Le jour n’était pas encore levé lorsqu’elle ouvrit les yeux, encore passablement endormie. Nue dans ses draps frais, elle était au milieu de son lit - qui pouvait accueillir sans problème deux personnes - et tenait le second oreiller contre sa poitrine. La position fœtale, comme pour de nombreuses personnes, revêtait un aspect protecteur… Même lorsque le sept-centième anniversaire n’était plus très loin.
Orfraie soupira et se tourna sur le dos, sans lâcher le second oreiller qu’elle tenait maintenant contre son flanc. La fine couverture - le mois d’août commençait à peine mais la chaleur était bien présente ! - glissa légèrement et dévoila un bout de sein, mais elle n’y prête pas vraiment attention. Elle scrutait désormais le plafond de bois et, pour la millième fois depuis qu’elle vivait à Ipsë Rosea, compta les noeuds, ces petites tâches sombres incrustées dans les poutres. Luna lui manquait, en témoignait l’oreiller qu’elle pressait contre son flanc en imaginant qu’il s’agissait de sa femme.
Après ce petit rituel nécessaire à son éveil, Orfraie se décida finalement à quitter le confort de son lit. La fraîcheur de la pièce - le soleil n’était pas encore levé - la fit frissonner de plaisir lorsqu’elle posa les deux pieds par terre, sur la pierre glacée. Ses longs cheveux lie-de-vin caressaient, comme une plume, le bas de son dos. Sans être aussi long que quelques années plus tôt, ils avaient beaucoup poussés et lui chatouillait presque le creux des reins.
Sans un bruit, la Liée de Feu fit quelques pas dans la pièce et se dirigea vers une commode en bois. Sur celle-ci, une bassine faite dans le même matériau était remplie d’eau claire. Le liquide était froid, mais cela n’était pas un problème pour Orfraie, dont la maîtrise du feu lui permit de le réchauffer. Lorsqu’elle fut satisfaite de la température, elle entreprit de faire sa toilette matinale. Ce furent ses cheveux qui lui prirent le plus de temps. Entre le lavage, le démêlage et la coiffure, une bonne heure s’écoula et le soleil s’était enfin levé. Les mèches qui se trouvaient sur les côtés de son visage étaient rassemblées ensemble, ainsi qu’une certaine épaisseur derrière la tête. Le tout était retenu ensemble avec une barrette à cheveux en forme de branche d’olivier, qui n’était autre que Glorlëthalion, la coiffe de guerre légendaire.
Orfraie s’habilla simplement, comme à son habitude. Lorsqu’elle quitta sa chambre en quête d’un petit-déjeuner, elle portait une tunique blanche qui laissait ses épaules apparentes. Un corset en os de baleine retenait le tissu ainsi que sa poitrine, tandis qu’un pantalon marron habillait ses jambes. Elle portait des bottes marrons pourvues de quelques glyphes et, dissimulés en dessous, un bracelet de cheville argenté. Autour de son cou, une petite chaîne en argent retenait une écaille de dragon en forme de larme. Sa couleur ne laissait pas de doute sur son origine : elle appartenait à l’origine à Firindal.
Ce dernier s’était envolé depuis un moment à la recherche d’un déjeuner digne de lui. Orfraie ne le dérangeait pas avant que ce dernier ait mangé, mais il lui parvenaient quelques sensations de sa chasse au travers de leur Lien. Pour sa part, son repas était principalement constitué de fruits qu’elle dégusta tranquillement en déambulant sur le chemin de pierre du jardin intérieur d’Istaëtaras. De tous les lieux constituant la Tour de la Loge, les jardins étaient sans doute ce qu’Orfraie préférait. Cette dernière s’était même mise à s’occuper des plantes pendant son temps libre, et la verdure ne cessaient de croitre sous ses bons soins… Quoi que la présence à proximité de Firindal était également un vecteur de croissance pour les plantes et les fleurs. En effet, il était maintenant connu que la nature avait tendance à s’épanouir plus vite en présence d’un dragon.
Orfraie croqua dans une pomme bien rouge lorsque son regard fut attiré par l’unique autre personne présente à cette heure du jour. De profil, il était impossible de ne pas reconnaître Kälyna Vallaël. Son visage, comme toujours, était recouvert par son maquillage. Mais, cette fois-ci, l’Ataliel décela des couleurs beaucoup plus vives que d’ordinaire, de quoi lui faire hausser un sourcil. La Vallaël n’était pas quelqu’un de très joyeux et encore moins extravertie, ce maquillage ne lui ressemblait donc pas vraiment. En revanche, il était vraiment très beau. À quoi pouvait-elle ressembler sans lui ? Se demanda Orfraie pour la énième fois.
