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Août 1763 - Chaîne des Nin-Daaruth


Des spectres rognaient les coins de sa conscience comme autant d’ombres difformes, scions d’une mise bas percluse de frustrations et de déceptions, de méfiance et de calcules. Son ascension vers la neigeuse empyrée n’avait porté aucun fruit, ne lui avait valu nulle réponse ou satisfaction. Songeur d’apparence, il se drapait de méticulosité afin de dissimuler l’ire qui grondait comme une bête hideuse, dans les sombres replis de son esprit agité. Une part de son être doutait de sa propre décision, du refus apporté à la créature rouge, questionnant encore ses implications et son potentiel. Une autre part de son être, plus impériale, balayait toute remise en cause. Le manque d’égards et de compréhension de cette abomination en écailles ne lui donnait aucune confiance en un tel pari. Mais s’il était certain de ne vouloir rien avoir à faire avec la créature, il y avait un autre représentant de la race draconique qui lui avait reçu sa confiance, et mérité son respect, non point qu’il l’ait exigé en dominateur méprisant, mais bien par son intelligence et son approche du monde. Un dragon auquel demander de l’aide était plus sûr autant que plus agréable. Et après tout, pourquoi Kaalys ne pourrait-il pas l’aider au même titre que Verith ? Aucune raison ne lui venait à l’esprit, ou bien son ire tentait-elle de dissimuler l’existence de ces raisons. Peu importait en fin de compte, il était déterminé à ne pas rentrer auprès de son clan avant de d’avoir pu lever le voile sur ce qui le troublait.

Fort de sa détermination, le haut mage avait décidé d’user du moyen le plus simple à sa disposition afin d’entrer en contact avec le dragon d’ébène. Il usa donc du réseau de boyaux au coeur des monts que Purnendu lui avait décrit afin de monter jusqu’au nid de Kaalys. Cependant, ne désirant nullement le surprendre ou jouer de malchance, Achroma se servit des échos voyageurs, une curiosité naturelle des montagnes, afin de transmettre un message auprès de son allié. Par un effet de renvoi de son le long des murs de pierre, sa voix pu monter jusqu’aux hauteurs habitées par le dragon de jais. Une salutation et une demande, uniquement. L’être était peut-être occupé, élever un jeune dragon n’était pas de tout repos, il en était certain, sans compter d’autres affaires possibles. Il fit savoir sa présence, sur le plateau en contrebas, et lui demanda s’il désirait le rencontrer. Puis il se retira des galeries afin de gagner la surface battue par les vents du grand plateau de la Promesse des mémoires. Là, il usa d’une grande roche nue afin de se protéger d’une part des bourrasques hurlantes qui fouettaient sans merci le lieu, plissant les yeux pour espérer apercevoir dans la tourmente une silhouette sombre et puissante. La frappe glaciale de la bise lui fut alors salutaire pour tiédir la force de son courroux. Il ne désirait pas qu’il fut porté au grand jour, non qu’il en ait honte, mais bien par pudeur dans ses ressentis.

Trop souvent, ces derniers temps, il semblait que ses interlocuteurs se méprennent sur l’exemple de son affect. Il attendit, en tâchant de se montrer aussi patient qu’il était nécessaire, et ne pu alors que se fendre d’un triste sourire lorsqu’enfin, le dragon parut au milieu de la tourmente. Avec prudence, le vampire se détacha de la roche protectrice afin d’accueillir la créature ailée, la saluant avec un plaisir retenu mais non moins sincère.

Je te salue Eclat de Nacre

Bien que l'appellation ne fut plus réellement de mise au vu de la teinte nocturne des écailles brillantes le haut mage répugnait à le nommer ‘terni’ tant il trouvait un tel sobriquet ingrat et méprisant. Il avait l’impression, certes subjective, que l’on ne faisait que regretter ainsi ce qu’il avait perdu, sans louer ce qu’il était ou ce qu’il avait gagné. Un travers fort commun chez les bipèdes, certes, mais dans lequel il ne désirait pas tomber.

Et je te remercie d’accepter de me revoir

Caressant la haute silhouette, il nota l’absence du petit être rose que ses éclaireurs avaient repéré auprès du grand dragon à plusieurs reprises. Guère étonnant cependant, il n’aurait pas voulu voir un nouveau-né dans cette tempête. Lui-même peinait à rester sur ses deux jambes maintenant qu’il n’avait plus aucune accroche. Il eut un silence, alors qu’il s’imprégnait de cette silhouette élégante de la plus sauvage des façons.

Peut-on se mettre à l’abri ? Si cela ne te dérange pas trop, car je pense que je vais finir par être arraché au sol et précipité depuis les hauteurs en tournoyant. Ce vent est vraiment trop fort pour moi

Alors qu’une bourrasque plus ombrageuse encore venait le faire vaciller, comme pour corroborer ses dires, Achroma se réfugia contre le corps écailleux, prenant accroche à l’une de ses pattes pour s’éviter la mort. Il avait abandonné toute idée de conserver sa capuche relevée sur son visage, c’était peine perdue. Dans cette course folle et virulente, il n’était guère qu’un encombrement passager mais il n’avait pas l’intention de mourir en ce jour.

Félicitation, pour ton enfant

Devoir élever la voix à ce point, pour être entendu de Kaalys, lui déplaisait, mais il n’avait guère le choix alors qu’il combattait le vent pour qu’ils puissent tous deux trouver un coin protégé et calme pour échanger sans tout cet encombrement. Sa chevelure ne devait être guère plus qu’un amas ressemblant à un nid d’oiseau, après tout cela, et il était certain d’être déjà alourdi d’une bonne dizaine de kilo de neige avec ce qui s’infiltrait sous ses vêtements.

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Roulé en boule sur lui-même, le dragon n'était qu'une immense masse noire dont les écailles étaient à peine éclairées par la bioluminescence de la grotte. Seul, il profitait d'un moment de calme pour se reposer tandis que, dehors, la tempête rugissait. Fort heureusement, ni le vent, ni la neige ne pouvaient pénétrer dans l'immense grotte ou, par la simple présence du dragon, il régnait une douceur étonnante.

Mais soudain, tandis que son esprit vagabondait presque dans la contrée des rêves, un écho lui parvint. La voix ne lui était pas inconnue, mais elle était déformée par la montagne. Il lui fallut se redresser et tendre l'oreille pour reconnaître les accents d'Achroma. Que voulait-il ? Et que faisait-il si haut dans la montagne, par une telle tempête ? Le jeune saurien se redressa, s'étire tel un chat, et se dirigea en quelques pas vers la sortie. Ses écailles frottèrent quelque peu contre la roche au moment de s'extirper du boyau, mais Kaalys fut rapidement dehors malgré tout.

Le vent lui gifla le museau et la neige macula rapidement ses écailles. Le haut de la montagne n'était pas épargné par les éléments, mais fort de ses capacités en vol, Kaalys se laissa tomber de son perchoir. En quelques minutes, il fut en vue du plateau de la Promesse des mémoires. Quelques secondes supplémentaires furent nécessaire au dragon pour repérer Achroma, puis une petite minute pour réussir à se poser sans encombre. Comme si le vent ne suffisait pas, son atterrissage fit s'élever la neige tout autour de lui.

Le surnom fit pencher la tête au saurien. Ses écailles n'avaient plus rien de nacrées, désormais. Elles ne se confondaient plus avec la neige, mais avec le ciel nocturne. Toutefois, Kaalys n'en prit pas ombrage et s'avança vers le vampire.

"Je suis heureux de te revoir." Répondit-il sans mentir. La présence de l'Aîné lui était fort agréable, alors pourquoi le cacher ? Puis, notant que le vent soufflait vraiment fort, Kaalys déploya ses ailes de part et d'autre d'Achroma, le protégeant un peu. Le geste n'avait rien d'anodin lorsqu'on connaissait la fragilité des ailes d'un dragon.

" Bien sûr. " Malheureusement, Kaalys n'avait pas la selle que le vampire lui avait donné. Il n'y avait pas pensé en quittant son nid et il n'était pas question de faire un aller-retour pour la chercher. De toute façon, il n'était même pas certain que l'Ainé tienne en selle… Comme pour appuyer ses pensées, le vent précipita Achroma contre le poitrail du dragon, qui pencha la tête en avant pour protéger la frêle silhouette du vent glacial.

" Merci. Je suis certain que vous aurez l'occasion de vous rencontrer tôt ou tard. Mais nous discuterons une fois à l'abri, veux-tu ? Grimpe. "

Si Achroma se tenait à sa patte gauche, Kaalys lui présenta la droite. Paume vers le haut, ses griffes ressemblaient dangereusement aux crocs qui ornaient ses mâchoires, mais il n'était pas question de dévorer le vampire. Le saurien attendit que son ami ce soit assit dans le creux de sa patte, puis il se servit de la deuxième pour le couvrir et le couper un maximum du vent. Le décollage ne fut guère des plus délicats puisque Kaalys se retrouvait amputé de deux pattes, malheureusement pour le vampire-qui-n'aimait-pas-voler.

En quelques battements d'ailes, le dragon fut beaucoup plus haut dans le ciel et, grâce à Trap'Étoiles, il fendait la tempête aussi certainement qu'une flèche fendait l'air. Il se posa sans trop de difficulté au sommet de la montagne et déposa son fardeau à l'intérieur du boyau qui conduisait à son nid. Il y faisait sombre et froid, mais au moins n'y avait-il ni vent ni neige.

" Avances, n'ai crainte. "

Achroma n'avait guère le choix compte tenu de la présence du saurien juste derrière lui. Sans doute, sentait-il son souffle chaud dans sa nuque à chacun de ses pas. Lorsque le duo pénétra enfin dans l'immense grotte, Kaalys se dirigea vers un tas de bois (des troncs d'arbres entiers en vérité) et en tira un vers lui d'un seul coup de patte. Il l'embrasa avec son souffle de feu, offrant chaleur et lumière à l'enfant de la nuit.

" Approches, viens te réchauffer. Tu es le deuxième bipède que j'invite ici. Le premier était Purnendu, il me semble que vous vous connaissez bien. Je garde ce bois pour ces occasions, afin que mes invités ne meurent pas gelés. " Lui expliqua la saurien en s'allongeant.

