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descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyFace à l'amnésie [Autone]

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    4 août 1763

    Aujourd'hui était un jour spécial. Cela faisait tout juste un mois que Nahui était née. Son œuf avait éclos pour lui, bien que très difficilement, et si Aldaron avait refusé, au début, cette voix qui parlait dans sa tête, il s'était bien vite habitué à cette délicieuse proximité. Lui qui avait l'esprit si vide de souvenirs, le silence s'en trouvait un obstacle qu'il n'affrontait que parce qu'il était parfaitement bien entouré. La dracène faisait partie de cet présence solide et comme il s'agissait de son premier mois de vie, le vampire allait lui faire un gâteau d'anniversaire avec de la bavette de bœuf. Son travail avait été soigné lorsqu'il avait empilé la viande coupée en petits morceaux, avant d'y planter une bougie de cire blanche. Il vérifia que le tout était parfaitement esthétique et s’apprêta à retourner à l'étage pour réveiller sa dragonne avec sa surprise... Mais il ne s'était pas attendu à de la visite.

    Si bien qu'il se retrouva face à Autone avec son gâteau de viande et sa bougie plantée dedans, entre les mains. Il la jaugea, elle et les pulsations de son cœur. Ses mires verdoyantes se posèrent sur les domestiques qui n'avaient pas l'air plus affolés que cela à la venue de cette dame... Au moins ce n'était donc pas un ennemi. Son cercle protecteur ne l'aurait pas laissée passer, dans le cas contraire. Mais qui cela était ? C'était une très bonne question. « Ivanyr n'est pas ici. » signala-t-il alors, habitué qu'il était que son parangon d'époux reçoive de la visite. La majorité du temps, Aldaron évitait de croiser ces personnes, parce que certaines le connaissaient et lui, il ne se souvenait pas d'eux. Il n'avait pas aimé les regards déçus qu'on lui avait adressés quand il n'avait pas su nommer ceux qu'il avait oublié. Alors, il les esquivait.

    Et puis... Son Lien avec Nahui était encore caché. Tout comme lui. Il ne le montrait au monde car, depuis la bataille des chimères, les dragonniers étaient pointés du doigt et insultés. Coupables qu'ils étaient. Nahui était encore trop jeune pour se défendre, il ne voulait pas prendre de risque en révélant la vérité... Pour le moment. Il fallait avouer que se promener avec une assiette de viande crue et une bougie pouvait intriguer... Il ne se démonta néanmoins pas. « Vous devriez revenir dans la soirée. En général, il rentre pour moi. Pour... » Qu'ils sortent, de nuit, protégés et qu'Aldaron se nourrisse des rêves des habitants sans leur faire le moindre mal. Il haussa les épaules. Ça aussi, c'était secret. Il était le premier Ast. Une bizarrerie auprès des siens. « Se reposer. » Mensonge, du moins en partie. Au moins avait-il achevé sa phrase. Il tourna les talons, allant vers l'escalier.

    Il disparut de sa vue. D'ordinaire les gens partaient. Elle, elle lui laissait une impression étrange de proximité. Il n'aimait pas quand ses souvenirs nébuleux ne lui laissaient que des sensations comme indice. Il avait l'impression qu'elle ne venait pas pour Ivanyr. Alors il avait posé la viande au sol et avait redescendu quelques marches. Il s'assit sur l'une d'elle, où il pouvait la voir. Il la fixa, cherchant dans ses traits le souvenir, mais il se heurtait à ce même blanc stérile. « Au risque de vous décevoir, je ne me souviens pas de vous. » C'était abrupt, mais elle n'était ni la première, ni la dernière à avoir fait partie de sa vie révolue et à montrer le bout de son minois au nouveau-né. Il avait pris des gants, au début et cela n'avait rien changé. Il faisait moins d'efforts à présent. « J'ai juste la sensation de vous connaître et... » Il hésita, perplexe.

    « Votre cœur... Ce battement. Je me souviens, il y a quelques mois. » Il passa une mèche blonde derrière son oreille, pensif. Devait-il aller plus loin ? « Vous aviez mis Ivanyr en colère. » Il se souvenait de l'avoir du remonter dans sa chambre. Ils n'avaient pas parlé mais son époux l'avait pris dans ses bras, crispé. Aldaron était bien trop perdu, à ce moment, pour avoir osé demander pourquoi. Mais aujourd'hui, peut-être qu'il le pouvait. « Comment vous appelez-vous ? » fit-il en main tendue, mal à l'aise sans trop le montrer, si ce n'était ses régulières hésitations.

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Combien de fois avait-elle franchi ces portes, certaine de ce qu’elle voulait, en colère ou décidée. Elle n’était pas venue depuis l’incident avec Ivanyr et les mots de l’ancien résonnaient dans son esprit. Elle s’infiltrait dans ses plans, le critiquait et lui nuisait. Autone songea que la politique l’avait enlaidi, sa relation avec Aldaron aurait été bien plus harmonieuse si elle n’eût été sa conseillère. À présent, il ne restait plus rien du Aldaron qu’elle avait connu, elle appréhendait déjà de ne pas savoir comment lui parler. Et puis, ce serait difficile de revoir Ivanyr, il faudrait essayer de lui parler ou alors essayer de l’éviter pour demander à voir Aldaron. Ce serait étrange et elle ne savait toujours pas ce qu’elle pouvait bien lui dire. Le rossignol craignait que s’excuser ne soit pas suffisant.
Les domestiques la laissèrent entrer, elle demanda à voir Aldaron, un peu surprise de ne pas tomber sur Ivanyr. Les domestiques n’eurent pas le temps d’aller consulter le nouveau-né qu’il arriva, une assiette de viande en main, trônée d’une chandelle…Comme s’il s’agissait d’un gâteau d’anniversaire? S’était-il procuré un chien? Une légère nausée la prit à la vision de la viande, mais elle resta de marbre.

La petite dame releva la tête et fixa le nouveau-né pendant un instant, elle ne répondit pas, tout de suite. Elle nota l’information sur Ivanyr, se disant qu’elle pourrait peut-être revenir, plus tard. Et sans qu’elle ne puisse réagir, Aldaron partit, avant de revenir sans la viande, au grand bonheur d’Autone.

« Au risque de vous décevoir, je ne me souviens pas de vous. »

« Je sais. »
Fit-elle, un pâle sourire aux lèvres. L’imbrisée était calme, elle savait déjà que cela allait se passer. Une note d’espoir battit en son cœur lorsqu’il mentionna avoir l’impression de la connaître. Peut-être au moins était-elle restée quelque part en sa mémoire? Les sons, les sensations, les émotions survivaient parfois à l’amnésie. Peut-être, alors, que tout ne s’était pas effrité. La déception la frappa lorsqu’il parla d’Ivanyr. Autone baissa la tête, embarrassée, une boule de honte s’amassait dans le bas de son ventre. Elle avait toujours dit qu’elle n’était une bonne mère, que personne ne lui avait appris à être une mère. Son seul modèle avait été une pauvre excuse.
« Oui, j’ai été bête. » La petite dame releva la tête lorsqu’il lui demanda son nom. Sa mine triste se transforma en sourire, un peu mélancolique d’abord, puis juste sincère. Devait-elle lui dire qu’elle avait été témoin à son mariage? Qu’il l’avait empêché de s’abandonner, qu’elle était sa conseillère, son employée et son amie? Elle ne savait pas ce qu’Ivanyr avait décidé de lui révéler et elle voulait le respecter. La petite dame serra la main, avec une poigne qui n’avait rien de puissante. « Autone. Nous avions l’habitude de nous tutoyer, en privé. Et de s’appeler par nos prénoms. Mais si c’est trop étrange ou trop tôt, je me fais aussi appeler dame Falkire. » Ce serait définitivement étrange pour elle, s’il l’appelait dame Falkire. Autone songea qu’elle n’était plus habituée de se présenter elle-même, encore moins à quelqu’un qu’elle connaissait aussi bien.

« Je ne suis pas venue voir Ivanyr. Je suis venue te voir. Aurais-tu un moment, pour discuter? Pouvons-nous nous asseoir? C’est dommage, j’imagine que profiter d’une tasse de thé serait plutôt unilatéral. »


Ils se dirigèrent vers le salon, Autone s’assied en premier. Elle se sentait étrangement sereine, ne pouvait pas l’expliquer. « Je peux te révéler qui tu était pour moi, si c’est ce que tu veux. Mais si tu ne désire pas parler du passé, je le respecte. » De toutes manières, il se souviendrait, éventuellement. Mais elle ne voulait pas lui dire, pas comme ça. Chaque chose en son temps, Ilhan lui avait demandé d’être délicate. Il fallait bien peu la connaître. Feu Dracos savait qu’Autone se rangeait toujours sur un extrême ou un autre. La petite veuve souriait toujours calmement, elle était venue pour porter un message, mais elle prendrait son temps. Aldaron était là, il n’avait pas disparu.

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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    Elle savait. Voilà qui simplifiait les choses et lui évitait de passer du temps à devoir recadrer les choses. Il état un vampire, il avait forcément oublié, mais plus d'un étaient prêts à espérer qu'il ait gardé spécialement un souvenir d'une personne. Il ne s'était pas souvenu d'Ivanyr, son inséparable, alors tous les autres ? Aldaron était soulagé et il fut intriguée lorsqu'elle vint reconnaître avoir été bête. Peut-être était-il faible, mais il pardonnait plus facilement à ceux qui  reconnaissaient leurs tords qu'à ceux qui cherchaient à argumenter leur position. Et il avait à faire à beaucoup de ces gens-là. Ainsi la petite rousse était différente et c'était cette singularité qui le poussa à approcher la jeune femme.

