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descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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¤ Cohorte ¤

7 Janvier de l’an 1764 du troisième âge


Un terrible combat avait eu lieu, une effroyable bataille mettant en exergue des puissances dépassant les mortels. Oh non, il n’est pas fait ici mention de l’escarmouche ayant opposé la légion Vat’Aan’Ruda et les pirates d’Athgalan. Verith n’en avait pas connaissance et il s’en … non, on ne pouvait pas dire qu’il s’en moquait. Le rouge appréciait les hommes-félins, dans la mesure où ils étaient vierges de tout grief et où le dragon voyait en leur situation actuelle un parallèle avec celle des dragons d’antan, sur Ambarhùna, lors de l’arrivée des bipèdes. Après tout, il avait aidé la légion Vat’Em’Medonis, lorsque l’Aaleeshaan le lui avait gentiment demandé, en accompagnant son armée en direction du sud de l’île de Nyn-Tiamat pour repousser les vampires. Fort heureusement, ou malheureusement, il n’avait pas eu à agir, le peuple de la nuit ayant déguerpi avant l’arrivée des graärh. Son rôle s’en trouvant donc réduit à aider à détruire le début de forteresse que ceux-ci avaient commencé à bâtir au pied de la montagne. C’est sans nul doute que le dragon l’ire aurait aidé les enfants de l’île d’été dans leur quête pour chasser les bipèdes les tourmentant, mais encore aurait-il fallu qu’on lui demande gentiment. Or l’Aaleeshaan de cette légion n’en avait rien fait. Elle avait préféré demander une autre faveur à l’enfant de l’orage. Celle de protéger le Bâoli contre d’éventuels individus souhaitant assouvir leur soif de puissance. Ce qu’il avait bien sûr accepté.

Oui, c’est sans nul doute que le colosse de grenat aurait aidé ce peuple, s’il n’avait pas eu sa propre bataille à mener. Un combat qu’il n’avait pas vu venir et dont il aurait préféré se passer. Enfin le dragon libre s’était libéré du carcan-armure que le Tyran Blanc lui avait apposé il y a bien des années. Cette destruction effaçait à jamais la dernière chaine l’ayant en jour entravé, marquant son ultime victoire contre l’être abject lui ayant infligé ceci. Oui, la fin de l’armure Morneflamme était censée signifier tout ceci. Le rouge avait savamment orchestré sa fin, attendant que le pouvoir l’imbibant ne faiblisse et rassemblant les éléments nécessaires afin de la briser le moment venu. Tout aurait du bien se passer … tout aurait pu bien se passer. Verith avait cru que les mauvaises passes étaient derrière lui, que le soi-disant destin avait fini de se moquer de lui. Mais il n’en fut rien. L’armure n’était plus là, mais l’enfant de l’orage se retrouvait affublé d’une chaine pire que la précédente, le renvoyant bien des années en arrière, aux années sombres de son existence.

Lui qui avait combattu et vaincu le dragon esprit … lui qui avait combattu et vaincu le roi des chimères … avait été défait par un ancien ennemi qu’il croyait pourtant mort … qu’il avait vu mourir. Plusieurs jours durant il l’avait combattu. Un mois durant il lui avait résisté. Pour au final se rendre compte de l’ignoble évidence. Il ne pouvait gagner, car il ne possédait pas le moyen de le faire. Une furieuse frustration le prit. C’était encore et toujours le même problème. Un ennemi apparait, mais il ne possède pas le moyen nécessaire pour le faire. Toutefois, ce n’est pas pour autant que le rouge ne continuait pas à lui résister. À vrai dire cette résistance avait pris une autre tournure. Le rouge se contentant de le repousser avec son esprit ou de l’ignorer. Son nouveau compagnon, si on peut l’appeler ainsi, était … bien différent de ce à quoi il s’attendait. S’attendant à un comportement semblable à celui qu’il avait eu dans le passé … du temps de son vivant … si on peut dire. Celui qui s’était renommé Ther'Zhi, à bien des égards, n’agissait pas comme celui qu’il était autrefois. Oh certes on retrouvait de très nombreux points communs, mais Verith restait maitre de lui-même. Cette différence notable changeait beaucoup de choses et offrait au rouge une compréhension nouvelle de la situation. Quand bien même cette dernière demeurait pour lui parfaitement intolérable. C’est donc aux fins de faire quelques tests que le colérique s’en était allé en direction de Néthéril. Son nouveau compagnon éthéré le suivant toujours. Sa destination ? Le marais à l’ouest de l’île pour un isolement prolongé. Son objectif ? Mettre à l’épreuve la patience du legs du tyran et observer son comportement.

L’enfant de l’orage approchait donc de la côte nord de l’île de Néthéril, volant juste au-dessus de l’eau pour profiter de l’air marin. Il approchait par le cœur de l’ile, il n’aurait qu’à survoler le canyon afin d’atteindre le marais. Mais une fois encore quelque chose allait se dresser sur sa route. De sa vision perçante, le dragon observait des cohortes de graärh longeant les côtes nord du canyon, semblant partir du marais en direction de la savane. Étrange que tout ceci. Pourquoi autant de félins se déplaçaient-ils ? Qu’avaient-ils bien pu se passer ? L’espace d’un instant, l’enfant de l’orage se demanda s’il devait aller à leur rencontre pour satisfaire sa curiosité ou les ignorer. Lentement, les ailes du dragon commencèrent à lui faire virer de bord en direction de la cohorte la plus en arrière.


Dernière édition par Verith le Lun 8 Fév 2021 - 18:31, édité 1 fois

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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Asolraahn posa le pied sur le rempart du canyon. Il observa l’horizon tandis que les derniers feux de la légion s’éteignaient dans le crépuscule. Une lumière rosacée couronnait la cime des montagnes, éventrait les nuages qui se profilaient dans le ciel et perçaient à travers des pics acérés et noirs comme des crocs en décomposition. Des charognards volaient en se dandinant d’une fièvre erratique. Ils observaient également, jamais ne perdaient de vue comme de juste, ils guettaient à la petite faim ce que les gens de la terre allaient, contre leur gré, leur offrir. Le regard du géant opalin était rude, aussi rude que ce canyon fait de poussière et de silence. Malgré que la nuit tombe, il sentait la chaleur du désert contre son pelage, un mal qui rongeait ses barrières naturelles et son humeur. La légion allait devoir se montrer forte. Forte alors que son cœur battait comme celui d’un animal blessé.

Le combat à Atghalan avait amené l’apathie dans les rangs des Graärhs. Ce qui était autrefois une troupe armée, vive et pleine de détermination traînait maintenant la patte, désorganisé, seul bien que pourtant encore si nombreux, comme si une tempête venue du désert les avait cinglé de ses fouets de sable. Ils avançaient lentement, si lentement. Privés de leur chef Bhediyon-ke-saathi, leur force les avait quitté et c’est avec les oreilles rabattues et le poil lourd que les Garal retournaient sur leur terre.

Leur force... Asolraahn réalisait seulement maintenant à quel point il avait surestimé la puissance pourtant colossale de la légion. En une bataille, une seule, elle s’était changée en une coquille vide et molle. Des jours sombres passeraient avant que le désespoir ne la quitte et qu'elle retrouve sa volonté de fer.

Des jours de deuil, des jours qui baisseraient de beaucoup toutes ses chances de retrouver sa fille… Il y avait fort à faire. Le voyage du retour vers la savane était proche de se conclure, mais c’était les dernières lieues qui anéantissaient les limites des plus faibles. Il faudrait être vigilant, conduire à bon port ceux qui n’avaient plus la force de marcher. Asolraahn le ferait. Après l’horreur de ce qu’ils avaient vécu à Atghalan, après la pluie de canon, les lamentations des graahron jetés dans les flammes, et la malédiction des pirates, il se refusait à perdre un autre Garal.

Les yeux grands ouverts, faisant trembler son épaisse toison, Asolraahn poussa un long feulement sauvage. Comme pour lui répondre, il entendit les cris fins et flûtés de son petit résonner par-dessus le vent. Il se détourna du canyon et s’intéressa au graahron qui lançait des coups de griffes dans la poussière que laissait ses pas. Il était vif. Depuis que le géant opalin l’avait recueilli et nourri, le petit avait pris du poids et son pelage au couleur de feu retrouvait des couleurs. C’était hélas au sein de ses pensées que le mal était le plus grand. Bien qu’Asolraahn soit sûr qu’il soit capable de parler, le graahron demeurait muet comme une tombe. Jamais il n’avait pu lui demander de raconter ce qui s’était passé dans la cité perfide. Jamais il n’avait pu savoir ce qui était arrivé à sa fille. Si elle était morte. Si elle l’avait abandonné là ou si on l’avait emmené et pas lui. Le géant opalin n’avait même aucune idée de la façon dont il avait survécu au charnier, ni pourquoi la malédiction ne l’avait pas touché.

Cela l’avait déçu, bien qu’il se soit refusé à le montrer au petit et qu’il ait décidé d’avoir une infinie patience avec lui. Dans l’impossibilité de poursuivre les pirates sur la voie de la mer, Asolraahn avait espéré obtenir des informations sur le marché des esclaves qui s’organisait sur l’archipel. Il avait deviné avec plus ou moins de facilité qu’Atghalan était le centre névralgique de ce réseau et que sa chute en avait ébranlé les fondations. Mais de nombreux points de passage et cités en conservaient encore des cellules et entreposaient d’autres Graärhs comme des sacs de paille. Des cités bien lointaines de la petite île de Néthéril. Et ainsi, Asolraahn se retrouvait de nouveau à son point de départ…

Le petit le scrutait de ses yeux d’ambre. Une ombre de tristesse passa sur le visage d’Asolraahn. Tu es si jeune, pensa-t-il. A peine plus qu’un nouveau né. Que vais-je bien pouvoir faire pour t’aider ? Et quel nom vais-je bien pouvoir te donner ? Le géant opalin s’approcha, prit la bestiole au doux pelage et la lécha affectueusement. Le petit n’eut pas de réaction. Il le déposa dans une besace attachée à l’arrière de son épaule droite. Son bâton également dans son dos, il se mit en route, avalant les kilomètres en pente puis sur la route. En arrivant sur la pente douce du canyon, il prit le chemin de la légion et resta à l’arrière avec les blessés. Comme prévu, ça n’avançait pas bien plus vite que les deux derniers jours. Pourtant, les Garals avaient une bonne idée de la distance qu’ils leur restaient à parcourir. Ils s’appliquaient dans l’espoir que la vie pourrait reprendre son cour au campement, une fois arrivés et ayant retrouvés les leurs. Derrière le géant opalin, le graahron se trémoussait dans la besace, jouait avec la hampe du bâton. Brave petit, déjà prêt à se battre ! Il ne venait certes pas de n’importe quelle lignée. Le géant opalin songea qu’avec un peu d’entraînement, il pourrait devenir un grand guerrier.

Des feulements résonnèrent. Asolraahn se retourna. Il vit dans le ciel une forme comme une flèche taillée dans les ténèbres qui faisaient obstacle au soleil. Elle se rapprochait avec l’allure d’un nuage noir mais il était évident qu’une silhouette pareille était tirée d’un être solide. Un être immense au corps plus dur que l’acier, aux ailes plus grandes qu’un wigwam et aux griffes plus longues que des lances.

Un dragon !

Et lorsqu’il vit sa cuirasse massive de vermeil, Asolraahn reconnut le dragon de l’ire. Il était sûr que la grande créature avait déjà une belle réputation dans le coin, car après la méfiance que la silhouette leur avait inspiré, les Garal parurent également se détendre, même si leurs armes n’étaient pas loin. Pour ce que cela avait comme utilité, songea le géant opalin.

Pour lui, c’était plus simple que ça. Il avait failli combattre à ses côtés lors des anciennes guerres contre les clans vampiriques, sur Paadshaïl. Failli car point de combat il n’y avait eu, mais le souvenir de l’impressionnant colosse l’avait marqué jusqu’au poil. Tout ceci aujourd’hui semblait venir d’une époque lointaine.

Le dragon de rubis se rapprochait d’eux à vive allure. Le vrombissement de ses ailes créa un remous dans l’air qui obligea les Graärhs à porter une patte devant leurs yeux. Le géant opalin, portant toujours son graahron dans sa besace et son bâton dans une main, le salua alors. Et, ne sachant si le dragon avait leur langue en usage, il déclara avec force :

"Salut à toi, Roi du ciel. Quelles sont les nouvelles venant du Nord ?


descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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¤ Malheurs ¤

Les immenses ailes du dragon battaient les cieux, l’air sifflant contre sa membrane et provocant à fracas sourd à chaque fois qu’il la repoussait pour maintenir de la hauteur. Sous lui défilait à grande vitesse la mer de l’archipel dont la surface vint rapidement se couvrir de ride en raison du frottement d’air provoqué par les déplacements du rouge et la proximité. L’enfant de l’orage sentait encore auprès de lui la présence de l’indésirable, mais s’évertuait à l’ignorer au maximum quand bien même ce dernier tentait de lui parler. Que lui disait-il d’ailleurs ? Il lui ordonnait de calmer sa bestiole, car le claquement de ses pinces l’agaçait autant que ses tentatives vaines d’essayer de le saisir pour le chasser. Verith pouvait sentir dans son dos Dwëmmer s’agiter. Une sorte d’araignée golem de métal dont il avait fait la rencontre il y a un mois de cela dans le cœur du Bâoli. L’étrange forme de vie … oui on peut peut-être la qualifier ainsi … ne le lâchant plus depuis. Le rouge se serait bien passé d’un tel compagnon, particulièrement parce que cette dernière, pour une raison inconnue, pensait qu’elle était la liée du dragon. Cette simple considération donnait de l’urticaire du colérique. Néanmoins, elle non plus n’appréciait pas l’indésirable et tentait de l’agripper à l’aide de ses pinces mécaniques pour le faire partir, quand bien même cela était impossible. Ce combat vain de l’araignée aurait pu agacer le dragon, mais il n’en était rien. Elle irritait ainsi Ther'Zhi et l’occupait également. Verith avait un peu plus la paix. Finalement, le libre commençait à apprécier cette petite créature de métal.

L’enfant de l’orage était en approche de la côte nord de Néthéril et voyait à l’horizon une cohorte qu’il reconnut comme étant graärh. Cet événement l’intrigua suffisamment pour qu’il décide de retarder ses projets et s’en approcher. Il se dirigea donc vers celle la plus en arrière. Pourquoi l’arrière ? Car c’est là qu’on trouve en général ceux qui sont le plus à la traine et donc les plus vulnérables. Par sa présence il intimiderait donc les potentiels prédateurs qui leur voudraient du mal. Verith n’avait rien contre les graärh, il pouvait donc se permettre ce genre de comportement de son naturel protecteur. Si cela avait été des bipèdes, nul doute qu’il se serait dirigé vers l’avant. Ce qui aurait également eu pour effet de bloquer le passage à la totalité de la cohorte et donc de les embêter. Installant ainsi un rapport de forces dont les bipèdes auraient été nettement désavantagés, les contraignant à bien choisir leurs mots pour éviter de fâcheuse conséquence.

Le colérique arriva sur place à peine une poignée de minutes et atterrit avec sa majesté habituelle. Faisant trembler la terre et les cieux sur son passage. Le museau du rouge pointa en leur direction et il posa sur eux son profond regard d’or. Il n’avait pas besoin de l’ancienne malédiction d’empathie que la déesse de la Vie lui avait jadis jeté pour deviner que quelque chose n’allait pas. L’odeur du sang et de la mort planait sur les félins. Mais également celui de la tristesse et du deuil. Que s’était-il passé pour qu’ils se retrouvent dans un tel état ? Déjà il entendait dans son dos le leg du tyran l’exhorter à abandonner ses misérables à leur sort … quand bien même il éprouvait une certaine curiosité pour cette race qu’il n’avait jamais rencontrée de son vivant. Alors que Verith observait en silence les félins, qui s’étaient arrêtés pour jeter sur lui un regard dont l’émerveillement ne parvenait pas à dissimuler l’appréhension de cette rencontre et les maux qui les accablaient, l’un des graärh s’avança. Il dépassait de plusieurs têtes la majorité des chats en présence. Le rouge, pour qui les tout petits se ressemblaient tous, nota néanmoins grâce à ce qu’il avait sous les yeux que le félin qui s’approchait était bien différent des autres. Pas uniquement par sa taille, mais également son pelage. C’est sans crainte que Verith put conclure que ce dernier n’était pas natif de l’île d’été, mais de celle de l’éternel hiver.

« Salut à toi, Roi du ciel. Quelles sont les nouvelles venant du Nord ? »

Le museau du rouge pointa en direction de ce graärh qui dénotait des autres. L’enfant de l’orage avait appris à comprendre leur langue. À force de passer du temps auprès d’eux sur l’île de Tiamat, grâce à l’exploration de l’esprit de Sa’Hila qui lui avait donné accès à sa mémoire et au fait que Dwëmmer ne communiquait qu’en langue féline. L’esprit du dragon vint s’étendre, afin que tous puis l’entendre parler, quand bien même il répondait à l’opalin.

« Salutation, fils de l’île de l’éternel hiver. Je suis Verith de l’ire, dragon libre. Cela fait plus d’un mois que je ne me suis pas rendu là-bas. Mais lorsque j’en suis parti, une étrange énergie émanant de la forêt était à l’œuvre, grandissant de jour en jour et tentant d’influer sur l’esprit. J’ignore quoi, mais quelque chose se trame dans Licorok. »

Le regard du colosse de flamme se détacha pour venir se poser sur les autres félins, pour ensuite revenir vers lui.

« Vos armes sont aussi brisées que le sont vos corps et vos esprits. »

Le rouge ferma les yeux un instant alors qu’il pointa son museau en direction de l’Ouest. L’atmosphère sembla vibrer quelques instants sous l’expansion de l’esprit du dragon.

« Je ne ressens pas l’esprit de votre chef parmi ce rassemblement. Présentes-toi. Qui es-tu ? Pourquoi tant des tiens se déplacent ainsi de l’Ouest vers l’Est ? Transportant avec eux l’odeur du sang et de la mort. »


Dernière édition par Verith le Lun 13 Avr 2020 - 13:42, édité 1 fois

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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L’iris du dragon le couvrit d’une ardente curiosité. Le géant opalin resta maître de lui-même, patientant durant l’examen du Colérique. En d’autres circonstances, il aurait sans doute eu bien des difficultés à tenir tête à ce regard qui se faisait élément d’un feu rageur. Car le dragon rouge, désormais présence impavide devant eux, était plus impressionnant que jamais. Sa taille se faisait miroir des montagnes, sa tête écailleuse une couronne dont les cornes en étaient les fleurs bestiales, et il parut à Asolraahn qu’il était la lame ruisselante de sang qui tranchait le ciel de sa trace vermeil.

Mais comme tout ceux qui constituaient sa troupe, il ne pouvait hélas que profiter de ce spectacle avec l’amertume qui entourait son cœur et sa volonté. Son aigreur fut double lorsqu’il entendit les mots du rouge, apprenant le danger qui hantait les bois de son île natale. Un mois ? Asolraahn en eut le souffle scié. Il baissa la tête en prenant une lourde inspiration. Cela faisait-il déjà si longtemps que lui-même avait quitté les côtes de l’île de glace ? Qu’il avait laissé son chez soi derrière lui à la poursuite d’un rêve que le marais avait dévoré tout crû, de Néthéril, des Garal et d’Atghalan ?

Il posa la pointe de son bâton sur le sable du canyon et se passa une patte lourde sur ses coussinets. Le voyage avait été long, un amoncellement d’évènements durant lesquels jamais il n’avait pris le temps de se détourner de la traque des pirates qui lui avaient volé sa fille. Depuis l’épreuve mortelle du marais d’Athvamy, il était encore sous le choc et la tension virulente des combats ne s’était pas complètement évaporée. Mais face au dragon rouge et à son appel, une révision de ses priorités devenait matière à réflexion. Car quand bien même le but de ces trois dernières années avait été de retrouver son enfant perdu, quand bien même il était Ashudd, la menace sur sa terre ne le laissait pas indifférent.

Sombres et froides furent ensuite les interrogations du Colérique. Son regard extérieur avait parfaitement saisi la situation. Brisés de corps et d’esprit, leur légion n’était pas plus vive que les braises d’un feu de camp, à ceci près que ce n’était pas le temps mais l’infortune qui les avait anéanti.

Asolraahn eut honte de l’apparence qu’ils dégageaient. La fierté d’un Graärh ne s’engloutissait pas avec une bataille ou du désespoir et que quelqu’un, fusse-t-il immense et magnifique, leur renvoit un reflet si piteux d’eux-mêmes était dur, très dur. Asolraahn le ressentait plus encore. En même temps que sa honte, une fureur fiévreuse s’empara de lui, de celle qui lui prenait parfois lorsque son esprit faisait la révolte à son corps fatigué. Il releva la tête et répondit avec la même ferveur brute :

-Les miens reviennent du marais d’Athvamy, d’Atghalan la Perfide. Te rendais-tu là-bas pour y trouver les pirates ? Sache en ce cas que leur emprise sur ces lieux n’est plus. Nous avons décidé que ceux de l’Ouest qui se prétendaient maître de l’île, qui meurtrissaient notre terre et nos Esprits, devaient repartir dans les profondeurs de l’océan et qu’il était temps de libérer les nôtres.

