Une sensation fugace. Comme une caresse sur son esprit. Une brise fraiche l’embrassant un court instant, tel un baiser volage, volé, sans outrage, sans apprêt. L’avait-il simplement imaginé ? N’était-ce qu’une chimère de son esprit ? Ou le jeune vampire avait-il tenté de lire en lui ? Et comment donc le pourrait-il seulement ? À sa connaissance, seules quelques exceptions aux dons particuliers pouvaient y prétendre. Tels les dragonniers. Mais à sa connaissance, Aldaron ne l’était pas… Son froncement de sourcil s’accentua légèrement, mais il n’en dit rien et chassa ce doute insidieux qui tentait de ronger ses pensées. Nul besoin de s’inquiéter. Il avait su rejeter une chimère le possédant, il saurait bien sentir si l’on voulait violer son esprit. Il espérait aussi qu’un ersatz d’estime resterait gravé dans l’âme de ce nouveau-né, ou qu’ils sauraient la reconstruire, pour que Cendrelune ne tente pas un tel outrage.
Oui, des souvenirs. Le jeune vampire n’avait en tout cas rien perdu de sa vive intelligence. Voilà qui était en soi rassurant. Il semblait savoir maitriser sa soif et avait gardé toutes ses facultés mentales. Il avait déjà entendu dire que les elfes vampirisés étaient plus maîtres d’eux et recouvraient plus facilement leurs anciennes facultés. Et apparemment il en avait la preuve... mort-vivante… devant lui.
Il acquiesça donc simplement en silence. Pour tout avouer, c’était bien plus que de simples souvenirs, s’il avait bien compris la nature de cet objet. C’était son être tout entier, son lui, dans toute son intégrité, que contenait ce précieux objet.
– Bien plus encore, souffla-t-il simplement.
N’osant pas révéler cette nature exacte. Pas ici. Pas alors qu’ils pouvaient être écoutés. Il ne voulait pas que des personnes mal intentionnées aient vent de ce qu’il détenait, quand bien même en son coffre en Delimar l’objet était en parfaite sécurité. Il ne voulait prendre aucun risque.
Mais la suite le laissa… bien plus perplexe. La question aussi soudaine que vive le laissa coi. Si l’elfe avait été en colère ? Ilhan arqua simplement un sourcil, sans répondre, invitant le jeune vampire à s’exprimer. Il n’avait visiblement nul besoin d’invitation à aller plus loin, que déjà un flot de paroles se déversa sur lui. Oh, oui, colère, il la voyait pulser devant lui avec une vivacité hors du commun. Est-ce qu’Aldaron avait ressenti déjà cela ? Il n’en était pas sûr, ou en tout cas ne l’avait jamais vraiment vu sous ce jour-là. Mais Aldaron était devenu maitre dans l’art de cacher ses émotions. Tout comme lui, quand il le voulait. Revêtir des masques, et ne rien révéler de ses véritables pensées… dans le monde dans lequel ils avaient évolué tous deux, cela avait été une question de survie.
Ilhan se contenta d’écouter alors, laissant son sourire, empreint d’une bienveillance non feinte, comme seule réponse à ce torrent d’émotions pures. Son regard sombre, calme et posé, caressait le lac empoisonné qui le dardait de toutes ces désillusions, de toutes ces rancoeurs, de toutes ces questions blessées, de tous ces pourquoi irrités. Des questions somme toute légitimes, mais dont lui-même n’avait pas forcément les réponses. Il doutait d’ailleurs que l’autre attende de véritables réponses de sa part. Il entrevoyait ce qui harponnait ainsi le coeur du jeune vampire. Même s’il ne pouvait totalement comprendre, n’étant pas baigné dans ce marasme amer et humiliant que les vampires connaissaient à l’heure actuelle, il ne pouvait qu’imaginer. Mais il entrevoyait toutes les questions que l’on pourrait contrebalancer. Toutes ces questions étaient si litigieuses… et étaient si empreintes de rancoeur et de peur subies pendant un passé si long et si sanglant… Les monarques n’avaient su y répondre, n’avaient su y apporter apparemment une réponse qui apaise la peur du peuple humain tout en permettant au peuple vampirique, si fier et si farouche, de garder sa dignité. Y’en avait-il une seulement ? Par ce que soulevait le jeune vampire, l’althaïen avait parfois l’impression qu’il revendiquait son droit de chasse, son droit de tuer. Son droit de prédateur, sur un peuple après tout si faible et si démuni, cette proie naturelle qui avait été en tout temps le mets favori des vampires… Eux, humains. Souhaitait-il donc que l’on revienne à ces ères de peur et de guerre ? D’asservissement et de décimation d’un peuple pour en nourrir un autre ?
