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Le vent griffait l'air comme un fauve découpant sa pitance.
Son grondement se muait de temps à autre en hurlements, lorsqu'il passait entre deux planches de bois agencées de sorte à aiguiser sa voix. Les lèvres pâles, Valmys observait d'un œil inquiet les quelques bicoques qui représentaient les maisons du peuple de la nuit. Son père l'avait averti des faits, mais ne l'avait averti de ce que la pseudo-ville de Nevrast inspirait à l'observateur. Pour celui dont les pères étaient vampires, un tel environnement n'inspirait que la honte. Certes, les vampires n'avaient pas froid. Mais il n'était pas question que de cela. Il était question de dignité.

Un fin nuage de buée s'échappait des lèvres du Sainnûr, et il était bien le seul aux alentours à pouvoir effectuer cela. Il sentait les regards se poser parfois sur lui, l'être dont le cœur battait. Si la sensation était étrange, elle l'était moins que celle d'avoir des gardes à ses côtés. La dernière visite d'Aldaron et de son fils en Nevrast leur avait confirmé qu'il y avait en ces lieux des gens qui ne voyaient l'ancien bourgmestre d'un bon œil. Fort de cette expérience, Valmys comprenait l'intérêt d'être bien entouré. Tout de même, il était bien moins libre de ses mouvements avec ces immenses vampires qui l'encadraient. Pas qu'ils l'empêchassent d'agir, mais l'éducation du jeune Cawr l'empêchait d'agir avec eux comme auprès de la solitude. En voyage, il y avait pris goût.

À ses pieds, la chienne Deïa se reposait, sa queue battait le sol à bon rythme. Son épais poil appréciait d'enfin servir. Néthéril était moins clémente envers elle.
C'était Valmys lui-même qui avait proposé à tout ce petit monde de prendre un peu l'air, en attendant l'arrivée de son coapprenti. Enfin, ancien coapprenti. Enfin, c'était un peu complexe. L'Ordre lui avait permis de faire la connaissance de ce jeune Homme, issu d'une famille dont il n'avait entendu que du bien, par l'intermédiaire de ses centres d'intérêt. Aussi lorsque le nom d'Espérancieux avait été évoqué, le regard de l'Enwr qu'il était à l'époque s'était illuminé, et leur commune passion avait noué entre eux ce lien étrange fait de bâtiments. Là où Belethar possédait toute la connaissance de sa famille, Valmys avait dans ses yeux des images venues de tout l'ancien continent, et dans ses doigts une magie capable de leur donner vie. Ensemble, ils pouvaient créer suffisamment d'émulation pour s'amener l'un et l'autre vers leur plus haut potentiel. Ou alors ils pouvaient créer de la compétition. Étrangement, cela arrivait plus souvent que ce que Valmys aurait pu croire. Lui qui n'était pas du tout un enfant de la compétition s'y trouvait bien plus enclin spécifiquement en présence de cette personne. Il ne savait pas pourquoi.

Toujours était-il qu'il avait hâte de se mettre à l’œuvre, et mettre à l'épreuve toutes ses capacités. Cela faisait fort longtemps qu'il n'avait pas usé de sa magie pour construire, véritablement, autre chose qu'un abri de fortune. S'il s'inquiétait d'être à la hauteur, il ne pouvait s'empêcher de songer que ce serait, dans tous les cas, mieux que l'état actuel des choses.
Il allait pouvoir profiter des vibrations, et de toute l'aisance et la force de ses nouvelles veinules. Il avait hâte de voir comment il allait lier son serment à ses créations, comment bâtir en accord avec le monde. Il avait hâte aussi de découvrir après combien de maisons la fatigue commencerait à naître en lui. Pour l'heure, seuls les sorts de téléportation avaient eu raison de ses forces. Un indicateur bien vague. Il savait tout juste avoir plus de facilités que nombre de ses congénères.

Fermant les yeux, Valmys chercha à ne plus voir les horreurs qui l'entouraient, pour se consacrer à ce qu'il était venu chercher hors de l'auberge, seul bâtiment vaguement correct de Nevrast. Le contact avec les éléments, et le plaisir de retrouver un climat froid, apaisaient son cœur. Les vibrations alentours parlaient des neiges qui approchaient bientôt, et de la force de chaque pierre et végétal face au froid. Le vent portait les embruns de l'océan, et la fraîcheur des pins de Licorok. Valmys revoyait des souvenirs anciens, du vieux continent, où il avait découvert la neige. Il l'avait aimée autant qu'haïe, elle qui rendait le voyage si ardu, mais si beau. Il revoyait son arrivée sur l'archipel, et la mise en place de fondations pour la survie. Des instants aussi laborieux qu'importants, durant lesquels il avait renoué avec le froid, en apprenant peu à peu à vivre avec. Le Domaine avait beau ne pas être sur cette île, Nyn-Tiamat gardait pour lui cette douceur d'un endroit où il avait commencé à faire son nid, lui-même.

"- Messire Elusis, le voilà."

Valmys rouvrit les yeux, et un sourire en coin vint finement froisser sa joue, malgré le mot "messire" qu'il n'appréciait pas tant. Un demi-tour, quelques pas, et ses joues retrouvaient la chaleur de l'auberge. Son ami était enfin réveillé. Les Hommes de l'auberge / d'Aldaron n'allaient pas tarder à lui apporter quelque plat et boisson pour réchauffer son ventre. Le jeune Cawr s'installa en face de lui.

"- Bien dormi ?" Il avait intérêt. Sans quoi le Sainnûr n'aurait aucune pitié de lui. Après tout, cela n'aurait fait qu'équilibrer le jeu. Valmys partait du principe que l'expérience et les connaissances de son interlocuteur lui apportaient un net avantage. "J'espère pouvoir prouver à tout l'archipel qu'il est possible de faire bien mieux que ce qu'est Nevrast actuellement." Son sourire en coin se plissa un peu plus. "Comment préférez-vous que l'on s'organise ? Par quartiers ? Il y a des bâtiments en particulier que vous souhaitez faire ?" L'hôtel de ville, l'hospice, une écurie ? "Si vous avez quelques conseils à donner pour cette situation précise... Je pense que patients seront ravis que vous les partagiez avec moi." Ce qu'il entendait par là, c'était surtout qu'il craignait de passer à côté d'une quelconque nécessité architecturale due aux lieu, aux habitants, au sol, ou que savait-il encore. Lui-même avait fait ses propres recherches, sur les maisons des climats froids, mais rien ne valait les l'expérience de quelqu'un qui aurait pu, avant lui, voir sa construction ne pas passer les premiers hivers.
Ils avaient un objectif précis, à accomplir en commun. Le reste, le tacite jeu de celui qui y parviendrait le mieux, devait partir sur une base bien plus altruiste.

descriptionPrendre soin de ses vampires EmptyRe: Prendre soin de ses vampires

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Belethar se frotta les mains, enfoncé au fond du lit que lui avait grassement cédé l’auberge de Nevrast.

Voilà pas si longtemps qu’il était revenu de son “séjour improvisé” à Athgalan, et déjà le voilà reparti à l’aventure, dans des contrées froides et où le soleil ne dardait que pendant de très rares minutes de la journée.

Poursuis ton instinct et part à l’aventure !

Il repensa avec sourire à ce que lui avait dit son presque-frère Ilhan il y a déjà quelques semaines de cela. Au moins il avait pleinement écouté cette maxime et s’était jeté à corps perdu dedans. Ça n’était peut être pas très raisonnable à son âge qui commençait petit à petit à se faire avancé, mais s’il se sentait encore en conditions de pouvoir le faire … Autant le faire avant de regretter.

Ce qui l’avait amené ici, c’était une demande expresse de son coapprenti … Enfin ex-coapprenti, enfin c’était compliqué.

Valmys Neolenn Elusis, un Sainnûr pétri de bonté qui avait déjà vécu bien des choses à son petit âge. Lui aussi formé aux arts baptistraux par Maître Kehlvehan, avant de devenir maître lui même.

Son talent exceptionnel, presque inné, dans le maniement de la trame et plus particulièrement dans le flux de construction avait su éveillé l’intérêt de l’Architecte de métier que Belethar était. Parce que même si l’on s’estimait une référence dans sa matière, il était toujours bon de se remettre en question, chercher la Connaissance et le Progrès. Belethar avait trouvé en Valmys un moyen de se dépasser, de s’élever pour faire des constructions toujours plus poussées.

Bien sûr, tout ceci il ne lui dirait jamais, mais c’était ce que lui inspirait leurs relations. Belethar avait logiquement vu arrivé Valmys au domaine, et depuis le début de leur fréquentation, ces deux-là n’avaient eu de cesse que de faire des jeux et défis parfois rocambolesques pour savoir qui “était le meilleur bâtisseur du Domaine”. Bien entendu, tout le monde savait que c’était Belethar.

Bon, il y avait bien cette fois où Valmys avait réparé une édifice en un temps  record alors que le Pater Familias avait tout juste fini de faire ses plans mais … C’était quand même Belethar.

De manière tout à fait objectif, ces deux profils se complétaient d’une certaine façon, mais cela aucun des deux n’étaient prêts à l’accepter. Il n’y avait de la place que pour un meilleur apprenti de Kehlvehan architecte. C’était peut être un jeu qui était allé trop loin, mais tout ceci avait tourné dans une vraie rivalité tout à fait sérieuse.

Belethar s’investissait vraiment au sein de celle-ci, et même si au final il s’entendait très bien avec Valmys, quand ils travaillaient, l’amitié ne comptait plus. Seul comptait le bruit des planches s’imbriquant entre elles, et la manière dont les pierres étaient disposées pour former un bâtiment.

