Le vent griffait l'air comme un fauve découpant sa pitance.
Son grondement se muait de temps à autre en hurlements, lorsqu'il passait entre deux planches de bois agencées de sorte à aiguiser sa voix. Les lèvres pâles, Valmys observait d'un œil inquiet les quelques bicoques qui représentaient les maisons du peuple de la nuit. Son père l'avait averti des faits, mais ne l'avait averti de ce que la pseudo-ville de Nevrast inspirait à l'observateur. Pour celui dont les pères étaient vampires, un tel environnement n'inspirait que la honte. Certes, les vampires n'avaient pas froid. Mais il n'était pas question que de cela. Il était question de dignité.
Un fin nuage de buée s'échappait des lèvres du Sainnûr, et il était bien le seul aux alentours à pouvoir effectuer cela. Il sentait les regards se poser parfois sur lui, l'être dont le cœur battait. Si la sensation était étrange, elle l'était moins que celle d'avoir des gardes à ses côtés. La dernière visite d'Aldaron et de son fils en Nevrast leur avait confirmé qu'il y avait en ces lieux des gens qui ne voyaient l'ancien bourgmestre d'un bon œil. Fort de cette expérience, Valmys comprenait l'intérêt d'être bien entouré. Tout de même, il était bien moins libre de ses mouvements avec ces immenses vampires qui l'encadraient. Pas qu'ils l'empêchassent d'agir, mais l'éducation du jeune Cawr l'empêchait d'agir avec eux comme auprès de la solitude. En voyage, il y avait pris goût.
À ses pieds, la chienne Deïa se reposait, sa queue battait le sol à bon rythme. Son épais poil appréciait d'enfin servir. Néthéril était moins clémente envers elle.
C'était Valmys lui-même qui avait proposé à tout ce petit monde de prendre un peu l'air, en attendant l'arrivée de son coapprenti. Enfin, ancien coapprenti. Enfin, c'était un peu complexe. L'Ordre lui avait permis de faire la connaissance de ce jeune Homme, issu d'une famille dont il n'avait entendu que du bien, par l'intermédiaire de ses centres d'intérêt. Aussi lorsque le nom d'Espérancieux avait été évoqué, le regard de l'Enwr qu'il était à l'époque s'était illuminé, et leur commune passion avait noué entre eux ce lien étrange fait de bâtiments. Là où Belethar possédait toute la connaissance de sa famille, Valmys avait dans ses yeux des images venues de tout l'ancien continent, et dans ses doigts une magie capable de leur donner vie. Ensemble, ils pouvaient créer suffisamment d'émulation pour s'amener l'un et l'autre vers leur plus haut potentiel. Ou alors ils pouvaient créer de la compétition. Étrangement, cela arrivait plus souvent que ce que Valmys aurait pu croire. Lui qui n'était pas du tout un enfant de la compétition s'y trouvait bien plus enclin spécifiquement en présence de cette personne. Il ne savait pas pourquoi.
Toujours était-il qu'il avait hâte de se mettre à l’œuvre, et mettre à l'épreuve toutes ses capacités. Cela faisait fort longtemps qu'il n'avait pas usé de sa magie pour construire, véritablement, autre chose qu'un abri de fortune. S'il s'inquiétait d'être à la hauteur, il ne pouvait s'empêcher de songer que ce serait, dans tous les cas, mieux que l'état actuel des choses.
Il allait pouvoir profiter des vibrations, et de toute l'aisance et la force de ses nouvelles veinules. Il avait hâte de voir comment il allait lier son serment à ses créations, comment bâtir en accord avec le monde. Il avait hâte aussi de découvrir après combien de maisons la fatigue commencerait à naître en lui. Pour l'heure, seuls les sorts de téléportation avaient eu raison de ses forces. Un indicateur bien vague. Il savait tout juste avoir plus de facilités que nombre de ses congénères.
Fermant les yeux, Valmys chercha à ne plus voir les horreurs qui l'entouraient, pour se consacrer à ce qu'il était venu chercher hors de l'auberge, seul bâtiment vaguement correct de Nevrast. Le contact avec les éléments, et le plaisir de retrouver un climat froid, apaisaient son cœur. Les vibrations alentours parlaient des neiges qui approchaient bientôt, et de la force de chaque pierre et végétal face au froid. Le vent portait les embruns de l'océan, et la fraîcheur des pins de Licorok. Valmys revoyait des souvenirs anciens, du vieux continent, où il avait découvert la neige. Il l'avait aimée autant qu'haïe, elle qui rendait le voyage si ardu, mais si beau. Il revoyait son arrivée sur l'archipel, et la mise en place de fondations pour la survie. Des instants aussi laborieux qu'importants, durant lesquels il avait renoué avec le froid, en apprenant peu à peu à vivre avec. Le Domaine avait beau ne pas être sur cette île, Nyn-Tiamat gardait pour lui cette douceur d'un endroit où il avait commencé à faire son nid, lui-même.
