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descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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7 octobre 1763 – Domaine




Dire qu’il était épuisé, et que son corps peinait à se lever, était un doux euphémisme. Il restait là, couché sur le dos sur le lit qu’on lui avait attitré. Il n’avait rien eu à demander qu’on avait été aux petits soins avec lui dès son arrivée. Sans doute l’état dans lequel il était avait dû alarmer les baptistrels et leurs Ewrs. Aussitôt il avait été installé dans un petit nid douillet et avait reçu mille attentions pour soulager ses douleurs.

Pour autant, aussi confortable soit ce lit et aussi agréable soit cette pièce, il devait se lever, on l’attendait. Mais… il avait besoin encore d’un petit instant. À la fois pour trouver la force de muer ce corps douloureux, et pour s’accorder un moment seul, avant que, peut-être, sa fin ne vienne. C’était en effet le grand jour tant attendu ! Aujourd’hui Naal allait tenter de l’opérer. Et au vu de l’air sombre qu’il avait arboré quand il était venu le chercher à la légion Vat’Aan’Ruda, la chirurgie était compromise. Bien entendu, après tant de temps… pas comme si Naal ne l’avait pas prévenu. Il ne s’était pas attendu toutefois à mettre si longtemps à rentrer, il devait bien l’avouer…

Plus d’un mois qu’il était parti. Un mois et demi. Lui qui devait rentrer courant septembre ! Le destin était farceur parfois, songea-t-il. Un mois et demi à se faire balloter comme un pantin sur l’archipel…

Il se souvenait encore de son séjour chez les pirates, aux relents aigres de défaite et de honte, mais aussi aux notes plus douces de surprises inattendues. Il se souvenait encore de sa dernière entrevue avec Nayan Earendill, qui, il ne pouvait le nier, ne le laissait pas indifférent par son élégance raffinée et son esprit affuté. Ce pirate des plus fourbes avait su attirer son intérêt et sa curiosité et il regrettait presque de ne pas pouvoir rester plus longuement en ce bas monde pour voir quelle danse ils pourraient partager tous deux. Car nul doute que le forban avait des projets pour lui. Il n’aurait pu tout à fait dire lesquels, et préférait ne pas totalement se fier à ses belles paroles.

Quand bien même pour l’heure, Nayan avait tenu toutes ses promesses. Il lui avait dit ne pas vouloir le forcer, ne pas vouloir le toucher d’une façon qu’il ne voudrait, et il s’y était tenu. Il avait même fait barrage pour que personne ne le touche et ne le souille plus encore. Mis à part le roi des pirates, mais c’était là un tout autre problème. Puis il l’avait libéré.

Certes, d’aucuns diraient qu’il l’avait plutôt abandonné sur une plage esseulée, et l’avait peut-être condamné à une mort certaine, lui, alors seul et affaibli, incapable de se défendre, au milieu d’une faune sauvage et agressive. Pour autant… pas totalement. Il avait certes été débarqué sur une plage reculée, un peu à l’écart d’Athgalan, mais Ilhan avait compris ensuite que le forban avait savamment calculé cet endroit stratégique. Ni trop loin d’Athgalan, sans doute pour pouvoir intervenir si souci, ni trop près. Et assez près de camps Graärh présumés qui s’étaient installés dans les parages pour surveiller les pirates, quand bien même ces camps bougeaient sans cesse. Nayan avait tout prévu. Et avait tout fait pour qu’Ilhan puisse s’en sortir et survivre… s’il faisait montre d’un tant soit peu de ruse et d’intelligence.

Il s’était vu doté d’habits conçus sur mesure, cette fois dans des tons pouvant se fondre dans l’environnement et particulièrement adaptés à une marche forcée, d’une gourde, d’une petite besace légère contenant quelques vivres et d’un petit nécessaire de survie… Ilhan avait cru l’espace d’un instant qu’il s’agissait presque d’un test le concernant : s’il survivait à cette épreuve, il se montrerait réellement digne de l’intérêt de Nayan. Non pas qu’il soit particulièrement enclin à vouloir se montrer digne de quoi que ce soit concernant les pirates. Mais cette impression ne l’avait pas lâché tout le long de son trajet. Peut-être se fourvoyait-il ou peut-être… Plus tard il avait compris aussi que sans doute avait-il servi à retrouver la trace du plus proche camp Graärh. Mais ce n'était pas comme s’il avait eu beaucoup d’autres choix...

Toujours est-il que c’est ainsi que son long voyage avait repris. Ilhan se rappelait avoir regardé le bateau repartir comme si c’était la veille.

Les voiles étaient hissées et le bateau se faisait de plus en plus petit au loin. Ilhan avait senti alors une sourde peur l’étreindre. Il n’avait jamais été laissé seul ainsi, à devoir se défendre et se débrouiller sans personne pour l’aider. Sauf une fois. Lors de son épreuve par Maitre Kehlvelan dans la forêt baptistrale. Une épreuve qu’il avait échouée d’ailleurs. En partie du moins. Il se retourna alors vers les terres marécageuses qui s’étendaient derrière lui, de grands arbres branlants lui barrant la vue. Allait-il devoir s’enfoncer dans… ça ?

Du peu qu’il se souvenait avoir lu sur cette île, l’est de l’île était une vaste savane herbeuse, le centre des canyons abrupts, et l’ouest de l’île était recouvert d’un vaste marais maritime. Il était donc encore à l’ouest. Il avait le choix entre longer les plages, mais sans aucune chance de trouver quelque aide que ce soit, les Graärh ayant bougé leurs camps dans l’intérieur des terres selon ses informateurs, soit s’enfoncer dans les terres, dans ces marécages boueux des plus dangereux. C’était aussi là où il aurait la seule chance de trouver de l’eau un tant soit peu potable d’ailleurs. Il n’avait donc guère d’autre choix que s’engouffrer dans les marais en priant les Huit et tous les Esprits-Liés qu’il parvienne à éviter les agressifs prédateurs.

Après une profonde inspiration, il avait donc regardé ce qui l’attendait et avait forgé sa détermination pour affronter cette épreuve. Il s’était donc engouffré dans les terres. Une fois la plage loin derrière lui, il avait vite compris qu’il lui fallait un plan plus élaboré que juste "s’enfoncer dans les terres". Il repensa alors à la promesse des esprits… Le lièvre ! Le lièvre pourrait l’aider ! Il avait alors déchiré un pan de son vêtement, avait ramassé un petit tas de boue : voilà de quoi faire le plan que le lièvre lui indiquerait. Puis il avait activé le bracelet, et avait appelé le pouvoir du lièvre en songeant à trouver le camp Graärh le plus proche et une source d'eau claire. Il ne voyait que cela pour le sauver de cette impasse. Et aussitôt le lièvre lui révélait un chemin. Il s’était empressé de le dessiner aussi fidèlement que possible sur son morceau de tissu. Puis avec la vache, il s’activa à trouver baie et autres fruits comestibles, pour ajouter à ses rations. Mais maintenant qu’il pouvait prendre un chemin connu… Il lui manquait encore quelque chose, réalisa-t-il.

Il ne connaissait rien au marais, si ce n’est qu’il risquait fort de s’embourber au moindre faux pas, ou de réveiller quelque créature avide de le manger. Il lui fallait quelque chose pour tester le terrain. Il avait donc rapidement trouvé un long bâton qui lui arrivait jusqu’au milieu du torse, et dont il se servit alors pour tester le terrain avant chaque pas.

Et il suivit le chemin du lièvre. Il mit régulièrement le plan à jour avant que le lièvre ne l’abandonne pour ce jour. Il tenta de suivre ce qu’il avait dessiné, mais dut faire un détour. Soit parce qu’il était mauvais cartographe, ce qui ne serait guère exclu, soit parce que le traitre marais l’avait obligé à contourner le chemin pour ne pas s’embourber.  Il frissonna plus d’une fois en voyant certaines créatures, tels ces étranges oiseaux rouges si calmes, mais dont le silence et l’immobilité ne lui disaient rien qui vaille, ou encore telles ces gueules immenses qui parfois s’ouvraient dans la boue sur son bâton. Jusque-là il était parvenu à retirer son bâton pour ne pas perdre sa maigre arme sécuritaire, puis s’écartait rapidement. À chaque pas, chaque test de son bâton, il en était venu à prier les Huit de l’aider, de l’extirper de cette fange infâme. Mais bien vite le soir arriva. Et avec lui tous les dangers. Il n’avait de prime abord pas compris à quoi servait la corde qui avait été mise dans sa besace, mais quand il grimpa dans un arbre pour se mettre un tant soit peu à l’abri et qu’il manqua tomber alors que le sommeil le happait, il comprit. Peut-être valait-il mieux s’attacher à l’arbre pour comater quelques heures. Et c’est ainsi qu’il dormit par petites vagues attaché autour du tronc.

Puis le lendemain il avait repris son chemin, grignotant sur un rocher ou dans un arbre, buvant quelques gorgées, rappelant le lièvre et la vache pour l’aider, bénissant la gerridae qui le sauva et lui permit de sauter une grande masse boueuse gigantesque qui avait, il ne sait comment, bouger pour mieux l’entourer. Et bénissant son bâton, cette aide précieuse, et les Huit qui le guidaient. Trois jours. Trois jours de calvaire avant qu’il ne trouve enfin un camp. Ou plutôt qu’un camp le trouve, alors qu’il se retrouvait acculé et à deux doigts de se faire prendre par une sorte de mille-pattes géants. Des tirs avaient rapidement mis en état de fuir l'étrange créature. Des Graärh ! Il avait trouvé les Graärh !

Ce fut avec un soulagement évident qu’il les remercia. Bien qu’au début la situation fut fort tendue : ils le prenaient pour un pirate se faisant passer pour un prisonnier évadé, et voulaient l’interroger. Le torturer, comprit Ilhan. Heureusement, il parvint à les convaincre de son identité. Sans doute le spirite du hibou présent put attester qu’il ne mentait pas. Ce fut, soulagé, qu’il les suivit, même si dans un silence tendu. Quand il arriva au camp, son bâton lui servant alors d’appui tant il était éprouvé, il s’empressa de manger, même s’il refusa toute viande, prétextant sa maladie. Il ne mentait qu’à moitié, même si le hibou tiqua à sa piètre excuse. Puis dès qu’il sentit un léger regain de force, il s’empressa de copier le geai qu’il avait senti et appela Kehlvelan, le geai le plus proche qu’il connaissait. Il lui expliqua tout, aussi vite que possible, se sentant peu capable de tenir une longue conversation à cette distance. Puis lui demanda s’il pouvait joindre Tryghild qui devait être à la légion Vat’Aan’Ruda. Il ne put lui en dire plus que ses forces l’abandonnèrent et que la communication fut coupée. Kehlvelan joignit-il Sa’Hila, autre geai qu’il avait senti, mais alors bien trop loin pour lui-même ? Toujours est-il qu’apparemment les Graärh reçurent l’ordre de le ramener à la légion.

Plusieurs semaines de voyages à cheval, qui furent plus qu’éprouvantes pour lui et qu’il passa dans un demi-état de somnolence. Tant et si bien qu’un Graärh monta avec lui pour le tenir et l’empêcher de tomber. Une fois arrivé, il avait vu Tryghild et s’était empressé de lui faire son compte-rendu sur tout ce qu’il avait vécu. Et sur sa mort probable à venir. Sur la proposition de Naal à tenter une chirurgie, solution de tout dernier recours en cette situation délicate. Et Naal était alors venu le chercher pour l’emmener au domaine.


Gracieusement on lui avait laissé une journée pour se remettre de tous ces voyages et de sa fatigue. Mais ils ne souhaitaient pas perdre trop de temps non plus, lui avait-on dit. Et le grand jour était arrivé. Il était temps maintenant de l’affronter.

Et fort de cette résolution, il se hissa péniblement en position assise. Puis, attrapant son bâton non loin qu’il ne voulait plus quitter, ce bâton qui lui avait si souvent sauvé la vie, lui et les Huit qu’il avait tant priés, il parvint à se lever. C’est toutefois d’un pas lent et presque vacillant qu’il rejoignit l’endroit où on lui avait indiqué que Naal l’attendait.

Que le soleil illumine votre journée, cher Naal, fit-il alors d’une voix basse, à peine audible, quand il entra dans la pièce. Je suis désolé si je vous ai fait attendre. J’espère que vous me pardonnerez ce petit contretemps.

Lui-même ne savait pas bien de quel contretemps il parlait. Celui des pirates ? Ou celui de ce matin ?

Ainsi le moment fatidique est arrivé, ajouta-t-il d’un pâle sourire.

Ce serait mentir de dire qu’il n’avait pas peur.

Vous pouvez toujours refuser si vous pensez que mon cas est… trop désespéré.

Et non il ne se défilait pas. Pas vraiment. N’est-ce pas ? Bon, peut-être lui tendait-il une perche, au cas où… la peur le taraudant lui soufflant de fuir, loin, très loin, et de mourir dans son coin.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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    Il était rare de voir Naal vêtu de blanc, comme un saint. D'ordinaire, il préférait l'humilité des habits noirs, de ceux qui ne mettaient pas en valeur la royauté qui coulait dans son sang. Il ne portait l'habit blanc que lors des cérémonies, ajoutant à cette clarté une chasuble sacerdotale à deux pans, d'un bleu aussi céleste que l'éclat de ses iris, et brodée de prières en langue ancienne. Il n'y avait point de cérémonie aujourd'hui, même si les suppliques à son Dieu ne quittaient presque jamais ses lèvres. Un soupire soulevait son torse, dans l'attente. Il n'était pas pressé et avait l'habitude d'occuper son temps libre par sa dévotion sincère. Le silence était aussi la voie de la mémoire. Il avait été chercher Ilhan à la légion, pour le reconduire ici, au domaine. La magie était bien trop instable pour qui que ce soit n'ait tenté de l'utiliser sur l'althaïen. Là était bien tout le problème et montrait combien les ambarhùniens se reposaient encore bien trop sur la magie. L'invasion des almaréens ne leur avait pas servi de leçon. Ils attendaient en croyant qu'un sort ou une potion viendrait les sauver, allaient au delà de ce qu'un corps pouvait normalement supporter et ils s'usaient jusqu'à la moelle, persuadés que la magie viendrait les sauver. Les dragons avaient mis beaucoup de poudre aux yeux des bipèdes.