La poigne sur son bâton se serra.

-Mais cela ne s’est pas passé sans sacrifices. Le sang et la mort ne sont pas que nos odeurs. Ils ont été, et sont toujours, nos amis de chemin. Nous avons perdu beaucoup de nos frères et soeurs. Ainsi que notre chef, Sa’Hila Bhediyon-ke-saathi, tuée par une confrérie de sorciers noirs. J’ignorais que vous vous connaissiez.

Un miaulement famélique retentit dans son dos. C’était son petit qui grattait contre la besace pour essayer de se faufiler tout entier à l’intérieur. Manifestement, rencontrer une créature tel que ce colosse de rubis ne semblait pas le rassurer. Inquiet pour lui, le géant opalin leva une patte derrière son épaule et la posa lentement sur le graahron, lui montrant qu’il était calme désormais et qu’il n’y avait pas de danger. A première vue.

-On est en sale posture. La plupart des Garal sont vulnérables, certains très affaiblis ne reviendront pas vivants. Ce lieu n’est pas fait pour les estropiés et les guignards… alors on n’en mène pas large.

Une lueur glacée passa dans son regard. C’était vrai. Surveiller les guerriers qui l’accompagnaient était devenue une occupation à plein temps. Mais il semblait que ses efforts portaient leurs fruits. Le souvenir du massacre pouvait s’amenuiser si l’on mettait suffisamment de force à marcher et à survivre. Le géant opalin le savait et employait toute son énergie à faire avancer la troupe avec lui, à leur secouer les puces, quitte à devenir un véritable cauchemar sur patte.

Il n’était pas seul heureusement. Les chefs de clan et Aaleeshaans de la légion étaient les premiers instigateurs de ce retour à bon port. Les Cerfs, les Coqs et les Oiseaux du Paradis avaient été convoqués partout dans la légion pour participer à ramener de la cohésion dans chaque clan et apaisé les esprits. Ils avaient fomenté des stratégies pendant plusieurs nuits lorsque tout le monde était à l’arrêt. Asolraahn les avait laissé là. Il avait sa propre idée de la protection pour neutraliser les souvenirs et la peur au ventre. Une qu’il jugeait également efficace. Il prenait ce rôle de protecteur très au sérieux. Il n’avait pas le choix.
C’était ça ou mourir. Il ne pouvait pas « essayer » ou faire « comme ce serait possible ». Il fallait faire et c’était tout :

-Mais on ne va pas regimber pour autant. Je suis Asolraahn et j’ai bien l’intention d’en ramener le plus possible auprès de la légion.

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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¤ Sombres nouvelles ¤


L’odeur du sang, de la maladie et de la mort planait dans l’air. En posant son regard sur chaque graärh proche de lui, le colérique ne voyait là que des créatures à l’esprit et au corps brisé. Que s’était-il passé ? Qu’est-ce qui avait bien pu causer tout cela ? Oh l’enfant de l’orage en avait une vague idée. Il avait déjà vu un tableau aussi pitoyable que celui-ci, ou s’en rapprochant, en Ambarhùna à de nombreuses reprises. Lors de la guerre contre le Tyran Blanc et lors de la guerre contre les Chimères. Mais le dragon libre souhaitait obtenir confirmation de sa pensée. De plus, il espérait ainsi obtenir plus de détails, en particulier parce qu’il avait l’intention de se rendre plus à l’ouest, dans le marais. Si danger il y a avait, il devait le savoir. Cette contrée était peu familière au rouge. À vrai dire il n’y avait pratiquement jamais mis les pieds. Il l’avait assurément survolé, comme chacune des iles, pour découvrir ce nouveau territoire, mais il n’y était pas allé depuis. Le colérique n’avait que très peu d’intérêt pour les marécages. Et il se serait établi dans le canyon s’il n’était pas habité par des créatures insectoïdes. Ce dernier lui rappelant le lieu où il avait passé le plus clair de son temps alors qu’il demeurait encore sur le continent sauvage.

Un léger grondement réprobateur émana du dragon libre lorsque le graärh prit la parole. Pourquoi ? Est-ce parce qu’il faisait état de la nuisibilité des bipèdes ? Oui, Verith se doutait bien que derrière ce terme pirate se cachaient en réalité des bipèdes. Mais non, ce n’était pas pour cela. Le graärh le tutoyait. Peu de personnes étaient en mesure de le faire. Et peu de personnes en avaient reçu l’autorisation par Verith. Le tutoiement représentant pour lui une familiarité ou une égalité. Or ce graärh n’était pas l’un de ses protégés et il n’était pas son égal. Le rouge s’apprêta à clarifier la situation lorsque deux événements vinrent l’en dissuader. Tout d’abord l’annonce de la mort de Sa’Hila, puis l’agitation dans le dos du félin d’opale qui révéla la présence d’un très jeune graärh.

Le rouge détourna à nouveau museau pour observer depuis sa hauteur le début de la cohorte. Ils étaient si nombreux et pourtant … ? Et pourtant quoi ? Ils avaient gagné ? Ils avaient perdu ? Non, Verith ne voyait en eux aucune victoire. Comment ? Pourquoi ? Des questions auxquelles le colosse de flamme apprécierait des réponses. Ainsi que des éclaircissements quant à la mort de leur dirigeante, mais aussi une explication à la présence d’un si jeune félin alors qu’il revenait d’une bataille.

¤ Je gâche mon temps ici. Cesse de rester planté là et partons. S’ils étaient intrigants il y a peu, en raison de leur nouveauté, leur misère et leur état lamentable les ont dénués de tout intérêt. Leur chef est mort face à des pirates. Les peuples d’Ambarhùna sont parvenus à me résister et eux se retrouvent dans cet état après avoir fait face à des pirates. Ce ne sont que des perdants. Trouve-moi quelque chose de plus digne d’intérêt. ¤

Le leg du tyran parlait dans le dos du rouge, après s’être mis hors de portée de Dwëmmer, mais se retrouva vite de nouveau importuné. L’araignée mécanique ayant grimpé avec rapidité pour faire claquer ses pinces en direction de l’esprit malsain, tentant de le chasser ou de le saisir pour le mettre en pièces. Sans grand succès malheureusement.

« Mais on ne va pas regimber pour autant. Je suis Asolraahn et j’ai bien l’intention d’en ramener le plus possible auprès de la légion. »

Le fils de Skade vint reposer à nouveau son regard sur le félin d’opale, gardant le silence un petit instant, son regard incandescent venant peser de tout son poids sur ce dernier. Une détermination plaisante pulsait chez cet individu.

¤ Ton égocentrisme, ton arrogance, tes mensonges et ta vilénie. Ils ont fait de toi l’égal des divinités, et ce n’est pas un compliment, aussi surement qu’ils ont orchestré ta chute. Tu es encore ici par je ne sais quel tour de passe-passe, mais en aucune façon ceci peut être considéré comme une victoire. La lame Tarenth t’a terrassé, manié par la main d’un Kohan. Or, cette lignée n’est-elle pas elle-même issue de pirates ? Au final, ne veux-tu pas partir parce qu’ils te rappellent ta propre défaite ? ¤

¤  Dans ce cas, qu’en est-il de toi ? Le puissant Verith de l’ire n’a-t-il pas été vaincu par moi ? Qui fut moi-même supposément vaincu par la descendance bâtarde et dégénérée de pirate ? ¤

Le colérique s’efforça d’ignorer les propos qui suivirent de la part du legs du tyran. Peut-être aurait-il mieux fait de continuer à l’ignorer plutôt que de lui adresser la parole, il serait en train de continuer de s’agacer contre Dwëmmer au lieu de lui sortir une liste d’ineptie pour le rabaisser, ou plutôt pour conforter son propre égo et démontrer sa supériorité alors que le rouge venait de toucher, semble-t-il, un point sensible. Après tout un dragon devenu quasi divin vaincu par un simple humain qu’il méprise tant. C’était assez cocasse.

L’échange entre le rouge et l’esprit dura un bref instant. Verith venant bien vite de reconcentrer sur le graärh face à lui.

« Apprendre la mort de la fille de l’ile d’été m’attriste. Peut-être aurait-elle dû me demander mon aide, comme le fit Illidim. Mais son choix fut tout autre et l’honore tout autant. Cela me peine d’apprendre que les vôtres sont tombés par la faute des bipèdes. Peut-être aurais-je dû mettre les habitants de l’ile d’été en garde comme je le fis pour ceux de l’île de l’éternel hiver. Malheureusement, j’ignorais que des pirates s’étaient établis à l’Ouest. Je n’avais connaissance que de ceux établit à l’Est. Mais ceux-là, les baptistrels, aussi bipèdes soient-ils, ne représentaient pas une menace comme les autres rassemblements de bipèdes. Ce fut une erreur de ma part. »

Le colérique prit une longue et grande inspiration et leva sa patte droite devant lui, paume vers le ciel, recroquevillant légèrement ses griffes vers le centre. Une puissante aura magique émana alors que dragon, venant entrer en résonnance avec la trame environnante. Très bientôt, cette dernière devint, pendant quelque secondes et pour tous, visible à l’œil nu sous la forme de petites paillettes dorées virevoltantes çà et là. L’énergie magique se condensa, les paillettes d’or venant s’agglutiner les une aux autres, formant très vite de véritable filin de magie. Ceux se mirent à onduler dans l’air, nageant tel des poissons pour venir se rassembler au niveau de la patte de Verith. Le phénomène s’estompa peu à peu, l’atmosphère redevenant plus légère et mois saturé en énergie magique. Lentement, le colérique baissa sa patte en direction du géant d’opale avant de tendre une griffe. Au bout de celle-ci flottait une petite gemme au reflet dorée. De celle-ci émanait une forte puissance.

« Donne ceci à l’un de vos guérisseurs. Cela devrait l’aider à soigner vos blessés. »

Puisse ceci être une réparation pour son erreur. Plus pour lui en vérité que pour les graärh.

« Tes actes et la détermination dont tu fais preuve t’honorent et apportent assurément du réconfort en ces tristes jours. J’ai quelques questions. Si tu t’en sens le cœur, j’apprécierai que tu me racontes ce qui s’est passé durant votre combat. J’aimerais comprendre ce qui s’est passé. Ensuite, puisque vous vous en revenez du combat, j’aimerais savoir ce que fait une si jeune créature parmi vous. »

Sur ce dernier point, le rouge faisait bien entendue référence à l’enfant présent dans le dos du félin d’opale. Le rouge avait-il un ton un brin inquisitorial et réprobateur lorsqu’il cherchait à savoir pourquoi un enfant était si proche du danger ? Sans doute. Pour lui les jeunes dragons étaient importants et il se voyait mal les approcher du danger. Aussi, considérait-il que cela devait être la même chose pour les jeunes des autres races. Surement y avait-il une explication ici.  

Verith fit un léger signe de museau pour indiquer que la discussion pouvait avoir lieu alors que lui et le groupe de graärh marchaient. D’ailleurs, il en allait de là de son intérêt. Aucun prédateur n’oserait approcher tant que le dragon était dans les parages. Il avait tout intérêt à profiter de cette proposition d’escorte déguisée.
[Conscient] Gemme d’énergie
Lorsque le dragon est couvert de gemmes d’énergie concentrée, il peut choisir de les rassembler pour s’en débarrasser, mettant ainsi fin à l’aura d’énergie instable autour de lui. Le dragon peut alors utiliser cette gemme sur le monde physique autour de lui.

- Don à un bipède : le receveur peut consumer la gemme, recouvrant l’équivalent d’un sort de niveau exceptionnel en énergie (rend donc intégralement l’énergie d’un mage très faible, faible, moyen, bon)


Dernière édition par Verith le Lun 13 Avr 2020 - 13:42, édité 1 fois

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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Une lumière, éclatante à s’en brûler les yeux, jaillit des griffes du Colérique. L’ombre devint une denrée rare dont même les écailles du dragon en furent démunies. Le géant opalin fut le premier à la voir grandir entre les énormes doigts griffus et de la patte qui tenait son petit, il lui couvrit la vue sans plus de cérémonie. La lumière gagna en intensité. Le sable se mit à briller tels des grains de feu coulant dans une mer ardente. Les Garal reculèrent. Bien qu’aucun d’eux ne soit au fait de ce qui se produisait, il pouvait sentir au plus profond de leur être la vague de magie parvenir jusqu’à eux. Jusqu’à la terre qu’il considérait comme leur. A l’épicentre du phénomène, Asolraahn la ressentit doublement. Il eut la sensation que l’air était devenue soudainement plus fraîche pour ses poils et que le vent sec du canyon se peinturait en une douce brise qui les entouraient tous.

Lorsque les griffes scintillantes du colosse de rubis se ternirent, seul demeurait une gemme d’or que ce dernier tendit au géant opalin. Les interrogations se transmirent alors à la hâte chez les Graärhs, de regard en regard, comme un gros glaçon que l’on ne pouvait tenir aisément entre les pattes longtemps. Jusqu’à ce que le dragon rouge ne les éclaire de ses explications. Les Garals ronronnèrent, des masques d’espoir se confondirent sur leur visage. Déjà, l’éclat doré de l’artefact leur donnait le courage de déplacer les montagnes, et leurs compagnons peut-être, par la même occasion.

Il n’y avait que peu de moyen d’honorer un tel présent mais Asolraahn, bien peu enclin pourtant à la solennité, mit un genou en terre en abaissant son bâton :

-J’ai entendu beaucoup de sans-poils dire que les Dragons étaient pareils à des Divinités. A mon avis, ils ont tout faux. Bien peu de divinités apportent le cadeau de l’espoir et parlent d’honneur lorsque nous en avons le plus besoin. Pour cela, sois remercié d’être plus.

Il s’inclina et le dragon lui répondit. Le géant opalin vit la curiosité poindre dans ses yeux de flammes. Cette curiosité se transforma bientôt en une demande pour le moins inattendue. Le géant opalin ne se targuait pas d’être le meilleur conteur, loin de là. Par instinct, ses coussinets frétillèrent. Il renifla bruyamment et releva la tête vers son petit qui demeurait tremblant de peur. Lui qui, il y a encore quelques jours, était trempé de sang et le menaçaient d’un couteau d’os arraché à un cadavre avait soudain une folle envie de continuer son expédition dans le havresac. Bien entendu, les pensées du colosse de rubis l’avaient atteint comme tous les Graärhs du canyon et, se sachant le sujet de toutes les attentions, il tâchait de se faire plus petit que ce qu’il n’était déjà.

Mais le géant opalin apprécia la demande du Colérique. Il savait, plus que d’autres, que la vie de chaque enfant avait un sens. Et il savait, plus que quiconque, qu’elle avait une valeur. Par elle-même, directement, hors de tout caractère ou apparence. Cette valeur venait du degré d’avenir. Elle venait du rapport profondément physique qu’ils avaient avec le monde, de la richesse qu’ils incarnaient pour sa survie. Les Graärhs le comprenaient plus que tout autre, eux qui rejoignaient bien vite les Esprit et reposaient l’existence de leur race sur l’épaisseur des prochaines générations. Sur un héritage qui venait du cœur et de la rage de vivre.

Le géant opalin sentait, oui il le sentait jusqu’au plus profond de ses entrailles, que le Colérique en était l’un des premiers porteurs.

Il était ainsi d’autant plus ardu d’expliquer la raison de la présence de son petit aujourd’hui, alors que la légion revenait du plus funeste des massacres. Sa voix altérée déclama machinalement :

-Il ne s’agit pas de mon fils. Mais il est de mon sang.

Autour d’eux, les troupes reprirent finalement leur marche. La gemme dorée passa de guérisseur en guérisseur et son halo se disloqua dans le désert et la légion. Une nouvelle énergie circulait dans le canyon. Les Graärhs avaient repris du poil de la bête. Savoir un dragon si imposant être leur protecteur le temps d’un pan de leur histoire leur avait rafistolé le moral avec des liens solides. Quand les charognards survolèrent silencieusement les pics, les Garals les accueillirent avec des feulements de dédain et des lancers de pierre.

Sur la route, le géant opalin narra au Colérique les évènements qui avaient eu lieu à Atghalan la Perfide. Il ne lésina pas sur les détails. Il ne cacha rien des affrontements qui eurent lieu, de la vilénie des pirates et de leur cruel plan pour corrompre et réduire à néant les lieux qu’ils avaient fait leur. Il se doutait peut-être que le Dragon rouge pouvait deviner au travers de cet échange mental s’il mentait ou non. Il se voulut honnête en tout point de vue.

Il songea après coup que la folie de la légion avait été sans nul doute de se laisser emporter par leur désir de vengeance. En voulant sauver les esclaves et en cherchant à coincer les pirates jusqu’au port, il n’avait réussi qu’à briser la cité maudite et à faire fuir ses habitants. Mais ce n’était qu’un répit. Combien de temps passeraient avant que de nouveaux pirates viennent avec leur poudre et leur canon ?

Il raconta ensuite comment il avait trouvé le petit dans les vestiges de la cité :

-Il se trouvait là, une petite chose fragile parmi les esclaves que les pirates avaient maudits. Je l’ai récupéré car je le sais, au plus profond de moi, que je ne pouvais l’abandonner. Que les Esprits l’avaient amené ici pour que je le récupère. On peut appeler ça la providence ou le hasard. Je me fiche bien de savoir ce que l’on en pense. Il est tout ce qu’il me reste de ma fille. Je donnerai ma vie pour lui.

Il laissa le silence rôder. La colonne de Graärh évoluer dans le lointain et observa le Colérique, s’attendant à une réponse. Soudain, il vit que certains de ses compagnons d’armes indiquaient quelque chose sur le dos du colosse de Rubis : une créature faite de métal qui restait immobile, comme incrusté dans ses chairs.

En voyant l’espèce d’araignée mécanique sur l’immense dos de l’Ire, Asolraahn eut une expression interloquée, de l’ordre de l’interrogation dont on n’osait pas poser de questions, de peur que cela nous dépasse. Il esquissa un geste à l’intention du colosse. Il prit le risque d’alourdir plus encore le dragon par le fardeau de son information :

-Hum, il y a quelque chose… là-haut. Une amie à toi ?

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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¤ Soliloque ¤


La magie, lorsqu’elle est utilisée au bon moment et dans les bonnes proportions, qu’importe le but visé, est capable de rétablir l’équilibre de la balance ou alors même de totalement renverser une situation. C’est parce qu’ils savent cela, savent quand le faire et savent la mettre en pratique, que les dragons sont et de loin les créatures les plus sages de ce monde. À l’inverse des bipèdes qui se sont rendus indignes de cette énergie par leur utilisation triviale, les écartant dès lors de cette sagesse qui leur fait tant défaut. Voir ses graärh, qui il y a quelques instants encore étaient au bord du gouffre, briser tant physiquement que psychologiquement, redresser la tête offrit un spectacle fort plaisant au colérique. Il pouvait considérer son erreur comme réparée. Le nouvel espoir qu’il venait de leur offrir faisait couler en eux une force nouvelle qui leur permettrait de franchir ce sombre passage de leur histoire. Les graärh le regardèrent avec un certain émerveillement, la reconnaissance se lisant dans leurs regards. Quelques-uns avaient imité le félin d’opale, mettant un genou en terre pour témoigner de leur reconnaissance. Derrière lui, le legs du tyran venait de se taire pour la première fois.

« J’ai entendu beaucoup de sans-poils dire que les Dragons étaient pareils à des Divinités. À mon avis, ils ont tout faux. Bien peu de divinités apportent le cadeau de l’espoir et parlent d’honneur lorsque nous en avons le plus besoin. Pour cela, sois remercié d’être plus. »

Oh l’enfant de l’orage aurait beaucoup à dire sur les bipèdes et sur les divinités. Devait-il pour autant se lancer dans une leçon ? Non, le moment était mal choisi. Mais cet Asolraahn avait saisi le plus important. Les dragons ne sont pas des divinités, ils sont bien plus que cela. Les divinités, du moins l’image qu’en avait Verith pour en avoir rencontré, sont des créatures injustes et irresponsables. Leur mort était une bonne chose pour ce monde déjà bien ravagé par leurs folles actions et inactions.

