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descriptionLoch Ness [Nahui] EmptyLoch Ness [Nahui]

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    Ce n'était pas qu'elle était grosse... Disons qu'elle commençait sérieusement à devenir imposante sur ses genoux. Le fauteuil craqua lorsque Nahui s'installa, criant son supplice. Elle s'enroulait sur ses jambes, remplissant l'espace, tâchant encore de tenir dans ce cocon qui devenait trop petit. Aldaron lui grattait délicatement les écailles au dessus du crâne, et tâcha de ne pas trop la vexer : « Je crois que tu deviens un peu trop grande, maintenant. » Il eut un sourire, en coin, amusé : « Cela veut dire que bientôt, je pourrais monter sur ton dos afin que nous volions ensemble. » Il cala sa joue contre les écailles de sa Liée, l'étreignant mentalement et la poussant ne pas voir trop mal l'idée de grandir. Cela la priverait de certaines habitudes mais lui ouvrirait de nouvelles opportunités. Il attrapa le livre posé sur le guéridon, écrit en elfique dont il faisait la lecture. Il n'avait pas besoin de prononcer les mots de vive voix puisque la dragonne des montagnes pouvait directement puiser le contenu des mots dans l'esprit du vampire et suivre, ainsi son cheminement de pensée.

    Il n'était pas rare que l'Antique face lecture. Il était un nouveau-né et même s'il veillait à retrouver ses souvenirs, bribe par bride, il n'en demeurait pas moins vrai que le plus gros qu'il apprenait, de lui même et du monde, se trouvait dans les livres. Ils étaient comme un puits de science pour lui qui devait tout apprendre à nouveau. Cela faisait aussi l'éducation de Nahui, tant que le récit n'était pas trop ennuyeux pour elle. Cet ouvrage là parlait des elfes et les elfes étaient de ces créatures qui avaient une histoire si pompeuse que sa Liée préférait souvent dormir qu'écouter. Néanmoins, il sentit l'esprit de sa dracène s'éveiller doucement lorsqu'il fut question de dragon. Ou plutôt d'écailles de dragons qui avaient la particularité d'être translucides.

    On contait alors l'histoire de ce dragon albinos qui craignait les rayons du soleil et qui passait ses nuits au fond d'un lac de montagne, n'en sortant que la nuit. Aldaron ne manqua pas de souligner à sa Liée qu'il s'agissait là d'une histoire où se trouvait, aussi, une dragonne handicapée par sa propre nature et qui, pourtant, s'était fait une place dans les légendes. Elle s'appelait Nessie. Il se disait que les écailles avaient été retrouvées dans les montagnes d'Ambarhùna et à dire vrai, plus il lisait la description de l'endroit où s'était situé le nid et plus il se montrait curieux. Il finit par se lever du fauteuil après avoir demandé à sa Liée de le libérer et il chercha un autre livre, faisant mention de ces montagnes et de Morneflamme. Tout ceci était extrêmement proche et plus il s'interrogeait, et plus il se demandait si cet œuf jamais retrouvé ne serait pas tout simplement... Nahui ?

    Pouvaient-il avoir retrouvé sa mère ? Poursuivant la lecture du premier ouvrage, il apprit de l'impératrice elfique y fit graver des prières, dans sa langue, implorant le retour des dragons sur leurs terres. Un nouveau tilt se produisait dans l'esprit du dragonnier qui alla saisir un autre ouvrage, plus récent, qui n'était autre que l'inventaire de ses trésors personnels, gardés sous clé dans un coffre Caladonien. Méthodique, il ne tarda pas à retrouver la relique. « Écailles translucides, gravées de prières elfiques, trésor de l'Empire Elfique. Loch Ness. Je savais que j'avais lu cela quelque part ! » s'exclama-t-il, pour sa Liée, enjoué. « Étage 3, boîte 227, viens ! » Il attrapa sa cape. Nahui avait l'habitude de marcher près de ses pieds tout en restant cachée sous la cape. Il saisit également une clé, elle-même enfermée dans un coffre, imprégnée de magie.

    Direction la Banque Principale. Habitué, l'Ast se faufila dans les rues, invitant sa liée, sur le chemin, à sonder la mémoire draconique au sujet de Nessie. Peut-être aurait-elle des réponses sur son origine ! A l'entrée, il fut accueilli et guidé comme un roi jusqu'à son coffre-fort dans lequel il inséra la clé. Nul mécanisme néanmoins, cela n'était qu'enclenchements magiques minutieux. Un véritable travail d'orfèvre. Il prit une torche pour s'éclairer, ne faisant pas encore tout à fait confiance à ses sorts qui pouvaient exploser à tout moment. Puis il pénétra à l'intérieur de la pièce scellée. « Étage 3, boîte 227... » répéta-t-il pour s'en rappeler. Sur le troisième étage des rangements, Aldaron chercha les premiers chiffres sur les boîtes soigneusement étiquetées, il avança un peu plus loin jusqu'à mettre la main sur un coffret de bois blanc, plat.

    « On ne transforme rien en repas, ici ! » préféra-t-il rappeler avant que sa Liée commette l'irréparable. Les biens, ici, avaient une valeur inestimable. Il s'agissait de reliques, ou de vestiges, des objets à l'histoire ancienne ou à la magie profonde qu'Aldaron ne désirait pas du tout voir transformés en bavette ! Il posa un genou à terre puis le coffret au sol pour que Nahui puisse voir cela : « Tu es prête ? » demanda-t-il avant d'ouvrir très délicatement le coffret. Sur le velours d'un bleu royal reposait des écailles translucides, gravées de prières elfiques.