    Lorsqu'Ilhan entra, il ne fut guère étonnant que Naal soit naturellement en train de prier. Non pas à genoux, comme il en avait l'habitude, mais debout, pour ne pas salir ses habits. Ses paumes étaient levées vers le ciel, les mains au niveau du ventre, comme pour bénir les dextres qui allaient se mettre à l'ouvrage. Il ouvrit ses yeux et se tourna vers son patient. Le blanc contrastait tant avec sa peau ambrée, presque brune. Son sourire avaient cette douceur coutumière, là où ses yeux étaient marqués parla tristesse et l'inquiétude. « Vous êtes un cas désespéré. » rétorqua-t-il, d'une voix posée et égale. « Mais ce n'est pas à moi de décider ce qui doit être fait ou non. Je ne suis que le médecin, mon rôle est d'établir un pronostique et de vous le livrer. Hélas, je n'ai pas les moyens de voir à travers votre peau. Ce qui vous ronge pourrait très bien être localisé ou généralisé, je ne le saurai qu'une fois l'opération entamée. Dans le premier cas, je peux vous sauver. Dans le second... » Ses lèvres se pinçaient : « Tout ce que je pourrais faire serait de rendre votre mort plus douce. » Naal était déjà mort par deux fois, il savait ce que cela faisait, ce froid qui s'insinuait sournoisement sans qu'il ne soit possible de rien faire. Il se souvenait aussi de la douleur... Aussi veillerait-il sur Ilhan. Il lui proposa un bras pour le conduire jusqu'à un divan où le Conseiller pourrait s’asseoir, le dos à mi-chemin entre assis et couché.

    « Ce n'est pas à moi de décider. Ce corps n'est pas le mien, il vous appartient. » Il avait posé un index en direction de son patient, pour désigner le corps dont il était question, et il avait pris son bâton pour le poser un peu plus loin, non s'en s'arrêter sur les symboles gravés dessus, avant de reporter son attention sur son patient. « Vous en êtes le maître, même si... » Il pinça ses lèvres, à nouveau, contrit. Il ne savait quel sujet aborder. En temps normal, il aurait laissé son cœur parler, allant d'un sujet à un autre et laissant les autres pour le lendemain... Mais aujourd'hui, c'était différent et Ilhan n'avait peut-être pas envie d'aborder certains sujets. « Même si il arrive que cette loi soit bafouée. » Il défit la chemise d'Ilhan de haut en bas, observant la grosseur. « Je vais vous raser. » Il désigna plutôt le torse avant qu'Ilhan ne s'imagine qu'il allait s'en prendre à sa barbe ou à ses cheveux : « Les poils, sur votre torse. Puis je vous laverai ensuite avant de passer... A l'étape suivante. Nous avons tout notre temps, si vous souhaitez le prendre. » Il n'était plus à cela près, vu la situation. Par des gestes habitués, il passa un bras dans son dos pour l'écarter du dossier et lui retirer complètement le vêtement. Il se saisit d'une lame de rasoir et d'un bol contenant une mousse blanche et vint s'asseoir, près de lui.

    Ils étaient seuls, dans cette pièce, pour le moment. Le calme de l'endroit appelait l'apaisement. « Est-ce que... Vous souhaitez confier vos pensées ? Au médecin ou à... à l'ami, je serai ce dont vous avez besoin, si vous le souhaitez. Vous devenez être... Inquiet. » Pour l'opération, pour la mort. Là étaient des sujets lourds de sens. Naal n'était pas très doué, en particulier lorsqu'il retenait les élans de son cœur. Il avait l'impression de marcher sur des œufs : « Et malheureux. » Après les mésaventures qui avaient été les siennes. « La parole apporte le soulagement, souvent. Mais si vous préférez le silence, il vous appartient. Je ne vous le volerai pas. » A l'aide d'un blaireau il étala la mousse blanche sur le torse de l'althaïen en de petits mouvements circulaires avant de poser le récipient et prendre la lame de rasoir. Si la situation lui étreignait le cœur ? Tellement. Il aurait aimé se laisser aller à des mots sincères mais ils n'étaient que tremblement dans sa gorge. L'ami était en émoi mais le médecin devait tenir bon.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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La tenue étonnamment lumineuse de Naal frappa les sombres rétines d’Ilhan dès qu’il entra. Cette simple vision lui arracha un frisson d’appréhension qu’il ne chercha pas même à réprimer. Il n’avait que peu souvent assisté à des interventions almaréennes, mais il avait déjà vu ce genre de tenue. Il se rappelait en avoir vu une semblable portée par un almaréen pratiquant une… amputation. Il n’était pas resté plus longtemps pour y assister, ayant manqué rendre son repas alors, mais le peu qu’il avait pu voir avait marqué son esprit.

Naal semblait, comme à son habitude, en prière, et Ilhan eut un instant scrupule à le couper en pleine conversation avec son Dieu. Mais aussitôt l’homme s’était tourné vers lui, chassant par ce simple geste toute onde de culpabilité qui aurait pu assaillir l’althaïen. Et de nouveau, face à ces prunelles céruléennes, l’appréhension reprit ses droits, enchâssant son coeur dans une gangue de glace qui semblait vouloir le ralentir, et l’arrêter, avant même que quoi que ce soit n’ait commencé.

« Vous êtes un cas désespéré. »

Merci de me rassurer, eut-il envie de rétorquer. Mais il se contenta d’un léger silence, tout en pinçant les lèvres. Et la suite des propos eut tôt fait de radoucir l’humeur ombrageuse d’Ilhan. Il hocha alors simplement la tête, quand l’autre lui expliqua pouvoir, peut-être au moins, adoucir la mort à venir. Eh bien soit, cela était toujours bon à prendre. Il n’allait pas cracher dessus. Quand bien même la frayeur s’insinuait par tous les pores de sa peau et manquait le tétaniser sur place. Diantre ! Il avait affronté une chimère, même si mentalement, il avait fait face au roi des forbans, même si sans grand éclat, et voilà qu’il allait s’épouvanter d’une simple petite intervention chirurgicale ? Bon, certes, elle n’avait certainement rien de simple, ni de petit mais… Tout de même, un peu de cran, par tous les Dieux, se morigéna-t-il mentalement, tout en s’asseyant.

Remerciant Naal d’un simple geste quand il l’installa sur un divan, peu sûr d’avoir pu rester debout plus longuement. Il avait donné toutes les maigres forces qu’il lui restait pour parvenir à rejoindre les délimariens, puis à venir ici au Domaine. Il savait que ses forces l’abandonnaient, et que maintenant que toute tension était retombée, il ne pourrait aller plus loin sans s’écrouler.  

« Ce n'est pas à moi de décider. Ce corps n'est pas le mien, il vous appartient. »

Ilhan manqua lever les yeux au ciel. Comme si cela avait gêné grand monde jusque-là ! Une pointe amère flagella son esprit et il dut la réprimer pour ne pas laisser son cynisme frapper de mots durs l’homme en face de lui. Un homme qui n’était en rien responsable de tout cela. Un homme qui d’ailleurs semblait poursuivre le même cheminement de pensée que lui. Oui, "même si"… Tout était dit.

Ilhan se permit un léger haussement d’épaules alors, et accorda à l’autre homme un léger sourire teinté d’une sombre tristesse. Un lourd soupir lui échappa mais ce simple petit geste raviva une douleur et il contint le reste de son souffle pour ne pas la raviver plus.

Il se laissa faire quand Naal lui défit sa chemise, même s’il peina à contenir un mouvement de recul et que son corps se raidit au contact. Heureusement les gestes doux, lents, posés, de Naal apaisèrent tout instinct de fuite, et il se répéta mentalement qu’ici il ne craignait rien. Qu’en cette présence, en cet instant, il ne craignait rien. Que rien ne lui serait infligé qu’il ne consentirait. Rien… qu’il ne consentirait. Et répétant ces derniers mots tel un mantra, sans quitter un seul instant Naal du regard, il se laissa faire et son corps parvint à se détendre quelque peu.

S’il souhaitait se confier ? Il haussa un sourcil surpris. Mais la suite… plus encore. Ami ? Naal consentirait à le considérer comme un ami ? Son sourcil monta plus haut encore. Non pas moqueur, mais clairement surpris. La proposition le touchait plus que de raison, sans qu’il ne se l’explique vraiment. S’il voulait se confier ? Peut-être. Ou pas. Il ne savait guère. Le pourrait-il seulement ? Y parviendrait-il ? Son esprit se perdit un instant dans ces lourds questionnements et ce n’est qu’au bout de longues minutes de silence qu’il se rendit compte qu’il n’avait pas répondu. Et que son silence pouvait être offensant pour l’homme qui lui tendait ainsi la main, et le coeur, pour qu’il puisse ouvrir le sien. Ce silence pourrait être pris comme un refus, et de se confier, et de cette amitié. Il se mordit alors légèrement les lèvres et baissa les yeux, hésitant.

Naal avait déjà quasi fini de le raser, constata-t-il mortifié. D’une main douce, il vint toucher le bras de l’autre homme.

Je… ne sais si je pourrais me confier, fit-il enfin d’une voix basse.

À peine audible. Ses accents althaïens ressortaient pleinement, indiquant que c’était l’homme qui parlait, dans toute sa sincérité, et non un quelconque diplomate, conseiller, politicien, ou même tisseur.

J’ai souvent considéré le silence d’or et il a tissé alors toute mon existence, confessa-t-il à demi-voix.

Il jouait avec les mots, certes, mais ce qu’il révélait n’en était pas moins vrai. Et il espérait que Naal l’entendrait.

Je me suis toujours attaché à en révéler le moins possible sur moi, mon passé, ou… "Pas d’attache, pas d’emprise", tel avait été mon credo. Je me suis toujours dit que je protégeais ainsi les personnes qui auraient pu être mes proches. Mais…

Il releva ses orbes de jais sur Naal et le scruta attentivement, comme cherchant le moindre signe de rejet ou de jugement. Mais il ne vit rien de tout cela, et se sentit capable alors de poursuivre quelque peu.

Peut-être voulais-je me protéger moi-même également. Ne plus souffrir. Ne plus perdre l’un des miens. Mais au final… je pense que je me suis quand même attaché à certains, en dépit de tout ce que je voulais bien dire. Et… si je puis vous considérer comme un ami ? J’en serai honoré. Il y a peu de personnes que j’ai pu appeler ainsi. Elles se comptent sans doute sur les doigts d’une main.

Il attrapa alors l’une des mains de Naal et la serra doucement. Il n'avait pas cru pouvoir se confier ainsi, mais il semblerait que les mots, aussi difficiles soient-ils à sortir, coulaient d'eux-mêmes. Comme si Naal avait ce pouvoir apaisant de vous inspirer confiance...

Quant au reste… Je ne sais si rompre le silence est réellement utile maintenant. Pourtant…

Son regard se tourna vers l’entrée et se perdit dans le vague.

Pourtant quelqu’un m’a dit que je devrais apprendre à ouvrir mon coeur. Et que je ne devrais pas garder tous ces sombres secrets pour moi.

Il reporta son regard sombre, emprunt d’un vide presque abyssal, sur Naal. Des orbes qui semblaient le regarder sans vraiment le voir…

Mais à quoi bon ? Vous savez ce qu’il s’est passé… avec…

Il préféra ne pas finir sa phrase.

Cette souillure du corps qui parvient aussi à souiller votre âme. Cette honte qui vous flagelle, jour après jour, et vous hante nuit après nuit. Mais…

Cette fois, son regard revint au temps présent, et s’ancra pleinement sur les perles céruléennes en face de lui. Comme voulant les happer au plus profond de lui.

Pourquoi s’en affliger ? Ce corps ne sera peut-être bientôt plus. Et ce n’est pas comme si cela était la première fois. Je devrais même dire les premières fois.

Car dans le passé il avait eu à déplorer cela quelques années…

Sans doute cela en sera au moins la dernière, offrit-il avec un sourire lourd qui n’avait rien de joie. Vous disiez que le choix me revenait. Pour cette intervention, s’empressa-t-il de préciser, sentant son discours se faire décousu. Tout est le problème. Je ne sais si je souhaite vraiment rester encore en ce monde. Je ne sais si je crois assez en lui pour vouloir encore… continuer. J’ai nourri pendant tant d’années le secret espoir de retrouver mon aimée et mon enfant décédés, quand Mort frapperait à ma porte. Que nous puissions, peut-être, nous réincarner ensemble. Folle utopie me direz-vous. Mais cet espoir m’a fait vivre jusque-là.

Il sentit un poids comprimer sa poitrine et manquer le faire suffoquer. Mais aucune larme ne vint, ni aucun sanglot. Il semblait ne plus en être capable soudain.

Il n’y a que deux choses qui me feront tenter tout de même votre expérience. D’une part la parole que je vous ai donnée. On pourra me traiter de traitre et de tout ce que l’on souhaite, peu m’importent les médisants, mais je ne suis pas un parjure. Quand je fais une promesse, je fais toujours tout pour pouvoir la tenir. Et je tiendrai celle-ci. Je me dis aussi que, même si cela ne permet pas de me sauver, cela pourrait en sauver d’autres un jour. De ce que vous apprendrez lors de cette intervention… peut-être un jour cela servira tout de même à un autre. La deuxième chose… ou plutôt devrais-je dire personne… c’est Tryghild. J’aurais aimé… J’aurais aimé pouvoir l’aider encore un peu, rester encore un peu à ses côtés pour oeuvrer à ce qu’elle tente de bâtir. J’aurais aimé la voir devenir cette grande Reine que je vois en elle.

