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descriptionEntrevue  [PV Ilhan Avente] EmptyEntrevue [PV Ilhan Avente]

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¤ Marché ¤

5 décembre de l’an 1763 du troisième âge

Dernièrement, Verith avait appris de Keetech, qui l’avait appris de Ssaadjith, qui l’avait appris de Nephilith, qui l’avait appris de Shyven qu’un bipède souhaiterait obtenir une entrevue avec le dragon de l’ire. L’événement était surprenant. Rares étaient les bipèdes souhaitant rencontrer le colérique et il s’agissait là de la première fois que l’un d’entre eux s’y prenait d’une telle façon. Cela eut au moins le mérite d’attirer la curiosité du rouge. L’originalité de la démarche semblant jouer en faveur de ce dernier, chose non négligeable. L’enfant de l’orage n’était pas connu pour répondre aux requêtes des bipèdes tant il les méprisait. Plus loin il était d’eux, mieux il s’en portait. Et inversement à vrai. Mieux valait pour un bipède d’être loin de lui que proche de lui. Quand bien même on était l’un de ses protégés. On lui avait fourni l’image mentale de l’individu ainsi que de sommaires informations. Ce dernier semblait venir de Delimar. Pourquoi souhaitait-il rencontrer Verith ? Non, le plus important étant : pourquoi le dragon libre devrait-il accepter cette entrevue ? Le temps du rouge était précieux, il avait nombre de choses à faire, quand bien même sa vie était infiniment plus longue que celle des autres créatures peuplant cette terre. Qu’est-ce que cela pouvait lui apporter de rencontrer cet humain ? Le colérique n’avait pas foi en ces derniers, aussi ne voyait-il dès le début dans cette rencontre qu’une perte de temps, une source de frustration et de rage. Toutefois, l’humain avait l’avantage d’avoir éveillé la curiosité de l’enfant de l’orage. Grâce à cela, il obtenait une chose  de prouver d’être digne de l’intérêt du dragon. C’est ainsi qu’après plusieurs jours de réflexion, Verith contacta le Corbeau. Saemon Methus allait avoir l’occasion de remplir une nouvelle mission pour le rouge. Comme à son habitude, il s’en acquitta parfaitement. Le delimarien était un haut dignitaire de la cité, possédant une certaine influence. Ces révélations permirent de confirmer au rouge que l’humain pouvait se montrer digne d’intérêt. Oh, certes pas la conversation qui aurait probablement lieu, mais le service que celui-ci pourrait remplir en guise de paiement afin d’obtenir la possibilité de converser avec Verith. C’est donc sans attendre que le dragon ordonna à son héraut de prendre contact avec Ilhan Avente. Le Corbeau se présenta à l’humain, muni de l’écaille rouge que le libre lui avait offerte il y a bien des années auparavant, prouvant son lien avec colérique. Il formula au dignitaire delimarien un marché. Verith acceptait de le rencontrer, en échange, devrait être livré dans les plus brefs délais, trois barils d’un acide de facture Almaréens. Saemon ignorait pourquoi le dragon souhaitait ces derniers, mais il ne se posait pas la question. Si le rouge en avait besoin, c’est que cela devait être utile à l’un de ses plans. Et s’il ne les obtenait pas ici, alors il les obtiendrait différemment. Le dragon libre seul savait pourquoi il avait besoin de cet élément dont il avait eu vent il y a bien des années alors que le Tyran Blanc dominait Ambarhùna. Le temps était venu pour le colérique de se débarrasser du carcan que l’albinos lui avait imposé et cet acide allait l’aider à fragiliser certaines parties de l’armure.

Quoi qu’il en soit, l’humain sembla accepter la demande et le Corbeau lui fournit de plus amples informations, en commençant par là où les barils devraient être livrés. À deux jours en direction de Nord-Ouest de la cité de Delimar près d’une petite auberge de voyageur. L’humain l’y attendrait là-bas pour en prendre possession. Une fois ceci fait, il lui révélerait le lieu de rencontre avec le dragon rouge. Soit deux jours en direction de l’Est. Une fois sur place, il suffirait d’attendre un peu, Verith les repèrerait rapidement. L’accord fut conclu et honoré. Ainsi Verith quitta l’ile de Tiamat où il étudiait le Bâoli en compagnie de graärh pour se rendre au rendez-vous. Puisque ce bipède avait tenu ses engagements, alors lui tiendrait sa parole. Toutefois, la vie du bipède et la durée de la rencontre dépendraient uniquement des actes de celui-ci. Le dragon était prêt à faire un effort puisqu’il avait obtenu la garantie qu’il ne ferait pas tout cela pour rien, mais cela ne signifiait pas que même en concluant un marché on pouvait lui faire perdre son temps.

L’enfant de l’orage survolait la terre de Calastin. Il arriverait sous peu au point de rendez-vous qu’il avait défini. Haut dans le ciel, à l’aide de sa vue perçante, il repéra quelques individus arrêtés en bordure d’une voie. Il s’agissait sans doute de ceux souhaitant le rencontrer. C’est quand il amorça la descente qu’il put confirmer cela en reconnaissant le visage du bipède qui lui avait été montré mentalement. Magistralement, de toute sa grandeur, l’enfant de l’orage atterrit, faisant trembler le sol au passage.

« Je suis Verith de l’ire, le dragon libre. Vous avez tenu vos engagements. Alors je suis venu ici tenir parole. Que le bipède qui souhaitait s’entretenir avec moi s’avance et se présente. Qu’il choisisse soigneusement ses mots. »

descriptionEntrevue  [PV Ilhan Avente] EmptyRe: Entrevue [PV Ilhan Avente]

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Il était revenu il y a peu en Delimar suite à son séjour à Caladon. Un séjour fort agité, où il avait tenté d’aider à l’enquête concernant les crimes qui assombrissaient la ville de leur ombre de peur. Il devait avouer que cette expérience l’avait fort ébranlé, sur de nombreux points, y compris dans ses possibles convictions. Ou plutôt disons dans les convictions de son ancien lui, qu’il avait lues et assimilées comme étant les siennes jusque-là. Mais voilà, il avait vu, entendu des choses et surtout appris beaucoup en peu de temps. Sans compter les lourdes décisions qu’il avait dû prendre, pétries de secrets, et sa rencontre avec son père vampirique lors de laquelle son coeur avait fait les montagnes glacernoises.

Son retour en Delimar n’avait pas été de tout repos. Il s’était empressé de faire un compte-rendu plus complet à sa Reine, même si toujours sous le sceau du secret, même s’il n’avait pas caché à sa Reine qu’il gardait ce secret et le pourquoi d’un tel choix. Son retour avait également été marqué par une avancée majeure dans sa quête du passé.

Depuis qu’il avait immaculé, et dès qu’ils étaient arrivés dans la cité de l’honneur après leur séjour en Néthéril, Ilhan avait été accueilli, dans ce qui était son ancienne demeure, par toute une maisonnée, qui s’était mis en quatre pour lui, pour le mettre à l’aise. Se présentant chacun, sans sembler prendre ombrage qu’il n’ait plus aucun souvenir d’eux. Et une jeune femme dénommée Dihya lui avait remis un message d’importance de son ancien lui. Quelle ne fut sa surprise quand il lut ledit message. Il y découvrit une lettre lui décrivant une quête urgente : retrouver ses souvenirs pour pouvoir reprendre dignement les rênes d’une organisation qu’il avait créée, une organisation qui risquait d’être en grand danger s’il ne retrouvait pas toutes ses connaissances au plus vite. Toutefois, son ancien lui révélait également que, s’il pensait avoir trouvé plusieurs moyens possibles pour retrouver ses souvenirs en cas de telle situation, son nouveau lui devrait s’en montrer digne, avant qu’il ne les lui révèle. Et de là avait commencé la quête… Une suite d’énigmes, le menant chacune à un nouvel indice, puis une nouvelle énigme.

Il se souvenait encore de la toute première…

"Qu’est-ce qui hante le passé, influence l’avenir, et pèse sur le présent ?
Qu’est-ce qui lui manque cruellement et est la source de tous ses tourments ?"

Il avait mis quelques heures avant d’en trouver la réponse. Et de là, tout s’était enchainé. D’énigme en énigme, il en était arrivé à trouver le Livre de Vie, qui avait raconté les morceaux de passé les plus marquants et les plus importants d’Ilhan Avente ancien du nom. Il avait également trouvé ensuite des documents, des missives, concernant l’organisation secrète en question.

"Elle peut être de fond ou de coton, Piège mortel pour les moucherons.
Quand elle est exceptionnelle, Elle peut devenir œuvre immortelle."

Telle était l'énigme qui lui avait mené. La Toile. Oh, il ne savait pas encore tout à son sujet. Mais il avait compris que la Toile comptait de nombreux agents un peu partout en Calastin et ailleurs aussi, et que son anneau était lié à nombre d’entre eux. Mais tout dernièrement… Et il avait résolu la veille la toute dernière énigme dirait-on.

"Associé au trésor, ou conteneur de jouet,
chez le baryton ou le ténor, à la banque souvent des bijoux on y met."