Le Pater Familias se leva, et profita du moment pour bien se préparer. Il s’habilla soigneusement, bien que sa tenue demeurait simple et se saisit d’une grande cape, posée sur une chaise non loin. Il pris un instant pour la regarder avant de la revêtir : c’était un objet que Belethar avait reçu d’un très habile artisan Roséen, en cadeau d’un de ses partenariats commerciaux avantageux que lui avait garanti la famille Espérancieux.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’était pas moqué de lui : enchanté magiquement de manière à le faire ignorer les conditions climatiques environnantes et à rendre plus résistant son porteur, l’ouvrage devait lui avoir pris plusieurs semaines de travail. Elle était d’une étonnante légèreté, et si sa couleur était d’un blanc cassé un peu pâle, c’était pour faire mieux ressortir le blason de la famille Espérancieux qui était brodé au milieu.

Si Belethar n’était pas du genre à porter grande attention à ses possessions matérielles habituellement, il fallait avouer que cette cape était un objet auquel il tenait particulièrement.

Il se regarda une dernière fois dans un petit miroir disposé non loin dans la chambre. Il eut un petit sourire en coin. Quatres pupilles dorées étaient venues remplacer sa paire d’yeux depuis un certain temps, comme sur le blason Espérancieux ... Il arrivait presque à se regarder normalement, à présent. Le Pater Familias regarda sa bague, avant de revenir à lui même. Valahar avait bien des secrets …

Mais aujourd’hui il n’avait pas le temps de s’attarder sur cela. Il finit de ranger deux ou trois petites choses et descendit finalement rejoindre son compère qu’il avait entendu bouger depuis un moment déjà.

"Bien dormi ?
- Oh que oui." Lui répondit Belethar du tac au tac, en s’attablant avec lui autours de mets que venaient leur apporter des Hommes de l’auberge.

“J'espère pouvoir prouver à tout l'archipel qu'il est possible de faire bien mieux que ce qu'est Nevrast actuellement.”

Belethar haussa les sourcils, et eut un petit rire nerveux, avant de répondre.

“Tu sais, je pense que ça ne va pas être bien dur. Nous partons tout de même sur des bases qui sont … Ce qu’elles sont.”

Le Pater Familias n’avait pas besoin d’épiloguer sur la question, Valmys s’en était rendu compte par lui même. Nevrast aujourd’hui n’était rien de plus qu’un tas de bicoques qui s'amoncellaient entre eux, sans aucune cohérence.

Des hommes et des femmes, vampires certes mais tout de même, vivaient dans des conditions extrêmement précaires … Quoi qu’on en dise, il y avait urgence. Les êtres de cette race n’avaient certes pas les mêmes besoins que des humains ou des Sainnurs comme Valmys, mais tout de même.

Chacun avait droit à vivre dignement, c’était une condition fondamentale pour que les peuples s’entendent. Les bâtiments incarnaient protection, sécurité, réconfort, accueil et tout un tas de choses encore. On ne pouvait laisser de la vie se développer sans un logis correct, qui correspondent au besoin d’une espèce.

Alors voilà, Belethar avait accepté la demande du fils d’Aldaron de reconstruire une partie de la région. Parce qu’il est vrai que cette situation ne pouvait plus durer.

“Comment préférez-vous que l'on s'organise ? Par quartiers ? Il y a des bâtiments en particulier que vous souhaitez faire ? Si vous avez quelques conseils à donner pour cette situation précise... Je pense que patients seront ravis que vous les partagiez avec moi.”

Le Pater Familias répondit qu’il n’avait pas de préférences particulières pour les bâtiments, et qu’afin de ne pas trop se gêner, il était en effet mieux qu’ils se répartissent la tâche par quartiers. Pour le reste, L’Espérancieux inspira un petit coup, avant de professer quelques instants un petit cours sur des constructions en lieu froid. Ça n’était rien d’exceptionnel, tout du moins Belethar estimait que Valmys devait connaître déjà les grandes bases alors il ne fit qu’un bref rappel, pour finalement se concentrer sur les détails importants en Nevrast.

En vérité, selon l’Architecte, ils avaient deux contraintes majeures qui sortaient des recommandations ordinaires : la première est qu’en ces terres, il faisait froid tout le temps. De ce fait, ils devaient faire attention à l’isolation de certains lieux. Bien sûr, les vampires n’avaient pas vraiment froid, donc il était inutile de prévoir tout cela pour tous les bâtiments … Mais Belethar jugea bon de prendre ces paramètres en compte, au moins pour les bâtiments officiels et d’une manière générale toutes les constructions dont la fonction sera de recevoir des peuples  d’autres races.

La deuxième, un peu plus embêtante se jouait dans la sensibilité de certaines ethnies vampiriques à la lumière. Ce n’était a priori pas un très gros problème, mais c’était un élément à prendre en compte dans l’éclairage naturel des bâtiments et tout ce qui avait attrait à la décoration d’intérieur …

Mais bon, chaque chose en son temps. Pour l’instant ils avaient surtout besoin de fondations solides, et de bâtiments qui représentaient bien l’histoire de ses lieux. Or, ce n’était pas que Belethar n’avait pas révisé, mais il se trouvait face à une problématique de taille : lui ne connaissait pas tellement les vampires.

Il n’avait jamais eu l’occasion de les côtoyer plus que cela, et de leurs affaires politiques il n’avait suivi que ce qui parvenait au domaine ou ce qui impactait les relations commerciales de sa famille. Alors vint naturellement une question au jeune Sainnur :

“Avant que l’on attaque les choses à faire dans le concret … Tu dois sans doute connaître ce peuple mieux que ce que j’aurai pu lire dans les livres d’histoire. Donne moi des éléments essentiels pour les cerner. Qu'ont-ils été ? Qu’est-ce qu’ils sont ? Qu’aspirent-ils à devenir ? Ce seront autant d’éléments à prendre en compte pour mes constructions futures.”

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Valmys pouffa discrètement de rire quand Belethar insinua que faire mieux que Nevrast n'était pas complexe. Certes, ce n'était pas faux. Le jeune Cawr s'était tout de même retenu de se montrer trop explicite, au cas où un des bâtisseurs de l'actuelle "ville" aurait eu une oreille dans les environs. Il aurait néanmoins fallu que ce dernier manquât cruellement de discernement pour ne pas reconnaître qu'il avait été forcé à une ébauche hâtive plutôt qu'un travail fini... Si seulement il y avait eu un bâtisseur, et non pas seulement des vampires improvisant avec les moyens du bord.

Heureusement, il y avait dès ce jour, à l'auberge, deux prodigieux architectes-bâtisseurs prêts à faire des merveilles. Tandis que Belethar exposait quelques points techniques et organisationnels, Valmys commanda un thé, juste de quoi se tenir chaud et se réveiller. Le cours sur les constructions en lieux froids ne fut pas de refus. Il évitait que les vampires ne se retrouvassent avec des habitats rendus insalubres et fragiles par l'humidité et le gel. Le nouveau maître écouta l'apprenti dans un silence respectueux et beaucoup plus admiratif que ce qu'il laissait paraître. Il ne prenait pas de notes néanmoins, comptant sur sa mémoire et son champ-nom dans le pire des cas. De plus, il y avait de grandes chances pour qu'avant de donner les clefs de leurs nouvelles demeures aux vampires, Valmys invoquât la vérification de Belethar. Mais pas question de le lui dire. Du moins, pas tout de suite.

Le thé avait subi un sort bien terrible lorsque la parole et l'expertise furent redonnés à Valmys. Ce dernier réalisa alors le peu d'informations que lui avait pu transmettre à son collègue, alors que lui-même avait collectionné les renseignements que ses pères pouvaient lui donner. Un air sincèrement contrit et désolé vint orner son village.

"- Je suis désolé, j'aurais dû te transmettre ces informations avant."

Ceci fait, il embraya tout de suite sur ce qui lui avait été dit par son père : les vampires de Nevrast étaient ceux qui se vouaient à la sédentarisation, au commerce, ceux qui voulaient une place au sein de la grande société multi-espèces qu'était celle de Tiamaranta. À ce titre, tous deux avaient bien fait de concevoir qu'il faudrait à la ville de Nevrast être capable d'accueillir les représentants plus frileux des autres peuples. La Cité se devait d'être un miroir engageant des aspirations de ce peuple, et non pas de la façon par laquelle ils avaient été traités par le passé, ou ce dernier se figerait dans le temps.
Valmys ne s'étendit pas tant sur le passé des vampires estimant que, par sa formation, Belethar savait déjà bien des choses. Il lui confirma que rien ne lui avait été caché, et lui offrit le point de vue des vampires en question : un peuple lésé, mis à part, roué de coups parce qu'ils subissaient la malédiction du vampire originel. Réduits à se terrer dans les souterrains, se faire chasser par les Glacernois, dépendre d'amphores de sang données par les humains. Ils avaient une fierté, une dignité à retrouver. Ils voulaient prouver au monde qu'ils étaient plus que des parasites, qu'ils avaient leur propre valeur. Les vampires de Nevrast ne voulaient pas le prouver par la force et le sang. Ils voulaient le prouver par le vivre-ensemble.

Ce disant, Valmys avait sorti de sa besace une fine baguette de bois de frêne, creuse en l'une de ses extrêmités. Nacre, le fusain immémorial, présent de son père. Quand Belethar posa ses regards dessus, le jeune Cawr lui répondit avec un sourire en coin, très satisfait de pouvoir se targuer de son nouveau jouet. Du bout de la baguette, il commença à tracer dans les airs, et une encre argentée suivit la pointe de son instrument, restant en lévitation dans les airs, pour un dessin en trois dimensions.

"- Ce que je peux te proposer..."