*Que sait-il des divins et des dragons pour parler ainsi ? Lui qui n’aura jamais l’occasion de rencontrer les premiers. Lui qui n’a jamais connu les seconds avant l’exil des Ambarhùniens ? *

¤ Il sait au moins ce qui a fait défaut aux divins. Et toi aussi d’ailleurs qui a fait l’erreur de vouloir devenir comme eux. Je dirai même plus, à devenir ce que tu n’es pas. Il n’était pourtant pas difficile de faire mieux qu’eux et pourtant tu as réussi à faire pire. Tu as mal choisi tes armes, tu as régné par la peur … ¤

*Et pourtant, contrairement aux divins, je suis encore là !*

Et pourtant, contrairement aux divins, il était encore là. Et pour le plus grand déplaisir du rouge qui plus est. Se concentrant pour ignorer l’avatar de la ruse et de la fourberie en personne, le colérique recentra son attention sur les graärh. Le félin d’opale venant répondre à l’une de ses premières interrogations. Dans le même temps, la marche du groupe reprit, sous bonne escorte du colérique. Les garals commençaient à se passer la gemme de magie fabriquée par le dragon libre pour venir apporter de nouveaux soins aux blessés, tandis que d’autres se moquaient et chassaient les oiseaux charognards qui il y a quelques minutes encore se régalaient d’avance du festin que leur promettaient ses félins à la traîne. Asolraahn vint lui raconter les tragiques événements qui se sont produits dans le marais. Dans son dos, Verith pouvait entendre le legs du tyran s’amuser de ce récit, félicitant la ruse et la fourberie du commandant pirate. Des éclaircissements vinrent également au sujet de l’enfant que transportait le géant d’opale. Le rouge s’attristant de la situation. Il ne comprenait que trop bien la situation du graärh, lui-même était un père et avait vu une chimère prendre possession de sa fille, la lui arrachant. Fort heureusement, il était parvenu à la retrouver et à la libérer, avant d’offrir une mort au combien douloureuse à celle qui s’en était prise à sa descendance.

« Je me garderais bien de juger votre comportent au combat. Je me suis déjà moi-même laissé aveugler par mes émotions et en ai payé le prix fort. Les adversaires usant de la fourberie sont de loin les pires pour ceux qui combattent avec honneur. Ils ne suivent pas les mêmes règles de nous. Et ils sont méprisables. L’honneur est une force, toutefois, toute force peut devenir une faiblesse et votre adversaire est parvenu à l’exploiter comme une faiblesse. Si je méprise la fourberie et refuse de la voir comme la force d’un combattant, les faits sont tout autres et il faut garder cela à l’esprit. »

Le fils de l’orage marqua une courte pause avant de reprendre.

« Je pense que ce petit est un signe. Envoyé par qui ou pas quoi, cela je n’en sais rien. Certains appellent cela le destin, mais je n’y crois pas vraiment. Mais cela n’en reste pas moins, à mon sens, un signe que tu es sur la bonne voie. Afin que tu ne perdes pas espoir, afin que tu continues ta quête. Qu’importent les épreuves que tu devras traverser. Un peu comme cette bataille. »

Dans le dos du colérique, Dwëmmer continuait de poursuivre Ther'Zhi, agitant furieusement ses pinces pour le saisir. L’araignée mécanique avait cet avantage d’être pratiquement inépuisable. Malheureusement c’était également le cas de son adversaire qui semblait se jouer de la situation, un peu comme un bipède jouant avec une fourmi. Quoi qu’il en soit, à force de s’agiter, elle finit par attirer l’attention du graärh d’opale. Voilà une mauvaise chose que le colérique aurait préféré éviter. Il soupira intérieurement.

« Tu as de bons yeux, fils de l’ile d’été. Mais il aurait peut-être préférable que cela ne soit pas le cas. Oui on peut dire qu’il s’agit d’une amie à moi … »

Verith entendit alors la déception et l’offuscation de Dwëmmer dans son esprit à cette affirmation. Elle était plus qu’une amie, elle était sa liée ! Elle s’arrêta d’ailleurs de pourchasser l’esprit frappeur pour se concentrer sur Verith. Le colérique soupira, une nouvelle fois, cette fois-ci audible de tous.

« … mais c’est un peu plus complexe que ça. Elle est liée … »

La créature mécanique vint taper ses pinces les unes contre les autres comme pour signifier son contentement.

«  … à ma magie. J’ai eu de nombreuses occasions de me rendre à l’intérieur du volcan de l’ile de Tiamat pour observer le Bâoli et l’étudier. Je l’ai découverte là-bas, elle était piégée à l’intérieur de la glace qui recouvre la salle du puits de magie. Elle était quasiment interne, mais j’ai décelé une faible signature magique en elle. Alors je lui ai insufflé de la magie, cela l’a réveillé. Depuis elle est pleine de vie et me suit partout où je vais. J’ignore encore ce qu’elle est exactement. Elle possède une intelligence, bien supérieure à celle des animaux ou des créatures magiques de l’archipel. À titre de comparaison, celles qui s’approchent le plus de la sienne sont celles des bipèdes et de vous graärh. Mais plus que cela, elle possède un esprit un peu comme nous ici présents, mais elle reste en même temps très éloignée, car très différente. Elle me fait un peu penser aux créatures de pierre que j’ai pu rencontrer à la surface de l’ile de Calastin, j’ai entendu dire qu’il y en avait en dessous aussi d’ailleurs, en beaucoup plus grand … mais … je ne sais pas … d’après le souvenir que je garde de ceux que j’ai pu croiser, je la dirais … plus évoluée … peut-être ? Il faudrait que je retourne là-bas pour espérer percer son mystère. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre, si elle était à l’intérieur du Bâoli, je pense qu’elle doit être liée… »

Dwëmmer applaudit une fois de plus à sa façon.

« … à vous graärh, enfin, à ce que vous étiez plus exactement. »

Le colérique avait commencé à se gratter le dessous du museau du bout d’une de ses griffes sombres et semblait plus s’être lancé dans un soliloque, exprimant à voix haute et pour lui-même ses théories concernant cette créature de métal, qu’une véritable réponse à son interlocuteur.

« Le fait qu’elle ne s’exprime que dans votre langage la lie indubitablement à votre race. J’aurais aimé tirer des explications à son sujet dans votre histoire, malheureusement rien n’y figure. Mais si j’ai pu découvrir l’emplacement du Bâoli, je pense que je parviendrais à percer également ce mystère. Si seulement je n’avais un fléau plus urgent dont je devais m’occuper. »

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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Le petit ? Un signe envoyé par les esprits ? Le géant opalin n’y songeait pas vraiment, bien que ses pensaient divagantes à Atghalan aient pu l’y conduire au début. C’était quelqu’un de très terre à terre qui ne réfléchissait pas à son existence de tous les jours en pensant que les Esprits veillaient sur lui. Non pas qu’il doutait de leur existence. Mais on ne demandait pas à un Graärh de remettre sa vie entre les mains de ses créateurs, ni d’attendre de leur part un indice les guidant vers la route qui les ferait grandir. De l’avis d’Asolraahn, la foi n’était pas relayant d’un futur bien heureux. Les prières non plus. Il avait toujours eu l’impression que les siennes tombaient dans un gouffre sans fin, pour résonner sous les étoiles et briller comme elles avant de disparaître dans l’oubli. Il n’y avait qu’à voir leur situation. Combien de Garal avaient remis leur vie aux mains des Esprits avant de se jeter dans la bataille ? Combien de ceux-là s’étaient retrouvés le ventre éparpillé aux quatre coins de la cité à cause d’un boulet de canon ou les entrailles à l’air par un vaseux ? Même ici dans ce désert, alors que la légion était au plus mal, c’était le Colérique, et pas les Esprits, qui leur avait apporté de l’aide. Personne ne lui vouait un culte pour autant.

Mais il y avait eu les rêves…

Cela avait commencé il y a quelques temps déjà, tandis qu’Asolraahn sortait de la boue et de la fange d’Athvamy. Il pleuvait ce jour-là, des larmes des défunts de la Cité Perfide ainsi que du ciel. Le félin avait réussi à faire sortir son petit et sa carcasse des vestiges d’Atghalan, mais la légion avait déjà pris de l’avance et la nuit avait réveillé les dangers du marais. Seul avec une petite chose sur son épaule et armé uniquement de son bâton, Asolraahn avait décidé de faire halte dans le creux de deux mangroves. Là, le danger les guettait et le sommeil tardait à venir. La lune était masquée par des nuages ridés de vieillesse.

Soudain, il lui avait semblé que le ciel croissait devant ses yeux, que les astres devenaient plus lumineux que des bougies dans le noir. La raison avait été aussi insensée qu’évidente : Le géant opalin grimpait jusqu’au monde des esprits. Il avait vu les Esprits-liés, salué de la patte le Sanglier qui l’avait protégé tant de fois, aperçu le Chat surgir des cirrus d’argent, fait signe au Cygne. Et puis il y avait eu ce qu’il appelait l’Eveilleur. Un être flou et scintillant à la forme vaguement familière qui l’invitait à le rejoindre plus haut dans les cieux. Le rêve s’était terminé sans plus d’explication. L’être s’évaporait d’un coup dans le lointain et Asolraahn avait réintégré son corps.

Mais le rêve s’était répété maintes et maintes fois, l’être de lumière devenant plus pur, ressemblant de plus en plus à l’un de ses semblables. Jusqu’à ce jour où il lui était apparu plus éclatant et clair que jamais, dans la seule et unique forme à laquelle il ne pouvait s’attendre : lui-même. Asolraahn en avait eu le pelage tout tremblant. La peur l’avait averti aussi, et il avait écouté son appel. Car que pouvait-on attendre d’une telle apparition ? Si elle attaquait, quelle arme possédait-il pour se défendre, lui qui ne portait pas même le bracelet de sa fille ici dans ce monde abyssal ?

Mais il n’y avait pas eu d’hostilités dans le regard de son double. Ses yeux étaient comme des astres froids au toucher, d’énormes globes dans lesquels il s’était senti basculer tête la première. Asolraahn n’avait pas eu le temps de remarquer quoique ce soit d’autre. A part une chose : son double portait un petit bijou sur son oreille, une petite boucle qui vibrait avec un œil d’ambre qui le regardait jusque dans son âme. Et puis le rêve avait cessé.

C’était hier, et il s’en souvenait comme si toute sa vie, de tels vision avaient assailli ses pensées.

Son petit poussa un long miaulement. Le mouvement de la légion l’avait apaisé et son pelage n’était plus ébouriffé comme naguère. Le géant opalin se tourna vers le colosse aux écailles vermillon :

-Des songes et des signes. Ca me poursuit depuis un moment. Je n’ai pourtant jamais été très scrupuleux là-dessus. Mais le rêve que je fais depuis plusieurs jours est plus proche d’une vision que de souvenirs épars. Il se répète à l’infini, comme pour me dire quelque chose…

Il hésita, l’espace d’un instant :

-Je crois qu’il attend que je retourne vers Paadshaïl. Mais les signes, en général, n’amènent pas des nouvelles de bon augure. Peut-être que le mal qui s’est emparé de l’île à empirer depuis ta dernière venue…

La légion franchit le seuil du canyon. Ils longèrent des rives de sable, traversant les pics comme des bras morts, avançant parmi les plaines désertiques, rendues à tout abysse. Il n’y pas de grenouilles, de canards, ni de sarcelles pour cancaner. Les charognards étaient partis et les smilodons. Le soleil rougeoyant inondait le ciel et la plaine était emplie de silence. Asolraahn craignait encore une chose : que les karapt ne surgissent de nulle part pour les traquer. Ils avaient été particulièrement retord ces dernières semaines. Et il espérait ne pas subir des pertes de à cause d’une autre mésaventure.

Cheminant derrière la légion, le dragon rouge lui relata l’histoire de sa découverte de l’araignée de métal,  la créature sur le dos du colérique qui était en réalité une créature originaire de l’île de Tiamat. Le dragon rouge l’avait trouvé dans les ruines du Bâoli et depuis, ils étaient comme qui dirait chien et chat. Asolraahn remuait la queue avec amusement. Cela le surprenant, lui qui avait du Colérique la vision d’une créature guerrière et ne s’embarrassant pas de visiteur inopportun sur ses ailes comme sur son échine. Cet être ne paraissait pas avoir été une bénédiction pour lui, à entendre comment il en parlait. Alors pourquoi la conservait-elle avec lui ?

Ce dragon devenait de plus en plus curieux à mesure qu’on en découvrait sur lui. En apprenant ses difficultés à trouver des réponses sur cette araignée de métal, le géant opalin gloussa en levant les bras en signe d’excuse :

-Les Graärhs ne sont pas de grands historiens. Nous sommes avant tout des chroniqueurs. Nous contons avec la voix ce que d’autres font avec une plume et de l’encre. Ce n’est plus un récit, ni des mots, mais une identité que nous enfantons auprès de ceux que l’histoire touche, en partant d’un début pour aller vers une fin. Ce qu’un graahron connaît, il le tient de la mère et du père qui lui ont donné naissance, des gestes, cris, bruits et sentiments qu’ils ont employé et qui aura forgé leur petit à jamais.

Il haussa les épaules en fixant l’araignée. Cela ne l’étonnait pas que dégoter des réponses sur cette petite liée au dragon soit si ardu. Les siens vivaient avec des mythes et des légendes. Elles n’étaient peut-être même pas vraies, ce n’était en tout cas pas l’important. Elles les construisaient et les bâtissaient pour aujourd’hui et demain. Pour beaucoup de Graärh, Asolraahn songea qu’il importait peu ce qui avait été jadis. Mais il n’osa pas soumettre ce point de vue au Colérique. D’abord, parce que tous les Graärhs ne pensaient pas ainsi. Il connaissait son vieil ami Purnendu qui tranchant dans le vif avec cette idée. Et d’autre part, parce que lui aussi était un curieux :

-Je n’ai personnellement jamais entendu parler de telles créatures se trouvant sur nos terres. Je gage que même nos anciens parleront de milles légions d’or et de héros perdus, mais ne sauraient pas faire une phrase sur elle, eh ! Tel est la perte de notre savoir… Cela me navre. Plus encore à cause de ces rêves qui me taraudent depuis des semaines. Tant de choses me sont inconnues et pourtant me touchent, comme j’avais un lien avec elle. Il ne doit pas en être de même pour les dragons. Votre savoir ne s’étiole sûrement pas avec le temps. Quelle chance…

Il porta le poing à son torse, ses coussinets frétillants :

-Je ne suis pas un archiviste, et encore heureux ! Mais si je peux aider à la reconstruction de ce savoir, alors je le ferai. Il suffira de faire signe.

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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¤ Une histoire de vision ¤

Le colérique se perdait dans ses pensées. Cela lui arrivait de plus en plus fréquemment, et ce depuis longtemps, depuis que les chimères avaient mis un pied en Ambarhùna pour être exact. Le dragon rouge avait l’impression d’être par moments condamné à mener une quête perpétuelle. D’abord pour bloquer Edwyn, pour se libérer de la malédiction de Vie, guérir la blessure de Feu, se libérer du Tyran, vaincre le Tyran, vaincre les chimères, se libérer de la malédiction du dragon-esprit, détruire le lien, détruire les bipèdes, percer le secret de Dwëmmer et vaincre de nouveau le Tyran. Chaque fois qu’il venait à bout de l’une d’entre elles, une nouvelle ou même deux survenaient, venant le plus souvent se mettre en travers de sa route pour détruire les bipèdes et le lien. L’enfant de l’orage commençait à s’en agacer et à se demander qui pouvait bien lui mettre des bâtons dans les roues. Tout ceci étant bien entendu inutile, cela ne faisait que le ralentir, car le colérique parvenait toujours à ses fins. Le fils de Skade finit par revenir à lui en attendant les paroles de Ther'Zhi. Ce dernier l’informait qu’il pourrait peut-être l’aider, mais que son aide ne serait pas gratuite, bien entendu. Le rouge refusa immédiatement. Il refusait de marchander avec être aussi vil, sachant particulièrement que s’il lui faisait cette proposition, c’était pour l’amener à sortir de cette situation qui l’ennuyait. L’attention du dragon revint rapidement sur les petits graärh non loin de lui. Il sentait la magie de la pierre s’épuiser au fur et à mesure que les félins s’en servaient pour guérir leurs blessés. Cela leur offrait une chance supplémentaire de s’en sortir après cette bataille. Il ne pourrait bien entendu pas ramener les morts à la vie, mais il pouvait faire en sorte que leur situation ne s’aggrave pas davantage.

Le géant d’opale se disait victime de songe ressemblant à des visions. Le rouge se contenta de hausser mentalement des épaules. Cela pouvait aussi bien être de l’ordre physique que magique. Le graärh sortait d’une importante bataille dont le résultat ressemblait plus à une défaite qu’autre chose ? Sans doute était-ce là le contrecoup d’un poids psychologique. Sans parler du fait qu’il avait découvert sa descendance parmi ses ennemis. Son subconscient devait surement tenter de donner un sens à tout cela. Ou alors était-il véritablement sous l’emprise d’un effet magique. Pour cela il devrait demander à quelqu’un de veiller sur lui pendant son sommeil et particulièrement de rester à l’écoute de la trame.

« Je vais, je crois, devoir une fois de plus suivre une piste de miette de pain. J’exagère peut-être un peu. Je dispose tout de même et déjà de plusieurs éléments, je sens que ce puzzle sera moins difficile à résoudre que les précédents. Vos récits sont fort intéressants, chaque mythe est construit à partir d’une base de vérité. Cette vérité est ensuite rendue volontairement floue par la manière dont il est conté. Par exemple, un événement catastrophique va venir prendre la forme d’un monstre. Car je pense que ce qui compte dans les légendes graärh ce n’est pas l’histoire en elle-même, mais le message qu’elle chercher à faire passer. Prenons le cas du mythe de la légion des cendres qui influence énormément le mode de vie de ton espèce. Il décrit une terrible catastrophe. Mais quel en est le message ? L’arrogance mène à la destruction ? Oui, mais pas seulement. Ce qu’il veut faire passer comme message est à mon sens le suivant : une limite a été franchie, les graärh ont cherché à être ce qu’ils ne sont pas, ils se sont attaqués à quelque chose qui les dépasse, ils ont voulu rompre un équilibre. »

Le dragon rouge marqua une courte pause.

« Les bipèdes consignent les histoires dans des livres. Ils font de grandes histoires, mais malheureusement ils n’apprennent jamais de celles-ci. Ils ne saisissent pas le message des histoires. Et pourtant la vérité y figure dans la plupart des cas de façon flagrante. En un sens, les Graärh sont bien plus sages que les bipèdes. Il existe un fossé entre la connaissance et la sagesse. »

Verith dodelina de la tête.

« J’apprécie ta proposition et je saurais m’en souvenir. Nous, dragons, possédons une façon différente d’entreposer notre savoir, car nous sommes, et de loin, différents de toutes les autres créatures vivantes. Nous disposons d’une mémoire ancestrale. Quand un dragon meurt, ses souvenirs rejoignent cette mémoire ancestrale. C’est une sorte de mémoire commune, accessible à tous les dragons. Pour autant elle n’est pas pleinement accessible. Plus un dragon vieillit, plus il y a accès. Cela s’explique surement par le fait que sa magie comme son esprit se renforce. Vivre avec cette mémoire ancestrale, c’est comme vivre avec une infinité de voix dans sa tête. Un bipède ou un graärh, s’il a de la chance, mourrait immédiatement s’il se retrouvait avec autant de voix dans son esprit. Dans l’autre cas, il deviendrait fou, son esprit se brisant. »

Un léger ricanement s’échappa du colérique.

« Il est vrai que cette mémoire ne s’étiole pas avec le temps. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle est infaillible. Tout comme les graärh, certaines parties de notre histoire ont été oubliées. Oh, pas volontairement. Ces souvenirs sont toujours là, dans notre mémoire ancestrale, mais simplement inaccessible, car scellée. Contant une histoire honteuse que les divinités qui ont créé ma race préféraient oublier, effacer. Je suis aujourd’hui le seul dépositaire de ces souvenirs scellés, car le sceau me fut retiré. »

Le legs du tyran s’offusqua d’un « Et moi alors ? », mais fut largement ignoré par le colérique.

« La mémoire des dragons n’est pas uniquement une chance, elle est aussi fardeau. La connaissance est un fardeau lourd à porter. Pour autant, si l’opportunité d’oublier se présentait à moi, je refuserais. Certaines choses ne doivent pas être oubliées. »

Le ton, la mine et l’éclat dans les yeux du colérique étaient devenus bien sombres à la suite de cette dernière phrase. Mais bien vite, le colérique s’efforça de la faire disparaitre. Il n’était pas là pour recasser un passé qui ne concernait en rien, de près ou de loin, les graärh.

« Parle-moi de ta vision, fils de l’île de l’éternel hiver. Je pourrais peut-être t’aider. J’ai déjà moi-même eu l’occasion d’en avoir … même si j’aurais peut-être mieux fait de me casser une aile ce jour-là. »

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Les propos du Rouge le persuadèrent très vite qu’il connaissait bien les légendes et mythes Graärhs et, à tout le moins, qu’il en saisissait le sens. Le dragon se montra honnête en tout point de vue et, ce qui le surprit, même lorsqu’il mentionna comment fonctionnait la mémoire ancestrale des dragons. En d’autres circonstances, peut-être ne se serait-il pas montré aussi ouvert sur les souvenirs perdus de sa race.  En apprenant que ce savoir lui-même était faillible, Asolraahn hocha la tête :

-Alors c’est que tout est destiné à se perdre et à se retrouver, que le monde a été bâti pour que l’ignorance et la connaissance se tournent autour comme deux rivaux, et que le cercle de leur parade guerrière soit nos découvertes et nos pertes. (Il gloussa avec amusement) Ca fait une belle patte à ceux qui croient tout savoir. N’est-ce pas vrai qu’un idiot qui apprend devient sage, et qu’un sage qui maîtrise son sujet devient un idiot ?

