2 Septembre 1763, Cabine du capitaine, Athgalan
La surface vitrée, renforcée par la magie de la forge-arcane, soutenait parfaitement la table en cèdre massif placée en son centre, là où les corps les plus sombres formaient la pupille fixe et profonde. Un main posée sur la surface laquée, l’immaculé observait le rendu final de son oeuvre avec un sentiment d’adéquation. Cela offrait exactement l’impression à laquelle il s’était attendu. Sous lui, l’oeil immense observait, silencieux, immobile, alerte. Les miroirs subtilement disposés sous la structure des corps permettait à l’iris de scintiller ou de luire, comme dotée d’une vie propre. Intérieurement, il était extrêmement fier de sa réussite. Toute l’infinie patience et la rigueur qu’il avait mit dans ce projet avaient aboutis à une oeuvre dont il pouvait présenter l’existence sans crainte, conforté dans l’accomplissement de son souhait. Des hauteurs du bâtiment, le dessin de l’iris se verrait mieux, mais d’ici, de la table du conseil des capitaines, la sensation du regard était plus intense, transformant toute la structure en une expérience unique à la fois visuelle et psychologique. Seul dans le hauban de lumière provenant du plafond, Teotl savourait toutes les nuances d’impressions que laissait l’immense incrustation occulaire occupant l'entièreté du sol de la grande salle. Retirant sa main de la table du conseil, il marcha lentement, longuement, sans que ses pas produisent le moindr bruit, l’avance feutrée dans l’immense oculus. D’autres pas se firent entendre, progressivement, deux rythmes différents mais non hâtés, deux individus, l’un plus lourd que l’autre.
“Bienvenue, Seigneur”
Il reconnaissait l’odeur de son invité et se tourna sans hâte vers lui avant de s’incliner avec une élégance choisie, dans le style althaïen, avec un ployé de la jambe juste ce qu’il fallait. Congédiant le garde lui ayant amené le diplomate, Teotl se prit à observer celui-ci quelques instants, avec force critique, cherchant à savoir si ses instructions sur la façon dont il devait être traité avaient été suivies ou non. Et malheur si ce n’était point le cas. Une fois assuré que l’humain allait aussi bien que possible, il retourna à la contemplation de sa gloire éphémère, la lui désignant en un geste nonchalant qui contrastait avec tout le panache artistique qu’il retirait de présenter enfin son oeuvre en sa pleine lumière, sa pleine existence. Lorsque sa voix glissa de nouveau dans la demi pénombre des lieux, ce fut avec la douceur de la soie sur la peau, se fondant dans le calme ambiant en si violent contraste avec l'extérieur, paisible, contemplative, humblement appréciatrice et pourtant sagement détachée.
“L’oeil du monarque des océans. L’oeil qui ne cille jamais, ne s’épuise jamais. Contemplant les capitaines en leurs décisions et soupesant leur loyauté, capable de sentir chaque vacillement, chaque tremblement, chaque incertitude... Un oeil immortel ne pouvait être aveuglé, ne pouvant être occulté”
S’interrompant, il ferma les yeux et laissa la sensation de ce savoir, la pression psychologique du regard sous lui envahir son corps tout entier. Il la laissa étriller ses nerfs, tendre ses muscles, avant de l’évacuer d’un seul soupire. Lui ne craignait pas ce regard puissant car il n’avait rien à cacher à son père. Nathaniel l’avait accepté et reconnu comme son héritier légitime, avait montré de la fierté à ses actes, et tout cela représentait un trésor inestimable qu’il ne voulait en aucun cas perdre. C’était tout ce qu’il avait toujours voulu et Nathaniel le savait parfaitement. Il en jouait. Et Teotl se fichait qu’il en joue. Non, en vérité il aimait qu’il en joue car cela signifiait qu’il appréciait ses capacités à leur juste valeur. Et si le regard de quiconque comptait… c’était le sien. Aucun autre ne comptait de la même façon, même s’il se prenait à considérer celui de son présent invité avec sérieux. Non comme celui de son père, mais la qualité de l’homme prévalant, il n’était pas illogique de le considérer.