C'était un plan ambitieux, qui allait projeter les vampires sur le devant de la scène, pour sûr... Et peut-être les deux architectes dans le même temps. La base du plan était simple : une place centrale, vouée aux événements, qui pouvaient aller de la grande foire aux événements artistiques ou religieux, au bon vouloir des habitants. À partir de cette place naissaient des quartiers, qui pourraient s'étendre vers l'extérieur à l'avenir. Là un quartier marchand, là un quartier résidentiel, ici un quartier plus administratif... Et là, la route principale, qui menait de la place vers le port. D'un côté de cette route, le fameux quartier des échoppes bordait une partie du port. De l'autre, il s'agissait d'un endroit davantage voué au travail des marchandises et des bateaux. Rien de si fascinant. Ce qui vraiment valait le coup d'oeil, c'était la ville souterraine. Spacieuse, ornée de quelques puits de lumière mais, surtout, de végétaux, elle était faite pour être confortable, et agréable. Au-dessus de la ville, Valmys voyait volontiers une sorte de promenade aérienne, tant pour assurer la sécurité que pour le plaisir de contempler tout ce petit monde vu d'en haut. Le long de cette promenade, il proposait quelques statues de vampires connus, appréciés, et des emplacements libres pour ceux à venir.

Quand il eut fini sa proposition, des paillettes dans les yeux, il tendit à Belethar le fusain, pour le laisser faire ses propres propositions, et choisir comment ils se répartissaient les tâches. Un nouveau sourire en coin plia légèrement le coin de sa joue : il n'avait pas prévenu son ami des capacités de son fusain, et avait bien hâte de voir la réaction de ce dernier.

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Belethar rassura son ami sur le fait que ça n’était pas très grave qu’il ne lui transmette que maintenant des informations de ce style. Il eût aimé préparer ce qu’il avait à faire, mais l’improvisation ne lui faisait pas de mal aussi. C’était un autre challenge.

Il écouta poliment les instructions de son ami, et en saisit finalement bien vite l’essence du projet. Les connaissances de ses lectures, ainsi que les quelques indications précises de l’immaculé l’aidait à bien visualiser les besoin, et la situation. C’était après tout la partie essentielle du travail de l’architecte, avoir une bonne vision globale, et pouvoir bâtir un projet qui ressemblait concrètement à ce que des clients imaginaient … Le petit bonus était que parfois, on pouvait les surprendre.

Quand on voyait une étincelle de bonheur des personnes pour lesquels on avait travaillé, parce que le fruit des journées de labeur dépassaient largement toutes les attentes ... C’était la marque des plus grands.

Écoutant les explications de son ami et rival du jour, Belethar se disait qu’il allait devoir vraisemblablement aller chercher de quoi noter pour commencer à dessiner quelques croquis et autres plans pour commencer à conceptualiser quelque chose …

Il s'apprêtait à se lever pour aller dans sa chambre, quand Valmys sortit de ses propres affaires un fusain particulier. Belethar regarda de ses quatre pupilles lui, puis le fusain, avant de se rendre compte qu’il en émanait une certaine puissance magique … L’Enwr se rassit donc, curieux de voir quel était cet instrument que Valmys avait trouvé.

Puis … Le Cawr commença à agiter le fusain dans les airs. Belethar s’apprêtait à se moquer gentiment de lui, probablement en disant que ça n’était pas comme ça qu’on utilisait un fusain … Mais au moment d’ouvrir sa bouche, il la ferma aussitôt.

Suivant ces dessins et la pointe de l’instrument, une encre argentée se matérialisait, devant eux, permettant des possibilités de dessin et de conception encore jamais atteintes par le Pater Familias.

Il fut complètement coi pendant quelques instants, regardant faire Valmys avec une grande aisance, comme si de rien n’était. N’avait-il pas conscience du pouvoir qu’il avait entre les mains ? Belethar n’en revenait pas, et en était presque jaloux de son ami. Le Pater Familias avait l’impression qu’on lui avait menti toute sa vie sur les manières traditionnelles d’apprendre son métier, comme si un simple fusain venait instantanément de tout remettre en cause.

Il se frotta les yeux, et suivit avec attention la proposition de Valmys, qui faisait -en plus de tout le reste- complètement sens, et qui n’allait recevoir que très peu de recommandations de la part de l’Enwr en théorie plus expérimenté.

Belethar retint un rire nerveux. Il avait oublié la sensation que cela faisait de travailler avec Valmys. Cet immaculé encore tout jeune était si brillant, mais si gentil qu’on ne pouvait pas vraiment lui reprocher de s’en vanter …

C’était vraiment une sensation très particulière, mais qui donnait également l’envie à Belethar de se dépasser. Non pas qu’il n’acceptait pas que la “nouvelle génération” soit plus douée que lui, parce que après tout ainsi était la vie, mais cela lui montrait surtout que leur métier n’était pas un élément figé dans le temps.

Ce fusain en était la preuve, on pouvait trouver des manières constantes de se réinventer, ou de sortir de sa zone de confort. Chose que Belethar faisait encore trop peu ses dernières choses. Il ne l'avouera probablement jamais, mais travailler avec Valmys lui faisait du bien pour toutes choses là. Belethar avait souvent besoin d’être “mis à jour”.

Voyant ses yeux qui pétillaient, Le Pater Familias accepta volontiers la proposition du jeune Cawr de prendre son fusain pour apporter un peu de sa vision des choses, et quelques rectifications. Comme promis, l’Enwr était loin de dénaturer complètement le projet, qu’il trouvait déjà assez séduisant dans l’idée, voyant totalement où Valmys venait en venir.

Il lui corrigea cependant quelques détails techniques que seul un oeil expérimenté comme le sien pouvait voir, et ajouta quelques éléments au projet. Ce qui faisait la particularité de l’architecture proposée par la famille Espérancieux, c’est qu’elle accordait beaucoup de places à la symbolique … Alors Belethar rectifia légèrement quelques bâtiments, en ouvrant un peu plus certains pour faire écho à cette ouverture sur le monde que voulait désormais promouvoir les vampires. Il ajouta également des lignes plus droites et marquées sur les bâtiments officiels, rappel de l’antique puissance de la nation, mais qui était désormais exploitée à bon escient.

Il organisa ainsi un petit dialogue amusant entre les références historiques et les quelques détails que lui avait délivré Valmys auparavant. Mais ça n’était là qu’un peu de pinaillage de ci de là, et de quoi parachever un projet qui était déjà très bien agencé. Il expliqua sa démarche à Valmys au fur et à mesure qu’il dessinait. Si le mouvement avec le fusain fut un peu gauche au début, Belethar écouta volontiers les explications de son rival sur comment mieux s’en servir, puis le dessin fut plus serein.

Une fois le projet amendé, Belethar remis le précieux artefact dans les mains de Valmys. Il fit alors :

“C’est quand même incroyable ce que les personnes ingénieuses en maniement de la magie sont capables de produire de nos jours …”

Il avait l’impression d’être si vieux en prononçant cette phrase, mais c’était la vérité. Il estimait qu’il n’aurait jamais vraiment pu avoir une telle idée. Il eut un petit soupir, avant de revenir dans le vif du sujet :

“Bon. Et bien voilà un projet grandiose et qui a du sens mon ami. Ce que je te propose, c’est que pour notre petit défi soit bien fait, c’est que l’on se répartisse la tâche. Le premier qui a terminé, gagne. Tout simplement. Et comme je suis magnanime et que ce projet est en grande partie le tien …”

Belethar eut un petit sourire. Voilà une ambiance qu’il aimait, le frisson du défi commençait à parcourir ses veines :

“Aurais-tu une préférence dans les parties à construire, pour ce concours qui marquera le commencement d’une nouvelle ère pour ces vampires ?”

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Il y avait un côté touchant à voir Belethar Espérancieux, le Pater Familias, le maître-architecte, celui qui avait élevé enfants et bâtiments, s'émerveiller devant un nouvel outil, le découvrir et l'apprivoiser. Valmys piocha dans ses réserves de contrôle de lui-même pour ne pas afficher un sourire clairement attendri. C'était donc cela, enseigner... Quel doux sentiment. Il voulait bien faire cela toute sa vie, s'il y avait là la promesse de faire grandir les êtres de tous âges. Cela tombait bigrement bien : il semblait qu'il avait fait un serment en ce sens.

Un simple fusain avait ouvert le champ des possibles, et cela valait bien tous les partages du monde, y compris avec son plus terrible rival. En ces moments-là, plus qu'en tout autre, Valmys ressentait son appartenance aux baptistrels. Il lui était si ardu d'imaginer un monde sans eux, sans leur philosophie, sans, quelque part, des êtres pour montrer qu'il était possible d'abolir les frontières et les appartenances, et créer. Puisqu'au fond, ils pouvaient tous parler le même langage, partager la même mémoire, ils n'avaient qu'à s'unir, unir leurs connaissances, leurs moyens, et offrir au monde les merveilles qu'il couvait en secret, au cœur des esprits. Une sorte de cycle, la beauté qui s'auto-alimentait. Chacun, à leur façon, avait en eux une part d'édifice. Ensemble, ils pouvaient le rendre complet, de plus en plus fonctionnel.

Valmys était ainsi accoudé à la table, les yeux plein de songes et d'optimisme, à contempler les apports de Belethar, sa touche personnelle qu'il estimait être une version "corrigée" de la sienne, par une estime inavouée pour son rival. Lorsque ce dernier lui rendit son fusain, le jeune Cawr s'en saisit avec une grande délicatesse, du bout des doigts, en appréciant la légèreté et l'équilibre.

"- Il m'a été évoque que cet objet n'est guère des plus récents. Certains l'apparenterait au temps des Tarenths. Mon père me l'a confié. Il compte comme un de mes biens les plus précieux."

C'était bien étrange pour lui, par ailleurs. Il avait davantage eu l'habitude de ramener les biens précieux au Domaine, pour repartir l'esprit libre et le corps prêt à subir les tourments de l'aventure. Désormais, il devait faire attention à ce que ses affaires ne soient pas malmenées. Par chance, un de ses biens précieux avait eu le bon goût de se mêler à son organisme, lui épargnant un tracas.