    Il entendait son cœur battre. Il n'avait pas d'attrirance pour le sang, mais il devait avouer que la proximité de cette vivante caressait, en lui, ses instincts prédateurs. Douce torture que cela. Une chance que son esprit soit assez prompt à garder la bonne maîtrise de lui-même. Il se demandait quels étaient ses rêves à elle ? Ses ambitions ? Autone donc. « Ce sera Autone, alors. » confirma-t-il, loin de vouloir la brusquer dans ses habitudes. D'autres installaient leur proximité avec leurs gros sabots. Aldaron se montrait plus disposé à accepter cette proximité si elle ne lui était pas imposée. N'était-ce là le principe même du consentement ? Cette femme était respectueuse, du moins envers lui, et il aurait été stupide de ne pas apprécier ce trait et lui rendre un peu de ce qu'elle lui offrait. Il lui importait peu de tutoyer ou de vouvoyer une personne alors... La concession ne lui coûtait rien... mais pour l'humaine, cela devait représenter quelque chose.

    Il ouvrit un bras, vers le salon en une silencieuse invitation lorsqu'elle demanda à discuter. Le thé fut servi bien qu'elle soit la seule à en profiter. Aldaron n'en humait que les arômes qui émanaient de la tasse de son invitée. Cela lui suffisait bien assez. Il s'était assis sur un sofa, à ses côtés, mirant son profil alors qu'elle buvait une gorgée. Il tâcha de ne pas être subjugué par sa gorge palpitante. La conversation aurait été écourtée et il était curieux. « Tu étais ma Conseillère. J'ai lu ton nom dans les registres de la ville. » Voilà ce qu'il savait d'elle, et cela se résumait à peau de chagrin. Il n'avait que d'informations que ce qu'il apprenait par les ouvrages et de ses hommes, disait-on le Marché Noir. Il savait que son époux était sa Lame Blanche et qu'il devait coordonner ce qu'il pouvait le temps qu'Aldaron apprenne et reprenne place.

    « L'on m'a dit aussi que tu faisais partie de mes secrets. » Il parlait du Marché Noir. Il avait beaucoup de secrets, mais c'était de celui-ci dont il était question. « Les gens qui font partie de mes secrets m'étaient proches, j'en conclue que tu l'étais... Mais cela s'arrête là. » Il pencha la tête sur le côté, pensif : « M'étais-tu dévouée ? » Comme ceux de ses secrets. « L'es-tu toujours ? » Ou le fait qu'il soit un vampire avait-il changé la donne ? « Et pour quelle raison ? » Comment s'étaient-ils liés ? Une part de lui savait déjà, de ce qu'il sentait, qu'il avait du aimer ce qui émanait de cette femme, même s'il ne savait encore trop quoi. « Est-ce que toi, tu souhaites parler du passé ? » demanda-t-il finalement, car il n'y avait pas que lui et sa volonté qui comptait. Il était curieux de son passé mais avait tout autant envie de regarder vers l'avenir. « Est-ce que tu en ressens le besoin ? »

    Il se pencha en avant, appuyant un coude sur son genou : « Et si oui, pourquoi tu en ressens le besoin ? Est-ce que... C'est pour toi une formalité, une base pour l'avenir... Ou est-ce un moyen pour toi de t'accrocher à ce que tu as perdu ? » La question méritait d'être posée en toute honnêteté. « Je suis un vampire, Autone. Cela change beaucoup de choses, tu ne crois pas ? » Bien qu'il soit un vampire très calme, trop calme pour un nouveau-né.

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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Elle sembla surprise et troublée, lorsqu’il énonça ses fonctions, sa tasse de thé se posa légèrement plus bruyamment sur la petite assiette, malgré la délicatesse du geste. Autone haussa les sourcils et resta immobile un moment. Qui lui avait dit? Quelqu’un du marché noir était donc venu le visiter et on ne lui en avait pas parlé? Elle fronça ensuite les sourcils, légèrement en colère. Ivanyr n’avait pas besoin de cela. Pourquoi lui avaient-ils parlés du marché noir alors qu’il apprenait encore à être un nouveau-né?

Proche de lui? Autone sourit légèrement, elle ne le savait pas, vraiment. Enfin, elle avait été témoin à son mariage, mais il y avait toujours une petite voix dans sa tête qui la persuadait que tous ceux qui l’aimaient la détestaient secrètement. Peut-être était-ce la guerre qui lui avait appris à être aussi méfiante. Être chassée par l’homme le plus proche d’elle n’avait pas aidé à sa stabilité mentale, à ce moment. Pourtant elle avait pardonné. C’était Aldaron qui lui avait proposé la vengeance. Savait-il seulement qu’elle utilisait encore Saemon? Ou plutôt, avait-il su?

Aldaron bombarda la petite dame de questions, elle cligna des yeux quelques fois, tentant de penser à une réponse. Devait-elle répondre ce qu’il fallait, pour retrouver son amitié avec lui, ou ce qu’elle pensait réellement? Elle n’avait jamais mis de masque avec lui, pourquoi commencer aujourd’hui?

« Oui. »

Fit-elle après quelques secondes de silence. Cela changeait tout, elle n’allait pas lui mentir, même si cela aurait pu être rassurant de croire que tout restait immuable. « Je ne sais pas exactement à quel point cela change les choses. Je ne sais pas non plus si je peux répondre à toutes tes questions. J’étais dévouée, à ma manière. Mais je n’avais pas peur de te dire ce que je pensais. Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais été qu’une fausse conseillère. Je ne voulais pas cette position juste pour le pouvoir, je voulais réellement te conseiller. Tu as donné du sens à des aspects importants de ma vie. » La petite dame prit la poignée de la tasse entre son pouce et son index, observant le liquide rouge sans l’apporter à ses lèvres, comme si le thé pût la conseiller à ce moment. Par où commencer?

« Le sens glisse entre mes mains. Rien n’est immuable, notre amitié, ma dévotion, mes croyances. Je suis aussi instable que de l’eau sur le feu. Tous les mouvements sont brefs, spontanés, intenses et immédiats. Je ne sais pas si j’ai besoin du passé, mais je crois avoir besoin de toi. Peut-être parce que tu m’as poussé à vivre, maintes fois. La véritable réponse est que je ne sais pas. Si ma dévotion demeure, elle sera impulsive. »


Autone pencha la tête sur le côté, fixant le vide quelques secondes, pensive. Elle finit par rediriger son regard vers celui du nouveau-né et haussa les épaules, candidement. Elle sourit un peu, puis sur un air plus léger, conclut : « Mais là, maintenant, je ressens l’amitié que j’ai pour toi. Aurais-tu voulu entendre autre chose? » fit-elle, un peu espiègle. « Le passé t’intéresses-t-il? Que désires tu pour l’avenir, Aldaron? Le sais-tu? »

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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    Elle était dévouée. Beaucoup de personnes l'avaient été. C'était à la fois étrange et passionnant, ce fanatisme autour du Marché Noir. Autour de lui. Il se demandait, parfois, ce qu'il avait bien pu traverser, avec tous ses gens, pour être aussi proches d'eux. Il était curieux. Toutes ces vies avaient quelque chose de singulier. Tendre la main semblait avoir été une habitude pour l'elfe. Avait-il été heureux ? Lui avait-on rendu ? Il l'espérait, sans en être certain. Il y avait beaucoup de choses que sa mémoire aurait pu lui apporter. Il regrettait l'amnésie. Il aurait voulu qu'il en soit autrement. Ce vide lui faisait peur, n'était-ce pas normal ? Il eut un sourire, amusé, lorsqu'elle affirma n'avoir jamais manqué de dire ce qu'elle pensait. Il appréciait ce trait de caractère franc, cette force que les gens trouvaient pour être honnêtes envers ceux qu'ils aimaient. Au delà de l'amusement, son sourire était la marque de sa reconnaissance. Il admirait sa façon de voir son rôle à ses côtés. Les véritables conseillers étaient trop rares pour qu'on ne puisse les louer.

    Elle n'en finissait, néanmoins, pas de lui plaire. Si l'elfe avait été patient et posé, le vampire était impulsif. Probablement était-ce sa nature sanguine qui parlait à sa place mais il préférait bien mieux la spontanéité versatile que la bienséance trop ordonnée. Il acquiesça d'un signe de tête. Cela lui allait bien que sa dévotion lui vienne de manière impulsive, si elle avait lieu d'être motivée. Au moins, il savait à quoi s'en tenir. Il prit une orange sur le plateau de fruits. Il ne comptait pas la manger mais il aimait l'odeur du fruit et il avait bien besoin de s'occuper les mains. Si l'elfe avait eu ses siècles d’existence pour lui donner de l’aplomb, le vampire était un nouveau-né en plein apprentissage. Il avait besoin encore de ce genre de béquille. Mais il n'en avait pas honte. Il acceptait assez facilement d'avoir beaucoup à apprendre et sa nouvelle nature lui donnait des excuses pour le pardon récurant.