Le coffre ! Le coffre ! Quand il avait donné la réponse à Dihya, elle lui avait alors tendu une clé, avec un grand sourire, en lui disant d’aller se rendre à la citadelle et de la montrer aux gardes. Aussitôt on lui avait montré le coffre qu’il avait à son nom au pas de l’honneur… Et il y avait trouvé, au centre, posé sur une table, une lettre lui donnant les différentes possibilités de recouvrer ses souvenirs, et un coffret qui contiendrait l’une d’entre elles. Il n’avait pas encore osé ouvrir le coffret. Mais il avait exploré les autres possibilités : demander à un Baptistrel. Refus catégorique. Et s’il en avait été déçu, il pouvait comprendre. Demander à un dragon… Il n’en connaissait aucun qui… Et le coffret. Mais le coffret devrait encore attendre...

Car parlant dragon, l’heure de partir à la rencontre du dragon de l’ire arrivait. Là encore, autre sujet de fébrilité. Parfois, depuis qu’il avait eu la première réponse de Verith dragon de l’ire, il se demandait ce qui lui avait pris quand il avait délivré son message à Shyven à destination de son grand-père. Une pure folie, s’était-il répété plusieurs fois. Sans doute ne s’était-il pas attendu à ce que le dragon, réputé pour mépriser, au mieux, les bipèdes, lui réponde… Pourtant le dragon lui avait répondu.

Tout d’abord pour lui demander trois barils d’un acide almaréens. Demande étrange, missivée par un individu tout aussi étrange se surnommant le Corbeau. Si cette demande l’avait fortement interpelé, Ilhan avait tout mis en œuvre pour l’honorer. Trouver une excuse plausible au pourquoi de ce besoin aux almaréens avait été une gageure, tout comme trouver la somme demandée pour un tel achat. Ilhan avait ruiné son budget du mois. Mais apparemment ce n’était pas la première fois, il était un habitué de ce fait. L’homme chargé de sa comptabilité l’avait vertement réprimandé, mais Ilhan avait certifié faire plus attention à l’avenir… calmant quelque peu les ardeurs meurtrières du comptable. Expliquer ensuite la raison de ce voyage, et donc de son absence le temps de cette livraison et de cette rencontre, avait été tout aussi compliqué. Si pour les almaréens il avait donné des justifications sommaires et bien vagues, il n’avait rien voulu cacher à sa Reine. Il avait par contre tenu à ne prendre avec lui que des araignées. Il ne souhaitait pas faire prendre de risques à des membres importants de Delimar, autre que lui, ou que ses sbires qui semblaient prêts à tous les risques pour lui. Même s’il était sûr que des garde-loups ne manqueraient pas de suivre leur trace, au moins de loin, sur ordre de sa Reine, pour s’assurer de sa sécurité...

L’échange des trois barils avait eu lieu. Et sa troupe avait chevauché ensuite dans la direction indiquée. Ilhan s’était longuement demandé si le Feu de l'ire tiendrait parole et viendrait. Après tout, pourquoi perdrait-il son temps avec un bipède ? Un pseudo humain qui plus est, ou tout du moins représentant d'une cité humaine… C’était un dragon, il pouvait prendre sans donner, et Ilhan serait bien incapable de le lui reprocher ou d’aller toquer à sa porte pour réclamer sa part de marché. Lourd de questionnements, il s’était toutefois rendu au rendez-vous, à deux jours à l’Est de l’auberge de voyageur. Il attendit plusieurs heures, le sang en ébullition et l’esprit en effervescence, quand soudain une grande et majestueuse silhouette se dessina dans le ciel. Elle était encore loin et pourtant se distinguait très nettement. C’était lui, à n’en pas douter.

Cette fois, fébrilité manqua faire trembler le corps chétif de l’althaïen, qui dut se répéter son mantra intérieur tout le long de l’approche de l’immense dragon rouge pour retrouver un semblant de paix intérieure. Et un visage aussi calme que possible de façade. Quand bien même son coeur battant chamade trahissait son émoi. Il entendait très nettement le coeur des autres hommes à ses côtés battre tout aussi vite.

Ilhan ne put s’empêcher de dévorer des yeux la créature majestueuse devant lui, au fur et à mesure de son approche et quand elle atterrit. La terre trembla sous leurs pieds et Ilhan en sentit les vibrations se répercuter jusque dans ses os. Son cheval se cabra, un moment apeuré. Tant et si bien que l’althaïen choisit de mettre pied à terre, de calmer la bête et d’en confier les rênes à un autre homme bien plus habile que lui avec les chevaux. Il fit signe aux autres de rester en arrière.

Et s’avança à pas comptés, le coeur au bord des lèvres, ses jambes chavirant presque.

Il était à quelques mètres du dragon, quand il s’arrêta. Et la voix du dragon percuta son esprit. S’il n’avait pas déjà été en contact avec l’un des leurs dans sa vie antérieure, sans doute aurait-il vacillé sous cet impact mental. Il parvint à ne pas flancher et son esprit resta assez fort pour recevoir le message sans autre embardée. Il savoura même toute la beauté de cette sensation, de cette voix unique et grandiose, qui résonnait ainsi en lui. Il tenta d’en graver chaque mot. Et pesa chacun des siens, avant de prendre à son tour la parole.

Aussitôt, il s’empressa d’offrir une révérence au dragon. À la mode elfique, même si en plus prononcé encore. Puis mit un genou à terre, pour honorer cette noble créature, et baissa la tête un court instant tout en posant une main sur le coeur. Il releva doucement ses yeux sombres, qui pétillaient d’or sous les fortes émotions qui se chamaillaient en lui et qu’il tentait de contrôler. Peur, crainte, sentiment de folie pure, joie intense, sentiment d’immense honneur. S’il tenta de ne pas les montrer physiquement, il ne les chassa pas pour autant de son esprit. Que le dragon lise en lui, comme dans un livre ouvert, s’il le désirait. Il ne voulait, pouvait, rien lui cacher.

Oh noble dragon de l’ire, je suis plus qu’honoré que vous m’ayez accordé cette incommensurable faveur, à moi humble humain. Je m’appelle Ilhan Avente, de la défunte Althaïa, conseiller en Delimar auprès de Tryghild Svenn. Je vous suis infiniment reconnaissant d'avoir accepté ma requête qui a dû vous sembler, pour le moins étrange, si ce n'est outrancière. Je vous prie de bien vouloir recevoir mes plus sincères excuses, si j'ai pu vous offenser d'une quelconque façon que ce soit dans cette démarche.

Il ne s’était toujours pas relevé, un genou toujours à terre, sa main toujours sur son coeur. Ses yeux sombres ne quittèrent pas un seul instant l’éclat vif du regard de l’ire. Il déglutit quelque peu, mais renforça sa volonté, sa détermination, pour ne pas flancher et garder contenance. Il avait des questions, tant et tant de questions. Il voulait comprendre, tant et tant de choses. Et le dragon pourrait peut-être y répondre. Mais au-delà de cela, il voulait l’informer de ce qui se faisait, s’était fait, en son honneur, à Caladon, pour transmettre son message sur la magie. Un message qu’il voulait comprendre aussi, dans toute son essence. Mais il n’osait en dire davantage sans l’assentiment du dragon. Laissant toutes ses pensées flotter à la surface de son esprit à sa disposition s’il le désirait.

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¤ Questionnement ¤


Lentement, les pièces s’emboitaient les unes aux autres. Le dragon de l’ire usait de ses petits protégés pour rassembler les éléments de ce puzzle éparpillés aux quatre coins de l’archipel. Bientôt, l’heure de sa libération viendrait. Bientôt, la dernière insulte, la dernière humiliation du Tyran Blanc à son égard volerait un éclat. Le carcan-armure portant le nom de la sinistre prison volcanique quitterait définitivement ses écailles et le rouge la détruirait où la dissimuleraient au plus profonds des abysses, là où jamais personne ne pourrait la retrouver. Dans cette quête, le rouge savait qu’il devait donner de sa personne. Ce qu’il avait fait à maintes reprises. Le plus gros du travail avait été accompli par lui. Ses protégés n’agissant que dans les rares cas où il ne pouvait pas le faire, ou alors lorsque de certaines situations se présentaient. Comme celle d’aujourd’hui. Une aubaine que le colérique avait saisie pour en tirer avantage. Malheureusement, il devrait s’acquitter de son obligation : rencontrer un bipède. Pour le rouge, c’était une véritable corvée. Il préfèrerait encore déplacer une montagne ou combattre une chimère. Le dragon libre n’avait aucune attente, aucune espérance, de la part du bipède qu’il devrait rencontrer. Il était désabusé. Ce dernier ne serait pas en mesure de le décevoir dans la mesure où il n’attendait rien … quoi que, avec les bipèdes le pire est toujours possible.

