12 Octobre 1763
Légion Vat'Aan'Ruda
Légion Vat'Aan'Ruda
Surplombant la savane, la silouhette solitaire de Jangali se découpait sur l'horizon chargé de nuages pluvieux. Solitaire ? Pas vraiment. Perché sur ses épaules, ses patounes fermement accroché aux oreilles du chasseur, Balaaditya admirait la vue impressionante que lui offrait son perchoir paternel. Devant ses yeux émerveillés, s'étendait la Légion dans toute sa puissance, sa haute palissade hérissée de pics, aux couleurs des Esprits.
-Bienvenue à Vat'Aan'Ruda, petit monstre. Lieux de naissance et de vie de ton légendaire paternel !
Un ronronnement d'excitation pour toute réponse, le Gourmet sourit et entreprit la descente. Lui non plus n'était pas mécontent de revenir. Son devoir paternel aidant, il avait décidé de retourner sur Néthéril pour le début d'apprentissage de son graärhon. Il conaissait l'île comme le creux de son coussinet, nul endroit n'était donc plus indiqué. Et puis revoir la terre pour laquelle il se battait en compagnie de celui qui était à présent sa raison de vivre, ne pouvait que réconforter son cœur. L'individualisme de la Vache pouvait être quelque peut discutable mais nul ne pouvait nier son patriotisme.
***
15 Octobre
Dire que les derniers jours avaient été chargés aurait été un doux euphémisme. Si le chasseur avait désiré faire profil bas et retrouver discrètement Urjida et Harshiit, c'était raté. Rançon de la gloire, sitôt le perimètre du village franchi, il avait eté assailli de tous les côtés. Le légendaire Gourmet, porteur de la Lame Régicide, pourfendeur de Chimère, était de retour à la Légion. Tous voulaient entendre sa version de l'histoire et il n'eût pas une minute de répit. Loin de s'en offusquer, le chasseur se laissa porter par l'allégresse de ses pairs. Les sans-poils étaient des êtres étranges et fascinants mais jamais ils ne pourraient remplacer la nature vraie et naturel des graärh. Il accepta donc de répondre sans concession à toutes les questions qu'on lui faisait pleuvoir. Ainsi il raconta son périple à travers l'Archipel, comment il avait combattu aux côtés des forces alliées et en particulier Nynsith, dont il portait la lame avec fierté. Il présenta également Balaaditya à la tribu, qui l'accuillit comme un membre à part entière et inconditionellement. L'enfant d'Hippocampe faisait partie de la nouvelle génération destinée à guérir la douloureuse plaie de la bataille contre les Chimères. Une lourde et invisible responsabilité pesait sur leurs frêles épaules, mais Jangali etait confiant, ils sauraient s'en montrer digne. Son peuple avait cette faculté de se remettre des coups durs. Lui-même, avait dû encaisser la nouvelle de la mort de Dakshi. Si lui s'était auréolé de gloire en combattant Gilgamesh, elle, avait succombé dans l'honneur sur les plages de Vaalaamuk, en défendant le Baôli. C'est Aankmar, son mâle qui lui annonça, et avait insisté pour lui présenter par la même occasion, les héritiers du Gourmet. Cinq graärhon en parfaite santé, d'un an les ainés de Balaaditya. Le cœur meurtri par la nouvelle, il fut cependant heureux de savoir que sa fille avait rejoints les Esprits dans l'honneur. Balaaditya, lui, avait trouvé des compagnons de jeux tout désignés et il n'était pas rare de les voir gambader à travers les habitations, à jouer à cache-graärh ou attrape-graärh. Les jeux étant tout aussi importants dans l'apprentissage des graärhon, Jangali n'avait pas d'ailleurs hésité à les rejoindre. Entre ses sollicitations du cercle des Vaches pour une démonstration de cuisine et celles des chasseurs, "comme au bon vieux temps", ou encore des demandes de duels amicaux contre le héros de guerre, ces petits moments de répits étaient bien plus que bienvenues.
-Baaladitya ! Petit garnement, où es-tuuuu ?
Amusé, Jangali savait déjà où se trouvait son turbulant fils. Le sens de la traque du Gourmet n'étant plus à refaire, il avait laissé le petit soleil prendre de l'avance avant de tranquilement partir le chercher. Cependant, pensant le trouver à essayer de se cacher, quelle ne fut pas sa surprise quand il le découvrit immobile, fixant une montagne immaculée. Interloqué, il l'attrapa néanmoins, lui arrachant un petit feulement de surprise.
-Je t'ai eu ! Et bien, pourquoi tu ne t'es pas caché ?
-Il sent comme papa-poilu !
Avisant l'immense graärh, il ne put s'empêcher d'être fier de lui. Ses sens de chasseur étaient déjà bien dévelloppés. Effectivement, celui qui se tenait en face d'eux etait bel et bien un Trand, comme Purnendu. L'odeur caractéristique de Paadshail collait irrémédiablement à son épaisse toison. Seule l'île d'hiver était capable de produire pareil géant…
-Haha, bien vu petit monstre.-il lui donna un coup de langue affectueux avant de le placer sur ses épaules-J'espère que tu ne le prends pas mal, cousin. Tu sais comment ils sont à cet âge là.
Même s'il était à présent un Nayaak de par ses exploits, Jangali ne voulait pas user de son influence. Rien n'avait changé dans son attitude, si ce n'était qu'il s'était mis à réfléchir un peu plus.
-Son autre père Hippocampe est aussi un Trand. Peut-être que tu le connais ? Purnendu, L' Âpre-Cendre de Vat'Em'Medonis. Je l'ai connu quand lui aussi est venu sur Néthéril il y a des années. Mais lui cherchait à parfaire ses connaissances en herboristerie. Quelque chose me dit que ce n'est pas la même chose pour toi. Tu es là pour la bataille contre les pirates ?
S'il y avait bien une chose qui restait sur toutes les lèvres, c'était bien la guerre à venir. Jangali ne voyait pas d'autres raisons pour qu'un guerrier Trand brave la chaleur étouffante de la savane. Il n'était certainement pas un messager d'Illidim, il était certains que les deux Kamda avaient mis en place des moyens de communications. Il se demandait juste quel mal les pirates lui avaient fait pour le pousser à traverser la mer et à s'engager auprès de Vat'Aan'Ruda...