    « Non, je ne voulais rien entendre en particulier, si ce n'était une réponse à mes questions. Beaucoup de personnes me tendent la main soit disant inconditionnellement. Ils m'aident volontiers sans même me connaître, tel que je suis maintenant, et je crois qu'ils sont déçus parce qu'ils n'osent pas m'avouer, pas plus qu'ils ne s'avouent à eux-même, que l'amitié et la dévotion n'ont rien d'automatiques. Ce sont des choses qui se travaillent et se gagnent. Ils ne me sont pas dus. Je suis heureux que tu sois une personne lucide. » Pour briser la morosité de ce qu'il avait énoncé, il plaisanta : « Au moins je n'aurais pas à gérer ta déception, à toi. » Il haussa les épaules et commença à éplucher son orange, plantant l'ongle dans la peau pour écorner la première ébauche depuis laquelle tout viendrait ensuite. « Oui, mon passé m'intéresse. En vérité... L'elfe, que j'étais, avait tout préparé pour... Et bien, pour le cas où je venais à traverser ce que je traverse. De ce fait, il est assez difficile de l'éviter, même si je le voulais, tu vois ? Et puis... Ce n'est pas comme si j'avais été un illustre inconnu. Les choses auraient été différentes si je n'avais pas été Aldaron Elusis. Je pense, en vérité, que je n'ai pas trop le choix. »

    Il haussa les épaules et déposa l'écorce orangée sur le plateau. Il grattait délicatement le mésocarpe blanc qui entourait la loge carpellaire pleine de pulpe. Il savait que les vivants n'aimaient pas le goût amère de cette peau encombrante. L'agrume avait une senteur prononcée et fruitée. « Cela ne me dérange pas, de ne pas avoir le choix. Mais j'aurais préféré ne pas être amnésique. Le travail aurait été moins compliqué. Cela doit faire partie du chemin à parcourir, c'est nécessaire. On m'a dit que j'avais vécu des choses difficiles. Je crois que c'est le genre de chose que tout le monde aimerait oublier. » Il eut un sourire, fugace et triste. « J'ai été dans la prison de Morneflamme et je ne m'en souviens pas. Ça, tu vois, je ne sais pas si je ne préfère pas... Ne pas savoir. On m'a dit que cela avait été horrible et... Le mot 'horrible' me va. Je n'ai pas forcément envie de regarder ce qui se cache derrière. Tu comprends ? » S'il savait qu'Autone avait été aussi à Morneflamme ? Pas du tout. S'il mettait les deux pieds dans le plat ? Absolument. Cela ne serait pas la première fois et c'était ce genre de soucis qui lui donnait envie de connaître ses souvenirs. Pour ne pas commettre de pareils impairs.

    « Quant à ce que j'attends de l'avenir... Je ne sais pas encore trop. Rester aux côtés d'Ivanyr. Renouer avec mes enfants. » Ses liens principaux, ceux qui faisaient battre son cœur d'époux et de père. « Connaître mes amis, aussi. Ça, cela devrait m'occuper sur le court et moyen terme. Ensuite... Je n'en sais rien. Rien de concret. J'ai juste envie de me battre. Pas forcément à l'épée. Plus pour défendre ce en quoi je crois. Ou ce en quoi mes proches croient. Briser ce que je trouve injuste. Forger ce que je trouve juste. En cela j'imagine que mes anciennes activités m'aideront beaucoup. Il faut juste que je reprenne la main progressivement. Je pense que cela viendra en même temps que je redécouvre les gens que j'aimais et que j'aime toujours. Je n'ai pas de projet personnel, en fait. Je suppose que l'elfe que j'étais n'en avais pas non plus et qu'il aimait juste... réaliser les rêves des autres. Les pousser, les aider. Ivanyr a des rêves et j'aimerais être près de lui pour qu'ils se réalisent. »

    Il se mordit la lèvre inférieure alors qu'il séparait l'orange épluchée en deux puis en quatre. Il tendit les quartiers à son invitée : « En veux-tu ? » Puis il ajouta : « Quels sont tes rêves, Autone ? » N'avait-il pas dit vouloir réaliser les rêves des autres ?

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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Elle avait toujours une tasse de thé entre les mains lorsque venaient les moments les plus délicats. Le vampire parlait d’Aldaron Elusis au passé, bien sûr qu’il n’était plus entièrement cette personne. Il y avait une rupture et quelque chose comme une renaissance. Autone était heureuse d’avoir entamé un deuil, c’était un poids de moins sur les épaules d’Aldaron. Jusqu’à maintenant, elle s’était sentie comme si on avait mis Aldaron sur le bucher, maintenant elle comprenait que ce n’était pas vrai. Oui, il y avait un deuil à faire, quelque chose était mort, quelque chose ne reviendrait jamais, malgré tous les préparatifs et même s’il retrouvait sa mémoire. Mais Aldaron ne s’était pas effrité en cendres. Elle ne pouvait mettre le mot dessus, mais elle savait à présent comment orienter son deuil.
Cela ne lui dérangeait pas qu’il parle de morneflamme. Il ne pouvait pas savoir. Et évoquer cette prison n’était pas ce qui la faisait trembler. L’idée de la viande, son odeur, les cauchemars, les réveils toujours sur la défensive, elle avait conservé ces faiblesses. Mais elle pouvait en parler, ou en entendre parler, ce n’était pas un problème. Elle voulut lui répondre non, qu’elle ne voulait pas oublier, que cela ne réglait rien du tout. À la place, elle resta muette, l’observa avec empathie, le laissa continuer. Elle était perplexe, Aldaron qui voulait se battre, cela lui semblait inhabituel. Peut-être n’avait-elle pas suffisamment connu l’elfe. La petite dame sourit en acceptant les quartiers d’orange qu’il lui tendit. Puis sembla intriguée à la dernière question du vampire.

« Mes rêves… » murmura-t-elle presque. Elle eût le souvenir du rêve dans lequel Dawan lui demandait une chose similaire. Qu’est-ce qui faisait battre son cœur? Encore une fois, elle ne savait plus. « Avant morneflamme, je voulais devenir le plus grand mage du monde. Ensuite, j’ai voulu fonder une famille avec Matis. Puis tout a progressivement perdu son sens. Je ne sais plus pourquoi je voulais un enfant. Et je n’ai jamais voulu me marier. » Autone porta sa main à sa nuque, comme embêtée. « En vérité je crois que je ne peux pas encore rêver parce que j’ai besoin de guérir de…tout ça. Enfin, j’ai un projet, mais je ne sais pas si c’est un rêve. Je veux que l’esclavage soit aboli, mais même si je parviens à faire entendre raison aux conseillers de Caladon et je n’ai plus beaucoup d’espoir, il demeurera toujours une forme de trafic. »

Elle soupira. Cette bataille qui n’en finissait pas. Autone avait toujours eu le besoin de se battre, c’était viscéral et plus fort qu’elle. Peut-être choisissait-elle des batailles impossibles à achever pour toujours avoir un combat à mener?

« Aldaron tu as le droit…de choisir de ne pas te souvenir. Mais j’ai appris que la mémoire est superficielle, tout ce qui se cache en dessous reste en toi. Le corps se souvient, il retrace les sensations semblables, les odeurs, les sons. Cela peut devenir une torture, de ressentir l’horreur sans avoir la mémoire pour comprendre. Matis et moi nous sommes rendus compte en parlant de morneflamme que nous avions chacun oublié les moments les plus effrayants. Mais parfois lorsqu’il fait trop chaud ou lorsque la foule est trop grande, ou même certaines odeurs font serrer mon cœur. »

Autone déposa les quartiers d’oranges, baissa les yeux, elle se sentait un peu maladroite. « Désolé je…le but n’étant pas de parler de moi ou de me plaindre. Je veux juste que tu saches. Tu as le droit de ne pas vouloir te souvenir, mais ton esprit trouvera son chemin. Peut-être que mon expérience n’est pas universelle. Mais tu devrais savoir, avant d’avoir à prendre une décision. » La petite dame releva la tête, tenta de maîtriser sa respiration et regarda son ami dans les yeux. « Si tu pouvais choisir de récupérer ta mémoire, le ferait-tu? »

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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    Silencieux, il écoutait ses rêves. Elle voulait devenir un grand mage, jadis. Probablement avait-elle cela en commun avec Ivanyr. Son époux adorait la magie. Il était comme un enfant devant tout ce qu'elle pouvait faire de magnifique. La magie était pour lui une immense source de satisfaction, mais il n'était pas le seul à être attiré par cette flamme. Bien des hères en ce monde avaient contemplé les arcanes en essayant de les décrypter, de les façonner et de les utiliser. Ils aimaient manipuler la trame car cela leur donnait une impression de puissance. Ivanyr s'était senti terriblement démuni, sans magie. L'Ast avait senti sa tristesse. Nombre de personnes voulaient être de grands mages, pour des raisons et motivations très différente. Cela était une sorte d'ambition d'enfant. Un rêve, tel qu'on se voyait adulte un jour. Mais il y avait eu Morneflamme et ceux qui étaient sortis de la prison n'étaient plus des enfants.

    Ils devenaient des adultes et faisaient ce que faisaient tous les adultes : se marier, avoir une maison, des enfants. Un chien, peut-être. Un héritage à transmettre. Mais qu'avaient-ils à transmettre après Morneflamme, si ce n'était la peur et les instant de silence quand on voulait taire le tabou ? Lui savait pourquoi elle avait voulu un enfant. Une part d'elle avait voulu se rattacher à la normalité pour sortir de l'horreur hors du commun qu'elle avait traversé. Reprendre le cours d'une vie, déchirée, comme si rien ne s'était passé. Avancer, tout simplement, ne plus être l'anomalie qui avait été traumatisée. Elle avait voulu être forte, être comme les autres. Sa bataille était louable. Du moins, cela était ce qu'il pensait de tout cela. Il y avait mille et une façon de réagir à un traumatismes. Elle lui donnait l'impression d'être celle qui avait voulu continuer de marcher en avant et de retrouver un monde plus... Normal. Et si la normalité pouvait être biaisée et subjective, il n'en demeurait pas moins vrai qu'elle servait d'accroche à ceux qui avaient connu l'anormal dans sa pire forme.