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Quelque chose ne tournait pas rond dans le petit crâne de la jeune Nahui. Depuis quelques temps, les bavettes la tentaient un peu moins, et elle se faisait beaucoup plus collante auprès de son Lié, réclamant son attention, réclamant moult activités, se faisant peste quand il refusait, et toute de sucre quand il lui cédait.
C'est qu'elle avait très bien entendu les diverses lamentations des fauteuils quand elle bondissait sur eux avec sa grâce habituelle. Ce ne pouvait être une histoire de surpoids ; elle l'aurait senti autrement. Et cette assise qui se faisait de plus en plus petite, l'obligeant à se contorsionner pour s'enrouler sur les genoux de Lié, là où jadis elle pouvait s'étendre de tout son long ! Autant de détails qui s'amassaient et créaient au fond d'elle une anxiété sur laquelle elle ne mettait de mots, mais des instants. Elle s'imaginait surplomber Caladon du haut de son immense stature. Oui, c'était là le destin voué à la magnificence qui était sienne, pouvoir être admirée de tous par simple regard vers le ciel. Seulement elle envisageait aussi tous les lieux dans lesquels elle ne pourrait se glisser, ces dessous de meubles qui étaient des lieux si sûrs et confortables. Elle voyait tous les jeux avec Lié qui ne seraient plus possibles, et ceux avec les créatures non-bipèdes. Se cacher dans les tas de coussins ne serait bientôt qu'un fragment de mémoire. Tel les astres, beau mais inaccessibles. Aussi la magnifique juvénile s'acharnait à profiter de chacun de ces luxes en péril comme si le lendemain pouvait l'en priver. Certes, avec la taille viendraient d'autres beautés. Viendrait notamment le temps de voler avec son Lié. Elle avait peur de le décevoir. Elle avait commencé à s'entraîner, à chercher diverses tactiques pour distinguer le monde autour d'elle. Elle avait voulu affiner ses sens à la manière des chauves-souris. Ses tentatives étaient pour le moment peu fructueuses, et la meilleure alternative qu'elle avait trouvé au sein de son nid était de s'aiguiller en sortant sa langue à la manière des serpents.

Un lourd soupir répondit aux contact de la joue de Lié, à ses mots rassurants. Pour ne pas rendre vain ces efforts, elle lui renvoya un élan d'affection et d'approbation. Elle comprenait, elle savait qu'elle devait s'accrocher à ces images. Elle voulait juste ne pas avoir trop de regrets... Tout en sachant qu'elle en aurait. Elle s'était beaucoup trop attachée au monde des petits êtres, malgré les critiques qu'elle en faisait à longueur de journée. La voix mentale de Lié la berça bientôt, la plongeant un peu plus dans son univers à lui, liant leurs deux mémoires. Ces instants l'apaisaient beaucoup, leur côté routinier et calme aidaient à détendre peu à peu cette musculature discrète qui commençait à se dessiner sous des écailles solides. C'était un instant que son Lié n'accordait qu'à eux, un instant qui les construisait ensemble. Qu'ils étaient proches alors, qu'ils étaient un.

Habituellement, elle laissait son esprit divaguer suivant sa nature tout à fait draconique, dans moult directions en même temps, suivant des mots qu'elle attrapait au vol, suivant l'histoire distraitement. Au loin, le son de la maisonnée qui s'activait était étouffé par la qualité des murs. La température ici n'était désagréable pour une dracène. L'odeur de Lié et de sa tranquillité étaient les meilleures du monde. Cet instant-là ressemblait à toutes les autres lectures qui l'avaient précédé, et Nahui ne se doutait de rien, toute occupée à savourer ce pour quoi elle avait affronté l'horreur. Pourtant, sitôt qu'un dragon fut évoqué, quelque chose en elle s'éveilla de façon bien plus pointue que si cela n'avait été qu'une simple surprise. Une brise de mémoire ancestrale devait alors caresser son esprit, lui indiquant de faire attention au bouleversement à venir. Bouleversement ? Le petit cœur de Nahui eut un pincement unique, alors que l'histoire se déroulait peu à peu. Cette fragile dragonne décrite, elle l'aimait, profondément, et son handicap n'était qu'une raison de plus de se sentir proche d'elle et vouloir blottir leurs âmes l'une contre l'autre. Les mots s'alignaient, l'histoire se traçait, l'enfant des montagnes la vivait pleinement. À sa mémoire revenaient les mille sons du royaume des neiges, et le sifflement du blizzard. Alors cette affection pour la dragonne translucide se muait en véritable amour, viscéral, qu'elle vint offrir à Lié, faute de pouvoir l'offrir à celle qui avait disparu. Une tristesse inconsolable se liait à cette affection, et les émotions qu'elle transmit à Lié lui firent vite comprendre que la petite regrettait de n'avoir pu connaître son aînée. Elle aurait mérité tant de choses. Elle aurait aimé les lui offrir.

Les interrogations de Lié firent briller des paillettes d'espoir dans l'esprit de Nahui. Sa mère ! Oh que cela pouvait être beau ! Elle avait préféré occulter de sa vie l'absence de ses parents, s'imaginant que vivre dans un monde où ses semblables étaient plus dévastés que vivant pouvait se faire sans broncher, avec la fierté de ses ancêtres et leur présence en sa mémoire. Mais s'ils avaient quelques traces de sa mère... Alors elles seraient plus proches. Leurs mémoires seraient réunies. Toute d'impatience et d'excitation, la jeune dracène laissa son Lié fouiller les livres, ces objets dont lui seul pouvait extraire le contenu, et passa ses émotions en mâchonnant le tapis comme une proie, ses griffes plantées dedans, sa queue battant frénétiquement le sol.