Ses immenses pâtes reposant bien à plat devant lui. Les flammes se reflétaient dans la blancheur nacrés de ses griffes et projetaient derrière Kaalys des ombres menaçante. Dans la semi-obscurité de la Gorge du Monde, la limite entre le corps du dragon et le reste était flou, il était difficile de deviner ou il commençait et à quel point il était grand. S'il pouvait paraître menaçant, avec ses griffes, ses crocs, ses cornes et ses écailles, il suffisait de lever les yeux vers les siens pour rencontrer deux orbes d'or liquides dont la chaleur et la douceur ne faisaient aucun doute.

" Je suppose que tu n'as pas affronté la tempête pour le simple plaisir de me voir, même si l'idée est très flatteuse. Parle-moi de ce qui te préoccupe. "

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La voix mentale du dragon, chaude comme une nuit d’été, courut sur sa peau comme un frisson pour chasser un bref instant les frimas environnants. Le vampire sentit ses muscles se détendre, n’ayant pas eut la sensation de les avoir tant crispés même sous les bourrasques. Et comme de juste, son humeur se fit progressivement moins ombrageuse et plus cordiale. Ainsi était le pouvoir d’un compagnon agréable et apprécié. Blottit contre lui, à l’abris de ses ailes déployées, comme deux pans de ciel nocturne venant l’enlacer, le vampire souffla des remerciements contre l’esprit apposé au sien, réellement reconnaissant de ce que Kaalys faisait pour lui. Mettre en danger ses ailes pour lui était une ineffable marque d’appréciation à son égard. Ce fut cette pensée autant que l’épuisement de devoir lutter contre la furie des éléments qui le poussa à se laisser transporter sans émettre ses habituelles plaintes et peur. Celle-ci, bien que présente, cédait le pas devant tout le reste et il se dépêcha de s’engouffrer dans la grande patte du reptile, s’asseyant et se rétractant sur lui-même de son mieux, enroulé dans les larges pans de sa cape. Son esprit irradiait son soulagement à la simple idée d’un lieu plus calme et moins venteux. Malgré tout, il eut un montée d’angoisse au décollage, mais se laissa faire, fermant les yeux et attendant que cela passe, accroché à une griffe.

Bénissant derechef le glyphe qui permettait à Kaalys ne pas être ennuyé par les éléments, Achroma le laissa le déposer dans un boyau à couvert, sec et calme. Il se redressa, incertain sur ses jambes, et fit quelques pas expectatifs, savourant l’absence criante de la furie glaciale qui battait toujours la montagne de toute son ire. Avec distance, il nota la fraîcheur ambiante sans réellement en souffrir, plus intéressé par l’état de sa chevelure que par la température. Passant les doigts dans les longues mèches de platine, il s’échina distraitement à défaire les noeuds et à lisser les boucles disgracieuses causées par le souffle véhément du vent. Sous la tranquille houlette du dragon, il avança à l’intérieur du boyau, observant avec une curiosité sincère ce qui se dévoilait sous son regard. Tandis qu’il avançait, le souffle chaud de Kaalys revenait détendre son corps fourbu, et faire fondre la neige qui collait avec tant d’entêtement à sa personne. Loin de trouver cela désagréable, le vampire ne se pressait pas pour le distancer, sans en avoir l’air. Parvenus dans le clos principal de la grotte, la soudaine luminosité vint faire danser une lueur chaude et rassurante sur les paroies de pierre. Les ombres s’étoffaient, devenant cotonneuses tandis que la pénombre ambrée s’offrait douillettement. Et s’il ne souffrait pas du froid, l’impression psychologique était plus agréable, la profondeur de ce demi-monde plus confortable.

Avec un doux sourire, Achroma s’installa près du tronc enflammé, soupirant doucement. Pendant quelques minutes, il ne dit rien, restant là, yeux fermés, à écouter le crépitement du bois, se laissant bercer. L’odeur du feu était riche de bons souvenirs. “En fait, j’avais besoin de voir quelqu’un d’amical, je crois… au fond” C’était venu tout seul, maintenant que, dans le calme, il avait la capacité de poser ses pensées et de démêler l’échevau confus de sa colère et de sa frustration. Loin d’être parfait, comme tant de légendes voulaient le prétendre de l’Aîné, le vampire avait aussi ses travers et s’il ne pouvait avoir quelqu’un pour lui affirmer ‘tu as bien fait’ au moins appréciait-il la compagnie de quelqu’un pour qui il avait de l’affection et du respect, et qui lui en donnait en retour. Tout du moins, s’il ne se fourvoyait pas sur l’attitude du dragon sombre. Et ça, ça n’avait pas de prix après tous les efforts fournis pour rien. Tournant la tête de droite et de gauche, il chercha un moyen de reposer son dos et s’installa finalement contre l’une des pattes du dragon, avec un naturel confondant, détachant les boucles de sa cape et du surplus de tissu pour ne rester qu’en chemise immaculée, laissant le reste à sécher sur des appendices rocheux. Lorsqu’il eut terminé sa besogne, s’occupant autant pour se mettre à l’aise que pour s’aider à mettre ses pensées en ordre. La colère était toujours présente, s’atténuant lentement.

Imagines-tu seulement l’effet positif qu’une présence alliée puisse avoir ? Je pensais être venu pour te demander de l’aide. A présent je pense surtout que je recherchais de la compagnie. Et puis, cela fait plusieurs mois que nous ne nous sommes pas vu” La chaleur qu’irradiait le feu venait doucement engourdir sa peau, la faisant picoter. “Je suis simplement frustré. En colère contre moi-même. Je viens de faire un très mauvais investissement de temps et d’énergie, pour ne rien obtenir en retour et cela me contrarie énormément” Il eut un léger sourire plein d’auto-dérision “En fait j’ai bravé la tempête par pure stupidité. J’étais tellement en colère que je ne réfléchissais plus pragmatiquement. Bon sang… Tu aurais très bien pu ne pas être là, ou ne pas m’entendre, quel idiot suis-je donc pour agir sur un coup de tête sans réfléchir à la manière dont je devrais m’y prendre ?” Oui, maintenant qu’il était calmé, en bonne compagnie et au chaud, à l’abri, il se rendait parfaitement compte de sa sottise. Il la reconnaissait volontier, d’ailleurs. Un autre bénéfice d’être auprès d’un allié auquel il n’avait rien à cacher. Le pauvre Kaalys avait été victime d’un délit de faciès la première fois qu’ils s’étaient vu, après cela, il ne pouvait guère cacher ses troubles intérieurs. Il ne le désirait pas. Se fendant d’un soupire soupire à fendre l’âme, il décida de s’ouvrir de ses récentes aventures.

J’ai rassemblé assez de volonté pour vouloir rechercher ma mémoire manquante. Pour commencer par ce qui me semblait le plus étrange bien que le plus évident, cette mémoire d’un dragon rouge que personne ne pensait que je connaissais. Le seul de l’archipel étant Verith, je suis monté au sommet des montagnes afin de le rencontrer. Ai-je vraiment besoin de t’expliquer que notre rencontre n’était pas exactement ce que j’attendais ? Il n’avait rien qui puisse m’aider, ou du moins, rien que je puisse quantifier et jauger. Il promettait de m’aider si je me vendais à lui, j’ai refusé. Du coup, je suis de retour à la case départ, la frustration en plus” Il lui décocha un regard ironique en coin “Je soupçonne désormais Verith d’être une réincarnation de Caladonien. Il voulait que je paie des dettes ne m’appartenant pas

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Il était toujours un peu étrange de trouver un bipède dans son nid, se disait Kaalys, mais tout comme Achroma appréciait la présence du saurien, le saurien appréciait celle du vieux vampire. Avec l'Aîné, les choses devenaient simples, ce dernier interagissait d'ailleurs avec Kaalys avec une simplicité étonnante, comme si tout cela était naturel. Et peut être que cela l'était, en fin de compte. N'avait-il pas était le Lié de sa mère ? Kaalys ne croyait pas vraiment au destin, mais sa rencontre avec l'ancien dragonnier le poussait à réviser sa copie.

Ce dernier, désormais installer contre sa patte, n'avait qu'à tendre la main pour toucher le museau du dragon qui vint doucement poser sa tête sur sa patte libre. D'un oeil, il observait tranquillement le vampire se défaire du surplus de tissu imbibé de neige et s'installer plus confortablement contre ses écailles. La chaleur qui en irradiait était encore plus douce et réconfortante que celle des flammes.

Sans un mot, Kaalys laissa le vampire lui révéler ce qu'il avait sur le coeur et ainsi apaiser la tourmente de ses pensées, que le saurien parvenait à palper sans oser y pénétrer. Inutile d'approuver aux dires d'Achroma, mais le saurien n'en pensait pas moins. Les vampires étaient très résistants et le froid n'avait qu'une emprise limitée sur eux, mais le vent et la neige étaient traîtres. L'Aîné avait eu de la chance de ne pas tomber dans une crevasse ou tout simplement être emporté par le vent dans une glissade mortelle jusqu'aux pieds de la montagne.

Ainsi, Achroma s'était rendu auprès de Verith afin de trouver les réponses qui lui échappaient. Kaalys se souvenait d'une discussion qu'il avait eue à ce sujet avec le vampire, c'était même lui qui avait proposé à l'Incendiaire de se rendre auprès du Dragon de l'Ire. Quelle erreur.

" Verith est… " L'unique oeil qui observait le vampire cligna, dissimulant l'or au regard de l'immortel pendant une fraction de seconde. " C'est un dragon qui a beaucoup souffert. Skade, sa mère, était née libre mais a choisi de se lier à un vampire. Malheureusement, elle se laissa mourir lorsqu'elle perdit son Lié. Son frère fut également éliminé par les bipèdes. " Le saurien se redressa doucement et plia le cou afin de faire face à Achroma. " Ces événements tragiques ont fortement contribués à créer et alimenter la haine de Verith envers les bipèdes. Il voit également le Lien comme de l'esclavage, une opinion que je partage avec lui. De plus, c'est un être particulièrement buté, je comprend donc parfaitement que tu te sois heurté à un mur en allant à sa rencontre. Et j'en suis désolé. "

Kaalys se souvenait bien de sa dernière rencontre avec le dragon de l'Ire et le mur face auquel lui-même s'était heurté malgré toute la bonne volonté du monde. Malgré un point de vue similaire concernant le Lien, l'affection que le saurien d'ébène portait aux bipèdes était un travers insurmontable pour Verith, qui le jugeait naïf et idiot… Et qui avait assez d'orgueil pour prédire qu'un jour, Kaalys reviendrait vers lui lorsque les bipèdes le trahiraient. Avec un soupire, le jeune saurien partagea ces quelques pensées avec Achroma.