Cette fois les larmes manquèrent s’échapper, mais aussitôt il les ravala.

Donc nous ferons cette intervention. Mon corps et mon esprit vous accordent ce consentement. Et je vous remercie de m’avoir… laissé le choix.

Le "vous" était-tu, mais le silence le criait bien plus fort que les mots.

J’aurais juste aimé…

Il hésita, et baissa de nouveau les yeux, tout en relâchant doucement la main qu’il avait emprisonnée.

Ce corps a été souillé depuis de si longues années… Cela fait longtemps que je n’ai plus été aimé, charnellement mais aussi spirituellement, je pense. Si longtemps…

Depuis la mort de sa femme, sans doute.

Je sais que c’est sans doute par mes choix, mais…

Il releva des yeux hésitant sur Naal avant de lui souffler sa question.

Qu’est-ce que cela fait d’être aimé, Naal ? Qu’est-ce que cela fait de n’être pas seulement désiré, de n’être pas seulement un objet de plaisir, mais d’être aimé, vraiment, pleinement ? Est-ce que vous le savez ?

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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    Sans réponse, l'almaréen le rasa en silence. Il ne l'avait pas contraint et ne se vexerait pas d'un refus. Il savait que parfois, même avec la plus forte des amitiés, il y avait des choses qui étaient difficiles à dire. Il avait donc continué ce qu'il faisait sans mot dire, sans chercher à le pousser outre mesure. Il fut néanmoins ravi de l'entendre, même si ce fut pour lui dire qu'il n'était pas bien certain de savoir s'il pourrait se confier. Par habitude, il savait que ceux qui commençaient comme cela avaient tendance à aller un peu plus loin et avaient, au contraire, énormément à dire, qui leur pesait sur le cœur. Il passa un linge humide sur son torse, pour ramasser les résidus de mousse, ici et là et contrôler qu'il n'avait rien oublié. Comme avec Kehlvehan, il savait suffit d'un déclencheur pour le faire parler. Cela lui faisait toujours l'impression d'un tissu dont on attrapait le bout de fil qui dépassait et puis tout venait ensuite. Il n'y avait qu'à saisir ce fil et à tirer doucement dessus.

    Le discours était profondément triste, mais il ne s'était pas attendu à mieux de la part d'un homme qui serait très bientôt mort. L'on pouvait, tout au long d'une vie, se complaire dans des petites plaisanteries pour se détourner de ce qui fait mal ou peur, mais quand vient l'heure de tirer sa révérence, beaucoup pleuraient sur leur misérable existence. Beaucoup auraient aimé tout refaire, rattraper leurs erreurs, comme si, face au trépas, ils avaient l'impression que leurs faux pas causaient leur état et qu'en faisait pénitence, en les confessant, ils puissent être épargnés. Le tournant dans leur conversation le surprit. Lui, il ne l'avait pas vu venir, quelque chose lui avait échappé en chemin, mais il accueillit sa surprise comme toutes les émotions qui naissaient du Rien. Il la respectait, et, curieux, la contemplait, écoutant ses question avec une patience qui donnait l'impression qu'il avait l'éternité devant lui.

    Il croisa son regard. « Oui, bien sûr. Bien que je pense que vous n'y seriez autant ouvert que moi, si je vous le disais. Beaucoup ont reproché à mon peuple d'être des fanatiques mais... L'amour dans un couple, en particulier les vôtres, Ambarhùniens, n'est-il pas aussi une certaine forme de fanatisme ? On le regarde avec une plus grande tendresse mais cela est, je trouve, tout aussi extrême. » Ilhan ne lui avait-il pas dit qu'il espérait que son épouse et son fils l'attendent pour qu'ils puissent se réincarner ensemble et transcender la mort ? N'était-ce donc pas la même puissance, la même folie passionnelle ? « Je crois que Néant m'aimait sincèrement. » Il se souvenait encore de la supplique. Le dévot l'avait imploré de ne pas lui infliger un tel ordre. Le tuer ? Il l'aimait bien trop, depuis des siècles, pour y parvenir. Mais Néant lui avait dit qu'il n'avait personne d'autre à qui le demander, que si Naal n'y parvenait, personne ne le pourrait. Il avait senti son affection désespérée, celui d'un être meurtri qui se nouait autour de ce qu'il avait de plus cher.

    Sa gorge se noua et dans le respect qu'il vouait aux sentiments qui remuaient en lui, il ne chercha pas à les étouffer. « Et de façon plus terre à terre, oui, j'ai été aimé plusieurs fois. Nous ne voyons pas l'amour comme vous, nous les almaréens. Mon amour n'a rien d'exclusif. Une personne n'est pas mienne et je ne suis pas sien, il n'y a pas de rêve d'éternité ni de désir de transcender la mort, pas de fidélité au sens où vous l'entendez. Nous ne sommes fidèles qu'avec le cœur, parce que nos sentiments ne sont jamais mensonges ou vanités. » Il prit sa main, délicatement, et la couvrit de sa seconde. Il la serra doucement : « Je crois, mais ce n'est que mon point de vue, qu'il est prétentieux de réclamer l'exclusivité d'une personne car cela est supposer faussement que l'on puisse tout être pour l'autre, qu'on puisse satisfaire tout ce dont l'autre à besoin. C'est mentir à l'autre, comme à soi-même, en affirmant que l'autre est capable de nous combler. C'est Ô combien flatteur, mais terriblement... Vraiment terriblement fallacieux. Cela m'a beaucoup surpris, lorsque je l'ai découvert, sur Ambarhùna... Combien vous étiez si nombreux à vous faire une promesse qui vous interdisait d'être complet. Vous respectez tous ce serment d'exclusivité et vous appelez cela de la fidélité. J'ai trouvé ceci malsain, de vouloir mettre mutuellement l'autre dans une prison, et l'interdire d'en sortir. De reprocher à celui qui s'échappe sa propre frustration d'être resté enfermé. »

    Il souffla un rire par le nez en secouant la tête de gauche à droite : « Mais probablement est-ce parce que je n'ai pas l'habitude de cela. J'ai été aimé, j'en suis assez certain. Je n'ai jamais étreint quelqu'un que je n'aimais et qui ne m'aimait en retour. Je ne trouve pas de plaisir sans les sentiments, dussé-je vous paraître bien fleur bleue à ces mots. » Il embrassa doucement les doigts qu'il avait dans ses mains, effleurant à peine de ses lèvres la peau ambrée, avant de relâcher la dextre alors qu'il se levait pour aller s'installer à ses pieds, au bout du divan pour lui ôter ses chaussures. Ses gestes affichaient la même minutie qu'un médecin. « On fait tous des choix étranges lorsqu'on perd quelqu'un de cher. Vous n'avez pas à vous reprocher les résolutions que vous aviez prises. Quand bien même vous auriez fait un autre choix, comment pouvez-vous savoir ce qu'il serait vraiment advenu ? Alors n'ayez pas de regrets de ce dont vous ignorez tout. Vos choix sont les vôtres, ni bons, ni mauvais. Juste vôtres. »

    Il massa cette zone bien précise qui devrait soulager le foie de son ami, prenant son temps pour qu'Ilhan savoure. « Je pense que vous êtes aimé, Ilhan. Même si vous le refusez, même si vous êtes fermé à cet amour, par choix. Je crois que cela n'a jamais empêché qui que ce soit de gratter à votre cœur s'il en éprouvait le besoin. Je crois même que malgré votre promesse, nous n'êtes pas indifférent au monde qui vous entoure, je me trompe ? Regardez autour de vous et osez me dire que vous n'aimez personne et que personne ne vous aime. » Il le darda de ses mires célestes, comme si le divin de sa croyance voyait à travers lui et jaugeait du mensonge ou de la vérité dans ce qu'Ilhan pourrait affirmer pour lui répondre. Cela n'appelait pas même forcement une réponse. Le silence serait une acceptation : « Votre bain est prêt. » souffla-t-il, désignant du menton l'eau qui fumait doucement du bassin, sans pour autant cesser le massage qu'il prodiguait, patientant simplement après le moment où Ilhan se sentirait prêt.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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Entendre cette comparaison de la vision ambarhùnienne, parfois bien possessive, du couple avec le fanatisme parfois plus que fervent des almaréens, du moins antan, le choqua presque. Sur l’instant en tout cas. Et entendre alors Naal parler de l’amour de Néant, de son amour également pour ce Dieu maintenant déchu, le surprit. Il s’était attendu à ce que l’ancien serviteur lui parle d’un amour mortel, d’un amour humain, pas de cet amour intemporel et divin. Et la comparaison le frappa alors d’autant plus. Mais lui fit voir soudain les choses sous un autre angle.

Oui, dans l’amour qu’il décrivait pour sa femme, il y avait cette dévotion et cette ferveur proche du fanatisme qu’il avait parfois observé chez les almaréens à leur arrivée. Mais brusquement, loin de blâmer l’ancien serviteur de cette analogie, il en fut touché et presque flatté. Car il décrivait alors un amour qui transcendait tout, un amour comme il en rêvait tant depuis ces sombres jours. Et l’émotion que Naal laissa transparaitre frappa l’althaïen en plein coeur. Il n’osa un geste de réconfort, se retenant encore par pudeur, mais sa main avait pourtant amorcé le mouvement avant de se figer à mi-chemin.

Même quand Naal évoqua ensuite ses amours mortels, bien plus éphémères, bien moins passionnels, Ilhan ne s’offusqua plus en rien de ses mots et écouta avec attention, captivé, fasciné. Des sentiments purs, sans mensonges, sans trahison, sans le poison d’une possible jalousie, sans le dard de possible interdit… Naal lui décrivait émotions et amours simples, mais purs. Beaux dans leur simplicité, leur honnêteté, sans promesse éhontée. Même si le romantique qu’il était resterait épris d’amour transcendant le temps et l’au-delà, il devait avouer être attiré aussi par ce qu’il entendait là. Presque envieux de n’avoir pas connu tout cela. De n’avoir pas su s’ouvrir, de n’avoir pas su goûter… de n’avoir pas su savourer.

Quand l’autre homme lui prit la main, étonnamment il se laissa faire, sans aucun geste de retrait, sans mouvement de recul. Ses instincts lui criaient qu’il ne craignait rien. Qu’en ce lieu, en cet instant, en cette présence, il pouvait se laisser aller. Se laisser aller à… goûter. Savourer. Ce simple toucher. Si simple et pourtant presque solennel.

Il écouta les mots, les entendit même, et les accepta. Même si en son sein, l’envie d’être tout pour quelqu’un et que ce quelqu’un soit tout pour lui, faisait encore fortement battre son coeur. Il sentait qu’il pouvait, toutefois, peut-être, s’ouvrir à une autre forme d’amour. Qu’accepter ces autres formes, dans toutes leurs possibilités, n’était peut-être pas se renier pour autant. Ni trahir sa première aimée pour autant. Ce n’était pas parce qu’il s’autorisait à laisser battre son coeur pour d’autres qu’il la renierait.

« Je ne trouve pas de plaisir sans les sentiments, dussé-je vous paraître bien fleur bleue à ces mots. »

Voilà en tout cas un de leurs points communs, eut-il envie de répondre. Mais aucun mot ne lui vint et il se contenta de serrer doucement la main qui le tenait. Et frissonna quand il sentit des lèvres douces effleurer ses doigts.

Pas de regrets. Cela était si facile à dire. Mais il était homme à se remettre continuellement en question. Et donc homme prompt aux regrets. Même si ceux-ci ne l’avaient jamais empêché d’avancer pour autant. Son esprit voguait alors sur la longue liste qu’il avait érigée depuis ces si longues années, quand brusquement une onde le foudroya d’un bien-être serein. Il se détendit sans l’ombre d’un scrupule, se laissant couler contre les coussins qui le retenaient et se permit de fermer les yeux pour mieux… apprécier.

Oui, après tout, il avait bien le droit de savourer ce petit instant de paix. Il se retint à grande peine de gémir quand l’onde revint et qu'elle chassa toute douleur l’espace d’un court instant. Il aurait voulu figer ces infimes grains du temps à tout jamais dans leur sablier, pour que cette sérénité dure une éternité, mais il se contenta de soupirer de bien être en imprimant cet instant dans son esprit. Là, tout au fond de lui. Dans ce petit puits de trésor qu’il s’était constitué et dans lequel il puisait dans les moments les plus âpres et les plus difficiles.

« Je crois même que malgré votre promesse, nous n'êtes pas indifférent au monde qui vous entoure, je me trompe ? Regardez autour de vous et osez me dire que vous n'aimez personne et que personne ne vous aime. »

À ces mots, Ilhan rouvrit les yeux, qui pétillèrent alors d’une lueur plus apaisée, qu’il ne chercha pas même à cacher. Il laissa même un léger sourire fleurir sur ses lèvres pâles. Il garda silence cependant, peu sûr encore de quoi répondre sans qu'un mensonge ne lui vienne naturellement. Heureusement l'homme lui offrait une autre diversion, lui laissant gagner un peu de temps.

Il suivit du regard le geste de Naal lui indiquant le bassin d’eau et hésita un instant. Se dénuder complètement devant lui… plonger dans cette eau, totalement mis à nu… Puis il songea que l’almaréen le verrait sans doute dans un bien pire état lors de sa chirurgie. Cette simple pensée le décida alors. À gestes lents, il retira ses pieds, presque à regret, de ses mains d’or qui l’avaient apaisé, puis s’appuya contre le dossier de son assise et se leva.

