5 Juillet, A bord de La Revanche de la Reine
Attenante à la capitainerie, la salle était large de trois mètres et longue de six, accueillant une porte d’un côté et en son fond, un autel de bois sculpté à la main. De la hauteur d’une table basse, longue d’un demi-mètre et large de deux mètres, il s’agissait d’un ouvrage épuré, défait de la pompe liturgique que tendaient à revêtir les idoles du temps du vieu continent. Le socle était celui d’une table, dont les pieds courbés vers l’intérieur étaient sculptés à l’image des quatre anciens grands rites pratiqués par les humains, les elfes et les vampires. Le liseré inférieur était également sculpté, avec des formes végétales, animales et minérales. La surface de la table était ornée en son pourtour d’une longue prière appartenant à la liturgie spécifique du Souffle. Sur la table elle-même se trouvaient sept sculptures, chacune représentant une des grandes déesses dans une forme allégorique.
Au centre de l’ensemble, Vie sous forme d’un acacia et d’une colombe, s’enlaçait à Mort sous forme d’un saule et d’un corbeau. Sur la droite, Océan, comme une danse de coraux et de poissons, était constituée de bois flotté et d’une aigue-marine. Près de son aînée, Vent s’ouvrait, ressemblant à un faucon aux ailes ornées de lierre grimpant, taillée dans un pied de vigne et une opale. Sur la gauche, Terre se faisait biche en bois d’olivier odorant, portant une géode et enlaçant Végétale, de pommier et de bouquets luxuriants. Puis, enfin, Feu, en bois d’orme et rubis, dansait de ses flammes. Autours de ces figures étaient déposées des offrandes, diverses et variées : chapelets de perles, branches, coquillages, bijoux précieux, ossements sculptés avec délicatesse, encens brûlant dans des petits pots en terre cuite peinte et vitrifiée.
Au centre de la pièce, dans sa longueur, était placé un tapis aux coloris vifs et chatoyants, tressés à la main. Une prise de pillage sur un village graarh du sud. Il constituait son lieu de prostration pour ses prières. Un bol d’eau salée était posée sur le coin haut droit, tandis qu’un bol d’eau pure se trouvait poser sur le coin bas gauche. Les deux autres portaient des bols de sel-gemmes illuminées de l’intérieur par des bougies. D’autres lampes de sel-gemmes étaient disposées près de l’autel, et de la sortie. Il n’y avait rien d’autre, dans la pièce, et on y entrait sans armes. Lui-même n’était vêtu que d’une chemise blanche, et d’un pantalon noir serré de sa ceinture en peau de vampire. Les pouvoirs de ses yeux étaient désactivés, afin de lui permettre de faire davantage corps avec sa foi, seul avec les déesses dans le vide sidéral de la cécité. Il n’en était pas effrayé, se mettant à nue dans ses prières.
Les vapeurs psychotropes rendaient son corps léger et émoussaient sa conscience terrestre pour lui permettre de s’élever au travers des mantra aussi familiers que ses propres battements de coeur. Les mots devenaient lentement des sensations, émoussant la conscience terrestre tandis qu’une fièvre profonde le prenait, une langueur passionnée. Son corps se détendit de plus en plus alors qu’il oscillait au rythme de ses prières et de son rythme interne. Puis en un souffle long, il se courba vers l’arrière, souplement, frôlant la fibre colorée du tapis avec le bout des doigts. Il marqua un silence, en contrepoint de ses prières, et se releva lentement en expirant profondément. Puis il se courba vers l’avant, et se redressa de nouveau dans un long souffle. Alors qu’il se redressait, cependant, quelque chose, en lui, bougea, le désarçonnant proprement.
Etait-ce réellement un mouvement ? La sensation était unique en son genre, lui provoquant un frisson le long du dos. Cela lui rappelait vaguement quelque chose… mais quoi ? A quel moment exactement renvoyait ce sublime contact ? Les opiacés l’aidait à le saisir et en même temps, l’auréolait d’une grandeur mirifique. Est-ce qu’il s’agissait d’un contact divin, de la preuve que les sept n’étaient pas réellement mortes ? Son souffle s’accéléra tandis qu’il se faisant immobile, cherchant à replonger dans sa transe pour espérer capter de nouveau le contact divin. Il était quasiment certain qu’il s’agissait d’une expérience unique depuis la mort de leurs protectrices. Qui d’autre gardait autant la foi après tout ? L’Ordre sombre était le seul à sa connaissance. Il ne devait pas abandonner maintenant, il s’agissait peut-être d’un moment historique.
Mais de quelle déesse pouvait-il s’agir ?