Luna venait de se réveiller. Elle resta plusieurs minutes à repenser au songe qu’elle avait fait et à calmer la tempête d’émotions qui s’était soulevée chez elle. Une fois la brume disparue de son regard, elle étirant son bras pour attraper une plume et cueillit son carnet puis commença à noter les détails qu’elle se rappelait. Dans son rêve, elle était en plein air et nageait parmi les vagues en compagnie d’Orfraie à faire un bon bain de minuit, activités torrides sous-entendues entre les baigneuses. Puis son bateau voyagea jusqu’à d’elles et ses marins lancèrent un phare miniature parmi les flots qui devint alors gigantesque. « Qui a dit que je voulais d’un fleuve? Ne savez-vous pas lire les instructions? On doit me jeter à la mer pendant l’équinoxe ou le solstice! On ne me dérange pas impunément. Je vais vous tuer! » Retentit la bâtisse colère. Le phare n’était pas content. Luna s'était fait attraper le pied par une algue et puis tirée sous l’eau. L'air allait lui manquer. Néanmoins, le corps d’Orfraie s’était complètement enflammé et l’atmosphère était devenue étouffante. Mais Luna n’était pas affectée négativement et l’algue fut brûlée instantanément. L’endroit devint aride, l’eau fut asséchée et bientôt tout ne devint que sécheresse. Le fleuve fut à sec. Il ne restait plus que rochers et écumes à leurs pieds. La Flamboyante leva le doigt vers le phare et… ce dernier demanda pardon. La plage, le sable et le rivage s’étaient ensuite évanoui. La berge avait été remplacée par un paysage campagnard familier où un troupeau de vaches paîtraient paisiblement sur le pâturage et où son père moissonnait la terre non loin. Sa mère apportait du foin aux chevaux et lui souriait. Ce n’était plus un rêve, mais un souvenir… Les semailles avaient été bonnes cette année-là et la saison chaude était passée tellement rapidement. Elle ne se rappelait plus de la suite du rêve, mais c’était déjà bon de s’en souvenir autant. Depuis qu’elle avait vécu un rêve commun avec Valmys, Aldaron et Dawan, elle aimait noter à quoi elle rêvait. Lorsqu’elle se relisait, rares étaient les occasions où elle ne se demandait pas où son subconscient allait chercher tant de créativités.
Elle ne voulait pas restée étendue une minute de plus. L’humeur de princesse sélénienne était radieuse. Sans même avoir jeté un coup d’œil à travers la fenêtre de sa chambre, elle savait que la journée s’annonçait des plus belles sans être étouffante de chaleur. C’était l’avantage d’être liée à la grenouille que de savoir quelle température il ferait. Néanmoins, son humeur y était associée et elle appréciait une journée ensoleillée contrairement aux précédentes où la pluie, l’orage, les averses et le vent qui s’emballait avaient remplacé les beaux jours. Les précipitations influençaient négativement son humeur. Tout comme elle n’aimait pas ce que le temps caniculaire opérait en elle.
Elle arrêta son geste de la main, se retenant d’utiliser la magie pour ouvrir les rideaux comme elle l’avait fait mille et une fois précédemment. La jeune femme se rappelait encore la fois où elle avait brisé la fenêtre ainsi… Elle n’était pas la seule à avoir eu de vilaines surprises et avoir causé des catastrophes dues au dérèglement de la magie. Ça s’était un peu calmé, heureusement! Elle se rappelait encore la fois où les cuisines du château avait failli passer au feu parce qu’un domestique avait voulu cuire du blé en allumant un feu brûlant de source magique.
Luna se vêtit rapidement d’une magnifique robe bleutée qui rappelait la mer et l’océan. Elle ajouta une ceinture clair de lune avec des motifs de coquillages. Elle enfila des souliers qu’elle n’avait pas besoin d’attacher, car marcher nu-pieds serait mal vu. Avec la bedaine qu’elle avait, elle préférait éviter de se pencher lorsqu’elle le pouvait. Elle attrapa finalement sa sacoche puis sortit.
Le premier arrêt fut la cuisine. Son ventre gargouillait et elle voulait y remédier rapidement pour éviter les nausées.
- Que pouvons-nous vous offrir aujourd’hui, princesse? Nous avons des fraises fraîchement récoltées, des grappes de raisins et des pommes mûres. Demanda un domestique.
- Que diriez-vous d’une salade de fruits aux montagnes de saveurs que je viens tout juste de préparer? Ajouta une servante en souriant.
Il y a également des petits pains parfumés à la vanille. Je peux vous offrir un rafraîchissement?Luna avait pris la mauvaise habitude, ou pas, de se rendre directement aux cuisines pour saluer les gens et leur demander de quoi se mettre sous la dent. Discrètement, elle prenait note des rumeurs qui couraient et des tracas par la même occasion.