Il s’approcha du bassin, s’y accroupit et passa une main hésitante dans l’eau. De douces senteurs effleurèrent ses sens et il ferma les yeux pour s’en imprégner. Roses et magnolia. Ses préférées. L’eau était douce et tiède, ni trop brûlante ni trop froide, telle qu’il l’aimait. À croire qu’on avait su lire en lui comme dans un livre ouvert. Ou peut-être Maitre Kehlvelan s’était-il rappelé ses goûts en cette matière. Comme en beaucoup d’autres, assurément. Ilhan se redressa doucement et, jeta un rapide regard par-dessus son épaule, comme pour s’assurer que personne d’autre n’était là… ou que l’autre homme ne le dévisageait pas. Ou pas trop. Une fois les battements de son coeur un peu rassérénés, il se décida et défit son bas, laissant choir sur le sol les larges pans évasés du tissu sombre. Puis, à gestes lents, manquant de peu de chavirer, il rentra dans le bassin. Et ferma les yeux quand tout son corps s’y glissa. L’eau chatouillait sa peau et la caressait presque en un toucher doux et timide, tout autant qu’intime.

Vous avez sans doute raison, répondit-il enfin d’une voix basse, presque en un murmure à peine audible.

Pudeur parlait pour lui et l’empêchait de proférer cette vérité par trop gênante plus fort. Cela aurait été lui donner bien trop de résonance encore.

J’ai aimé. Plus que je me l’étais promis. Pas forcément tel un amant, mais au moins tel un père, un parrain, et… peut-être un ami aussi. Mon coeur ne voulait pas s’ouvrir, mais d’autres l’ont ouvert malgré moi. Ou peut-être… peut-être n’attendais-je que de les entendre toquer pour ouvrir. Je ne sais trop, à vrai dire. C’est… tout est si confus.

Il rouvrit les yeux et sonda Naal de ses orbes sombres transperçants, comme voulant lire en lui.

Les émotions, je veux dire. Je pense pouvoir me targuer d’être un érudit. Et pourtant plus j’apprenais, plus je comprenais que je n’avais rien appris. Plus je pensais savoir et plus je prenais conscience de ne rien savoir. Et les émotions sont pour moi un gouffre d'ignorance pire encore, un gouffre que je ne connais en rien. Un gouffre qui me fait peur.

Il s’humecta les lèvres, indécis, puis finalement se lança. Au point où il en était. L’homme en face n’avait pas semblé le juger jusque-là après tout…

Dans le milieu dans lequel j’ai vécu, du moins la dernière moitié de ma vie, montrer ses émotions, ses sentiments, revenait à se planter soi-même un poignard en plein coeur. C’était donné des armes à vos adversaires et détracteurs. D’autant plus… en considérant ce que j’ai fait.

Sous-entendues, ses diverses trahisons. Il préféra taire cette vérité, songeant que Naal en savait suffisamment sur lui pour entendre entre les mots et les non-dits.

J’ai fait des choix oui. J’en regrette certains, mais vous avez raison, les regrets ne mènent à rien. On ne refait pas le monde, ni une vie, avec des "et si". J’ai toujours assumé mes actes et leurs conséquences, et il serait… regrettable…

Il sourit à son propre petit jeu de mots, une lueur taquine refaisant surface dans ses orbes de jais pour la première fois depuis son arrivée.

qu’à l’aube de ma possible fin, je les renie.

Il laissa un léger soupir s’échapper, puis, d’un geste lent, hésitant, invita Naal à le rejoindre.  

Toujours est-il que... les émotions me sont une grande inconnue. Et m’ont presque fait plus peur que la mort ne pourrait le faire. C’en est sans doute risible…

Son sourire se teinta d’un rictus d’excuse.

J’aurais aimé… savoir les laisser parfois s’exprimer. Comme vous l’avez fait juste à l’instant, quand vous parliez de l’amour de votre Dieu. Les émotions semblaient soudain… vous transcender. J’aurais aimé… savoir faire de même. J’aurais aimé… savoir m’y laisser aller. Ressentir, pleinement, sans peur aucune. Aimer, pleinement, sans plus de retenue. J’aurais aimé…

Et se disant, il approcha une main presque tremblante vers le visage de Naal. Mais, toujours pudique, il n’osa le toucher, et se contenta alors de laisser son doigt redessiner dans l’air les traits de l’almaréen, puis de suivre les contours envoutants de ses tatouages.

J’aurais aimé..., répéta-t-il, la voix presque ailleurs, ses accents résonnant dans le vide.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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    Le silence était une réponse, à sa manière. Le dévot rendit à son patient un fin sourire d’une douceur amicale. Ils n’avaient, au final pas besoin de mots. Il sentait l’apaisement dans les orbes sombres, la complicité muette sublimée alors que Naal l’invitait à prendre son bain. C’était une diversion comme une autre, une échappatoire et pourtant, malgré le bien-être que procuraient ses mains aux pieds de l’althaïen, celui-ci préféra les retirer de ses soins. Assis sur l’extrémité du sofa, il le suivit du regard approcher de l’eau. Il veillait, tel un médecin et ami, à ce qu’Ilhan ne vienne vaciller et se blesser. Ce ne fut heureusement pas le cas. Et de dos, Ilhan était aussi très bel homme. L’âge ne faisait que complimenter ce corps racé à la peau d’ambre. Il réfreina la pulsion de son inclinaison, lui qui, dans sa misogynie, préférait bien plus les hommes que les femmes. Il leur trouvait une esthétique remarquable, pleine de force sauvage et même dans la virilité de leur contours, ils avaient cette délicatesse précieuse et cette beauté qui plaisait tant au fanatique.

    Son sourire, muet, restait marqué de cette même tendresse patiente alors qu’il l’écoutait se confier. Il y avait dans ses mots toute l’humilité d’un homme qui regardait sa vie avec justesse, y percevant les réussites comme les échecs. Il était aisé de reprocher à autrui les instants les plus sombres de son existence mais Ilhan ne tombait dans ce fâcheux travers, avouant sans conteste qu’il attendait qu’on vienne à lui alors qu’il aurait eu des occasions de venir aux autres. Pourquoi ne l’avait-il fait alors ? Par principe. Naal ne saurait l’en blâmer car il agissait souvent par des principes ancrés. Les prières étaient devenues une habitude qu’il ne remettait jamais en cause. Pas plus qu’il ne remettait en cause qu’il faille respirer pour vivre. La note d’humour le fit sourire et Naal s’approcha du bain lorsqu’il y fut invité.

    L’almaréen trouvait que les ambarhùniens étaient des êtres qui avaient souvent à cacher leurs émotions sous un paraître castrateur de relations humaines. Il avait trouvé cela déplaisant, dès le début, mais il avait eu pitié de ces pauvres hères : ils n’avaient pu être touché par le message de Néant comme eux l’avaient été en Almara. Ilhan n’était pas le seul, hélas, mais le dévot ne perdait pas l’espoir de faire ouvrir les yeux à ces peuples aux émotions trop souvent bafouées étouffées et placées en tabou. L’Oracle mira cette main qui se tentait timidement vers lui et s’assit sur le bord du bassin, rendant son visage plus accessible. Il ferma les yeux, cherchant le contact de sa caresse et de sa curiosité à l’égard de ses tatouages. Naal en avait toujours été fier : marque de sa dévotion, ils étaient source de fascination. Il prit sa main dans la sienne et y pressa doucement sa joue. Il n’ouvrit ses mires céruléennes que quelques secondes plus tard, cherchant à le capter jusqu’à l’âme.

    « Mon amour pour Néant est millénaire. » Sa voix tremblait un peu, mais il ne se dérobait : « J’aurais bien du mal à ne pas être transporté lorsque parle de lui. Je l’aimais bien avant cette vie. Dans la précédente déjà... » Il eut un sourire tendre autant que triste à ses mots alors qu’il glissait la main d’Ilhan de sa joue à son cou, longeant sa peau avec délice. « Voyez ceci... » fit-il au sujet de la torque qui était un son cou et dont le métal était tiède contre sa peau. « Je l’ai forgé, dans ma précédente incarnation. J’ai été le premier homme à croire en Néant. Il m’a confié ce qu’il était, sa force, sa pitié. Et je lui ai offert ceci en gage de mon affection. » Il y avait mis tant et tant de cœur. Il s’en souvenait encore si bien. « Il s’en est souvenu, car il m’a guidé vers lui, dans cette vie, pour que je guide en son nom le peuple d’Almara. Il me l’a rendu lorsque... » L’émotion avait serré sa gorge sur l’instant, avant qu’il ne poursuive : « Lorsqu’il m’a rappelé à lui. Les Dieux ne peuvent pas mourir, même au plus faible de leur état, et il n’avait plus la force que donne le cœur pour se tuer comme les déesses l’ont fait. »

    La conclusion était sibylline mais il ne doutait pas qu’Ilhan ait assez d’esprit pour savoir ce qui s’était passé à ce moment là. Il eut un sourire triste et ses yeux vides se reposèrent sur l’instant présent, quittant les souvenirs houleux. « C’est une très longue histoire : Néant était tout, pour moi. Sa mort ne l’efface pas de mon esprit, jamais, pas plus que toutes les Reines que j’ai aimées, pas plus que tous les amours que j’ai adulés. Je fais la part des choses, vous voyez ? » Il fronça les sourcils, cherchant dans le regard d’Ilhan s’il saisissait. Il y avait d’un côté son amour intense et immortel et de l’autre toutes les émotions auxquelles il s’était dévoué pour vivre ces millénaires d’existence avec ferveur. Qu’il était possible de scinder les deux. Il acquiesça d’un signe de tête, songeur : « Oui, je crois que vous voyez. » Il n’était pas trop tard pour ouvrir les yeux.

    L’almaréen tendit une main pour une chaste caresse sur cette joue mangée de barbe. Il y eut un instant de flottement où, le regard dans le vide, Naal sembla peser le pour et le contre de ce qu’il s’apprêtait à faire. Il le darda de ses mires aux teintes célestes, quelques secondes avant de se pencher doucement plus en avant, vers lui, s’appuyant sur le bord du bassin pour le pas tomber. Le baiser n’avait ni fougue ni violence. Il n’était que tendresse et affection, comme le dévot lui avait exprimé un peu plus tôt. Ses lèvres étaient lentes mais assurées. Il ne voulait ni le brusquer ni le faire reculer et la langueur devenait sensuelle, messager authentique du feu sentimental qui brûlait en lui. Intemporel, il resta plusieurs minutes à lui transmettre son attachement. Les yeux clos, il se laissait emporter dans cet échange bien trop chaste pour être qualifié d’ardeur.

    Lorsqu’on toqua à la porte, il recula de quelques centimètres, peiné de devoir cesser. Dans un même temps, il jaugea de qui cela pouvait bien être avant de se redresser. « Entrez. » La probabilité qu’Ilhan devienne aussi rouge qu’une tomate ? Très grande mais s’il avait refusé l’accès à cette pièce, l’on se serait plus encore imaginé des choses, sur ce qu’ils auraient bien pu faire. Il mira les traits d’Eleni apparaître à la porte, les lèvres encore rosies par leur long baiser. Le maître chanteur était loin d’être stupide : « Si vous dérangiez, je ne vous aurais pas fait entrer. » rétorqua-t-il avant que Kehlvehan ne cède à l’envie de faire demi-tour : « Vous devriez fermer la porte avant qu’Ilhan prenne froid. » continua-t-il, comme pour ne laisser aucune issue à son Frère. Naal avait beau manquer de charisme, il avait indubitablement la fermeté affirmée d’un roi. Et le caractère joueur d’un enfant. Il fallait dire que depuis que Kehlvehan avait toqué à la porte, le jeu avait germé dans son esprit.

    Le monarque tendit une main vers son Frère pour l’inviter à approcher. « Eleni, voulez-vous bien laver les cheveux Ilhan, je vous prie ? » demanda-t-il pour rapprocher ces deux hommes qui s’étaient trop murés, dans leur vie, derrière un masque d’impassibilité : « Ilhan m’expliquait que son éducation l’avait cloisonné dans un monde d’émotions refoulées, plein de bien séance et d’instants où il laissait fuir l’élan de son cœur plutôt que de l’accepter. Je crois que c’est, pour vous les Ambarhùniens, une marque de grandeur et de noblesse. » Il posa sur l’elfe un regard profond, alors qu’il remontait délicatement ses manches blanches. « Il me rappelle vous, ne trouvez-vous pas ? » C’était joueur, mais il se plaisait à le taquiner. Il lui adressa un clin d’œil bon enfant, à cet effet. Il prenait un gant et un savon, puis qu’il saisit délicatement un pied de l’althaien pour le nettoyer jusqu’au dessus du genou. Loin de s’arrêter en si bon chemin, Naal ajouta : « Vous avais-je dit que c’était l’inquiétude d’Ilhan à votre égard qui m’a poussé à être plus direct avec vous, lors de votre rencontre ? Lorsque je lui ai dépeint votre situation, il m’a demandé de prendre soin de vous, sans manquer de souligner qu’il n’avait pas eu, lui-même, l’audace de briser la glace. »

    Il mettait les deux pieds dans le plat… Et volontairement en plus, venant souligner son méfait d’un sourire plaisantin. Ses mires retombèrent dans les orbes sombres de l'althaïen : « Je ne me fais que le porte parole de votre cœur, Ilhan. Ne m'en voulez pas : je vous apporte mon aide. » Il raillait parce que plaisanter était une une façon de détendre l’atmosphère entre ces deux hommes. Naal non plus n'était pas dupe, maintenant qu'il pouvait faire deux plus deux.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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Il était plus que temps qu’il visite son ancien élève, non par peur que Naal ne sache point s’en occuper, mais simplement pour Ilhan lui-même. A son arrivée, la gravité de sa situation était déjà évidente, la fragilité de sa survie déjà apparente, et il n’en avait été que plus contrit de ne rien pouvoir faire pour lui venir en aide. Hélas, l’instabilité de leurs pouvoirs comme de la magie tendait à rendre les pratiques de guérison plus dangereuses, à tel point qu’il n’y avait aucune certitude que le remède appliqué ne vienne pas à bout de l’Althaïen avant même ce qu’il portait en lui. S’en remettant à l’Oracle, il n’émettait pourtant guère d’espoirs. Tout ce qui était encore en son pouvoir, comme en celui des proches du diplomate, était de faire de ses derniers jours un moment aussi confortable et agréable que possible. C’était aussi à cet usage qu’il s’était jusque là retenu d’aller le voir. Il n’avait aucune envie d’assombrir ses horizons plus encore qu’ils ne l’était. Mais comme il était impossible d’être certain d’une hypothèse avant de la voir vérifiée et qu’il désirait tout de même au moins échanger quelques mots avec l’Althaïen, il avait fait le déplacement, estimant qu’avoir son frère au même endroit permettrait, dans le plus catastrophique des cas de détendre les différents partis et de noyer le poisson.