Ilhan se garda bien toutefois d’émettre ses propres questions et de pousser les réflexions du jeune vampire dans leurs derniers retranchements. Mais, si ses questions étaient légitimes, celles de l’humain l’étaient tout autant. Il doutait toutefois que cela apaise cette colère et qu’ils trouvent tous deux des réponses qui parviennent à les satisfaire, un minima, tous les deux. Il se tut, donc, et écouta, patiemment, accordant toute son attention, et tentant de chasser ses propres pensées, ses propres visions des choses. Il tenta de se projeter dans l’autre, dans sa situation, dans les limbes de ce peuple acculé.
Et le sujet dragonnier vint sur le tapis. Comme un cheveu sur la soupe. Avec la même harangue acérée, la même verve blessée. Le jeune vampire se sentait vivement concerné par cette question, dirait-on. Après tout, son époux avait été dragonnier, songea-t-il. Tentant de se rassurer plus qu’autre chose. Chassant, là encore, les autres hypothèses qui s’insinuaient doucement, laborieusement, douloureusement, en lui. Là aussi, il comprenait. Il devait avouer ne pas avoir lui-même une opinion bien arrêtée. Certes, le lien semblait pouvoir renforcer les chimères et leur permettre de revenir, dans un avenir il l’espérait le plus lointain possible. Mais les dragonniers avaient souvent épaulé les peuples, en se mettant souvent en graves dangers. Était-ce là tout le remerciement qu’on leur offrait ? Il n’était déjà pas d’ordinaire de nature belliqueuse, mais dans cette situation plus que pour toute autre encore, il priait les Sept, et même les Huit s’il le fallait, que l’on trouve une solution coupant le pont entre le lien et les chimères sans devoir s’en prendre ouvertement aux dragonniers et à leurs liés.
« On voit en moi un double monstre. Un vampire et un.. »
Et un… quoi ? Soudain titillé au plus vif de sa curiosité, Ilhan se redressa imperceptiblement. Dragonnier ? Était-il… Non, cela ne se pouvait, n’est-il pas ? Et depuis quand le serait-il ? Il s’était écoulé quelques mois à peine depuis sa transformation. Se pourrait-il… si vite ? Mais le reste des paroles d’Aldaron le frappèrent en plein coeur. Il crut un instant ressentir de plein fouet cette peine, cette affliction qui rongeait le jeune vampire et un élan de compassion comme il en avait rarement connu, ou plutôt comme rarement il s’était permis de ressentir, le happa en plein coeur, le faisait presque rater quelques battements. Il dut se forcer à respirer calmement pour reprendre un semblant de contrôle sur ses pulsations erratiques.
– J’ai eu cet objet il y a peu, fit-il enfin.
S’apprêtant à répondre à ce flot de questions, notamment sur la façon dont Aldaron lui avait confié l’objet, quand soudain un mouvement de la besace attira son regard. Il s’arrêta aussitôt de parler, son regard se figeant sur cette petite, discrète, mais réelle ondulation sous le tissu. Il releva doucement un regard interrogateur sur Cendrelune alors que son esprit commençait à additionner deux et deux. "On voit en moi un double monstre. Un vampire et un.." Fichtre ! Finalement, cela se pourrait bien ?! Ne lui dites pas qu’il était venu avec son dragon ici, sur un navire délimarien, où pourraient se trouver d’anciens tueurs de dragons, et dont certains étaient fanatiquement contre le lien !