Valmys réfléchissait bien sagement à une quelconque façon de créer un duplicata de Nacre pour l'anniversaire de son rival, quand la conversation nécessita à nouveau son attention. Reprenant son fusain, l'apprenti architecte commença à tracer des lignes.

"- J'ai peur que si nous nous départageons de façon trop nette la ville, la différence entre nos styles donne une impression de fracture. Nous pourrions nous diviser de façon plus subtile le travail, suivant un motif, un peu comme ceci... Ou faire une maison sur deux. Je pensais aussi te laisser faire les bâtiments administratifs..."

Belethar signifiant préférer qu'ils se partageassent la tâche selon un motif, Valmys eut un sourire amusé. Tous deux se penchèrent sur la table pour murmurer, cherchant quelque symbole de bon aloi, que les générations futures pourraient chercher à interpréter. Le symbole adéquat trouvé, ils purent tous deux partir à leur labeur. Le jeune Cawr s'était immédiatement proposé pour mettre son élément au service de leur œuvre, en commençant par définir les grandes structures. Il lui fallut bien toute la journée pour les mettre en place, ces immenses arcs de cercles qui défiaient ciel et terre, ces piliers qui allaient servir de base aux prochains bâtiments. Au soleil couchant, Belethar disposait de tout le nécessaire pour construire là où cela lui chantait, et sculpter si l'envie lui prenait. Les étages de Nevrast étaient déjà accessibles, les sous-sols étaient grossièrement définis, avec leurs puits de lumière. Valmys avait profité de ses pauses pour griffonner certaines idées, afin de n'avoir plus qu'à les mettre en place le lendemain. Les vampires, eux, observaient ces premiers changements avec perplexité. Le Cawr répondait avec un sourire serein, leur conseillant de lui faire confiance.

Ce soir-là, Valmys se jeta dans son lit avec grande satisfaction. N'avoir pas à chercher où dormir et que manger était un luxe qu'il appréciait toujours autant, surtout lorsque quelque parent attentionné avait fait venir pour lui de quoi contenter son régime alimentaire. Le jeune sainnûr profitait du meilleur de son existence, n'avait plus qu'à ravir son imagination de toutes les merveilles qu'il allait pouvoir faire demain. Il allait épater les vampires, c'était certain ! Ils allaient tout de suite lui faire bien davantage confiance. Mais par où commencer...

La nuit fut spéciale. Elle fut de ces nuits où rêves et réalité se mêlent. Valmys fut surpris de ne pas y croiser Dawan, tant ses rêves furent précis. Peu importait ! Sa priorité était à Nevrast. Alors il continua d'y songer. Ne manquait-il pas une pièce maîtresse à tout cela ? Comme... Oui. Une sorte de spirale de vitraux, au centre de la ville. Elle aurait eu sa pleine largeur au niveau du sol, s'élancerait vers le ciel en une pointe entortillée, descendrait vers le sol en une même pointe, inondant la place centrale des sous-sols d'une lumière colorée, juste assez tamisée pour ne pas heurter les plus fragiles êtres de la nuit. Oui, parfait ! Et au sein de cette spirale, il y aurait eu un système, permettant aux vampires d'accéder aux divers étages de la ville sans passer par les escaliers. Un système avec des cordes, des poids et contres-poids... Ouais ! Voilà qui allait épater tout Tiamaranta ! Tout s'assemblerait autour, Nevrast allait vendre du rêve...

Étrangement, Valmys se leva plus fatigué qu'il aurait dû l'être. Se frottant les yeux, baillant tel un chat après une dure journée à ne rien faire. Plus ou moins à l'aveugle, il se glissa dans les couloirs de l'auberge, mit en danger son existence dans les escaliers, avant de s'affaler sur une chaise qu'il avait désormais élue comme Sa Chaise©. Ah, Belethar était déjà réveillé ! Le Cawr lui adressa un salut ensommeillé, avant de se commander thé et fruits, pour se réveiller. Les deux éléments ne tardèrent pas à arriver.

"- Alors, prêt pour une nouvelle journée à faire des merveilles ?"

Son ton était enjoué, se voulait encourageant. Valmys avait été éduqué à l'émulation plus qu'à la compétition. Lorsqu'il eut enfin la douce chaleur de son thé contre son visage, le fils d'Aldaron réalisa qu'il y avait un peu d'agitation dehors. De ce qu'il comprit, il adressa un sourire en coin, taquin, à Belethar.

"- Roh... Ne me dis pas que tu as profité de la nuit pour prendre de l'avance ? L'idée n'est pas de t'épuiser dès les premiers jours..."

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Belethar écouta poliment les explications de Valmys concernant les origines de son fusain : un artefact du temps des Tarenths ? Mais où Aldaron avait-il trouvé une telle relique ? L’Espérancieux se frotta sa petite barbe, avant de finalement se résigner. Il savait pour l’avoir fréquenté longtemps que l’Elfe d’autrefois avait de nombreuses ressources dans sa poche.

Il n’était donc pas très étonnant de voir un tel artefact dans les mains d’un de ses fils. Mais là n’était pas le noeud du sujet : encore quelques conversations plus tard, et les deux hommes se mirent finalement sur un partage équitable de cette lourde tâche qui attendaient les deux maîtres architectes.

Belethar suivit l’opinion de Valmys de construire selon un motif : il préférait de loin cette option là plutôt que de s’embêter à faire une maison sur deux. L’architecte en lui habitué à des plans de grands travaux trouvait cela plus joli de procéder ainsi, et surtout il fallait le dire : beaucoup plus pratique, puisque chacun pouvait faire sa partie sans vraiment déranger l’autre.

Alors il y eut grande discussions sur la forme du motif, et beaucoup de rigolades sur les potentielles formes de celui-ci au passage. Les deux personnages avaient beau être des rivaux d’apparence, ils s’entendaient bien sur de nombreuses choses et l’humour en faisait partie. Même si celui-ci ne volait pas toujours très haut, une entente fut rapidement trouvée entre les deux membres de l’Ordre.

Puis quelques instants après, chacun se mit à la tâche. Valmys se proposa de poser les grandes fondations, aussi Belethar décida de son côté de travailler ses plans d’architecture, et de rassembler le matériel dont il prévoyait d’avoir besoin.

Au vue du budget du commanditaire de ces travaux, et des pouvoirs de chacun, ils ne manquèrent pas de matières premières, mais le Pater Familias préférait autant être prévoyant et décider rapidement de quelles choses il avait besoin pour ses constructions : il en informa Valmys pendant la journée, et fit bien en sorte d’arranger ses besoins dans un petit coin de la ville.

Belethar s’occupa le reste de la journée en aidant Valmys là où il en avait besoin, et en profita pour converser avec les vampires de la région. Si ceux-ci étaient amicaux envers ceux qui venaient leur redonner un toit digne de ce nom, ils firent tout de même une mine perplexe en voyant les deux hommes travailler, se demandant bien à quoi tout cela pouvait ressembler au final.

L’Enwr leur confia d’attendre, et de “laisser faire la magie de leur métier”, leur garantissant qu’ils ne seraient pas mécontents du tout du résultat. A dire vrai, il n’avait pas grand chose de plus à leur dire, si ce n’est cela. Même si les deux baptistrels faisaient leur construction devant eux, ils contaient tout de même garder un minimum d’effet de surprise, aussi les deux hommes s’étaient mis d’accord pour ne trop rien dire au peuple vampirique, qui était logiquement impatient du résultat.

Une fois la préparation du terrain faite par Valmys, Belethar s’attacha à construire les premiers bâtiments administratifs et officiels. En vérité, il était ravi que le Cawr lui ait confié cette tâche, parce que c’était quelque chose qu’il aimait faire. Construire des bâtiments de pouvoir étaient une chose rare, dans la mesure où la plupart de ceux-ci étaient simplements rénovés ou agrandis parfois, parce que ceux-ci étaient généralement là depuis des temps immémoriaux …

Alors quand l’Enwr avait l’occasion d’en faire, il acceptait cela avec grande joie : cela lui permettait de faire prendre sens à toutes ces idées d’histoire, de symbolique qu’il avait généralement travaillé un peu avant ses constructions … Et d’une façon générale, Belethar aimait se dire que son travail allait potentiellement avoir une trace indélébile, et perdurer sur plusieurs générations.

C’était un des plus grands plaisirs d’exercer son métier, et une façon très concrète de montrer que l’on pouvait laisser sa petite pierre sur son monde, littéralement.

Une fois les deux ou trois premiers bâtiments érigés et la nuit tombée, Belethar s’en alla prendre une bonne nuit de sommeil bien méritée.

Le Pater Familias avait cependant l’esprit bien occupé, aussi se leva t-il à l’aube pour reprendre son travail au plus vite. Il ne fallait tout de même pas que Valmys prenne de l’avance parce qu’il était resté sur sa paille chaude trop longtemps, non non non !

Belethar se prépara en vitesse, et eut un demi plaisir à voir son collègue ensommeillé au petit matin. Sans doute qu’il allait être moins opérationnel au matin, et l’Espérancieux pouvait capitaliser là dessus pour prendre l’avance dont il avait tant besoin face à cet adversaire de taille. Il le salua cependant sur le même ton amical, préférant garder loin de lui tout esprit de véritable rivalité, sachant qu’il n’y avait en jeu que simplement l’honneur et peut être des semaines de bonne blagues sur le perdant qui n’avait pas été suffisamment rapide.

