7 Septembre 1763, Sanctuaire de la secte noire, Athgalan
Elle avait été une de ses favorites, belle par l’esprit, plus que par le corps. Son refus d’être entretenue et protégée avait conduit à cet instant, déplorable et inutile. La rage d’un soudard avait mit fin à une existence de survivalisme et de souffrance, avait éteint la farouche détermination de son regard pour ne laisser que le lustre vitreux du trépas. Elle laissait derrière elle une petite fille de huit ans, dévastée et déjà souillée, par les mains mêmes qui lui avait ôté sa mère. Sans le courage de l’enfant, il n’aurait sans doute pas su ce qui était advenu de cette femme courageuse qui n’avait voulu que la sécurité de sa progéniture. L’enfant, Athela, avait rejoint le giron du culte immédiatement, sous sa protection, et la dépouille de sa mère avait été apporté dans le sanctuaire afin d’être purifiée, glorifiée et son âme détachée parfaitement de son corps. On l’avait lavé des souillures, du sang et des déchets dans un bain froid et parfumé, avant qu’il n’opère sa préparation lui-même, comme un dernier hommage à leur proximité silencieuse. La peau traitée scintillait d’un lustre argenté, fixant la peinture qu’Athela déposait sur les marbrures outrageant sa forme froide tandis qu’il glissait les tiges taillées en son sein, souhait silencieux d’une renaissance plus généreuse envers la défunte. Les viscères ôtées, il ne restait que le coeur et les poumons, traités afin de ne pas pourrir, ouverts afin d’accueillir la composition florale qui viendrait orner la pâle forme de son amante.
Amarante blanche enlaçant l’aubépine, belle dame dansant avec le bleuet, couronne de campanules et d'héliotropes, Petits bouquets de jonquilles miniatures et d’oeillets… Il montrait à Athela comment nouer les tiges sans rien briser quand l’un des Hadarhs vint à lui pour le prévenir que son invité venait d’arriver. Mander de capables ouvriers n’était certes pas la plus aisée des tâches, lorsque l’on était pirate et stationné à Athgalan. Bien entendu, cette question spécifique aurait pu se résoudre plus aisément s’il avait accepté que son petit compagnon chanteur soit sollicité. Une acceptation improbable cependant, en raison de la préciosité de Valmys à ses yeux. Sa pureté, son innocence, il voulait les préserver à n’importe quel prix, y compris en souillant un autre à sa place. Mais sacrifier à cette pieuse détermination nécessitait en contrepartie de plus gros efforts pour circonvenir un homme d’égal talent. Le reste, en revanche, s’était avéré d’une plaisante facilité après l’enlèvement chorégraphié d’Ilhan Avente. Fort satisfait de ses fils, le capitaine des assassins n’avait attendu que l’arrivée de son invité d’honneur pour débuter cette étape du grand plan. Il avait été sécurisé en mer, loin de tout regard impromptu et hypothétiquement ennemi, placé à bord d’un navire avec les égards dus à son rang tout en ne sacrifiant rien à l’anonymat et la complète sécurité du transport. Ni le navire, ni l’équipage ne devaient être identifiés, ni même le cap exact avant arrivée effective. Les adversaires de son père étaient partout.
Lorsque le sang-mêlé fut enfin conduit au sein du sanctuaire, ses fils levèrent sa cécité et lui fournir tout le nécessaire à sa dignité et son intégrité : un nécessaire d’hygiène, des vêtements, un repas riche, du repos… A présent qu’il était au mieux de sa forme, la rencontre pouvait avoir lieu. Il déplorait simplement qu’elle vint à bourgeonner en de telles circonstances personnelles. Reposant la tige d’une longue et purpurine acanthe, l’Immaculé donna de précises instructions à Athela, puis commanda l’entrée de son invité auprès de l’Hadahr. L’accueillir en ces lieux était un signe de bonne volonté, une symbolique ouverte de son désir de collaboration. Il ne s’attendait pas à ce que l’homme en comprenne la teneur immédiatement, mais il avait bon espoir que son éducation raffinée aide à appréhender, petit à petit, ces subtilités. Les pas résonnaient, sur les dalles de marbre sombre du couloir, comme un prélude à la présence qu’il avait recherché tandis qu’il contemplait, à l’ombre de son masque, le paysage de leur premier contact. La caverne naturelle était large et inégale, esquissant une forme sphérique avec une cheminée naturelle par laquelle cascadait la lumière du soleil ainsi que la fine caresse d’une pluie tiède. Les murs de pierre étaient couverts d’une végétation dense, humide, colorée. Le centre de l’espace en revanche était dégagé, un chemin de pavés blancs guidait le visiteur vers ce coeur auréolé d’une luminosité poudrée. Six croix de bois étaient dressées autours du coeur, chacune portant une figure glorifiée, peinte d’un blanc poudré, comme une céramique, décorée de figures colorées et nichant des fleurs aux parfums délicats.