L’enfant de l’orage se présenta au lieu de rendez-vous, atterrissant de toute sa superbe et sommant au bipède désireux de lui parler de s’avancer et de s’exprimer. L’un d’entre eux finit par s’avancer. Un petit bipède parmi les bipèdes. Verith pouvait sentir le doute assaillir l’esprit de cet immaculé. Il sentit néanmoins quelque chose. L’esprit de ce dernier était fort, mais son corps, lui, était faible. Cette différence était assez étonnante. L'immaculé était à la fois hésitant et émerveillé face au colérique. Cela eut pour effet de détendre un peu l’enfant de l’orage, au moins n’était-il pas face à un idiot considérant les dragons comme quelque chose de banal et ayant donc conscience de la différence entre leurs deux espèces. L'immaculé agissait avec les nobles manières des bipèdes, venant faire la révérence à Verith. Le colérique aurait pu s’en moquer, mais il ne le fit pas. S’il s’agissait là de sa manière de lui, présentez ses respects, qu’il fasse. Il n’était pas ici pour donner un cours de bonne manière draconique. Le dénommer Ilhan sembla enfin trouver la force de s’exprimer et le rouge l’écouta dans le calme.

L'immaculé se présenta sous le nom d’Ilhan Avente, originaire de la ville d’Athaïa, occupant le poste de conseiller au sein de la ville de Delimar auprès de la dirigeante Tryghild Svenn. Verith avait déjà eu l’occasion de rencontrer cette dernière et de lui parler. Il gardait un bon souvenir de cette rencontre, dans la limite de ce que l’on peut tirer de bon d’une rencontre avec un bipède. L'immaculé garda ensuite le silence, ne disant mot. Semblant encore hésitant. Attendait-il une autorisation de sa part pour continuer ? Ou rassemblait-il encore son courage pour continuer à s’exprimer devant lui.

« Si tu m’avais offensé par ta requête, sache que tu serais déjà mort. Tu t’y es bien mieux pris que d’autres avant toi. Tu n’es pas le premier bipède à vouloir t’adresser à moi. Et tu ne seras pas le dernier. Sache cependant une chose : je n’ai pas tué le dragon-esprit pour prendre sa place. Alors, ne t’adresse pas à moi comme tu pouvais t’adresser à lui. Je ne suis pas là pour vous aider d’une quelconque manière dans vos malheurs. Je ne suis ni le protecteur des bipèdes et encore moins leurs alliés. Bien au contraire. J’ai accepté cette entrevue par échange de bon procédé. »

Le rouge sentait flotté à la surface de l’esprit du petit bipède bon nombre d’interrogation. Il les survola rapidement. Il n’était pas ici pour faire lui-même les questions et les réponses. Le bipède souhaitait lui parler, alors qu’il parle.

« Le temps file, bipède, et il t’en reste bien moins à toi qu’à moi. Évite donc d’en perdre ou d’en faire perdre. Tu n’es pas venu jusqu’ici simplement pour te présenter, t’excuser et admirer ma silhouette. Parle sans plus attendre de ce qui occupe ton esprit. Ou peut-être crains-tu de ne pas parvenir à choisir soigneusement tes mots pour évoquer ce que Vaea a fait et ce que tu en penses ? »


Dernière édition par Verith le Mar 21 Avr 2020 - 14:52, édité 1 fois

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« Si tu m’avais offensé par ta requête, sache que tu serais déjà mort. »

Voilà qui avait au moins le mérite d’être clair. Et cette simple phrase arracha même un léger sourire amusé à l’althaïen. Il avait soudain l’impression de retrouver le franc-parler de sa Reine. Même s’il lui était impossible de réellement comparer un noble dragon à un bipède quel qu’il soit…

La mort ? Il avait eu l’impression de la traverser plusieurs fois, et de maintes façons. La mort du corps, mais aussi de l’esprit et de l’âme. Et pourtant il était encore là. Dire qu’il n’en avait pas peur serait peut-être mentir, mais disons qu’il savait pouvoir la regarder droit dans les yeux. Et mourir de la patte d’un dragon… C’était là au moins une mort digne de ce nom ! Si tel était le souhait du Feu de l’Ire, qui était-il pour l’en dissuader ?

Mais apparemment, il semblerait que ce jour lui soit clément. Il fut flatté des potentiels compliments du dragon. Sans doute n’en était-ce pas, mais il choisit de les prendre comme tels. Ce devait être le genre de mots que peu de bipèdes pouvaient se targuer d'avoir reçus de la part du Feu de l’Ire. Ilhan s’empressa alors de hocher lentement la tête, signifiant qu’il recevait ces mots avec honneur.

Pas là pour les aider. Pas un protecteur ni un allié. Et visiblement le dragon n’avait aucun désir de se voir déifier. Mais oui le temps filait. Mieux valait ne pas user la patience draconique de son noble invité. Il ne put s’empêcher toutefois de relever la sagesse que portaient certains mots. "Il t’en reste bien moins à toi qu’à moi. Évite donc d’en perdre ou d’en faire perdre." Voilà un conseil qu’il se devrait de garder précieusement. De consigner, si jamais il rentrait, et de le relire à tête reposée. D’y méditer… Lui qui semblait s’être déjà tant posé de questions, dans son existence humaine, sur le sens de la vie et surtout sur le sens du temps… En témoignait sa pythie, qu’il conservait toujours avec lui. Il se retint de venir la caresser à travers les tissus qui la recouvraient, alors qu’elle pendait à son cou. Et se força à revenir au temps présent. À ne pas faire perdre plus de temps au Feu de l’Ire.

Bien qu’il dut avouer qu’il serait bien resté encore quelques minutes à contempler sa silhouette. Ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait admirer un dragon, surtout de cette taille et de cette prestance. Et son regard sombre pétilla d’or à cette pensée.

Il se releva doucement avant de reprendre la parole, pesant effectivement les mots qu’il allait offrir. Au vu du peu que le dragon venait de lui dire, il n’avait nul désir d’être considéré comme un Dieu. Se tenir à genou devant lui, sans l’offenser, ne l’honorait visiblement pas réellement. Alors que penserait-il du comportement des Brise-Sorts qui avait érigé des statues à son image et semblait considérer ses dires comme parole de Dieux ? Non pas qu’il remettait en cause la portée du message, mais il n’était pas bien sûr que le dragon réagirait favorablement à se savoir presque érigé en Dieu vivant.

En effet, je crains de ne pas parvenir à choisir les bons mots. Et ce n’est pas faute pourtant d’avoir tourné mes phrases tout le trajet durant.

Se disant, il avait baissé la tête, tel un gamin pris en faute. Mais, se morigénant de cette faiblesse, il puisa en son esprit tout son courage pour relever ses orbes sombres, plus pétillants encore de ces éclats dorés, signe d’émotions troublées.

Je ne sais si votre… petite-fille ? Je suis désolé si vous ne vous désignez pas ainsi. Je ne sais si votre apparentée, la dracène du nom de Shyven, vous a raconté tout ce qui s’était passé en Caladon. Oui, en effet, mille questions m’agitent au sujet de Vaea et des siens. Non pas au sujet de l'importance de la parole qu’ils prônaient, même si là aussi j’aurais aimé avoir l’honneur d’appréhender totalement ce message, mais plutôt dans leur façon, leur choix, d’agir. Ils semblent vouer un véritable culte en votre noble personne, érigeant des statues à votre effigie et portant une sorte de lien rouge formant leur serment. Ils tuent au nom de la protection de la magie. Sans doute pas aveuglément. Mais…

Il s’humecta les lèvres.

Je suis convaincu, mais peut-être que je me trompe, que cette méthode de prôner la bonne parole ne ferait que rencontrer résistance et révulsion et aurait l’effet inverse de celui escompté. Au lieu de convaincre les peuples de leur tord, la force et la peur les musèlent… pour un temps, avant que le vent de la rébellion souffle, plus fort, plus violent, et balaye au loin tous les arguments légitimes de départ. Les peuples n’écoutent pas sous la peur et la contrainte. Les temps du Tyran Blanc nous l’ont bien appris. Sans compter… cela ne ferait-il pas de vous, indirectement, contre votre propre volonté, un autre tyran ?

Aussitôt, il porta une main à son coeur et s’inclina légèrement.

Loin de moi l’idée de vous offenser. Mais à vous entendre précédemment, je crois comprendre que vous ne souhaitez en rien être considéré tel un Dieu… ni même un guide. Je ne comprends donc pas comment ils en sont venus à vous considérer ainsi.

Il releva lentement les yeux, le coeur battant. Son dernier instant serait-il venu ?

J'aurais aimé comprendre donc. Et en même temps, en mon coeur, je ne parviens pas à totalement les condamner. Je ne comprends pas forcément leur comportement dans leur intégralité, mais je me dis qu’en venir à de telles extrémités est le signe d’un grand désespoir. Un désespoir en nous, nous bipèdes, toutes races confondues, quand bien même ils en font également partie. Et si je vous demande si nous sommes réellement des cas totalement désespérés, sans doute me répondrez-vous "oui", sans hésitation aucune. Après tout, siècle après siècle nous semblons commettre les mêmes erreurs, et ce, pas seulement envers la magie. Pourtant… vous n’avez pas cherché à nous exterminer. Vous n’en êtes pas venu, vous-même, à de telles extrémités. Pourquoi ? Pourquoi nous avez-vous épargnés ? Doit-on les laisser continuer ? N’y a-t-il pas un autre chemin, un autre moyen de faire passer ce message, votre message en quelque sorte, sans violence, en éduquant nos paires ?