Mais le colosse de rouge avait de la curiosité à revendre. Le géant opalin avait la certitude qu’il trouverait rapidement des réponses sur la nature de l’araignée métallique. Les dragons apprenaient vite. Ils étaient connus pour être des créatures à la conscience hors du commun. Ils avaient un pouvoir sur le monde et étaient liés à la magie qui les entourait. Seulement, il s’agissait aussi d’êtres à la pensée bien différente de celle caractéristique des gens de l’archipel. Ils appréhendaient le monde d’une façon qui le dépassait totalement.

Il existait des distinctions manifestes entre les graärhs et les humains, mais il y avait également d’indubitables similarités. Que des créatures comme les dragons puissent être si éloignés de leur culture, de leur intellect, et puissent néanmoins l’assimiler avec aisance était une idée à la fois rassurante et effrayante. Il était difficile de tromper un dragon car il était imprévisible.

Mais la réciproque était loin d’être juste.  

Ainsi donc, le Colérique comprenait et croyait également en ses visions et dans la signification qu’elle pouvait évoquer. Les rêves étaient des prismes dont chaque facette masquait un mystère. Certaines races pensaient qu’ils étaient porteurs d’une vérité, qu’ils entrevoyaient de potentiels avenirs et les soumettaient à leurs hôtes pour les prévenir du danger. Pour beaucoup de Graärhs, les rêves étaient un mode de communication entre la parole des Esprits et eux. L’entendre était une bénédiction et il était de leur devoir d’entendre et de suivre l’enseignement qu’ils avaient gagné à leur écoute.

Mais Asolraahn n’avait aucune idée de la signification de son rêve. Une autre facette du mystère. Il se demanda ce que les dragons avaient comme opinion là-dessus. Quant à celle du Rouge, elle était toute tranchée.

A la nuit tombée, la légion arriva jusqu’à l’entrée du canyon, là où la savane commençait à apparaître sous les yeux des ses occupants. Le félin d’opale empoigna son bâton et avança jusqu’à pouvoir observer l’horizon. Le petit bonhomme somnolait dans la besace sur son dos comme dans le lit d’un palais. Les Aaleeshaans demandèrent aux éclaireurs de la légion de trouver un lieu où faire halte dans le canyon. A l’arrière cependant, quelques instants après que les cors aient sonné, Asolraahn se rendit compte que la troupe qui l’accompagnait, quoiqu’il était Trand et eux Garal, attendait de lui qu’il assume un rôle de chef ici aussi. Probablement une idée des autres chefs de clan, ce qui vaudrait sûrement jusqu’à ce qu’ils arrivent à Vat’Aan’Ruda. Il déclara :

-On fait dresser le camp. Pas le temps de traînasser ! Allez chercher du bois morts et allumez quelques feux. Shaan Barjaak, choisis quelques garal et délimite un périmètre. Quand tu auras terminé, prend quelques guerriers en pleine possession de leur moyens et vérifie qu’il n’y a pas quelques rôdeurs qui en voudraient à notre peau dans les parages.

Il avait dit cela en comptant la présence du colosse rouge parmi eux. On ne savait jamais avec les petites fouines. Ca paraissait secondaire quand tout le monde était à bout, asséchés par la chaleur et la soif. Les garal s’établirent sur un haut-plateau où les rochers avaient des arêtes plus coupantes que des haches et où le sable crevassait la chair sous le pelage. Mais c’était mieux que rien. Les blessés savouraient le miracle de la vie hors des marais boueux d’Athvamy. Asolraahn aurait tout de même préféré faire quelques pas de plus pour atteindre concrètement la Savane et s’éloigner le plus possible de ce canyon infernal, pourtant. Il leur fit monter des abris et les Garals s’activèrent autour du géant opalin. Ce dernier se demanda si l’œil imbibé de flamme du Colérique leur donnait une énergie nouvelle.

* * *

Bientôt, tout le camp fut terminé. A la nuit tombée, les feux prirent vie, crépitèrent avec vigueur, et les spirites de la Vache se mirent à la cuisine. Asolraahn s’autorisa enfin à respirer avec sérénité. Il avait surveillé des jours durant la présence du moindre survivant dans la colonne des guerriers de la légion. Les spirites du cerf avaient fait du bon travail et lui avait poussé les troupes à avancer jusqu’au bout. Il pouvait désormais, en cette nuit étoilé, s’accorder un peu de repos.

Là, à la lueur de torches posées autour du campement et des ombres qui dansaient sur les rochers, il conta au grand dragon rouge le rêve qui avait accompagné son sommeil depuis des semaines. De temps en temps, il fronçait les coussinets en feulant, à court de souvenir et tentant de se rappeler un évènement primordial. En tout cas de son point de vue. Il lui tenait à cœur de se montrer précis sur ce qu’il avait vécu. Peut-être le Rouge serait-il capable de trouver ce qui avait pu susciter de telles visions. En terminant son récit, il ajouta :

–C’est comme si ce rêve était un tableau d’obscur et qu’on venait y déposer chaque nuit des gouttes de lumières pour le révéler petit à petit. Je le sens devenir plus fort, plus… réel à mesure que le temps passe. La dernière fois, j’ai eu la sensation d’être près, si près d’atteindre mon but que m’éveiller a été un calvaire. Je ne sais ce qui m’attend désormais. Je n’ai aucune certitude. Mais je ne reculerai plus désormais. Hier soir était le dernier jour de l’ignorance. Je compte bien découvrir ce qui se cache derrière ces signes.

Asolraahn leva les yeux vers le Colérique. Celui-ci le dévisageait avec une expression intense :

-Que dois-je faire, Roi du ciel ?

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¤ Rêverie ¤

Le rouge appréciait ce qui était à ses yeux une randonnée, mais qui était pour les yeux des graärh un calvaire. Verith saisissait bien entendu l’étendue de ce qui se jouait en cet instant, pour autant cette marche dans le canyon ne lui déplaisait pas. Bien au contraire. Son regard se perdait de temps à autre aux quatre coins du paysage. Ce lieu lui rappelait l’endroit où il avait grandi, en plus petit bien entendu. Le continent sauvage lui manquait. Un jour il y retournerait, quand il aurait accompli ce qu’il devait accomplir, quand toutes menaces pour sa race auraient été écartées. Il avait hâte de raconter ce qu’il avait vécu à ses amis et à ses connaissances. Il avait hâte que ceux-ci leur comptent leur propre histoire. Moins d’une dizaine d’années c’étaient écoulé depuis son départ, pourtant, celles-ci avaient été si denses qu’il avait l’impression qu’une centaine s’était écoulée. Il avait également hâte de défier ses anciens rivaux, de découvrir leur progrès, mais également de mesurer sa puissance face à de vrais adversaires. Plus que tout, il avait hâte de retourner sur la terre qui l’a vu naitre pour la faire découvrir à ses fils et la parcourir avec sa fille. La voix du Legs du Tyran raisonna alors dans son esprit, tirant Verith de ses pensées, lui arrachant un grondement mental.

¤ Et moi tu m’y emmèneras ? Cela semble être un fort amusant. Bien plus qu’ici en tout cas. ¤

¤ Tu n’es pas digne de fouler cette terre. Cet endroit est fait pour les dragons libres, pas les liés. ¤¤

¤ Oh, mais lié je ne suis plus, aurais-tu oublié qu’Edwyn est mort ? Après m’avoir trahi. ¤

¤ Ne prononce pas ce nom impie en ma présence. Tu n’es peut-être plus lié, mais cela n’enlève rien aux plus abjectes de tes crimes, la suprême trahison envers notre race. Tu fus le premier des liés, tu as laissé l’honni créer une telle chose. ¤

¤ L’époque était différente, les Tarenth étaient sages. ¤

¤ Visiblement pas suffisamment et pas tous. Nous payons tous aujourd’hui les erreurs de ton lié. ¤

Le silence s’abattit dans la trame et le colérique reporta son attention sur les graärh alors que Dwëmmer retournait s’attaquer à l’être spirituel après avoir senti l’agacement du rouge.

« Un idiot qui apprend devient sage, un sage maîtrise son sujet devient un idiot … j’aurais plutôt tendance à dire que parce qu’il pense maitriser son sujet il devient arrogant et parce qu’il devient arrogant il devient idiot. Mais cela se tient. »

La marche continua sous un ciel aride, plaisant pour le rouge, déplaisait pour les graärh. Le fils de l’orage aurait pu étendre ses ailes pour leur offrir plus d’ombre, malheureusement il risquait de plus de se gêner qu’autre chose avec la topographie. Les félins devraient donc se contenter de l’ombre que son propre corps projetait par moments.

« Fils d’île de l’éternel hiver, j’ai une question à te poser. Tous les graärh possèdent deux noms, le premier est celui que leur mère leur donne à leur naissance, le deuxième reflète ce qu’ils sont, ce qu’ils ont accompli. Or toi tu te nommes Asolraahn, uniquement Asolraahn. Comment cela se fait-il ? Tu es la seule personne que je rencontre n’ayant qu’un seul patronyme, mais les bipèdes en ont deux, voir plus. À ma connaissance seuls les dragons possèdent un seul nom, pourtant tu n’es pas un dragon. »

Curieux ? Bien entendu qu’il l’était. Plus encore parce que la situation était inédite. Verith n’avait pas l’habitude d’appeler les petites créatures par leur dénomination propre, leur préférant toujours une autre et les renommant au besoin. Par exemple il avait choisi le corbeau pour Saemon Methus, l’épervier pour Sighild Arnbjorn, Sombréclat pour Kälyna Vallaël. Seul Alford avait échappé à cette règle. Pourquoi d’ailleurs ? Peut-être parce que Verith souhaitait lui éviter le mouton sacrifié comme surnom ? Probable, pourtant ce dernier reflétait parfaitement ce qu’il était et avait subi. Ou peut-être était-ce parce que Verith se sentait coupable que ce dernier se soit fait maudire par sa faute ? Probable également. Ou peut-être encore parce qu’ils avaient vécu tous les deux la trahison d’Edwyn et la domination de Tyran blanc ? Sans doute … ou peut-être encore parce qu’il était le seul à lui avoir fait confiance au sujet du Tarenth honni alors qu’il avait prévenu tous les autres dragons du danger que représentait cet individu. Ou alors un mixte de tout cela.

***

Le soleil avait avancé dans le ciel comme les graärh avaient progressé sur la terre. La journée approchait de sa fin, la cohorte de félin commençait à s’immobiliser puis à s’agiter sur place. Visiblement, ils avaient l’intention de s’arrêter ici pour la nuit et de monter un camp. Ce n’était pas vraiment une bonne idée. Le félin aurait mieux fait de continuer à marcher encore un peu, suffisamment pour sortir définitivement du canyon. Les créatures vivant en ce lieu ne semblaient pas du tout apprécier cette intrusion et sans doute était-ce la présence du colérique qui les dissuadait d’attaquer. Il y avait beaucoup de monde, sous la terre. Le colérique avait étendu son esprit et fait résonner sa puissance au travers de la trame pour les dissuader d’agir. Cela semblait fonctionner, pour le moment. Malheureusement si ces derniers se décidaient à passer à l’attaque, le colérique serait bien incapable de protéger autant d’individus face à tant d’ennemis. Espérons simplement que cela n’arrive pas.

Verith observa les félins s’agiter, récupérant des bouts de bois, montant des tentes. Quelques graärh, parmi les plus grièvement blessés, n’avaient survécu à la journée, même en dépit de l’aide apportée par le dragon. Toutefois, le bilan était nettement moins grave que celui que les soigneurs avaient prédit avant l’arrivée du dragon. Au moins y avait-il un peu de bonheur dans leur malheur. La nuit vint s’abattre sur le canyon, le plongeant dans une obscurité profonde. Néanmoins, un large sillon, telle une plaie dans l’obscurité, illuminait faiblement les ténèbres. Il s’agissait là des très nombreux feux de camp graärh. Verith, lui, c’était mis en hauteur afin de surplomber tout ce monde et garder un œil dessus. Alors que le calme dominait, le félin d’opale revint vers lui pour lui raconter son rêve. La situation ne s’y étant pas prêtée jusqu’alors, mais le fils de l’ile de l’éternel hiver lui ayant promi de le lui raconter. Le colérique écouta sans dire un mot, analysant les informations qu’on lui révélait.

« L’inconscient et les rêves sont des choses complexes. Cependant, ce que tu me décris là ressemble à un puzzle, chaque nuit une nouvelle pièce venant s’ajouter. C’est quelque chose de très élaboré, aussi le fait que cela provienne d’un phénomène magique ou d’un charme ne peut pas être exclu. Toutefois, je peux peut-être t’aider à mettre fin à ce mystère. Quand tu dormiras, je mêlerais mon esprit au tien. Restant conscient je serais bien plus à même d’en déterminer l’origine. Peut-être verrais-je certaines choses que tu ne vois pas, ou les interpréterais-je différemment. Ce qui peut aider à compléter le puzzle. »

Cela ne devrait pas être une chose trop complexe. Il avait déjà procédé de la sorte par le passé, sauf qu’il avait plongé la psyché d’Alford dans son esprit. Ici c’est lui qui se plongerait dans la psyché d’autrui. Ce n’était pas exempt de tout danger bien entendu, mais ça l’était beaucoup moins pour le félin que le dragon aille dans son esprit plutôt que l’inverse.

« Si tu es d’accord, nous pouvons procéder dès ton endormissement. Ou alors je peux t’endormir immédiatement si tu le préfères. »

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Il aurait été étonnant que la question ne vienne pas. Si on le comparait à ceux des Garal, son nom tranchait même dans le ton et l’aspect de sa texture. Il n’était donc pas surpris que le Colérique remarque le fait qu’il n’avait pas de surnom ou de titre Graärh à porter. Lui-même s'était chargé de s'en trouver un nouveau, après avoir quitté la légion. Il était devenu le géant opalin, un titre simple et prosaïque qu'il utilisait avec les gens qu'il cotoyait. Il avait choisi de ne pas prendre ce nom dans la langue des Graärh. Il y aurait eu de quoi recevoir des représailles. Le félin ne détestait pas ses frères du Nord. Il ne désirait pas non insulter son ancienne légion.

Il décida de rester silencieux à ce sujet devant son petit-fils. Il attendit que ce dernier s’endorme, lové dans la petite besace qu’il avait déposé près de lui. A la nuit tombée, assis en tailleur près d’un rocher à la forme d’une serpe, il accepta alors de se montrer plus loquace avec le dragon rouge. Il le lui devait bien. Il avait, et c’était rare, une grande confiance et un profond respect pour ce colosse de rubis :

-Mon nom arbore les marques de mes actes d’autrefois. On peut demander à un Graärh de sacrifier sa vie pour la légion. C’est en général avec joie que l’on accepte. Quand on passe l’âge adulte, devenir un shikaree ou un nayak est un grand honneur. Je n’ai pas eu ce courage. Lorsque ma fille a été enlevée, j’ai laissé le titre de la légion parmi les wigwams en flamme pour la retrouver. (Il leva les bras) Je ne me sens pas lâche d’être parti. Ma fille était toujours une enfant. C’était mon devoir de la protéger et j’ai lamentablement échoué. C’est ma responsabilité de la tirer des griffes de ces bipèdes à la peau lisse. Aujourd’hui, je donnerai beaucoup, tout à vrai dire, pour avoir une piste… Il ne faut pas m’en vouloir d’être resté silencieux. C’est que je n’ai pas envie que le petit découvre tout ça. Pas tout de suite.

La honte ne brûlait pas son cœur, en effet, mais l’idée de révéler au graahron qu’il était banni de sa propre terre, qu’il pourrait ne jamais vivre auprès d’un clan le mettait mal à l’aise. Il ne pouvait pas le laisser chez les Garal, à une famille dont il ne connaissait rien et qu’il n’avait jamais vu. La Kamda Aaleeshaan étant morte, la seule personne à qui il témoignait une réelle confiance à Vat’Aan’Ruda s’en était allée avec elle. Et puis, bien qu'il n'ait pas encore retrouvé Taar’Melaah, bien qu’il ne sache si elle était morte ou vivante, il ne pouvait abandonner le graahron de sa fille à qui que ce soit. C’était à lui qu’il était apparu à Atghalan, couvert de sang, sous les corps de défunts. Lui que les Esprits avaient guidé jusqu’à ce lieu maudit. Et pourtant… pouvait-il s’occuper de lui seul, sans certitude d’avoir un jour un chez lui ou un clan ? Et pire encore de lui offrir cette vie plus tard, de ne lui donner qu’un nom maudit lorsqu’il serait adulte ? Le géant opalin était capable de vivre une vie de Ashuud. Mais sûrement pas son graahron. Ce n’était pas ainsi que cela devait se passer.

Un jour, Asolraahn l’emmènerait sur l’île de l’hiver. Son amour pour cette terre ne l’avait jamais quitté. Il rêvait d’y retourner, le ferait sûrement d’ailleurs qu’importe les conséquences. Il avait promis au petit de lui faire découvrir l’île de sa mère. Le graahron avait vécu en cage pendant toute sa vie, absorbé par la chaleur étouffante des marais et les griffes des pirates. Pas un jour ne se levait sans qu’Asolraahn songe aux souffrances qu’il avait endurées, à l’agonie qu’il aurait pu subir s’il n’avait pas été là ce soir-là dans la cité perfide, s’il n’avait pas entendu les miaulements au dernier moment…

Faire découvrir les montagnes de Paadshaïl au petit était ce qu’il pouvait faire de mieux pour lui.

Les paroles du Colérique l’éveillèrent de ses ruminations. Il ronronna en assentiment. Le dragon avait vu juste quand il avait décrit son rêve comme un puzzle. Cette nuit y apporterait sûrement les dernières pièces. Mais viendraient-elles si son sommeil ne venait pas naturellement avec l’aide du dragon, viendraient-elles si une présence autre que lui-même se montrait dans ses songes ? Il n’en était pas sûr. On ne lui avait pas enseigné à être un rêveur. Mais le Colérique n’avait aucune mauvaise intention à son égard, n’en avait jamais eu une seule pour sa légion. S’il désirait apporter son aide, le géant opalin serait bien idiot de refuser.

Le géant opalin scruta de ses yeux bleus les visages sombres des siens. Le campement était plus silencieux qu’une tombe. Quelques guerriers faisaient le guet. Face à la chaleur ondoyante, Asolraahn ne voyait que des pics décharnées à l’horizon. Il leva alors les yeux vers le Colérique :

-C’est avec joie que j’accepte ton aide. Ce soir, nous irons au travers de ce songe. Il y a des chances que le chemin que nous suivons soit en fait la voie d’une vision insignifiante, car il se peut que tu aies raison, et que tout ce que je rêve soit le fruit d’une douleur de l’esprit causée par l’aura des marécages. Néanmoins, je garde force dans la foi que quelque chose nous attendra à la fin de ce voyage.

Il était prêt à ce que le dragon rouge le plonge dans un profond sommeil. De légères secousses faisaient trembler son pelage sans un bruit. Il se mit machinalement à caresser le manche de son bâton de combat. Etait-ce des rôdeurs qui s’éveillaient ? Ou les battements de son cœur ?

* * *

La tempête balaie le ciel. Elle murmure dans le pelage des nuages obscurs qui s’étendent d’un lointain à un autre. Elle psalmodie au rythme du ruban fourchu des éclairs, de leurs écailles sinueuses de lumières éparses. Elle caresse avec sournoiserie les écailles et le poil opalin.

C’est un chœur vertigineux qui s’amplifie, qui n’a de cesse de disperser le sable du ciel, la poussière stellaire qui s’enroule dans le noir.  

Le petit félin remue dans cette tempête. Il s’agite, ploie sous la brise moqueuse. Il marche sur un dallage éthéré, des fragments solides de temps qui s’imbriquent pour former une structure étrange.

Le fruit de son imagination ? Est-ce le monde des rêves ? Ou de son rêve ?

* * *

Il sentit qu’un filet d’obscurité était tombé autour de lui. Il marchait lentement dans le ciel nocturne. Mais soudain, un éclair déchira le ciel nocturne. Asolraahn porta une patte devant ses yeux. Il était paralysé. Quelque chose n’allait pas, car l’être de lumière n’était pas présent. Habituellement, il n’y avait pas de tempête. Il était toujours sur une mer de calme, sans ode à la brutalité. Aujourd’hui, il était tiraillé par le vent et par des gouttelettes qui le brûlaient de l’intérieur.