Sa table de travail, en pierre blanche, était installée près de l’une des paroies végétales, et ce fut de cette table, dans la pénombre prégnante, qu’il accueillit l’Espérancieux. “Bienvenue” Sa voix était douce, ténue, neutre, son vibrato atténué comme un ornement androgyne. Il attendit que l’homme le repère et s’inclina avec grâce, comme il convenait de le faire face à un membre de la noblesse. Se relevant, il prit tout le temps nécessaire à l’étude de son invité, de longues minutes passées dans le confort d’un silence doux et ouaté. Puis, lorsqu’il s’estima satisfait de ce qu’il contemplait, le pirate s’approcha davantage, d’un pas aussi tranquille que son attitude le suggérait, dépourvu de toute forme d’agressivité. “J’ai beaucoup admiré la réalisation du manoir Espérancieux à Ipsë Roseä, Seigneur. Un bel exemple du savoir-faire de votre lignée en matière architecturale. Je suis honoré de recevoir dans mon humble sanctuaire un homme aussi habile et de si prestigieuse ascendance. Je gage que ce lieu n’est guère à la hauteur de vos prétentions légitimes mais je ferais tout mon possible pour me montrer en hôte exemplaire dans la mesure de mes maigres moyens” Un nouveau silence, tandis qu’il le quittait du regard pour observer la vacuité de l’espace alentours. Le vide choisi, pour complimenter ce qui était, le ravissait pourtant chaque fois qu’il le contemplait. Chaque oeuvre unique en son genre, et pourtant doté d’un trait commun. Un sourire fleurit sous son masque, se répercutant sur les lèvres masculines qu’il portait comme un ornement sur-mesure pour son invité. “C’est ici que nous effectuons les hommages aux défunts, voyez-vous. Chaque composition florale porte une prière sur mesure pour l’être trépassé. Ils peuvent rester ainsi indéfiniment, recevant le respect qu’ils méritent et, pour beaucoup, n’ont pas reçu dans la vie…”
Amarante blanche enlaçant l’aubépine, belle dame dansant avec le bleuet, couronne de campanules et d'héliotropes, Petits bouquets de jonquilles miniatures et d’oeillets… Il montrait à Athela comment nouer les tiges sans rien briser quand l’un des Hadarhs vint à lui pour le prévenir que son invité venait d’arriver. Mander de capables ouvriers n’était certes pas la plus aisée des tâches, lorsque l’on était pirate et stationné à Athgalan. Bien entendu, cette question spécifique aurait pu se résoudre plus aisément s’il avait accepté que son petit compagnon chanteur soit sollicité. Une acceptation improbable cependant, en raison de la préciosité de Valmys à ses yeux. Sa pureté, son innocence, il voulait les préserver à n’importe quel prix, y compris en souillant un autre à sa place. Mais sacrifier à cette pieuse détermination nécessitait en contrepartie de plus gros efforts pour circonvenir un homme d’égal talent. Le reste, en revanche, s’était avéré d’une plaisante facilité après l’enlèvement chorégraphié d’Ilhan Avente. Fort satisfait de ses fils, le capitaine des assassins n’avait attendu que l’arrivée de son invité d’honneur pour débuter cette étape du grand plan. Il avait été sécurisé en mer, loin de tout regard impromptu et hypothétiquement ennemi, placé à bord d’un navire avec les égards dus à son rang tout en ne sacrifiant rien à l’anonymat et la complète sécurité du transport. Ni le navire, ni l’équipage ne devaient être identifiés, ni même le cap exact avant arrivée effective. Les adversaires de son père étaient partout.