Toquant à la porte de bois, il patienta puis poussa le battant d’une main gantée d’un fin tissu au vert piqueté d’incarnat. Voyant apparaître Naal en premier, il l’observa avec son habituelle intensité et fut troublé de constater la couleur soutenue de ses pulpes. Sans doute aurait-il eut une réaction bien différente quelques mois plus tôt mais connaissant les moeurs de son frère, il se fendit de plus de gêne pour Ilhan s’il venait d’interrompre quoi que ce soit. Décochant à Naal une expression mitigée et expectative, il s’apprêtait à offrir de revenir plus tard lorsque le prêtre se prononça. “Certes” Cela se tenait aisément. Mais ce que cela impliquait, cependant, le rendait un soupçon méfiant, par simple habitude. Et il restait gêné de briser ainsi ce qui devait être un moment intime entre les deux hommes. La surprise n’en était pas moins réel à l’égard des inclinaisons de son ancien pupille. Ainsi, Ilhan était plus attiré par la gente masculine ? Il ne l’aurait jamais cru du prude et romantique jeune homme qu’il avait tutoré pendant des années. De l’époux en deuil et du père éploré. Non certes, à aucun moment et ce même en ayant rien à faire de la sexualité de ses disciples ! Il ferma la porte sans trop savoir ce qu’il allait bien pouvoir faire en étant coincé entre eux.

Cependant, il semblait bien qu’il ne puisse se rengorger d’aucune capacité de jugement en cette journée, comprenant trop tard que Naal n’avait pas l’intention de le laisser de côté. Cette fois-ci, le regard qu’il décocha à l’humain fut réellement suspicieux. Qu’est-ce qu’il avait en tête, exactement ? Lui laver les cheveux ? Il arqua un sourcil, dans un silence expectatif. “Le débat reste entier je suppose…” Il n’avait lui-même jamais proné le contrôle des émotions comme une forme de grandeur, mais d’autres l’avait certainement fait, il n’avait guère de mal à l’imaginer. Quant à savoir si c’était vrai, le débat était effectivement ouvert. Lui se sentait beaucoup mieux à tenter tant bien que mal de s’ouvrir, selon les voies almaréennes. Il comprenait, certes, qu’il ne faille pas suivre tous les élans du coeur, certains pouvant être destructeurs, mais Naal lui avait assez montré que l’approche positive de cette dualité permettait davantage de s’épanouir que la vision pessimiste qu’il en avait autrefois. Et il commençait lentement à voir où il voulait en venir. Il lui ressemblait ? Sans doute, ils étaient tous deux de même moeurs et il avait éduqué Ilhan après tout, ce qui renforçait certainement la ressemblance. Mais quelque chose lui disait qu’on ne faisait pas juste un appel à ses bons sentiments.

... Non, vous ne me l’aviez jamais dit” Il en était surpris, une fois de plus. Sans en concevoir la moindre rancoeur, il lui avait semblé que son disciple était avant tout focalisé sur ses objectifs et n’avait guère de place pour les autres dans son cheminement, en mettant de côté, bien entendu, son incapacité propre, comme elfe et personne, à exprimer ses besoins et souffrances. En combinant ces deux éléments, il était donc difficile de croire qu’Ilhan ait pu nourrir de l’inquiétude et des intentions à l’égard de sa santé. Il glissa enfin un regard vers l’Althaïen, n’ayant jusque là pas voulu l’embarrasser. Puis, son regard coula de nouveau, en coin, vers Naal, se faisant sensiblement plus amusé et un peu moins méfiant. “Il ne le voyait pas de la même façon que vous je pense” Il doutait sincèrement qu’Ilhan ait poussé Naal à prendre soin de lui entre les draps. Surtout au vu de sa carnation actuelle. Un doute s’insinua néanmoins. Après tout on venait de le surprendre deux fois de rang au sujet des intentions de son ancien pupille. Il coula un nouveau regard vers l’Althaïen. Se pourrait-il que son frère ne cherche pas juste à le taquiner par son choix verbal ? Il en était de plus en plus certain, Naal avait l’air beaucoup trop content de lui-même pour que ce ne soit qu’une plaisanterie.

Par acquis de conscience, il s’ouvrit aux vibrations de son être et rougit cette fois de constater que, non, cela n’avait de plaisanterie que le nom. Coi, il ne su trop où se mettre en l’instant, ni que faire. Ni que dire d’ailleurs. N’ayant jamais rien attendu d’Ilhan, ni rétribution, ni affection, il se trouvait bien en peine de respecter ce qu’il semblait nourrir à son égard. Un moment passa, long et sans nul doute douloureux de gêne pour au moins deux personnes. Puis, sur une tocade, comme il semblait être devenu la norme ces derniers temps chez lui, il céda à la stratégie de bonne humeur de Naal. “Je vais finir par croire que si vous lui tenez si bien le pied c’est pour l’empêcher de se noyer et échapper à la gêne” Il éleva une main et dissimula le bas de son visage un instant, les doigts fins et délicats occultant son sourire avant qu’il ne décide de lui faire confiance, au moins pour ne pas partir en courant. Décider de ce qu’il pouvait faire d’Ilhan et de ces révélations était cependant moins aisé car bien qu’il découvrit un nouveau monde grâce à son frère, il restait un novice manquant cruellement de confiance et de laisser aller. Il vint prendre une broche à sa ceinture et ramassa ses longues tresses ensemble, les tenants en place grâce au bijoux qu’il fit tinter contre les ornements glissés dans les mèches blanches.

Voyons cela” Il se pencha en étendant le bras, prit un flacon d’huile et une coupe en forme de coquillage, versa d’abord de l’eau sur la chevelure bouclée puis vint lentement oindre les mèches sombres d’huile parfumée. Il massa avec lenteur, fermeté mais en faisant attention à ne pas lui faire de mal. Après un instant, il se pencha légèrement et venant lui masser la nuque “N’oubliez pas de respirer” Il serait dommage que l’humain meurt d’asphyxie plutôt que de cause naturelle. Il n’était pas bien sûr de savoir exactement comment aborder la chose, à part en lui demandant de ne pas en mourir. Sans nul doute était-il gêné et surpris, mais s’il avait réellement nourrit quelque tendresse à son égard, il ne comptait pas lui tenir rancoeur ou l’en torturer. Quand bien même tout cela était effectivement gênant c’était positif également, ce n’était pas malfaisant, ou mauvais. “Merci, de votre attention



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Le soudain contact de sa main sur cette joue, cette peau, le fit presque sursauter. Pour autant, Ilhan ne la retira pas et la laisser guider par l’autre. Sur cette joue lisse, sur ce cou fin, sur ce bijou enfin… Une torque en métal sombre, d’apparence simple. Pourtant sous ses doigts, il sentait des entrelacs bien plus complexes qu’ils en avaient l’air, des torsades fines et délicates, qui semblaient danser sous ses doigts tout en lui contant une histoire. Une histoire que la voix de Naal lui conta également, même si succinctement. Des mots brefs, courts, mais des mots forts et empreints d’émotion. Un court instant l’althaïen douta comprendre ce que l’almaréen lui révélait. Néant ne s’était pas tué lui-même… et aurait donc demandé à un autre de le faire ? Son regard de jais coula sur le bijou sombre puis revint sur le visage empreint d’intenses émotions de Naal, et compréhension se fit. Il l’avait tué. Néant lui avait demandé de lui donner la mort, à lui son plus ancien et fidèle serviteur, et par amour pour son Dieu, ce dernier l’avait fait. Cet ultime sacrifice. Cette ultime dévotion.

Soudain ému par cette confession à demi mots, et par la peine qui coulait presque à flots de ces yeux clairs, Ilhan appuya doucement sa main sur la peau nue et remonta en une tendre caresse vers la joue glabre.

La part des choses. Perdre un amour dans la mort et aimer ensuite n’était pas forcément trahir ce premier amour. S’il voyait ? Oui, en partie, même si cette notion lui était encore confuse et qu’il était hésitant à l’embrasser totalement. Mais oui, il voyait. Et quand une main vint soudain caresser sa barbe, il sursauta sans retenue, mais ne se déroba toujours pas. Même si sa propre main avait quitté le visage de l’autre, peu confiant en ses soudains tremblements. Puis l’autre se pencha, toujours plus avant, plus encore et bientôt mangea toute distance entre eux. Si Ilhan se figea, il parvint à ne pas reculer. Et au doux contact de ces lèvres il ferma les yeux, décidant de se laisser aller à cet étrange et déroutant moment. Juste goûter cette saveur nouvelle, de tendresse charnelle et pourtant pure et sensuelle. Si au début tout son corps s’était raidi à ce contact, bientôt il se laissa alanguir et se surprit même à répondre chastement. Tout en pudeur et timidité.

Un bruit à la porte le fit vivement reculer toutefois. Et il écarquilla les yeux quand Naal autorisa l’intrus à entrer. Aussitôt, il se plongea jusqu’au cou dans l’eau, une main distraite venant caresser ses lèvres, comme y cherchant la preuve de ce qui venait de se passer. Sans trop savoir de quoi il s’agissait au juste d’ailleurs. Le visage de Maitre Kehlvelan le rassura rapidement, tout en le mortifiant. Ils venaient d’être surpris en un moment plutôt gênant. Et si l’on comptait les capacités particulières de son maitre et sa perspicacité légendaire, nul doute que le baptistrel comprendrait ce qu’il venait de couper. À cette simple pensée, Ilhan sentit une vive rougeur chauffer ses joues et devina faire concurrence aux écailles du dragon de l’ire.

Il fut bien incapable de bafouiller le moindre mot, la moindre politesse pour saluer son ancien maitre, et se contenta d’un long hochement de tête humble et respectueux, vers l’elfe.

Lui laver les cheveux ? Mais à quoi jouait donc l’almaréen soudain ? Quel était tout ce cirque ? Il s’apprêtait à rétorquer, mais la suite des propos de Naal le coupèrent en plein élan et le laissèrent mortifié. N’eut-il pas eu un semblant de maitrise, qu’il n’aurait su garder un tant soit peu de contenance et se serait caché le visage entre les mains. Au lieu de cela, il se contenta de pincer légèrement les lèvres et de se renfouir dans l’eau, aussi profondément qu’il le pouvait. Son aide ? Mais bien sûr. Il jouait, oui, et semblait bien s’amuser !

Étrangement toutefois, loin d’en vouloir à l’autre homme ou de s’en sentir blessé ou vexé, il se sentait plus gêné qu’autre chose. Et chaque mot, chaque phrase, de Naal ou de son maitre, faisait naitre une insidieuse chaleur en lui qu’il peinait de plus en plus à contenir. Qui s’accrut d’autant plus quand Kehlvelan ancra son regard sur lui, après les révélations de Naal sur ses possibles inquiétudes. Et ses possibles sentiments envers son ancien maitre. Oui, Ilhan avait nourri une grande admiration envers cet elfe qui l’avait pris sous son aile, parfois de bien douloureuse façon. Cet elfe qui l’avait fait grandir, qui l’avait extirpé de la fange de sa mélancolie et de ses apitoiements égoïstes. Cet elfe qui, oui, il ne pouvait le nier, l’avait attiré autant spirituellement que  sensuellement. L’althaïen s’était toujours cru un farouche adepte des femmes en cette matière. Mais maintenant qu’il y repensait en toute honnêteté, alors que les portes de la Mort s’ouvraient sur lui, il constatait que, même si son inclination naturelle préférait hautement la gent féminine d’une manière générale, il était surtout sensible au raffinement et à la beauté d’une âme. Naal, Kelhvelan, avaient cette beauté-là, ce raffinement, qui faisaient chavirer toute cette conviction éhontée. Et à cette simple pensée, il sentit une onde l’irradier et son traitre corps réagir. Il ne put que tenter de cacher cette honteuse réaction du mieux qu’il pouvait en tentant de la noyer sous l’eau qui le baignait.

Nayan aurait pu être de ces êtres-là également, le faire vibrer de même, pour tout avouer, constata-t-il soudain au fond de lui-même, presque dépité. Mais ce nom suffit à en faire voleter un autre dans son esprit et calma aussitôt toute ardeur de son corps souillé. Il dut alors se focaliser sur l’instant présent pour chasser ses bien sombres souvenirs, qui risquaient de gâcher toute la beauté de l’instant. Même si la gêne le marquait au fer rouge également. Heureusement la voix de Kehlvelan s’élevant dans l’air le sortit de ses songes.

Et cette fois le fit totalement plonger la tête sous l’eau, tant il se sentait mortifié. Des bulles remontèrent à la surface, avant qu’il n’émerge de nouveau lui-même, crachotant ses poumons, tout en rabattant ses cheveux en arrière. Il parvint à réfréner toute nouvelle envie de fuir, quand Kehlvelan approcha, et il se força à l’immobilisme.  Il se figea au toucher, se raidit, et sentit son souffle se contracter.

“N’oubliez pas de respirer”

Le rouge lui monta de nouveau au visage et il renifla piteusement. Il avait oublié combien il était difficile, impossible même, de cacher quoique ce soit à son ancien maitre. Puis finalement les mains de Kehlvelan eurent raison de lui, et il se sentit tout doucement se détendre. Entre ce massage cranial et le massage de pied de Naal, il se sentait sur un petit nuage, et son corps se détendait comme rarement il l’avait fait. Même quand il était en parfaite santé, songea-t-il, étonné lui-même de ce constat. Eut-il été un Graärh qu’il en aurait ronronné de plaisir. Et le plaisir se manifesta, encore une fois, tout autrement. D’une manière bien humaine et bien virile. Le faisant renifler une fois encore, dépité de ne pouvoir contrôler ce corps.

