20 Août 1763
-Mais aïeuh !
-Rho ça vaaa, arrêtes de faire ta chochotte Ezel.
Je jetai un regard mauvais à mon infirmière de fortune. Mérida, à moitié concentrée sur sa tâche, avait un petit sourire en coin. La bougresse se moquait allègrement de mon malheur. Bon, il fallait dire que je ne faisais pas grand chose pour ne pas leur donner raison. J'avais tendance, il fallait bien le dire, à exagérer mes petits bobos. En l'occurrence, il s'agissait d'une estafilade, assez profonde pour être un peu handicapante, le long de mon avant-bras, résultat malencontreux d'une chute acrobatique, doublé d'un maniement hasardeux de couteaux. C'était une blessure commune pendant mes entraînements pour mes numéros, mais tout de même, je supportai assez mal l'échec. Plus que mon bras, c'était surtout mon orgueil qui avait été blessé. Surtout que je ne pouvais que me blâmer. C'était ma propre queue touffue qui était rentré dans ma bouche après tout ...
-Et voilà ! Tu vois, ce n'était pas si terrible. J'espère que la prochaine fois tu feras plus attention avec ta …
Furibond, je ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase et la chassai à grand coups d'injures et de boules de neige, alors qu'elle s'esquivait en gloussant. Bien entendu, ce n'était pas vraiment méchant. Chacun des membres du Cirque faisait partie de cette grande famille et comme dans chaque famille, nous nous chamaillions. Les boutades et moqueries faisaient partie d'un rituel quotidien nécessaire à la bonne cohésion du groupe. Pour preuve, j'arborai un sourire malicieux et chassa bien vite ma mésaventure de mon esprit, pour le moment. À n'en pas douter, mon ridicule reviendrait sur la table pendant le repas du soir… mais j'avais encore toute la journée pour m'y préparer.
Haussant les épaules, je jetai un oeil au bandage. Bon. Les pirouettes et les couteaux, c'était foutu pour aujourd'hui. La magie ? Il faisait horriblement chaud, j'étais tout juste bon à créer des flaques… De la couture ? Oui tiens, pourquoi pas. Certains costumes avaient bien besoins de quelques réparations… Aussitôt dit, aussitôt fait. Je fis un rapide passage par ma tente pour récupérer mon nécessaire à couture et je partis en quête de ma petite Golvine. En plus des langues, elle s'était très vite passionné pour les robes et la couture, choses qui ne me déplaisait pas à vrai dire. Cela nous permettait de passer d'agréables moment tous les deux et je chérissais chacuns de ces instants, véritables moments de calme et de sérénité… ce qui n'était pas évident avec la petite boule d'énergie qui me servait de fille.
D'ailleurs, il me fallut bien 10 minutes, après avoir questionné Hans, Kristof, Hannah et même Archibald, pour retrouver sa trace. Mon petit Perroquet avait décidé d'aller cueillir des fleurs dans un jardin, non loin de notre campement. Heureusement, Sah était avec elle, rien ne pouvait lui arriver, aussi je ne me pressais pas pour les retrouver. Le jardin était relativement calme et petit, sûrement appartenant à un bourgeois philanthrope qui laissait les gens y pénétrer sans restrictions.
Me fiant aux éclats de rires reconnaissables entre milles, je finis par contourner un chêne et découvris une scène bien incongrue. Le clown portait une couronne de fleurs… et ne semblait pas en être incommodé outre-mesure. À juste titre, il était occupé à observer avec intensité la conversation entre Golvine et … un inconnu. Intrigué, je franchis les derniers mètres rapidemment.
-Golvine, Sah, qu'est-ce que vous faites ?
La présence de l'inconnu avait éveillé mon instinct protecteur. Le calme du Pangolin m'indiquait qu'il n'y avait aucun danger immédiat, mais je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le pire.
-Papa !
Comme montée sur ressorts, elle fut sur ses pieds et fonça sur moi en quelques battements de cils. M'aggripant la main, elle darda sur moi ses grands yeux céruléens et pétillants.
-J'ai trouvé une Madame très rigolote ! Viens !
N'ayant visiblement pas le choix, je me laissai emporter par la petite cheffe et je rejoignais l'ombre salvatrice d'un autre grand chêne. Une fois assis à même l'herbe, je pus découvrir l'inconnue. La première chose qui me frappa fut son regard si perçant. C'était déroutant, j'avais l'impression de me faire ausculter des pieds à la tête, en passant par l'intérieur de mon crâne. Puis la surprise passé, je remarquai que la "Madame" n'était en réalité, qu'une jeune fille, plus jeune que moi, très mignonne.
-Même qu'elle s'appelle Malki et qu'elle fait de la magie !
Encore une fois, elle gesticulait avec énergie. Non, soudain je reconnu ces gestes… il s'agissait de…
-Elle est … ?, demandai-je à Sah, qui acquiesça promptement. Oh.
Ça c'était inattendu. Vraiment inattendu, et intéressant. De nouveaux, je reportai mon attention vers la jeune fille et lui offrit mon plus beau sourire. Elle avait eu de la chance d'être tombé sur Golvine et Sah, et moi. Rares étaient les gens capables de signer. Enfin, même si je n'avais clairement pas le même niveau que le muet et la spirite Perroquet…
Ressortant mes vieilles leçons, je rejoins alors la conversation et m'adressai à la dénommé "Malki".
Bonjour. Je suis le père de Golvine. Comment tu vas ?
J'espérai ne pas m'être trompé. Mais ni Golvine, ni Sah ne semblaient réagir à quelque grosse erreurs, aussi j'attendais la réponse de cette mystérieuse et intrigante jeune femme.