Lorsque le sang-mêlé fut enfin conduit au sein du sanctuaire, ses fils levèrent sa cécité et lui fournir tout le nécessaire à sa dignité et son intégrité : un nécessaire d’hygiène, des vêtements, un repas riche, du repos… A présent qu’il était au mieux de sa forme, la rencontre pouvait avoir lieu. Il déplorait simplement qu’elle vint à bourgeonner en de telles circonstances personnelles. Reposant la tige d’une longue et purpurine acanthe, l’Immaculé donna de précises instructions à Athela, puis commanda l’entrée de son invité auprès de l’Hadahr. L’accueillir en ces lieux était un signe de bonne volonté, une symbolique ouverte de son désir de collaboration. Il ne s’attendait pas à ce que l’homme en comprenne la teneur immédiatement, mais il avait bon espoir que son éducation raffinée aide à appréhender, petit à petit, ces subtilités. Les pas résonnaient, sur les dalles de marbre sombre du couloir, comme un prélude à la présence qu’il avait recherché tandis qu’il contemplait, à l’ombre de son masque, le paysage de leur premier contact. La caverne naturelle était large et inégale, esquissant une forme sphérique avec une cheminée naturelle par laquelle cascadait la lumière du soleil ainsi que la fine caresse d’une pluie tiède. Les murs de pierre étaient couverts d’une végétation dense, humide, colorée. Le centre de l’espace en revanche était dégagé, un chemin de pavés blancs guidait le visiteur vers ce coeur auréolé d’une luminosité poudrée. Six croix de bois étaient dressées autours du coeur, chacune portant une figure glorifiée, peinte d’un blanc poudré, comme une céramique, décorée de figures colorées et nichant des fleurs aux parfums délicats.
Sa table de travail, en pierre blanche, était installée près de l’une des paroies végétales, et ce fut de cette table, dans la pénombre prégnante, qu’il accueillit l’Espérancieux. “Bienvenue” Sa voix était douce, ténue, neutre, son vibrato atténué comme un ornement androgyne. Il attendit que l’homme le repère et s’inclina avec grâce, comme il convenait de le faire face à un membre de la noblesse. Se relevant, il prit tout le temps nécessaire à l’étude de son invité, de longues minutes passées dans le confort d’un silence doux et ouaté. Puis, lorsqu’il s’estima satisfait de ce qu’il contemplait, le pirate s’approcha davantage, d’un pas aussi tranquille que son attitude le suggérait, dépourvu de toute forme d’agressivité. “J’ai beaucoup admiré la réalisation du manoir Espérancieux à Ipsë Roseä, Seigneur. Un bel exemple du savoir-faire de votre lignée en matière architecturale. Je suis honoré de recevoir dans mon humble sanctuaire un homme aussi habile et de si prestigieuse ascendance. Je gage que ce lieu n’est guère à la hauteur de vos prétentions légitimes mais je ferais tout mon possible pour me montrer en hôte exemplaire dans la mesure de mes maigres moyens” Un nouveau silence, tandis qu’il le quittait du regard pour observer la vacuité de l’espace alentours. Le vide choisi, pour complimenter ce qui était, le ravissait pourtant chaque fois qu’il le contemplait. Chaque oeuvre unique en son genre, et pourtant doté d’un trait commun. Un sourire fleurit sous son masque, se répercutant sur les lèvres masculines qu’il portait comme un ornement sur-mesure pour son invité. “C’est ici que nous effectuons les hommages aux défunts, voyez-vous. Chaque composition florale porte une prière sur mesure pour l’être trépassé. Ils peuvent rester ainsi indéfiniment, recevant le respect qu’ils méritent et, pour beaucoup, n’ont pas reçu dans la vie…”