Lorsqu'ils sortirent, elle lui emboîta le pas avec force trottinements et bonds, espérant que Lié finirait par comprendre et se dépêcher un peu plus, lui et ses frêles et courtes pattes de bipède. Finalement, lui servir de monture pouvait représenter un intérêt, si cela lui évitait d'avoir à attendre. Elle essaya de "sonder" la mémoire draconique, comme le disait si bien Lié, mais peinait à obtenir le résultat escompté. Auprès d'elle, la mémoire draconique était capricieuse, se refusait à obéir sagement à ses demandes, et se manifestait plutôt comme des réponses en présence de certains stimulis. Pour le moment... Rien ne lui était venu. Si ce n'était l'image d'un ciel nocturne et froid, parsemé d'étoiles. Rien de plus. Rien de très explicite.

La belle aux écailles de neige apprécia le traitement qui était fait à Lié dans la banksentrale. Voilà comment chacun aurait dû agir vis-à-vis de cet être magnifique. Il était juste regrettable qu'il se refusât à renverser les lois humaines selon lesquelles ils ne pouvaient courir à l'intérieur des bâtiments. Nahui piaffait, imposait à Lié de perpétuelles demandes pour savoir quelle distance encore il leur restait à parcourir.
Enfin ils atteignirent leur destination. Là, les perceptions de Nahui firent happées par les mille sources de magie qui l'entouraient. Beaucoup de puissances contenues, en attente d'utilisation, certaines scellées. Danger, soin, éléments, amour, haine, esprits-liés, douceur... Bien des informations et sensations la prirent d'assaut. À l'image de ceux qui sont aveuglés en sortant de l'ombre, il lui fallut un peu de temps pour s'habituer, puis se guider comme elle le faisant chez Lié. Quand il l'incita à ne rien transformer en nourriture, elle eut un grognement vexé. Pour qui la prenait-il ? Elle savait tout de même se tenir ! Rohlala ces Liés qui exagéraient..
Lié posa le coffret au sol, et Nahui s'approcha immédiatement, son cœur battant à tout rompre. Elle était plus prête qu'elle ne l'avait jamais été. Son souffle se coupa lorsque le coffre s'ouvrit, laissant enfin apparaître à ses sens la magie qu'il contenait.

Ses émotions furent si forte qu'à la ronde tout le monde pouvait sans doute les percevoir. L'évidence la frappa avec une force qui empêchait tout doute. Ces écailles étaient bien celles de Nessie, la merveille de verre, la Lune au fond du lac. Sa mère. Et dans ces reliques, tout ce qu'il restait d'elle, elle avait laissé un message aussi clair et puissant que les cascades et les océans. Elle avait laissé son amour et ses envies de protection maternelle, sa confiance en elle et son désir de la voir devenir la meilleure version d'elle-même. Des mots tendres que la magie portait comme l'aurait fait la voix de Nessie. Nahui l'entendait en elle, cette voix de cristal et ses chants nocturnes. Elle ressentait l'eau sur les fragiles écailles, là où les siennes avaient été poussées à la solidité. Elle, l'enfant, ne put contenir un rugissement de peine, réalisant l'âme avec laquelle elle aurait pu grandir ne créerait jamais de mémoire avec elle, et que leur amour ne prendrait jamais forme physique.
Cet énorme chagrin vint se fracasser contre la dragonne, puis autour d'elle, comme un raz-de-marée sur la côte. Accablée, il lui fallut un long moment de lamentations sans mots avant de retrouver en elle la possibilité de songer au présent. Ses muscles étaient tendus, sa tête basse, dans une attitude prostrée. Son esprit était un tourbillon de peine, et elle essayait, cette fois, au mieux, d'y mettre des barrières pour protéger Lié. Quand à nouveau elle s'ouvrit à lui, après un moment d'éternité où son souffle s'était fait fort et erratique, ce fut pour lui demander, dans un murmure de télépathie, de déposer les écailles de sa mère sur ses yeux. C'était à cet endroit qu'elles étaient vouées à être, les unissant par-delà le royaume de Mort.

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    La tristesse de sa Liée vint lui saisir la gorge comme un étau violent que rien ne pouvait arrêter. C'était venu comme une vague, un raz de marée, dévorant tout sur son passage. Rien n'était épargné, ni ses affects, ni ses convictions. Quand Nahui s'en trouvait accablée, son émotion résonnait en lui comme un écho répétitif, martelant son esprit par la douleur. Aldaron avait beau ne pas respirer, il avait l'impression de manquer d'air et d'étouffer. L'âme jumelle à la sienne tremblait et il tremblait en harmonie avec elle, comme s'ils ne faisaient qu'un. Et ils ne faisaient qu'un. Ainsi était la raison pour laquelle il percevait tout ceci avec force. Puis il y avait l'Alliance du Premier qui lui renvoyait la souffrance de tout dragon lié ou dragonnier. Sa propre moitié ne faisait pas l'exception. Il percevait tout ceci avec la netteté d'une lame chirurgicale. Lentement, il venait bercer l'âme troublée de la dracène. Une part de lui comprenait. Il avait la chance immense d'avoir, à ses côtés, sa chère Mère. Mais il y avait tant d'orphelins en ce monde et l’œuf abandonné, perdu, depuis des centaines d'années, de sa Liée était de ces pauvres enfants privés de parents. Cela ne faisait que renforcer le Lien, entre eux. Il était là pour elle, c'était pour cela que l’œuf avait éclos entre ses doigts de cendres. Il était là pour elle, il était sa famille. Il ne pourrait jamais être un saurien et lui apprendre à voler ou cracher du feu comme l'aurait fait un pair dragon. Mais il ferait de son mieux pour l'accompagner, jour après jour, comme un frère d'âme, un compagnon que rien ne pourrait détourner.