    Il posa une main glacée sur le poignée d'Autone, effleurant à peine ses vêtements. Il ne savait pas trop s'il pouvait se permettre ce genre de marque de soutien. Il retirait sa main, hésitant. A quel point devait-il être proche ? Ils étaient étrangers sans l'être vraiment. Il avait l'impression de ne pas devoir la toucher. La sensation était étrange. Mais il comprenait ce qu'elle ressentait. Il l'écouta, silencieux, jusqu'à ce qu'elle lui pose cette question. S'il voulait retrouver sa mémoire ? Il s'était si souvent demandé s'il le voulait véritablement, au fond de lui. Ivanyr avait préparé cet instant, captant le chant-nom de l'elfe dans un réceptacle vibratoire. Une pierre à son cou qui avait été perdue, il ne savait où. Ses souvenirs avaient disparu. Le seul moyen qu'il avait de les retrouver était d'écouter ses instincts. « Le corps se souvient, oui. Depuis que je me suis réveillé, je me fie à lui. Cela est peut-être normale, dans la nature des vampire, que de suivre ses instincts... Pour ma part, je leur ai fait confiance, dès le début. Je me suis laissé porter. »

    Il porta ses mires verdoyantes et intenses dans les siennes, soutenant son regard : « Alors... Oui, je crois que j'ai toujours voulu récupérer ma mémoire. Je crains l'horreur qu'ils doivent contenir mais... L'horreur, comme tu le dis... Mon corps s'en souvient. Quoiqu'il arrive, je m'en souviendrai. Tout comme je me suis souvenu de ce qui me faisait intensément du bien. J'ai eu confiance en Ivanyr. Immédiatement, viscéralement. Tu vois ? » Il haussa doucement les épaules, fébrile en l'instant. Il tâcha de se ressaisir : « Je trouverai qui j'étais, d'une manière ou d'une autre. Je retrace mon histoire, morceau par morceau. Je démêle les nœuds de tout cela.. C'est presque un jeu... Une sorte de chasse au trésor. Aldaron était un personnage public... Avec beaucoup de secrets. » Il recollait les pièces, comme un puzzle. Le casse-tête était un challenge satisfaisant.

    « Je pense que tu retrouveras des rêves... Un jour. Quant à l'esclavage, je crois que je pourrai en parler à quelques contacts. Quand j'aurai dénoué un peu tout cela... » Il fit un signe de l'index tournant en rond au niveau de sa tempe. Il parlait de sa mémoire et de tout ce qu'il pouvait comprendre à propos de son ancien lui et de ses contacts. Cela prendrait du temps... Mais probablement pourrait-il faire avancer les choses à son échelle. Il se fit songeur un instant avant de reprendre : « Je ne savais pas que tu avais aussi été dans cette prison. Je suis désolé, je ne souhaitais pas raviver de mauvais souvenirs. » Il se mordit la lèvre, hésitant comme au bord d'une falaise d'où il devait sauter : « Et toi, voudrais-tu oublier ? » Les horreurs. Pour de vrai. Il était assez sérieux, dans sa demande... Car il pouvait lui faire oublier.

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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L’éveil, était-ce ainsi que les vampires parlaient de cette renaissance? Autone comprit à la question qu’Aldaron ne pouvait comprendre les choses qu’en calquant les autres pour assembler son casse-tête mental. Il apprendrait de toutes ses réponses et elle sentait une pression à répondre. Même si elle, était persuadée que quelqu’un ne pouvait pas devenir plus heureux rien qu’en oubliant la douleur, était-ce une vérité universelle? Mais Aldaron lui demandait pour, elle et elle seulement. Voudrait-elle oublier, si elle en avait le choix? La petite dame n’exprima pas une once d’hésitation quand elle ne répondit calmement « Jamais. » Elle soupira, il y avait tellement de choses à déballer et elle ne voulait pas faire peur à Aldaron. Là il n’avait pas osé la toucher, Autone prit la main de son ami après avoir laissé quelques secondes de silence mettre sa pensée en ordre.

« Nous avons passé trois ans dans cette prison. Je n’ai jamais su pourquoi tu t’y étais retrouvé, mais moi je me souviens m’être retrouvée face à face avec le dragon blanc. Matis, mon mari, a refusé de plier le genou et je l’ai suivi parce que l’idée de le trahir me faisait plus mal que l’idée de me trahir moi-même. L’idée de le laisser partir sans faire même la toute petite part que je pouvais pour le protéger, être à ses côtés s’il lui arrivait quelque chose… »
Elle trembla un peu, retient ses larmes, se contient. C’était plus facile à présent, mais ça faisait encore mal.
« Oublier la douleur et la peur, ce serait aussi oublier que nous nous sommes protégés, l’un et l’autre. Ce serait oublier qu’il m’a donné le courage de ne pas me trahir. Oublier trois des quelques années que j’ai eu la chance d’avoir avec lui. »
Elle sourit un peu, gloussa dans un souffle. Dans sa sincérité, le regard d’Autone était teint de mélancolie. Une vielle tache qui ne disparaîtrait jamais. « Et je crois que c’est la troisième fois que je te le dis. Mais ce serait aussi oublier que tu m’as tendu la main quand tout cela était terminé et que l’amour n’était plus suffisant pour me donner envie de continuer à avancer. Je voulais me laisser mourir et tu ne m’as pas laissé m’affaiblir. »
Elle sentait qu’elle parlait trop, c’était difficile de doser quelque chose d’aussi grave.
« Et le plus important, oublier que nous nous sommes échappés, que nous avons libérés toute cette prison, en travaillant ensemble. Je ne sais pas si quelqu’un te l’a dit, mais nous avions formé un petit groupe et nous avions mis en place un plan pour s’évader. Le jour où tu te souviendras, sache que si tu t’es retrouvé à Morneflamme, c’est probablement parce que tu as été courageux. Et je ne veux pas que tu t’excuses de me l’avoir rappelé. Aujourd’hui, ça peut être effrayant d’imaginer que tu reverras tout ça. Et bien que je ne puisse pas réellement prétendre avoir guéri de ces années, je crois avoir commencé. Ça ne me fait pas mal que tu en aies parlé. »


Autone se sentit un peu nerveuse d’avoir parlé de quand il se souviendrait, plutôt que de s’il se souvenait. Se douterait-il de quelque chose? Il fallait bien qu’elle lui dise à un moment. Elle était venue pour ça. Elle se sentait malhonnête à présent, craignait qu’il se vexe qu’elle ne fût pas originellement venue seulement pour le voir.
« Et si un jour tu as besoin de parler de Morneflamme ma porte te sera ouverte. »
Le message de Délimar et de Ilhan lui restait au bord des lèvres. Et si cela était trop, d’un seul coup? Et si dans ce qu’Ilhan lui avait montré, il avait vraiment tous ses souvenirs. Aldaron était-il capable de prendre tout cela sur ses épaules? Elle le savait fort, mais n’était-il pas fragile, dans son état?

Quelque part elle savait qu’elle lui en voulait encore d’avoir voulu devenir un vampire, d’avoir fait des préparatifs. Autant qu’elle ne voulait pas être en colère contre lui. La petite dame aurait voulu que son ami reste, tel qu’il était, que rien ne change. Pourtant, elle n’aurait pas voulu qu’il soit malheureux. Paradoxes, il n’y avait que le temps pour accepter ce qui était difficile. En attendant, elle refusait de lui faire subir ce deuil.

Autone lâcha la main et prit son courage à deux mains dans une grande respiration qui fit redresser sa poitrine.
« Je suis allée à Délimar, j’ai visité un homme qui s’appelle Ilhan Avente. Il voulait que ce soit moi qui te transmette son message. Cachée dans une citadelle est gardée un objet qui t’appartiens. Un médaillon, décoré d’un arbre de vie et de deux inséparables. Il était question de ta mémoire, mais Ilhan ne m’as rien dit, sinon que tu devras te déplacer pour venir le chercher. L’objet est trop précieux pour être transporté dans un voyage. »


Inutile de lui faire par des dédales du labyrinthe qu’elle avait parcouru avec Opixiatre pour parvenir à comprendre qu’Ilhan était la clé de la mémoire d’Aldaron. Bien sûr, elle était inquiète d’envoyer un vampire, qui plus est un ami, à Délimar. Mais comment faire autrement? Avait-elle été trop brusque.

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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Il acquiesça d'un signe de tête, appréciant sa compassion et sa volonté d'être là, près de lui, s'il rencontrait des difficultés pour faire face à ce douloureux souvenir. Ivanyr lui avait dit qu'elle ne pensait qu'à elle. Aldaron avait l'impression qu'elle se préoccupait bien assez de ce que lui, nouveau-né, pouvait bien ressentir. Il trouvait cela touchant, en elle. Il pouvait lui faire confiance. Du moins lui donnait-elle envie de lui faire confiance. « Je te remercie. » lui souffla-t-il, bas mais sincère. Il ne craignait pas de ce confier à elle, n'était-ce pas ce qu'il avait fait jusqu'à alors ? Elle lui offrait quelque chose d'apaisant qu'il cueillait comme une rose. Lorsqu'elle lui parla du collier ses yeux s'arrondirent de surprise. « Ivanyr m'en a parlé... C'était un cadeau de mariage qu'il m'avait fait dans l'optique qu'un jour, je rejoigne la nuit. »

Un sourire étira ses lèvres de cendres, heureux autant que satisfait : « Il avait été tellement déçu lorsqu'il a remarqué que je ne le portais plus autour du cou. Ses espoirs se sont effacés mais je crois qu'il l'a accepté... Que je ne me souvienne pas. » Et qu'il fasse un chemin normal, comme tous les nouveaux-nés vampiriques. Ne pas se souvenir faisait partie de l'apprentissage aussi. Toutefois, son sourire se fana : « Délimar... » Autant dire qu'un vampire tel que lui aurait bien du mal à mettre les pieds. Il ne connaissait encore que trop peu de choses en ce monde... Mais l'une d'entre elles étaient les lieu où un vampire ferait mieux de ne pas être. La cité libre de l'Océanique en faisait partie. Pourquoi Ilhan Avente ? Était-ce un piège ? Un piège pour le faire tuer ? Pourquoi Autone, en qui il avait confiance, viendrait lui remettre bêtement entre les mains ce piège ? Cela n'en était donc pas un. Ilhan aimait-il les vampires ? Peut-être que la petite femme avec lui le savait. Il n'avait, en vérité, qu'à le demander.