Il s’élevait de plus en plus haut, et avec de plus en plus de vitesse, comme s’il chevauchait une bête enragée. A cause de cette course éperdue, ses yeux de Graärh s’emplissaient de larmes. Ses bras tremblaient. Un éclair encore. Puis un deuxième. Puis un troisième. Le tonnerre remplaçait presque la tempête. Il eut l’impression de perdre le contrôle, de basculer sans plus de cérémonie dans le vide. Peut-être était-ce lui le problème ? Y avait-il quelque chose en lui qui avait provoqué ce changement dans le rêve ?

Impossible ! pensa-t-il. C’est une hallucination ! Je ne suis pas dans un rêve, mais un cauchemar ! Où es-tu, Roi du ciel ?

Asolraahn reniflait l’air, tournait la tête de tout côté. Dans la nitescence des éclairs qui sillonnaient le ciel, il cherchait désespérément le grand dragon rouge.

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¤ Malfaiteur albinos  ¤

L’armée graärh rentrant chez elle avait fait halte pour la nuit. Le ciel s'était drapé de son voile le plus sombre, seules quelques étoiles parvenant à percer ce dernier. Sur la terre l’ombre régnait en maitre, mais un sillon de lumière la parcourait telle une balafre. En contrebas le dragon rouge voyait les graärh se poser autour des différents feux de camp qu’ils avaient dressé. Le moral semblait quelque peu remonter alors que la distance entre leur chez eux et eux-mêmes diminuaient. Bientôt ils devraient partager leur peine avec le reste de leur peuple. Mais ils le surmonteraient. Cette race ne semblait pas être du genre à se laisser abattre.

Le fils de l’ile de l’éternel hiver mettait du temps à répondre à ses questions, mais le colérique n’en prenait pas ombrage. Il savait que si ce dernier n’y répondait pas, c’est que la situation ne s’y prêtait pas. Le félin d’opale menait une partie de la cohorte, il se devait de rester vigilant et tenir son poste. Ils auraient tout le temps, lorsque le calme viendrait, de poursuivre leurs discussions sans interruption. Cela arrive rapidement et le rouge eut tout le loisir d’écouter les réponses de son interlocuteur. Il ne comprenait que trop bien ce qui lui était révélé. Celui-lui, Asolraahn avait fait le bon choix. Tout autre choix aurait été à ses yeux parfaitement inacceptable.

« Je pense que tu te serais encore plus couvert de honte auprès des tiens en abandonnant ainsi ton enfant. Comment peut-on faire confiance à quelqu’un ? Comment peut-on considérer que quelqu’un à de l’honneur ? Quand cette même personne a échoué dans son rôle de père. Je me suis moi-même retrouvé dans une situation presque similaire à la tienne il y a quelques mois. Une chimère était parvenue à prendre possession de ma fille. Je l’ai retrouvé, je l’ai libéré, et j’ai fait connaitre un sort bien funeste à ceux qui avaient osé s’en prendre à mon sang. »

Verith n’était pas un dragon cruel. Il en avait certes déjà fait preuve une fois par le passé, mais plus depuis. Avec cette chimère, il s’était contenté de lui administrer une peine proportionnelle à son crime. Elle avait souffert, oui, mais il ne s’agissait en aucun cas de cruauté. Simplement de justice. Le dragon rouge proposerait bien son aide au graärh. Nul doute que cela lui faciliterait grandement les choses. Mais le devait-il ? Il s’agissait là de la quête d’un père. Il s’agissait là de la voie qu’empruntait ce félin. Le colérique n’intervenait pas activement, ou alors rarement,  dans les voies qui choisissaient d’emprunter ceux qu’il rencontrait. En revanche il pouvait leur offrir conseil et même renseignement, à condition qu’il le veuille bien et que ceux-ci le méritent. Mais le but n’était jamais de trop faciliter le chemin à parcourir. En somme, l’objectif n’était pas de parcourir à la voie à la place de la personne, simplement de lui indiquer la route.

« Lorsque l’on choisit de poursuivre une cause juste, il n’y a pas de honte à avoir. Ta crainte est à mon sens infondé. Ton petit-fils est certes jeune, mais il finira par le comprendre. Mais c’est à toi que revient la décision. »

Le rouge sentait flotter au-dessus de l’esprit du graärh ses nombreuses interrogations et tourments qu’en au devenir de ce jeune félin. Comment allait-il parvenir à concilier sa quête et la garde de l’enfant. Il est vrai qu’Asolraahn se trouvait là dans une situation bien difficile où certains éléments étaient incompatibles. D’un côté il lui faut retrouver sa fille, mais faire cela c’est s’exposer au danger. De l’autre côté, il lui faut garder l’enfant, mais pour faire cela il ne doit pas s’exposer au danger. Pour bien faire il lui faudrait trouver quelqu’un à qui le confier, temporairement bien entendu. Quelqu’un capable de le protéger, peut-être même de l’éduquer. Quelqu’un qu’il pourrait aisément retrouver afin de revoir le marmot au besoin en cours de quête.

¤ J’espère que tu n’as pas l’intention de te proposer. ¤

¤ Je n’en ai pas l’intention, mais prends garde. Si tu insistes, je pourrais très bien le faire. C’est à lui de choisir ce qu’il fera. ¤

Le dragon proposa enfin son aide pour percer le mystère des rêves étranges du géant d’opale. Ce dernier accepta la griffe tendue par Verith. Le rouge n’était pas certain de ce qu’ils découvriraient, mais le graärh gardait espoir. Cette détermination était plaisante aux oreilles du colosse de flamme et il espérait que ce dernier ne serait pas déçu. Lentement, l’enfant de l’orage déploya ses ailes. Celles-ci commencèrent à se recouvrir de symboles brillants, telles des arabesques, comme si la trame venait se concentrer dessus. L’écarlate battit une fois des ailes et une poussière scintillante s’en détacha, tels des grains de sable d’or, venant traverser le félin blanc. Celui-ci s’écroula de sommeil moins d’un instant plus tard. Asolraahn dormait à présent. Verith fit planer son esprit au-dessus de ce dernier, guettant ce qui se trouvait en surface, attendant le bon moment pour investir la psyché du félin. Lorsque cet instant se présenta enfin, le rouge vint enrouler son esprit autour de celui du félin, s’insinuant à l’intérieur. Mais il ne fut pas le seul.

¤ Enfin on va s’amuser. ¤

***

Verith ouvrit les yeux. Il était dans un espace familier, semblable au ciel au-dessus des nuages. L’endroit était baigné de la lumière de l’aurore. Le dragon ne voulait pas, il était posé sur une infinie plateforme sombre qu’il sentait grésiller sous lui. Il s’agissait de nuage, mais pour une raison inconnue ceux-ci étaient solides. Qu’est ce que c’était que cette histoire ? Était-ce cela le rêve du félin. D’ailleurs, où était-il ? Le rouge observa autour de lui et finit par sentir la présence de l’opalin. Il était loin en dessous de lui. Verith tenta de communiquer avec lui, mais fut rapidement bloqué. Il ne lui fallut pas longtemps pour deviner la source de ce trouble et elle se présenta d’elle-même à lui.

¤ Que fais-tu ? ¤

Se dressait face à Verith un bipède, vêtu de blanc de la tête aux pieds. Sa peau semblait être faite de porcelaine, ses cheveux et ses cils aussi purs que la neige et ses yeux d’un bleu profond. Cela aurait pu être un beau spectacle si le faciès de l’individu n’était pas déchiré par un air profondément malsain.

¤ Quoi, tu ne pensais quand même pas que j’allais te laisser faire sans rien dire ? Je t’ai pourtant sommé de partir et d’abandonner ces moins que rien à leur sort. J’ai souffert d’écouter votre pitoyable conversation. Pensais-tu que me défier n’aurait pas de conséquence ? ¤

Un grondement profond et menaçant s’échappa du colérique.

¤ Allons, allons. Ne t’énerve pas trop. N’oublie pas que tu es dans la psyché de matou. Tu as l’intention d’en faire un légume ? ¤

¤ Je n’ai pas l’intention de te supplier. ¤

¤ Oh, mais je ne comptais rien te demander de tel. Vous allez me divertir un peu, tous les deux. Cela trompera mon ennui. Je vais aller lui prendre son cœur. Comme je l’ai fait pour Néant. Tâche donc d’arriver à temps avant que cela ne se produise. ¤

L’enfant de l’orage poussa un puissant rugissement avant de jeter toute griffe dehors sur le bipède dont la forme s’évapora au moment de l’impact. Où état-il passé ? Où était cette engeance ? Il ne fallut pas longtemps que colérique pour la repérer. Elle était en dessous des nuages, là où se trouvait Asolraahn.

***

Ici, les nuages étaient sombres comme l’ivoire des griffes du dragon rouge. Une obscurité ambiante régnait, percée par les flashes lumineux d’un orage grondant. Ther'Zhi était descendu sur terre, rejoignant un chaton désespéré à la recherche du protecteur carmin. La foudre frappa le sol, la faisant trembler. Le legs du tyran foula le sol. Sourire aux lèvres il s’approcha du géant d’opale.

« Celui que tu cherches n’est pas ici. Mais je peux t’y conduire si tu le souhaites. Malheureusement, une tempête s’approche aussi s’abrite serait plus sage. Que décides-tu ? »

Au loin, un éclair frappa le sol. Au même moment, Verith s’abattait ses griffes contre les nuages.


Spoiler :

descriptionGéant d'opale et de rubis [PV Asolraahn] EmptyRe: Géant d'opale et de rubis [PV Asolraahn]

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La tempête lui faisait perdre tous ses repères. Comme les rêves s’y prenaient avec brio, il ne savait dire si le vent était fort ou doux, s’il était froid ou chaud, si la foudre frappait avec violence ou si le tonnerre grondait grand. Il n’aurait même jamais su reconnaître les lieux qu’il avait traversé, ni le temps qui s’était écoulé durant ce songe. Le géant opalin avançait avec l’imprudence d’un faon. Il portait du désespoir avec lui, ne savait où trouver échappatoire à cette tempête. Il se rappelait uniquement qu’il avait un but ici : Retrouver le dragon rouge.

Cet ordre venait du plus profond de lui-même. Son âme, qui glissait au plus profond des ténèbres, s’accrochait avec peine à ce but. Mais le sommeil le prenait par surprise, apaisait ses inquiétudes et sa volonté à résister…

Les murs étaient humides, le couloir sombre et oppressant. Des pavés éthérés accueillaient son pas. Le ciel faisait pleuvoir de la bruine et l’orage zébrait le ciel. Asolraahn cligna des yeux et essaya de se souvenir comment il était arrivé ici. Mais il avait du mal à se concentrer. Etait-ce pour le dragon rouge ? Etait-ce pour trouver quelqu’un d’autre en particulier… ? Il n’y avait ni porte ni fenêtre dans cette longue allée sans fin. Pas même de grande lumière. De l’eau glacée s’attachait à son pelage à mesure qu’il avançait. Les sources de lumières s’éteignaient au loin, et pourtant il pouvait voir.

Je suis tombé entre l’oubli et l’inconnu, songea-t-il, en posant une patte sur l’une des pierres qui composait le mur.

Le dragon rouge ? Oui, le dragon rouge ! Il devait le retrouver. La peur saupoudrait ses réflexions mais il la repoussa avec violence. Il fallait rester calme et penser ! Il poursuivit sa lente montée à travers le couloir. L’eau glacée s’accumulait dans cet espace, éclaboussant ses vêtements à chacun de ses pas. Il marcha longuement, sans avoir conscience du temps qui passait. Quelque chose de lumineux attira son attention au loin, sur un pan du mur. Il s’y dirigea. Il y avait une alcôve. Il prit sa direction et arriva sur une plateforme où la tempête faisait encore plus rage. Et les nuages sombres qui approchaient ne lui disaient rien de bon.

Un Graärh sans âge vêtu de blanc se tenait là. Le géant opalin vit que sa peau contrastait avec son vêtement, noir comme la suie. Il s’approcha avec méfiance. Malgré que cet être appartienne à son espèce, son regard vif et malin ne lui disait rien qui vaille. Il était certain qu’il ne s’agissait pas du Graärh de ses rêves qu’il avait tant souhaité trouvé. Près de lui, la foudre frappa au sol. L’éclat lumineux de sa présence céleste éclaira les murs de pierre, son pelage et le vêtement de l’être immobile devint comme une étoffe spectrale.

« Celui que tu cherches n’est pas ici. Mais je peux t’y conduire si tu le souhaites. Malheureusement, une tempête s’approche aussi s’abriter serait plus sage. Que décides-tu ? »

Celui qu’il cherchait ? Sous le choc, Asolraahn plissa les yeux en reculant. Il n’avait jamais vu ce félin de sa vie, il ne savait pas d’où il venait et lui affirmait pouvoir trouver le fruit de ses recherches ? Mais de qui parlait-il vraiment ? Du dragon rouge ou de l’esprit de son rêve ? Son cœur battait la chamade. Il serra les poings. Trop fort. Il venait tout juste de prendre conscience d’une chose : Son bâton n’était pas avec lui.

Le voilà qui était piégé entre une créature en laquelle il n’avait aucune confiance et la solitude d’un lieu si enragé et vaste que la mort pouvait le prendre sans qu’il ne puisse rien faire. Le désespoir revint aussi sûrement que le ressac sur des récifs. Il était seul et désemparé, comme une flamme qui peu à peu faiblit sans combustible pour lui redonner vie :

–Je cherche… je cherche le grand dragon rouge. Il devait me retrouver ici. Le connais-tu ? Où suis-je ? Comment puis-je retrouver celui que je cherche ? Dis-le-moi !

Il n’y eut pas de réponse. Asolraahn fit la moue et grogna. Il avait certes posé beaucoup de questions, mais ne reçut rien en retour. Il n’était peut-être pas un modèle en ce qui concernait les conversations mais il ne pensait pas s’être mal exprimé. Dans son regard, le félin noir semblait amusé par ce qu’il lui demandait. Il l’enjoignit à le suivre d’un mouvement de sa griffe. Après tout… Après tout, pourquoi pas ? C’était peut-être un serviteur de ce lieu onirique. Il n’avait aucun moyen de deviner quelle route prendre. Il n’y avait pas de chemin tracé, pas d’indications pour le guider. Il s’agissait forcément d’un envoyé des Esprits, venu pour l’amener là où sa place se trouvait.

Asolraahn bomba le torse et montra le ciel d’où jaillissait en volutes une brume tourmentée :

- Nul tempête ne saurait me ralentir. Allons-y sans plus tarder, quel que soit ce lieu.

Ils avancèrent. Les vents s’entrechoquaient en de gigantesques flots déchaînés. Les murs semblaient se rétrécirent sur leur passage. Des bras s’échappèrent de leur paroi sinistre. Des doigts crochus se saisirent de lui. Le félin se libéra d’un geste sec de l’épaule. Le rêve devenait pernicieux, la tempête bruyante et forte. Au-dessus de lui, le rempart de nuage ne permettait pas de voir quoique ce soit. Il prit une longue inspiration et posa le pied sur le dallage sombre. Ils prenaient la voie éloignée des nuages. Le géant opalin serrait les crocs. Ils allaient loin, très loin de là où il avait toujours aperçu le double éthéré de ses derniers rêves. A vrai dire, Asolraahn commença à se dire qu’ils allaient en sens inverse. Il serra le poing et demanda :

-Es-tu sûr que c’est le bon chemin ?

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¤ Cauchemar ¤

Le tyran voulait être diverti ? Cela ne plaisait pas au colérique. Car le jeu que pouvait lui proposer ce dernier ne pouvait qu’être malsain. Et cela ne loupa pas, bien entendu. Une fois de plus, l’albinos prenait plaisir à s’amuser aux dépens des autres. C’est une sorte de course contre la montre que lui imposait son ennemi. Il se devait de sauver le félin avant qu’il … avant quoi d’ailleurs ? Qu’allait-il lui faire ? Connaissant ce dont était capable celui que l’on nommait le voleur de cœur, cela ne pouvait qu’être de mauvais augure. Verith n’avait aucune intention de jouer avec lui, mais n’avait également aucune intention de le laisser faire. Se débarrasser du legs du tyran allait devenir plus urgent encore s’il se décidait à agir plus souvent de la sorte à l’avenir. L’enfant de l’orage poussa un puissant rugissement et se jeta sur la forme bipède qui lui faisait face. Malheureusement ses griffes se refermèrent sur le vide. Vraorg, ou Ther'Zhi comme il souhaitait qu’on l’appelle à présent, avait déjà filé. Le rouge n’avait pas besoin d’être devin pour savoir où ce dernier était parti. Le dragon baissa le museau, observant le sol sous ses pieds. Il était en dessous. Passant une griffe sur la surface, le grenat put en évaluer la solidité. Ce ne serait pas simple à briser, mais il en serait capable. Une question demeurait toutefois : y parviendrait-il à temps ?

Verith se redressa et commença à lever ses pattes avant, avant de venir les réunir en croisant ses griffes entre elles comme on croiserait les doigts. Déployant toute la force dont il se savait capable, l’enfant de l’orage vint frapper le sol, provoquant un puissant tremblement. Lorsque le calme revint, le rouge put observer son œuvre. Une petite fissure était apparue à l’endroit il avait frappé. Bien, c’était un bon début, il avait créé une faiblesse, il lui suffirait de l’exploiter jusqu’à ce que l’obstacle cède.

***

Sous les nuages, Ther'Zhi avait fait la rencontre d’Asolraahn. À ses yeux, ou plutôt au regard de son cœur, il avait pris l’apparence d’un membre de son espèce, tout vêtu de blanc, tandis que sa peau, elle, était un noir profond. Un éclair frappa le sol à l’instant, bientôt suivi d’un autre de la même puissance, éclairant par intermittence d’un grand flash lumineux les deux félins en présence. Le tyran prit la parole et une réponse ne tarda pas à lui être offerte. Ce dernier se retint d’afficher un sourire satisfait et fit signe ample de la patte pour l’inviter à le suivre.

« Tu fais preuve de courage, je comprends pourquoi il t’apprécie. Il t’en faudra beaucoup pour parvenir à le retrouver, j’espère donc que tu n’en manqueras pas. »

Ther'Zhi se mit en route, commençant à arpenter un long couloir semblant infini. Des sifflements se firent entendre, les vents tempétueux dansaient avec le tonnèrent toujours plus fort. Un nouveau flash lumineux éclaira le couloir, les murs de pierre étaient devenus plus sombres, plus sinistres, plus délabrés. Certains des galets s’effritèrent, tombant en poussière, laissant des trous desquels jaillirent des bras tordus et cadavériques. Ceux-ci s’agitèrent, tentant de saisir ce qui se trouvait là. Le graärh aux vêtements d’un blanc immaculé et à la peau sombre semblait les éviter de matière presque irréelle, tandis qu’Asolraahn, lui, ne tarda pas à se faire saisir, l’obligeant à user de force pour se libérer. À mesure qu’ils avançaient, le ciel devenait plus distant, comme-ci descendaient vers les profondeurs.

« Es-tu sûr que c’est le bon chemin ? »

L’apparition de tyran s’arrêta, se retourna pour faire face à son interlocuteur alors qu’une lueur malicieuse brillait toujours dans son regard.

« Pour trouver l’enfant du courroux et de l’orage, il s’agit du bon chemin. Mais il a lui aussi à chemin à parcourir pour arriver jusqu’à toi. »

Un nouvel éclair frappa la terre. L’un des murs explosa lors de l’impact, projetant des débris sur les deux félins. Une fois de plus, Ther'Zhi les esquiva de façon beaucoup trop simple.

« S’arrêter peut être dangereux. »

De la partie du mur effondré s’échappa des gémissements. Des formes se dessinèrent bientôt, elfiques, humaines, vampiriques. Certains étaient tordues, d’autres décharnés, d’autres encore calcinés ou cadavériques. Les victimes du Tyran s’incarnaient dans le rêve, approchant lentement.

***

Au-dessus des nuages, les tremblements ne cessaient pas. L’enfant de l’orage martelait avec force l’obstacle sous lui. La fissure grandissait petit à petit, tel un verre qui se brise. Bientôt, Verith leva une ultime fois sa patte droite, tendit les griffes et les serra. L’un des joyaux sur son poitrail se mit à briller et ses griffes se couvrirent d’énergie. Dans un rugissement, il planta ses griffes dans le sol telle une épée dans un corps.

***

Le ciel se zébra d’innombrables éclairs avant que des fissures apparaissent à sa surface. Le grondement de l’orage se mua en rugissement de dragon alors qu’à l’opposé de sa position des deux félins les nuages commencèrent lentement à se séparer, laissant filtrer la lumière du jour.

« Il a été plus rapide que je ne pensais. Il va falloir nous dépêcher. »

Dans la patte du félin aux vêtements d’un blanc immaculé et à la peau sombre commença à se matérialiser une épée dont la lame semblait être faite de jade, une malveillance s’en dégageant. Le sifflement des vents se fit de nouveau entendre, devenant une multitude de cris stridents, tandis que des êtres jaillirent du mur effondré pour courir en direction du géant d’opale.

