Début Septembre
Aube
Shyven s’était réveillée avec les poules ce matin. Son sommeil était perturbé, non pas par un quelconque cauchemar ou terreur nocturne ayant déranger le doux repos de la dragonne, mais parce qu’elle était impatiente.
Kaalys, son « papa-tout-chaud » d’amour lui avait promis, « Demain, je t’apprends à chasser et à voler ! ».
Évidemment, il n’en avait pas fallu plus à la petite opale pour être dans tous ses états : elle qui avait soif de découvrir le monde par elle-même et de « faire comme les grands », elle était persuadée qu’aujourd’hui allait s’ouvrir un tout nouveau chapitre de sa vie.
Il faut dire que ces derniers jours n’avaient pas été de tout repos pour la dragonne : l’Équilibre, la rencontre de sa famille, les questionnements sur son statut de dragonne et de savoir si elle faisait bien les choses … Clairement, même s’ils l’avaient un peu brassé, ses deux oncles avait profondément marqué Shyven.
Depuis leur rencontre, non seulement Shyven avait découvert un tas de choses sur sa propre existence, mais elle avait également d’en être sortie … « grandie » ? Certes, elle ne partageait pas le caractère de Ssaadjith et Nephilith, très loin de là, mais elle savait qu’eux, représentaient leur nuée.
Ssaadjith était certes affreusement arrogant et obnubilé par une chose : sa propre petite personne, mais il était également un être ambitieux, malin et tout à fait capable. Il avait définitivement l’étoffe du dirigeant, cela Shyven en était persuadé. Il restait à voir comment leur père allait décider de façonner son fils. Tout se jouait à ce moment pour le dragon noir.
Quant à Nephilith … Sa grande sagesse allait sûrement servir de guide, de phare dans la brume pour les prochains défis que la nuée aurait à affronter.
Et Shyven se trouvait au milieu de ces deux êtres singuliers, à la fois porteuse de cet héritage lourd mais aussi profondément … Différente pour toutes les choses que Kaalys lui faisait vivre, mais qu’elle sentait également liée à elle. Elle ne se voyait définitivement pas sans cette part de ce que certains qualifieraient « d’insouciance » ou encore « d’humanité ».
Elle tourna un petit peu sa tête, pour la poser confortablement dans un espace situé sur les ailes de son père, encore profondément assoupi. Définitivement elle se sentait profondément au centre de toute cette petite famille, mais également profondément isolée.
N’appartenant pas vraiment à un camp, comme à l’autre, elle peinait à discerner son rôle dans les années prochaines, au milieu de cette grande nuée qu’était la sienne. Et en même temps, est-ce que toutes ces questions existentielles étaient bien de son âge ? Il n’y a pas trois mois, elle venait tout juste de sortir de l’œuf.
Elle ne faisait même pas un mètre, qu’elle sentait qu’on lui imposait déjà d’avoir un plan de vie pour les trois-cents années à venir.
La petite dragonne tapota sa tête sur les ailes de son père, avant de fermer les yeux.
Il était trop tôt pour les dilemmes existentielles, Shyven avait encore du sommeil à prendre avant cette grande journée.
Matin
Après une tentative peu fructueuse de dormir, le sommeil ayant été pétri de questionnements et de rêves-pas-gentils en tout genre perturbant le repos de la dragonne, Shyven s’extirpa des ailes de son père.
Elle fit mine de partir à ces petites habitudes matinales, faisant comme à son accoutumée un petit tour de la grotte pour s’assurer que rien n’avait bougé pendant la nuit, puis dès qu’elle vit le commencement de soulèvement d’une paupière de son père, elle courra vers lui :
« Alors Papa, dis, dis, c’est aujourd’hui ? C’est aujourd’hui que je vole et que je chasse comme les grands ?!! »
La petite plume rose fit quelques petits tours sur elle-même et sautilla sur ses petites pattes, attendant manifestement une réponse favorable de son père.
Sa vie prendrait un nouveau tournant aujourd’hui, Shyven en était convaincue.