Une fois sustentée d’un peu de tout, la princesse des lumières passa à travers les jardins royaux en se demandant si elle croiserait Nolan ou Victoria. Avec les derniers événements, ce n’était pas étonnant de ne pas les voir. Ici, c’était l’un de ses endroits préférés du château : un régal pour les yeux et pour le nez. En effet, la senteur des sentiers fleuris était vivifiante et la végétation efflorescente était resplendissante. Un joli chemin composé de galets menait jusqu’à la présentation de plantes aquatiques en floraison dans une petite étendue d’eau. Quelques animaux étaient présents : des poissons dans l’eau, des oiseaux qui faisaient des vagues sur l’eau ou qui se promenaient sur l’herbe à la recherche de graines ou encore qui se cachaient dans le feuillage des arbres. Un chat lézardait d’ailleurs au soleil. Quelques abeilles butinaient sur les tournesols et sur quelques bourgeons qui, après fructification, donneraient des concombres et des tomates. Un rossignol chantait ou peut-être était-ce une autre créature, mais ce n’était certainement pas des grillons ni des cigales. Une couleuvre verdoyante disparut dans l’ombrage et attira son attention sur les lis zéphyr. Il y avait quelques insectes : criquets, mouches, mais aucun moustique heureusement. Elle resta un petit moment dans les jardins puis sortit.
Luna traversa la ville pour se rendre à l’endroit où des tentes temporaires avaient été érigées et accueillaient le fameux cirque. Elle avait très hâte de voir les artistes à l’œuvre et elle savait que cela offrirait un peu de répit aux Séléniens. Ils n’avaient pas eu la vie facile ces derniers temps avec tous les événements qui s’étaient passés. Comment se déroulerait la suite? Elle chassa ses questionnements et décida de se concentrer sur le moment présent : aller au cirque. En chemin, elle alla à une boulangerie qu’elle aimait beaucoup puis s’arrêta un petit moment au port pour observer les cerfs-volants qui s'étendaient joyeusement dans le ciel grâce à la brise estivale.
Il n’y avait pas de spectacles pour le moment. La jeune femme s’était tout de même permise d’entraîner dans le périmètre du cirque et de se promener entre les tentes. La majorité des artistes semblait trop concentrés sur leur entraînement pour la remarquer. Une lumière éblouissante attira son attention et elle vit à travers la fente d’une tente un homme à la chevelure rousse qui se baladait en faisant rouler un ballon. Son corps était lumineux et des boules de lumière dansaient autour de lui. Un sourire se dessina sur ses lèvres, car elle se voyait en lui en train de faire la même chose. Certes, pour elle ce serait à travers son sort unique et non pas des effets de l’Esprit-Lié du lampyre. Avec un peu d’entraînement, elle parviendrait à être aussi agile que lui, non? Lorsqu’elle ne serait plus enceinte, bien sûr… Dans une autre vie, dans d’autres circonstances, aurait-elle pu finir artiste d’un cirque tel que celui-ci?
C’était étonnant que personne ne soit venu la voir déjà. Luna se demanda presque si on ne l’avait pas vue ni reconnue. Mais un instant plus tard, tournant le coin, ses azurs se posèrent sur un petit groupe de personnes dont l’homme blond la salua poliment.
- C’est un plaisir de faire votre connaissance… monsieur Bonaventure. Répondit-elle sur un ton joyeux. Elle l’avait presque appelé simplement Ezel, mais s’était repris au dernier instant. Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir.
Je tenais à vous souhaiter, à vous et votre cirque, la bienvenue à Sélénia et à m’assurer qu’il ne vous manquait de rien. Poursuivit-elle pour expliquer rapidement la raison de sa présence. Elle ne voulait pas que la présence royale lui cause inutilement du stress.
La princesse sélénienne avait manqué de l’appeler directement par son prénom. Mais on lui répétait sans cesse que c’était impoli et non digne d’une personne de son statut. Pourquoi tout devait être nécessairement compliqué. Un sourire était logé sur son visage. Elle avait entendu de bons commentaires concernant les spectacles, mais elle n’avait pas encore eu la chance de voir le cirque à l’œil. La curiosité l’avait définitivement piquée. Les Séléniens semblaient vivre une bonne expérience et elle souhaitait que la suite se déroule bien.
Son regard s’était posé avec douceur sur la petite frimousse qui était clairement paralysée par sa présence sur la tête d’Ezel. Quel âge devait-elle avoir? Elle n’était pas bien vieille en tout cas.
- Je suis Luna, la princesse des lumières. Se présenta-t-elle à l’enfant, en se rapprochant d’elle.
Je suis heureuse de faire ta rencontre, petite princesse du soleil. Est-ce grâce à toi que cette journée est si magnifique? Demanda-t-elle en levant le bras vers le ciel pour le désigner.
Princesse des lumières, c’était comme cela que les gens l’appelaient également. Titre qu’elle avait gagné au sein de la rébellion et qui avait continué de croître par ses actions se voulant bénéfiques, notamment l’aide aux orphelins et la nourriture aux plus démunis. Il faut dire qu’elle aime faire briller les choses aussi dès qu’une opportunité se présente. Pour s’adresser à une enfant, cette présentation d’elle lui paraissait moins froide et plus créative que l’emploi du Luna Kohan, princesse sélénienne.