" Ne parlons pas davantage de lui. Maintenant que tu es ici, peut-être pourrais-je t'aider… et ce tout à fait gratuitement, mon ami, je te le promets. "

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Il tourna à demi la tête, observa le dragon de jais et céda à l’impulsion de laisser sa main courir sur les écailles de sa patte. Les écailles d’un dragon étaient une merveille de la nature, à la fois lisses, sans défauts et en même temps tranchantes et résistantes, esthétiques et mortelles. Une légère grimace froissa ses traits. La souffrance ne justifiait pas d’être aussi… il n’avait un seul mot pour le décrire avec exactitude. “Toi aussi tu as souffert” souffla-t-il sans agressivité. Il avait toute conscience, en son fort intérieur, que cela ne signifiait rien, que chacun réagissait différemment et qu’un seul individu n’était pas exemple du plus grand nombre. Mais il n’était pas assez bon pour laisser mourir sa dépréciation pour autant, vraiment pas assez bon. Il n’était pas assez Achroma, peut-être. Saint Achroma, capable de se sacrifier pour les autres jusqu’à en mourir. Ses yeux s’embuèrent légèrement, de frustration, de culpabilité et d’impuissance. Déglutissant difficilement l’étau sur sa gorge, il eut un très léger mouvement de tête de dénégation.“Je te demande pardon et… tu n’as pas besoin de t’excuser. Moi aussi, je suis buté. Cela ne fait pas bon ménage

Il expira douloureusement et eut un sourire cynique au souvenir que Kaalys partagea avec lui. Son esprit se crispa, bullant d’un acide amer et irrité mais se fit aussi doux et chaud dans le partage avec le dragon, appréciant qu’il lui fasse part de sa propre expérience. Naturellement, Achroma vint se rapprocher encore de lui. “Tu sais qu’il m’a fait un coup similaire ? En disant que si je me ratais je pourrais toujours revenir vers lui ?” Comme s’il allait vouloir s’enchaîner en plus d’avoir échoué ! Un sourire plus amusé lui vint, plus enfantin aussi. Parfois cela faisait du bien de vider son sac et partager avec quelqu’un qui comprenait. Cette fois, il pétillait, et avait de la compassion pour Kaalys qui avait subi autant que lui. En étant un dragon ! Un léger éclat de rire, éphémère, lui échappa, retentissant dans la grotte pendant quelques instants. “En même temps, Kaalys, je n’ai pas non plus besoin d’être endetté auprès de toi, si tu nécessite quoi que ce soit de moi je serais heureux de te le donner, c’est ça l’appréciation mutuelle non ?” Il n’avait pas besoin d’être forcé pour vouloir lui faire plaisir et l’aider, et il avait en retour confiance en la parole du dragon de jais.

Je ne doute pas que tu puisses m’aider” Il avait finit par y croire. Pas besoin d’être gros et rouge pour cela. “Quand j’essaye de me souvenir, d’aller plus loin dans le labyrinthe de mon amnésie que ce qui me vient naturellement je me heurte toujours au même souvenir, qui vient me hanter pendant des jours après cela. C’est un souvenir de Verith. Sauf que je n’avais jamais vu Verith avant de me confronter à lui en haut de la montagne. Je ne comprends pas pourquoi j’ai cette image, toujours exactement la même… j’ai l’impression de bloquer dessus” Inspirant profondément, il se releva pour venir faire face au museau du dragon, en évitant de marcher dans le feu. Il plongea son regard dans le sien, et reprit, en se prenant fermement en main. “Penses-tu que tu pourrais plonger dans mon esprit, atteindre ce souvenir et… je ne sais pas, voir ce qu’il est possible de faire ? C’est un souvenir d’un dragon, tu es un dragon… sans compter qu’un esprit mortel devrait être simple à naviguer pour toi” Il ne pouvait nier que laisser quelqu’un entrer dans ses plus intimes défenses était dur mais comme Purnendu, Kaalys ne nourrissait aucune mauvaise intention à son égard.

De nouveau, il alla s’asseoir, mais cette fois de l’autre côté du feu, face au dragon, les flammes orangées dansant entre eux, irradiant dans les orbes immenses de l’écailleux. Il le laissa venir, tâchant de se détendre, lentement, de ne pas lutter et au contraire, de faciliter autant que possible son entrée. Il voulait l’accueillir non le rejeter, après tout. Puis, sans qu’il comprenne exactement comment, il se sentit happé et le monde autours de lui s’estompa. Il se sentait flotter, il se sentit ternir alors que sa mémoire s’ouvrait pour le dragon. Le souvenir qui concernait Verith ressemblait à un noyau dur dans un océan liquide et mouvant, perturbé, ondoyant, constitué d’eau éthérée, chaque goutte un fragment de souvenir, une sensation, une idée… Le flot de cette marée était retenu par le noyau, qui pulsait, différent, étranger, pas un souvenir vampire ou humain, et pourtant bien présent. Au-delà de ce noyau, il y avait un océan encore intouché, houleux, que seul le dragon pouvait sentir, un océan retenu par une barrière que le noyau venait ancrer. Il y avait là une puissance ancestrale, celle d’un dragon, mais aussi la force d’un esprit-lié de l'hippocampe. Comme une coquille nacrée refermée sur un bouillonnement invraisemblable, elle aidait à empêcher la mémoire du vampire de l’envahir.

Quand l’esprit de Kaalys s’approcha, le noyau s’ouvrit, se déployant comme une corolle mortelle. D’abord des ailes et une queue, puis un museau puissant et massif aux cornes acérées. L’immense silhouette de Skade se redressa au-dessus de l’eau, avant que celle-ci ne se dissolve. Le souvenir est celui d’une vallée au sein des monts volcaniques. Entre deux titans somnolents, couverts de fumerolles, sur un tapis d’herbes encore timide, trois silhouettes frêles vampiriques, deux femmes et un homme, se tiennent debout auprès d’une dracène immense, aussi imposante que le plus petit des deux monts. Enroulée sur elle-même, le museau enfoui contre ses grands anneaux, repliée sur elle-même comme elle avait semblé l’être dans l’océan de la mémoire, Skade surveillait une délicate figure nue blottie contre sa patte avant. L’approche de l’esprit de Kaalys fit lever les yeux de la dragonne, son regard séculaire, profond, se posa sur un emplacement imaginé, là d’où le spectateur observait le paysage. La voix profonde de la créature millénaire, grondante comme l’orage dont elle était la maîtresse, vint emplir l’esprit du dragon de jais.

Verith, fils

La présence mentale se fit plus proche, plus intime, à la fois aimante et féroce, sauvage comme la tempête et protectrice comme un cocon de chaleur. En elle, il y avait une immense peine, une peine qui n’avait rien d’humain, ressemblant à la dernière pluie froide d’automne, juste avant les frimas. En elle, il y avait de la lassitude, celle d’une créature ayant lutté toute sa vie, forte et fière, ayant porté d’immenses blessures, et la perte de sa progéniture.

Me lier fut une erreur. Revenir fut une erreur. Je savais la vérité, au fond de moi, mais je me suis entêtée. Ceci… ceci est un message, pour toi. Le dernier de mes enfants. Je suis fière, Verith. Fière de ta force, fière de ton courage. Perdure, Verith, pour porter notre héritage. Une part de moi demeure auprès de toi, toujours

Elle baissa de nouveau le museau, semblant considérer la minuscule forme contre ses écailles, à l’abris d’une aile. Elle souffla doucement dessus, puis redressa de nouveau le museau. Son regard luminescent comme le coeur d’un arc de foudre observant l’immensité, et l’esprit invisible présent. Elle ne pouvait savoir qu’il ne s’agissait pas de son fils. Ce qu’elle créait était à peine conscient, dans ses derniers instants, dans ses ultimes souffles.

Tu avais raison… mais si je paie le prix de mon lien, je ne compte pas abandonner totalement ce monde. Avec ce qui me reste de force, j’ai rectifié un évènement que j’estimais injuste… J’ai ramené de la mort celui qui m’a libéré du tyran. Achroma a donné sa vie pour moi, pour Trissi et pour ce monde, sans hésitation. En ce jour, je lui offre une seconde chance de vivre heureux, en remerciement de ce qu’il a fait

Sa voix commençait à diminuer. Elle reposa la tête, ressera la protection de son corps autours du ressuscité.

Je place en lui ce message qui t’es destiné, puissiez-vous vous trouver, puisse-t-il te transmettre ce dernier témoignage de mon existence et de mon affection. Puissiez-vous, ensemble, trouver un moyen de défaire le lien qui prend aujourd’hui ma vie. Vous êtes mon dernier lien, que ma tempête gonfle vos ailes et vous protège à tout jamais

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Le dragon de jais ronronna doucement sous la caresse. Les doigts du vampire, bien que froids, étaient comme une plume sur ses écailles. C'était amusant, la façon dont le corps d'un dragon pouvait réagir. Les écailles protégeaient telle une armure, mais pouvaient aussi laisser passer d'agréables sensations, telle cette caresse.

" Je n'en suis pas surpris. ", répondit le saurien. Pour apaiser l'esprit de l'Ainé, Kaalys souffla doucement de l'air chaud vers lui, faisant voleter quelques mèches de sa blonde chevelure. Il apprécia, ensuite, le rire de son ami. C'était un son agréable et voir ses yeux pétiller, même instant, rendait le saurien heureux. Mais, reprenant son sérieux, Kaalys écouta attentivement la requête du bipède. Il dardait sur lui, pendant son explication, un regard aussi curieux que doux, mais avec une pointe d'amusement. Rêver de Verith ne devait pas être une partie de plaisir !

Achroma décidant de bouger, Kaalys le suivit d'abord du regard, puis tourna sa tête vers lui. Le vampire n'était qu'à un bras de distance de son museau. " Je peux essayer. ", répondit-il à sa requête. L'Ainé n'avait pas tort, l'esprit d'un bipède était d'une effarante simplicité pour un dragon. Les mortels n'étaient pas idiots, loin de là, mais leur schéma de pensée était bien différent de celui des dragons, eux étant dépositaire d'un savoir millénaire et partagé.