    Il tendit une main vers sa belle aux blanches écailles. Elle ne sentirait pas son contact physique, à travers pareille épaisseur, mais il espérait lui signifier qu'il était là pour elle, tant par son âme enroulée autour de la sienne pour la cajoler, que physiquement. Autant qu'il le pourrait, avec ses bras de bipède, il lui ferait ces câlins qu'ils aimaient tant partager. Il lui caressait tendrement les écailles, au dessus de cette tête si tristement baissée. Il lui laissa le temps qu'il fallait, lui répétant qu'il était là et qu'il l'aimait. La tristesse de Nahui était à fendre le cœur et les mires du dragonnier vinrent être soulignées d'un trait rouge, des larmes pourpres que le Lié retenait. Il devait être fort, pour elle. Il lui expliquait que lui aussi avait perdu un parent, elfe qu'il fut, sa mère était morte bien tôt. Pour autant, il s'était battu en sa mémoire et Nahui avait toutes les cartes en main pour rendre Nessie fière de sa progéniture. « Elle te regarde des cieux, j'en suis certain. Elle veille sur toi et le fera à tout jamais. » L'on disait que les dragons devenaient des étoiles lorsqu'ils mourraient. Certains, les plus puissants, devenaient même de remarquables constellations. Il n'avait jamais su si cela était vrai, mais il y croyait. A la demande de Nahui, il prit délicatement les écailles translucides. « Je n'ai rien pour te les fixer, pour l'heure... Mais on peu déjà regarder ce que cela donne. » fit-il avec un sourire tendre.

    Il posa délicatement les reliques bombées sur les yeux abîmés de la dracrène. Il fut surpris de sentir de la magie émaner, ni de lui, ni de Nahui... Mais des objets, au contact de sa blanche écailleuse. Venant confirmer la théorique de maternité de Nessie, les coques vinrent se fixer au visage de l'enfant-dragon, s'éveillant par un lien filial particulièrement puissant. La dragonne des montagnes avait jadis laissé ces parts d'elle pour son enfant, lui déposant tout son amour le plus vibrant. Et aujourd'hui, enfin, comme dans ces fins heureuses des contes, ce fragment de Nessie retrouvait sa descendance et révélait toute sa force. Aldaron retira ses main, un sourire aux lèvres : « On dirait que ta mère ne t'a pas laissée démunie, ma Liée... » souffla-t-il, observant les flux de magie vibrer avec force. « Qu'est-ce ? Qu'est ce que cela te fait ? Quel genre de magie est-ce ? » Il eut un sourire en coin : « C'est très beau... En tout cas. On dirait presque de la poésie mais... Avec de la trame. » Était-ce l'affection de Nessie ?

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Le visage aveugle de Nahui s'orienta vers le ciel, cherchant à travers ce dernier la présence de sa mère. Tout était trop loin, trop haut, elle ne percevait rien. Aucun moyen de sentir son museau contre le sien, son souffle contre les écailles sensibles de ses narines, le grondement léger d'une respiration draconique. Alors l'immaculée dracène créa cette présence en son cœur, ancrant son amour par-delà les nuages, par-delà le ciel, là où nul dragon ne pouvait se rendre... Pour le moment. Désormais, si elle se tournait vers le territoire des airs, l'inspiration d'un amour maternel venait à elle. Un jour, elle le savait, elle trouverait le courage d'ouvrir ses ailes et d'aller la chercher.

"- Si elle me regarde depuis les cieux, alors je la regarderai depuis le cœur de terre. Si elle veille sur moi, je veillerai sur elle."

Aldaron avait-il déjà entendu sa belle Liée évoquer ainsi le monde, mêlant ses termes de bipède aux sentiments bruts des siens ? Elle était toujours maladroite avec le langage des elfes. Aussi se contenta-t-elle de présenter à Lié ce qu'elle ne pouvait traduire, tandis que ce dernier approchait les objets pulsants de magie d'elle : sa volonté était ferme, inébranlable. Elle irait là-haut. Elle irait au milieu des étoiles. Elle serait la première dragonne à le faire. De là-haut, elle étreindrait sa mère, et affirmerait leur commune suprématie sur ceux qui ne pouvaient quitter le nid. Ce serait un beau moment, empli d'Ordre et de justice.

La magie irradia des écailles. Nahui reçut le contact de la magie bien plus fort que celui plus physique des objets. Elle se figea, stupéfaite par la puissance et la nature de ce qui lui parvenait par vagues déferlantes. De ses yeux, jusqu'alors coquilles vides, émanaient désormais la vie et l'amour, mêlés, purs. Cette magie maternelle l'enveloppa peu à peu, comme une seconde couche d'écailles. C'était doux, chaleureux. C'était réel et inattendu. C'était puissant et délicat à la fois. C'était sa mère, avec elle.

La voix de Lié était distante, et incompréhensible pour celle dont l'esprit venait d'être comme purifié par une essence venue d'un immémorable passé. Il fallut les autres questions de Lié pour l'attirer peu à peu hors de ses propres pensées. Elle parut alors comme vacillante, comme si elle redécouvrait le monde.

"- C'est de la "poésie". C'est de la beauté tissée avec notre langage. C'est bien plus que cela. C'est sa magie, c'est la magie de ma mère. Dusse-t-elle n'avoir aucun effet, elle resterait la plus belle mémoire qui m'eut été donné de voir. Elle me rend vivante, elle m'aime, elle me voit pour ce que je suis, elle étend mes ailes par-delà leur envergure. Toi qui veux être père, Lié, écoute cette magie, car elle est un modèle pour ceux qui veulent transmettre à leur progéniture."