“Merci, de votre attention”

Ilhan fronça soudain les sourcils, alors que l’incompréhension l’envahissait. À qui parlait donc Kehlvelan ? Doucement, Ilhan tourna la tête vers son maitre. À lui ? Il lui parlait de son attention à lui ? Mais… laquelle donc ? Cette fois étonné, et clairement décontenancé, choisissant de laisser son visage exprimer son désarroi, Ilhan se dégagea doucement, à gestes lents, des deux emprises, et se retourna de façon à avoir les deux hommes en visuel.

J’avoue ne pas comprendre, Maitre Kehlvelan. Mon attention ? Notre relation n’a été qu’égoïsme à sens unique, me concernant. Une relation de Maitre à élève. Je prenais, mais ne donnais rien. Quand bien même j’aurais aimé donner alors, je m’en suis senti… incapable. Retenu également par des considérations, des principes… que Naal…

Son regard se tourna vers l’almaréen, avec une lueur de remerciement muet brillant dans son regard sombre.

m’a fait comprendre être sans doute erronés. Telle une fuite en avant, pour échapper à ce que je ne savais gérer, comprendre, accepter. Des principes qui ont conduit toute ma vie, mais qui n’étaient sans doute que mensonges, et ce à moi-même avant toute chose.

Il soupira, puis prit la main de Kehlvelan dans la sienne.

J’aurais aimé vous donner et vous dire ce que je ressentais pour vous réellement, cette tendre affection qui allait au-delà de l’attachement d’un élève à son maitre. L’affection… peut-être pas d’un fils à son père, pas réellement… une affection toute en admiration et en…

Attirance raffinée, susurra une voix en lui. Il rougit de plus belle, incapable de prononcer le mot.

Je crois que vous savez, murmura-t-il en un chuchotis à peine audible. Non, ne me remerciez pas. C’est moi qui devrais vous remercier. Vous.

Doucement, hésitant, il déposa un baiser au creux de la main de Kehlvelan. Ce simple geste eut le don de raviver sa vigueur corporelle, mais il décida d’en chasser toute pensée. Au lieu de cela, il se tourna vers Naal et lui prit également la main, lui déposa un même baiser, presque chaste et pudique, mais tout aussi tendre et affectueux, au creux de sa paume.

Et vous aussi.

Puis sur son poignet, là, juste sur cette courbe de tatouage qui l’intriguait tant depuis tout ce temps qu’il l’avait vue.

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    Ah oui ? Ilhan ne l'avait pas vu de la même façon que lui ; lorsque l'althaïen lui avait demandé de prendre soin du Gardien ? Tiens donc. L'almaréen eut un sourire en coin, loin de regretter sa manière de faire. Il ne savait pas, à ce moment-là, à quel point Kehlvehan s'était enfoncé au fond du trou, année après année et pour être tout à fait honnête, les efforts s'étaient montrés nécessaires. Quant à la façon dont cela s'était fini ? Naal avait ses propres penchants. La physionomie et ce qui émanait, émotionnellement, de celui qu'il avait baptisé Eleni, avaient suffi à convaincre son cœur de s'emporter. « Croyez-vous ? » plaisanta-t-il, bien qu'à moitié sérieux. En vérité, c'était d'avantage une supposition et les rougeurs du Gardien eurent tôt fait de confirmer ce que Naal supposait. L'oracle ne pouvait sonder aussi bien l'âme d'autrui que le baptistrel, mais il savait lire sur les traits de Kehlvehan pour se douter assez bien de ce que celui-ci avait découvert. Ainsi donc l'apprenti en pinçait bel et bien pour son maître ? Vraiment ?

    Quant à Ilhan, comme Eleni, il découvrait de nouvelles teintes de rouge, de plus en plus éclatantes. Il coula sur lui un regard affectueux et amusé, terminant de lui nettoyer les jambes. Il en vint à laver son torse et ses bras, réclamant à celui qui s'était un peu trop enfoncé dans l'eau par gêne, d'en sortir. Le chantepluie, lui, accepta de s'occuper des cheveux de l'althaïen... Qui n'avait pas pipé mot depuis l'arrivée de l'elfe. Pire, il s'enfonça entièrement sous l'eau. Naal écarquilla les yeux, levant ses mains pleines de savon. Il porta son regard sur Kehlvehan : « Hm... J'y ai peut-être été un peu fort... » Sans blague. Il allait falloir qu'il tente une autre approche, car visiblement le franc parlé n'était spontané. Et il fallait surtout que son patient ne se noie pas sous l'eau ! Fort heureusement, Ilhan revint à la surface. Kehlvehan huila ses boucles soyeuses et Naal, prenant soin de laver le ventre d'Ilhan, ne put que discerner les contours de l'état dans lequel celui-ci se trouvait. De toutes évidences, il appréciait grandement d'être ainsi approché.

    L'Oracle tâcha de ne rien montrer, bien que l'envie de pouffer de rire fut grande. Ilhan semblait bien assez dans l'embarras, autant que Kehlvehan s'en trouvait gêné. L'ancien roi ne désirait pas pousser les choses, au risque que cela passe pour de l'irrespect. Ilhan ne resta néanmoins pas en place et Naal se redressa, les mains humides. L'eau gouttait de ses doigts lors qu'il vint prendre la main de son frère, curieux de ce qui se passait dans la tête de son althaïen préféré. Celui-ci ne tarda, heureusement, pas à s'exprimer, dans une déclaration touchante et distinguée, pleine du charisme que Naal lui connaissait. Le baise-main pour Kehlvehan lui fit mordre sa lèvre inférieure. Néant était le créateur des émotions. Les voir ainsi naître entre Ilhan et Eleni lui faisait chaud au cœur. L'émotion à fleur de peau le poussait presque à verser une larme et s'il ne pleura pas réellement, ses yeux et son nez avaient légèrement rougi. Il ne s'était pas attendu à être gracié du même baise-main.

    Le frison remonta dans son dos, au contact à peine effleuré de ses lèvres, au creux de sa paume, puis de son poignet. « Venez. » Sa main s'enroula autour de sa semblable pour la saisir affectueusement, mais fermement, et tira progressivement l'althaïen jusqu'à une position debout. Par égard pour lui, l'almaréen enroula une serviette autour des hanches cuivrées puis vint en passer une seconde sur ses épaules, pour qu'il sèche et ne prenne pas froid. Il étendit une serviette au sol et l'invita à quitter le bain. Il en passa encore une autre, cette fois, sur sa tête. Il vint délicatement sécher ses cheveux et son visage. Croisant son regard, il chercha quoi lui dire, mais il n'était pas un homme qui savait faire de beaux et longs discours, alors il finit par le prendre dans ses bras et l'étreindre affectueusement, logeant son nez dans son cou encore humide, quelques secondes. Il savourait sa proximité et le serrait contre lui, veillant à ne pas le blesser. Sa poigne voulait lui faire entendre combien il tenait à lui, à défaut de mots.

    Il ouvrit les yeux, le regard se levant sur Eleni, et lui tendit une main sans relâcher son étreinte.

descriptionUn cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite] EmptyRe: Un cas désespéré ? [PV Naal + Kehlvelan ensuite]

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Oui, son attention. Celle de s’inquiéter et de se remettre en question, celle nourrie en silence, jamais évoquée mais certes, existante. Son repentir était aussi touchant qu’inutile à ses yeux à lui, mais s’il était nécessaire au coeur de l’Althaïen, alors il n’en soufflerait mot. L’acceptation, quoique logiquement naturelle pour l’ordre, l’était en pratique moins que l’on ne pensait et Naal lui avait prouvé qu’il avait encore beaucoup à apprendre en cela. Le discours tenu par l’humain se suffisait à lui-même. Cela avait existé voilà longtemps et son silence ne le lui ôtait pas. Alors ce fut sans sentence qu’il lui octroya sa main mais d’une caresse discrète et chaste avant qu’ils ne se tournent de concert vers l’oracle. Naal était plus au fait de ce qui se passait qu’eux ne pouvaient s’en vanter en l’instant et par bonheur, il n’abandonnait personne à une gaucherie qui aurait sans doute eut raison de toute velléité de l’expression de leur affection réciproque. Un instant, il observa les deux mortels s’enlacer avant d’accepter la main tendue. A la décharge de Naal, aucun mot n’était nécessaire, parfois, et ils devaient plus gênant que toute autre chose même s’il n’aurait nullement répugné à une approche toute de versets poétiques et d’échanges sur la pudeur des sentiments. Sans guère y songer, l’elfe ferma à double tours sur ce qu’ils avaient l’intention d’échanger, n’ayant aucune envie qu’un trouble-fête vienne briser ce qui n’était rien moins que le plus fragile des cristaux à ses yeux, éphémère comme une phalène aux ailes nocturnes.

Le lendemain devait être d’importance, la journée qui la précédait était donc le réceptacle de ce qui s’épanchait entre eux trois dans le confort de l’isolation. Mais le lendemain, tandis qu’ils préparaient l’Althaïen pour l’opération, Kehlvehan se prenait à penser que de tels aveux au crépuscule d’une existence relevait sans doute d’une perte irrémédiable et d’un soulagement. D’une perte pour la préciosité jamais exprimé en de si nombreuses années, et un soulagement d’offrir quelque chose d’aussi doux à un être sur le départ. Au moins n’aurait-il point ce regret-là lorsqu’il traverserait la porte de Mort. Bien vite, cependant, il ne fut plus question de languir sur ces considérations mais bien davantage de s’assurer de l’état de l’humain. Assistant Naal auprès d’Ilhan, Kehlvehan s’assura qu’il était parfaitement installé et surtout sécurisé. Restreindre ses mouvements était nécessaire car il ne serait pas inconscient pendant l’ouvrage. Les liens, néanmoins, étaient de cordes elfiques douces, pour ne pas le blesser. On avait également préparé des désinfectants pour les outils, de l’eau pure, des fils protégés ainsi que tout ce que l’almaréen eût pu demander pour l’occasion. Enfin, avant le début de l’opération, l’elfe entonna le chant de Néant qu’il plaça dans le diamant de pureté à son cou, Varda, et noua la mélodie au corps de l’Althaïen afin que celui-ci ne ressente plus la douleur lorsque l’opération débuterait. Il atténua également son goût, simplement par prévention, car certains patients pouvaient avoir des ressentis prompte à provoquer l’angoisse lors d’un traitement.

Il prit quelques instants pour s’assurer, en touchant la peau cuivrée, de la délimitation de cette absence de sensations, localisée à ce que Naal toucherait. Perdre ainsi un sens pouvait causer autant sinon plus d’émois que les réactions physiologiques naturelles. Lorsqu’il eut confirmation que tout était tel qu’il devait l’être, il recula sensiblement. “Je pourrais moduler l’absence de sensations au cours de l’opération, si vous vous sentez inconfortable ou si quoi que ce soit venait à vous venir. Vous ne devez pas hésitez à me le dire, comprenez-vous ?” Il serra légèrement sa main et lui décocha un regard aiguë avant de se fendre de l'ombre d'un sourire. "N'attendez pas autant que vous l'avez fait pour me confier votre affection, nous en serions tous terriblement désolés" Sa poigne se fit sensiblement plus ferme, plus présente. "S'il vous plaît..."

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Ilhan se laissa faire quand Naal le sortit du bain. Il se sentit gauche et tout chose, tant et si bien qu’il ne sut comment réagir. Il ne réagit donc pas et resta marionnette dans ces mains. Leurs regards se croisèrent, et, s’il ressentit un instant d’appréhension, aussitôt il s’envola quand il croisa les lagons clairs de l’almaréen. Dans ses bras, il se retrouva bien vite. Un léger instant se raidit, mais bien vite se détendit quand il sentit les gestes tendres, doux, affectueux. Une douce onde de chaleur l’enveloppa alors, chassant tout frisson qui aurait pu le happer. Dans cette étreinte, nulle affliction, nul avilissement, seule tendresse et affection. Il se sentait aimé, chéri, et son coeur pleura une douce litanie. Il sentait cet étau, qui l’avait comprimé si longtemps, enfin se desserrer, enfin le libérer, et son corps ne se sentait plus ni souillé ni avili. Doucement, hésitant, ses bras vinrent à son tour enserrer l’autre corps contre lui.

Et quand " Eleni " vint les rejoindre, l’onde se fit plus pulsante et plus douce à la fois. D’un bras, il vint enlacer également ce corps-là, et s’enfouit en leur sein, avec l’étrange désir de ne plus jamais vouloir en sortir. Étrangement dans leur bras, il pleura. La première fois depuis si longtemps. Des pleurs non pas seulement de tristesse, mais également de libération et de mélancolique joie. Et il bénit la patience de ses deux acolytes qui durent subir toutes ses hésitations, ses peurs, ses irraisons, ses "non, oui, je ne sais pas", ou ses "je veux voir vos visages", et autres incohérences qui lui échappèrent.


Une chose était sûre toutefois. Jamais il n’oublierait ces instants-là. Des instants que son coeur chérissait, et chérirait encore, même au-delà de la mort, l’espérait-il. Certes, il lui restait peut-être peu de temps, mais au moins pourrait-il garder en son âme des instants de paix, de sérénité, de pure félicité, comme rarement il en avait connu. Pas même avec sa défunte femme bien-aimée.

Et s’il fut nerveux, quand Kehlvelan et Naal le préparèrent, son coeur était encore à ce qui s’était échangé la veille. Son regard se faisait d’ailleurs encore rêveur, bien loin de l’instant présent qu’il avait pourtant si bien appris à chérir. Il repensait à tout ce qu’ils avaient osé. Avec l’aide de Naal, il devait bien l’avouer. Si l’almaréen n’avait pas été là, jamais ils n’auraient pu emprunter ces sentiers-là. Un lourd soupir lui échappa à cette pensée, alors que son regard se reporta sur Kehlvelan et qu’il revint un tant soit peu au temps présent.

