18 septembre 1763
Ipsë Rosea
Ipsë Rosea
Tout guilleret, j'avançai entre les tentes en faisant de petits bonds, laissant une traînée de neige dans mon sillage. Les forains, tellement habitués à mes fantaisie, ne levaient même plus les yeux à mon passage. Il fallait dire qu'ils avaient leur propre occupations et n'avaient guère de temps à m'accorder. Loin de m'en offusquer, j'en étais plutôt ravi en vérité. C'était là, la seule et unique façon de vivre du Cirque : chacun à son rythme. Et puis, j'avais moi aussi ma propre occupation, qui aujourd'hui se résumait en une jolie petite boîte enrubannée.
En début d'après-midi, j'avais en effet reçu une missive d'un certain orfèvre. Ni une ni deux, j'avais foncé au centre-ville d'Ipsë Rosae pour aller chercher ma commande. C'était à se demander si le contenu de la boîte était un présent pour Malki ou pour moi… À ma décharge, j'adorais voir ses yeux pétiller à chacun de mes cadeaux. Il était si mignon et pur dans ses réactions. Il me faisait beaucoups penser à Golvine d'ailleurs… et le fait qu'ils passaient énormément de temps ensemble n'aidait pas à défaire cette idée. Bien sûr, je l'avais accueilli dans notre famille à la demande de mon petit Perroquet, mais je ne regrettais nullement ma décision.
-Alizé ! Où sont Golvine et Malki ?
La gymnaste, visiblement en pleine séance de relaxation, m'indiqua la tente d'Astrid et la mienne, entre deux positions. Parfait ! J'avais la Marquise à moi seul avant la soirée d'anniversaire de Klaus. Cela nous laisserait assez de temps pour lui de s'habituer à son cadeau…
Mets toi devant le miroir. Je vais m'occuper de toi.
J'avais signé cet ordre pour lui montrer mes progrès et comme à mon habitude, j'étais entré dans ma tente comme un roi, Arendal scintillant de milles feux. J'avais prévenu Malki de mes plans pour elle ce soir, la surprise dans mon veston en moins. Il était vraiment temps que je reprenne son apparence en main. Jusqu'à maintenant, je l'avais ménagé sur son envie d'être passe-partout, mais c'était fini. En tant que membre du Renouveau, ma petite Grenouille se devait d'être plus scintillante. Bien sûr, je n'allais pas la transformer en une deuxième Elza, cela ne lui allait pas. Non, le changement se devait être relativement discret mais classieux à la fois.
Cette fois-ci, je ne mis pas mon bracelet car j'avais besoin de mes pouvoirs jusqu'à la révélation surprise. Aussi, je gelais la surface de mon miroir, à la fois pour pouvoir écrire mes paroles, et bloquer sa vision. Arborant le même sourire que Golvine quand elle avait un nouveau jouet, je m'installai sur un autre siège et commençai mon œuvre, tout en discutant avec mon modèle.
-Dis-moi, qu'est-ce que tu connais comme danse Malki ? Dans ton beau château-prison, tu as bien dû apprendre à danser, en plus de la couture. Toute les jeunes filles doivent apprendre tout ces trucs mondain après tout.
L'avantage avec lui, c'est qu'il n'avait pas besoin de parler pour s'exprimer. Je pouvais appliquer fond de teint et crayon sans avoir à exiger qu'il ne bouge d'un poil. De toute les couleurs, c'était le vert qui lui allait le mieux, aussi j'étais parti sur cette couleur pour dessiner un fin coup de crayon pour sublimer ses yeux. Ni trop gros, ni trop fin, il se devait d'être "discrètement élégant". Son teint de lait avait besoin de quelque tons plus foncés, mais pas trop sous peine de ressembler au teint buriné des paysans. Enfin, j'appliquais un coups de pinceau rose sur ses lèvres délicates, redessinant légèrement leur taille.
Satisfait de mon oeuvre, je m'attaquai à ses cheveux.
-Ce soir on fête les trente-trois ans de Klaus. Il aime pas se savoir vieillir, alors on doit à chaque fois préparer sa fête en secret. Mais à chaque fois c'est pareil, il boude les dix premières minutes, et puis après il boit et danse toute la nuit !
Assouplie par un brossage consciencieux et journalier, sa chevelure n'avait rien à envier à celle de Golvine. C'était un véritable bonheur que de manipuler une telle délicatesse, obéissant aux moindres de mes exigences. Avec pareil cheveux, je sentais que je pouvais m'essayer aux coiffures les plus complexes mais.... malheureusement, je savais par expérience qu'aucune n'irait. Non, ce qui allait mieux à Malki, était une tresse florale. Aussi, j'ajoutai quelques petites dahlias vertes, supplées d'edelweiss, fraichements cueillies. On était bien loin des standards de la Cour sélénienne, mais pour sûr, j'avais obtenu là la plus belle perle. Ne manquait plus que la touche finale.
-La soirée ne commence que dans quelques heures. Ça nous laisse suffisamment de temps pour t'entraîner à nos pas et …
D'un mouvement fluide de la main, je dégivrais le miroir et plaçais les perles croassantes sur les oreilles de Malkirutse.
-...pour t'y habituer.
J'avais soufflé cette dernière phrase, ne sachant à quel point les boucles d'oreilles étaient sensibles. Mallki m'avait accompagné chez l'orfèvre pour cette commande spéciale, mais ni lui, ni moi ne savions comment les bijoux fonctionnaient. Aussi, j'étais sans doutes aussi curieux que Malki devait être perturbé...