Elle lui présentait le don de sa mère avec une générosité qu'elle n'avait que parce que c'était lui. Face à tout autre, elle aurait gardé jalousement le secret, par crainte de le souiller. Mais Aldaron était elle, et elle était lui. Aucune limite ne devait les séparer, et les souhaits de Lié étaient les siens. Elle lui ouvrit pleinement son cœur pour qu'il puisse tout percevoir.
Ce faisant, elle réalisa que la magie n'était pas qu'amour, qu'elle n'était pas "sans effet". Le don de sa mère lui paraissait tourbillonner sous ses écailles, prêt à agir sur demande, tourbillonner dans son crâne, déposant paisiblement quelques traces. Se tournant vers lesdites traces, Nahui s'amusa de leur nature. Voilà qui lui serait utile, mais... Elle voulait faire la surprise à Aldaron. Se tournant vers les picotements en elle, la dracène chercha à activer cette magie.

Brutalement, la panique s'empara de la dragonne, mettant une fin nette et imprévue à ce qu'elle avait par mégarde déclenché. Il y eut des bruits de métaux, de bois, des grincements, mais par chance, aucune casse... Normalement. Juste une Nahui qui désormais se trouvait à l'étroit dans le coffre-fort d'Aldaron. Agitée, inquiète, elle cherchait de ses perceptions à s'orienter, savoir comment bouger à nouveau pour s'enfuir et échapper au courroux de Lié, sans briser quoi que ce soit. Sa tête remua, à droite, à gauche, elle sentit quelque chose contre son museau, paniqua à nouveau.
Une sorte d'instinct la poussa à activer la magie qu'elle venait d'utiliser, à l'inverse. La différence se faisant, elle ne la retint pas, cette fois. Aussi ce fut une minuscule Nahui qui détala à travers la pièce, droit devant elle, jusqu'à croiser violemment un mur. Guère perturbée, elle continua sa course le long de ce dernier, jusqu'à arriver dans un angle, sous une étagère. Là, voilà ! Elle était à l'abri, protégée. Personne ne saurait qu'elle avait fait une bêtise. Ce n'était pas sa faute, elle avait juste voulu essayer !

"- Pas fait exprès... Pas voulu... Ne te fâche pas injustement."

Demanda-t-elle, penaude, à son Lié.

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    C'était là une magnifique source d'inspiration et le père qu'il était ne pouvait qu'être touché par cette transcendante illustration. Le don de Nessie était merveilleux, protecteur, un legs des plus personnels qui avait traversé les siècles pour revenir à la dracène blanche, l'enfant gréé de la douceur maternelle. L'émotion qu'il partageait avec Nahui le saisit à la gorge et piqua ses yeux, son nez, de ce qu'il contenait, vibrant comme un écho au bonheur triste et magnifique de sa Liée. Il lui laissa un temps profiter de cette proximité, de l'histoire de ces objets, la magie s'activant par le plus magnifique des pouvoirs : celui de l'amour. Il aurait aimé avoir une telle mère dévouée et il trouvait une part de celle-ci auprès de Toryné. Bien que l'androgyne soit fort occupé par les besoins diplomatiques, il n'en demeurait pas moins vrai qu'elle lui accordait son attention aussi souvent qu'elle le pouvait. CendreLune en savourait chaque instant, veillant à en profiter du mieux qu'il le pouvait. Eu égard des projets d'Achroma, cela pourrait s'arrêter du jour au lendemain. Voilà bien quelque chose qu'il ne désirait pas le moins du monde et rendait ces instants plus précieux encore.

    Alors, pour Nahui qui n'avait eu le temps de connaître ces instants, cela devait être plus pénible encore. Il la couva de son regard plein d'affection, son âme venant lui rappeler que lui, il était là pour elle. Il n'était pas une mère, mais il était sa moitié d'âme et il resterait à tout jamais auprès d'elle. Il embrassa l'une de ses écailles, curieux de la magie qui en émanait quand soudain, Nahui se mit à grandir et grandir et grandir encore ! Le fracas tintait de toutes part et il devait rapidement trouver un moyen de sortir de là où il allait, lui-même, finir écrasé entre sa dragonne et l'un des murs ! Fort heureusement, Nahui eut le salutaire réflexe de mettre un terme à cela et de devenir une dragonne miniature cachée au fond d'une étagère à moitié détruite. Soulagé, la colère gronda dans son cœur à voir tout le bazar qu'il y avait ici ! Ça allait lui prendre un temps fou de tout remettre en ordre et de vérifier qu'il n'y avait rien de cassé ! « Nahui ! » s'écria-il, réclamant en cela des explications de la part de sa Lié, mais quand il entendit celle-ci lui dire qu'elle n'avait pas fait exprès, d'une voix qui craignait sa colère, l'Ast se calma immédiatement.

    Il se savait très sanguin, ses réactions étaient impulsives et souvent violentes sans qu'il n'ait de réel contrôle dessus. Toutefois, il ne voulait faire le moindre mal à sa dracène, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Elle était très importante pour lui et son bien-être était primordial. Il contempla le désastre qui régnait en ce lieu avant d'approcher de Nahui et de la prendre doucement entre ses doigts émaciés. Il poussa un soupir : « J'espère au moins que tu mettras de la bonne volonté à ranger tout cela avec moi. » Il eut un sourire, tendre lorsqu'il ajouta : « Mais pas tout de suite... Pour l'heure j'ai une autre idée en tête. On va profiter de ce merveilleux Don de Nessie ! » Il la partagea avec elle : il voulait voler avec elle. Il voulait parcourir les airs et sentir la liberté et si la petite taille de Nahui ne le permettait jusqu'alors, à présent, cela était possible. Fermant le coffre fort chamboulé derrière lui, Aldaron s'en fut récupérer une scelle draconitique préparée de puis quelques temps pour le jour où il pourrait enfin voler avec Nahui auprès d'un artisan spécialisé dans le travail du cuir. Il paya dûment la merveille renforcée de chitine des vers de glaces -c'est à dire à moitié prix-, en provenance de Nyn-Tiamat qu'il avait pu acheté à la caravane marchande To'Okui. Cette merveille se déplaçait sur le dos d'une torture géante et faisait le bonheur du Marché Noir. Voilà qui serait fort résistant par rapport aux écailles tranchantes de la dracène et ne risquerait pas de s’abîmer trop vite.