Un lourd soupir lui échappa.

Et si éducation il y a… J’avoue que je serais sans doute le premier à en avoir besoin. Usage raisonné et raisonnable de la magie… Où cela commence-t-il et où cela s’arrête-t-il ? Quelles sont les limites ? Depuis peu je suis magie…

Lui qui avait renaquit en Sainnûr, avec une très courte transition.

En suis-je alors un usage irraisonné ?

Et l’on pouvait percevoir dans cette dernière question un certain désarroi. Surtout au souvenir des Nywins qui avaient été utilisés pour happer la magie des cibles des Brise-Sorts. Leur race, magnifique, même si pas autant que la race draconique, était aussi des plus dangereuses au final. Allaient-ils mettre en péril tout l'archipel ?

Je sais que vous avez dit ne pas vouloir être ni guide ni protecteur. Mais... je tenais déjà à m'assurer que vous sachiez ce qui avait été fait, indirectement en votre nom. Et j'aurais aimé également comprendre. Comprendre leurs agissements, et comprendre ce message, en son entièreté.

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¤ La réponse du dragon ¤


L’enfant de l’orage observait le bipède qui se tenait face à lui, sentant son hésitation, ses questionnements, ses doutes. Le dragon avait accepté l’entrevue, mais il n’avait pas accepté de mener cette conversation lui tout seul. Il n’avait aucune intention de faire les questions et les réponses. Et ce n’est sans doute pas ce que l’immaculé attendait non plus. Cependant, si ce dernier ne se décidait pas à prendre son courage à deux mains, alors il aurait gâché tout ce qui se produisait aujourd’hui. Et il mettait également en péril son existence et celle des hommes derrière lui, car le colérique n’aurait pas apprécié cette perte de temps et cette couardise. Verith accepta toutefois de faire un pas, venant exercer une pression sur son interlocuteur pour l’amener à parler sans pour autant lui tirer totalement les vers du nez. C’est un avertissement, rien de plus. Et cela sembla faire effet. Le dénommé Ilhan Avente se mettant dès lors à parler, à parler et encore à parler. L’enfant de l’orage avait en effet appris ce qui s’était produit à Caladon, soit de par Shyven, soit de par Vaea lui-même. Est-ce que le colérique avait quelque chose à redire à tout cela ? Oui, bien entendu. Il ne souhaitait pas la dévotion de Vaea et ses compagnons, et encore moins de statues à son effigie telle une idole. Il n’était pas une divinité. Il avait vu ce qu’était une divinité, de très près, et il refusait d’être comparé à cela. Le rouge avait déjà fait part de son sentiment à ce sujet aux briseurs de sort, le mettant en garde. Pour autant, l’avait-il obligé à abandonner sa potentielle croyance ou culte à son égard ? Non. Verith indiquait aux individus une voie, c’était ensuite à eux de l’arpenter. Le colérique ne les guiderait pas sur celle-ci. À eux et à eux seul de la suivre. Il pouvait éventuellement donner un conseil ou son avis, mais en aucun cas il ne servirait de guide. Pourquoi ? Car cela reviendrait à accomplir le chemin à leur place. Le dragon n’était pas tel un berger menant son troupeau de chèvres. Verith laisse l’immaculé s’exprimer sans le couper, attendant simplement l’instant où sa bouche viendrait définitivement se clore. Le colérique se doutant que s’il l’interrompait au milieu, surtout pour dire ce qu’il avait à dire, le bipède n’oserait plus de nouveau ouvrir la bouche.

« Crois-tu que Vaea ait agi selon ma volonté ? Je ne lui ai rien demandé. Je n’attends rien de vous, bipèdes, car je n’ai plus rien à attendre vous. Vous n’êtes pas uniquement une cause perdue, vous êtes également nuisible à ma race et à ce monde. Pour le bien des dragons et de ce monde, vous devez disparaitre. C’est la tragique conclusion à laquelle j’en suis arrivé, après avoir perdu mon frère, ma sœur, ma mère, après avoir héritier d’ancestraux souvenirs et de savoirs oubliés. Vous êtes une cause abandonnée devenue perdue par vos propres actions. »

Le colérique posa un regard froid sur l’immaculé face à ce qui semblait être une condamnation à mort de sa personne, de son espèce et de toutes les espèces bipèdes.

« Alors que j’arrivais à ce constat, j’ai cherché à comprendre les raisons pour lesquelles j’ai été amené à vous considérer comme nuisible. Et je pense en avoir identifié une : votre arrogance face à la magie. Par votre utilisation triviale, vous la considérez comme acquise. Elle vous appartient, elle vous revient de droit. Cette erreur vous conduit à ne pas la respecter et par extension à ne pas respecter ceux à qui elle appartient réellement : nous les dragons. Vous ne respectez pas la magie, vous ne respectez pas les dragons, de ce fait, vous ne respectez pas la vie dont l’existence est permise grâce à la magie et grâce à mon espèce. Vous êtes des créatures ne connaissant pas leur place et perturbant les cycles. »

Le ton du dragon était calme, il avait murement réfléchi et nourrit cette conclusion grâce à l’infinité d’informations dont il disposait. Même en l’absence des Tarenth pour les guider. Même du fait de l’abandon des déesses. Le respect de la magie, des dragons et de la vie étaient une chose évidente qu’ils n’auraient pu ignorer. Et surtout choses qui leur ont été rappelées mainte et mainte fois, aussi bien de manière directe qu’indirecte.

« Je ne compte plus les occasions qui vous ont été offertes d’apprendre de vos erreurs. Combien de dragons sont morts pour vous donner ces opportunités ? Trop de sang des miens a coulé. »

Verith était dépité, désabusé. Faire confiance aux bipèdes ? Leur donner une chance de plus ? Certainement pas. Lui ne leur donnerait pas. Ils n’étaient plus dignes de la pitié d’un dragon.

« Le temps n’est plus à l’éducation. Il est temps pour les bipèdes de faire face aux conséquences de leurs actes déraisonnés. Cela Vaea l’a compris. Il n’accomplit pas ma volonté, bien au contraire. Il combat mon désabusement, il essaye d’offrir aux bipèdes une dernière chance en prenant en compte le peu de temps qui vous est imparti et ce qui a déjà été fait pour éveiller vos consciences. Ces méthodes sont certes extrêmes, mais la violence et le sang sont au regard des millénaires votre moyen de communication le plus efficace. Le temps ne joue pas en votre faveur. Dans le cas contraire peut-être aurait-il choisi de laisser une dernière chance à la voie de l’éducation et non d’user de la voie la répression. »

Le colérique dodelina de la tête.

« Je n’approuve pas le culte qu’il me voue, cela il le sait déjà. L’idée d’être ainsi rapproché des divinités ou du Tyran Blanc me répugne. Pour autant je n’ai pas l’intention de vous dicter votre conduite, ni l’envie ou même la force de vous guider. Aussi lui ai-je simplement fais part de ma désapprobation. Il lui appartient de faire ses propres choix. Sans doute est-ce là sa façon de me remercier de lui avoir indiqué la voie vers une potentielle rédemption pour les bipèdes, de me témoigner son respect. Peut-être espère-t-il aussi que cela jouera en votre faveur le jour où il viendra me demander un répit ou le pardon pour les actes de vos races envers ce monde, la magie et les miens? »

Cela, il ne le saurait que le moment venu. Le rouge n’attendait plus rien des bipèdes. Il n’avait donc rien à leur demander. C’était donc à eux de montrer qu’ils avaient changés ou à défaut qu’ils étaient capables de changer. Qu’ils étaient capables d’apprendre de leur erreur et de ne plus les reproduire. L’enfant de l’orage n’y croyait pas. Mais peut-être parviendrait-on à lui prouver le contraire. Aussi improbable cela puisse-t-il paraitre.

« Mon message n’est donc pas une chance que je vous offre. Pas même Vaea. Mon message est simplement là. Il n’est même pas fait pour vous. Il est fait pour les générations futures de dragons. Lorsque je viendrais à mourir, que ma mémoire rejoindra la collectivité, ils pourront ainsi comprendre pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait. »

Le rouge pouffa légèrement de rire.

« Il n’y a point de sagesse à laisser un membre gangrené attacher au reste du corps en espérant que la maladie partira d’elle-même. Il n’y a que folie, et je ne suis pas fou. Ce n’est pas par sagesse que je ne vous ai pas encore exterminé. Les déesses, le Tyran Blanc, les chimères, un obstacle bien plus préoccupant que vous s’est toujours dressé sur ma route. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et l’unique individu encore capable de vous défendre est mort. J’ai pris la vie du dragon-esprit pour de nombreuses raisons. Le fait qu’il était votre protecteur en était une. »

Oui, le combat de Verith contre les bipèdes avait déjà commencé. Et la seule chose représentant encore pour lui une menace, un obstacle dans l’élimination des gangrènes nommées bipèdes, n’est ni plus ni moins que le lien.