« Comment est ce Ilhan Avente ? Pourquoi a-t-il un objet qui m'est si précieux ? Ai-je confiance en lui ? » La véritable question aurait été 'avais-je confiance en lui' mai sil parlait au présent et lui demandait dès lors conseil, bien que la formulation soit étrange. « Puis-je avoir confiance en lui ? » corrigea-t-il alors. « Peut-être ai-je à lui écrire ou à le trouver ailleurs qu'à Délimar. Son nom m'est familier, je crois. Est-ce un diplomate ? » Car si tel était le cas, tôt ou tard, il pourrait le surprendre à Caladon ou à Délimar. Beaucoup de questions, alors qu'il se préparait, semblant déterminé à retrouvé ce collier qui lui appartenait, non seulement pour retrouver sa mémoire mais aussi et surtout pour ne pas risquer qu'elle tombe entre de mauvaises mains. L'adversité pouvait parfois se montrer bien féroce.

On entendit des bris dans l'escalier puis une dracène d'un mois, aveugle, montra le bout de son museau écailleux, la bavette qu'il portait un peu plus tôt, lorsqu'il rencontra Autone, dans le gueule. Il se pinça les lèvres et appela sa Liée : « Viens, Nahui. Je te présente Autone, c'est une amie. » Pouvait-il toujours lui faire confiance. Le Lien était si récrié après les révélations des chimères. Il ne voulait la tuer pour qu'elle se taise. « Autone, voici, Nahui. » présenta-t-il, avant d'achever la nouvelle : « Ma Liée. »Les dés étaient jetés.

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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Le prénom d’Ivanyr prononcé par Aldaron ramena un pincement désagréable dans le ventre d’Autone. Elle baissa instinctivement les yeux, fit tourner un peu le thé dans la petite tasse. Au moins Aldaron n’était pas en colère, ou n’avait pas soudainement perdu toute confiance envers elle. Si seulement il suffisait de s’en vouloir et d’accepter de ne plus être la mère du vampire, mais les mots blessants d’Ivanyr faisaient des allés retours dans l’esprit d’Autone. Peut-être était-ce mieux qu’ils ne soient pas proches? La Falkire releva les yeux lorsque son ami évoqua la ville réalistement inaccessible. Elle aurait voulu lui donner un peu d’espoir, mais elle-même s’était demandé comment Aldaron allait bien pouvoir entrer dans la ville en un morceau, et en ressortir dans le même état. Puis Avente, c’était toute une autre histoire. Autone n’avait aucune idée de la nature de la relation entre les deux politiciens. Certainement politique, peut-être amicale?

Alors qu’Autone entrouvrit les lèvres pour répondre au vampire, un bruit attira son attention du côté des escaliers. Le rossignol tourna la tête rapidement, ses yeux vifs comme ceux d’un renard qu’on aurait troublé dans la forêt. Elle cligna les yeux quelques fois et resta là, interdite devant la dragonne qui se dévoilait. Nulle peur dans ses yeux, rien qu’un étonnement curieux. Aldaron les présentait, alors que la petite dame se demandait comment on pouvait bien agir lorsqu’on rencontrait une dragonne aussi jeune. Un peu déstabilisé, elle parvint à prononcer un timide « Bonjour… » avant de tourner un regard interrogatif sur Aldaron. La petite dame fronça les sourcils, non pas de colère mais comme si elle tentait de calculer la situation. Puis elle cligna encore quelques fois et haussa une épaule, semblant dire « Eh bien. »

Le lien, évidemment qu’elle ne pourrait rien dire. À vrai dire, Autone n’était pas encore parvenue à se forger un avis. Il manquait encore trop d’informations pour sauter aux absolus. Puis il y avait souvent des solutions cachées à l’extérieur des pôles qu’on croyait pourtant les extrêmes du monde. Voyant que la dragonne continuait de manger, elle pencha la tête sur le côté en lui accordant un dernier regard puis détourna son attention sur le vampire. « Tu as toujours eu beaucoup de talent pour faire éclater des nouvelles de manière inattendue. » Elle sourit, un peu taquine. Il ne se souvenait pas, mais elle pensait encore à combien l’annonce de son mariage avait été dramatique. Autone gloussa en tentant de rassembler ses pensées. Et d’un regard un peu triste elle soutient celui du Triade. « Et aussi de me donner des raisons d’avoir peur de te perdre. » elle baissa les yeux à nouveau. « C’est cette peur qui m’a fait agir aussi idiotement avec Ivanyr. J’aurais aimé être présente pour lui, mais j’avais tellement peur qu’on s’en prenne à lui, qu’on l’accuse… J’étais complètement aliénée et j’étais certaine qu’ils viendraient l’arrêter. » Autone posa ses mains devant ses yeux et prit une grande respiration avant de ramener ses cheveux vers l’arrière. « Désolé, désolé. Tu es la dernière personne avec qui je devrais parler de ça. » Elle ne voulait pas tenter de le manipuler, ou d’instrumentaliser Aldaron. « Ne lui parle pas de moi, d’accord? Si Ivanyr veut me parler je ne veux pas…avoir fait des démarches dans son dos pour…Enfin. Il a le droit de ne pas vouloir reprendre contact. »

La petite dame ferma les yeux et respira une seconde, tentant d’ignorer la honte. « Ilhan Avente est en effet un diplomate. Il est conseiller à Délimar. » Semblant chercher dans ses pensées, Autone leva les yeux. Ilhan Avente, elle s'était étonnée à lui prêter une confiance qui sortait d'elle ne savait où. Et pourtant, si on lui demandait de manière objective, ses sentiments s'opposaient à la logique.« Je ne sais honnêtement pas quelle était la nature de votre relation. J’aimerais pouvoir te dire qu’il est de confiance. Je crois qu’il a un œil sur le marché noir. Mais outre cela, je crois que c’est une personne bienveillante. Il ne t’attire pas à Délimar pour te faire exécuter. Ilhan est un allié, entre autres. S’il y a une seule chose que je puis te dire avec certitude, c’est que tu n’as pas à le craindre. Mais…Tu ne peux pas non plus lui offrir une confiance aveugle. Il m’a éhontément confronté au sujet du marché noir lors de notre première rencontre et notre conversation a été interrompue…Juste à temps.

Il sera inévitable de lui écrire d’abord. Si tu veux me visiter, j’ai développé un sort…j’envoie tout mon courrier à l’aide des oiseaux sauvages. Ils vont porter les messages en mains propres. Cela dit, quand bien même le courrier soit intercepté, Délimar apprendra à un moment ou un autre ton arrivée si tu as l’intention de visiter.

Ça ne me rassure pas non plus…que tu doives te rendre sur place. Mais déplacer un tel objet…C’est prendre bien trop de risques. »

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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    Bonjour ? Et bien, c'était pas mal, au moins elle n'avait pas crié ou commencé à vouloir égorger la petite créature si récriée. Aldaron eut un sourire, amusé, en sentant la surprise qui se lisait distinctement sur le visage de la jeune humaine. Il n'y trouvait rien de vindicatif ou de haineux alors... Cela le satisfaisait, sur l'instant, car il avait pu, une nouvelle fois, compter sur son instinct. Autone pouvait être une amie, si le destin le voulait et l'acceptait. Il arqua un sourcil à sa taquinerie. Ah ? Il avait déjà fait cela ? Et lui qui pensait être différent d'Aldaron, il ne l'était, au final, pas tant que cela. Tout comme il n'était pas la copie parfaite de ce qu'il fut. Cela était si étrange, de renaître. Elle lui confia sa peur, et le sujet d'Ivanyr revint. Cela devait beaucoup travailler la petite rousse. Lorsqu'elle s'annonça désolée, il prit l'une de ses mains, comme pour la retenir. Ses doigts glacés caressaient sa peau, dans un élan naturel de soutien : « Je ne lui dirai rien, promis... Mais toi, tu devrais lui parler. Faire un pas vers lui. Lui dire ce que tu viens de me dire car... Faute avouée, à moitié pardonnée. Je crois que tu tiens à lui et c'est cela qui devrait être important. Peut-être l'entendra-t-il alors. Et si ce n'est le cas, au moins auras-tu essayé ? » Il relâcha doucement sa main : « Songes-y, d'accord ? Tu vivras toujours dans le remord si tu te retranches. Il sait pardonner... » Du moins le croyait-il. Ivanyr savait être juste autant que buté. Personne n'était parfait mais si on tenait à certaines personnes alors on pouvait accepter leurs erreurs, leurs maladresses quand elles venaient.

    Elle choisirait par elle-même, il ne comptait pas la pousser d'avantage. C'était son avis, néanmoins. Il trouvait dommage que leur relation s'achève sur de la frustration réciproque. Il se focalisa néanmoins d'avantage sur le sujet Avente. Tout à ses instincts, le vampire se fiait au jugement d'Autone. Il pensait qu'elle serait assez clairvoyante pour délimiter les contours de ce personnage qui avait, entre ses mains, ni plus ni moins que les secrets de la Triade. Cela en faisait-il un homme dangereux ? Certainement. Mais un homme ne pouvait être résumé qu'à un seul adjectif. S'il était dangereux, il pouvait tout aussi être bienveillant. Aldaron avait été aussi ce genre d'homme, de ce qu'il en savait. Dangereux par l'ombre de son marché, mais avec une volonté de donner, dans l'âme. Avait-il encore cette volonté, en lui ? Où n'était-il plus qu'un vampire sanguinaire ? Il se savait violent, par nature. Et en colère mais... Cela ne le définissait pas entièrement. Ilhan l'intriguait, au demeurant. Il se demandait ce qui avait pu le lier à cet homme pour qu'il en vienne à lui confier un présent aussi précieux. Il lui avait confié, n'est-ce pas ?