Laissant le vampire aller s'asseoir, Kaalys ne le quitta pas du regard. Les flammes les séparaient, mais ils seraient sous peu plus proches que jamais. Le saurien allait pénétrer intimement dans la tête d'Achroma et ses secrets pourraient être révélés. Bien sûr, le dragon de jais ne souhaitait pas poser son regard sur ce qui ne le regardait pas, mais en fouillant ainsi la mémoire de l'immortel, c'était un risque que ce dernier devait prendre.

Kaalys laissa quelques instants à Achroma, puis avança doucement vers ce dernier en pensée. Il contourna l'image des flammes et de son propre regard qui dansaient dans les yeux du vampire, et nagea bien au-delà, vers son inconscient. Le monde s'estompa à mesure que le saurien progressé vers les tréfonds, passant à côté de souvenirs plus récents qui ne l'intéressaient pas. Les abysses approchants, Kaalys découvrit un noyau dur, hermétique au reste, autour duquel il tourna à la recherche d'une entrée, d'une faille à exploiter. Il comprit en l'observant, en l'écoutant, que ce souvenir n'avait rien de vampirique, ni même de bipède. Il s'agissait du souvenir d'un dragon, dont la mélodie ressemblait à celle de la mémoire draconique. Doucement, Kaalys s'approcha et y posa une griffe, puis sa patte entière.

Son corps flottait dans l'abysse éthérée, alors que le souvenir s'éclairait à la présence du dragon. Il finit par s'ouvrir, telle une coquille, et Kaalys y pénétra avec la même délicatesse. Sous son regard, le souvenir se déploya. Il devina rapidement des ailes et une queue, puis le museau massif et des cornes. Une dragonne, et il comprit rapidement qu'il s'agissait de Skade, la mère de Verith.

L'eau s'estompa et Kaalys découvrit un paysage volcanique. Il était sur l'ancien continent, avant sa naissance. La vallée était surplombée par deux monts endormis, mais un rien semblait pouvoir les réveiller. En pensée, il s'approcha de la silhouette de Skade, qui se dessina sous son regard, ainsi que trois autres. Des vampires, deux femelles et un mâle, qui entourianet un corps endormit, blottit contre la patte avant de la dragonne. Elle-même le couvait d'un regard protecteur, mais l'approche de Kaalys lui fit lever le museau. Elle était immense, mais Kaalys trouvait sa présence réconfortante.

Comprenant qu'il s'agissait d'un message pour Verith, Kaalys s'assit tranquillement et écouta attentivement la grande dragonne, dont le regard le transperçait. Il ne comprenait pas tout, mais c'était bien normal. Il se contenta, plutôt que de chercher, d'enregistrer chaque parole, chaque image, pour pouvoir les transmettre à son tour. Il devenait le messager de Skade au travers de la mort et découvrait la vérité sur le retour d'Achroma, l'espoir que la grande dragonne avait placé en lui, ainsi qu'en son fils. Lorsque Skade eut épuisé ses forces, Kaalys se retira doucement. Il s'envola, loin de la Mère des tempêtes et du corps ressuscité, remontant à la surface des souvenirs d'Achroma aussi délicatement qu'il était venue, porté par la tempête.

Le crépitement du feu ainsi que sa chaleur enveloppèrent le saurien, qui rouvrit doucement les yeux. Ses prunelles d'or liquide se posèrent sans attendre sur le vampire, jaugeant son état après cette plongée dans les abysses de sa mémoire.

" C'était un message. ". Kaalys brisa le silence après quelques secondes, revenant doucement dans les pensées d'Achroma. " Tu étais le dépositaire du dernier message de Skade pour son fils, Verith. Je le suis également, à présent. " N'étant pas certain qu'Achroma ait lui-même accès au souvenir à présent, Kaalys lui en transmis un résumé en pensées. " Sa dernière volonté était de vous voir, toi et Verith, défaire le lien qui lui a pris sa vie. Qui a prit la vie de nombreux dragons à travers les âges, ainsi que de nombreux dragonniers. "

Ne voulant pas aller trop loin dans l'esprit de son ami, Kaalys réfléchit un instant avant de poser la question dont il brûlait d'envie de connaître la réponse.

" Ce message, dans ton esprit, agissait comme un rempart ou une coquille protectrice. Il bloquait les souvenirs de ta vie passée, les empêchant d'inonder ton esprit et de causer des dommages à ta psyché. Comment te sens-tu, maintenant ? Vois-tu de nouvelles choses ? "

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La transe vint à son terme tandis que le dragon-esprit quittait les abysses de sa mémoire pour revenir vers le monde opulent de l’existence matérielle. Elle s’étiola sur un profond sentiment de malaise, un frimas glacé parcourant son échine et s’écoulant librement dans son dos courbé. Malgré son ancre dans le monde physique, Achroma sentait Kaalys le quitter et essayait vainement de lutter contre cette déchirante sensation. L’inutilité de cette lutte pourtant passionnée occulta pendant une poignée d’instants la dévastation de sa mémoire brisée dont les flots à présent dépourvus de barrage noyaient les plages fragiles de sa conscience. Le vampire fut pourtant contraint de lâcher prise, chutant ainsi dans ces insondables profondeurs, assaillit qu’il était, alors, de voix, de sensations, d’images qui ne voulaient rien dire et qui, en l’espace d’un battement de coeur, voulaient tout dire. Physiquement inchangé, si ce n’était pour l’absence dans son regard et l’immobilité de ses traits et de ses membres, Achroma menait pourtant, sur l’instant, une quête profonde et terrible : celle de son propre passé. Perdu dans le labyrinthe robuste et tortueux d’une mémoire millénaire brisée qui se reconstruisait, la voix de Purnendu tentait de l’aider, par les barrières et jalons qu’il avait placé dans cet édifice improbable et absurde de profondeur.

Au détour d’une haie constituée de quelque chose de déplaisant qu’il se refusait à examiner, l’écho de la voix de Kaalys lui offrit un escalier pour remonter hors de la fosse de sa mémoire sans avoir à trouver la sortie du labyrinthe. Il cilla, frémit et porta son attention confuse sur le dragon de jais. “Un… Un message” Il avait du mal à rester ancrer dans le moment présent, il sentait l’appel de sa mémoire comme le chant d’une Néréide, il sentait la prise, comme des mains tirant vers le bas, des corps pesant pour le faire de nouveau descendre. Achroma, conscient de cet écueil, s’accrocha plus fermement à la voix qui résonnait en son être, chaude comme les écailles couleur d’obsidienne. Un message pour Verith ? Il essaya de sourire sans réellement y parvenir. “Je vois” C’était pour cela, donc, qu’il avait vu Verith dans ses transes. Quelque part, sans doute à cause de la vivacité de sa rancune et de sa frustration, le vampire parvint à être quelque peu rétribué que Verith ne sache donc jamais ce que sa mère avait voulu lui dire. C’était terriblement mesquin mais dans son état et après leur rencontre, il ne considérait pas avoir un trop plein de dignité à lui sacrifier. Mais pourquoi était-il dépositaire de ce message ? Il savait que Skade l’avait fait revenir mais… pourquoi lui ?

Détruire le lien…” N’était-ce pas un retour aux souhaits qu’ils avaient échangé, Kaalys et lui ? Il se releva lentement, fit quelques pas, pour essayer de chasser, au moins temporairement, ce qui le tirait vers le ‘bas’. Il inspira profondément, expira profondément, sa main se noua autours de la boussole à son cou, serrant doucement le bois. Comment se sentait-il ? Pas très bien. Les souvenirs l’appelait désespérément et certains commençaient même à venir gratter aux coins de sa vision immédiate. Et il se sentait terriblement sale. Son corps, son esprit, son âme. Pourquoi se sentait-il sale ? “Je sens une force qui m’attire à l’intérieur, vers un labyrinthe… mais c’est sombre. Je sens la violence de ces souvenirs, je sens leur volonté de me noyer. Si je ne résistais pas, ils déferleraient en me laissant impuissant, je le sais. Je le sens. Je reste concentré sur toi, sur Aldaron, sur Purnendu. Je m’accroche à ce que j’ai près de moi pour ne pas simplement plonger la tête sous l’eau et perdre la notion du temps et de… je ne sais pas. Est-ce que je vais réussir à rester moi-même ?” Son regard s’ancra dans celui, lumineux, du dragon. “Je suis différent de ces souvenirs, parc que je me suis reconstruit sans. Ivanyr existe bel et bien… mais je crains que ces souvenirs…

Il craignait que ces souvenirs n’effacent cette partie de lui. Il craignait de devenir fou, de perdre le contrôle ou, contrairement à ses affirmations, de ne pas être assez fort pour supporter ce qu’il verrait. Jouant avec l’ouverture du couvercle de la boussole, il contourna la roche et le tronc enflammé tout en jugulant toujours la tourmente en son coeur. Son coeur qui lui faisait terriblement mal, mais pour lequel il refusait de se plaindre. “Je vois des images, dans le coin de mes yeux. Skade… je l’ai libéré, je crois. Je n’arrive pas à savoir de quoi exactement mais je sais que je l’ai libéré. Je suis mort juste après. Je vois aussi une ville en flammes. Ma colère en a détruit une grande partie… j’ai… je vois Aldaron. Je lui ai fait du mal, beaucoup de mal. Son sang gorge le sol par ma faute..” Il tremblait désormais “Il va mourir, je n’arrive pas à me retenir. La magie en moi… Mais il est sauvé, je crois ? Une dragonne blanche comme neige, qui le prend dans ses griffes, je crois. Ou sur son dos ? Elle… elle n s’envole pas… pourquoi elle ne s’envole pas ? Je vais les tuer… je… je vais tous les tuer si elle ne s’envole pas… elle m’attend… elle essaye de m’attraper dans ses griffes et je la frappe avec une faux… Ma rage m’aveugle, je ne suis pas capable de contrôler mon propre corps…

Il inspira violemment. “Kaalys… je… est-ce que c’est réel ? Est-ce que j’ai réellement tué tous ces humains ? La dragonne.. je n’arrive pas à savoir si elle m’a attrapé… c’est encore si flou… flou et vivace à la fois. Les émotions sont brûlantes mais les images… pas autant. Il y a trop je crois

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L'esprit draconique était fort et puissant. Ébranler la conscience d'un dragon n'était pas chose facile, cela expliquait donc pourquoi Kaalys se sentait très bien après ce voyage dans le tréfonds des pensées d'Achroma. Et, n'ayant guère l'habitude, le saurien ne s'était pas rendu compte d’à quel point l'Ainé était troublé, lui.