    Il termina l'objet en octroyant à la fille de Nessie la lunaire une bénédiction de la Lune, améliorant l'endurance de sa douce Liée lorsque le soleil se couchait. Fille de la nuit, elle volerait dans les cieux nocturnes avec une grâce sublime rappelant la disparue Nessie. Le crépuscule embrassait des températures plus froides mais l'Ast ne le sentait guère, pas plus que Nahui. En revanche les humains étaient à l'abri de leur chaumière, près du feu. Il s'en fut avec elle au bord de la haute falaise où ils avaient l'habitude d'aller, culminant au dessus d'une mer agitée. Le roulement des vagues venait bercer leur cœur comme un grondement Verithien : puissant et ronchon. Il posa la miniature de la dragonne au sol : « Grandis ? » demanda-t-il : « Délicatement » Précision utile s'il en était, eu égard de ce qui s'était produit dans son coffre fort. Lorsqu'elle fut à une taille correcte, il installa la scelle sur son dos et grimpa (difficilement et à plusieurs reprises) dessus. S'il avait peur ? Un peu oui. Il était normal d'avoir le trac en pareil événement. Il serait là pour guider sa Liée et en cas de chute, ils allaient voler au dessus de l'océan : l'eau amortirait le soucis. « Tu es prête ? » Il lui envoya son soutien mental. S'il était craintif, il éprouvait aussi une certaine forme de hâte : il voulait voler, sentir la liberté incarnée. Il voulait partager ce moment spécial avec Nahui.

descriptionLoch Ness [Nahui] EmptyRe: Loch Ness [Nahui]

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La toute petite dracène se terra un peu mieux sous son coin de meuble quand le cri de son Lié traversa la pièce. Sa supplique s’intensifia alors : non, pas crier ! Elle n’avait pas fait exprès ! Croyait-il vraiment qu’elle était de celles qui s’amusaient à volontairement tout casser ? ...Oui, certes, mais tout de même ! Elle était sa Liée. Elle avait la notion de la valeur des choses. Les choses n’étaient importantes que si elles étaient à Lié ET que ce dernier précisait qu’elles n’étaient pas transformables en bavettes. Elle n’avait aucune raison de briser son coeur, donc ses objets. La croyait-il donc sans coeur ? La croyait-il bête ? Elle n’était ni l’un ni l’autre, et elle l’aimait. L’objet avait juste eu le malheur de ne pas être renseigné dans la Mémoire Ancestrale, l’empêchant de savoir bien l’utiliser, et…

Ranger ? Mais, mais ! Elle n’avait pas de mains ! Comment espérait-il qu’elle fasse ? Sans mains et sans yeux, est-ce que cela ne risquait pas d’être plus dangereux que réellement utile ? De plus, cela utiliserait une précieuse énergie dont elle avait besoin pour manger, digérer, attaquer les canapés, grandir, tous ces impératifs draconiques. Ils demanderaient à un non-Lié de le faire, c’était bien plus pertinent. Leur rang n’était pas à d’aussi bas travaux.

La tendresse et la proposition d’Aldaron firent enfin taire l’esprit agité d’inquiétude et de peur de l’abandon de Nahui. La miniature qu’elle était chercha à se blottir contre Lié, cherchant dans son contact l’apaisement de ses craintes. Bien que Nahui reconnut que jamais Aldaron ne se déferait d’elle pour si peu, elle ne pouvait empêcher une part primitive d’elle d’avoir peur. Elle ne voulait jamais être séparée de lui. Jamais être seule, devant le millénaire qui l’attendait. Jamais avoir à errer, vide, éteinte, sa moitié d’âme séparée d’elle. À peur primitive, consolation primitive également. La pâle enfant chercha à se glisser dans la veste d’Aldaron, pour se retrouver contre son ventre, lui ronronnant encore qu’elle n’avait pas fait exprès… Et espérant secrètement ne pas le décevoir, réussir à voler.

C’est qu’elle avait fait la fière, quand Aldaron avait voulu l’entraîner la première fois. La fière fille des montagnes avait prétendu que voler était aisé, et qu’elle n’attendait que de pouvoir s’assurer de pouvoir se guider. Désormais, face au fait accompli, elle doutait. Le doute parut lui durer une éternité, alors que Lié faisait ses affaires de bipède.