    « Alors, il ne peut pas accéder à mes souvenirs... » Sinon, il n'aurait pas cherché à connaître les secrets du Marché Noir auprès d'Autone. Il aurait tout bonnement été trouver la vérité à la source même du secret. « … Ou ne le veut pas ? » Allait-il marchander pour lui rendre ses souvenirs ? Cette pensée l'amusa. On avait toujours tord de négocier avec un spirite du saumon. Probablement que le Délimarien aurait l'intelligence de ne pas essayer et si cela n'était pas le cas, Aldaron n'éprouverait aucun remord à le rouler dans la farine. « Il faudra donc que je sois prêt, avant de le rencontrer. Pour ne pas lui donner de branches auxquelles s'accrocher. Cela devra attendre que j'apprenne par moi-même avant. » Et qu'il reprenne d'une main ferme le Marché Noir. Si la sécurité de son secret était menacée, il se devait de maintenir ce silence tenu. Pouvait-il vraiment faire confiance à cet homme qui profitait de son amnésie pour percer à jour le Marché Noir ? Il n'appréciait pas cela. « Son comportement est ambiguë, ne trouves-tu pas ? Il tient à me rendre cet objet qui pourrait répondre à ce qu'il cherche, mais s'y refuse. Il profite néanmoins de mon amnésie pour creuser dans mes secrets. A la fois loyal et traître, c'est... Particulier. »

    Il resta songeur un petit moment, jusqu'à ce que la dracène finisse sa viande et veuille grimper sur ses genoux. « Je viendrai te visiter lorsque je me sentirai prêt à le contacter. Je te remercie de m'avoir informé de tout cela... Ça me donne un peu d'espoir à retrouver ce que j'ai égaré sur le chemin de la nuit. » Il baissa les yeux sur Nahui qui s'était roulée en boule pour dormir : « C'est son anniversaire, aujourd'hui, en quelques sortes. Elle a un mois. Je sais que le Lien n'est pas bien vu, depuis la bataille contre les chimères alors je ne l'ai dit à personne, pour le moment. Lorsqu'elle sera assez grande, je ne craindrai pas de l'afficher en plein jour. Ce ne sera pas la première chose récriée que j'aurai fait dans ma vie. Fut un temps où être un elfe parmi les hommes était une hérésie. Et que dire de la fratrie qui fut mienne ? Je suis un vampire, d'ores et déjà une bête à abattre, je ne crains pas une flèche de plus. Et tu ne devrais pas le craindre non plus. Ivanyr est mon inséparable, il me ramènera du royaume de Mort si je venais à m'y échouer. C'est un mage assez puissant pour ce miracle. Je le ramènerai aussi. Je n'ai pas son don mais je suis un homme riche qui possède bien des artefacts anciens. Alors n'aies pas peur, veux-tu ? Il n'est pas venu le jour où je passerai l'arme à gauche. »

    Il lui adressa un fin sourire, tendre et pourtant d'une fierté presque hautaine. Qui était-il pour affirmer ainsi pouvoir vaincre la mort ? Ni plus ni moins qu'un mortel et pourtant, il avait cette arrogance et cette certitude orgueilleuse. Il caressa les paupières égratignées de sa Liée : « Elle est aveugle. Elle vient d'Ambarhùna. Son œuf a été trouvé par les chimères et elle a été transportée sur leur navire jusqu'ici... Pour me trouver. N'est-ce pas une belle épopée ? Pourtant, le Lien est si récrié. » Il pinça ses lèvres, contrit, avant de poursuivre : « Elle m'a dit qu'on avait essayé de brisé sa coquille, à bord de l'armada du crépuscule. Mais elle m'a dit que ce n'était pas une chimère qui lui avait fait cela... C'était un humain. Un humain qui n'était pas possédé. Il a essayé de briser son œuf d'un millier de manières si bien qu'elle a donné de son énergie pour renforcer sa coquille. Elle était si épaisse que lorsqu'elle a éclos, elle ne pouvait plus la briser elle-même. Je l'ai aidée, avec une lame d'énergie... » Le souvenir était encore frais. « Elle m'a dit aussi qu'elle n'était pas seule. Qu'il y avait un deuxième œuf, je ne sais où, maltraité lui aussi. Je ne suis pas certain que... Le Lien mérite une telle haine. »

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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Autone restât là à chercher ses mots quand Aldaron avait compris de travers ce qu’elle avait expliqué sur Ilhan. Quelque chose restât coincé au fond de sa gorge, alors qu’elle réalisait qu’elle pouvait briser, ici et maintenant la promesse qu’elle avait faite au tisseur. Garder secrètes ses visions, ce qu’elle avait vu de lui, les suspicions qu’elle pouvait avoir sur une organisation d’espions, qu’il avait peut-être même eu un œil sur le marché noir, qu’il en avait peut-être un en ce moment même. Et Autone ne s’était pas doutée que cette promesse entrerait en conflit avec son allégeance pour le marché noir aussi rapidement. Mais alors, s’ils venaient à être dévoilés et qu’elle savait quelque chose, et qu’elle ait choisi de ne rien dit, ce serait sa faute. Elle serait traîtresse.

Non. La morale personnelle du rossignol passait par-dessus son allégeance, aussi dévouée soit-elle à Aldaron. Et quelque part, elle se le niait à elle-même, voulait croire que la nécessité n’existait plus aujourd’hui pour une telle organisation, qu’Ilhan ne l’avait pas secrètement surveillée. Elle tentait encore de se convaincre que c’était une entreprise du passé. Et pourtant, tous les faits étaient sur la table. Aldaron enchaînait déjà avec l’histoire de sa liée et Autone ne savait plus où donner de la tête entre cette histoire d’humains qui tentent d’ouvrir des œufs de force, sa propre conscience et le malentendu laissé en suspens. Elle regarda la dragonne, qui finalement n’était qu’une enfant, un regard mélancolique passa sur son visage. « C’est injuste. » échappa-t-elle en murmurant.

Cela venait jouer dans les choses qui la touchaient. L’injustice, la maltraitance des enfants, particulièrement celle provenant de l’avarice. Mais avait-elle raison d’associer ce crime à ce trait? Peut-être était-ce plutôt, comme Aldaron le sous entendait, un anti-lien qui avait voulu empêcher un nouveau lien de se créer. « Quelle que soit la raison pour laquelle cet homme a fait cela, il est stupide. »

Autone soupira en se pinçant entre les deux sourcils, exaspérée de l’imbécilité des hommes. « Toute cette histoire d’anti-liens… Les gens sont encore tellement fermés d’esprits. Disons que le lien est un problème, et j’aimerais vraiment avoir l’opportunité d’avoir plus d’informations à ce sujet, en quoi tuer les dragons et les liés est-il une solution? Les gens ont-ils oubliés ce qu’il survient des êtres magiques en l’absence des dragons? Peut-être est-ce un débat supposément moins compliqué pour les humains, mais encore. Outre les Almaréens et les Glacernois, la magie fait partie de notre culture, de notre histoire. C’est spécifiquement parce qu’il ne faut pas la prendre pour acquise que cette manière de faire ne fait aucun sen… »

La petite dame s’interrompit, réalisant que son ton était devenu particulièrement irrité sur ses derniers mots. Elle prit une respiration pour se calmer en ramenant ses mains sur ses cuisses. « Pardonne-moi. Voir l’histoire se répéter. Ça a été la même chose pour les chimères, les gens sont montés aux armes et combien de temps est-ce que cela a pris avant de consulter les natifs de cet endroit? Nous nous battons avant de savoir, nous nous battons avant de chercher, mais est-ce qu’on peut vraiment attendre mieux quand l’histoire de l’empire est construite sur des enfants soldats? »

Vérité à peine révélée par l’hypocrisie Sélénienne. Autone tentât de réprimer son tempérament bouillant. Si Aldaron avait été prévenu à peine quelques minutes plus tôt, il avait maintenant une démonstration du caractère explosif de la petite dame. Seulement elle ne laissait rien éclater encore, ne voulant pas déverser toute cette violence sur lui. Et malgré ce presque calme, malgré qu’elle ne montât pas le ton sur le vampire, son regard bouillonnait de rage contre l’injustice. « On ne construit pas un monde en se battant contre…des centenaires de traditions et de culture. On ne construit pas une génération en mutilant. »

Les ambres s’adoucirent en se baissant sur la dragonne. « Nous avons trouvé la solution aux chimères quand nous avons cherché ailleurs que dans la violence. Alors pourquoi n’avons-nous pas arrêté cette roue ? »

Levant les yeux en un rictus de douleur, Autone se résigna en un « Je suis fatiguée. » dirigé à des dieux qui n’étaient plus là pour l’entendre. Elle était fatiguée de la violence et de l’ignorance, des combats vains. Ce que Aldaron avait vu dans le passé comme sa peur de la guerre. C’étaient des combats qu’elle voyait comme absurdes. Bien sûr qu’il avait fallu se battre contre Vraorg, contre la tyrannie de Fabius, même contre les Almaréens qui avaient voulu la paix avec les humains mais avaient imposé leurs conditions violentes. Bien sûr qu’il avait fallu se battre contre les chimères. Mais pourquoi cela avait-il été si long avant qu’ils trouvent une alternative? Et quand les baptistrels répétaient aux dirigeants, sans cesse, que s’ils leurs laissaient juste un peu de temps pour chercher, toutes ces batailles ne seraient pas nécessaires, ils n’étaient pas écoutés.