Il se retrouvait sur une table, nu, avec un simple linge recouvrant ce qu'il y avait à cacher, confortablement installé, aussi confortable qu’il se pouvait tout du moins, alors qu’il était attaché. Si se savoir ainsi pieds et poings liés l’avait sur le moment apeuré, il avait bien dû concéder qu’il serait incapable de rester totalement immobile. Même avec la meilleure volonté et la plus grande force morale dont il pourrait être capable, il ne pouvait promettre ne pas avoir un geste inconsidéré, par peur, ou même tout simplement par inattention.

Nul inconfort toutefois dans ses liens, ses membres ne s’engourdissaient pas ni ne souffraient d’une quelconque douleur. Et la présence des deux hommes près de lui le rassurait. Il écouta le chant de Kehlvelan et d’un doux sourire le remercia. Il avait une chance incomparable de pouvoir être opéré dans des conditions optimales : confort, sécurité, pas de douleur, tout avait été pensé. Et même si l’appréhension montait en lui insidieusement instant après instant, il se raccrochait à tous ces éléments pour ne pas suffoquer et maitriser un tant soit peu le vent de panique qui menaçait de le submerger.

Oui il comprenait. Toutefois sur l’instant, Ilhan ne put répondre que d’un hochement de tête à la question de Kehlvelan. Et son sourire, s’il restait teinté d’affection, se fit légèrement plus crispé. Il serra la main qui vint se lover dans la sienne, et la retint. Geste bien infantile, songea-t-il un instant, mais il n’avait pu s’en empêcher.

Je…

Sa voix se fit tremblante et croassante, trahissant son émoi. C’était presque une première de son existence : tout masque était tombé et il était incapable de maitriser les inflexions de sa voix. Il se mordit la lèvre, mortifié, puis, prenant une profonde et lente inspiration pour tenter d’évacuer la tension qui l’envahissait, il reprit, d’une voix moins alarmée, même si ses accents althaïens chantaient pour lui ses émotions contenues.

Je vous le promets, parvint-il enfin à répondre. Merci, chuchota-t-il.

Et son regard alla de Kehlvelan à Naal. Ce merci était destiné autant à l’un qu’à l’autre.

Pour tout. Pour tous ces instants. Pas seulement pour ce que vous vous apprêtez à faire, et à tenter, tous deux, mais…

Il retint les larmes qui menaçaient de monter et refoula la douce mélancolie qui le happait.

Pour hier aussi. Je n’avais pas connu une telle… tendresse pure… depuis…

Il se mordit les lèvres.

Et même si en mon âme je porterai toujours certaines ombres du passé…

Il préféra ne pas préciser lesquelles. Il devinait que Naal et Eleni avaient parfaitement compris ce dont il parlait.

Je les sens avoir… moins d’emprise sur moi. Mon esprit. Mon corps. Je me sens… moins impur. La souillure semble… une ombre du passé.

Son sourire se détendit et se fit plus doux. Il serra de nouveau la main de Kehlvelan, et d’un geste, bien que faible vu que son poignet était lié, invita Naal à prendre l’autre. Il leur aurait bien offert un dernier baise-main même si en toute chasteté pour leur témoigner sa gratitude et son affection.

Quoiqu’il arrive, ces moments des plus doux et des plus purs m’accompagneront. N’ayez aucune crainte, Naal. Et promettez-moi que, quoiqu’il advienne, vous ne vous en tiendrez pas rigueur si quoique ce soit tournait mal. Je ne peux que vous remercier de tenter ce geste. Nous n’avons rien à perdre, et tout à gagner. Gardons cela à l’esprit.

Même si… La peur le tenaillait au fond de lui. Il hésita un instant à leur confier, puis songea qu'en cet instant fatidique, plus rien ne devait, pouvait, être caché entre eux.

Si je vous avouais… que j’ai peur, chuchota-t-il, en un murmure presque inaudible, cela ferait-il de moi un lâche et un couard ? J’ai bravé bien des dangers et pourtant je tremble devant vos outils, tenta-t-il de plaisanter avec un pâle sourire.

Il déglutit et serra les mains des deux hommes. Se gorgeant de leur vue, peut-être pour la dernière fois.

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    La prière était salvatrice, elle lui apportait le réconfort dont il avait besoin au devant de cette opération qu'il s'apprêtait à faire. Il était effrayé, en son for intérieur. Il ne saurait nier que l'attachement vivace d'hier avait le don de le rendre plus fébrile. Il appréhendait probablement plus encore qu'avant. La prière l'avait rendu plus calme. Réveillé bien avant l'aube, il avait salué l'obscurité mourante et les premiers rayons de la clarté. A genoux, dans la terre, sans craindre le froid sur sa peau solide, ni la rosée du matin qui avait perlé sur son corps comme sur la nature. Les mains sur ses genoux, paume levée vers le ciel qu'il implorait, il cherchait la force autant que la sagesse. Il avait prié des heures et pourtant, il gardait cette sensation atroce de ne pas en avoir fait assez. Il se lava... Mais retourna prier, près de Gierūljagon, le Bouclier-Miroir de Néant. Il posa son front contre la surface lisse et mate, d'un noir profond, à genoux devant la targe. Les prières revenaient. Ses tatouages à l'encre sombre de sa foi, sur tout son crâne, donnaient l'impression de sortir du bouclier pour se répandre sur son corps. Il plaça ses mains à plat contre le bouclier. La tentation était grande de savoir, de chercher s'il y avait un chemin où Ilhan était sauvé. Il aurait aimé savoir s'il avait ne serait-ce qu'une chance, une infime possibilité.

    Mais il était pieux et humble. Bien des hommes se seraient perdus en voulant ainsi voir le futur plutôt que de vivre le présent. Il ne pouvait pas éviter la douleur, ou l'anticiper. Ce serait même un blasphème et il n'était pas homme à cracher sur sa foi. Le Néant était tout puissant, il était grandeur et acceptation. Il saurait guider Ilhan s'il venait à s'éteindre. Il lui apporterait la paix. Il se redressa, mais ses mires d'un bleu céruléen ne quittaient pas Gierūljagon. Elles se perdaient dans l'obscurité profonde, irréelle. « Naal ? Tout le monde est prêt. » La voix féminine le sortit de sa léthargie. Elle devait avoir quatorze ans, d’ethnie almaréenne. Elle était déjà en tenue blanche, coton désinfecté dans l'eau bouillante et lui tendait sa propre tenue. Naal l'enfila sans plus attendre avant de rejoindre Kehlvehan et son patient. Ilhan était déjà allongé et sanglé. La pièce avait été nettoyée et désinfectée, les draps tendus autour deux. Les outils, métalliques, avaient plongés dans de l'eau bouillante et disposé sur un linge propre. Il adressa un fin sourire à Ilhan, autant qu'Eleni, venant prendre sa main lorsque l'althaïen le réclama. « Votre avenir, quel qu'il soit, est entre les mains de Dieu. Je m'en remets à Sa volonté. Si je dois vous dire adieu aujourd'hui, alors il en sera ainsi. »

    Il avait l'habitude. Cela n'empêchait pas la peur de lui faire craindre le pire et de souffrir. Mais si c'était ce que son Dieu voulait, alors il ne pourrait pas lutter, tout serviteur qu'il était. « Mais Néant est bon. Par le don qu'il accorde à Eleni, vous ne souffrirez pas. Sa miséricorde a voulu qu'il soit sur votre route aujourd'hui, je le loue pour cette grâce. » Il posa son regard sur ses outils : « Ne tremblez pas devant mes outils. Ils ne sont ni bons ni mauvais. Ce ne sont que des objets et si Dieu le veut, ils vous sauveront la vie. » Il enfila ses gants, délicatement et masqua le bas de son visage d'un linge qu'il nouait à l'arrière de sa tête. Par un mécanisme de miroir astucieux, de confection almaréenne, Naal orientait la lumière extérieure vers la zone à opérer. Il ne fit pas durer plus longtemps le suspens et commença à inciser horizontalement, sous les côtes, à l'aide d'un bistouris. Méticuleux, il ouvrait l'abdomen tandis que sa jeune assistante et apprentie épongeait le sang. Naal lui réclamait ses outils, un par un. Mais plus il les énumérait, et plus Ilhan semblait devenir blanc... Et ce n'était pas qu'à cause du sang perdu. Plongeant ses mains dans les chairs, Naal ne perdait ni temps, ni méthodologie. Mais sous le tissu qui masquait le bas de son visage, il se pinça les lèvres. Comme il l'avait pressenti, le lobe gauche était enflé par la maladie.

    Toutefois, de ce qu'il discernait, il n'était pas le seul à être touché. Le reste de son foie souffrait, ainsi que les organes alentours qu'il pouvait voir. Il s'était arrêté dans ses manipulations, frappé par l'accablement de la constatation. Il n'y avait rien à faire, il le savait maintenant. Ilhan allait mourir. Une part de lui avait envie d'abréger ses souffrances maintenant... Mais il se fit violence. Il retira le lobe gauche du foie, manquant de sectionner une artère, sans savoir si c'était une erreur humaine ou bien la volonté de mettre un terme à son agonie. Son apprentie avait inspiré sèchement lorsqu'elle avait vu le ciseau approcher dangereusement de l'interdit. Mais elle ne fut pas la seule à retenir son souffle quand Naal sentit un flot de magie supérieure se déverser sur lui. Néant le guidait, à nouveau, après ses prières et sa dévotion. Il lui rappelait qu'il devait poursuivre et tenir bon. Qu'il pourrait apaiser l'althaïen sans l'assassiner de la sorte. Il lui offrait la sagesse et la mémoire éternelle. L'almaréen déglutit difficilement, et reprit tout aussitôt. Il aurait le temps, ensuite, de faire le point sur toutes les émotions qui le secouaient entre la peur et la gratitude. Pour l'heure, son patient avait le ventre ouvert.

    Il suturait les plaies internes avec une petite aiguille courbe et une pince, une par une. Plus il avançait et plus ses mains tremblaient de tout ce qu'il contenait. Il n'avait pas l'habitude, lui, de masquer tout cela. Il était authentique dans ses émotions et ça... c'était extrêmement difficile. C'était bien la première fois qu'il opérait avec un patient conscient et non occupé par la douleur terrible. Il pouvait sentir l'attention d'Ilhan et il ne voulait pas l'inquiéter. Pas tant qu'il était sur cette table d'opération. « Rūnarys, montre moi tes mains. » demanda-t-il à son apprentie, en almaréen. Elle s'exécuta, sans comprendre. Bien, elle ne tremblait pas, elle. Un parfait sang froid. « Très bien, tu finis les sutures. » Il ne restait qu'à refermer les derniers points, mais il valait mieux que ce soit elle. Elle l'avait déjà fait et elle avait besoin de pratique pour s'améliorer. Il lui tendit la pince en la retournant en sa faveur. A nouveau, elle s'exécuta, constatant par elle-même combien les doigts de Naal tremblaient bien trop, à présent, pour faire quoi que ce soit. Il supervisa son travail, les mires rivées sur la plaie, jusqu'à ce que Rūnarys ait terminé. Il nettoya la plaie avant de la bander, avec l'aide de son apprentie. Et lorsque ce fut terminé... Il quitta l'endroit sans plus de cérémonie.

    Ilhan avait perdu trop de sang pour être suffisamment conscient. Il fallait qu'il se repose et Naal avait des nerfs à apaiser. Son apprentie se chargerait très bien des instruments à nettoyer. Naal quitta ses vêtements et se lava les mains pour se défaire de tout ce sang. Il enfila ses habituels vêtements et put enfin se poser, souffler et fermer les yeux. Il prit la prière pour refuge, longuement. Il aurait voulu une autre fin, mais il n'avait pas ce pouvoir-là. La fatalité marquait les traits de son visage. Tout ce qu'il pouvait faire, à présent, c'était rendre sa mort moins douloureuse.

    Plus tard, il revint de lui-même au chevet d'Ilhan. Il semblait avoir repris quelques couleurs, son althaïen, c'était une bonne chose... Quand on savait la fin qu'il aurait à affronter maintenant. Il était en vie, c'était déjà cela. On ne lui avait fait part d'aucune complication. L'opération ne lui avait pas été fatale. Il vint s'asseoir doucement sur le bord du lit, prenant sa main, la mine triste. Son sourire était triste et tendre, effacé. « Comment vous sentez-vous ? » Il serrait sa main, tâchant de parler avec le détachement d'un médecin, mais son cœur était sensiblement lourd. « L'opération s'est bien passée en elle-même. Mais je crains que nous n'ayons trop attendu. Il y a des nodules dans tout le foie, mais également sur vos autres organes. Du moins pour ceux que j'ai pu voir. J'ai retiré le lobe gauche de votre foie qui semblait bien trop corrompu. Mais cela ne suffira pas. » Il prit une lente inspiration : « Je ne crois pas que vous tiendrez plus de deux semaines. »

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Oui, il était gracié de la douleur, et cela était déjà un don énorme dont il pouvait remercier Maitre Kehlvelan, ou Eleni, ainsi que les Huit. Nul doute. Ilhan fut toutefois touché et troublé tout à la fois face à la foi inébranlable dont l’almaréen témoignait en cet instant. Devait-il cette chance, ce don, à Néant ? À ce tout puissant en qui Naal dévouait toute sa vie ? Si Ilhan avait intégré ce Dieu dans ses prières, il peinait encore à lui accorder l’entièreté des faveurs qui leur étaient accordées par le destin. Il n’en remercia pas moins Naal d’un sourire à ses paroles réconfortantes qui apportèrent une douce chaleur en son coeur alors effréné. Des paroles qui eurent le don au moins de calmer son tambour battant et de le rendre plus serein, malgré la sourde appréhension.