Cependant le lever fut bien agité pour Belethar, aussi n’eut-il pas temps de se commander quelque chose à manger que l’agitation se faisait sentir dehors : les vampires devaient probablement regarder les constructions de la veille. Le Pater Familias se frotta la barbe, trouvant cela étrange : pourtant il n’avait pas encore fait les pièces maîtresses de son oeuvre …

C’était bizarre. Valmys lui demandait s’il avait pris de l’avance pendant la nuit, mais Belethar lui certifia que non : après tout, nul besoin de cela tout de suite, vu qu’après tout le Cawr avait été rapidement dormir après avoir fait toutes les fondations …

Mais tout de même, bien curieux de savoir ce qui suscitait l’agitation, Belethar sortit et constata que …

Une soudaine énorme spirale de vitraux avait été posée au centre de la ville. L’Espérancieux s’approcha, et se pinça pour savoir s’il rêvait, mais non, elle était bien là. Il frotta ses quatres pupilles, et alla voir toute l’ingéniosité de la construction de plus prêt : non content d’être un chef d’oeuvre artistique, la spirale était aussi composée d’un système permettant aux habitants Nevrast de pouvoir aisément naviguer entre les plusieurs étages de la ville …

Et au beau milieu de tout ça, la parfaite petite pile que Belethar avait fait pour ses constructions avait disparu.

Il n’en fallu pas plus au Pater Familias pour débouler ni une ni deux dans l’auberge où les deux constructeurs logeaient, pour interroger plus en détail son compère. Pendant que celui-ci était entrain de manger, Belethar se commanda également de quoi se sustenter et il fit à Valmys :

“Je ne remettrai pas en cause notre serment, et le fait que tu m’aies menti sur l’existence de cette spirale de vitraux très ingénieuse qui a poussé magiquement du sol pendant la nuit mais … Est-ce que tu pourrais au moins m’expliquer comment tu t’y es pris, pour faire apparaître quelque chose d’aussi somptueux pendant une seule nuit ?”

Quelques minutes après, Belethar reçu son manger et commença lui aussi à se délecter des plats simples qu’il avait commandé. Entre deux bouchées, il continua :

“Et aussi, les matières premières que j’avais indiqué vouloir garder … Où sont-elles passées ?!”

Belethar n’en revenait pas. Tout cela en une nuit … Il se demandait bien quelle histoire le Cawr allait pouvoir lui donner pour bien expliquer la situation cette fois-ci.

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Ah, Belethar avait le bon goût de partir en éclaireur ! C’était un peu d’énergie d’économisé, un peu de temps de repos en plus pour le jeune Cawr. Belethar avait l’air si frais et pimpant, et lui commençait à se demander ce que sa nuit avait eu de si spécial pour qu’il se réveillât ainsi. Le Pater Familias allait prendre de l’avance, il allait falloir trouver un moyen de le rattraper. Ahlala. C’était à se demander qui, d’eux deux, avait la vingtaine et l’immaculation, et qui était un humain dans la force de l’âge.

Le Chanteterre avait le nez dans sa tasse de thé, les paupières tombantes, quand Belethar revint, avec des nouvelles surprenantes. Valmys posa lentement son thé, un sourcil haussé, perplexe. Une… Spirale de vitraux ? Comme dans son rêve ? Mais, c’était impossible ! S’il avait dû la construire, il s’en serait souvenu, tout de même. Il avait juste rêvé de la construction finie. Étrange, étrange. Troublé, le Cawr se leva, pour obtenir le fin mot de cette histoire.

Il resta ébahi, devant la découverte. C’était bien là la spirale de son rêve. Aussi belle et colorée qu’il avait pu l’imaginer. Il y avait même ce fameux système de déplacement inter-étages. Il allait falloir le soumettre à quelques tests, pour établir les mesures de sécurité, mais…. Le principal était là. Les vampires alentours se montraient tous aussi intrigués que lui, et commençaient à émettre leurs premières hypothèses sur ce à quoi allait ressembler la ville, en bien ou en mal. Valmys n’écoutait que d’une oreille distraite. Le principal de son attention se focalisa sur ses propres vibrations.

L’héritier de Dawan revint auprès de Belethar, alors que celui-ci venait de recevoir ses plats. Il se laissa tomber sur sa chaise, son expression parlant bien mieux que lui de sa propre stupeur. Il cherchait encore les mots pour expliquer, pour s’excuser, quand son ami lui évoqua un sujet pire encore, qui lui fit perdre quelques couleurs. Ah. Les matières premières. Il ne les avait pas vues, et n’avait fichtrement aucune idée de ce qu’elles étaient devenues, mais le peu d’hypothèses qui lui venaient suffisaient à le pousser vers un sentiment de culpabilité.

Finalement, il baissa le nez vers son assiette de fruits et, les mélangeant distraitement du bout d’une cuillère, murmura :

“- Je te les fournirai. Je suis désolé, ce n’était pas volontaire.”

Il embraya alors sur des explications - c’était bien la moindre des choses qu’il lui devait. Il conta le Chant-Nom d’un ChanteCiel enfermé dans une pierre, puis la fusion de la pierre avec lui et, maintenant, cet étrange pouvoir qui se révélait : le rêve devenu réalité. Ce disant, ils furent rejoint par un compagnon quadrupède peu commun. Valmys le présenta comme Servalwir, et expliqua que c’était un serval bien particulier : outre son pelage unique, sombre et long, il était très sensible aux compliments. Là, qu’il voie : il suffisait de rappeler au serval combien il était beau, et doux, et fort, pour que les ronronnements fusent. Quelques caresses amplifièrent encore les ronrons. Servalwir avait passé la journée précédente à se “remettre de leur voyage”. Une façon polie de dire qu’il s’était prélassé sur le lit de Valmys, profitant de son absence pour s’étaler autant qu’il le souhaitait. Mais qui aurait reproché quoi que ce soit à un aussi charmant minois ?

Les travaux reprirent, la surprise matinale étant passée. Valmys chanta pour offrir à son ami les fameux matériaux qui avaient disparu, avant de partir cacher sa honte sous terre, avec Servalwir. La structure ayant été faite la veille, le Chanteterre n’avait plus qu’à s’amuser à remplir tout cela de jolies maisons. Il dut s’y reprendre à plusieurs fois de temps en temps, pour corriger les erreurs de sa fatigue. Servalwir lui fut alors d’un soutien psychologique indéniable.
Les sentiers des souterrains s’ornèrent de cette étrange mousse bioluminescente qui parfois poussait dans les grottes de l’archipel. Ils dessinèrent des chemins, des motifs, sur les sols, murs et plafonds. Les premières maisons apparurent : bâtisses hautes et élancées pour certains quartiers, petites sphères plus cosy et aérées pour un autre, selon la préférence de chacun. Le tout s’ornait de bas-reliefs plus ou moins abstraits, qui parfois liaient les maisons entre elles. Géométrie, flore, éloge au peuple vampirique, à la nuit. Autour de la spirale centrale, il s’amusa à créer un péristyle, des colonnades que soutenaient des statues d’êtres-métaphores. Celle-ci pour les Tyr, celle-ci pour les Àst, celle-ci pour les Raudr… Venaient ensuite les statues aux Huit. Une douzième statue fit son apparition, pour la Nuit à nouveau. Fier de lui, Valmys remonta à la surface, vérifier que tout allait bien pour Belethar, et commencer à entamer sa part à la surface. Son ami lui en voulait-il encore ?

Le Chanteterre fit de son mieux pour s’accorder avec ce qu’avait déjà produit le Pater Familias, en matière de maisons… Du moins, au début. Bien vite, son quartier se trouva outrageusement végétalisé. Ses maisons s’articulaient autour d’un parc, d’une fontaine, et d’un ensemble de braseros. D’abstraites sculptures occupaient l’endroit, faites pour accueillir la glace, et alors prendre véritablement forme : des Esprits-Liés hivernaux, joueurs. Ceci fait, Valmys ajouta du lierre, ici et là, un système pour obtenir de l’eau à la façon des elfes, des fleurs sauvages au pied des demeures. Il lia certaines maisons entre elles par le toit ou les étages, laissa de l’espace pour que les échoppes et leurs clients n’entravent pas la circulation qui, un jour, serait abondante ici, il en était sûr.

Les premiers jours se déroulèrent ainsi, de création en création. Valmys fit de son mieux pour ne plus rêver de bâtiments, par respect pour son rival. Il essaya plutôt de ramener quelque gourmandise pour son serval. Les quartiers suivants s’ornèrent de vitraux, de verrières, de jardins intérieurs. En hauteur, les demeures n’étaient pas plus démunies de végétation. Certains arbres poussaient même au coeur d’habitations, d’autres sur l’extérieur venaient apporter un peu d’intimité par leur feuillage. Quelques liasses de fleurs pendaient également depuis les hauteur, comme cherchant à joindre les différents étages.
Les vampires avaient eu tôt fait de préférer les constructions nouvelles à leurs bicoques branlantes. Certains avaient attendu l’avancement des travaux afin de choisir celle qui serait la plus à leur goût. Valmys profita de l’opportunité pour leur proposer ses services de décorateur d’intérieur. Il passa de famille en famille, arrangea les pièces de la maison à leur convenance, et leur offrit les meubles dont ils avaient besoin, sculpta les coins et recoins selon leurs préférences, leurs esprits-liés, leur caractère. Les vampires allaient découvrir le luxe de rentrer chez soi avec l’assurance d’un confort qui leur ressemblait, qu’ils avaient bien mérité.

Un midi, alors que Valmys redessinait le résultat de leur labeur par la pointe de Nacre, il constata un certain point :

“- ...On a presque fini, non ? Que nous reste-t-il ?”

Demanda-t-il à son terrible rival, la bouche à moitié pleine de tubercules propres à Nyn-Tiamat. Ils avaient peut-être un peu dévié des plans de base. Dans tous les cas, ils n’allaient pas tarder à devoir compter les points, et décider de celui qui allait gagner le très précieux Droit de se la Ramener.