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« Pour trouver l’enfant du courroux et de l’orage, il s’agit du bon chemin. Mais il a lui aussi à chemin à parcourir pour arriver jusqu’à toi. »

Le géant opalin ralentit progressivement l’allure. Il avait eu la puce à l’oreille. C’est qu’il avait l’air de bien le connaître, cet enfant du courroux et de l’orage. Après tout, lui-même ne l’avait décrit qu’en l'appelant le « Dragon rouge ». Qui était donc cette entité qui l’emmenait loin des nuages et plus proche de la terre ? Asolraahn se pencha au-dessus de la marche éthérée, gravée de temps. Le gouffre qu’il vit en dessous ne ressemblait en rien à de la terre, pas même au canyon désertique qui faisait l’abri de la légion de Néthéril. Il observa le Graärh devant lui. Soudain, un éclair fit éclater le mur qui les couvrait naguère de son ombre. Le géant opalin recula, incapable de s’échapper de l’avalanche. Il fut percuté par maints débris, profita de l’un d’eux, plus massif que les autres, pour se protéger. Près de lui, l’être au vêtement immaculé était agile. Il évita les gravats sans effort et revint vers lui comme si la tempête n’était qu’un amusement pour lui :

« S’arrêter peut être dangereux. »  

-Sans blague.

Le géant opalin vit dans ses yeux un mépris glaçant. L’évènement ne l’avait pas dérangé. Mais il l’avait interpellé. La tempête n’était pas son fait, et n’était manifestement pas son terrain de jeu habituel. Le Graärh ne venait pas d’ici. Il était étranger à cet endroit. Asolraahn se releva avec méfiance, prêt à se battre. Il n’était pas un ami. Il eut confirmation de ses soupçons lorsque du mur, naquit des ectoplasmes d’humains, d’elfes et de vampires. Leur apparence faisait froid dans le dos. Le géant opalin cracha en direction du mur.

La tactique habituelle, manifestement ! Tout cela n’était qu’une plaisanterie. Ces histoires d’errance, de route vers le dragon rouge, de rencontre secrète, n’avaient été que des stratagèmes ourdis pour qu’on l’éloigne de son but et le conduise dans un piège. Quelqu’un se gaussait de lui. Dans le meilleure des cas… car ce qu’il voyait à présent était loin de ressembler à une simple farce.

Mais désormais, les choses avaient changé. Autrefois, il avait peur, car il errait dans cet endroit inconnu, sans ennemi, avec simplement la tempête pour briser sa volonté. Il était perdu et sans armes. Mais tel un feu sur lequel on aurait jeté quelques ramures et brindilles, l’attaquer avait réactivé ses sens guerriers et son instinct de chasseur. Il avait maintenant des ennemis tout autour de lui. Ses talents s'aiguisèrent. Il remarqua la lame de jade que dégainait le Graärh derrière. Voilà qui était surprenant. Ou peut-être pas. Ils avaient bien un point commun tout compte fait. Tout deux ne portaient pas ces spectres dans leur cœur :

« Il a été plus rapide que je ne pensais. Il va falloir nous dépêcher. »

-Bien, fit Asolraahn. Qu’ils y viennent. Bien trop de temps a passé depuis les dernières têtes que j’ai fracassées entre mes griffes.

Un épais nuage noir se format au-dessus d’eux, bloquant la lumière, et les spectres glacées sifflèrent autour d’eux. Il n’avait pas l’air particulièrement heureux de le voir, mais leur haine n’était pas tournée vers lui. Elle se dirigeait toute entière sur le Graärh vêtu de blanc !

Le géant opalin alla néanmoins au contact. Il serra fort les poings, se préparant à se battre à mains nues. Qu’elle ne fut pas sa surprise de trouver soudainement son vieil ami de bois entre les pattes ! Tout cela n’était qu’un rêve et pourtant, Tarama Tish, son bâton, avait l’air tout ce qu’il y avait de plus réel. Il agissait comme une extension de son esprit, une extension de son rêve. Il était ce sens guerrier qui venait de s’éveiller. Un courage liquide se déversa dans ses bras. Il bloqua une épée courbe, ruban fendu de noirceur, que tenait l’un des êtres sortis des murs. Leurs ennemis étaient armés ! Il riposta d’un coup preste de la pointe de son bâton. Le spectre plia les genoux et tomba la tête la première sur les dalles de pierre.

Les coussinets d’Asolraahn  se contractèrent et il se rua à l’attaque. Il fit un pas de côté, para la botte d’un assaillant et lui assena une frappe mortelle qui manqua de lui arracha la tête. Le spectre tituba, mais posa la pointe de son épée contre le sol pour s’en servir d’appui ; Sa tête pendait inhabituellement sur la droite :

-Je ne crois pas qu’on s’en sortira en les affrontant, s’exclama-t-il en se tournant vers le Graärh immaculé. Emmène-nous loin d’ici !

Ils s’esquivèrent tout deux en combattant ardemment pour leur vie. Son compagnon se battait de façon surnaturelle. Il virevoltait et frappait avec la vitesse d’un serpent et la force d’un tigre. Aucun Graärh mortel n’était capable de telles prouesses. Ils arrivèrent jusqu’à la cage d’escalier d’une haute tour. Le tonnerre gronda. Des fissures se formèrent sur les murs. D’autres s’en dégagèrent, armés et lançant des lamentations obscènes. Ils décidèrent de rentrer dans la tour. Le sommet à l’intérieur brillait d’une faible lueur verte sinople. Asolraahn se douta de ce qui allait se passer. Il prit une profonde inspiration et posa quand même le pied sur la première marche. Puis un autre. Les bras spectraux jaillirent des murs à nouveau, comme dans le labyrinthe. Son bâton jaillit et écrasa net un poignet noir. Il enjamba d’un bond félin une tête qui sortait du sol et se précipita en haut de l’escalier, l’immaculé à sa suite.

Ils se jetèrent épaule la première contre la porte qui leur barrait le passage et tombèrent dans une salle déserte. L’orage grondait assourdi. Ce fut ce moment que choisit le géant opalin pour se tourner vers le Graärh immaculé :

-Depuis que je suis ici, beaucoup de choses me traquent et veulent ma mort. Mais ce dont je suis sûr, c’est que ces êtres n’en font pas partie. Ils te veulent, toi. Qui es-tu ? Et qu’est-ce que tu me veux, bon sang ?!

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¤ Le masque tombe ¤

Le rêve un lieu étrange, à mi-chemin entre le reflet de la personne s’y trouvant et un monde à part entière. Mais dans le cas présent, ce n’est pas une, mais trois personnes qui se trouvaient dans un seul et même rêve, l’influençant chacun à leur manière. Si Ther’Zhi le dominait jusqu’ici, ce règne sans partage allait bientôt prendre fin. Le legs du dragon albinos avait réussi à enfermer celui qui comme lui aurait pu le plus d’influencer en ce lieu, mais la prison de nuage était sur le point de céder. L’image du Tyran l’avait voulu ainsi. À la fois son créateur et sa création, il avait atteint son but ultime. Mais que faire une fois que son but a été atteint ? En choisir à nouveau ? En existait-il seulement un qui soit à la hauteur de celui qui avait vaincu les divins ? En existait-il seulement un digne d’intérêt, ou qui pourrait lui apporter quelque chose ? Ther’Zhi n’en était pas sûr, mais il ressentait en lui cette même envie qui l’avait poussé autrefois à commettre l’acte qui changea à tout jamais son destin : celui de prendre un cœur. L’individu en face de lui, ce graärh d’opale que le dragon semblait apprécier, il allait lui prendre le sien. Sa fidèle épée lui transpercerait le torse et aspirait ce dont il avait de plus précieux. Pour autant, cela suffirait-il à combler le Tyran ? Non. Il lui fallait un challenge. Peut-être pas à la hauteur de ceux qu’il avait connus autrefois, mais qui au moins pimenteraient les choses. Ainsi avait-il eu cette idée de divertissement. Les dés n’en restaient pas moins truquer. Il demeurerait victorieux de ce petit manège.

Au loin, la tempête se fissura, laissant apparaitre un mince trait de lumière que l’albinos ne manqua pas de remarquer. Il avait pris son temps, mais le félin était désormais bien loin du dragon rouge. Venir à bout de sa prison n’était pas le seul défi que devrait relever son hôte. Qui plus est, il ne serait pas le seul à être mis au défi par Ther’Zhi. Le regard du Tyran vint se poser sur Asolraahn alors que des murs sortaient des silhouettes. Les souvenirs du passé refaisaient surface, ceux de Verith et de Vraorg. Ces êtres déformés étaient les victimes du règne de l’albinos, surgissant dans le rêve pour réclamer vengeance. Les yeux du blanc n’affichaient qu’indifférence pour ces créatures. À quoi bon ? Elles n’étaient rien à ses yeux. Qui plus est, il serait bien incapable de les reconnaitre. Celles qu’il avait envoyées mourir à Morneflamme, celles tuées par les membres de son culte ou encore celles tombées par sa propre main. Ther’Zhi n’avait pas retenu leur visage ou même leur nom, car ses victimes bipèdes ne représentaient absolument rien pour lui. Au mieux un marchepied, au pire un caillou sur son chemin.

Asolraahn vit ces choses, ignorant bien de quoi il pouvait s’agir, mais se mit automatiquement en position de combat. Il souhaitait les combattre ? Soit, qu’il fasse. Cela aurait le mérite d’être amusant. La horde d’ombres jaillit des murs en direction du Tyran. Il était leur cible, mais le géant d’opale était sur leur chemin. Avec une nonchalance extrême, Ther’Zhi brandit son arme, abattant d’un coup la première vague qui se jetait sur lui. Des souvenirs lui revinrent, ce moment où il avait décidé de participer lui-même au combat lors des derniers temps de la guerre entre la Théocratie et le Protectorat. Les forces des déesses étaient parvenues à vaincre son armée et poussaient en direction de Caladon. Le Tyran les avait laissé faire, afin qu’en eux germe l’espoir d’une possible victoire, un espoir qu’il avait pris plaisir à voir s’effondrer lorsqu’il se présenta sur le champ de bataille aux portes de la ville.

De plus en plus d’ombre sortait des murs. Qu’importe si le legs les tranchait, il en revenait le double à chaque instant. Le graärh opalin se battait lui aussi, du mieux qu’il pouvait, jusqu’au moment où il réalisa l’impossibilité de vaincre et proposa de battre en retraite. Le Tyran sourit quelque peu et lui fit signe de le suivre avant de se mettre à courir, la horde d’ombres aux trousses. Quelques minutes plus tard, un chemin se présenta à eux. À force de combat, les deux graärh y parvinrent, grimper l’escalier d’une tour dont les murs s’effritaient sous le courroux des cieux, jusqu’à atteindre enfin une porte. Les deux êtres la franchir et la refermèrent brusquement alors que les râles de leurs poursuivants se faisant entendre.

« Depuis que je suis ici, beaucoup de choses me traquent et veulent ma mort. Mais ce dont je suis sûr, c’est que ces êtres n’en font pas partie. Ils te veulent, toi. Qui es-tu ? Et qu’est-ce que tu me veux, bon sang ?! »

Ther’Zhi  tourna lentement la tête en direction de son interlocuteur et un ricanement s’échappa de lui.

« Tu es long à la détente. La brebis ne commence à s’inquiète qu’au moment où le boucher lui met la lame sous la gorge. »

***

Les griffes du rouge, devenues lumières, transpercèrent le sol fissuré. Les nuages autour de lui se couvrirent de sillon comme un lac dont la surface gelée se briserait. Oui, il y était enfin parvenu ! Cet obstacle tomberait, exactement comme tous les autres. Rien ne se mettait éternellement sur son chemin. Le colérique retira sa griffe du sol, sentant une brise s’infiltrer au travers de la fêlure. Puis vint le fracas de l’orage. Le rouge pencha son museau, venant observer par le trou, pour découvrir en dessous une terre désolée. Asolraahn était quelque part de l’autre côté, avec Vraorg. Il devait se dépêcher avant que ce dernier ne lui fasse du mal. Il n’avait aucune intention que ce qui s’était produit avec Alford Gorder ne recommence. Poussant un rugissement pour se donner de la force, l’enfant de l’orage lacera de nouveau le sol nuageux avec ses griffes de lumière. Lorsque la plateforme fut suffisamment fragilisée, le rouge prit son envol, une fois assez haut il piqua en direction du sol et fit voler en éclat sa prison.

***

Le legs sous les traits d’un graärh, était venu libérer une énergie prodigieuse. La porte vibra, les secousses produites par les coups des créatures de l’autre côté cessèrent, tout comme leur râle. Le silence vint s’abattre pour laisser place à une atmosphère bien lugubre. Le regard de Ther’Zhi changea, observant avec amusement Asolraahn comme un enfant observe un insecte avec lequel il s’apprête à s’amuser.

« Qui je suis ? Un dieu victorieux. Qu’est-ce que je te veux ? Te prendre ce que ton être a de plus précieux et voir Verith geindre une fois encore devant son impuissance. Comme autrefois. »

L’albinos fit un mouvement habile avec son épée avant de la pointer en direction du géant opalin.

« Je me suis emparé de bien des choses, et pourtant c’est une expérience nouvelle qui s’offre à moi. Ton espèce n’était pas sur Ambarhùna. Vous auriez fait de magnifiques animaux de compagnie. Maudis ce jour où ton chemin a croisé celui de l’enfant du courroux et de l’orage. »

Le legs du Tyran se jeta sans attendre droit sur Asolraahn, son épée pointée vers son cœur. Dans le même temps, un fracas terrible se fit entendre au loin, suivi d’un effroyable rugissement draconique.

« Ne t’approche pas de lui !! »

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Le rêve était depuis longtemps devenu une prison, la pire de toute car il semblait que seul la mort permettrait de se réveiller. Dans les songes, il se trouvait parfois des lieux indéfinissables à franchir, des sources énigmatiques qui se drapaient dans le mystère, et des évènements qui venaient frapper la conscience avec la marque saisissante d’un coup de marteau. Mais pas ici. Asolraahn était bien incapable de trouver autre chose que de l’hostilité et des obstacles à son encontre. L’étau d’une malice profondément perverse se refermait lentement sur lui. Il doutait presque de la présence du dragon dans cette tempête.

Il s’était pourtant agi de son seul espoir dans cette terre de malheur. Durant les derniers pans de ce chemin horrible qu’il avait traversé, il avait fait appel à la puissance de son collier d’ambre, espérant que la puissance enfouie dans ses perles soit suffisamment grande pour envoyer un appel au Colérique qui percerait à travers les nuages sombres de cet obscur cauchemar. La simple et unique image prophétique des ailes draconiques dans son esprit l’avait poussé à poursuivre sa route, espérant enfin le retrouver.

Mais il était seul dans cette tour. Seul et pourtant bien mal entouré :

« Tu es long à la détente. La brebis ne commence à s’inquiète qu’au moment où le boucher lui met la lame sous la gorge. Qui je suis ? Un dieu victorieux. Qu’est-ce que je te veux ? Te prendre ce que ton être a de plus précieux et voir Verith geindre une fois encore devant son impuissance. Comme autrefois. »

La déflagration qui suivit les paroles du legs fut tel que le géant opalin trébucha sur le sol friable de l’étage. Le bois se fendit à plusieurs endroits comme la glace d’un iceberg. Son sang se glaça, ses bras tremblèrent sous la secousse tonitruante. Il s’était douté qu’il avait en face de lui un être maléfique. Il en avait eu la certitude au moment même où les spectres le pourchassaient. Mais désormais, c’était plus que ça. Il se tenait face à cette entité et reculait malgré son tempérament d’ordinaire intrépide. Il avait écouté ses mots et y avait senti de la haine. Une haine incommensurable, qui avait connu le mal, l’intrigue et la guerre comme s’il s’agissait de ses enfants. Comme s’il les avait nourris des siècles durant. Il ne pensait pas qu’il s’agissait réellement d’un Dieu. Mais il sut au ton de sa voix qu’il était vieux. Vieux et mauvais.

Sa fin était proche. Il allait mourir ici, anéanti par une force bien au-delà du commun des mortels. Pour autant, le félin ne s’étala pas de tout son long en suppliant qu’on l’épargne. Il tendit son bâton, en position de défense. De la volonté, idiot, songea-t-il. C’était à force de volonté qu’on pouvait lutter. Il l’avait entendu maintes fois sur Paadshaïl au travers des mythes et histoires, sur cette île où le froid tuait plus sûrement qu’une lame. On le répétait en révélant la force de la légion des cendres et ce qu’elle avait accompli, persuadée qu’on ne pouvait pas résister à la sienne. Elle l’avait cru, cette légion, jusqu’à l’instant où elle avait sombré par sa propre arrogance. Il ne fallait pas faire la même erreur.

Une autre menace du legs fut suivie d’une attaque lascive mais mortelle. Le félin détourna l’épée d’une riposte ample de la pointe de son bâton. Le contact entre le bois et l’acier gronda dans une pluie d’étincelle. Il fut soudain couvert par un rugissement si puissant que les derniers vestiges de la tour menacèrent de s’écrouler. Le géant opalin reprit soudain courage. Le dragon rouge approchait, ses longues ailes surgissant comme des ombres au-dessus de leur tête. Son ultimatum résonna dans le ciel. L’espoir, finalement, n’était peut-être pas mort !

-Je crois qu’on vient pour te renfermer, l’ami. Dans ta foutue petite cage. Dommage. Tu vas te coincer la bulle pendant encore un très long moment.

Il fallait gagner du temps, le trouver, l’arracher à l’espace lui-même si ce maudit rêve en était doté. C’était la seule solution. Le géant opalin recula encore, la mine concentrée. D’un coup de bâton, il fracassa le vitrail d’une fenêtre. Sous l’impact, des morceaux de verres par centaines s’effondrèrent en une pluie mortelle. Le géant opalin prit appui sur une corniche et sortit de la tour. Dehors, le tonnerre grondait. Il pointa Tarama Tish vers le haut du bâtiment. Il en appela à la magie de son bâton, et celui-ci ne tarda pas à changer de forme, à s’allonger comme la racine profonde d’un chêne. Elle poursuivit son accroissement, ornant la tour de son bras sylvestre, se fondit jusqu’à son sommet. La série de liane qui en formait l’extrémité s’agrippa instantanément à la roche. Asolraahn attrapa le manche de ses deux pattes et s’en servit comme d’une prise. Rapidement, il grimpa jusqu’à l’étage supérieur. Une pluie diluvienne et glacée se mit à tomber. Lui qui haïssait la chaleur de Néthéril, voilà qu’il commençait à la regretter. Il faisait froid et le vent le ballotait comme un étendard planté sur un piquet. Au-dessus de lui, des nuages d’encre traçaient des tâches dans le ciel. De leur noirceur, surgit une silhouette aux ailes de chauves-souris. Le dragon se rapprochait peu à peu.

Une nouvelle secousse d’énergie se libéra alors de l’intérieur. Cette fois, les murs tremblèrent puis se brisèrent d’un coup. Le géant opalin se fraya un chemin à travers une fissure et rentra de nouveau dans la tour avant que les secousses ne l’entraînent dans une chute mortelle. Le legs l’attendait là. Les Esprits seuls savaient comment il avait réussi à le retrouver là-haut…

Il passa de nouveau à l’attaque. Asolraahn changea rapidement son bâton de patte pour stopper l’assaut meurtrier. Il recula. L’être maléfique plongea à sa suite, distribuant feintes et pirouettes. Celles-ci étaient plus rapides et vives que naguère. Il en déduisit que la haine du legs s’était transformée en rage bouillonnante. Il allait en faire les frais. Peut-être se sentait-il en danger ? Bien. Il se précipitait et allait commettre des erreurs. Il vociféra de tous ses crocs :

-Un Dieu ça ? Ah ! Le vaseux de la farce, oui ! Je croyais les Dieux invincibles.

Asolraahn feula sauvagement en parant un autre assaut avec l’énergie du désespoir. Il était extrêmement désarmant de voir la lame noire se rapprocher de son cou, de songer jusqu’au bout que chaque fois, ce coup pouvait être le dernier. Dès la première parade, il avait compris que son adversaire était infiniment plus rapide et puissant que lui. Ses gestes étaient bien trop fluides et trop précis pour qu’il puisse tous les éviter.

Son combat n’était pourtant pas sans but. La haine était une arme à double tranchant qui, lorsqu’on en usait trop, émoussait la raison. Son ennemi immaculé était plus encore que cela. L’orgueil et le mépris transpiraient de ses poils. Il ne voulait pas voir Asolraahn mourir, mais l’humilier. Il allait utiliser ça à son avantage : Le provoquer pouvait ralentir ses desseins, au moins suffisamment pour que le Colérique intervienne. Il espérait à vrai dire quelques efforts de la part du dragon pour le tirer de son funeste destin : La plus grande des magies, une force draconique phénoménale et un torrent de flammes bien senti par exemple.

