25 Novembre 1763, Quartier intérieur de Caladon
Il jouissait du carré privatif, de part son rang de Parangon et dirigeant mais la reconnaissance était plus ironique que réellement satisfaisante, eu égard de l’appétence du cirque pour la bourse de son rival Toryné. Bien entendu, le haut-mage ne s’était pas ouvert de ses pensées malveillantes envers le monarque et il était protégé par l’un des deux vampires l’accompagnant, afin que ses pensées ne soient pas vulnérables aux intrusions malvenues. Coi et impavide, Achroma observait les artistes effectuer leurs numéros, amuser les spectateurs conquis. Son époux lui avait narré les choix diplomatiques désastreux du jeune fils Bonaventure, l’insulte faite à la Bourgmestre de Caladon devant son propre père adoptif et plus encore, l’implication du cirque du renouveau dans un vol sans commune mesure qui risquait, si cela se savait, de mettre la troupe entière dans une situation impossible. Si Délimar avait vent de l’affaire, le cirque serait interdit d’entrée, au mieux, au pire, l’Océanique userait de sa bonne entente en Calastin pour écraser la troupe en créant un mandat d’arrêt commun à Sélénia et les autres villes de l’alliance. Ezel Bonaventure en avait-il fait part à son père ? Que se disait-il derrière l’éclat de la piste et les numéros savamment pensés ? Il n’en avait pas la moindre idée. Un mage plus subtile aurait certainement déjà obtenu ces informations, mais la subtilité n’était pas sa marque de fabrique, quand on parlait de manipulation de la trame.Et Toryné, dans tout cela ? Ses espions étaient-ils déjà au courant ? Aldaron l’avait-il prévenu ? Les heures passèrent, la nuit se fit plus épaisse, le spectacle prit enfin fin.
S’il s’attendait à capter le bruit d’une houleuse conversation ? Aucunement. S’il s’attendait à avoir la réponse à certaine de ses questions ? Encore moins. Patientant, il ne s’avança qu’après s’être assuré que la situation se fut détendue. De quoi s’agissait-il exactement ? Il ne vit que le dos d’un humain qu’il ne pu que supposer être Ezel Bonaventure, des descriptions qu’il avait eut et la silhouette d’une jeune femme laissée en arrière, entre deux torches. Allons bon, des dissensions internes donc ?
“Madame ?”
D’un geste, il empêcha ses deux compagnons de le suivre plus avant. Obéissants, tous deux se tinrent au-delà du cercle de lumière chaude projetée par les torches. Celles-ci venaient dessiner des ombres profondes sur la silhouette qu’il approchait. Elle était menue, du peu qu’il en discernait sous les plis de la cape, et plus petite que lui. Il y avait de la magie, sur elle, plus que sur d’autres. Ses yeux de lagon s’attardèrent sur ses mains, sa taille… et il s’inclina courtoisement.
“Mes hommages. Est-ce que tout va bien ?”
Autant jouer les ingénus, c’était tout aussi bien et il ne lui semblait pas nécessaire de dévoiler les fragments de connaissance recueilli par accident. En fin de compte, cela ne le concernait qu de loin, non ? Bonaventure avait fort à faire pour se maintenir à flot, mais se brouiller avec un membre de sa troupe n’était pas bienvenu dans le contexte actuel. Se fendant d’un sourire aimable, il laissa son regard glisser vers la direction qu’avait prit le forain.
“Puis-je vous être d’une quelconque assistance ?”