Une appréhension qui revient cependant en flèche quand il entendit le nom des instruments demandés un à un. Scalpel… Écarteur… Des noms qui lui semblaient soudain bien âpres et bien dangereux.

Il aurait été sans doute plus sage de rentrer en transe lui-même et de ne pas prêter attention à ce qui l’entourait. Mais il était comme subjugué par Naal, en sa tenue de chirurgien. Son regard sombre était alors incapable de s’en détacher et il suivait le moindre de ses gestes, observait la moindre de ses mimiques… et ne manqua pas son hésitation quand Naal observa ce qui devait être l’intérieur de son abdomen. L’imagination galopante de l’althaïen grimpa en flèche et il dut faire appel à tous ses mantras apaisants pour tenter de ne pas paniquer. Était-il condamné ? Était-ce si catastrophique que cela ? Était-il…

Mille questions s’agitèrent, qu’aussitôt il stoppa. Ces questions n’avaient pas lieu d’être. Dès qu’il avait accepté, dès que Naal le lui avait proposé, il savait les risques, et le peu de chance. Il savait dès le début de cette opération qu’il était plus mort que vivant. Alors pourquoi donc se focaliser sur ces questions futiles et inutiles ? Mieux valait qu’il les chasse au loin, que son esprit regagne des sentiers plus sereins. Il ne servirait à rien, qu’il perde tout contrôle et se mette à geindre comme un vieillard paniqué. Il fit appel alors à toute la force qu’il avait en lui pour apaiser le flot de ses pensées, et revenir sur des rivages plus cléments. Et alors qu’il sentait tout doucement une étrange paix intérieure l’envelopper, en même temps que l'acceptation pleine et entière de ce qui l'attendait s'installait, il sentit également une magie puissante se poser sur l’almaréen.

La magie des Esprits-Liés, comprit-il aussi. La baleine avait choisi Naal pour lui offrir ses dons en cet instant crucial, lui souffla son ornithorynque. Le spectacle en était sublime et magnifique, tout en étant sans doute tragique pour que l’Esprit-Lié se manifeste en cet instant précis. Mais loin d’alarmer de nouveau l’althaïen, cela le fit sourire. Et une hilarité inattendue le gagna, même si elle fut contenue autant que faire se peut, et que son rire ne fut rien de plus qu’un léger ricanement tout juste audible. Sans doute aussi parce que ses maigres forces physiques l’abandonnaient lentement, peu à peu, et que l’inconscience lui tendait ses bras salvateurs tout en douceur. Il ne perdit pas son sourire pour autant quand sa vue se troubla. Pas même quand tout ne devint plus qu'obscurité et que les voix se firent lointaines.

***

Un peu plus tard il reprit connaissance. Une douce voix était à ses côtés et une main lui caressait les cheveux. Qui était-ce ? Il n’en avait aucune idée. Il se sentait faible, épuisé. Et pour autant paix l’enveloppait toujours de son chaud manteau d’été. Il perdit de nouveau connaissance et ne revint totalement à lui que bien plus tard. Et bien vite Naal arriva à son chevet. Il sut, à la mine sombre de l’almaréen, que son pronostic n’était pas bon. Mais en fait, il n’avait nul besoin de mots, il l’avait déjà compris lors de l’opération. Naal était de ces hommes aux émotions vives et authentiques, qu’il ne cachait guère, le plus souvent du moins. Une capacité qu’il enviait à l’homme, même si cette dernière aurait été des plus dangereuses dans sa position à lui.

Il se laissa faire quand Naal lui prit la main, et la lui caressa même d’un lent mouvement du pouce.

Faible. Épuisé. Et pourtant ce n’est pas moi qui aie oeuvré tout ce temps… Je ne sais si j’aurais la force de me lever, confessa-t-il, sa gêne clairement perceptible dans sa voix.

Il hocha la tête quand Naal lui avoua ce qu’il avait déjà deviné.

Je m’en doutais, fit-il d’une voix douce. A votre hésitation lors de l'opération… et surtout lorsque l’Esprit-Lié de la baleine s’est posé sur vous.

À ce souvenir, un sourire amusé revint fleurir sur ses lèvres exsangues.

Votre lien est béni par l’ornithorynque, fit-il, taquin.

Puis son sourire se teinta d’une légère mélancolie, sans pour autant perdre de sa douceur.

Deux semaines. Soit. J’aimerais pouvoir revenir auprès de ma Reine… De Tryghild. J’aurais aimé… lui dire quelques dernières choses avant de partir. Si cela est possible.

Puis, il leva doucement la main de Naal qui le tenait toujours et la porta doucement à ses lèvres pour y déposer un délicat baiser.

C’est déjà beaucoup. Vous avez fait tout ce qu’il était possible de faire, et je ne pourrais jamais vous remercier pour cela. Considérez que… vous savez qui…

Il parlait de ses araignées. Et Naal était sans doute suffisamment intelligent pour comprendre.

Pourront toujours vous aider si un jour vous en avez besoin. Ne les écrasez pas, elles pourraient être utiles, ajouta-t-il avec un clin d’oeil. Au moins j’augmente votre nombre de réussites opératoires, n’est-il pas ? À défaut de monter votre nombre de réussites totales.

Là encore son sourire se targuait d’un rictus gentiment moqueur. Il préférait prendre tout cela sous l’ombre de l’humour plutôt que de s’apitoyer sur son sort. Si dans sa vie, il avait connu des épreuves, il devait avouer avoir eu aussi beaucoup de chance. Dont à l’heure actuelle la chance d’avoir rencontré le chemin de Naal et d’Eleni.

Avec vous, j’ai beaucoup appris. Même en si peu de temps. Je vous emporterai en mon coeur, vous et Eleni, et j’espère que ma gratitude vous enveloppera d’un doux manteau protecteur. Que tous deux vous puissiez vivre en harmonie et en paix, que vous puissiez construire, même dans ce monde parfois à l’agonie.

De nouveau, il déposa un baiser, cette fois au creux de la paume de l’autre homme, lui accordant un sourire serein et chaleureux.

Je ne sais où est Maitre Kehlvelan… Eleni… mais si je ne peux le voir, j’espère que vous lui transmettrez…

Tout mon amour ? Ma tendresse ? Il ne savait pas lui-même comment définir encore tous ces sentiments étranges qui l’enserraient en présence de ces deux êtres.

Toute mon affection ?

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Pourquoi ne pas le faire vous-même, tant que vous êtes encore auprès de nous

Il était arrivé discrètement, sans s’annoncer, et observa l’humain en haussa un sourcil. Étant advenu un peu plus tôt, il s’était contenté d’écouter sans intervenir, ne voyant pas d’intérêt à faire connaître sa présence. Peut-être était-ce aussi qu’il n’était pas doué dans des moments pareils. Réconforter les mourants n’avait jamais été son fort, pas plus que les familles de victime ou de malades. Ce n’était pas quelque chose de naturel et il n’avait aucun mot pour aider à son départ, et au vu de la tendresse entre ces deux-là ? Leur permettre de rester un peu seul ne faisait pas de mal. Pourtant, à la mention de son nom, il s’était avancé, sachant déjà la réponse de Naal à ce sujet, amusé, en soit, qu’elle soit la même que la sienne. Au-delà de cela, cependant… il ne savait pas quoi lui dire, ou quoi faire qui puisse être adéquat dans un moment pareil. Tous ceux qu’il avait perdu étaient partis dans les guerres, il n’y avait pas eut le temps de pleurer décemment ou d’apprendre à alléger la peine. Avait-il jamais perdu un patient auparavant ?

Voulez-vous… Voulez-vous pouvoir vous relever ?

D’entre les plis innombrables de ses longues manches, il produisit un petit flacon de cristal soufflé, semblant remplit d’un liquide presque invisible tant il était clair et discret. Il l’a tendit à l’Althaïen.

Je suis allé la chercher dans la fontaine. Elle devrait pouvoir pour revivifier et vous rendre quelques forces

Sans doute pas de quoi lui permettre de gambader mais au moins de sortir de ce lit s’il le désirait. Qu’il puisse passer le temps qu’il lui restait comme un être conscient et non comme un agonisant, cloué sur son oreiller.

J’ai envoyé un message à votre Intendante. Désirez-vous rester au sein du Domaine ?

Rentrer à Délimar serait certainement très compliqué, mais si réellement Ilhan en avait besoin, alors il ferait certainement le voyage avec lui afin de pouvoir veiller sur lui avec Naal. Il pouvait comprendre le besoin de retourner en un lieu que l’on appelait sa maison. Tant n’avaient pas eut ce luxe, morts en terres étrangères, que s’il était possible de l’offrir au moins à une personne, cela avait déjà une infinie valeur. Son regard glissa sur Naal, un bref instant, et comme souvent lorsqu’il se trouvait avec son frère, il trouva enfin l’aspiration derrière ses doutes et ses barrières. S’avançant, il vint poser une main sur l’épaule de l’althaïen, puis chassa une mèche de son front.

Vous souvenez-vous de vos cours d’orgue ? Voudriez-vous jouer avec moi, une fois un peu plus reposé ?

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À la voix chantante de son ancien maître, Ilhan manqua sursauter. Son coeur fit un bond dans sa poitrine si fort qu’il crut un instant qu’il allait s’en échapper et s’envoler avant même de cesser de battre. L’althaïen se sentit soudain confus, embarrassé et manqua rougir encore sous le regard des deux autres hommes. Surtout devant ce haussement de sourcil qui en disait long.

Il fut incapable sur l’instant de répondre. De répéter à son destinataire les mots qu’il avait confiés à Naal. Ses lèvres se pincèrent de gêne alors qu’il luttait pour ne pas baisser les yeux et s’emmitoufler dans ses draps pour ne plus en ressortir. Heureusement, Kehlvelan ne fit pas durer sa torture plus longuement et lui proposa de se lever. D’un simple hochement de tête, encore peu confiant dans sa voix, l’althaïen acquiesça.

Oh oui, il voulait voir encore un peu le monde, profiter de la chaleur du soleil sur sa peau, savourer la caresse d’une douce brise sur son visage, entendre les oiseaux pépier de joie et les notes lointaines des chants baptistraux… Il voulait entendre le murmure de l’eau encore une dernière fois, savourer l’odeur humide et fraiche montant de la terre, effleurer la peau satinée des feuilles et le rugueux bois des arbres sous ses doigts… Tant et tant de choses.

D’un geste de tête, il remercia le Baptistrel de son présent, en admira le précieux liquide limpide et l’avala finalement à petites gorgées. Il aurait été incapable d’en décrire la saveur. Mais il en sentit bien rapidement les bienfaits et un léger regain de force enivra son corps affaibli.

“J’ai envoyé un message à votre Intendante. Désirez-vous rester au sein du Domaine ?”

Enfin, à cette évocation, Ilhan retrouva ses esprits et sa voix et se sentit apte à répondre :

Rester au Domaine serait tentant. Cette idée m’a bien souvent titillé l’esprit d’ailleurs…

Un autre petit aveu qu’il pouvait enfin concéder à son ancien maître.

J’ai souvent rêvé de venir vivre au Domaine, d’apprendre, de cultiver le savoir et la sérénité, d’abandonner tout le reste… Je me suis demandé souvent également si j’aurais pu être Baptistrel et quel élément m’aurait choisi. Mais tous ces rêves étaient vains. Je n’aurais jamais pu devenir Baptistrel, je pense. Le secret, les ombres, sont une grande part de moi, depuis tout temps. Je n’aurais jamais été digne de votre serment…

Ou cela lui aurait beaucoup coûté. Mais il était assez sûr, que, même s’il avait pu suivre les enseignements du Domaine et devenir lui-même Baptistrel, un jour ou l’autre il aurait rompu son serment. Ainsi était-il fait.

La question de son élément le titillait toujours, mais… Il n’était pas bien sûr de vouloir savoir non plus. Il ne voulait rien regretter.

Rester avec vous en ce lieu serait un plaisir et un grand honneur, fit-il.

Il enlaça la main qui s’était posée sur son épaule, l’attrapa doucement et lui déposa un chaste baiser.

Je tiens à vous. Je tenais à vous dire… à défaut d’avoir su vous montrer plus tôt… toute mon affection, Maître Kehlvelan.

Puis, il relâcha doucement cette main qu’il aurait bien voulu garder emprisonnée, tout comme il aurait bien gardé celle de Naal aussi, pour les enlacer avec les siennes à tout jamais.

Laborieusement, il tenta de se redresser. Doucement, à gestes lents. L’eau faisait son œuvre et donnait à son corps assez de force, même s’il lui fallait rester précautionneux, pour tenter de se lever. Il repoussa les draps, et parvint à passer les jambes hors du lit pour se mettre en position assise.

Mais j’aimerais revoir une dernière fois ma Reine. Mon Intendante. Tryghild doit être encore au camp principal des Graärh sur Néthéril. Le voyage sera peut-être difficile…

Mais il se devait de le faire. Il devait la voir, au moins une dernière fois.

Quant aux cours d’orgue…

Oui, il sautait du Graärh au pirate. Il préférait se focaliser sur l’instant présent et sur les petites joies du moment. Un fin sourire ourla ses lèvres pâles aux souvenirs de ces fameux cours.

Oh oui, je m’en souviens. Cela serait un plaisir d’en rejouer, même si je dois vous prévenir que je n’ai plus touché un orgue depuis longtemps. J’ai songé à m’en faire construire un à Delimar… mais le temps et l’argent manquant…

Il balaya cette pensée d’un geste nonchalant. D’une main, il s’appuya lourdement sur le montant du lit, et sentit rapidement quatre bras le soutenir. Naal et Kehlvelan, chacun de leur côté, le retenait pour le stabiliser. Il leur sourit et s’empressa de venir les enlacer de ses deux bras. À la fois pour s’appuyer contre eux… et pour profiter encore d’un petit moment de tendresse.

Si vous n’avez pas peur que je vous écorche les oreilles, ajouta-t-il d’un sourire taquin, presque en un chuchoti, où est cet orgue ?

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