Lentement, le vampire se redressa et fit quelques pas, de l'autre côté du feu qui crépitait doucement. Kaalys le suivit du regard alors qu'il commençait à percevoir son trouble et le malaise qui l'opprimait. Puis, s'arrêtant de bouger, l'immortel exprima son mal-être soudain à Kaalys. Ce dernier se sentit aussitôt malheureux pour son ami, alors qu'il avait bien des difficultés à comprendre exactement son mal-être. Kaalys avait vécu bien des épreuves, mais jamais une comme celle-ci, du moins pas exactement.

Le dragon accueillit le vampire près de lui avec plaisir, soufflant doucement un air chaud et réconfortant sur son corps de marbre. Il écouta, ensuite, et tenta de comprendre. Après sa plongée dans l'esprit d'Achroma, il avait accès aux quelques souvenirs qu'il avait rencontrés en chemin, des brins de vie dans une existence millénaire. Hélas, ces quelques images ne lui permettaient pas de comprendre ce dont il retournait, ce qu’Achroma voyait présentement et qui risquait de l'emporter dans les ténèbres.

Alors, comme sa mère autrefois, Kaalys leva la patte et saisit le vampire pour l'attirer à lui. Il vint ensuite poser le côté de sa tête contre le corps glacé du vampire, ronronnant doucement pour tenter d'apaiser son esprit et son cœur. La vibration prenait naissance dans son poitrail et remontait doucement jusqu'à ses extrémités, accompagnée par un son puissant.

" Ça l'est. " Tonna la voix grave du dragon. " Ces événements font partie de ton passé. L'ancien Achroma les a commis pour des raisons qui t'échappent encore. Mais tu n'es plus cette personne. Tu es Ivanyr, tu es le nouveau Achroma. "

Doucement, l'esprit de Kaalys s'infiltra dans les brèches de l'esprit de l'Ainé, s'enroulant autour de son cœur et de son âme en une armure impénétrable afin de repousser le trop-plein de souvenirs. Les écailles hérissées, il protégerait l'esprit encore fragile du vampire, si ce dernier était prêt à l'accepter en son sein.

" Si tu veux construire l'avenir, tu dois affronter les erreurs du passé. Sinon, cela reviendrait à vouloir construire un mur sans briques et sans mortier. " Sa voix se faisait plus douce alors qu'il repoussait le trop-plein de pensées, érigeant une barrière à travers laquelle il laisserait filtrer les souvenirs à la façon d'un tamis. " Mais tu n'as pas à le faire seul. "

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Il sentait son être se déchirer en deux, une part attaché au monde, l’autre à sa mémoire. L’écho de cris dans ses oreilles, l’odeur du sang et du feu, la sensation d’une magie violente et enragée pulsant dans son corps et puis soudainement, la poigne d’une patte griffue se refermant sur lui. Achroma sursauta, tenta de saisir le membre écailleux dans une vaine tentative de le faire lâcher prise et quand il releva les yeux vers le dragon avec surprise et défiance. Prit dans les rets de ses souvenirs, les écailles s’étaient faites d’un blanc argenté brillant, la silhouette massive et le museau d’autant plus. Il entendit une voix claire qui tintait comme de l’eau et qui l’appelait mais elle était incompréhensible et lorsqu’il secoua la tête, la vision disparue. Kaalys le retenait dans ses griffes et dans un réflexe de pur désespoir, il se serra contre lui, bras écartés comme s’il tentait vainement d’enlacer l’énorme poitrail. Le profond ronronnement vint vibrer dans son corps et dans ses os, combattant ce qui le rongeait, un mal être indicible fait d’années entières de souffrances versées sur lui en l’espace de quelques battements d’un coeur humain. Il se sentait si mal… si sale… pas seulement dans son corps mais dans son âme. Et il s’accrochait au dragon comme un noyé à une planche de bois. Il se noyait, et en l’instant, seule la présence de Kaalys l’empêchait de sombrer.

Pourquoi…

Pourquoi tout cela ? Pourquoi est-ce qu’il souffrait ainsi ? Pourquoi avait-il fait tout cela ? Pourquoi avait-il eu à porter tout cela ? Il se sentait si mal. Cela gonflait en son coeur, une peine sans communes mesures, sans équivalent, une peine à fendre les cieux pour les faire pleurer et hurler de concert avec lui. Il le sentait dans sa poitrine, dans son coeur qui lui faisait mal, dans son âme martyrisée. Il voyait le sang sur la lame de sa faux, comme une peinture vermeille, liquide, comme une souillure sur son être. Il voyait des visages terrorisés, des humains, un nombre incalculable d’humains, récents mais des elfes aussi, plus vieux, bien plus vieux. Ils semblaient se masser là comme une marée. Ils hurlaient depuis le labyrinthe. Eux aussi voulaient savoir pourquoi. Il voyait une vampiresse aux cheveux rouges, souriant près de lui, des yeux au vert envoûtant, comme ceux de son époux, il voyait un jeune garçon à peine adolescent, et une femme aux cheveux blonds et bouclés, un vampire à la chevelure rousse avec une dracène d’argent et une femme aux cheveux sombres et aux yeux haineux. Il voyait tant et si peu à la fois. Il n’y arrivait pas. Avec un sanglot, il s’accrocha davantage sur les écailles de jais, jusqu’à ce qu’elles fendent sa chair et que son sang coule.

Je ne suis pas un monstre… je ne suis pas un monstre…

Les voix se faisaient concert déchirant, emplissant toujours plus son esprit alors qu’il s’accrochait à Kaalys avec désespoir, le corps tendu comme la corde d’un arc, sanglotant et suppliant. Il ne voulait pas de ça, il ne voulait pas être un monstre, il ne voulait pas partir maintenant. Il ne comprenait pas ! Les mots du dragon essayaient de s’ancrer en lui, comme des sceaux de confiance, des sceaux de sauvegarde, mais la vague était si haute ! Il ne voulait pas être cela. Il ne voulait pas être ce qu’il voyait. Achroma lui avait mentit, à son sujet, à leur sujet ! Toutes ces choses, tous ces secrets, gardés, enfouis en lui comme des ancres le traînant vers le fond alors que l’orage grondait sa colère et son désespoir au dehors. Le monde pleurait tout le sang versé, autant que tout ce qu’il avait pu faire. Il avait tué Edwyn. Il avait tué le Fondateur. Il avait tué sa fille. Il avait tué des amis, des amants, des frères, des soeurs, des compagnons d’armes, il avait fait beaucoup, pour son peuple et parfois au détriment de ce qu’il aurait aimé, il avait souillé son honneur t sa dignité, et avait même finit par les rejeter, pour ce monde. Il y avait trop ! Beaucoup beaucoup trop ! Il allait se briser. il ne pouvait pas supporter tout cela. Il n’en avait pas envie non plus ! Pourquoi devait-il réclamer ces horreures comme siennes ?

Un éclaire fendit les cieux, hurlant, alors que l’esprit de Kaalys venait s’infiltrer au fond de lui, profitant des éclats dispersés de sa psychée. L’être à l’agonie eut un sursaut avant de s’accrocher à cette présence comme il s’accrochait à ses écailles, avec une force et une violence égalant le typhon d’émotions qui le secouait. Ils étaient noués l’un à l’autre, ballotés dans la tourmente. Il vit un visage à la blancheur crayeuse, aux yeux bleus et vitreux des albinos, mauvais, lui souriant d’un trône d’ombres et d’acier, lui ordonnant de tuer un garçonnet de dix ans aux yeux emplis d’une profonde terreure. Il se voyait céder, hurlant, abattant une lame plus grande que le corps famélique de l’enfant, et ne s’arrêtant pas, le réduisant en charpie, même déjà mort, simplement pour le plaisir malsain et passager de se soulager, d’infliger la douleur plus que la recevoir. Il sentait en lui le plaisir plein de soulagement de ce changement d’équilibre, à chaque coup, plus intense que n’importe quelle libération sexuelle. Il sentait les pleurs sur ses joues, alors même qu’il continuait, encore et encore jusqu’à ce que le sol de marbre cède sous la force de l’impact et dans un bruit humide. Et il hurla à la propre réflexion de l’abysse dans laquelle il était tombé, l’écho de son cri psychique traversant les cieux d’une nouvelle zébrure blanc-bleu alors que son esprit se réfugiait dans celui du dragon.

Il se vit, en simple chemise de lin blanc, auprès d’une vieille femme, assit à son chevet avec dans le coeur une affection douce-amère et la tristesse d’une séparation définitive. Il se vit lui raconter un dernier conte, lui caressant les cheveux et les tressant de fleurs sauvages dans un été clément et la femme sourire et se reposer contre lui, fermant définitivement les yeux. Il se vit au sein d’une abominable bataille, attaquant un dragonnier humain et sa petite créature couleur d’or, manquant les tuer. La guerre le commandait mais en son coeur il n’en avait aucune envie. Il se voyait danser avec une femme aux longs cheveux bruns, dans un palais de blanc et d’or, sous un crépuscule pastel, un coeur battant encore dans sa poitrine. Il se vit se taire alors que son père vampirique était tué sous ses yeux haïssant chaque seconde de son impuissance. Il se vit briser la nuque d’une pauvre fille simplement pour la faire taire alors qu’il aidait les rebelles à passer les terres théocrates, le corps reposant un instant contre lui avant qu’il ne l’abandonne sans bûcher, n’ayant pas le temps. Il vit une perle de Néant attraper un garde qu’il était obligé de sacrifier pour sauver une princesse. Il se voyait avec Aldaron, se retrouvant enfin après sa libération par Mort des chaînes de servitude du tyran. Il se voyait enseigner à son fils vampirique. Il se voyait chevauchant Silarae…

Je ne suis pas un monstre

Sa voix était rauque d’avoir crié et pleuré. Son esprit se plantait dans celui du dragon, comme doté de griffes d’agonie et de folie, cherchait à le déchirer pour se glisser plus encore en lui, pour échapper à l’horreur d’un millénaire entier d’une vie vécue à son pinacle. Il poussait, raclait, frappait et cajolait tout à la fois, toute conscience envolée. Il voyait trop de choses. il sentait trop de choses. L’armure n’était pas suffisante, la source de tous les maux c’était lui. C’était sa faute. C’était sa peine, sa punition, son fardeau qui naissait de lui, promptement alors qu’il cherchait à s’en défaire. Rendu fou de souffrance et de détresse face à l’ignominie de son propre passé, il cherchait le feu du dragon pour se purifier, pour se fondre et se reforger, se baptiser réellement de cette nouvelle identité, Achroma sans l’être, sans ses crimes qu’il n’avait pas commis. Il avait perdu la vie pour cela et on la lui avait rendue ! Il se glissa dans l’ouverture soudainement offerte par Kaalys, s’engouffrant en lui et s’offrant à lui, sans hésitation, sans doute, se laissant brûler, consumé de sa présence, de l’immensité de son esprit alors que le bourgeon en lui croissait à une allure folle, aussi folle que l’orage monstrueux à l’extérieur. Il se laissa embraser par lui, plongeant sans poser de questions.