Ce n’était finalement pas grand chose quand l’on était un tel géant !

Mais sa tâche était loin d’être aisée. Et le combat ne risquait pas de s’éterniser. En quelques secondes seulement, une estafilade sanguinolente naquit sur sa patte, le brûlant comme un lacet de fer chauffé à blanc. Puis sur son torse et sur son épaule. L’approche de la lame fatale l’encouragea dans ses quolibets :

-Tu brasses de l’air avec ton épée. Faut-il que je me la plante dans le bide pour que le combat soit plus égal ?

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¤ Le crépuscule du cauchemar ¤

Ther’Zhi venait enfin de révéler son vrai visage, celui d’un être profondément mauvais, vicieux, manipulateur et calculateur. L’image du Tyran vit au changement d’expression du félin que ce dernier venait de prendre conscience du danger face auquel il se trouvait. Instinctivement, ce dernier vint se mettre en position de défense, prêt à protéger sa vie. Cette réponse n’éveilla que l’amusement du legs. Le graärh pensait pouvoir lui tenir tête ? Voilà qui allait être fort divertissant. Un fossé aussi large que la distance séparant le ciel et la terre les séparait et Ther’Zhi allait prendre plaisir à lui faire prendre conscience. Après lui avait brisé l’esprit, il lui prendrait son cœur. Empoignant fermement l’épée de la discorde, le legs se rua sur sa proie, un rictus aux babines. La lame de jade rencontra le bâton du félin, l’échange de coups venant faire trembler l’atmosphère autour d’eux. Son opposant semblait être doté d’une certaine force physique, mais cela ne tiendrait pas face à lui. Qui se briserait en premier ? Le corps ou le bâton du félin ?

Un puissant rugissement retentit alors au loin, venant courir l’orage qui se déchainait à l’extérieur. Le cri du dragon fut si puissant, que la tour elle-même en fut secouée.

« Je crois qu’on vient pour te renfermer, l’ami. Dans ta foutue petite cage. Dommage. Tu vas te coincer la bulle pendant encore un très long moment. »

Ther’Zhi se contenta de faire un léger moulinet avec sa lame face à cette provocation, reprenant sa position.

« J’en aurais fini bien avant. »

L’albinos se lança de nouveau à l’attaque, quand le géant d’opale vint briser une fenêtre pour s’enfuir par cette dernière. Voilà qu’il fuyait à présent ? Avait-il pris conscience qu’une confrontation directe le mènerait à la mort ? Soit, mais cela ne changeait rien. La lutte était vaine dans un sens comme dans l’autre et Ther’Zhi n’aurait aucune difficulté à le rattraper. L’image de Tyran se contenta de lever la tête, semblant voir au travers de la tour, pour voir où allait atterrir le graärh. L’albinos planta son épée dans le sol, venant par la même occasion libérer une salve d’énergie qui fit trembler l’édifice, venant une fois de plus le fragiliser. L’endroit menaçant à tout instant de s’écrouler. L’image transplana pour apparaitre là où Asolraahn allait arriver. Dehors, la pluie était diluvienne, et si elle semblait atteindre l’opalin, gorgea sa crinière, l’eau ne semblait pas atteindre le Tyran Blanc, comme si rien ne pouvait venir écorner son reflet. Profitant de l’effet de surprise, le legs se jeta une fois encore sur sa proie qui lui offrit une parade à la dernière seconde.

L’albinos afficha un air contrit et commença à augmenter le niveau après avoir cerné celui de son opposant, distribuant feinte et pirouette, devenant telle une tempête, frappant encore et encore sa proie pour le faire choir. Verith se rapprochait au loin, mais l’image du Tyran estimait avoir suffisamment de temps pour parvenir à ses fins. Le géant d’opale le provoqua une nouvelle fois. Ther’Zhi renforça sa mine contrariée, laissant pleinement croire à son opposant qu’il était dominé par ses sentiments. Si Verith avait été là, il lui aurait sans doute expliqué que sa tentative était vaine. Le legs était un expert lorsqu’il s’agissait de tromper son monde. Très bientôt, la lame de jade commença à devenir carmin, se couvrant du sang des blessures que le Tyran Blanc parvenait à infliger à sa proie. Il n’infligeait que des blessures légères pour le moment, mais il ne faisait que s’amuser avec lui.

« Tu brasses de l’air avec ton épée. Faut-il que je me la plante dans le bide pour que le combat soit plus égal ? »

La mine renfrognée du legs disparut, au profit d’un rictus cruel. Le jeu devait prendre fin à présent, Verith serait bientôt là. Ther’Zhi changea de posture et une puissante énergie se dégagea de lui. La lame de la discorde fut pointée en direction du cœur d’Asolraahn. Ce coup ne louperait pas. En un éclair, le Tyran fonda tel un dragon sur sa proie.

***

Verith s’était libéré de sa prison. Descendu sous les nuages, il n’avait eu guère de difficulté à repérer le géant d’opale et le dieu maléfique. Poussant un rugissement terrible il déploya ses puissantes ailes et fonça à toute allure en direction d’une tour au loin. Sa vue perçante lui permit très rapidement de voir le graärh et l’albinos se confronter. Hors de question de perdre contre lui cette fois-ci. Il avait beaucoup appris depuis, il n’était plus le même. Verith tordit son ombre pour venir la tendre autant que possible devant lui. La silhouette de la tour grossissait à mesure que le rouge s’en approchait. Asolraahn semblait être en position difficile, Ther’Zhi s’amusant avec ce dernier. L’image de Tyran avait un but précis, et il avait bien l’intention de l’atteindre. Dans un sens, il l’avait presque déjà atteint. Mais Verith n’avait pas l’intention de perdre. Très bientôt, son ombre toucha celle de la tour, puis grimpa le long de cette dernière, jusqu’à atteindre celle du géant d’opale plus haut. Instantanément, le rouge disparut, venant se fondre dans son ombre pour rejoindre celle du graärh. Et alors que l’image du Tyran s’apprêtait à donner le dernier, coup, le rouge surgit hors de l’ombre du félin. L’épée de la discorde vint glisser le long des écailles du bras du colérique qui surgit en premier hors des ténèbres.

La tour s’effondra sous le poids du dragon rouge apparaissant, repoussant de gré ou de force les deux combattants. L’autre patte avant du colérique surgi à son tour hors de l’ombre pour venir se saisir d’un Asolraahn chutant dans le vide.

« C’est assez ! »

Verith avait surgi des ombres et volait à présent au-dessus des débris d’une vieille tour, Ther’Zhi devant lui, Asolraahn dans une patte.

« Tu as eu ce que tu souhaitais ! »

L’image du Tyran plissa des yeux, observant tour à tour le graärh et le dragon. Il finit par pointer son épée devant, lame en direction des cieux. Cette dernière s’étiola alors, disparaissant.

« Presque, mais je m’en contenterais pour cette fois. »

Ther’Zhi s’étiola à son tour, disparaissant, effaçant sa présence du rêve. Son départ se fit immédiatement sentir, l’atmosphère devenant plus légère. L’orage, lui, commença à se dissiper, les nuages  venant s’éclaircir pour laisser place à un ciel bleu et à un haut soleil. Le paysage désolé en contrebas commença lui aussi à disparaitre, la nature semblant reprendre ses droits sur la désolation. Les gravats de la tour, venant se fondre dans le sol pour laisser la place à un vaste lac.

L’enfant de l’orage se mit à grincer des doigts et amorça un atterrissage. Il finit par poser sa patte au sol, paume face au ciel, afin de permettre au graärh de rejoindre la terre ferme. L’intention de Verith venant se recentrer sur lui.

« Je te présente mes excuses, fils de l’île de l’éternel hiver. Tu n’aurais pas dû subir cela. J’aurais dû me douter qu’il agirait tôt ou tard. Je ne sais pas ce qu’il a pu te dire, mais ôte de ton esprit chacune de ses paroles. Tout ce qui sort de sa bouche n’est que tromperie et vilénie. »

Verith ferma les yeux un instant, poussant un profond soupire d’apaisement. Tout s’était mieux passé … cette fois. Le dragon releva ensuite le museau, venant étendre des sens magiques.

« Le rêve a été profondément chamboulé par sa présence. J’avais peur que la mienne ne vienne le perturber, mais c’est au final quelque chose de bien pire qui s’est produit. Son influence semble reculer depuis son départ … au profit de quelque chose d’autre. »

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Asolraahn soufflait encore, la fatigue le faisant trembler des poils jusqu’aux os. L’excitation du combat s’était estompée et la tour noire avait laissé place à un lac scintillant ainsi qu’à une plaine blafarde où la vue n’était gênée que par de faibles volutes de brumes. Le paysage était à l’image de son état. Lorsque le colérique le déposa sur le sol éthéré, Asolraahn s’effondra à cause de ses blessures. Le legs du tyran avait été un adversaire redoutable, infiniment plus puissant que ce qu’il avait autrefois combattu.

Maintenant que tout était terminé et qu’il était sauf, il songea que son combat de bâton à épée contre lui ressemblait plus à une volonté de sa part de sacrifier à des coutumes guerrières plutôt qu’à un réel besoin d’affrontement. Avec la puissance que l’être avait déployée, nul doute qu’il n’avait jamais eu besoin d’une épée pour le tuer. Il ne suffisait peut-être même que d’un geste, et Asolraahn aurait rejoint les esprits. Cette perspective lui fit prendre conscience qu’il n’était ici pas plus chez lui que sur une île étrangère. Le félin devait résoudre ce qu’il avait amené dans ce songe et se libérer des entraves de l’esprit au plus vite. Il était un guerrier, il avait besoin d’un ennemi fort à affronter et de son bâton pour l’usage. Quant aux Tyrans immaculés et à la magie, c’était bien au-dessus de son entendement et de ses capacités.

Le félin releva les yeux. Il était conscient de toujours rêver. Le soleil était brillant et le ciel désormais sans nuages. Le dragon rouge était là avec lui, sa présence majestueuse et invincible lui apportait un refuge bienvenu, un élément auquel se raccrocher avant de se perdre plus loin dans ce paysage. Il avait été d’une aide précieuse tout au long de son périple. Il avait été le gardien de son âme et aussi le seul capable de le tirer des griffes du legs. Asolraahn n’oublierait pas de sitôt ce fait, qui masquait de loin tous les reproches que le dragon rouge semblait résolu de s’infliger. N’osant contredire ce qu’il n’était pas sûr de comprendre, Asolraahn se contenta de ronronner à ses paroles. Il n’eut pas le temps d’ajouter quoique ce soit d’autre.
A dire vrai, il n’eut le temps de rien.

On venait pour eux.

Comme le conclut l’enfant de l’orage, quelque chose s’anima à l’horizon. Ce ne fut d’abord qu’une grande ombre, un îlot de noirceur se pressant non loin des vestiges de la tour. Puis il se plaqua contre une surface invisible qui l’interdisait d’aller plus loin. Le félin se releva, tenant son bâton serré contre lui. Il recommençait à éprouver, par bribes, la peur qui s’était dissipée depuis que le legs avait fui le rêve.

Cet îlot d’ombre semblait obsédé par lui, quoique son regard entièrement fixé dessus lui donnait sûrement cette impression. Malgré son obscurité, il s’arrangea pour luire soudainement tel le fruit d’une éclipse. Asolraahn feula de surprise. Il dut s’y prendre à deux fois avant de comprendre : un cœur brillait au sein de cet amas de noirceur, qui avait l’apparence d’une créature s’enroulant sur elle-même : une salamandre. Le cœur battait une délicate litanie qui résonna à travers l’espace. Des terres désolées du cauchemar en contrebas, des filaments de lumières répondirent à son appel et s’élevèrent lentement dans le ciel en formant des étoffes spectrales. Comme portés par les vents, chacune glissa entre les dalles de pierres et les ruines de la tour avant d’épouser les formes sombres.

L’îlot prit vie à son tour, se modifia sous le regard du dragon et du Graärh, avant de devenir un immense corail chatoyant dans les brumes du rêve, dont le tronc était d’obscur et les branches aquatiles, les rideaux de lumières. Il régnait au milieu des étoiles. L’axolotl se libéra de l’ombre et de sa lumière, un être naquit. Sa silhouette astrale descendit à son tour, semblant libre de l’entrave invisible qui empêchait l’arbre d’aller plus loin. A mesure qu’il approchait, son apparence fantomatique décrut, jusqu’à n’être plus que ce que le géant opalin s’était toujours attendu à voir.

Un double de lui-même, tout de blanc vêtu. A une différence, une seule. Aujourd’hui, il apparaissait très clairement dans toute sa splendeur. Ses yeux hameçonnaient l’attention, joyaux lumineux et scintillants tels le reflet des étoiles sur la surface ondulée du lac qui maintenant reposait en lieu et place des anciennes terres de désolation.

Il souriait aussi.

Etonnant. Ca lui irait bien de sourire de temps en temps tout compte fait.

Son double les fixa, le dragon et lui. Il déclara ensuite d’une voix lisse et profonde, rappelant des psalmodies :

-Brave guerrier… Tu as réveillé ce qui était endormi. Cela fait longtemps que je n’avais pas observé Elysion, mon frère. (Il montra l’arbre derrière lui de ses deux pattes) Vois mes souvenirs miroiter dans l’éclat de mon arbre. J’ai tant attendu ce jour.

Il se tourna ensuite vers le dragon rouge :

- Vous avez réparé ce qui a été brisé et sauvé le rêveur. Vous avez parcouru un long chemin semé d'embûches. Vous avez fait preuve de courage et de bonté envers mon peuple. Et je pressens un jour qu’ils auront à nouveau besoin de votre aide. Prenez garde, Roi des cieux. L’avenir ne vous laissera aucun repos. Un long chemin vous attend. Je vois la mort et le sang. Je vois le chaos. Puissiez-vous accomplir votre tâche…

Le soleil disparut entièrement derrière l’horizon, privant la surface du lac de son éclat aveuglant. L’eau scintillait maintenant d’une lumière plus indulgente pour leurs yeux. Le temps passait plus vite que dans le monde terrestre.

-Je pensais les nôtres éteints, sacrifiés dans les cendres. J’ai détourné mon regard du monde d’en-bas. Je n’avais plus aucune raison de m’y intéresser. Mon lien était trépassé. (Sa voix ralentissait étrangement lorsqu’il revint sur Asolraahn) Ton appel m’a arraché aux confins. Quand je t’ai vu te dresser bâton en main, j’ai su… J’ai su qu’un fragment de l’étoile tombée persistait. En toi mon frère. Tu m’as rendu le lien et je t’accompagnerais désormais, si tu veux bien de moi… Nos cœurs battront ensemble, à tout jamais.

L’être céleste présenta une patte opaline. A l’intérieur, était déposé un petit bijou constitué d’un fragment de fer-étoile et d’une hibonite à la couleur ambrée. Elle semblait frissonner au travers des lueurs qui palpitaient autour d’elle. Le géant opalin tendit la main, toucha la boucle précieuse qui se mit à luire, l’aveuglant par la même occasion. Il ne put s’empêcher de pousser un cri mais aucun son ne sortit de sa gueule.

-Joins-toi à Aasheervaad. Embrasse sa lumière. Prends soin de ton peuple comme je l’ai fait jadis. Réveille-toi…

* * *

Le géant opalin se réveilla effectivement. Le ciel était d’un bleu de saphir. Les charognards salvaient des cris au gré de la hargne sauvage qui les animait. Ils vaquaient dans le pur et discret mouvement du vent. C’était une journée d’été comme il en avait l’habitude depuis qu’il était venu à Néthéril. Une journée chaude et implacable. Il la détestait déjà. Il se releva lentement, sentant ses bras encore ankylosés. L’enfant de l’orage était là lui aussi, il avait l’air réveillé depuis bien longtemps. La douleur ne vint que quelques secondes plus tard. Il serrait la patte si fort qu’il était en train de se planter les griffes dans les chairs. Soudain, il ouvrit de grands yeux et feula en la regardant. Aasheervaad ne s’y trouvait pas. Il fouilla partout autour de lui, une crainte étrangère venant le saisir. Comment était-ce possible ? Le sceau de l’axolotl aurait dû être là !

A moins que tout ceci n’avait été qu’un rêve. Une illusion effrontément réelle mais stupide… et dire qu’il avait failli mourir à l’intérieur, des mains d’un legs démoniaque dont il ne connaissait rien. Pure folie !

Un miaulement aigu attira son attention. Asolraahn se retourna. Le visage de son petit-fils surgit devant lui. Ses yeux d’ambre le scrutaient avec un mélange d’excitation et de curiosité. Il tendit la patte devant sa truffe. Le géant opalin prit une longue inspiration. En son creux, brillait une faible lueur d’ambre. Son petit attendait. Il avait l’air d’attendre quelque chose, manifestement qu’Asolraahn récupère le bijou. Ce qu’il fit. Il le tint à sa hauteur, la mine pensive :

-Nous sommes revenus de la plaine scintillante, grand roi des cieux. Et j’ai la sensation que la magie qui y habitait est toujours là autour de nous. As-tu vu les esprits autour de nous ? Ils étaient magnifiques !

Avec ce bijou en patte, le félin sentait une force renouvelée s’ancrer à son cœur. Il était certain qu’avec ce pouvoir, de nombreux défis s’en accompagneraient. Il ne s’en étonnait pas. C’était là le lot des Trand. Depuis la nuit des temps.

-Je suis fier qu’un dragon ait pu voir ce spectacle à travers mon esprit. (Son sourire se rembrunit) Quant à cet être qui nous a pourchassé, j’espère ne plus jamais recroisé sa route... Tu semblais le connaître. Est-il de nouveau là où il devrait être ? Reviendra-t-il un jour ?

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¤ Le Marche-Rêve ¤

L’image du Tyran s’en était allée. Verith ne ressentait plus sa présence. Le rouge se laissa aller à lâcher un soupir. C’était fini, enfin et pour le mieux. La conclusion de cette rencontre aurait pu être pire, bien pire et le colérique en avait conscience. Son museau se tourna vers le graärh. Il allait bien … Enfin façon de parler. Il allait mieux que l’état dans lequel Verith s’était imaginé le retrouver avoir sa rencontre avec Ther’Zhi. Ce dernier n’avait fait que s’amuser avec lui. Le félin en avait-il conscience ? Avait-il conscience du danger dont il venait de faire la rencontre et de la chance qu’il avait eue ? Sans doute. Asolraahn était un guerrier et il était malin, il devait donc en avoir conscience, du moins en partie. Le dragon n’eut malheureusement pas le temps de se reposer. Quelque chose d’autre arrivait. C’était bien différent du legs, moins puissant, mais tout aussi incertain. Était-ce ce dont lui avait parlé le graärh ? Était-ce sa vision ? Ce qui cherchait à le contacter ? L’enfant de l’orage et du courroux demeura sur ses gardes alors qu’au loin une ombre se formait. Instinctivement, la queue du rouge se déplaça, se rapprochant du félin, s’apprêtant à s’enrouler autour pour l’éloigner de sa position si une attaque survenait. Asolraahn se redressa également, avec une certaine difficulté, la rencontre avec l’image du Tyran n’avait pas été de tout repos. Au cœur de ce nuage de noirceur, une pointe de lumière naquit en son sein, tel un cœur venant palpiter. L’ombre et la lumière, Verith s’en méfiait l’un comme l’autre. Car si Vraorg représentait l’ombre, les divinités, elles, représentaient la lumière et il ne gardait pas un bon souvenir de sa rencontre avec ceux-ci. Ombre et lumière vinrent s’étendre, rendant le colérique un peu plus nerveux. Il ne savait pas de quoi il s’agissait, mais il n’avait pas confiance. Il fallut qu’un léger picotement lui parcoure l’œil gauche qu’il se détende enfin. Quelque chose lui disait que cela allait bien se passer. Quoi donc ? Cela il n’en savait rien, mais il parvint à se détendre un peu. La chose n’était pas hostile. L’ombre et la lumière changèrent et quelque chose s’en extirpa. Son corps était long, tel celui d’un serpent, mais il possédait des pattes, à l’avant comme à l’arrière. Une salamandre ? Peut-être, mais il n’en était pas sûr. Sur chaque côté de ce qui devait être sa tête se trouvaient des sortes de voiles qui lui firent penser à des coraux ou peut-être des cornes. L’être astral ondula dans l’air, se rapprochant d’eux, jusqu’à s’enrouler sur lui-même. Sa silhouette floue devint alors plus nette et c’est un deuxième Asolraahn qui apparut devant eux. Qu’est ce que c’était que cela ? L’inconnu était souriant, mais cela n’apaisa pas plus la méfiance  qui restait solidement ancrée dans son esprit. La copie du félin se mit à parler. Sa voix était mélodieuse. Elle s’adressa avant tout à l’opalin, avant de se tourner vers lui.