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Belethar s’aperçut d’abord que le pauvre Chanteterre était bien abasourdi par les nouvelles qu’il lui ramenait. En vérité, il arbora une mine perplexe puis partit dehors, sans trop rien dire. Le Pater Familias se frotta la barbe, se demandant à quoi il jouait. Allons bon, lui aussi ne savait pas d’où cette spirale de vitraux sortait ?

Pourtant ils étaient bien juste tous les deux à être des architectes dans cette ville, et qui plus est aussi talentueux. Quelques instants plus tard, Valmys revint avec une mine tout aussi ébahi. Puis il perdit quelques teintes de couleur sur sa peau à la question de Belethar.

“- Je te les fournirai. Je suis désolé, ce n’était pas volontaire.”

Le Pater Familias fut touché par l’attention du jeune Cawr, et sa mine réellement attristée, alors qu’en vérité ça n’était pas plus problématique que ça, vu les talents de chacun en magie. Belethar lui fit donc :

“Ne t’inquiète vraiment pas. C’est plus qu’accessoire. En revanche si tu as un début d’explication pour tout ça …”

Valmys ne tarda pas à en fournir, des explications. Aussi Belethar fut-il surpris d’entendre que le Chant-Nom d’un ancien Baptistrel avait été enfermé dans une pierre, créant ainsi des propriétés uniques sur cet artefact magique, qui rendait entre autres les rêves bien réels. L’Espérancieux tâcha de prendre des notes sur cela : après tout, il était encore étudiant, aussi fut-il content de connaître certains détails concernant le Chant-Nom, qui il est vrai pouvait prendre bien des aspects.

Sur ces entrefaits, Belethar salua le fidèle compagnon serval de Valmys, à grands renforts de caresse et de nombreux compliments comme quoi il était le meilleur de tous les servals. Le Pater Familias n’était pas vraiment du genre à vouloir dresser un animal, lui même considérant voyager trop souvent par lui même pour pouvoir réellement s’en occuper comme il l’aurait voulu, cependant il comprenait que des êtres vivants pouvaient se lier avec des créatures bien formidables. Voir même, il appréciait d’en croiser, car généralement ceux-ci étaient heureux de vivre avec leurs compagnons. En l’instance, Belethar ne se doutait pas un seul instant que ce Servalwir ne pouvait qu’être très content de partager la route de Valmys.

Le Cawr était d’un naturel très attachant, Belethar ne se douta pas qu’il devait en prendre grand soin. Sa gentillesse naturelle était d'ailleurs à se demander pourquoi le Chanteterre n’avait-il pas eu plus de conquêtes amoureuses, dans sa vie … Se doutant qu’il devait être très timide sur la question, le Pater Familias n’avait jamais osé lui en parler, mais peut-être devrait-il lui poser la question, un jour. Belethar se secoua la tête avec un petit sourire, cachant ses réflexions amusantes au fond de son esprit : parfois, c’était à se demander quel âge l’Espérancieux avait vraiment …

Une fois qu’il eut fini sa collation du matin, et Valmys remercié de lui avoir redonné les matières dont il avait besoin, Belethar se remit à construire, aussi vite et bien qu’il le pouvait. Lui s’attaqua au dessus de Nevrast, et tâcha de donner à cette ville l’allure dont elle avait besoin.

Si les souterrains de la ville représentait la partie “cachée” et donc plus intimiste de Nevrast, le dessus se devait d’être resplendissant. Que chacun fassent un “Wahou …” d’émerveillement quand ils voyaient les premières pierres de la ville, au loin. Belethar se craqua les doigts, et s’attacha de construire le port, d’abord. Le Pater Familias avait vite compris que Nevrast serait une plateforme d’accès à Nyn-Tiamat très importante, aussi fallait-il que le premier point qui guide les visiteurs sur celle-ci soit authentiquement parfait.

Sa récente visite à Caladon l’avait inspiré, aussi il se confia la mission de donner un coup de jeune au Port. Il se retroussait les manches, et aménagea de très grands espaces sur la côte, destinés à accueillir de grands bateaux. Pontons, grands entrepôts, petites places ça et là pour créer du commerce avec les habitants, mais aussi auberges et autres tavernes pour permettre aux voyageurs de passage mais aussi aux marins de se reposer après une journée de rudes efforts.

La construction de tous ses éléments pris bien une grosse partie de la journée à Belethar, cependant, il trouvait que tout cela manquait d’une pièce maîtresse. Tout ceci se tenait, et probablement que le port était très joli ...  Mais le véritable effet “Wahou” n’était pas encore atteint. Se demandant ce qui pouvait bien être sa pièce maîtresse au sein de ce quartier, Belethar déambula dans le port, avant de regarder au loin de celui-ci.

Perdu dans ses réflexions, il vit non loin un monticule de pierre, plat, que les terribles lames de la mer semblaient racler inlassablement. Là, Belethar eut un éclair de génie. C’était cela qu’il cherchait. Il trouva un moyen grâce à son spirite du Pingouin de braver l’agitation de la mer, et fut en moins de temps qu’il le faut pour le dire, arrivé sur son monticule.

Là, ne faisant presque qu’un avec la trame (et priant pour qu’il ne rencontre pas d’accidents avec la magie), il laissa libre court à sa créativité. Bientôt, se forma devant lui un édifice qui était certes petit en largeur, mais qui se tenait là, droit, rectiligne, fait de solides pierres sombres.

Belethar se concentra un peu plus, et paracheva son oeuvre avec en son milieu, un grand vitrail dans lequel, si l’on regardait de près, était dissimulé parmi d’autres détails une petite double pupille, signe de famille de l’Architecte. Le sommet de cette tour était dénudé de toutes constructions, aussi Belethar aménagea un espèce de grand espace destiné à un grand brasier, magique ou non, lui même entouré de ces pierres sombres qui composaient la tour.

Le Pater Familias eut un petit sourire, avant de subir un gros contrecoup de tout cette dépense d’énergie soudaine, et de s’allonger sur le sol, presque inerte.

Nevrast avait son phare, sa pièce maîtresse qui ferait pousser des cris d’émerveillements à tous ses visiteurs. Belethar ferma les yeux, et s’endormit sur place, heureux de la chose qu’il avait produit.

Les jours filèrent ainsi à toute allure, et furent tout aussi intenses pour l’Architecte : Valmys était un adversaire de taille, aussi fallait-il que Belethar redouble d’ingéniosité pour pouvoir espérer le vaincre. Le Pater Familias apporta ainsi tout son savoir au service des vampires, et quand il eut fini de construire les bâtiments officiels, tâchant de garder cette même  verticalité et droiture dans les bâtiments, symbole de puissance et souhait de grandeur, Belethar s’attaqua aux maisons.

Pour cela, le Pater Familias s’y prit autrement et mena une petite enquête : il profita de la présence des vampires qui allaient d’émerveillements en émerveillements en voyant les quartiers poussés de leur ville insalubre, et les interrogea sur ce qu’ils aimeraient avoir comme propriétés, dans un monde idéal.

Si l’Enwr ne pouvait décemment pas exaucer les souhaits de chacun, il tâcha de les prendre en compte un maximum, et s’inspira de leurs attentes pour créer la maison de leurs rêves, gardant en tête son fil conducteur qu’il avait imaginé pour rendre à Nevrast ses lettres de noblesse.

Comme pour Valmys, les vampires eurent tôt fait de choisir les nouvelles bâtisses à leurs anciennes masures. Belethar fut satisfait de voir que les services des deux architectes étaient grandement appréciés, et il ne manqua pas de féliciter son rival pour tout le travail titanesque qu’il avait fourni de son côté.

Un midi, alors que tous deux se félicitaient de leurs exploits et mangeaient un morceau pour se reposer de ses longues journées qu’ils venaient de vivre, Valmys lui posa la fameuse question, en redessinant l’avancée de la ville :

“- ...On a presque fini, non ? Que nous reste-t-il ?”

Belethar arqua un sourcil, puis l’autre, regardant de près les plans, avant de dire :

“Il doit bien nous rester quelques finitions à faire ça-et-là, mais tu sais je pense que l’on va pouvoir commencer à compter pour le résult… Attends, une petite minute ...”

Un détail frappa soudainement l’esprit de l’Architecte. Il écarquilla ses quatres pupilles (faisant sans doute prendre peur aux passants n’étant pas habitué à voir Belethar ainsi), s’écarta du plan, avant de regarder l’aspect global du motif … Il réprima un juron, et porta sa main à sa bouche.

“Je crois qu’il y a un problème avec ce motif …”

La chose était très subtile, mais maintenant que Valmys le dessinait dans sa globalité, Belethar s’en était rendu compte très vite. L’Enwr incita le Cawr à prendre du recul, avant de lui montrer ce qui clochait. Le motif rappelait étrangement les traits de la fameuse Licorne de Nyn-Tiamat, qui terrorisait bon nombres d’habitants ici.

Pris d’un grand embarrassment soudain, Belethar chuchota à son rival :

“De toute façon, pour n’importe qui de plutôt lambda dans cette ville, ça passera complètement inaperçu … Cela ne se verra que du dessus … Et l’on pourra toujours dire que c’est un symbole de puissance, d’autorité, et une preuve supplémentaire qu’ils ont su tiré part de leurs faiblesses pour en construire quelque chose de meilleur …”

A cet instant précis, le Pater Familias ne regretta absolument pas son étude de l’héraldique, et des symboles cachés que l’on pouvait voir dans la nature. Bon, c’était peut être un peu de mauvais goût, mais de ce petit accident, Belethar était convaincu que l’on pouvait l’exploiter pour faire quelque chose de plus grand.

Il regarda un instant son rival, avant de lui dire :

“Je pense qu’on peut commencer à compter les points. Nous finirons ce qui a besoin d’être fini, mais l’essentiel est là pour que Nevrast fasse son nouveau départ.”