Son coeur manqua un autre battement, et cette fois, il ne cacha pas sa réelle fatigue, faisant tomber les masques. Après tout, en avait-il seulement encore besoin ? Il allait mourir. Et devant ce jeune vampire, était-ce seulement utile ? Ses sens devaient bien lui indiquer que son corps était plus qu’affaibli. Il ferma alors les yeux un court instant pour s’en frotter les paupières en un geste lasse, puis se passa une main sur le visage, comme pour chasser cette sensation d’un maelstrom d’imbroglio qui menaçait de l’emporter sur des rivages infortunés.
Quand il se sentit se calmer un tant soit peu, il rouvrit les yeux et darda ses obsidiennes sur les perles émeraude de Cendrelune. Une main presque tremblante vint se poser sur la sienne, puis caressa doucement, en un geste presque tendre, la besace à côté, avant qu’il ne revienne serrer doucement le bras du… dragonnier ?
– Si ce que vous cachez là a des écailles, surtout veillez à ne pas le montrer.
Il lui offrit un sourire contrit.
– J’aimerais vous assurer que vous ne craignez rien, mais ce serait vous mentir. Je n’ai rien personnellement contre ces êtres, ni contre ceux que leur coeur, ou leur âme, a appelés. Mais tous ne pensent pas de même ici.
Il soupira et se frotta une tempe, avant de reprendre d’une voix douce et chaude, laissant ses accents althaïens chanter légèrement.
– Je sais que mes paroles ne font alors que conforter les vôtres et je le déplore. Je ne peux vous dire que vous avez tort, mais… c’est un long sujet, un long débat, sur lequel même certains êtres de leur espèce…
Il coula un regard vers la besace, puis les releva sur Cendrelune.
– ne sont pas d’accord.
Il avait entendu parler des convictions si farouches du dragon de l’ire. Qui n’en avait pas entendu parler ? Sa Toile en avait eu vent. Certains dragons eux-mêmes s’élevaient contre le lien. Il n’était alors pas étonnant que des bipèdes suivent la même voie.
– Mieux vaut ne pas voir une seule écaille sur ce pont…
Même si je mourrais d’envie d’en voir moi-même, ne put-il s’empêcher de penser. De penser fort, comme voulant projeter cette pensée à l’autre. Déplorant de ne pas avoir cette faculté de télépathie qui l’avait toujours tant fasciné. Ce n’était pas pour rien qu’il avait façonné ses sorts uniques. Lui si ancré dans les arts de l’esprit, ne pouvais qu’admirer cette faculté entre toutes.
– Pour en revenir à cet objet, c’est Aldaron lui-même qui me l’a confié. Nous étions tous deux sur le même bateau délimarien lors de la bataille contre les chimères. Peu de temps après s’être fait mordre par le vampire chimérisé…
Il laissa un court instant ses mots trainer, ses précédents doutes quant au véritable parent du jeune vampire revenant en force en revoyant la scène.
– Je lui ai tendu un objet pour l’aider à guérir au moins de ses blessures, à défaut de pouvoir lutter contre le venin. Il me l’a rendu aussitôt… accompagné de cet objet. Il ne m’a rien dit à ce sujet, il ne m’a rien révélé. J’en ai déduit la nature par moi-même plus tard. Ainsi que son importance. Il s’agit bien plus que de simples souvenirs. Mais vous comprendrez quand vous l’aurez entre vos mains.
Il hésita un court instant à répondre au reste, mais finalement, après avoir sondé l’autre du regard, il se décida.
– Et oui je sens votre colère. Elle pulse de vous, elle irradie de votre être tout entier. Suis-je en mesure de répondre à vos questions ou même de vous apaiser ? J’en doute. Aldaron était-il en colère ainsi, tout le temps ? Il n’en montrait rien, si tel était le cas. Mais j’en doute en effet. En tout cas, je vois toutefois que vous avez, contrairement à ce que vous pourriez penser, gardé une chose en commun tous deux : votre passion. Aldaron sous ses masques austères était un être de passion. Sa vie a été assez souvent guidée par elle, du peu que j’ai pu en connaître, même s’il savait écouter sa raison. Et votre colère dénote une passion farouche également. C’est peut-être là le coeur de votre pièce, ajouta-t-il avec un léger sourire.