Après la victoire contre le Roi Chimère, des mois plus tôt, Kälyna Vallaël avait disparu. Mais, contrairement aux fois précédentes, sa participation à la résolution d’un événement qui aurait pu tous les condamné ne fut pas occulté. Orfraie se souvenait encore de Merÿl, la fille de la Dame Blanche, clamant à qui voulait bien l’écouter que sa mère n’était pas responsable de tous les crimes qu’elle avait commis, qu’il s’agissait de la faute de l’Inséparable tronqué dont elle avait été affublé. La Liée se souvenait du regard de Merÿl, lorsqu’elle clamait croire en sa mère, lorsqu’elle parlait de l’amour que Kälyna lui portait et qui poussait cette dernière à se tenir loin d’elle pour la protéger. Orfraie se souvenait d’Aegnor clamant que Merÿl n’était plus la bienvenue parmi son peuple car elle souhaitait offrir la rédemption à sa mère.
La Princesse des Ombres avait toujours eu de l’affection pour la jeune Nalwë, malheureusement partie trop tôt. Était-ce en sa mémoire qu’Orfraie avait intercédé, comme elle le pouvait, en faveur de Kälyna ? Sitôt la bataille terminée et la victoire leur, Orfraie n’avait pas manqué de mentionner la présence de la Dame Blanche à leur côté, ainsi que son rôle décisif. Pour cela, la tête de la Vallaël n’était plus mise à prix, mais ses allées et venues étaient étroitement surveillés… Le moindre écart conduirait à sa mort et peu de gens osaient se tenir en sa présence.
Mais pas Orfraie. En effet, lorsque la magie commença à faire des siennes, ce fut vers la puissante mage que l’Ataliel se tourna. Elle-même maîtrisait plutôt bien la magie, mais son niveau et sa compréhension ne pourrait jamais égaler Kälyna. Sa participation à la création de la Loge n’était pas un fait connu, tout cela c’était fait en sous-main. C’était une situation qui semblait convenir à la Dame Blanche et qui satisfaisait Orfraie.
Toutefois, celle-ci ne connaissait pas très bien la mère de Mëryl et ne savait pas encore comment se comporter en sa présence, pas exactement. Bien que plus âgée de plusieurs siècles, Orfraie n’était pas présente au sein du Royaume Elfique de jadis lors des tristes événements qui avaient ponctués la vie de Kälyna. Mais, à tout bien réfléchir, peut être que cela était une bonne chose…
C’était la pensée qui traversait l’esprit de l’Ataliel lorsque cette dernière s’approcha tranquillement. Elle prenait même soin de faire un peu de bruit afin de ne pas surprendre la Vallaël.
« Im gelir ceni ad lín, Kälyna.* » L’interpela Orfraie. « Man mathach ? Aníral maded gar nîn ? ** »
* Je suis heureuse de vous voir, Kälyna.
** Comment allez-vous ? Voulez vous déjeuner avec moi ?
Orfraie soupira et se tourna sur le dos, sans lâcher le second oreiller qu’elle tenait maintenant contre son flanc. La fine couverture - le mois d’août commençait à peine mais la chaleur était bien présente ! - glissa légèrement et dévoila un bout de sein, mais elle n’y prête pas vraiment attention. Elle scrutait désormais le plafond de bois et, pour la millième fois depuis qu’elle vivait à Ipsë Rosea, compta les noeuds, ces petites tâches sombres incrustées dans les poutres. Luna lui manquait, en témoignait l’oreiller qu’elle pressait contre son flanc en imaginant qu’il s’agissait de sa femme.
Après ce petit rituel nécessaire à son éveil, Orfraie se décida finalement à quitter le confort de son lit. La fraîcheur de la pièce - le soleil n’était pas encore levé - la fit frissonner de plaisir lorsqu’elle posa les deux pieds par terre, sur la pierre glacée. Ses longs cheveux lie-de-vin caressaient, comme une plume, le bas de son dos. Sans être aussi long que quelques années plus tôt, ils avaient beaucoup poussés et lui chatouillait presque le creux des reins.
Sans un bruit, la Liée de Feu fit quelques pas dans la pièce et se dirigea vers une commode en bois. Sur celle-ci, une bassine faite dans le même matériau était remplie d’eau claire. Le liquide était froid, mais cela n’était pas un problème pour Orfraie, dont la maîtrise du feu lui permit de le réchauffer. Lorsqu’elle fut satisfaite de la température, elle entreprit de faire sa toilette matinale. Ce furent ses cheveux qui lui prirent le plus de temps. Entre le lavage, le démêlage et la coiffure, une bonne heure s’écoula et le soleil s’était enfin levé. Les mèches qui se trouvaient sur les côtés de son visage étaient rassemblées ensemble, ainsi qu’une certaine épaisseur derrière la tête. Le tout était retenu ensemble avec une barrette à cheveux en forme de branche d’olivier, qui n’était autre que Glorlëthalion, la coiffe de guerre légendaire.