Prend moi

Il se sentait fondre en lui, esprit en fusion, esprit morcelé alors que les hurlements diminuaient enfin, remplacés par un battement puissant et immémorial. Le froid, la douleur, la souillure furent balayé, alors qu’il se nettoyait dans l’éruption de puissance provenant de la jointure de leurs deux âmes. Son être éperdu cherchant sa voie vit un trait de lumière comme aucune en ce monde, occultant de labyrinthe au profit d’une seule ligne, tracée d’une main de maître, parfaite en tous points, irradiant l’évidence et l’affection, une incommensurable douceur et une sauvagerie primale. Il ouvrit des yeux rougis du sang de ses larmes, les joues et les mains écorchées, ouvertes par endroits mais la douleur était un délice tant elle hurlait la vie de ce qui pulsait à présent au fin fond de son existence, et dans son coeur. Il avait si mal. Son coeur battait. Un acte impossible mais il battait. Et son âme battait, écho de celle à laquelle elle s’était nouée, transcendée par l’énormité de ce qu’il était et la force et la beauté de ce qu’on lui offrait sans rien attendre en retour. Un acte désintéressé, scellant un renouveau, alors que son dernier acte au crépuscule de sa vie précédente avait été égoïste, un seul acte égoïste arrêtant tout. Toujours saisit dans sa patte, il se redressa, et s’ouvrit de nouveau, cherchant au travers de la voie royale et brillante les contours du labyrinthe emplit de ces striges grimaçantes.

J’ai été un monstre

Sa voix était bass, tremblante, sifflante. Son esprit s’appuya sur celui du dragon et sur l’armure dressée pour lui.

J’ai été un monstre. Et un chevalier. Un tueur et un amant, un conseiller et un mendiant, un conteur de passage et un seigneur fuyant ses responsabilités, j’ai été dragonnier, prince, frère, juge et coupable, bourreau et prisonnier, j’ai aimé et haïe, j’ai protégé et agressé, construis et détruis. Tous ces visages… toutes ces voix… On a essayé de me protéger, de m’aider, de diluer la découverte et j’ai préféré la hâter…

Son regard embué s’éleva vers le museau du dragon et il se perdit dans son regard sans essayer de l’empêcher, y trouvant une place.

Je te souhaite bien du courage avec moi pour compagnon. En mille ans, je n’ai jamais réussi à contenir mon impulsivité. Tout au plus ai-je réussi à la rendre plus subtile et donc plus dangereuse… Attaquer un Fenrisulfr à mains nues aurait été plus simple que de naviguer ces eaux auxquelles tu fais barrage

Son visage à l’immense gravité se fendit d’une grimace de souffrance et il porta une main en charpie, tremblante, à sa tempe, y étalant du sang noir et poisseux.

J’ai rarement eu une telle migraine, que les cieux me préservent

Lentement, vacillant, il ouvrit la bouche, toucha ses crocs et fit une nouvelle grimace, manquant vomir au goût âcre du sang déjà digéré qui imbibait ses doigts.

... Je suis toujours un vampire. Pourquoi mon coeur bat-il alors ?

Des questions pragmatiques, concrètes. Mais il sentit bien vite la poigne des souvenirs au-delà de l’armure. Il était à présent hors d’atteinte, s’il ne désirait pas volontairement se perdre. Mais Kaalys avait raison : on ne construisait pas l’avenir sans passé. Sans une fondation, aucune demeure ne s’érigeait. Son esprit trembla, au sein du sien et il ne cacha pas sa peur. Pour autant, il décida de se détourner de la voie blanche de son esprit pour regarder les bords du chemin et le labyrinthe.

Avec toi, alors. Ensemble

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Kaalys était à des lieues de pouvoir comprendre ce qui tourmentait Achroma. Même tout le savoir, toute l'expérience qui se trouvait dans sa mémoire draconique ne suffisait pas. Alors, malgré sa taille, il se sentait bien petit. Petit face aux siècles, petit face à la douleur qui irradiait du vampire. Il se sentait bien démuni et, peut être, faisait-il plus de mal que de bien en attirant l'immortel contre son poitrail. Ses écailles pouvaient être si tranchantes !

Les sanglots firent se serrer le cœur draconique. La douleur et les mots qu'il murmurait dans une pseudo-folie également. Ses mots touchaient à peine l'immortel et Kaalys, incompétent face à cette situation, resserra l'étreinte protectrice de son esprit autour de celui, si fragile, d'Achroma. Son âme, présentement, ressemblait à la silhouette recroquevillée d'un enfant, les jambes contre le torse et se balançant inlassablement d'avant en arrière en répétant une terrible litanie.

" Tu n'es pas un monstre. " Reprit le saurien, mettant dans sa voix mentale toute l'assurance qu'il possédait. " Tu n'es pas un monstre. " Répétait-il en écho aux propres paroles du presque fou. Mais ces mots, il les pensait. Il les crierait s'il le fallait, car Kaalys était persuadé qu'Achroma n'était pas un monstre. L'homme qu'il avait rencontré dans la forêt s'était battu pour les siens, s'était ensuite évertué à protéger les siens en organisation leur départ de l'île… Il se souciait de ses semblables, de son compagnon, de Purnendu, de Kaalys… Il ne pouvait pas être le monstre qu'il voyait dans son esprit ! Cet homme-là était mort et c'était une nouvelle personne que Skade avait faite se relever de ses cendres. La silhouette du dragon se resserra autour de l'esprit vampirique, le protégeant de ses remparts mentaux aussi assurément que Skade avait veillé sur le corps d'Achroma il y a quelques années.

Puis Kaalys ouvrit son esprit et, physiquement, ses grandes ailes se déployèrent de part et d'autre de son corps pour venir recouvrir la scène, protégeant Achroma et lui-même dans un cocon, leur offrant une intimité que nul ne pouvait briser. Il lui ouvrit son cœur et laissa le vampire se couler en lui comme dans un moule. Quelque part, au sein de l'esprit draconique, se trouvait les ramifications coupées, brisées, de son premier lien. Et juste à côté, telles de nouvelles racines, s'en formaient de nouvelles. Ces tentacules lumineux vinrent doucement s'enrouler autour d'Achroma, mais pas pour le blesser. Au contraire ! Ces racines fusionnèrent avec les bras et les jambes du vampire pour ne former qu'un tout solide et puissant. Puis, le feu purificateur vint lécher les membres à l'agonie. C'était comme une lumière qui balaya le corps d'Achroma, nettoyant son âme souillée, avant de venir s'enraciner dans la poitrine du jeune dragon.

Lorsqu'Achroma rouvrit enfin les yeux, Kaalys fit de même en parfaite synchronisation. L'or balaya les yeux rougit par les larmes et un profond ronronnement emplit la caverne, l'espace d'un instant, avant que les prunelles ne se tournent vers le corps meurtrit que le Dragon s'empressa de soigner en utilisant la magie de Ho'Lokinestad. Dans quelques minutes, il n'y aurait plus traces de ces blessures. Celles-ci appartenaient à l'ancien Achroma, le nouveau ne les méritait aucunement.

" Mais nous ne naviguons pas, Achroma. Nous volons. " Répondit le jeune Dragon en se redressant. Ses ailes retrouvèrent leur place contre ses flancs et, dans un geste se voulant tendre, Kaalys posa son museau contre le flanc du vampire, avec une douceur et une délicatesse insoupçonnée pour une créature de cette taille. Puis, le rire du dragon, à travers leur Lien, raisonna. C'était comme un carillon, un son à la fois doux et puissant.

" C'est notre cœur que tu sens battre. " Doucement, Kaalys s'allongea et, d'une pensée, invita le vampire à venir s'allonger entre ses pattes, bien au chaud et protégé de tout. " Nous allons travailler ensemble pour voler au travers de ta mémoire. Je t'accompagnerais, ou que tu souhaites te rendre, et ne te laisserais pas tomber de selle. " Parlait-il toujours de sa mémoire ? De ce labyrinthe mystérieux si attirant ? " L'important est le voyage, pas la destination. Je suis heureux que tu n'ais pas ouvert la porte de ton passé avec Verith. "

Qu'aurait fait le Dragon de l'Ire de ces souvenirs ? Qu'aurait-il tenté de marchander pour empêcher Achroma de sombrer dans les limbes ? Quel aurait été le prix de ce voyage ? Au travers du Lien, Kaalys ressentait la peur du vampire et le rassura d'une étreinte chaude.

Les deux amis avaient longuement parlé du Lien et du fait que celui-ci devait être consenti par les deux parties. L'était-il dans leur cas ? Kaalys avait été une bouée de sauvetage pour Achroma, ce dernier ne regrettait-il pas ? Ne regretterait-il pas plus tard ? Le saurien préféra taire ces questions pour le moment. " Nous sommes Liés, désormais. " Murmura Kaalys en pensée. " Et j'espère que mon Lié me mettra au courant de ses plans, même s'il n'a plus vraiment le choix. " Lui dit-elle d'un ton espiègle. Bien sûr, Kaalys ne voulait pas tout savoir, ils avaient tout deux leur jardin secret, mais le jeune dragon était curieux de connaître les agissements de l'Ainé depuis leur dernière rencontre et ce qu'il prévoyait de faire avec son peuple, par exemple.

" Je me demande comment Aldaron va réagir… " Lâcha-t-il au bout d'un instant, un air rieur au fond des prunelles.

