Il était une fois, un bel homme heureux,
Il était loué de ses exploits valeureux,
Près de son roi lors de combats glorieux,
Et célébrait un mariage des plus joyeux.

Sa vie sereine semblait de joie comblée.
Ankhû ne rêvait plus que de longues années,
A savourer en compagnie de son aimée
Et de leurs futurs enfants autour d’eux enjoués.

Mais parfois destinée a de sombres desseins,
Et vous joue des tours au détour d’un chemin.
Ankhû rentrait chez lui de son labeur quotidien,
Quand Mort vint faucher ses pas d’une seule main.

Dans son long manteau, Mort le drappa tendrement,
Et dans son royaume l’emmena calmement.
Mais rage et peine rongeaient le coeur si ardent
De Ankhû : pourquoi séparait-on deux amants ?

Réincarnation il refusa, hardiment.
Il attendrait son aimée ici, en tout temps,
Qu’importe les années, qu’importe le moment,
Défia-t-il Mort de son regard éhontément.

Mort en fut touchée et finit par lui céder.
En son beau royaume, Ankhû pourrait rester.
Les années passèrent et rage se dissipait,
Et pour Mort Ankhû sentit naitre une amitié.

Un jour il osa lui demander un souhait :
Qu’une lune, une seule, de l’an la dixième,
Lui mort, puisse revoir son aimée si belle,
Une nuit tous deux réunis dans l’intemporel.

Mort une fois encore fut touchée au coeur.
Mais pourquoi lui seul obtiendrait cette faveur,
A voir exaucer un de ses vœux pour ses pleurs ?
Ankhû proposa donc que tous aient cet honneur.

Face à la peine de son éternel errant,
Mort céda une fois encore à ces tourments,
Et ouvrit son royaume une nuit seulement,
Pour qu’en un lieu se retrouvent morts et vivants.

C’est ainsi qu’Ankhû put revoir son adorée.
Ils ne purent douces caresses échanger,
Mais de si douces paroles se consoler,
Et des yeux en pleine lune se dévorer.

Chaque année, à la dixième lune pleine,
Mort accorda  aux non réincarnés ce rituel,
En un seul lieu, alors rendez-vous éternel,
Pour une seule nuit, d’éphémère phalène.

Mais une nuit, une année, ne vint pas son aimée.
Ankhû de profonde tristesse fut foudroyé.
Mort lui avoua dure vérité : remariée
Son aimée était et un enfant attendait.

Ankhû ne connut pas de répit en son sein.
Eploré toute l’année, il erra sans fin,
Et quand la dixième lune arriva enfin,
Sa furie rugit, de douleur, fou il devint.

Tous ces vivants venus en ce lieu pour leurs morts,
Mais pour lui personne. Jalousie en son for
Emporta toute raison, et explosa alors,
Détruisant toutes ces âmes sans un remords.

Mort ouvrit les bras à ses enfants décédés
Et chassa Ankhû de son royaume à jamais,
Lui refusant réincarnation qu’il demandait,
Maintenant que son aimée l’avait oublié.

Mort condamna Ankhû pour son éternité,
A errer en ce lieu meutri par son méfait,
Qui fut appelé alors les sombres marais,
En mémoire de toutes ces âmes tuées.

Ankhû pleura tant que Mort un troisième vœu
Lui accorda : une lumière pour ses cieux
Si sombres et si esseulés, en ces lieux,
Telle la lumière de son amour odieux.

Une barque lui fut également offerte,
Pour errer à l’infini sur ces eaux désertes,
A chaque pleine lune, en tout temps, toute ère,
Et ce pour l’éternité sans plus d’éphémère.

Il se raconte que depuis cette nuit-là,
A chaque pleine lune du dixième mois,
Une silhouette lugubre erre sur sa barque,
Une lumière éclairant seule sa voie.

Il se dit que si sa lumière vous voyez,
Ou que sa barque vous entendez fasséyer,
Alors Mort viendra à votre porte cogner,
Et ce, sans faille, avant la fin de cette année.