« La mort de Vaea a peut-être mis fin au maigre espoir qui restait encore aux bipèdes. Je reconnais bien là l'arrogance des bipèdes, que de présumer de la parole d’un dragon, et de la parole en général, pensant que parce qu’il agisse au nom de quelqu'un, cette personne leur a forcément ordonné quoi faire. Tu te présentes à moi, sous couvert de vouloir me prévenir des agissements commis en mon nom. Espérant que j’arrange une fois de plus des actes de bipèdes. Que je donne une chance supplémentaire à ceux qui ont tué mon sang. Que j’éduque, alors que je suis persuadé que vous êtes incapable d’apprendre. Que je guide des bipèdes, alors que je refuse cette responsabilité qui n’a jamais été destinée à un dragon. Que je sauve de ma colère ceux que je condamne. »

Un profond soupir s’échappa du rouge.

« Toutes ces questions, c’est peut-être avec Vaea que tu aurais dû en discuter, au lieu de me les poser. Où serait l’intérêt, si c’était à moi d’y répondre ? »

L’enfant de l’orage cracha quelques flammèches par ces naseaux.

« Je répondrais au moins à celle-là. La magie permet à toute vie de se développer, certaines y sont moins liées que d’autres, mais toutes en ont besoin. Ta simple existence n’en est donc pas un usage irraisonné, mais une manifestation du don de la magie. Sans quoi il faudrait absolument tout détruire et on se retrouverait avec une terre aussi désolée que celle d’où viennent les Almaréens. »


Dernière édition par Verith le Mar 19 Mai 2020 - 12:25, édité 1 fois

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Les mots du dragon étaient durs, âpres. Affirmer que pour lui les bipèdes étaient plus qu’une simple cause perdue, mais des nuisibles à éliminer, c’était là un jugement bien funeste. Rien qui n’étonnât réellement l’althaïen, qui avait déjà entendu beaucoup de rumeurs concernant la réputation du Dragon de l’Ire. Ce dernier ne portait pas ce nom pour rien. Pour autant, quand bien même ces mots pouvaient paraître cruels, voire aveugles dans leur sentence sans appel, Ilhan y entendait aussi une horrifique douleur. Il entendait l’expérience d’une perte, d’un deuil profond, et d’un désespoir sans nom. Le dragon les condamnait peut-être, eux, bipèdes, mais parce qu’il souhaitait sauver ce monde dans lequel il vivait. Et…

Pour être honnête, même s’il ne partageait pas une sentence si fatale et surtout si radicale, Ilhan devait avouer s’être déjà dit plusieurs fois que les siens étaient des cas désespérés. Depuis sa renaissance, mais cela ressortait aussi dans les retranscriptions de son ancien lui. Ce n’était pas pour rien que ce dernier avait voulu, en arrivant sur l’archipel, s’éloigner de toute politique, de toute manigance, prendre sa retraite et rester un simple observateur. Il en avait finalement choisi tout autrement, quand Tryghild était venue le chercher, mais l’idée l’avait effleuré de tout abandonner, de laisser ses paires se dépêtrer dans les miasmes de leur bêtise avide et de leur aveuglement cupide. Mais il avait rencontré une Reine, du moins à ses yeux, qui lui avait redonné un semblant d’espoir. Ce semblant d’espoir auquel il se raccrochait, encore aujourd’hui, dans ses moments de doute, fort nombreux toutefois. Donc oui, il comprenait, en un sens, le ressentiment du dragon. C’est pourquoi il ne répondit rien à ces assertions accusatrices envers sa race. Ou ses races ? Parfois il ne savait plus trop à laquelle il appartenait réellement…

De même, au sujet du respect de la vie, il l’avait également constaté. Les bipèdes, les humains surtout, semblaient prédisposés à prendre sans donner, à s’emparer de tout ce qui les entourait, sans aucun respect, sans aucune retenue. Oui, cela aussi, il s’en était fait la réflexion. Son ancien lui n’était d’ailleurs pas tout à fait exempt de ce défaut, à aimer posséder pour son propre confort et celui de ses proches. Est-ce que sa générosité, qui le poussait souvent à partager ses richesses avec d’autres et à leur faire profiter de ses largesses, compensait un tant soit peu ce trait ? Il n’aurait su dire. Mais le fait était là : les bipèdes aimaient posséder. Plus, toujours plus. Et plus le dragon parlait, plus la culpabilité rongeait l’Immaculé. Il se sentait coupable oui, même s’il n’était pas seul à la porter. Coupable, si ce n’est de tous ces faits dont on les accusait, lui qui tentait tout de même de respecter la vie de tout être qu’il rencontrait et luttait pour la paix, l'équilibre et l’harmonie autant qu’il le pouvait, du moins de n’avoir pas réussi. Coupable au moins de ses échecs, de ses erreurs…

Et alors, soudain, que le dragon évoquait le savoir ancestral qui lui avait permis de comprendre tout cela, alors qu’il lui affirmait qu’il n’était plus temps de les éduquer, une brusque illumination fusa dans l’esprit de l’althaïen. Voilà ce qu’il leur manquait, à eux, bipèdes, pour retenir pleinement les leçons de l’histoire. La mémoire. Certes, certains comme les elfes en étaient dotés, mais ils étaient souvent bien trop reclus sur eux-mêmes. Mais si l’on considérait les humains, bipèdes les plus nombreux au final, du moins sur l’ancien continent, et surtout les plus coupables des reproches du dragon, leur vie était bien courte, fugace, tel un éclair dans le ciel de l’éternité de ce monde. Ils apprenaient vite, certes, mais il leur manquait… la mémoire de leurs ancêtres, la mémoire de leurs anciens. Il y avait bien des parchemins et des livres d’histoire, mais… combien étaient ceux qui avaient la chance de savoir les lire, de pouvoir les parcourir, qui avaient la chance de recevoir une certaine éducation ? Une poignée tout au plus, dans cette marée humaine.

La mémoire, l’enseignement, l’éducation… Tous ces mots tournèrent en boucle dans l’esprit du Sainnûr, en même temps qu’il écoutait le dragon. Était-il encore temps ? Le dragon pensait que non. Mais… qu’est-ce que cela coûtait d’essayer ? Ils semblaient après tout déjà condamnés, ils n’avaient donc au final rien à perdre à tenter quand même ? Pour Ilhan, en tout cas, l’enseignement, l’éducation, était la clé et l'arme la plus puissante contre l'ignorance qui les flagellait de son sceau depuis tout ce temps. Une des clés du moins. L’élément crucial qui permettrait aux races bipédiques de s’élever de leur condition et de parvenir à une meilleure compréhension de leur monde… Et alors que ce constat s’affirmait dans son esprit, plusieurs pistes commençaient déjà à se dessiner. Des pistes qui demanderaient des efforts titanesques, qu’un seul homme, un seul sainnûr plutôt, ne pourrait pas accomplir seul. Des efforts si énormes, aux potentiels effets si longs, qu’il n’en verrait peut-être pas même les bénéfices lui-même. Pouvait-il oser les évoquer, ici, là devant le Dragon de l’Ire, alors que ce dernier venait de les condamner ?

Alors qu’il parlait d’eux comme une gangrène à amputer. À ces mots, Ilhan sentit un étau resserrer sa poitrine et son coeur battre plus fort. Il fut tenté de baisser la tête, mais se força à ancrer ses orbes sombres, pétillant de l’or de ses émotions, sur les écailles rougeoyantes.

« Toutes ces questions, c’est peut-être avec Vaea que tu aurais dû en discuter, au lieu de me les poser. Où serait l’intérêt, si c’était à moi d’y répondre ? »

Il avait essayé, fut-il tenté de répondre. Toutefois il se tut, bien que sa pensée fut suffisamment forte sans doute pour que le dragon la reçoive. Oui, il avait posé des questions à Vaea et avait demandé à comprendre. Mais ses questions avaient sans doute été mal comprises et s’était-il sans doute mal exprimé. Quand il entendit toutefois le dragon répondre que les Sainnûr n’étaient pas, par leur seule existence, un usage irraisonné, il en sentit un certain soulagement et l’étau se desserra. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il constata que ses filaments étaient sortis et dansaient un ballet empreint d’une profonde tristesse dans son dos. Ils cessèrent tout doucement de s’agiter et se rétractèrent lentement quand il se força à reprendre le contrôle.

Oui, la mort de Vaea est regrettable, et j’aurais aimé parvenir à l’éviter.

Mais il avait échoué. Là encore.

Merci de vos réponses, fit-il en s’inclinant légèrement, sans lâcher le dragon des yeux. Elles sont pour moi riches d’enseignement.

Et de douleur, ajouta-t-il mentalement.

Je suis désolé si vous avez pensé qu’en me présentant à vous je présumais de quoi que ce soit, ou que j’espérais que vous pourriez arranger les actes des bipèdes que nous sommes. Loin de moi cette idée. Je suis venu pour comprendre et… pour apprendre.