Il hocha alors la tête négativement, et reprit d’un ton plus bas encore. Ne sachant si sa fatigue parlait pour lui, ou si c’était sa peine pour le jeune vampire en face de lui. Sa peine, non pas sa déception. Sa peine de le voir ainsi si déchiré, si en colère, et sans doute aussi si perdu, si déçu de ce monde qui semblait ne pas vouloir de lui.
– Je ne vois pas ce revers incrusté de bouse dont vous parlez. Mais il est vrai que je ne vois pas forcément comme les autres, on me l’a bien souvent reproché. Cependant je ne suis pas sûr que la déception que vous lisez dans le regard des autres soit forcément dirigée contre vous. Peut-être n’est-elle que l’expression de la peine d’avoir perdu un proche et la peur que vous ne les acceptiez pas, vous aussi, comme vous les avez acceptés dans le passé ? Peut-être cette déception est-elle l’expression de leur peur de vous perdre, alors qu’ils ont cru devoir faire leur deuil de vous et qu’ils ont soudain l’espoir de vous retrouver, même si différent, sans avoir toutefois la certitude que vous voudriez, vous, d’eux ? Ou peut-être que je me trompe, et qu’effectivement tout cela n’est que haine et mépris envers vous, cela est possible aussi. Je ne vais pas et ne veux pas vous mentir.
Il balaya l’air d’une main comme chassant toutes ces incertitudes.
– Je n’ai malheureusement pas de réelle réponse à vous apporter sur cette question. Mais tout ce que je peux vous dire : ne les jugez pas trop vite et ne vous arrêtez pas au premier regard. Et si vraiment ce regard se confirme être haine ou dégoût, alors détournez-vous, et laissez-les à leurs aveuglements entêtés. Après tout, si ces êtres ne sont pas capables de voir au-delà de votre apparence ou de vos différences, alors peut-être qu’ils n’en valent pas la peine. Quand bien même ils étaient proches de vous auparavant. Et après tout, ce que vous preniez pour un fardeau se révélera peut-être une purge salutaire vous permettant de savoir qui est vraiment fiable et sincère ? Qui vaut la peine que vous les gardiez dans votre coeur ?
Il leva légèrement les mains en signe d’impuissance. Il hésita à aller plus loin, ne voulant pas se lancer dans de grands débats sur le statut du peuple vampirique, mais se décida toutefois à répondre au moins à une question.
– Vous disiez tout à l’heure avoir décelé que je n’étais pas bien rassuré en voyant un jeune vampire arriver. Je ne peux vous détromper. Il est vrai. J’ai côtoyé quelques vampires par le passé, et ai vu certaines de leurs réactions… prédatrices, avides de sang et de mort…
Pire même. Il avait vu des humains enchainés, réduits en esclavage, marqués au fer rouge comme des bêtes, vidés de leur sang, tués par bon plaisir ou par non maitrise. Pour certains transformés malgré eux pour renforcer une armée. Ou pour d’autres, au lourd héritage d’être immunisé, réduits à se voir affaiblis pour étancher cette soif éternelle. Cendrelune pouvait se récrier contre le sort du peuple vampirique, mais tout n’était ni blanc ni noir. Le sort du peuple humain n’avait guère été plus enviable il fut un temps aux côtés des enfants de la nuit. Ces deux peuples pouvaient-ils vivre ensemble en paix ? Il l’aurait espéré. Mais les paroles qu’il entendait là lui faisait craindre le pire. Comme toujours, les "vainqueurs" imposaient leurs lois, quitte à opprimer les vaincus, puis les vaincus se rebellaient, et l’histoire se contait alors en une chaine sans fin de guerres, où l’on ne savait plus trop qui avait tort ou raison ni qui avait pu porter le premier coup. Il en était ainsi des guerres vampiriques. Pouvaient-ils encore trouver une juste balance pour que tous cohabitent sans s’entretuer de nouveau ? Peut-être… si le peuple humain savait écouter cette sonette d’arlame !
– Et je vous avoue effectivement ne pas être à l’aise en présence de vampires, du moins que je ne connais pas un tant soit peu. Et comment le pourrais-je, moi, proie, si faible et impuissante, face à un possible prédateur qui ne sait ou ne veut peut-être pas maitriser sa soif de sang ?
On ne pouvait lui reprocher cet instinct premier. Par contre, on pouvait lui accorder au moins de savoir passer outre ensuite ?