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Voler. Un souvenir affleura à leurs esprits combinés, comme une illusion fébrile et éphémère, un vol dans la nuit noire et silencieuse au-dessus d’un camp militaire s’étendant à perte de vue. Malgré l’invite, il se refusa à la tentation de suivre ce fil psychique dès à présent, enchanté par le rire carillonnant de Kaalys. C’était là un son riche dans l’âme, qui résonnait et se répandait en produisant une chaleur au creux du coeur et dans les membres, un son juste et clair, emplit de nuances et de personnalité. Et il sentait ces nuances comme si elles étaient siennes désormais, il pouvait suivre leur floraison comme les ridules à la surface de l’eau. Il posa des mains écorchées sur les écailles douces et laissa la chaleur innée du dragon envahir son corps et ses articulations, et il se laissa bercer des sensations du lien, semblant si faciles, si naturelles et innées. Comme dans un rêve, il vint à s’allonger contre les larges pattes de la créature ailée, se blottissant, apaisé et somnolant. L’épreuve avait été rude et le contre coup encore vif. Le vampire ressentait le corps contre le sien comme une extension naturelle du sien et pouvait compter ses battements de coeur, pouvait suivre leur résonance et leur force, apprenant doucement la musique ancestrale comme une mélodie familière et bien-aimée.

J’en suis heureux aussi” Pas uniquement parce qu’il n’aurait pas survécu. Mais à présent, cela semblait presque gênant que de s’imaginer avoir partagé cela avec un autre que Kaalys. Comme il ne s’imaginait pas non plus voler avec un autre dragon. Jusqu’à présent, le Jais ne l’avait jamais laissé tomber en dépit de la peur panique qu’il avait eut des airs. Quelle ironie ! Un dragonnier ayant peur des hauteurs. Il arrivait réellement à faire des merveilles en matière de plaisanteries. Avoir l’indicible plaisir et honneur de faire corps avec une créature aussi belle… et avoir peur de voler. Et c’était sans parler de sa mémoire défaillante. Il ressentait les pensées de son compagnon, davantage tourner vers le pragmatisme. Qu’aurait-fait Verith de ses souvenirs ? “Il m’aurait probablement laissé mourir tu sais” Tout simplement, car il ne lui accordait aucune valeur. Cela le glaçait. Sans être d’un orgueil démesuré, n’importe qui serait effrayé d’être quantité si négligeable qu’il en serait mort là sur un flanc de montagne, rendu fou par son passé et progressivement oublié de tous. Son époux serait mort ainsi que sa liée immaculée. Quoi d’autre de réjouissance dans ce programme ? L’étreinte de Kaalys le fit soupirer et il s’y glissa mentalement. “Ne perdons pas de temps avec ce qui aurait pu être. Ce n’est pas arrivé

Quelque chose froissa la paix de ses traits, il rouvrit les yeux pour observer les écailles nocturnes. “Tu le sentirais, si je regrettais, non ?” Cette fois, c’était lui qui se montra amusé et qui vint enlacer la psychée de son lié avec affection et une certaine taquinerie. Ils étaient un, ils ne pouvaient rien se cacher. Et il ne regrettait rien du tout. Animal blessé, il savait qu’il aurait très bien pu se refermer sur lui-même quitte à mourir s’il l’avait voulu. Stupidement, d’ailleurs. Mais il ne l’avait pas fait. Il s’était donné à lui volontairement, viscéralement, comme il avait sauté d’une falaise de Calastin pour faire vivre son Inséparable. Pour autant, leurs discussions et avis au sujet du lien ne changeaient pas pour autant. En réalité, il n’était que conforté. S’il mourrait, Kaalys ne devait pas suivre. Ce n’était pas ce qu’il voulait et il ne comprenait pas quel fanatique atteint d’absolutisme voudrait emporter dans la mort son autre moitié. N’était-ce pas le comble de l’égoïsme et du nombrilisme ? L’image de Silarae revint à sa mémoire, sa tentative de s’accrocher à lui alors qu’il tranchait leur lien pour espérer qu’elle survive. Même au plus fort de son égoïsme, quand il s’était suicidé, il avait essayé de donner une chance à sa liée blanche. Et il voulait la même chose pour Kaalys.

Il sera content pour nous” Et probablement pas surpris le moins du monde. Il le connaissait assez bien, son piou. En revanche, il ne répondit pas immédiatement au sujet de ses plans. Lorsqu’il le fit, ce fut après un long moment de réflexion sur le sujet. Il parla d’une voix lente et sérieuse, lasse mais pas moins ferme. “Les vampires n’ont jamais été bien traités et accueillit par le reste du monde. Ils proviennent d’une malédiction des déesses, et si le premier était coupable, les suivants étaient ses victimes. Pourtant, dès le départ, ils ont été sujets à la violence des elfes, leur mépris, leur dégoût. Ils ont été chassés et tués. Voyant qu’ils ne parvenaient pas s’en défaire les elfes sont partis, laissant les vampires mourir de faim. Ont-ils jamais tenté d’établir un dialogue et de comprendre ? Non. Sur Ambarhuna, ce fut la même chose et quand les humains vinrent à accoster, les elfes ont immédiatement embrigadés les nouveaux venus pour qu’ils chassent les vampires eux-aussi. Ils massacraient mon peuple. Quand un dragon cru en un vampire et se lia avec lui afin de tenter de ramener la paix, ils furent conspués et on pensa immédiatement qu’ils voulaient tout détruire sans les écouter. Les elfes et les humains accusaient mon peuple de violence mais les vampires ne faisaient que répondre à ce qu’on leur infligeait. Quand on ne te laisse aucune autre opportunité que la violence, tu finis par périr ou t’y résoudre. Ils ne pouvaient pas se laisser tous décimer…

En lui, tout cela éveillait de dangereux sentiments. Colère, Tristesse, Amertume. “Les vampires ont été exilés et chassés sur des terres pauvres et désolées, loin de tout. On ne leur a rien laissé et pourtant on les traitaient encore de monstres. C’est bien beau de dire que c’est une question d’intégrité personnelle, que le regard des autres n’est que secondaire mais en vérité quand la seule réponse jamais obtenue à toute preuve d’abnégation est ‘tu es un monstre tu veux me tromper et me détruire’ à la fin on fini par abandonner. Si, le regard des autres compte pour certains sujets. Cela n’a pas d’importance de ne pas être réellement un monstre si tout un continent vous chasse parce qu’il pense que vous en êtes un. Alors oui, ils se sont battu et sont revenus en conquérants. Et à la fin ? Ils auraient pu en profiter, que les autres peuples soient exsangues pour vaincre une bonne fois pour toute, à la place ils ont signés le traités de paix. Ils ont acceptés de trouver une entente… et c’est cette même entente que les humains et les elfes ont utilisés pour les piéger. Pour les isolés sur une île gelée dont ils ne pouvaient rien tirer car dépourvus des connaissances d’artisanat et de constructions nécessaires, dépourvu du sang qu’ils devaient boire. On leur a fait payer tout cela, on leur a extirpé de l’or, encore et encore, on les a forcé à emprunter…

Une inspiration lente, profonde, pour se calmer avant de reprendre. “Je ne dis pas que les vampires n’ont pas de torts mais si l’on prend un image d’ensemble ? On a abusé de mon peuple en le tordant jusqu’à la lie. Le commerce du sang est un outrage. Ils demandent que les vampires ne chassent pas mais mais en plus ils devraient payer alors que cela ne les arrange en rien, qu’on ne leur permet de développer nul revenu ? Ne pas chasser est déjà au profit des autres peuples. Mais non cela ne suffisait pas. Et évidemment, si demain je rejette complètement le commerce du sang et que je décide de me nourrir comme n’importe quel fermier humain ? Ce sera encore moi le monstre et le ‘méchant’. Même si nous devions réussir à développer des savoirs faires, nous ne pourrions nous lier aux autres car ce serait ‘voler le gagne pain d’honnêtes individus’ par la concurrence. C’est cela qu’ils attendent. Que la corde craque, un faux pas pour nous achever, avec un bonne excuse derrière. Cela m rend malade rien que d’y penser. Ce que je veux ? Je veux changer tout cela. Je veux dédommager mon peuple pour tout ce qu’il a subit. Je veux leur donner un futur digne d’eux. Et je veux un paiement pour ce qu’il a subit” Il se tu un bref instant sur cela, ayant du mal à parler ouvertement de tout cela et juguler son outrage en même temps.

J’espérais réellement autre chose. Mais c’est la vérité, le reste de l’Archipel s’accroche à nos seuls faux pas. Et les leurs ? Leurs injustices, leurs malversations ? Cette dette immense qu’ils ont infligés à une race entière… Sais-tu combien il y a de chiffres à cette dette ? Beaucoup trop. Ils demandent que les vampires soient humanistes et tendent une main en se ‘civilisant’ et en faisant comme eux, mais ils nous enfoncent plus bas que terre sans la moindre aide. Ils nous parquent dans la honte sans aucune sorties possibles.Voilà la vérité. Et personne ne se rebelle contre ça car tout le monde se regarde le nombrile

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Kaalys rouvrit des yeux ronds et darda sur Achroma un regard qui semblait... penaud ? Oui, c'était cela. Il n'avait pas a douté puisqu'il savait déjà qu'Achroma ne regrettait pas. Ils n'étaient qu'un, ils partageaient le passé, le présent et l'avenir.

― Tu as raison, répondit le saurien en fermant de nouveau les yeux. Il se laissa câliner avec plaisir, aussi bien physiquement que mentalement. La façon que les bipèdes utilisaient pour témoigner leur affection était une chose qui plaisait particulièrement au grand saurien de jais, qui ne s'en cachait pas à son nouveau Lié. Bien qu'il était grand, Kaalys restait un très jeune dragon. Même s'il essayait d'être sage, il ne pouvait s'empêcher d'agir comme un jeune de temps à autre et, ainsi, savourer davantage les petits moments de la vie telle une caresse sur ses écailles.

Laissant Achroma réfléchir, Kaalys songea à Aldaron, le lié de son Lié, ainsi qu'à la petit dragonne de ce dernier. C'était une pensée fuguasse que le Jais avait saisi au vol, dans la psyché d'Achroma. Sous ses paupières close se dessina la silhouette de Nahui. Il avait hâte de la rencontrer, chaque réunion avec un dragon qu'il ne connaissait pas été une occasion de d'apprendre, de découvrir et de, pourquoi pas, devenir ami. Soudainement, le flot de ses pensées fut coupé par la voix d'Achroma, ferme et lente. Kaalys y décelait également une certaine lassitude. Entourant son esprit du sien, cherchant à réchauffer aussi bien son corps que son âme, le dragon de Jais demeura silencieux tandis que le vampire s'exprimait.

