8 Août 1763
Esplanade des Arlequins, Ville haute, Sélénia
Esplanade des Arlequins, Ville haute, Sélénia
-Encore papa, encore !
Perchée sur mes épaules, ma petite Golvine, armé de ses petits gants, me tirait doucement les cheveux, me faisant relever la tête de mon ouvrage. Trop concentré sur les coutures de sa robe, j'avais visiblement arrêté de faire tomber la neige. Elle et moi avions pris l'habitude de ce petit rituel pendant les moments calmes comme celui-ci. Quand la journée était trop chaude pour les entraînements des artistes ou bien trop ensoleillée pour ne pas profiter pour aller se balader, elle grimpait sur mes épaules et profitait de ma fraîcheur naturelle, en plus de réclamer un petit nuage de flocons. En plus de passer des moments joyeux avec elle, cela me permettait de m'entraîner à faire plusieurs choses à la fois. Si je voulais progresser dans ma maitrise des arts du Léopard, c'était bien ces petits exercices qui me convenaient le mieux.
-Pardonnez moi chère princesse, je vous remet cela tout de suite, dit-je avec malice.
Ça ne me demandait pas beaucoup d'énergie après tout, et puis, pour une gamine de 2 ans, c'était la meilleure chose au monde. Comment pouvait-on décemment résister à la joie que cela lui procurait ?
-Tu la chouchoutes trop Ezel. Fais attention ou elle deviendra une diva comme toi haha !
-Eh oh, tu sais ce qu’elle te dit la diva !
Je lançai un regard dédaigneux à Klauss. En équilibre sur un tonneau, il profitait du petit vent frais que je générais pour s'échauffer. En tant que Lombric, sa spécialité était le contorsionnisme et je devais avouer qu’il était sacrément doué. Son échauffement consistait à former l’alphabet avec son corps et il en était à la lettre “M”. Son rictus en disait long. Il y avait toujours eu une rivalité entre ceux qui manipulaient leur corps comme personnes, et ceux, comme moi, qui reposaient sur leur adresse. Ô bien sûr, ce n’était pas méchant, juste quelques petites boutades par-ci, par-là. Tous les membres de la troupe était taquins et c’était bon enfant de se quereller.
Toujours était-il que j’avais fini mes derniers points de croix et examinait avec satisfaction mon oeuvre. Ma fille adorant le orange, je lui avais cousu une robe sans manche, arborant cette chaude couleur, aux motifs de perroquets. Mes jeunes année en Althaïa me servait généralement à fabriquer ma propre garde-robe, mais plus seulement. Pour sa plus grande joie, ma fille était devenu mon égérie.
Et c’est à ce moment précis que Cassandra arriva. Visiblement essoufflée d’avoir couru, elle me signala que la Princesse était à l’entrée du camp. Surpris, j’en manqua de faire choir mon petit piou de son perchoir. Je manquais de demander “Laquelle ?” avant de me rappeler qu’il n’y avait plus qu’une princesse, Victoria Kohan ayant monté sur le trône quinze jours auparavant. Mais enfin, nous étions en plein milieu d’après-midi, que pouvait bien faire la Princesse des lumières ici ? Et mon père qui était parti pour une course, je me retrouvais avec la lourde charge de m’occuper de cette affaire…
-... Bon très bien, je vais m’en charger… Tu peux aller chercher Astrid et lui confier Golvine le temps que…
Tirant sur mes cheveux, la principale intéressée me gratifiant d’un tonitruant “Non !”, je dû céder à son caprice sous peine de perdre quelques mèches. Visiblement, le mot “princesse” pour désigner quelqu’un d’autre qu’elle avait attisé sa jalousie et elle comptait bien la rencontrer. A la fois attendri, amusé et un brin inquiet, j’espérais que Luna Kohan aimait bien les enfants…
-Majesté, c’est un honneur de vous voir ici en cette belle journée !, fis-je en m’avançant vers elle et en m’inclinant respectueusement. Je suis Ezel Bonaventure, fils de Bartolomé Bonaventure, directeur de ce cirque. Je parlerai en son nom et celui de la Troupe.
Le Cirque du Renouveau connaissait une réputation notable parmi les classes populaires et bourgeoises, mais je ne savais pas ce qu’il en était parmi la noblesse, aussi je partais du principe de le présenter comme il convenait. Ceci dit, il me semblait que la Princesse Luna était issue du peuple… Dans le doute, je me montrais le plus aimable possible. Il était mauvais pour les affaires de se mettre des dirigeants à dos…
-Comme vous pouvez le voir, nous ne donnons pas de représentations avant ce soir, mais je peux peut-être vous aider pour autre chose ?
Je lui offris mon meilleur sourire, étant réellement curieux de savoir ce qu’elle venait faire ici. Golvine, ce petit Perroquet d’ordinaire si bavard, semblait s’être pétrifié d’admiration devant la beauté de la Princesse des lumières. Fermement agrippée au sommet de mon crâne, elle ouvrait de grands yeux verts brillant et ne semblait pas pouvoir fermer la bouche.
Dernière édition par Ezel Bonaventure le Mar 14 Jan 2020 - 18:24, édité 1 fois