Cette fois il baissa un court instant les yeux, cherchant ses mots, puis les releva, une lueur déterminée brûlant au fond de ses perles de jais.

Je viens de renaître en ce monde, où je dois tout réapprendre, où tout est nouveau… et où tout me paraît abrupte violence et tyrannie en pleine essence. Je dois vous avouer avoir partagé par instants, que ce soit mon moi de maintenant ou celui d’avant, votre désespoir concernant mes paires. Pour autant, quelques êtres ont su m’insuffler une petite lueur d’espoir. Je me battrai alors pour cette lueur, pour que mes paires apprennent, comprennent, et que nous parvenions, peut-être un jour, à vous montrer que nous pouvons devenir digne de vivre en ce monde en le respectant. Peut-être échouerai-je, mais je serais un lâche si je baissais les bras. Est-ce que nous aurons assez de temps pour ce faire ?

"Est-ce que le dragon ne les aurait pas finalement exterminés d’ici là ?" était sa question non exprimée sous-jacente.

Maints dangers nous attendent encore…

Un fin sourire s’esquissa alors sur ses lèvres.

Et nous faisons au moins de la bonne chair à feutonerre ?

Finalement devaient-ils bénir toutes les puissances tyranniques, qui cherchaient à les détruire, pour leur faire gagner ainsi un petit répit face à l’Ire d’Aile de mort ? Son sourire taquin s’effaça toutefois bien rapidement et il porta une main sur le coeur en signe de demande de pardon. Il ne souhaitait en rien se moquer ou se montrer insolent. C’était d’ailleurs plus de l’autodérision qu’autre chose, si le dragon le lui concédait.

Je ne puis affirmer comprendre toute la portée de la sagesse que vous avez daigné partager en cet instant, mais je puis au moins vous promettre de méditer sur ces mots-là. Vous m’avez donné beaucoup à penser et insufflé de nombreuses inspirations.

Oserait-il en dire plus ? Ou se tairait-il par peur de l’outrager ? Non, s’il était venu ici, c’était pour avoir des réponses. Il devait oser. Aller jusqu’au bout de sa pensée du moins.

À vous écouter, je crois avoir compris une chose. Peut-être est-ce que je me fourvoie. Mais… je pense qu’il manque cruellement une chose aux bipèdes. La mémoire. L’enseignement et la sagesse qu’elle apporte. La compréhension du monde, des choses et de la magie.

Il inspira, prenant tout son courage pour développer son opinion et son idée.

Quand la magie est apparue, je n’ai personnellement reçu aucun enseignement la concernant. Trop accaparé par… des histoires de bipèdes, la politique et autres urgences dont vous connaissez les noms…

Almaréens, Néant, la Guerre des Dieux, le Tyran Blanc, les Chimères… Tout comme le dragon avait eu bien trop à faire pour prendre le temps de tuer les bipèdes, peut-être eux aussi avaient-ils eu beaucoup à gérer pour prendre le temps de comprendre la magie ? Certes leurs ancêtres l'auraient pu, lors des temps de paix qu'ils avaient connu... Et on en revenait alors à la mémoire, au savoir ancestral perdu...

Mon moi d’alors a appris sur le tas, par-ci par-là, sans en comprendre les fondements. Il a fallu qu’il rencontre il y a peu un haut mage de renom, pour qu’il comprenne un tant soit peu ce que pouvait être réellement la trame, son flux, et l’énergie qui reliait alors toute chose et tout être. Et même là je pense qu’il ne faisait que toucher du doigt ce qu’était la magie. Il m’a fallu renaître…

Il passa un bras devant lui pour se désigner tout entier.

Tel que je suis, race magique parmi toutes les races bipèdiques, pour la "voir". La sentir. La comprendre peut-être mieux un jour alors. Et s’il n’a pas pris le temps, ce n’est pas par mépris ou désintérêt, c’est… par l’urgence de situations autres à gérer. Et encore, il avait la chance d’avoir reçu une certaine éducation, de connaître un peu l’histoire de notre monde, de nos races… de savoir lire et écrire… combien d’entre les bipèdes peuvent se targuer d’une telle chance ? Voilà le problème des bipèdes. De l’une de leurs races du moins, les humains. La plus nombreuse et peut-être la plus…

Coupable ?

Critique.

Oui il n’osait appeler un chat, un chat, mais bon.

Cette race est bien trop éphémère, vit et meurt trop vite, pour qu’ils parviennent à conserver leur mémoire fidèlement de génération en génération. Et ils ne l’ont pas entretenu non plus tels les elfes. Ce n'est pas une excuse à leurs méfaits, ni aux tords qu'ils ont pu commettre envers les vôtres. mais peut-être en est-ce, au moins en partie, une explication.

Outre le caractère cupide et avide de certains bipèdes... mais ceux-là étaient alors sans doute bel et bien des cas désespérés...

Je me dis qu’il leur faut peut-être trouver un moyen d’avoir… leur mémoire ancestrale à eux. Certes, elle ne sera pas digne de celle des dragons. Mais… Il leur faut une mémoire. Il leur faut donc… un système d’enseignement et d’éducation. Et ce, que ce soit pour la magie, mais aussi pour bien d’autres choses, comme tout ce qui concerne le monde qui les entoure. Est-ce trop tard pour cela ?

Oui, peut-être…

Je ne saurais le dire. Selon vous, oui, mais qu’ai-je à perdre à essayer ?

A part de l'énergie. Et du temps. Mais il en avait maintenant... Il inspira de nouveau.

J’aimerais alors créer des institutions d’enseignement, de magie essentiellement dans un premier temps, pour tout être doté d’un potentiel important pouvant porter préjudice s’il ne le maitrise pas. Nous avons déjà commencé à créer des écoles enseignant les théories de la magie à Delimar… mais pourquoi se limiter à cette cité ? Et pourquoi ne pas aller plus loin encore ?

Il s’humecta les lèvres.

Mais pour cela, il va me falloir convaincre. Notamment les dirigeants de chaque royaume, chaque cité, mais pas seulement… Et il va falloir en parallèle prendre des mesures plus urgentes encore. Comme une régulation de l’usage de la magie peut-être, en attendant que le système d’enseignement porte réellement ses fruits. Pour cela… il nous faudrait sans doute lancer un Congrès de la Magie, pour réunir chaque dirigeant et chaque haut mage, chaque acteur important de la magie, dragons compris si vous le désirez, pour exposer à tous l’urgence de la situation quant à la magie, pour les convaincre et pour les pousser à prendre des décisions. Tel un traité de bon usage de la magie, validé par chaque dirigeant, explicitant les usages raisonnés et raisonnables de la magie, les infractions et les peines encourues…

Il réalisa soudain qu’il se laissait emporter par ses idées et que sans doute il commençait à effriter la patience du dragon.

Je vous prie de me pardonner, fit-il aussitôt, une main sur son torse. Je m’emporte, je m’enflamme. Mon ardeur à vouloir sauver les miens sans doute… J’abuse de votre patience et de vos largesses. Toutefois, j’aurais aimé…

Il s’humecta les lèvres une fois encore, le coeur battant, à la pensée de ce qu’il allait oser.

Je sais ma demande sans doute abusée, vous qui avez dit ne pas vouloir nous guider. Mais… Pour convaincre les acteurs majeurs d’agir, il me faut… des arguments. Il me faut… comprendre moi-même pleinement, et surtout pouvoir leur exposer des faits. Vous allez me dire que nous avons déjà eu des signes, des indices, des méfaits d’un usage abusif et malsain de la magie. Le désert d’Esfelia en serait un bon témoin. Toutefois… Chaque balafre, chaque signe, a toujours été en lien avec un événement majeur, un combat de puissances qui nous dépassaient. Voilà ce que mes paires voient souvent, je pense, dans ces signes. Plus qu’une alerte sur leur propre usage intensif de la magie au jour le jour, ils voient les signes de combats de divinités, de déités puissantes et éthérées, de chimères venues d’un autre monde… Comment puis-je donc les convaincre pleinement alors ?

Pouvait-on, au moins, lui donner les armes ? Ce combat contre ces paires lui semblait déjà bien âpre et bien ardu, telle une montagne acérée qu’il faudrait escalader pouce après pouce. Si au moins on pouvait lui donner… un bâton sur lequel s’appuyer ?

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¤ La réponse du dragon II ¤

« Oui, la mort de Vaea est regrettable, et j’aurais aimé parvenir à l’éviter. »

L’enfant de l’orage garde le silence. Oui Vaea était mort et cette mort était regrettable. Regrettable pour eux les bipèdes. Après tout ce sont eux qu’il essayait de sauver par ses actes même extrêmes. L’immaculé ignorait que le brise-sort était encore en vie, ou plutôt qu’il était revenu à la vie. Vaea était mort, c’est un fait que rien ne pouvait changer. Il avait connu la mort, il était mort et quand bien même il était revenu à la vie cela ne changeait rien au fait qu’il était mort au moins une fois. Le bipède vénérant l’ire avait reçu une deuxième chance de sauver les siens. Le rouge n’approuvait pas réellement cela. La vie et la mort sont des choses avec lesquelles il ne vaut mieux pas jouer. Mais ce qu’il appréciait encore moins c’est que ce dernier avait été ramené à la vie et coopérait à présent avec un dragonnier. Verith voyait cette affiliation au lien d’un très mauvais œil. Plus encore, les dragonniers avaient joué un rôle significatif dans ce que le colérique avait exposé plus tôt, dans l’arrogance des bipèdes en ce que la magie leur appartenait. Se lier à un dragon c’est se lier à la magie, cela montrer que peut la domestiquer, la dominer. Une chose parfaitement inacceptable qui avait assurément renforcé l’arrogance de ces misérables nuisibles.

