28 Septembre 1763
Terrain d'entraînement de la Légion
Le ciel, encore majoritairement azuré, laissait entrevoir un défilement de nuages cotonneux. Dans quelques semaines, ces même nuages se teinteraient de sombres nuances et déverseraient des torrents de pluie. Cette vision, bien qu'apaisante, Sa'Hila la voyait depuis le sol de terre battue. De part et d'autre de son champs de vision, Bahvika et Girija la regardaient avec inquiétude. Comme à chaque fois qu'elle mordait la poussière pendant les entraînements, ses familiers devaient résister à l’envie de mordre et déchiqueter le responsable, en l'occurrence, ses soeurs de portée. Cette fois, c’était Par’Vati, l’épée au poings, qui toisait Sa’Hila avec un regard dur. Nul traitement de faveur, l’Aaleeshaan avait bien insisté sur ce point. Tout le monde à la Légion savait que les capacités martiales de leure cheffe n’était pas son fort, aussi ils saluaient grandement ses efforts pour continuer à progresser dans ce domaine. Et puis au final, entretenir sa condition physique et sa dextérité faisait aussi parti de son programme de chamane. La magie des Esprits nécessitait connaissances et dévotion mais également un esprit fort et un corps fort.Terrain d'entraînement de la Légion
C’était tout autant de raisons qui expliquaient pourquoi la tête pensante de Vat’Aan’Ruda gisait au sol, le souffle court et meurtri dans son armure. Sous les vindicatives de sa sévère maîtresse d’arme, Sa’Hila, finit par rouler sur le côté, essayant tant bien que mal d’ignorer les douleurs lancinantes de ses côtes et inspira un bon coup avant de se redresser laborieusement. Toujours en grimaçant, elle saisit presque à contre-coeur Bahumukhee que lui tendait sa tigresse. Si d'ordinaire elle pouvait compter sur les divers enchantements de son armure, de son armes ou de ses bijoux, pendant un entraînement, il était hors de question de tout cela. La voie du guerrier ne se traçait pas sans souffrance après tout… Époussetant la terre de son armure, elle nargua la Nayaak.
-Je peux faire ça toute la journée.
Toute deux sourirent à cette boutade et la seconde d’après, l'épéiste exceptionnelle fondait de nouveau sur Sa’Hila, l'entrainant dans une danse à l'issue certaine. Parant, esquivant, contre-attaquant comme elle pouvait, elle mit un certain temps avant d'entendre qu'on l'appelait. Secrètement soulagée de ne plus se faire maltraiter, elle écouta ce que la vigie avait à dire.
-Kamda ? Le Trand Asolraahn est arrivé.
Suivant son léger mouvement de tête, ses yeux glissèrent vers sa droite, puis haut, très haut. Un éclair de stupeur passa sur son visage à la vue de ce géant. Oh bien sûr qu’elle savait qui il était, les Geais des tribus septentrionales de l’île l’ayant déjà prévenu de sa venue immédiate, quelques jours auparavant. Et bien sûr, elle s’attendait à un beau représentant des Trand, ces derniers ayant tendances à être massifs et velus mais… pas à ce point. Arborant un pelage immaculé ne passant tout simplement pas inaperçu au milieu de la savane, il formait une montagne de poils et de muscles impressionnante. Et pourtant, bien loin de son physique intimidant, il émanait de lui une aura de calme. Le dévisageant quelques instant, elle finit par congédier le guerrier d’un hochement de tête et rengaina son épée dans le fourreau battant à son côté. Depuis la coopération entre les deux Légions pour la défense du Baôli, il n’était plus étonnant d’avoir des visiteurs très peu adaptés aux climats des deux îles opposées.
Bien que physiquement épuisée, son esprit restait bien alerte et son regard ne laissait place à aucune sorte de peur ou d’intimidation. Elle était chez elle rien ne pouvait la mettre en danger en ces lieux, même pas le géant opalin qui lui faisait face.
-Bienvenue à Vat’Aan’Ruda. Je suis Kamda Sa’Hila. Que me vaut l’honneur de ta visite dans notre belle savane, fils du froid ?
La question, bien que posée directement et sans ambigüité, était quand même empreinte d’une réelle curiosité. Était-il porteur d’un message d’Illidim ? C’était peu probable, les deux femelles avaient mis en place un système de communication pour les messages vraiment importants. Etait-il un simple voyageur désireux d’éprouver sa résistance aux températures ? Au lieu d'hypothèser pendant des siècles, elle se contenta d’écouter ce qu’il avait à lui répondre.