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Un problème avec le motif ? Valmys s’écarta de son schéma tridimensionnel, pour l’observer sous le même angle que Belethar. Contrit, il fronça les sourcils, émit ce son de succion de dents qui lui était si particulier et serra les poings. Toutes les erreurs n’avaient pas le même impact, et il aurait préféré éviter une erreur qui impliquait une ville entière. Ce fut son rival qui parvint à mettre fin à ses calculs de nouveaux plans. Un symbole de puissance, hein ? Pourquoi pas. Cela pouvait faire un bel emblème, après tout, aux couleurs locales. Ils avaient bien utilisé lions et ours en Ambarhùna. La licorne n’était que plus impressionnante encore, par ses multiples capacités et sa puissante magie.

Le Cawr opina du chef, l’air grave, avant de sortir ce pour quoi ils s’étaient réunis : le carnet où les points allaient être comptés. Concrètement, c’était à la fois son carnet de dessin et de prise de notes, ce fameux carnet renforcé pour affronter les éléments qui avait vu passer autant de vibrations étranges que de golems anciens. Prestement, Valmys dégota une page blanche sur laquelle le graphite vint tracer deux colonnes, prêtes à accueillir les points recueillis selon certains critères.
Avec -presque- beaucoup de sérieux, et très consciencieusement, les architectes commencèrent ce très important ouvrage qui les avait menés là. Les premiers points relevaient de la pure technique, du choix des matériaux, de leur utilisation. Les points demandaient parfois un calcul complexe de surface construite, de routes pavées, et de décorations achevées. Valmys avait même pris le temps de récolter les témoignages des habitants pour pouvoir ajouter leur parole aux calculs. D’autres points très importants furent constatés, comme le nombre de chameaux sculptés en douce, le nombre d’yeux -et non pas de pupilles- cachés dans les bâtiments, les passages secrets, la prime de risques lorsqu’ils avaient travaillé sur la sécurisation des hauteurs et sous-sols, la participation à la fameuse licorne…

Le résultat final ne parvint pas à effacer du visage du Cawr son expression préoccupée. Ils ne pouvaient rester sur une égalité, cela n’avait pas de sens ! Pourtant, aucune autre idée ne venait pour ajouter ou supprimer des points. Ils avaient fait le tour du sujet et, même en vérifiant les calculs, le résultat était là. C’était fâcheux. Valmys appuya son dos au dossier de sa chaise, attrapa son menton entre ses doigts pour mieux activer les mécanismes de son cerveau. Il y avait fatalement une solution.
Finalement, il demanda à Belethar de surveiller ses affaires un instant ; le temps pour lui d’aller chercher quelque objet dans sa chambre. Il revint avec une pierre reconnaissable entre toutes. La posant sur la table, il l’activa par son mot de passe : “fortune”. Bientôt, la figure de son père apparut, comme ectoplasmique, au-dessus de la pierre. Immédiatement, comme poussé par un instinct, Valmys perdit son air sévère pour offrir à son père un grand sourire ravi et un petit regard brillant. Il était toujours heureux de le voir.

“- Bonjour Dähddy ! C’est Valmys ! Tu vas bien ? Je ne te dérange pas ?” Sa voix elle-même était partie subtilement dans les aigus. “On a quasiment fini Nevrast avec Belethar, j’aurais aimé savoir si tu pensais pouvoir passer nous donner ton avis, à un moment… Et si papachroma serait intéressé aussi.” Son sourire s’élargit. Oui. Papachroma. Le terrible Elusis, l’incendiaire… Papachroma. C’était son petit surnom affectueux. Habituellement, il ne l’utilisait que devant Aldaron. Là, il avait peut-être oublié qu’il n’était pas seul.

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Prendre soin de ses vampires Dark-s10



Il s’ennuyait. Il s’ennuyait ferme. Son Élu était parti sur une terre froide, où votre pelage se hérissait sous le vent tant son haleine glacée le chahutait. Une terre stérile, où les rats et autres petits rongeurs étaient bien malingres. À peine des en-cas dignes de satisfaire son appétit insatiable.

Et inutile de compter sur son Élu pour lui offrir de belles proies, ce dernier ne chassait pas. Il avait vite appris que son Élu ne mangeait pas de chair fraiche. Pas de chair du tout, d’ailleurs. Il lui avait dit un jour ne pas pouvoir tuer non plus, pas même pour se nourrir. Cela lui avait semblé sur l’instant inepte. C’était le cycle de la vie, les petits rongeurs et autres proies étaient nés pour nourrir les plus puissants chasseurs, c’était ainsi ! Mais au fond de lui, une voix, qu’il commençait à bien connaître, lui avait expliqué. Une créature pouvait être puissante sans pour autant chasser ou tuer. Tel était son élu, un elfe devenu sainnûr, un puissant Cawr, un être où magie pulsait en lui, qui l’avait bercé depuis sa naissance, faisant de lui un être exceptionnel. Ce qui en soi, était normal, puisque c’était son Élu. Il n’aurait rien choisi de moins. Toutes ces notions lui paraissaient alors aussi incongrues qu’évidentes. Son esprit pragmatique servalesque se disputait à l’analyse elfique serillieïenne. Comme souvent en son esprit, deux pensées cohabitaient, deux réflexions, parfois se combinant, parfois se confrontant. Il préférait alors parfois laisser les pensées voguer sans trop s’y attacher. Après tout, elles étaient plutôt volages, allaient, venaient, impermanentes, sans consistance ni existence propre. Quand elles le perturbaient trop, il les observait un temps, puis les relâchait. Telle une proie qui ne semblait pas de bon goût.

Tout ça pour dire qu’il s’ennuyait. Chasser ces maigres mulots ou ces rachitiques souris allait un temps. Même les oiseaux n’avaient que les plumes sur les os. Heureusement quelques bipèdes semblaient l’avoir pris d’affection, incapables de résister à son charme légendaire, et lui fournissaient parfois de belles viandes goûteuses. Ce qui n’aidait pas à chasser son ennui.

Il avait voulu suivre son Élu. Où il allait, il irait aussi. Son instinct l’y poussait. Autant qu’il le pouvait en tout cas, car son Élu voyageait beaucoup et parfois ne voulait pas le laisser venir. Mais pour cette fois-là il avait rusé, et s’était faufilé, puis quand il s’était fait démasquer, avait usé de tous ses atours, ventre en l’air, dans un appel ronronnant, pour convaincre son Élu de le garder avec lui. Mais il avait hâte que son Élu revienne dans son beau jardin boisé sur ces terres plus chaudes et plus fertiles, où la faune foisonnante était fascinante. Certaines espèces là-bas étaient particulièrement retorses à chasser et ça devenait un réel plaisir de jeu.

Parlant Élu… Le voilà qui revenait. Il venait apparemment chercher une pierre dans ses affaires. Servalwir observa le manège de l’Élu et plissa les yeux, jalousie se faisant sentir, quand il le vit repartir sans même une caresse à son adresse. Était-il devenu transparent ? Nonchalant, il se releva donc, s’étira, d’abord à l’avant, puis à l’arrière, et sortit. D’un ronronnement, il paralysa quelque temps un bipède qui passait par là, par pur plaisir de l’embêter, tout en lui faisant les yeux doux teintés de fausse innocence. Puis de son pas félin tout en élégance, il retrouva son Élu.

Ce dernier venait de faire apparaître une silhouette que le serval connaissait bien maintenant. Le "père" de son Élu. Une histoire compliquée, la parenté. Ils n’étaient pas liés de sang ni de semence, mais l’oreille pointue qui venait d’apparaitre s’était pris d’affection pour son Élu – mais qui ne le ferait pas ? Il était parfait après tout – et l’avait "adopté". Un mot déroutant une fois encore, qui déconcertait même sa partie serilleïenne. Il sentait alors en lui des remugles de confusion quand on parlait de "fils"…

Alors que son Élu s’adressait à l’oreille pointue à la silhouette éthérée, qu’on ne pouvait même pas toucher, Servalwir s’invita sans aucune gêne et vint se frotter sans aucune retenue contre les jambes de son Élu. Comme marquant et son territoire et son affection. Et réclamant son attention. Puis ne le voyant pas réagir de suite, il s’incrusta entre la vision éthérée et son Élu, posant les deux pattes sur la table et poussant doucement la pierre du museau. Puis, il se tourna vers son Élu et lui offrit un regard d’or à faire fondre même le plus retors des chasseurs, tout en ronronnant doucement, prenant soin de ne pas produire des ondes paralysantes. Calins, caresses, réclamait sa queue qui soudain voltigeait doucement devant son Élu.

Donner son avis ? Sur quoi ? Il avait entendu une fois son Élu parler avec le bipède aux yeux doubles, et tous deux parlaient de savoir qui des deux serait le meilleur. Il aperçut alors le carnet encore posé sur la table, avec des colonnes de signes… de chiffres, lui souffla la voix serilleïenne en lui. Un comptecomptage de points… Il aperçut aussi deux signes en haut du dessin… tableau… des noms… Et son Serilleïel parvint à comprendre, lui souffler, que les noms devaient être celui de son Élu et de son ami aux yeux doubles. Aussitôt Servalwir posa une patte sur le carnet, le poussa pour le faire tomber, puis revint vers son Élu et posa une patte sur son torse. C4était lui le meilleur. Forcément qu'il l'emportait sur tout le monde, c'était obligé. Pourquoi s'embêter à "compter des points" ? Est-ce qu'il comptait les points avec les souris lui ?

Puis, il alla se poser fièrement aux côtés de son Elu, assis, et cala sa tête d’office contre une de ses mains, tout en sondant de son regard d’or, profond et perçant, l’image éthérée du "père" que son Élu avait appelé.