« La haine … tâche nos racines. »
expliqua-t-elle au nouveau-né d’un regard déçu et triste. « Quand nous sommes arrivés ici, les gens ont haïs les Graärh. Les elfes ont haï les humains, les humains et les vampires…se sont fait la guerre pendant …Dracos sait combien d’années. Et nous avons la mémoire affreusement courte. » D’un rire un peu résigné, Autone laissa tomber la tension et prit une gorgée de son thé. Un peu froid, elle le réchauffa en se resservant avec la théière. « Désolé, voilà une jolie leçon d’histoire que je te fais là. »

La petite dame porta la tasse à ses lèvres et profita de la chaleur du breuvage. « Je dois rectifier quelque chose au sujet d’Avente. Notre première rencontre date d’il y a un an, c’est à ce moment là qu’il m’a confronté au sujet du marché noir. Et pendant mon voyage à Délimar il y a quelques semaines, il m’a montré ton médaillon, gardé dans une citadelle. Si Avente a ses intérêts, je crois que si tu lui as confié cela, il doit se sentir responsable de faire honneur à ta confiance. C’est du moins…la manière dont il agit avec le moindre secret que je lui ai confié. » La petite dame tentât de cacher son visage embarrassé avec la tasse, alors qu’elle prenait une gorgée. Elle n’aimait pas avouer qu’elle lui avait fait confiance, mais surtout, elle ne savait pas comment elle se sentait par rapport au fait qu’Ilhan avait des secrets sur elle qu’elle n’avait confié à personne d’autre. Pas même les proches qu’elle affectionnait le plus. Le conseiller était passé sous son armure comme de l’eau, là où même devant sa famille elle avait peur de se dévoiler.

« Je crois qu’il…sait des choses sur mon passé. Des choses qui ne sont pas belles. Tout comme certaines personnes qui ont fréquenté la cour en savent sur moi. Et il n’a pas tenté d’utiliser cela contre moi. Je crois qu’il a des principes, une…morale? »
Tenant ses mains l’une dans l’autre, Autone avait inconsciemment relevé ses épaules. Si on lui avait demandé pourquoi elle semblait inconfortable, elle n’aurait pas pu répondre. Elle secoua la tête, comme pour chasser quelque chose. « Enfin, il ne va pas te faire chanter, pas avec ta mémoire. Tu dois juste faire attention à sa rivalité. Peut-être est-ce moi qui est naïve… »

descriptionFace à l'amnésie [Autone] EmptyRe: Face à l'amnésie [Autone]

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    Injuste ? Oui, probablement que cela l’était. En dépit de cela, elle perdurait dans le temps et laissait un goût amer. L’injustice était partout et lorsqu’elle était doublée d’ingratitude, elle était plus bileuse encore à avaler. Il était un nouveau-né, mais déjà il suffoquait de cette acrimonie délétère. Une part de lui était soulagé de l’entendre se placer du côté de Nahui, dans cette affaire. Du côté des Liés. Il en aurait pleuré de soulagement, s’il n’avait pas eu cette superbe maîtrise de lui-même. Parfois, on avait simplement besoin de se savoir entouré, d’avoir des gens dans son camp. Ici et là, tout n’était que haine à son égard, tantôt parce qu’il était le bourgmestre traître à la Couronne, tantôt parce qu’il était le monstre vampire, tantôt parce qu’il était dragonnier. Dans cet océan de haine et de rejet, c’était-il pas étonnant de voir sa colère monter et sa vindicte gonfler ?

    Il n’en pouvait plus et cela ne ferait que croitre jour après jour. Où étaient les gens bienveillants ? S’étonnerait-on alors s’il devenait ce monstre qu’on voyait déjà en lui ? Viendrait-on lui en vouloir de ne pas être resté, là, à se prendre des coups, leurs regards mauvais comme des centaines de poignards plantés dans sa chair ? Ils créaient le monstre qu’ils craignaient de le voir devenir et dans tout cela, avoir quelqu’un de son côté, quelqu’un dans son camp, cela lui faisait égoïstement un bien fou. Il aurait voulu serrer la petite femme dans ses bras pour la remercier. Elle comprenait, sans qu’il n’ait eu besoin de le dire. Elle comprenait. Il l’écoutait, silencieux, perdu dans les mots qui s’écoulaient de sa bouche. Lorsqu’elle revint sur Ilhan, il acquiesça doucement de la tête, saisissant un peu mieux la complexité de cet homme. Il était un ami rival, un confrère loyal mais qui gère également ses propres intérêts. Il le trouvait intéressant, sans qu’il ne parvienne à s’ôter l’idée qu’il ne devait pas y aller tête baissée. Face à un tel homme, il devrait se préparer.

    « Je crois que rien n’est jamais parfaitement blanc ou parfaitement noir. Ilhan Avente n’échappe pas à la règle, pas plus que moi. Je te remercie de m’avoir fait part de ton sentiment. J’ai… l’impression de pouvoir compter sur toi, et sur ton jugement. C’est étrange à dire, comme cela mais c’est… C’est ainsi. » Il se mordit pensivement la lèvre : « Quant à cette leçon d’histoire, je crois que tu as la réponse. On ne construit pas un monde en se battant contre les centenaires de traditions et de culture. Ce sont tes mots et... Aussi horrible que cela puisse être, la haine et la violence font partie de notre histoire. Vouloir arrêter la roue, comme tu le désires, n’a pas de sens. Tout au mieux, tu te feras écraser par elle. Tu ne peux que marcher avec elle, tu dois en saisir les rênes et la freiner. Cela passe par l’accepter, pour ce qu’elle est. Aurions-nous du ouvrir le dialogue avec les chimères ? Si nous ne nous étions pas battus, les baptistrels n’auraient pas eu le temps d’activer ce baôli. Si nous n’avions pas éprouvé de la haine à l’égard des chimères, nous nous serions fait engloutir. Si les elfes n'avaient pas haï les vampires, ils auraient disparu, dévorés par leurs prédateurs. »

    L’Ast haussa doucement les épaules. « La guerre est horrible, la haine destructrice. Mais cela n’est pas que cela, je pense. La guerre apprend à protéger les siens, à reconnaître que, viscéralement, nous avons besoin d’eux. La guerre n’est qu’un combat comme un autre. Aussi injuste, aussi biaisé et borné. La haine permet aussi de se protéger. » Il eut un sourire en coin, amusé par ses propres paroles, avant de rectifier : « Oh… Ne crois pas que je désire ne prêcher que par la haine et la violence ou que j’en fasse l’apologie. Je te dis juste qu’ils peuvent être utiles autant qu’ils nous desservent. Ils peuvent être destructeurs autant que créateurs. Ne sois pas trop injuste avec ceux qui brandissent l’épée… On ne leur a appris que cela. Cela fait partie de leurs traditions, tant et si bien qu’ils n’en voient plus le mal, pas plus que le bien. C’est simplement quelque chose de… Normal ? » Il poussa un soupir alors que ses mires verdoyantes contemplaient le profil de son invitée.

    « Regardons, par exemple : les vampires ont besoin de sang bipède pour se nourrir. Des siècles durant, ils ont été les prédateurs effrayants des histoires qu’on racontait le soir, pour faire peur. Ils sont de bêtes et pourtant… Ils ne tuaient ni par haine ni par désir de violence. Pas plus que les humains n’égorgent le bœuf, qui leur servira de repas, en éprouvant une sorte sadisme perverti. Le bœuf nourrira sa famille ou lui rapportera de l’argent pour vivre. Mais lorsque le bœuf est un bipède… La situation n’est soudain plus la même. On parle, dès lors, de violence et de barbarie alors que les vampires ne font que se nourrir, n’est-il pas ? Comme ce n’est pas vraiment un bœuf, cela dérange. Mais ce n’est pas non plus un bœuf qu’une meute de loups, de lions, de hyènes vient attaquer. Lorsque ces animaux prédateurs nous tuent, on éprouve de la peur et on repousse l’assaillant, mais de là éprouver une haine à l’égard des lions ou des loups… Non, jamais. »

    Mais eux, les vampires, ils étaient à mi-chemin entre l’animal et l’humain. On ne leur pardonnait pas comme on pouvait pardonner aux animaux, parce qu’ils étaient dotés d’une conscience. Et pourtant, comme les animaux, ils avaient besoin de tuer ses proies pour survivre. « Trop humains pour être des animaux. Trop bestiaux pour ne pas être humains. Ainsi nous fûmes les monstres. On nous regarde toujours comme des monstres, même en ayant renoncé à la violence. La haine reste quel que soit le compromis que nous fassions. Nous avons accepté la cohabitation : on nous vend le sang sur le Commerce Ecarlate. Nous payons pour nous nourrir car il nous est impossible d’élever par nous même un humain comme on s’occupe d’un bœuf. Alors nous dépendons des autres, nous faisons ce sacrifice pour la paix. Et quand Nevrast s’est trouvé naturellement endettée par le simple besoin de se nourrir, qui nous a aidé ? Qui a fait ce même sacrifice ? La haine et la colère revient, ça n’est pourtant pas faute d’avoir cherché une autre solution en premier. »

    Il se fit songeur, un instant : « Il ne nous reste plus que ça, la haine et la violence. Achroma est venu à Sélénia pour soutenir Victoria Kohan dans son ascension au trône. Il lui a parlé de ce que vivent les vampires de Nevrast, elle sait pourquoi nous sommes là. Mais elle préfère nous regarder lui lécher les bottines comme des petits toutous bien dressés, nous soumettre à ses lois et nous ‘’offrir’’ des terres que de décréter que le don du sang pour les vampires se fera gratuit. Elle préfère nous tenir en laisse. Devrions-nous retenir notre violence ? Comment pourrait-il ne pas y avoir de haine ? Il n’y a pas que la haine et la violence qui soient des péchés. Tu serais bien essoufflée de vouloir parvenir à bout de tout cela. J’admire que tu veuilles te battre, que tes valeurs soient honorables. Je l’ai été, aussi ; Aldaron l’a été. Mais… » Il secouait la tête de gauche à droite : « Je ne crois pas que la vertu soit la voie salvatrice. Il faut un peu des deux. Il faut accepter le vice comme la vertu sans tomber jamais dans un extrême. Tout n’est qu’une question d’équilibre entre l’ordre et le chaos alors… »

    Il s’arrêta et fronça les sourcils : « J’espère que je ne te fais pas peur. » Il pouvait très bien la faire fuir : « Selon toi, comment pourraient faire les vampires pour sortir de cela ? Ils ont passé leur vie à se battre, peu sont des artisans, le commerce n’est pas dans leurs traditions. Ils ont eu l’habitude de tuer pour vivre et prendre ce dont ils ont besoin. Le dialogue n’avance pas avec Sélénia. Les elfes… Préféreraient sûrement se pendre que d’aider les vampires. Délimar, vu les Glacernois, tendront d’avantage la hache que la main si les vampires leur demandaient de l’aide et Caladon… Et bien, je crois que l’expression ‘’faire un don’’ n’existe même pas dans leur vocabulaire de radins. » Il souffla un rire par le nez.

