le reste à ses filles pour s'excuser de son attitude.
Enfin... si ces maudits oiseaux de malheur ne parvenaient pas à lui subtiliser son colis ! Un essaim de mouettes, alléché par l'odeur, s'était réuni autour de son parasol et de ses affaires pour guetter l'instant propice où elles pourraient se jeter sur le trésor juteux. À chaque fois qu'il se levait et agitait les bras pour les faire fuir, elles s'en allaient en sautillant bêtement et émettait des coassement idiots et jetaient des regards outrés stupides au cupide bipède, gardien de la manne tant convoitée. Balthazar était à deux doigt de dégainer sa rapière et de tenter d'embrocher les volatiles mais il savait qu'il se fatiguerait bien avant d'avoir frôlé ne serait-ce qu'un bout de plume. Si seulement la magie était déjà redevenue une valeur sûre... il aurait pu dégainer une bourrasque de vent pour envoyer aux cieux ces oiseaux de malheur...