"- Messire Elusis, le voilà."
Valmys rouvrit les yeux, et un sourire en coin vint finement froisser sa joue, malgré le mot "messire" qu'il n'appréciait pas tant. Un demi-tour, quelques pas, et ses joues retrouvaient la chaleur de l'auberge. Son ami était enfin réveillé. Les Hommes de l'auberge / d'Aldaron n'allaient pas tarder à lui apporter quelque plat et boisson pour réchauffer son ventre. Le jeune Cawr s'installa en face de lui.
"- Bien dormi ?" Il avait intérêt. Sans quoi le Sainnûr n'aurait aucune pitié de lui. Après tout, cela n'aurait fait qu'équilibrer le jeu. Valmys partait du principe que l'expérience et les connaissances de son interlocuteur lui apportaient un net avantage. "J'espère pouvoir prouver à tout l'archipel qu'il est possible de faire bien mieux que ce qu'est Nevrast actuellement." Son sourire en coin se plissa un peu plus. "Comment préférez-vous que l'on s'organise ? Par quartiers ? Il y a des bâtiments en particulier que vous souhaitez faire ?" L'hôtel de ville, l'hospice, une écurie ? "Si vous avez quelques conseils à donner pour cette situation précise... Je pense que patients seront ravis que vous les partagiez avec moi." Ce qu'il entendait par là, c'était surtout qu'il craignait de passer à côté d'une quelconque nécessité architecturale due aux lieu, aux habitants, au sol, ou que savait-il encore. Lui-même avait fait ses propres recherches, sur les maisons des climats froids, mais rien ne valait les l'expérience de quelqu'un qui aurait pu, avant lui, voir sa construction ne pas passer les premiers hivers.
Ils avaient un objectif précis, à accomplir en commun. Le reste, le tacite jeu de celui qui y parviendrait le mieux, devait partir sur une base bien plus altruiste.
Son grondement se muait de temps à autre en hurlements, lorsqu'il passait entre deux planches de bois agencées de sorte à aiguiser sa voix. Les lèvres pâles, Valmys observait d'un œil inquiet les quelques bicoques qui représentaient les maisons du peuple de la nuit. Son père l'avait averti des faits, mais ne l'avait averti de ce que la pseudo-ville de Nevrast inspirait à l'observateur. Pour celui dont les pères étaient vampires, un tel environnement n'inspirait que la honte. Certes, les vampires n'avaient pas froid. Mais il n'était pas question que de cela. Il était question de dignité.
Un fin nuage de buée s'échappait des lèvres du Sainnûr, et il était bien le seul aux alentours à pouvoir effectuer cela. Il sentait les regards se poser parfois sur lui, l'être dont le cœur battait. Si la sensation était étrange, elle l'était moins que celle d'avoir des gardes à ses côtés. La dernière visite d'Aldaron et de son fils en Nevrast leur avait confirmé qu'il y avait en ces lieux des gens qui ne voyaient l'ancien bourgmestre d'un bon œil. Fort de cette expérience, Valmys comprenait l'intérêt d'être bien entouré. Tout de même, il était bien moins libre de ses mouvements avec ces immenses vampires qui l'encadraient. Pas qu'ils l'empêchassent d'agir, mais l'éducation du jeune Cawr l'empêchait d'agir avec eux comme auprès de la solitude. En voyage, il y avait pris goût.
À ses pieds, la chienne Deïa se reposait, sa queue battait le sol à bon rythme. Son épais poil appréciait d'enfin servir. Néthéril était moins clémente envers elle.