“Comment s’est passé l’entrevue avec mon père ?”
Qu’il était doux de prononcer de tels mots. Tant et tant qu’il ne notait pas même sa propre candeur en cette question. Il était réellement et profondément intéressé et inquiet de savoir la tenue de leur rencontre, autant pour le bien-être de son invité que pour la satisfaction de son père. Un souffle vint ponctuer l’interrogation, le silence s’ourlant sur plusieurs battements de coeur avant qu’il ne se tourne de nouveau vers l’althaïen, venant plonger son regard dans le sien en une silencieuse retenue, l’empêchant de se désister malgré tout le respect qu’il pouvait lui montrer.
“Bienvenue, Seigneur”
Il reconnaissait l’odeur de son invité et se tourna sans hâte vers lui avant de s’incliner avec une élégance choisie, dans le style althaïen, avec un ployé de la jambe juste ce qu’il fallait. Congédiant le garde lui ayant amené le diplomate, Teotl se prit à observer celui-ci quelques instants, avec force critique, cherchant à savoir si ses instructions sur la façon dont il devait être traité avaient été suivies ou non. Et malheur si ce n’était point le cas. Une fois assuré que l’humain allait aussi bien que possible, il retourna à la contemplation de sa gloire éphémère, la lui désignant en un geste nonchalant qui contrastait avec tout le panache artistique qu’il retirait de présenter enfin son oeuvre en sa pleine lumière, sa pleine existence. Lorsque sa voix glissa de nouveau dans la demi pénombre des lieux, ce fut avec la douceur de la soie sur la peau, se fondant dans le calme ambiant en si violent contraste avec l'extérieur, paisible, contemplative, humblement appréciatrice et pourtant sagement détachée.
“L’oeil du monarque des océans. L’oeil qui ne cille jamais, ne s’épuise jamais. Contemplant les capitaines en leurs décisions et soupesant leur loyauté, capable de sentir chaque vacillement, chaque tremblement, chaque incertitude... Un oeil immortel ne pouvait être aveuglé, ne pouvant être occulté”
S’interrompant, il ferma les yeux et laissa la sensation de ce savoir, la pression psychologique du regard sous lui envahir son corps tout entier. Il la laissa étriller ses nerfs, tendre ses muscles, avant de l’évacuer d’un seul soupire. Lui ne craignait pas ce regard puissant car il n’avait rien à cacher à son père. Nathaniel l’avait accepté et reconnu comme son héritier légitime, avait montré de la fierté à ses actes, et tout cela représentait un trésor inestimable qu’il ne voulait en aucun cas perdre. C’était tout ce qu’il avait toujours voulu et Nathaniel le savait parfaitement. Il en jouait. Et Teotl se fichait qu’il en joue. Non, en vérité il aimait qu’il en joue car cela signifiait qu’il appréciait ses capacités à leur juste valeur. Et si le regard de quiconque comptait… c’était le sien. Aucun autre ne comptait de la même façon, même s’il se prenait à considérer celui de son présent invité avec sérieux. Non comme celui de son père, mais la qualité de l’homme prévalant, il n’était pas illogique de le considérer.
“Comment s’est passé l’entrevue avec mon père ?”
Qu’il était doux de prononcer de tels mots. Tant et tant qu’il ne notait pas même sa propre candeur en cette question. Il était réellement et profondément intéressé et inquiet de savoir la tenue de leur rencontre, autant pour le bien-être de son invité que pour la satisfaction de son père. Un souffle vint ponctuer l’interrogation, le silence s’ourlant sur plusieurs battements de coeur avant qu’il ne se tourne de nouveau vers l’althaïen, venant plonger son regard dans le sien en une silencieuse retenue, l’empêchant de se désister malgré tout le respect qu’il pouvait lui montrer.