Quoi qu’il en soit, le bipède disait regretter la mort de Vaea, pourtant il était mort. Le brise-sort lui avait fait un rapport sur cet incident. A cet instant, Ilhan avait fait un choix. Il n’avait pas fait le choix de sauver Vaea, il avait fait le choix de sauver les apparences, il avait préféré son allégeance à Delimar plutôt que de venir en aide à ce monde et aux bipèdes. L’individu face à lui était bien trop naïf. Il avait conscience du problème, mais sa volonté de le résoudre était bien faible. Il n’était pas prêt à faire les sacrifices nécessaires pour y parvenir. Et cela il en eut la confirmation très vite. Le rouge se contenta encore et encore de garder le silence aussi bien face à la question sous-jacente du bipède qu’à sa petite blague. Le rouge ne donnerait pas plus de temps aux bipèdes. Il ne fixerait pas de date à partir de laquelle il lancerait son assaut. Pourquoi ? Parce qu’il savait que les bipèdes alloueraient le temps à se préparer à se défendre plutôt qu’à régler le problème à l’origine de cet ultimatum. Le dragon aurait pu confirmer que les bipèdes avaient fait de la bonne viande à sacrifier face aux chimères. C’est pour cette raison qu’il ne les avait pas achevés lors de la grande traversée, alors qu’ils étaient les plus vulnérables. Il avait eu une occasion en or de les éradiquer, mais il n’avait rien fait. Pourquoi ? Parce qu’il avait préféré faire d’eux des lueurs. Où seraient allées les chimères si les bipèdes d’Ambarhùna n’étaient plus ? Peut-être vers le continent sauvage, peut-être vers ceux que Verith veut protéger. Ne pouvant prendre ce risque il avait épargné à ce moment-là les bipèdes, quand bien même cela lui avait coûté.

Verith continua de garder le silence alors qu’Ilhan lui présentait ce qu’il pensait être l’origine du problème : l’absence de mémoire, d’enseignement. L’enfant de l’orage se retint de gronder. Pour lui, les bipèdes étaient incapables d’apprendre, il en avait eu maintes fois la preuve et on osait venir lui présenter cette solution. C’était désespérant. Vaea avait fait le choix de la violence, car avait lui aussi pris conscience, non seulement de l’absence de temps à sa disposition, mais également la futilité d’un tel outil. Un soupire finit par briser le silence du dragon.

« Penses-tu vraiment que cela fonctionnerait ? Quelle futilité. Penses-tu vraiment que les choses peuvent aussi bien se passer ? Quelle naïveté. Je ne crois pas en la capacité d’apprentissage des bipèdes. Encore une fois : combien d’occasions ? Combien ont essayé ? Notre départ n’y est pas parvenu. La guilde de dragon blanc n’y est pas parvenue. Le Dracos n’y est pas parvenu. Même l’impact des Almaréens n’y est pas parvenu. Vous avez failli perdre la magie définitivement à deux reprises : lors du départ des miens et lors de l’arrivée des adorateurs de Néant. Est-ce que cela a changé quelque chose ? Non. Votre meilleure arme contre les chimères était la trame, elle était un poison pour elle. La magie fut votre meilleure alliée, celle capable de sauver ce monde. Avez-vous appris quelque chose de cela ? Non. »

Le regard du colérique était sévère.

« Les faits sont là. Les arguments sont là. Chaque événement apportait son lot de leçons. Elles sont en évidence sous vos yeux depuis des siècles. Mais vous ne les avez pas saisis. Si ces acteurs majeurs n’ont pas agi hier, alors ils n’agiront pas plus aujourd’hui et encore moins demain. »

Des flammèches s’échappèrent des naseaux du colérique.

« Pourquoi crois-tu que Vaea a choisi d’entrer en action ? Pourquoi crois-tu que Vaea a choisi la voie de la répression ? Il savait que les choses ne pouvaient pas aussi bien se passer. Alors il a fait les sacrifices qui s’imposaient. Il a choisi la magie. Il a choisi le monde. »

Un nouveau soupire s’échappa du rouge.

« Mais libre à toi de choisir la voie que tu veux emprunter. Si tu juges que l’apprentissage est la meilleure voie pour sauver les bipèdes, alors va. Si tu penses que l’apprentissage a encore une chance malgré tout, alors emprunte-la. Je ne t’aiderai pas plus que je n’ai aidé Vaea. Ce n’est pas à moi de vous sauver. C’est toi qui veux le faire. »

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Ilhan écouta le dragon de l’Ire réfuter la possibilité de la solution qu’il proposait. Selon l’ancestral, le temps de l’éducation était révolu. Selon lui, les bipèdes avaient déjà eu des occasions d’apprendre, de comprendre, et de tirer des leçons du passé. Il parlait du départ des dragons… mais les bipèdes n’y avaient peut-être vu qu’un abandon, et non un désespoir quant au devenir de la magie ? Est-ce qu’un seul de ces êtres avait exposé les récriminations que les dragons avaient contre les bipèdes ? Il en doutait. Et si tel avait tout de même été le cas, comment ces récriminations avaient-elles été faites ? En réprimandes et semonces, qui, souvent, ne faisaient que nourrir la culpabilité, le remords et la colère qui amenaient alors au déni ? Des émotions qui ne permettaient pas d’avancer dans la plupart des cas, mais ne faisaient que mener à un cercle vicieux infernal… et vous faisaient recommencer les mêmes erreurs, encore et encore, même si sous d’autres formes. Un des leurs avait-il seulement essayé de leur expliquer, avec patience et bienveillance, tel un parent enseignant à son enfant les rudiments de la vie ? En tentant ainsi de construire un véritable chemin constructif qui pourrait mener à une solution à terme ? La colère et la peur ne menaient qu’à la destruction, et l’ignorance en était alors l’arme la plus redoutable. Seule la compréhension pourrait mener à la construction d’un monde plus respectueux de l’équilibre. Il ne savait d’où lui venait cette pensée, mais il en avait la profonde conviction.

La guilde du dragon blanc… Avait-elle seulement tenté d’enseigner ? Elle s’était érigée en gardien de la paix, pas en étendard de la connaissance contre l’ignorance. Le Dracos ? Il avait été souvent bien plus occupé à les protéger qu’autre chose. Et les avait maintenus également dans une certaine ignorance, ne leur révélant parfois qu’au tout dernier moment les éléments de connaissance nécessaires… L’impact des Almaréens ? Beaucoup n’y avait vu que fanatisme aveuglé en un Dieu fou, renforçant leur attachement à la magie, alors devenu trésor ultime dans l’interdit. Il n’avait pas toutes les données, sa mémoire lacunaire et ses informations fragmentaires ne l’aidaient pas, mais…

Non, il doutait que tout cela ait pu être source d’enseignement pour les bipèdes, pas réellement. Pas dans le maelström qui les précipitait de catastrophe en catastrophe. Les bipèdes avaient toujours tendance à se préoccuper du danger immédiat, pas de celui d’après… Et cela prévalait encore plus pour le commun des bipèdes, plus préoccupé par ce qu’il pourra manger le lendemain, et gardé sciemment dans l’ignorance de certains éléments clés de ces faits-là. Car… C’était là le souci. L’enseignement qui aurait pu en être tiré, les dirigeants bipèdes auraient pu, peut-être, le faire, eux qui étaient alors parfois seuls détenteurs de toutes les informations, et ainsi seuls aptes à faire un certain lien, une certaine déduction, pour en tirer les conséquences. Mais l’avaient-ils fait ? Non, visiblement. Condamnerait-on alors tous les bipèdes pour l’aveuglement de leurs rois et reines ? Ilhan aurait aimé espérer que non.

Toutefois, même s’il n’était pas d’accord avec le dragon de l’Ire sur l’enseignement que les bipèdes auraient pu tirer de tous ces événements, pas pour la majorité du moins alors maintenue dans l’ignorance, il sentit que le dragon lui donnait là des éléments clés, pour que, lui, il puisse comprendre. Lui qui avait demandé à avoir des arguments, même si le dragon ne les lui donnait pas sur un plateau d’argent, il lui en donnait des pistes, des points de départ. À lui ensuite de creuser, d’étudier ces faits, d’en approfondir les tenants et aboutissants. Et de là, il trouverait ce qu’il avait demandé. De là, il pourrait fourbir ses arguments en armes imparables contre les détenteurs du pouvoir qui pourraient sans doute voir dans son projet et sa volonté une menace contre leur puissance et leur emprise. Combattre l’ignorance et développer l’enseignement, comme il souhaitait le proposer, c’était délivrer le peuple de ses oeillères, lui ouvrir les yeux sur le monde dans lequel il vivait et lui ouvrir l’esprit pour qu’il parvienne à réfléchir par lui-même, s’extirpant ainsi de la fange de son ignorance et coupant les liens de son aliénation à une seule parole. C’était privé les grands de ce monde, qui détenaient le pouvoir, de l’une de leurs plus puissantes armes.