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Elle qui avait de ne plus travailler avec Aldaron, se retrouvait à nouveau sa conseillère. Et il venait de lui poser une colle. La petite dame, bien que parfois un peu surprise par les mots de son ami, n’avait semblé à aucun moment choqué par ses propos. Elle commençait à comprendre un portrait qu’elle n’avait jamais vu avant, les vampires comme un peuple perdu. Et les décisions qui avaient été prises lors des traités de paix avaient été suffisantes pour fermer les yeux de la majorité sur les nombreuses imperfections. N’était-ce pas ça, compromettre? Laisser tous insatisfaits. Autone gloussa au commentaire de la triade sur Caladon. Si un jour elle aurait cru entendre cela de sa bouche. Elle avait l’impression qu’Aldaron avait été Caladon elle-même.

« Me demandes tu mon avis de conseillère? »
souffla-t-elle d’un sourire taquin avant de reprendre un air sérieux. « Les vampires ne devraient pas payer pour le marché écarlate. Et si les vampires doivent tous immaculer dans les prochaines années, il faudra les guider vers l’humanité un jour ou un autre. Ou alors la criminalité grimpera et ce seront les immaculés qui seront pointés du doigt. Si tes mots m’effraient un peu, ils m’éclairent aussi. C’est en discutant qu’on peut garder un peu l’un de l’autre et avancer…C’est ce que j’admirais de Caladon. Bien sûr j’avais tort. »

Un soupir silencieux se vit dans le mouvement de sa poitrine qui se soulevait. « Je suis trop idéaliste. J’aimerais un monde où l’on est capable de discuter et d’avancer. Je préfère continuer de me battre pour un idéal et atteindre des petites victoires que d’abandonner tout et de cesser de me battre…J’ai tendance à vivre tout en noir et blanc. Mais je…vois les nuances, j’essaie de les vivre, ce n’est juste pas naturel pour moi. Je comprends les raisons derrière les guerres, la violence. Je me suis sali les mains nombreuses fois, il serait hypocrite de ma part de ne prêcher que par la paix et la tolérance. Je ne crois pas à la vertu… Mais nous devons cesser d’ignorer le pouvoir dans la connaissance et dans les liens que nous tissons. Tu parles d’équilibre, je ne crois pas que tout le monde comprenne qu’un poids doit être posé de l’autre côté du balancier lorsqu’ils brandissent l’épée. Je ne suis pas douce avec ceux-là, je méprise ceux qui ne savent pas questionner leur normal. J’ai peut-être tort. Ou plutôt, ce n’est pas très clément de ma part. Je crois qu’il faut se battre. Je crois aussi qu’il faut ouvrir le dialogue et la recherche chaque fois que l’on peut. Vous avez tenté de parler à Victoria, c’est elle qui a eu tort de ne rien vous accorder. J’aimerais pouvoir t’offrir des solutions. Peut-être, quand la magie sera stabilisée, pourrais-je tenter des recherches sur le lien. »

Cela faisait beaucoup d’assiettes sur son plateau, mais une de plus ou de moins, au point où elle en était. Autone observa un instant la jeune dragonne aveugle, songea qu’elle pourrait peut-être sonder la corneille au sujet de son agresseur. Relevant les yeux vers le nouveau-né, son idée fût chassée par une chose qu’elle avait oublié de dire quelques instants plus tôt.

« J’avais oublié de te dire. Tu n’as probablement pas envie que je te fasse la leçon, je suis désolé. Fais attention à ta témérité face à l’idée de la mort. Peut-être devras tu comprendre cela par toi-même…Tu te dis essoufflé, autant que capable de braver l’oppression. Une chose…est que j’aimerais que tu fasses attention à ton cœur. Oui, les objets magiques et les sorts peuvent nous ramener à la vie, mais l’on ne meurt pas sans cicatrices. Je ne veux pas te décourager dans tes ambitions. Mais pense à… comment on en vient à mourir. Si tu étais seul, ou si ton corps… »

Autone déglutit, n’aimant pas penser à Aldaron de la sorte. Ses ambres s’éclairent d’inquiétude maternelle.

« Ce genre de sort est un dernier recours. Ne fais pas trop confiance à la possibilité de défier la mort. Fais juste…attention d’accord. »
Sa voix dans une douceur incertaine, elle avait peur de le mettre en colère. La petite dame se leva pour s’approcher du vampire, se placer devant lui. C’était un peu instinctif, elle avait eu envie de s’approcher, mais n’osait pas poser une main maternelle dans ses cheveux.

« Et qu’il n’y a aucune faiblesse à en avoir assez. Peu importe combien d’épreuves l’on a bravé, parfois un énième obstacle, même plus petit, est de trop. N’aies pas peur de faire appel à ceux qui t’aiment si le poids se fait trop lourd. Je suis toute petite, mais je te prêterai un peu de ma force, si tu me le demande. »

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    S’il lui demandait son avis de conseillère ? Il eut un sourire en coin en le réalisant. Il semblait bien que oui. Il trouvait étonnant comme, très souvent, si on ne venait pas le braquer, les relations qu’Aldaron avait eues jadis, Cendrelune les reformait aussi simplement que la chose était intuitive. Peut-être parce qu’intrinsèquement, il portait toujours en lui ce besoin d’eux qui avait tant caractérisé l’elfe. Le dirigeant du Marché Noir n’avait vécu qu’au sein de ses relations, tant et tant accumulées, tant et tant entretenues au fil des générations. Il avait été cet arbre centenaire planté au milieu de la ville, que chaque engendrement était venu visiter, un pilier plein d’histoire. Il était loin, maintenant, l’Aldaron qui vivait à Gloria. Et pourtant ? Malgré les divergences et malgré la nuit éternelle, une part de lui restait toujours un cœur originel. Cela le fascinait, d’une certaine manière. Autant que la complicité qui le liait à Autone. Elle comprenait les problématiques, ou bien buvait-elle les paroles du vampire ? Que ce soit l’une ou l’autre de ces choses, il la sentait là, près de lui, à l’accompagner de conseils avisés et d’un soutien amical. Et ça… Cela valait des milliers de coffres remplis d’or.

    Il aimait son idéalisme et sa volonté de bâtir en se serrant les coudes plutôt qu’en brandissant une épée. Cette idée était pleine de sagesse et en cela, Autone faisait une véritable Conseillère. Elle serait toujours derrière lui, mais elle avait la sagesse de ne pas simplement dire oui à tout. Peut-être serait-elle capable de l’arrêter, dans la colère et la noirceur qui grondaient en lui. Peut-être ferait-elle un bon rempart contre le folie meurtrière qu’il nourrissait comme un feu grandissant jour après jour. Bientôt, il pourrait tout dévorer et il avait la sensation qu’en gardant Autone à ses côté, il y aurait ce seau d’eau présent pour le refroidir, l’alerter suffisamment pour lui faire prendre conscience de la démesure de ses actes. Et cela ne manqua pas, à nouveau, d’être le cas, lorsqu’elle lui souligna que la mort avait toujours raison. Elle avait, à chaque fois, la victoire finale, quoiqu’on fasse elle était d’une fatalité immuable. « D’accord... » souffla-t-il, captivé par l’inquiétude qu’il lisait dans l’ambre de ses yeux. Elle lui témoignait son soutien et sa volonté de la porter s’il en avait besoin. Il l’observa se lever et venir face à lui. Il prit doucement l’une des mains fragiles de l’humaine pour la serrer entre les deux siennes, froides.

    « Merci. » Elle était la première, à l’exception d’Achroma, à qui il manifestait une telle reconnaissance. Sincère et spontanée. Il apporta les mains de la petite dame à ses lèvres pour les embrasser, en tout bienséance. « Je ferai attention, je te le promets. Je ne suis néanmoins pas maître de tout cela. Ivanyr a des projets pour notre peuple, je le suivrai, où qu’il aille, même si cela est dangereux. Nous sommes liés : sa vie est la mienne. » Inséparables. Ses lèvres se pincèrent puis il entama une discussion plus légère avec Autone. Il avait envie de la connaître, savoir quel thé elle préférait, si elle avait de la famille, ce qu’ils avaient vécu ensemble. Il tâcher de rattraper ce que sa mémoire avait oublié. Il s’intéressa à elle et à ce qu’elle était, humaine, dans toute sa splendeur. Il alla jusqu'à la prendre dans ses bras pour la rassurer et lorsque la discussion s'acheva tard dans la nuit, il la raccompagna chez elle, auprès de sa famille.

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