- Depuis quand n'avait-il pas fait une bêtise ? Trop longtemps, et il était l'heure d'y remédier. Le dragonnet avait saisi l'occasion quand sa mère eu le dos tournée, accaparée par une discussion avec Nynsith. Voilà qui lui laissait un peu de temps devant lui, et ce d'autant plus qu'il avait laissé un leurre lui ressemblant pour que son absence n'alerte pas immédiatement les siens. C'était parfait, il avait l'océan pour lui tout seul. Keetech et Verith étaient bien trop protecteurs à son goût, il avait besoin de découvrir le monde et d'embrasser la nouveauté de ces paysages. Tous ces sensations, extraordinaires étaient d'une richesse certaine dont sa parenté le privait. On pourrait bien dire qu'ils faisaient ça pour son bien et il acceptait de le croire, mais il nourrissait un profond ennuie à vivre logé contre leur grandes écailles et les erreurs, les échecs étaient les meilleures écoles pour qu'il devienne grand !
Il l'était en un sens. Du haut de ses quatre mois il dépassait aisément les 80cm au garrot, et son corps longiligne devenait musculeux. Grâce à son père, il devait l'avouer, les cours de chasse avaient fini par payer, lui qui était né si chétif. Il n'avait pas encore la stature d'un puissant fenrisulfr, mais cela ne saurait tarder. Encore quelques mois et il pourrait se vanter de pouvoir les broyer dans sa gueule. Quelle gloire cela serait à ce moment là ! Il fanfaronnerait tant et tant, comme il l'avait fait pendant les semaines qui avaient suivi la mort de ce bipède qu'il avait tué par ruse. Il avait tellement voulu rendre son père fier, lui qui ne jurait que par sa haine des bipèdes ! Qu'à cela ne tienne, bientôt il tuerait également des fenrisulfr, rivalisant contre leur agressivité avec une férocité plus grande encore !
La tête draconique émergea de la surface de l'eau, contemplant l’immensité salée qui l'entourait à perte de vue... Jusqu'à ce que son regard accroche sur cette chose à la surface de l'eau. Ses mires d'absinthe se chargèrent d'une curiosité alors qu'il focalisait ses pupilles reptiliennes pour mieux en discerner les contours. C'était... Répugnant. Il avait déjà vu des navires, mais celui-ci avait l'air d'être recouvert d'une chair, telle un charnier puant... Un peu comme les fiellon qu'on trouvait sur Keet-Tiamat. Leur odeur nauséabonde était à la hauteur de l'amas de chaires maintenues ensemble par des racines. Verith pouvait dire bien du mal des bipèdes, Ssaadjith les trouvait assez astucieux. Cela n'atteignait pas l'inégalable intelligence draconique, mais tout de même ! Arriver à reproduire un fiellon ! Voilà qui sortait de l'ordinaire !
Il approcha donc, avec cette insouciance qui caractérisait tant les enfant. La chose était aussi grande et puissante que les golems qu'on trouvait, dit-on, sous Calastin. Immense, robuste... Et lent. Il pouvait faire une petit brasse à côté sans trop se faire semé pour ce vaillant mangeur des mers. Et, comme les golems, Ssaadjith su qu'il était très territorial quand il posa une griffe dessus. Cela semblait se nourrir de son essence, mais fort heureusement, il était un dragon ! Un être de la race suprême, comme l'aimait à le dire son ego démesuré. Ce fut donc en ricanant mentalement qu'il grimpa à bord le plus discrètement possible, s'agrippant aux parois de chair. Il guetta le moment opportun et passa par dessus de bastingage pour se cacher entre deux tonneaux. Et de là, il observa.
Les gens, ici, avaient le comportement des Karapts. Bien rangés, chacun à son rôle pour faire avancer cet énorme navire. Une véritable colonie s’apparentant à des insectes, régie par des lois, des rôles, des missions. C'était fascinant : il n'avait jamais vu autant de bipèdes ! Et pour apprendre à les chasser, de mieux en mieux pour épater son père, il devait arriver à les comprendre, les anticiper, connaître la façon dont ils évoluaient, seuls ou en groupe. Ainsi passa-t-il un très long moment, caché. A observer. Une heure ? Peut-être même deux ? Et plus ça allait et plus l'alliage de ce navire puisait dans son essence... Et il avait faim. Fort heureusement, quelques membres de l’équipage devaient avoir un palais fait : il y avait un enclos de bovins et caprins, dans les cales qu'il visitait. Il se mêla évidement à eux, glissant sous la paille comme un serpent jusqu'à ce qu'il soit à portée de mamelles de chèvres. Il tendit la gueule et se prit un sabot dans le museau.
Il grogna sur le coup. Il avait cru entendre quelqu'un approche non ? Silence à nouveau, la personne avait du partir. Il devait trouver une autre solution pour la chèvre. Son museau plein de crocs avait du la blesser, pas étonnant qu'elle ne se soit pas laissée faire. Il attrapa un pis dans sa patte l'orientant vers sa gueule ouverte, mais à nouveau, il se pris un sabot. Sa patte devait être trop écailleuse et devait blesser le pauvre animal. Sauf qu'il avait fin. Bougon, il redressa ses prunelles pour y découvrir la jeune femme. Blanche comme un mort. Il rêvait non ? Elle ne l'avait pas vu ? S'il ne bougeait pas, elle ne le verrait pas ? Oh si, elle l'avait vu, il le sentait. Il pouvait encore fuir, mais si elle rameutait tout les autres bipèdes ? Il lui fallait un plan B.
Comme : « Bêêêêh. » adressa-t-il en pensée. Avec un peu de chance, elle le prendrait pour une chèvre, non ? Plus sérieusement, il lui fallait un plan C.