C'était Valmys lui-même qui avait proposé à tout ce petit monde de prendre un peu l'air, en attendant l'arrivée de son coapprenti. Enfin, ancien coapprenti. Enfin, c'était un peu complexe. L'Ordre lui avait permis de faire la connaissance de ce jeune Homme, issu d'une famille dont il n'avait entendu que du bien, par l'intermédiaire de ses centres d'intérêt. Aussi lorsque le nom d'Espérancieux avait été évoqué, le regard de l'Enwr qu'il était à l'époque s'était illuminé, et leur commune passion avait noué entre eux ce lien étrange fait de bâtiments. Là où Belethar possédait toute la connaissance de sa famille, Valmys avait dans ses yeux des images venues de tout l'ancien continent, et dans ses doigts une magie capable de leur donner vie. Ensemble, ils pouvaient créer suffisamment d'émulation pour s'amener l'un et l'autre vers leur plus haut potentiel. Ou alors ils pouvaient créer de la compétition. Étrangement, cela arrivait plus souvent que ce que Valmys aurait pu croire. Lui qui n'était pas du tout un enfant de la compétition s'y trouvait bien plus enclin spécifiquement en présence de cette personne. Il ne savait pas pourquoi.
Toujours était-il qu'il avait hâte de se mettre à l’œuvre, et mettre à l'épreuve toutes ses capacités. Cela faisait fort longtemps qu'il n'avait pas usé de sa magie pour construire, véritablement, autre chose qu'un abri de fortune. S'il s'inquiétait d'être à la hauteur, il ne pouvait s'empêcher de songer que ce serait, dans tous les cas, mieux que l'état actuel des choses.
Il allait pouvoir profiter des vibrations, et de toute l'aisance et la force de ses nouvelles veinules. Il avait hâte de voir comment il allait lier son serment à ses créations, comment bâtir en accord avec le monde. Il avait hâte aussi de découvrir après combien de maisons la fatigue commencerait à naître en lui. Pour l'heure, seuls les sorts de téléportation avaient eu raison de ses forces. Un indicateur bien vague. Il savait tout juste avoir plus de facilités que nombre de ses congénères.
Fermant les yeux, Valmys chercha à ne plus voir les horreurs qui l'entouraient, pour se consacrer à ce qu'il était venu chercher hors de l'auberge, seul bâtiment vaguement correct de Nevrast. Le contact avec les éléments, et le plaisir de retrouver un climat froid, apaisaient son cœur. Les vibrations alentours parlaient des neiges qui approchaient bientôt, et de la force de chaque pierre et végétal face au froid. Le vent portait les embruns de l'océan, et la fraîcheur des pins de Licorok. Valmys revoyait des souvenirs anciens, du vieux continent, où il avait découvert la neige. Il l'avait aimée autant qu'haïe, elle qui rendait le voyage si ardu, mais si beau. Il revoyait son arrivée sur l'archipel, et la mise en place de fondations pour la survie. Des instants aussi laborieux qu'importants, durant lesquels il avait renoué avec le froid, en apprenant peu à peu à vivre avec. Le Domaine avait beau ne pas être sur cette île, Nyn-Tiamat gardait pour lui cette douceur d'un endroit où il avait commencé à faire son nid, lui-même.
"- Messire Elusis, le voilà."
Valmys rouvrit les yeux, et un sourire en coin vint finement froisser sa joue, malgré le mot "messire" qu'il n'appréciait pas tant. Un demi-tour, quelques pas, et ses joues retrouvaient la chaleur de l'auberge. Son ami était enfin réveillé. Les Hommes de l'auberge / d'Aldaron n'allaient pas tarder à lui apporter quelque plat et boisson pour réchauffer son ventre. Le jeune Cawr s'installa en face de lui.
"- Bien dormi ?" Il avait intérêt. Sans quoi le Sainnûr n'aurait aucune pitié de lui. Après tout, cela n'aurait fait qu'équilibrer le jeu. Valmys partait du principe que l'expérience et les connaissances de son interlocuteur lui apportaient un net avantage. "J'espère pouvoir prouver à tout l'archipel qu'il est possible de faire bien mieux que ce qu'est Nevrast actuellement." Son sourire en coin se plissa un peu plus. "Comment préférez-vous que l'on s'organise ? Par quartiers ? Il y a des bâtiments en particulier que vous souhaitez faire ?" L'hôtel de ville, l'hospice, une écurie ? "Si vous avez quelques conseils à donner pour cette situation précise... Je pense que patients seront ravis que vous les partagiez avec moi." Ce qu'il entendait par là, c'était surtout qu'il craignait de passer à côté d'une quelconque nécessité architecturale due aux lieu, aux habitants, au sol, ou que savait-il encore. Lui-même avait fait ses propres recherches, sur les maisons des climats froids, mais rien ne valait les l'expérience de quelqu'un qui aurait pu, avant lui, voir sa construction ne pas passer les premiers hivers.
Ils avaient un objectif précis, à accomplir en commun. Le reste, le tacite jeu de celui qui y parviendrait le mieux, devait partir sur une base bien plus altruiste.