Le soir tombait, et Nahui sentait sa fraîcheur à chaque inspiration, jusque dans le creux de ses poumons. Ils s’éloignèrent de la ville, de son agitation, ses multiples bruits, odeurs, présences magiques et non-magiques. Bientôt, il n’y eut plus qu’eux, face à l’immensité d’un territoire qui n’attendait que leur conquête. Un ciel, sans frontières, qui bientôt se couvrirait d’étoiles comme autant de regards d’ancêtres. Un océan, vaste, à l’image du lac que sa mère avait pu habiter. Un Lié, confiant. Et ces écailles sur ces propres yeux qui pouvaient la protéger de tout. Nahui avait connu des siècles de solitude ; désormais, elle était entourée d’une famille immense et bienveillante. Leur amour valait toute la vision du monde. Elle ne pouvait échouer à voler, quand tous la portaient ainsi vers le haut. Ils estompaient ses peurs. Mais son coeur battait encore si fort dans ses minuscules côtes…

Les premiers pas de Nahui sur l’herbe furent maladroits, après tant de temps à être portée. Elle se sentait comme une grande bébé, immature devant un monde inconnu, potentiellement hostile. Le bruit de l’océan contre les rochers n’aidait en rien à se soustraire de cette impression. En revanche, la hâte sans obstacles de Lié, et sa pragmatique demande de grandir, l’y aidèrent. Sans plus réfléchir, elle se focalisa sur ces écailles neuves, sur la magie de sa mère. Alors, chaque battement de coeur la fit grandir. Elle s’accrocha aux perceptions qu’elle avait de Lié pour deviner, plus ou moins, où elle en était de sa croissance. Là, elle lui arrivait à la hanche. Un battement de coeur, et elle lui arrivait à l’épaule. Un battement de coeur, et elle s’estima assez grande pour que ses forces lui permettent de le porter. Elle cessa de donner de l’énergie à l’artefact de sa mère.

Lié installait la selle sur son dos, Nahui s’occupait à constater l’étrange sensation que cela faisait d’être grande. Lié apparaissait si fragile, désormais ! Un si petit être, qu’elle aurait pu bousculer d’un coup de museau, sans doute. S’il ne suffisait que de le vouloir un peu pour voir ainsi se changer le monde, sa taille devait lui apporter quelque chose de plus. L’attention de Nahui se tourna de nouveau vers l’océan. Lié ne pouvait rétrécir seul. Le monde entier avait dû rétrécir. Le monde entier était désormais à sa portée, comme elle l’avait toujours désiré. Doux présent de sa mère, qui croyait en sa valeur ! Le coeur de Nahui battait un nouveau rythme, une nouvelle note. Le trac, oui. Ce n’était plus un simple doute. Elle partageait l’émotion de son Lié, cette impatience et cette peur avant le grand saut. Mais ils allaient le faire. Ils allaient offrir au monde un spectacle unique. Ils allaient le faire. Ils all… Bon, ils allaient le faire si le petit bipède se décidait à réussir à monter sur son dos ! Qu’est-ce qu’il faisait ? Agacée, Nahui se décida à l’aider à se propulser sur son dos, soulevant son vampirique fessier du bout du museau. Là, ce n’était tout de même pas dur ! Ahlala. Elle transmit à Lié un peu d’amusement, et de fierté : désormais, c’était elle qui pouvait l’aider ainsi.

Bien, ils étaient prêts. Pour l’instant, Nahui estimait ne pas avoir besoin de guide. Lentement, elle recula, mesurant chacun de ses pas, les comptant à sa manière. Concentrée. Elle commençait à estimer le vent, également, à étendre ses ailes et jouer avec pour estimer leur envergure, pour tâter le déplacement de l’air autour d’elles. C’étaient peu, tout cela, mais tous ces éléments étaient ses premiers repères.
Elle s’arrêta. Tous deux eurent le temps de contempler l’instant ; celui, précieux, juste avant. Celui où rien n’était encore fait. Le vent, l’eau, les astres, guettant les premiers gestes.

Nahui se propulsa vers l’avant, chaque muscle de ses imposantes pattes voué à lui donner de la vitesse, la tête vers l’avant, dans un bruit de lourd galop. Il lui fallut tout juste quelques foulées pour se dire à grande vitesse. Alors, ses ailes se déployèrent. Elles fouettèrent les airs autour du couple de Liés, dans un bruissement d’herbes qui s’inclinaient.
Ce n’était pas suffisant. Ce n’était pas ainsi que l’on s’y prenait. Les dragons n’avaient pas toujours besoin de courir pour s’envoler - ils savaient néanmoins que cela pouvait aider. Quel était le bon mouvement d’ailes, alors ? Celui-là ? Celui-ci ? Un peu plus vers le haut, vers le bas ? L’arrière ? Grondante de frustration, Nahui effectuait ses tests, tout en sachant que le bord de la falaise s’approchait. Elle ne s’arrêterait pas. Pour se priver de tout arrêt, elle projeta encore plus d’efforts dans sa course. Là, elle allait bien trop vite, désormais. S’arrêter net était impossible. Par le Dragon-Esprit, comment fonctionnaient ces foutues ailes ? Toujours pas ainsi. Ni ainsi. Peut-être fallait-il insister ? Elle avait vaguement cru sentir une poussée si elle s’y prenait ainsi…

Le bord de la falaise était là. Ils allaient plonger. Eh bien soit. Nahui, forte de son élan, fit un bond vers l’avant, vers l’eau.

Un bref instant, elle sentit qu’elle avait réussi. Qu’elle allait vers le haut. L’instant suivant, la chute commençait. Frustrée, grondante, Nahui ignorait de combien de temps elle disposait désormais : le bruit de l’océan était trompeur. Ses ailes battirent plus furieusement encore. La chute continuait, tout juste ralentie.
L’eau vint stopper son corps, lourdement.