Orfraie s’habilla simplement, comme à son habitude. Lorsqu’elle quitta sa chambre en quête d’un petit-déjeuner, elle portait une tunique blanche qui laissait ses épaules apparentes. Un corset en os de baleine retenait le tissu ainsi que sa poitrine, tandis qu’un pantalon marron habillait ses jambes. Elle portait des bottes marrons pourvues de quelques glyphes et, dissimulés en dessous, un bracelet de cheville argenté. Autour de son cou, une petite chaîne en argent retenait une écaille de dragon en forme de larme. Sa couleur ne laissait pas de doute sur son origine : elle appartenait à l’origine à Firindal.
Ce dernier s’était envolé depuis un moment à la recherche d’un déjeuner digne de lui. Orfraie ne le dérangeait pas avant que ce dernier ait mangé, mais il lui parvenaient quelques sensations de sa chasse au travers de leur Lien. Pour sa part, son repas était principalement constitué de fruits qu’elle dégusta tranquillement en déambulant sur le chemin de pierre du jardin intérieur d’Istaëtaras. De tous les lieux constituant la Tour de la Loge, les jardins étaient sans doute ce qu’Orfraie préférait. Cette dernière s’était même mise à s’occuper des plantes pendant son temps libre, et la verdure ne cessaient de croitre sous ses bons soins… Quoi que la présence à proximité de Firindal était également un vecteur de croissance pour les plantes et les fleurs. En effet, il était maintenant connu que la nature avait tendance à s’épanouir plus vite en présence d’un dragon.
Orfraie croqua dans une pomme bien rouge lorsque son regard fut attiré par l’unique autre personne présente à cette heure du jour. De profil, il était impossible de ne pas reconnaître Kälyna Vallaël. Son visage, comme toujours, était recouvert par son maquillage. Mais, cette fois-ci, l’Ataliel décela des couleurs beaucoup plus vives que d’ordinaire, de quoi lui faire hausser un sourcil. La Vallaël n’était pas quelqu’un de très joyeux et encore moins extravertie, ce maquillage ne lui ressemblait donc pas vraiment. En revanche, il était vraiment très beau. À quoi pouvait-elle ressembler sans lui ? Se demanda Orfraie pour la énième fois.
Après la victoire contre le Roi Chimère, des mois plus tôt, Kälyna Vallaël avait disparu. Mais, contrairement aux fois précédentes, sa participation à la résolution d’un événement qui aurait pu tous les condamné ne fut pas occulté. Orfraie se souvenait encore de Merÿl, la fille de la Dame Blanche, clamant à qui voulait bien l’écouter que sa mère n’était pas responsable de tous les crimes qu’elle avait commis, qu’il s’agissait de la faute de l’Inséparable tronqué dont elle avait été affublé. La Liée se souvenait du regard de Merÿl, lorsqu’elle clamait croire en sa mère, lorsqu’elle parlait de l’amour que Kälyna lui portait et qui poussait cette dernière à se tenir loin d’elle pour la protéger. Orfraie se souvenait d’Aegnor clamant que Merÿl n’était plus la bienvenue parmi son peuple car elle souhaitait offrir la rédemption à sa mère.
La Princesse des Ombres avait toujours eu de l’affection pour la jeune Nalwë, malheureusement partie trop tôt. Était-ce en sa mémoire qu’Orfraie avait intercédé, comme elle le pouvait, en faveur de Kälyna ? Sitôt la bataille terminée et la victoire leur, Orfraie n’avait pas manqué de mentionner la présence de la Dame Blanche à leur côté, ainsi que son rôle décisif. Pour cela, la tête de la Vallaël n’était plus mise à prix, mais ses allées et venues étaient étroitement surveillés… Le moindre écart conduirait à sa mort et peu de gens osaient se tenir en sa présence.
Mais pas Orfraie. En effet, lorsque la magie commença à faire des siennes, ce fut vers la puissante mage que l’Ataliel se tourna. Elle-même maîtrisait plutôt bien la magie, mais son niveau et sa compréhension ne pourrait jamais égaler Kälyna. Sa participation à la création de la Loge n’était pas un fait connu, tout cela c’était fait en sous-main. C’était une situation qui semblait convenir à la Dame Blanche et qui satisfaisait Orfraie.
Toutefois, celle-ci ne connaissait pas très bien la mère de Mëryl et ne savait pas encore comment se comporter en sa présence, pas exactement. Bien que plus âgée de plusieurs siècles, Orfraie n’était pas présente au sein du Royaume Elfique de jadis lors des tristes événements qui avaient ponctués la vie de Kälyna. Mais, à tout bien réfléchir, peut être que cela était une bonne chose…
C’était la pensée qui traversait l’esprit de l’Ataliel lorsque cette dernière s’approcha tranquillement. Elle prenait même soin de faire un peu de bruit afin de ne pas surprendre la Vallaël.
« Im gelir ceni ad lín, Kälyna.* » L’interpela Orfraie. « Man mathach ? Aníral maded gar nîn ? ** »
* Je suis heureuse de vous voir, Kälyna.
** Comment allez-vous ? Voulez vous déjeuner avec moi ?