« Vous avez réparé ce qui a été brisé et sauvé le rêveur. Vous avez parcouru un long chemin semé d'embûches. Vous avez fait preuve de courage et de bonté envers mon peuple. Et je pressens un jour qu’ils auront à nouveau besoin de votre aide. Prenez garde, Roi des cieux. L’avenir ne vous laissera aucun repos. Un long chemin vous attend. Je vois la mort et le sang. Je vois le chaos. Puissiez-vous accomplir votre tâche… »

Verith plissa les yeux face à ce qui pouvait être interprété comme une prophétie. Il n’avait pas besoin de cela, pas après la dernière qu’il avait vue. Le dragon se retint néanmoins de lâcher un rire nerveux. L’avenir ne lui laisserait aucun repos. Ça, il en avait de plus en plus conscience. À croire qu’il était destiné à ne jamais s’arrêter un instant. Le colérique voulu l’interroger, mais se retint. Connaitre l’avenir scelle ce dernier. Un acte bien atroce ayant déjà eu de fâcheuses conséquences par le passé. Une erreur qui ne doit pas être répétée. L’inconnu parla de nouveau, cette fois-ci à Asolraahn. Le rouge écouta, interloquer. Elysion ? Les nôtres éteints ? Le monde d’en bas ? Lien ? L’étoile tombée ? Le colérique pensait comprendre au moins certaines choses qui venaient d’être dites ici. Lui qui avait arpenté le plan astral et le royaume des morts, savait que d’autres réalités existaient en plus de celle dont il est originaire. Mais à quoi faisait référence l’inconnu ? À un plan qu’il connaissait ? Ou à un qu’il ne connaissait pas encore ? Elysion ? Que signifiait ce mot ? À bien y comprendre, il s’agirait du nom de leur plan d’existence ? Mais que signifiait le reste ? Les nôtres éteints ? Le lien ? L’étoile tombée ? Cette chose ne semble pas un être un graärh, même s’il a copié l’apparence du géant d’opale. À quoi faisait-il référence ? Et ce lien ? De quel type de lien s’agissait-il ? Certainement pas du lien unissant dragon et dragonnier. Les félins n’avaient jamais rencontré de dragon avait l’arrivée des Ambarhùniens et par extension, ils n’ont jamais éprouvé le lien. À quoi cela faisait donc référence ? Et cette étoile tombée ? L’enfant de l’orage avait l’esprit en surchauffe, mais il finit par prendre une profonde inspiration. Il n’avait pas le temps pour un nouveau mystère dans l’immédiat. Il avait trop à faire avant de pouvoir se lancer dedans. Mais peut-être obtiendrait-il des réponses involontairement en continuant d’étudier le Baôli pour se libérer de sa malédiction.

L’inconnu finit par tendre un objet en direction d’Asolraahn. Le rouge ne dit rien, demeura observateur de la scène, mais se tenant prêt à agir. Le félin vint s’en saisir et un éclair de lumière jaillit de l’objet, venant les éblouir … Lorsque la lumière disparut, Verith avait rouvert les yeux. Il était hors du rêve, dans sa réalité. Le colérique tendit le museau pour observer autour de lui et reprendre ses repaires. Il était bien dans le canyon. Dwëmmer était au sol, non loin du félin et de l’enfant qui était réveillé. D’une pince, l’araignée mécanique occupait le jeune graärh, de l’autre elle analysait l’état de l’opalin.

« Il va bien ? »

« Lié, j’ai détecté une profonde agitation chez le sujet durant son sommeil. Il bougeait tellement qu’il en est venu à réveiller le sujet plus petit. Malgré de nombreux stimuli, celui-ci n’a pas voulu se rendormir. J’ai surveillé l’agitation du sujet adulte, il s’est crispé et a semblé souffrir, j’ai craint qu’il ne fasse un début de dénitratation. Mes senseurs ont capté une intrusion dans votre magie. J’en ai reconnu la signature, je crains que le gêneur n’en soit à l’origine. Je ne suis malheureusement pas parvenu à remonter sa trace, mais celle-ci a fini par disparaitre et le sujet adulte s’est calmé. »

« Cesse de l’appeler le sujet. »

« Lié, je perçois un pic d’énergie localisé dans la main du mammifère. Analyse requise. »

La créature de métal vint, à l’aide d’une de ses pinces, ouvrir la main du félin et mettre à découvert l’objet qu’il tenait. Le colérique le reconnut immédiatement. Il s’agissait de l’objet que l’inconnu lui avait remis.

« Analyse terminée. Signature magique puissante. Recherche dans la base de données de correspondance. Correspondances trouvées. Accès aux fichiers. Erreur. Corruption de données. Accès impossible. Erreur. Erreur. Erreur. »

« Cela suffit. Nous saurons bien de quoi il s’agit plus tard. »

« Changement métabolique détecté chez le mammifère. Afflux d’énergie de l’objet vers l’organisme. Test requis. »

Dwëmmer attrapa le bijou, le souleva, puis tourna sur elle-même pour venir le déposer sur le bambin graärh qui l’attrapa avec amusement.

« Changement méta … »

« Ça suffit Dwëmmer ! »

La voix du rouge tonna dans la trame.

« Laisse-les donc tranquilles. Je t’interdis de poursuivre. »

L’araignée s’immobilisa avant de baisser les pinces, semblant triste, pas tant de devoir arrêter, mais de s’être fait crier dessus par celui qu’elle considérait comme son lié. Puis elle se mit à se mouvoir pour rejoindre Verith et grimper dans son dos.

Le colérique, lui lâcha un soupir et posa son regard sur le bambin. Son esprit ne décela rien de néfaste, il choisit donc de ne pas lui retirer l’objet et reporta son attention sur les alentours. L’endroit était resté calme durant son absence. La nuit était encore présente, même si elle avait avancé. Combien de temps était-il resté dans le rêve ? Un peu plus d’une heure sans doute.

***

Le soleil était levé depuis plusieurs heures déjà. Les graärh étaient en train de démonter les camps. Ceux en tête de colonne étaient partis depuis deux bonnes heures déjà. Verith voyait le milieu de la colonne s’éloigner à présent. Bientôt, ce serait l’heure à ceux qui sont tout derrière de partir. Des félins étaient montés le voir, cherchant après Asolraahn. Le rouge leur avait dit que ce dernier était en train de se reposer. La nuit avait été éprouvante pour lui, une menace était apparue et celui-ci l’avait chassé. Le dragon leur dit de commencer à se préparer pour le départ, l’opalin viendrait en temps voulu. Le colérique se chargerait de le tirer du sommeil si celui-ci dormait encore au moment du départ. Heureusement, il n’eut pas à le faire. Sentant ce dernier revenir à lui, le rouge tourna le museau en sa direction.

« Vas-y doucement, Marche-Rêve, car tu reviens de loin. »

Le félin commença à s’agiter, cherchant visiblement quelque chose. Il le trouva rapidement, entre les pattes de son petit-fils.

« Nous sommes revenus de la plaine scintillante, grand roi des cieux. Et j’ai la sensation que la magie qui y habitait est toujours là autour de nous. As-tu vu les esprits autour de nous ? Ils étaient magnifiques ! »

« Les esprits ? »

Verith haussa un sourcil. Il n’avait rien vu de tel. Seulement de l’ombre, de la lumière et cet être étrange et inconnu. Le félin avait-il vu quelque chose que lui n’avait pas vu ? Peut-être à l’instant où la lumière les avait éblouis.

« Je n’ai vu que cet être étrange et inconnu au corps longiforme qui a par la suite revêtu ton apparence. Ta sensation est bonne, son énergie est toujours dans les parages, présente dans ce petit objet que tu tiens. Il semble s’agir d’un artefact puissant, mais inoffensif. »

Oui, le rouge n’avait pas senti de danger pouvant atteindre celui qui l’utiliserait.

« Je suis fier qu’un dragon ait pu voir ce spectacle à travers mon esprit. Quant à cet être qui nous a pourchassés, j’espère ne plus jamais recroiser sa route... Tu semblais le connaître. Est-il de nouveau là où il devrait être ? Reviendra-t-il un jour ? »

Verith plissa légèrement les yeux, son regard s’assombrissant.

« Je le connais, en effet … et malheureusement. Je ne peux garantir que tu ne recroises jamais sa route. Mais tant que tu tiendras le plus éloigner de moi, la probabilité n’en sera que diminuée. Cet être … il n’a jamais été là où il devait être. Pour l’heure, il n’est pas là, mais il reviendra très vite … vers moi. Marche-Rêve. Le jour où tu rassureras ton petit-fils en lui disant que les monstres n’existant pas … ce jour-là, tu lui mentiras. »

Le rouge leva sa patte gauche et vint la serrer avec force. Il la déplace ensuite au-dessus du félin et l’ouvrit en grand. Un fragment d’écaille grenat tombe alors.

« L’être que nous avons vu là-bas, et qui t’a remis cet objet, je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Cependant, je peux tenir compte de son avertissement. Le jour où tu auras besoin d’aide, saisis-toi de cette écaille et dis mon nom. Soit néanmoins conscient que l’individu qui t’a attaqué sera peut-être avec moi. »

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Asolraahn contemplait l’étoile d’Axolotl. On pouvait voir des inscriptions sur les bas-reliefs de la boucle précieuse. Il était incapable de les déchiffrer mais certains symboles lui étaient si familiers que l’évidence le frappa bien vite : La relique avait été fabriqué par des Graärhs. Il s’agissait d’un don qu’un esprit oublié lui avait apporté, une force ancestrale qui remontait à un temps bien lointain.

Cette étoile n’avait pas été acquise sans heurt. Il repensa d’instinct au rêve qu’il avait vécu et aux implications que cela engendrait. Il avait affronté bien des monstres dans sa vie de Graärh mais rien d’aussi puissant que l’être immaculé et son épée de ténèbres. Il incarnait une ancienne menace que jamais le géant opalin n’oublierait. Et puis il y avait eu les spectres qui s’étaient soudainement élevés des murs, la tempête froide et terrible et enfin l’esprit-lié qui s’était tiré de son long sommeil. Oui, c’était bien avec un plaisir évident qu’Asolraahn était revenu à la chaleur agréable de la réalité. Lui à qui le climat gelé de Paadshaïl manquait, voilà que même le désert lui paraissait moins étranger que la dureté glaciale de son périple de Marche-rêve. Ces évènements faisaient partie intégrante de lui, l’avaient changé profondément. Qu’il ait eu envie d’oublier tout ceci n’aurait rien changé.

Ces mésaventures prenaient néanmoins leur sens désormais. Le félin avait par ce rude voyage obtenu la faveur de son double marmoréen. Plus il observait l’étoile et plus il comprenait que sa destinée était désormais liée à elle. Il se savait porteur d’un objet qui le liait à l’entité ancestrale qui l’avait accueilli, une oriflamme de sa conscience passée qu’il devrait porter haut sur les terres qui supporteraient son pas, car il était désormais un représentant de cet esprit-lié. C’était étrange. Quelque chose de familier, autre que l’apparence, s’était dégagée de l’esprit. C’était comme si, alors qu’il le rencontrait réellement pour la première fois, le félin l’avait toujours connu. Comme un vieux parent oublié dont le souvenir du visage se serait effacé de sa mémoire, mais qu’une image viendrait en retisser les traits. C’était peut-être dû aux nombreuses itérations de son rêve, qui avait débuté lors de la chute d’Atghalan la Perfide.

Le monde prenait une vilaine tête de toile insaisissable, formés de nœud de mystère, ondulant d’intrigues, dans laquelle il n’était pas l’araignée mais bien la mouche prise au piège.

Il se leva avec cette lourde sensation, tenant Aasheervaad du bout des griffes. Sur le sommet du défilé, il fit face au soleil. Le vent froissait son pelage, hurlant entre les cimes des dunes. Loin en contrebas, les terres du canyon étalaient leurs paysages arides : vastes déserts et vestiges anciens, cavernes de granit et vallées de sables. Tout était tel qu’il se le rappelait lorsqu’il était venu pour la première fois, quelques semaines auparavant, lorsque la légion ne rentrait pas fragile et blessée, mais forte et implacable, prête à semer la mort dans les marais. Tout cela faisait maintenant écho à ses rêves, et l’invitait à rejoindre cette terre sertie par le calme. Le géant opalin observa les dernières sentinelles rejoindre la colonne à travers le défilé. Il feula, se souvenant de ce que l’esprit avait dit au dragon rouge. Un jour, la légion aurait à nouveau besoin du colérique. Un jour, le danger reviendrait, les menacerait de sa griffe impitoyable.

Asolraahn prit une longue tignasse dans sa longue crinière opaline. De ses griffes, il joua de la boucle en fer-étoile et l’enchâssa soigneusement dans sa crinière pour que jamais elle ne le quitte.

Ce jour-là, il serait présent. Il le devait. Car il était l’émissaire de l’esprit protecteur et, en cette qualité, c’était son destin de protéger le peuple Graärh. Il se tourna vers le dragon rouge avec un léger gloussement :

-Il y a pourtant des chances que nos routes se recroisent, Roi des cieux. Me tenir éloigné de toi et de ton ami mécanique reviendrait à ne pas se tenir là où il y a de l’action. Voilà qui serait bien malencontreux ! On a toujours besoin d’un Graärh dans les parages, qu’importe la gravité du problème.

Il tendit la patte pour récupérer in-extremis l’écaille vermillon en forme d’ongle qu’avait libérée le dragon. Elle pesait son poids, même pour lui. Elle était parcourue de liseré d’or et de fil blafard. Il la lorgna avec une infinie délicatesse, la faisant tourner entre ses coussinets pour en découvrir chaque secret. Puis il la tint serrer contre lui. Il inclina sagement le museau en émettant un bas et profond ronronnement. C’est pourtant d’une voix ferme qu’il répondit à ses derniers mots :

-Je n’ai pas peur de ton ennemi.

Il posa sa patte libre sur l’épaule frêle de son graahron :

-Et mon petit-fils non plus. Autrefois, peut-être. Nous craignions les pirates et la menace que représentait leur navire. Nous frémissions à l’idée ce qu’ils infligeaient aux nôtres, de l’effroyable morsure de leur perte. La peur traduit le pouvoir. Ceux qui l’inspirent règnent sur ceux qui la subissent. Désormais, nous affronterons les menaces qui viendront à nous et nous ne perdrons pas espoir.

Il montra l’écaille avec un grand sourire :

-Car le Colérique sera à nos côtés. Et si ce monstre revenait pour nous hanter, nous le vaincrons de la même façon que dans mon rêve, ronronna-t-il solennellement alors qu’il échappait laborieusement à la contemplation de l’écaille rouge.

Il savait apprécier les dons à leur juste valeur, plus encore lorsque leur signification évoquait les épreuves à venir. Mais il suffisait d’observer la légion remontant le canyon pour comprendre que Vat’Aan’Ruda n’abandonnerait pas si facilement. Frêle et affaibli il y a encore quelques heures, l’intervention du dragon et le temps avaient raffermi sa volonté et son désir de survivre. Les guerriers retournaient maintenant vers l’Ouest de Néthéril, décidés à retrouver leur village. Le filet de poussière né de leur pas les suivait tel l’écume d’une vague virulente. Ils songeaient à leur retour. Ils retraçaient mentalement la direction à prendre, les ruelles sombres que chacun aurait à traverser pour retrouver leurs wigwams. Asolraahn le percevait au travers de leurs marches rapides. Il les regardait se figurer la joie qui se révélerait au village lors de leur arrivée, et le deuil pour ceux qui ne reviendraient pas. Mais l’espoir, aussi volage que l’accablement, les avait bel et bien rattrapés.

Asolraahn les regarda avancer et resta un moment songeur, le sable se collant à la fourrure de son corps massif. Il eut soudain un rire tendre et s’empara de son petit-fils pour le placer sur son épaule. Ce dernier eut un long miaulement d’excitation. Lui aussi avait l’air prêt pour faire une longue route. Il se tourna vers le Colérique, comprenant par le présent de son écaille, qu’ici leur chemin se séparait :

-Puissent les Esprits nous guider vers une nouvelle rencontre avant la fin de cette saison. Adieu, Roi des cieux.

Il récupéra son bâton et posa son manchon sur son épaule. Il regarda l’horizon. Il n’y avait pas un charognard dans le ciel et la vue était bien dégagée. Le géant opalin s’engagea d’un pas vif dans le défilé.

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¤ Un au revoir ¤

Le fils du courroux et de l’orage était de retour sur le plan physique. Le cauchemar s’était envolé, mais Verith savait que ce n’était que partie remise, il reviendrait très vite à la charge. Pour l’heure, le rouge s’employait à assimiler ce qui venait de se produire, puis à mettre en garde le félin face aux dangers auxquels il pouvait s’exposer, lui et les siens, en le côtoyant. Marcher dans les pas du colérique n’était pas de tout repos, pouvait s’avérer très dangereux, et pouvait même conduire à des sorts bien pires que la mort. Toutefois, loin de décourager le graärh, la réponse de ce dernier fit éprouver un plaisir immense au colérique.

« Il y a pourtant des chances que nos routes se recroisent, Roi des cieux. Me tenir éloigné de toi et de ton ami mécanique reviendrait à ne pas se tenir là où il y a de l’action. Voilà qui serait bien malencontreux ! On a toujours besoin d’un Graärh dans les parages, qu’importe la gravité du problème. »

Un léger rire s’échappa de l’esprit du rouge, bientôt suivit d’un rire plus puissant qui vint fait vibrer les écailles de son poitrail.

« Voilà des mots dignes des rares fous qui ont choisi de marcher à mes côtés. L’aventure ne vient qu’au prix du danger. Celui-ci nous fait bien souvent payer un lourd tribut, mais je pense que cela le justifie amplement. Tiens-toi prêt au pire, car c’est assurément ce qui se produira, Marche-Rêve. »

Le félin observait entre ses mains l’écaille que venait de lui donner le dragon de l’ire. Sans doute ne réalisait-il pas encore tout ce que ce donc recouvrait, mais tôt ou tard, cela viendrait. Peu nombreux étaient les individus à pouvoir se vanter de posséder un tel éclat, mais chacun d’eux avait accompli de grandes choses. Asolraahn avait tenu tête au Tyran, c’était déjà un bon début, mais le colérique ne doutait pas qu’il serait amené à faire encore plus à l’avenir. Il lui semblait fait de l’étoffe des héros.

Verith ne partageait pas son analyse sur le sentiment de peur. Mais il ne garda bien de la partager. Les mots du félin n’étaient pas tous faux. De prime abord, la peut sembler être l’arme de l’ennemi, mais elle peut s’avérer aussi être une alliée. Avoir peur d’un ennemi, le craindre, c’est reconnaitre sa dangerosité et ainsi faire tout le nécessaire pour se préparer à l’affronter et à la vaincre. Il n’en demeure pas, qu’effectivement, la peur est traitresse, pouvant tant être une alliée, qu’une ennemie.

« Ta foi en moi me flatte, j’espère pouvoir m’en montrer digne le moment venu. »

Comme le félin, le regard du colosse de flamme se porta vers la cohorte. Tous franchiraient bientôt le col le sortant du canyon et le faisant entrer dans la savane. Il avait pu les aider au mieux, les protéger par sa simple présence. Ils n’avaient plus besoin de sa protection à présent, le danger était derrière eux. Verith n’avait plus de raison de retarder davantage sa venue sur cette ile, même s’il savait qu’il allait devoir retrouver Ther’Zhi.

Asolraahn vint placer son petit-fils sur ses épaules, ce dernier sembla s’emplir à chaque instant d’un peu plus de joie de vivre. Ce qu’il avait subi chez les pirates s’effacerait rapidement. Cette scène ne put empêcher le rouge de penser à ses propres enfants. Nynsith, Ssaadjith et Nephilith. Où étaient-ils en ce moment ? Il espérait que le petit obsidien était bien sous la surveillance de sa mère ou de sa grande sœur et que Nephilith n’avait pas été emporté dans les bêtises de son jumeau. Lentement, le rouge se redressa de toute sa stature, venant étendre ses ailes. L’ombre de celles-ci vint encercler une partie de la cohorte en contrebas. Un dernier petit coup de pouce de la part de la créature céleste histoire de leur remonter le moral. Ils avaient traversé cette épreuve. À présent, ils rentraient chez eux.

« Puissent les Esprits nous guider vers une nouvelle rencontre avant la fin de cette saison. Adieu, Roi des cieux. »

« Puisse la trame vous réunir avec ta fille, ton petit-fils et toi. Nous nous reverrons, Marche-Rêve. »

Le fils du courroux et de l’orage se mit alors à battre des ailes, tout en poussant sur ses pattes pour se projeter vers le ciel. Son décollage souleva des bourrasques vent et il prit lentement de l’altitude. Dwëmmer, accroché à l’une des pattes de son lié, agita ses pinces en direction des deux félins en contrebas, avant de se remettre à escalader le rouge. Très bientôt, le colérique disparu au-dessus des nuages en prenant la direction de l’Ouest.

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