Non, il ne pouvait en être ainsi. Ce fut une véritable colère draconique qui s’échappa de la gorge de Nahui. La crainte de décevoir Lié revint de plein fouet. Il y eut autre chose : comme si l’eau, sous elle, portait un murmure ancien. Ce murmure la porta à sa place, lui montrant enfin comment soulever ses ailes, y compris avec les vagues pour la contraindre. Le coeur emplie de ces sentiments, Nahui s’arracha aux eaux, dans un puissant mouvement de tout son corps vers les cieux.
Un nouveau rugissement traversa le ciel, comme l’éclair d’un orage. Là ! Elle avait réussi ! Puissent-ils tous les contempler, eux, car un jour ce monde serait leur ! Elle s’élevait, s’élevait, avec toute la force de sa fureur. Elle n’avait pas échoué ! Elle était forte, plus forte même que les siens ! Et ce Lié, sur son dos, était fort ! Il volait, lui aussi. La joie de la dracène était féroce, c’était une joie de prédatrice, de victoire et de conquêtes. Elle offrit le ciel à son Lié comme bientôt elle lui offrirait la terre. Elle interrogea le coeur de son Lié, cherchant s’il pouvait être le miroir de sa propre euphorie.

descriptionLoch Ness [Nahui] EmptyRe: Loch Ness [Nahui]

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    Il allait voler, avec elle, sa Liée. Ils allaient s'élancer dans les cieux, côtoyer les étoiles qui se dessinaient sur les orées roses et marines mêlées d'or du crépuscule. Ils allaient voir l'insignifiance du monde, si petit, sous leurs pieds. Tellement éphémère et tellement beau à la fois. Il voulait découvrir des horizons de liberté, sentir le vent fouetter son visage en prenant de l'altitude et planer sur ses filets chauds et froid, comme un oiseau. La liberté était un mot qui vibrait en lui comme un appel impérieux, un désir profond, pour venir combler une peur, sûrement. Avait-il été enfermé ? Il se souvenait qu'on lui avait parlé de Morneflamme. Avait-ce été aussi horrible pour le marquer à ce point, même à travers la mort ? Il n'avait de cœur qui batte mais s'il l'avait pu, il l'aurait fait à tout rompre de ce désir expectatif qu'il touchait presque du bout des doigts. Il s'accrochait solidement à la selle, veillant à serrer les sangles de sécurité sur ses jambes tremblantes d'impatience. Il allait voler, n'est-il pas ? Il l'avait déjà fait, sur d'autres dragon. La sensation ne lui serait pas étrangère, mais cette fois, ce serait différent. Cette fois, ce serait avec Nahui, avec sa moitié d'âme. Ce serait un millier de fois mieux, un millier de fois plus enivrant et exaltant. Il le savait. Il le sentait viscéralement.

    Il percevait à travers Nahui, ces premiers réglages alors qu'elle déployait ses magnifiques et longues ailes immaculées pour sentir l’impact du vent le long de la fine membrane. Il sentait, il aussi, comme l'air jouait, au dessus et en dessous et comment elle pourrait s'en servir pour voler. L'instant de silence était palpable, l'attente brève mais suffisante avant le moment fatidique. L'herbe chantait sa musique, comme un roulement de tambour discret et délicat. Le vampire se penchait en avant, venant presque coller son buste aux écailles, pour s’aligner avec elle, n'être qu'un prolongement naturel. Puis le corps musclé et puissant de la saurienne se mit en marche. Elle faisait des tests et Aldaron l'intimait à se plonger dans la mémoire draconique pour trouver des réponses... Ou bien de faire confiance à son instinct. Le bord de la falaise fut rapidement un ami du passé. Le vide sous eux ne les appela pas immédiatement, mais la chute venait, l'adrénaline montait en flèche. Il n'avait guère peur : il avait déjà sauté d'ici, avec Achroma. Il le sentait. S'ils venaient à toucher l'eau, il n'aurait qu'à former un bouclier... Avec la magie fluctuante, est-ce qu'il y arriverait ? Il n'aurait pas le choix.

    La colère et la frustration croissaient dans le cœur de sa Liée, venant vibrer en écho contre l'âme sanguine du vampire. Il lui rendait sa colère, l'amplifiait, la conduisait de telle sorte à ce qu'elle utilise cette rage en elle. Ils rencontrèrent la surface de l'eau. L'ast forma un bouclier pour se protéger du choc, sans quoi sa tête serait probablement venue s’empaler sur l'un des ergots écailleux du corps de la dracène. Cela aurait été une fin bien pitoyable mais fort heureusement, la magie avait répondu à son appel et son corps était assez robuste pour tenir son cap. La vague d'eau n'était rien comparé à celle de frustration qui s’empara de sa liée puis de lui-même, par extension. Il criait sa fureur, gueule ouverte, crocs sorti, comme un animal feulant contre ce qui arrivait. Sa frénésie, il la sentait aussi chez Nahui, il l'intimait avec férocité à donner le meilleur, à refuser l'échec, à aller plus haut. Ils étaient un ouragan fier et implacable. Ils étaient un incendie dévastateur. Ils étaient la passion libérée, la grandeur à son paroxysme. Ils n'avaient pas le droit d'échouer. Elle devait voler et elle volerait !

    La dracène s'arracha aux eaux salées, non sans un cri de victoire comme un rugissement de la part des deux Liés. Ils s'extirpaient de l'océan comme jadis Nessie, dont Nahui était la digne héritière. Il était fier et il transmettait toute cette fierté à sa Liée. Ils étaient victorieux, ils caressaient les cieux. Le vent frappait ses vêtements humides. Il sentait la liberté, il sentait qu'aucune chaîne ne pourrait jamais plus le contraindre. Le dragonnier savourait l'instant, ces minutes à voler comme un oiseau, l'émotion palpable dans tout son corps tremblant d'une transe intense. Lorsqu'il fut en confiance, ses mains lâchèrent la selle pour se dresser vers le ciel. Il était libre, et il aimait sa dracène. Ensemble, ils accompliraient de grandes choses. Ils seraient invincibles et... Étrangement, il semblait lui avoir déjà pardonné la casse dans son coffre-fort.

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