- Ce n'était pas qu'elle était grosse... Disons qu'elle commençait sérieusement à devenir imposante sur ses genoux. Le fauteuil craqua lorsque Nahui s'installa, criant son supplice. Elle s'enroulait sur ses jambes, remplissant l'espace, tâchant encore de tenir dans ce cocon qui devenait trop petit. Aldaron lui grattait délicatement les écailles au dessus du crâne, et tâcha de ne pas trop la vexer : « Je crois que tu deviens un peu trop grande, maintenant. » Il eut un sourire, en coin, amusé : « Cela veut dire que bientôt, je pourrais monter sur ton dos afin que nous volions ensemble. » Il cala sa joue contre les écailles de sa Liée, l'étreignant mentalement et la poussant ne pas voir trop mal l'idée de grandir. Cela la priverait de certaines habitudes mais lui ouvrirait de nouvelles opportunités. Il attrapa le livre posé sur le guéridon, écrit en elfique dont il faisait la lecture. Il n'avait pas besoin de prononcer les mots de vive voix puisque la dragonne des montagnes pouvait directement puiser le contenu des mots dans l'esprit du vampire et suivre, ainsi son cheminement de pensée.
Il n'était pas rare que l'Antique face lecture. Il était un nouveau-né et même s'il veillait à retrouver ses souvenirs, bribe par bride, il n'en demeurait pas moins vrai que le plus gros qu'il apprenait, de lui même et du monde, se trouvait dans les livres. Ils étaient comme un puits de science pour lui qui devait tout apprendre à nouveau. Cela faisait aussi l'éducation de Nahui, tant que le récit n'était pas trop ennuyeux pour elle. Cet ouvrage là parlait des elfes et les elfes étaient de ces créatures qui avaient une histoire si pompeuse que sa Liée préférait souvent dormir qu'écouter. Néanmoins, il sentit l'esprit de sa dracène s'éveiller doucement lorsqu'il fut question de dragon. Ou plutôt d'écailles de dragons qui avaient la particularité d'être translucides.
On contait alors l'histoire de ce dragon albinos qui craignait les rayons du soleil et qui passait ses nuits au fond d'un lac de montagne, n'en sortant que la nuit. Aldaron ne manqua pas de souligner à sa Liée qu'il s'agissait là d'une histoire où se trouvait, aussi, une dragonne handicapée par sa propre nature et qui, pourtant, s'était fait une place dans les légendes. Elle s'appelait Nessie. Il se disait que les écailles avaient été retrouvées dans les montagnes d'Ambarhùna et à dire vrai, plus il lisait la description de l'endroit où s'était situé le nid et plus il se montrait curieux. Il finit par se lever du fauteuil après avoir demandé à sa Liée de le libérer et il chercha un autre livre, faisant mention de ces montagnes et de Morneflamme. Tout ceci était extrêmement proche et plus il s'interrogeait, et plus il se demandait si cet œuf jamais retrouvé ne serait pas tout simplement... Nahui ?
Pouvaient-il avoir retrouvé sa mère ? Poursuivant la lecture du premier ouvrage, il apprit de l'impératrice elfique y fit graver des prières, dans sa langue, implorant le retour des dragons sur leurs terres. Un nouveau tilt se produisait dans l'esprit du dragonnier qui alla saisir un autre ouvrage, plus récent, qui n'était autre que l'inventaire de ses trésors personnels, gardés sous clé dans un coffre Caladonien. Méthodique, il ne tarda pas à retrouver la relique. « Écailles translucides, gravées de prières elfiques, trésor de l'Empire Elfique. Loch Ness. Je savais que j'avais lu cela quelque part ! » s'exclama-t-il, pour sa Liée, enjoué. « Étage 3, boîte 227, viens ! » Il attrapa sa cape. Nahui avait l'habitude de marcher près de ses pieds tout en restant cachée sous la cape. Il saisit également une clé, elle-même enfermée dans un coffre, imprégnée de magie.
Direction la Banque Principale. Habitué, l'Ast se faufila dans les rues, invitant sa liée, sur le chemin, à sonder la mémoire draconique au sujet de Nessie. Peut-être aurait-elle des réponses sur son origine ! A l'entrée, il fut accueilli et guidé comme un roi jusqu'à son coffre-fort dans lequel il inséra la clé. Nul mécanisme néanmoins, cela n'était qu'enclenchements magiques minutieux. Un véritable travail d'orfèvre. Il prit une torche pour s'éclairer, ne faisant pas encore tout à fait confiance à ses sorts qui pouvaient exploser à tout moment. Puis il pénétra à l'intérieur de la pièce scellée. « Étage 3, boîte 227... » répéta-t-il pour s'en rappeler. Sur le troisième étage des rangements, Aldaron chercha les premiers chiffres sur les boîtes soigneusement étiquetées, il avança un peu plus loin jusqu'à mettre la main sur un coffret de bois blanc, plat.
« On ne transforme rien en repas, ici ! » préféra-t-il rappeler avant que sa Liée commette l'irréparable. Les biens, ici, avaient une valeur inestimable. Il s'agissait de reliques, ou de vestiges, des objets à l'histoire ancienne ou à la magie profonde qu'Aldaron ne désirait pas du tout voir transformés en bavette ! Il posa un genou à terre puis le coffret au sol pour que Nahui puisse voir cela : « Tu es prête ? » demanda-t-il avant d'ouvrir très délicatement le coffret. Sur le velours d'un bleu royal reposait des écailles translucides, gravées de prières elfiques.