– Si vous décidiez de vider de son sang un des membres de cet équipage, vous laisserai-je faire ? La question serait plutôt : pourrais-je seulement prétendre vous en empêcher ? Je ne crois pas.
Se disant, il désigna sa silhouette, si frêle, si peu dessinée au combat. Déjà qu’un glacernois seul ne pouvait prétendre tenir tête à un vampire en un duel, alors lui...
– Est-ce que pour autant j’aimerais vous voir faire ? Non, bien évidemment non. Tout comme vous n’aimeriez pas me voir tuer l’un de vos proches, ou même l’un de vos soldats ou de vos gardes, je présume. Et ce n’est pas une question de savoir si une vie vaut plus que l’autre, c’est une question de " peut-on respecter les deux vies, peut-on éviter que l’une soit tuée ? " Personnellement, je ne souhaite pas choisir de vie, car effectivement la sienne ne vaut pas plus que la vôtre, mais la vôtre ne vaut pas forcément plus que la sienne. Et la mienne ne vaut pas plus que les deux vôtres non plus. Si vous aviez faim, je préférerais encore que vous me le demandiez et vous offrir ce qu’il faut pour vous nourrir, même mon propre sang si vous le désiriez. Bien que je doute qu’en ce moment, il serait au goût de qui que ce soit.
Il ne réprima pas une grimace à cette pensée, en songeant à son foie vicié.
– Mais vous avez raison, la solution trouvée pour que les trois peuples puissent cohabiter sans guerre n’est peut-être, sans doute, pas la plus judicieuse et peut sembler injuste au peuple vampirique. Je peux comprendre, du moins imaginer, combien ce peuple fier et redoutable doit se trouver humilié de cette situation. En ce cas, c’est qu’il nous faut revoir la situation et qu’il nous faut trouver une autre solution. Qui convienne à tous. Et qui demande, sans doute, des efforts de tout côté, je le conçois.
Il soupira, peu sûr qu’une telle solution existe vraiment, ou même que certains l’acceptent. Ne serait-ce que revenir à la table des négociations serait sans doute délicat. Mais si les vampires se récriaient de la situation, il ne fallait pas laisser cette colère s’enliser. Car ils courraient droit à la renaissance des guerres d’antan. Peut-être en plus sanglantes, ou plus vicieuses. Laisser pourrir la colère sans tenter de l’apaiser avait toujours été pire que tout.
– De ma maigre expérience, petit humain mortel que je suis, j’ai appris en tout cas que si une situation ne nous convenait, protester simplement contre elle ne suffisait pas. Protester est une chose, mais apporter d’autres propositions qui conviendraient mieux est souvent bien plus efficace. Un début de discussion réelle. Protester, argue sa colère est important, mais être force de proposition a plus d’impact encore. Car nous n’agitons alors pas simplement les drapeaux de nos désillusions, que certains peuvent d’ailleurs ne pas comprendre ou ne pas vouloir comprendre, mais nous apportons aussi les vents de l’avenir qui calmeront ces drapeaux.
Il voulut poser une main sur le jeune vampire, tenté de faire appel à son dauphin pour voir si ses paroles recevaient un écho positif dans cet esprit en ébullition, mais il se ravisa. Au lieu de cela, il se contenta de tendre une main vers lui, paume levée, en une invitation muette à la saisir.
– Je n’ai aucune réponse pour toutes ces questions, malheureusement. J’aimerais pouvoir vous promettre d’y réfléchir, mais mon temps en ces terres est sans doute compté et bien trop court pour que j’y parvienne, je le crains. Toutefois, je puis, si vous le désirez, vous montrez une méthode qui, quand j’étais en colère, a su m’apporter un peu de paix. À défaut de trouver des solutions.
Se disant, il se leva, toujours la main tendue vers Aldaron, et s’assit à même le sol en tailleur.
– Je vous avoue aussi que vous avez attisé ma curiosité. Vous avez dit… ne pas avoir besoin de… sang… pour vous nourrir ? Comment cela se peut-il ? De quoi... vous nourrissez-vous ? J’espère que vous me pardonnerez si ces questions vous paraissent impudentes…