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    Les ailes immenses de Nahui se déployaient majestueusement alors qu’elle prenait son envol. La sensation, dans son ventre, à chaque fois qu’ils quittaient la terre ferme, était toujours la même. Le poids qui le tirait vers le bas s’effaçait au profil d’une apesanteur enivrante, libératrice. Son esprit en effervescence jubilait d’une impression de toute puissance alors que les hères séléniennes devenaient de misérables points noirs, là, tout en bas. Il se détachait de tout cela. S’il ne haïssait pas le peuple humain, il maudissait la gangrène qui pourrissait dans la noblesse décadente qui entourait la Couronne Kohan. Tout cela tomberait. Tout cela serait soufflé comme un château de cartes mais pour l’heure, ses projets étaient mis de côtés pour ce vol vers Nyn-Tiamat.

    Nombreux seraient ceux qui n’accepteraient pas ses méthodes, et beaucoup crieraient à la trahison. D’autres verrait le coup de maître et la logique certaine qu’il y avait derrière tout cela. On pouvait hurler contre la Couronne des Kohans. Aldaron, lui, venait avec des solutions. Elles ne plairaient pas à tous mais il rêvait de réunir Calastin, sous l’égide de son époux. Mais alors que ses ambitions se tournaient vers l’île du croissant, celle enneigée traçait pour son clan d’autres projets. L’Alliance avec la Confrérie se solidifiait. Faust finirait par tomber devant Ivanyr qui s’en trouverait couronné d’un port insalubre. L’Ast le refusait. Nevrast serait un symbole de gloire.

    Voilà bien des mois que le Marché Noir avait acheté ces terres, vendues avec la candide volonté de résorber l’incroyable dette dont le peuple de la nuit était affublé. Et sur ces terres avaient jailli les édifices qu’il avait commandé à son fils Valmys et à l’architecte de grande renommée Belethar Espérancieux. A deux, ils donneraient bien plus d’allure à ce port pourri. C’était le résultat de cet investissement qu’Aldaron allait découvrir. Et il avait hâte. Les trois jours de vol avec Nahui ne lui semblèrent pourtant pas interminables. L’osmose qu’il partageait avec la saurienne aux blanches écailles ne saurait lui faire contempler le temps, et même le voyage, comme de l’ennui. Il conversait avec elle et si le sujet retombait souvent sur quelque chose ressemblant à une bavette, il partageait avec elle sa hâte, ses projets et ses désirs.

    Des désirs qui devenaient progressivement ceux d’un homme ambitieux en quête de pouvoirs. Tombait-il dans les travers qu’il avait longuement combattu ? Il est surtout las des déceptions qui jonchaient le chemin qu’il avait parcouru jusqu’à aujourd’hui. Il avait été l’homme de l’ombre, silencieux, mais ceux qu’il avait servi l’avaient trahi ou lui avaient craché dessus. A quoi bon la vertu, l’honneur et la loyauté quand seul le vice gagnait sous son nez et à sa place ? Il était las. Et s’il ne perdait pas ses idéaux, il se montrait plus expéditif et entreprenant. On le lui reprocherait sûrement. Mais on lui reprochait d’ores et déjà tant et tant que cela ne l’atteignait plus. Il ferait ce qu’il y aurait à faire pour que ce monde marche droit, dusse-t-il être totalitaire pour frapper l’infâmie trop lourdement ancrée en ce monde corrompu.

    Il n’avait pas peur.

    Ce fut splendide de survoler les terres glacées. Apercevoir ce phare colossal, les maisons fièrement dressées. Contempler les profondeurs dissimulées à l’éclairages bioluminescent. La dracène plana au-dessus de la ville, offrant au clan Faust le spectacle de la grandeur Elusis. Certains voyaient les efforts de ceux qui ne régnaient là où les projets d’Irina restaient à l’état d’embryon. En témoignait les fondations enneigées de l’académie de magie. L’Ast jubilait intérieurement. Était-ce bon joueur que de rire de la défaite de son ennemi ? Quand elle était aussi ridicule, le rire était bien légitime, non ?

    Une place immense fut l’endroit où Nahui se posa, admirant les alentours avec une très grande satisfaction. Tout ceci lui appartenait. Toutes ces bâtisses robustes, dressant leurs griffes noires contre les cieux comme un défi. Son port était régalien et ses mires verdoyantes se faisaient tranchantes sur ceux qui le regardaient de travers. Ingrats qu’ils étaient. Il leur avait offert ce que jamais Faust ne pourrait leur offrir et ils n’étaient pas capables d’exprimer, à défaut de gratitude, un semblant de reconnaissance. Les têtes tomberaient lorsqu’il serait l’heure. Cela viendrait. Il s’avança pour retrouver son fils, lui ouvrant des bras paternels où son enfant avaient toute liberté de se blottir.

    Ce fils-là lui plaisait beaucoup. Probablement était-il le seul qui lui apporte pleine satisfaction. Il n’était pas ingrat comme se montrait Eleonnora. Il passa ses doigts émaciés dans la chevelure de son petit protégé. Il aimait cet enfant, il aurait brulé des civilisations entières pour l’arracher des griffes de ceux qui auraient l’audace de le toucher. Il embrassa son front et visita avec Belethar et Valmys la nouvelle cité, allant de merveille en merveille. Leur travail était parfait et Aldaron ne manqua pas de féliciter tantôt leur fibre artistique, tantôt leurs idées, tantôt leur ingéniosité. Cela ne manquait ni de grandeur, ni de raffinement. Il aimait particulièrement ces deux mondes, les Galeries comme la Surface. Il aimait leurs caractères, à tout deux mais quand vint le moment, lui dit-on de les départager, Aldaron eu un sourire en coin.

    « Lequel de vous deux a eu l’idée de la Licorne ? » demanda-t-il, car évidement : il l’avait remarqué lorsqu’il fut sur le dos de Nahui. Et il aimait.

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C’était avec une joie non-dissimulée que Valmys avait accueilli la nouvelle : son père venait en personne jusqu’à Nevrast ! Pas question de projection astrale cette fois ! Lui et Belethar allaient déjà pouvoir étaler leur fierté devant leur principal client. À cette pensée, une pointe d’inquiétude vint se mêler à la joie et à l’impatience du jeune chanteterre. Et si ce qu’ils avaient fait n’était pas suffisant ? Et si cela ne plaisait pas à son père ? Certes, ils étaient loin des baraques de bois branlant et du sol de neige boueuse, mais si Aldaron avait désiré un tout autre style ? S’ils avaient transmis un message contraire, par maladresse ?

Le jeune Sainnûr avait eu du mal à dormir, surexcité qu’il avait été. Ses journées s’étaient dispensées entre les jeux plus ou moins pertinents avec Belethar, les retouches “finales de chez finales” à ses bâtiments, et les douces attentions portées à ce serval si intelligent qu’il en avait voté pour lui. Ainsi sa magie eut le temps de s’apaiser, et refaire de saines réserves, entre deux concours de “hmm” et chasses au plumeau. Valmys avait même tenté de se changer en hermine pour satisfaire les envies de chasse de son animal. Il lui faisait confiance, autant qu’il se faisait confiance pour quitter son avatar à temps.
De la neige où faire bondir ses papattes, des rires gras au milieu d’une auberge surchauffée, baignée d’odeurs de nourriture, un matelas où laisser tomber son petit corps, et de la fourrure ronronnante pour rappeler à son coeur le bon rythme. Il y avait bien pire comme contexte pour l’attente et la hâte.

Si Aldaron n’avait pas été un père désiré et adopté, la fierté de Valmys l’aurait peut-être empêché de bondir dans ses bras comme un grand enfant sous le regard double de son rival. Nulle fierté et nulle honte ne valaient assez pour égaler ce sentiment d’amour et de protection lorsqu’il était près de son père, et le baiser sur son front valait plus que tous les mots de réconfort du monde. La jolie troupe s’engagea sur les pavés des nouvelles rues de Nevrast, les architectes prenant grand soin d’expliquer la nouvelle ville son fonctionnement, et les choix qui avaient été faits. Un grand sourire illuminait le visage de Valmys, dont le regard oscillait entre son Père et les créations qu’il montrait, craignant que ces dernières, d’un coup, dévoilassent quelque défaut qui leur aurait échappé. Pendant ce temps, Aldaron restait muet de critiques, jusqu’au coeur de ses prunelles d’émeraude.

Ils arpentèrent ainsi toute la ville, de ses banlieues à son centre, sur terre, dans les airs, et sous le sol. Valmys avait cru surprendre le serval à hésiter entre retourner se reposer et les suivre, plusieurs fois. Il allait finir par devoir trouver un moyen de porter le terrible prédateur sur son dos. Quand enfin tous furent de retour à la taverne, Aldaron posa l’unique question qui pouvait encore changer le compte des points.
La licorne ? Ils l’avaient principalement faite à deux. Mais la majeure partie des bâtiments qui la délimitaient étaient de Belethar. Aussi Valmys le pointa-t-il du doigt, sans remord, lui accordant les points paternels. Mais avant que son rival ne se targue de la victoire, Valmys lui mit de nouveau sous le nez le décompte des points : la papatte du serval indiquait nettement un point, également, du côté du Sainnûr.

Ils durent se résoudre à l’égalité. Bah ! Tant pis. Ils se départageraient sur une autre ville. En attendant, Valmys proposa de fêter dignement leur commune victoire autour de chopes de jus de fruits -denrée rare et chère en ces lieux-, de lait, et de sang, selon les goûts de chacun. Très soulagé, le jeune maître baptistrel était euphorique de la situation. Il ne tarda pas à expliquer à son père le fameux Droit de Se La Ramener, et à le mettre en oeuvre tout de suite, exagérant un orgueil qu’il n’avait pas, juste pour le plaisir de s’auto-rappeler qu’il avait réussi la délicate tâche d’offrir à un peuple un toit, de la dignité, et des bases pour se reconstruire. Il allait de nouveau pouvoir dormir sur ses deux oreilles…
...Jusqu’à la prochaine ville !

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