Kaalys n'avait jamais eu l'occasion de côtoyer les vampires. Il était né tout près des elfes et s'était rendu chez les hommes, mais jamais chez les chasseurs immortels. Pour autant, ces excursions lui avaient permis d'en apprendre plus sur les vampires, sans jamais les rencontrer lui-même et se forger sa propre opinion. Le peu qu'il avait observé en aidant Achroma ne lui permettait pas non plus de se faire une idée précise. Partager la même île ne voulait pas dire devenir de bons voisins, Kaalys avait toujours gardé une certaine distance malgré ses observations. Peut-être n'aurait-il pas dû.

Apprendre l'histoire des vampires de la bouche d'Achroma fit naître un pincement dans le coeur du saurien. C'était une histoire dont les dragons n'avaient pas été témoins, raison pour laquelle les voix ne lui avaient jamais murmuré à ce sujet. Kaalys était profondément attaché à la notion de justice, et savoir que ce peuple n'en avait pas bénéficié faisait gronder en lui une colère certaine. Bien entendu, ils ne devaient pas être tout blanc, ce dit-il, car les vampires - tout comme les hommes ou les elfes - n'étaient pas tous blancs, mais méritaient-ils d'être tous ainsi maudit ? D'être tués parce qu'ils existaient ? Ils ne nourrissaient de sang et, Kaalys l'avait comprit, cela dérangeait. Mais lui-même chassait pour se nourrir, cela le rendait-il mauvais ? Ou était-ce parce que les vampires chassaient d'autres bipèdes ? En y songeant, le jeune dragon ne se voyait pas manger ses semblables, mais s'il n'avait pas le choix ?

Kaalys ne comprenait pas grand chose à la notion d'argent. Il prenait ce dont il avait besoin pour vivre et trouvait cela très bien comme cela, mais les bipèdes compliquaient les choses avec cette notion de commerce et d'argent. L'or ne faisait même pas un lit confortable.

Le silence se fit finalement. Il n'était troublé que par la lente respiration du dragon, dont les paupières couvertes d'écailles étaient encore fermées. Il refléchissait, tentant également d'apaiser son Lié. Il comprenait toutefois son point de vue, il n'était pas si difficile de se mettre à la place des vampires songea Kaalys.

― Je n'avais jamais songé aux vampires de cette façon. Pour être honnête, si je n'écoute pas les voix, je ne connais pas ton peuple, commença doucement le saurien en rouvrant les yeux. Il posa son regard sur Achroma, le vampire qui se reposait entre ses pattes. ― Les dragons sont des prédateurs, tout comme les vampires. Je pense que nos races ont plusieurs points communs. Nous sommes fiers, nous prenons ce dont nous avons besoin pour vivre. À mes yeux, c'est un droit fondamental, temps que l'équilibre de la nature est préservé.

Cet équilibre était une notion que Kaalys enseignait à sa fille. Le cercle de la vie, comme il l'appelait.

Souvenir a écrit:
« Le monde obéit à un équilibre délicat. En tant que dragon, il te faut comprendre cet équilibre et respecter toutes les créatures, que ce soit un ver qui rampe, un lièvre qui bondit ou un bipède qui marche. »

Du bout du museau, Kaalys poussa le lièvre vers Shyven. C'était sa première proie.

« Lorsque nous mourrons, nos corps deviennent de l'herbe et les lièvres mangent cette herbe. Le lièvre sera ensuite mangé pour nourrir une créature plus grosse. Et lorsque cette créature mourra, son corps nourrira de nouveau un lièvre. Cela s'appelle le cycle de la vie. »


Le souvenir s'estompa après avoir été partagé à Achroma. Temps que ce cycle perdurait, Kaalys n'y voyait pas d'inconvénient. Il ne voyait donc pas de problème à ce que les vampires chassent de nouveau les bipèdes, si un équilibre était trouvé. Une race ne devait pas disparaître au profit d'une autre, bien que l'immortalité des vampires soit une donnée à ne pas oublier. Incertain sur la façon d'aborder ce qu'il ressentait, Kaalys préféra se passer de mots et transmettre toutes ses pensées à son Lié. Il comprenait la colère de ce dernier et son désir d'un avenir meilleur pour son peuple. Le jeune saurien était près à l'aider temps que l'équilibre perdurait.

― Pour un nouveau départ, ton peuple a besoin d'une terre plus accueillante que les étendues glacées de Nyn-Tiamat. Je suppose que tu y as déjà pensé, repris Kaalys après un moment, transmettant sa voix à travers leur Lien. Hélas, la géopolitique actuelle n'offrait pas vraiment de terre d'accueil aux vampires, à moins qu'un peuple décide de leur faire un peu de place. Quoiqu'il y avait bien Néthéril, songea le saurien. ― Et bien que les vampires soient des chasseurs, ils doivent être en mesure de s'entendre avec leur voisin. La cohabitation avec les Graärh ce serait peut-être mieux passée sans l'esclavage de ces derniers. La loi du plus fort est la loi de la nature, mais encore faut-il être capable de rester au sommet de la chaine alimentaire lorsqu'on veut l'appliquer.

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Il sentait les pensées de son lié et elles l’apaisait étrangement. Il ne recherchait pas d’assentiment mais n’allait pas non plus dédaigner la reconnaissance pouvant être apportée. Si de son discours, on en arrivait à attribuer le mantelet de victime aux vampires, il ne tenait pas non plus à s’y accrocher indéfiniment et à faire en sorte qu’on continue de les plaindre. Son but était d’arriver, en bout de course, à ce que son peuple ne soit plus victime. Il ne voulait pas chercher des occasions pour maintenir ce statut mais pour l’abroger. Oui, à ses yeux, l’injustice existait et elle était intolérable. Mais si tout le monde agissait comme Kaalys, ça aurait pu mieux se passer que ce qui avait été. Patient malgré son ire, il le laissa à ses réflexions, sans le pousser, prenant ce temps pour s’apaiser avec son aide. “C’est normal” fit-il avec neutralité. Il ne s’attendait guère à autre chose, Kaalys était venu au monde chez les Baptistrels, proche des elfes. Il n’était pas né dans un environnement propice à la découverte des vampires et pour tout dire, il ne pouvait pas lui en vouloir non plus de n’avoir pas eut plus de curiosité que cela. Avec les événements dramatiques de ces dernières années, c’était à attendre. Et surtout chez un enfant. Mine de rien, Kaalys était jeune.

Il allait répondre de nouveau quand le jais partagea un souvenir avec lui. Le cycle de la vie hein ? Il avait raison, indubitablement, et si cela pouvait servir à comprendre comment fonctionnait le monde, le vampire y voyait une bonne façon de faire descendre les orgueilleux de leur grands chevaux. Qu’on soit riche ou pauvre, puissant ou faible, intelligent ou imbécile, on finissait de la même façon un jour ou l’autre, qu’on le veuille ou non. Joint à l’esprit du dragon, il reçut ses sentiments et idées défaits de mots. L’exercice était plus dur qu’il ne l’avait imaginé aussi prit-il son temps pour se laisser imprégner par les échos de la pensée draconique comme il l’aurait fait d’une eau pure dans un désert. Lorsqu’il fut certain de comprendre ce que Kaalys lui transmettait, il hocha la tête et brisa le silence. “Je ne cherche pas à anéantir la race humaine, en effet. Je crois avoir pensé, auparavant, que nous pouvions nous contrôler et ne prendre que ce qui était nécessaire, sans abus. Cela me semble toujours possible, dans l’absolu. C’est la façon dont je me comporte. Il n’est, cependant, plus question d’attendre une quelconque reconnaissance de la part des autres races” Parce que cette reconnaissance ne viendrait pas. Ils ne savaient pas donner, ne voulaient pas donner. Ils se dissimulaient, pour ne pas avoir le mauvais rôle.

Je suis d’accord, nous avons besoin d’une terre plus prometteuse. Et oui, j’y ai pensé. Nous allons nous installer à Sélénia. Pour le moment, l’objectif est de vivre ensemble, mais je n’exclus pas de m’approprier l’Empire de force si mon peuple le nécessite. Je ne peux pas faire dans la demi-mesure. Concéder, nous adapter, nous affilier, nous avons essayé mais les autres peuples en ont profité pour nous saigner à blanc. Puisqu’ils sont incapables de se montrer honnêtes, ils en subiront les conséquences directes. Cela peut se passer paisiblement, par leur acceptation… ou cela peut se passer mal” Il avait bien sentit l’image de Néthéril dans l’esprit draconique mais la dédaignait. Oui bien sûr, pourquoi ne pas jeter le premier os qu’on leur avait donné à ronger pour un second, en s’isolant encore au beau milieu de nul part loin des richesses majeurs et de leur source de nourriture principale. Ce n’était nullement malveillant de la part de Kaalys, mais les vampires avaient bien assez concédé au cours de leur existence. “J’espère établir une meilleure entente avec les graärh. Oui, l’esclavagisme était une stupidité et un crime. Et avec l’aide de Purnendu, je voudrais tenter de nous mettre dans de meilleures dispositions avec eux, mais sans non plus tout sacrifier. Irina s’est mit à plat ventre devant eux mais cela n’engendre pas le respect. Il faut un équilibre, pour que les choses se passent bien

Il releva le regard vers le museau du dragon. “Veux-tu réellement m’aider en cela ?” Il ne désirait pas lui forcer la patte. “Afin de survivre, les vampires doivent obtenir de très nombreuses choses. Aucune de celles-ci ne seront données si nous respectons les règles des autres races bipèdes. Alors nous renversons les règles. Je ne suis pas Vraorg, je ne vais pas détruire toutes les races existantes. Mais je ne me retiendrais pas non plus pour elles. Que ce soit mon peuple ou moi-même… nous avons été trop mal remerciés” Son regard s’assombrissant, il se releva pour être face à Kaalys. “Toi et moi ensemble. Je sais qu’avec ton aide je ne me perdrais pas. Que je ne serais pas de nouveau un monstre…

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