Plus que l’enseignement donc, c’était convaincre ces puissants de l’urgence de la situation et d’agir en conséquence. Les convaincre de sacrifier leur pouvoir, en partie du moins, pour éviter de sacrifier des vies.

Dans le discours du dragon, il voyait donc à la fois une piste, mais aussi les dangers et obstacles auxquels il risquait de se heurter, et ce qui faisait affirmer au dragon que les bipèdes étaient une cause perdue. Car oui, la tâche serait ardue. Et s’il échouait, ce serait là la preuve irréfutable pour le dragon que les bipèdes ne comprenaient rien. Et pourrait-il lui donner tort alors ?

La magie, leur plus forte alliée… Voilà un argument important. Un allié se protégeait. Un allié se respectait. Ilhan hocha alors la tête à ces mots, tandis que son regard s’éclairait. Oui, il serait dur de faire agir les acteurs majeurs, il voulait bien lui accorder cela. Mais foi d’Avente, il essayerait.

Non ! songea-t-il soudain. Fais ou ne le fais pas, mais il n’y a pas d’essai, lui souffla une petite voix. Il le ferait. Et s’ils refusaient ? Il trouverait une voie. Il y avait toujours un chemin. Il espérait seulement que ce chemin ne le mènerait pas sur les mêmes sentiers de violence que Vaea si celle qu’il voulait emprunter se retrouvait obstruée… Il songea à part lui que s’ils devaient en venir aux mesures extrêmes de Vaea alors… alors ce n’était pas seulement les fauteurs de trouble de la magie qu’il faudrait viser. Ce ne serait pas seulement des crimes ciblés qu’ils devraient commettre, des crimes qui n’avaient été jusque là que de petites piques. Passer à l’action ? Cette action à Caladon avait-elle été réellement décisive ? N’avait-elle pas été plutôt un appel de détresse ? Ou une goutte d’eau à la mer ? Non, si tout le reste échouait et qu’ils devaient se résoudre à la voie de la violence et de la répression, il faudrait frapper fort, férocement, et des cibles puissantes. Il faudrait se décider à agir, oui, mais à agir au plus haut rang de l’échelle du pouvoir, quitte à gravir celle du chaos pour y arriver… Il espérait ne pas en venir là. Ce n’était ni dans ses ambitions ni dans sa nature, mais s’il s’engageait à agir, et si sa voie échouait, peut-être devrait-il s’y résigner ? Et peut-être Verith pourra-t-il déchaîner son ire sur eux, eux qui n’auraient pas voulu voir.

Quelle ne fut sa surprise toutefois d’entendre le dragon de l’ire lui donner presque son approbation pour agir à sa guise, selon la voie qu’il choisissait. Il ne l’aiderait pas, ça, il l’avait compris. Mais il ne l’en empêcherait pas non plus. Il ne cherchait pas même à l’en dissuader. Il le poussait même à suivre sa conviction.

Le jeune immaculé releva alors des yeux sombres pétillant d’or et d’espoir. Oui il suivrait cette voie, jusqu’à ce qu’il gagne ou qu’il échoue, mais il la suivrait jusqu’au bout, fit-il le serment solennel en son for intérieur, tout en le laissant flotter à l’orée de son esprit, pour que le dragon puisse le saisir sans peine aussi. Et s’il échouait… alors il se rangerait à l’avis de Vaea et du grand rouge… peut-être en plus radical qu’eux toutefois.

Et je la suivrai alors, répondit-il enfin de vive voix, d’un ton grave et profond, tout en portant une main sur son coeur pour sceller ce vœu qui lui était cher. Je la suivrai, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui donner toutes ses chances. J’espère pouvoir vous montrer ainsi…

qu’un jour un dragon a eu tort… souffla une petite voix en son esprit qu’il s’empressa de faire taire.

que les bipèdes peuvent tout de même apprendre, au moins un peu. Les acteurs majeurs d’hier sont morts, tous.

Ce qui était vrai, en un sens. Une nouvelle génération était arrivée. Le pouvoir de toutes les factions avait connu un changement de main récent. Cela pouvait aider dans sa quête folle. Cela pouvait changer la donne.

Espérons qu’ils sauront ouvrir les yeux sur les erreurs de leurs aïeuls et qu’ils sauront entendre le clairon du danger. Mais un nouveau vent souffle depuis peu, la magie a changé, et le monde avec elle. Tout semble basculer, et peut-être seront-ils enfin capables de voir et d’agir.

Il l’espérait du moins. C’était là sans doute leur dernière chance. Une fois le fléau des Cendres écarté, si tant est qu’ils y parviennent, alors quel autre ennemi se dresserait pour leur donner un nouveau sursis ?

Je vous remercie en tout cas grandement pour votre patience, pour avoir accepté de répondre à mes questions et de n’avoir pas rejeté d’un revers de pattes mes possibles folles utopies.

Ou pire même, le rejeter lui-même dans les limbes de mort…

Je n’oublierai pas ce que vous m’avez accordé là, en temps et en enseignement. Même s’il serait erroné de prétendre en avoir tiré toutes les conclusions qui s’imposent, vos paroles m’ont donné matière à réflexion et j’espère m’en montrer digne.

Se disant, il s’inclina légèrement.

Je vous en suis redevable.

C’était presque signer une dette, en un sens. Mais même si le dragon ne lui réclamait rien, il sentait en son coeur lui devoir quelque chose. L’enseignement draconique était précieux à ses yeux, et il venait d’en avoir l’honneur. Il ne l’oublierait pas, non.

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¤ La réponse du dragon III ¤

À bien des égards, le discours du dragon rouge pouvait paraitre contradictoire. L’enfant de l’orage, sans désapprouver ouvertement les idées du bipède qui lui faisait face, quand bien même il en donnait très fortement l’impression, démontait les propositions faites. Pour autant, il ne les désapprouvait pas, il ne les interdisait pas, plus que cela même il encourageait, du moins en quelque sorte, le deux pattes à continuer dans cette voie. En effet, comme il l’avait suffisamment répété pour aujourd’hui, le rouge ne se considérait pas comme un guide. Parce qu’il se refusait d’en être un, du moins pour les bipèdes, il ne pouvait interdire ou ordonner au bipède de faire ce qu’il souhaitait ou devait faire de leur vie. Pour autant, le dragon se refusait à rester passif ou encore inactif. Aussi le fils de Skade se contentait d’indiquer une voie et d’offrir des conseils pour parcourir cette voie. Bien entendu, Verith n’était pas du genre à dire clairement les choses, particulièrement pour les bipèdes, dans la mesure où il les haïssait il en pouvait sciemment leur fait cadeau de ces indications et conseils. Aussi faillait-il être habile, lire entre les lignes et faire fonctionner son esprit. Ilhan semblait en être capable, du moins c’est ce que pensait Verith en entendant le raisonnement de celui-ci. Pourtant, cela ne garantissait rien. Ce bipède pouvait parfaitement se fourvoyer dans son chemin et commettre des fautes qui pourraient apparaitre comme impardonnables aux yeux du dragon. L’enfant de l’orage se contenterait d’observer et jugerait le moment venu, ou en cas de faute.

« Je la suivrai, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui donner toutes ses chances. J’espère pouvoir vous montrer ainsi… que les bipèdes peuvent tout de même apprendre, au moins un peu. Les acteurs majeurs d’hier sont morts, tous. »

L’enfant de l’orage se contenta de cracher quelques petites flammèches par ces naseaux en entendant ces mots, mais également en observait le dessus des pensées de son interlocuteur. Il avait bien fait de ne pas dire ces paroles, il l’aurait très certainement mal pris.

« Nous verrons bien. »

Le rouge ne croyait bien entendu pas cela possible. Il serait bien entendu étonner et peut-être même heureux qu’on lui démontre le contraire, mais cela ne diminuerait pas les crimes commis contre sa race, la magie et ce monde par les bipèdes.

« J’ai donné ma parole et je l’ai tenu. Beaucoup me voient comme un destructeur, les humains m’ont même surnommé Aile-de-mort. Mais ma conduite envers eux n’est que le reflet de leur comportement envers moi. »

Le bipède avait soigneusement choisi ces mots, il ne devait donc le bon déroulement de la conservation et sa survie qu’à lui-même.

« Soit, puisses-tu ne jamais l’oublier, bipède. »

Lentement, le colérique commença à se redresser. Il fouetta l’air avec sa queue et vint commencer à étendre ses ailes.

« Si tu n’as rien d’autre dont tu souhaites t’entretenir avec moi, bipède, il est temps que je m’en retourne à mes occupations. »

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