Irina Faust n'était plus. Le clan Faust n'était plus. Nevrast appartenait au Triumvirat, au travers du clan Elusis. Le duel des princes avait été une formalité, exactement comme il l'avait attendu. Soutenir la transition, en revanche, avait été un réel défi malgré les nombreux efforts préalables d'Aldaron pour gagner le cœur des habitants. Grâce à l'influence du Marché Noir, la ville avait commencé à capter des trafiques commerciaux, développant ses infrastructures et lançant une croissance encore timide mais bien présente. Grâce à Valmys, la ville n'était plus une insulte au bon goût et à la logique. Le fils de son époux ainsi que l'un de ses petits camardes, un certain Espérancieux, avaient usés du flux de construction et de leurs connaissances en architecture pour redonner un visage acceptable à Nevrast. Un véritable miracle, et des plus appréciables. Grâce à son accord avec Nathaniel, la ville était épargnée par la piraterie, et les forbans en faisaient davantage un port d'attache, lui donnant encore davantage de chances. Lui-même avait essayé de trouver des débouchés via Sélénia pour leur nouveau bien. Pour autant, tout cela n'aurait plus d'importance si la menace de Licorock n'était pas endiguée une bonne fois pour toute. Ils auraient beau réussir à renflouer Nevrast, cela ne l'empêcherait pas d'être avalée par une forêt qui s'étendait toujours plus. Et c'était en partie pour cela qu'ils étaient réunis.

L'autre raison, c'était qu'il avait la rancune aussi tenace qu'une bernique centenaire. La Licorne avait blessée son Inséparable, elle allait le regretter. Personne, ni homme, ni créature, ni dieu ne pouvait blesser Aldaron et en ressortir en vie et entier. Et il y avait également l'affaire de sa reconnaissance par la légion de Vat'Em'Medonis. Se présenter pour des négociations d'alliance avec la corne de la créature enchâsser dans son bâton de guerre ne pourrait que lui donner un sérieux avantage pour rattraper les bourdes de Faust. Tuer la Licorne, mettre fin à la croissance de la forêt et aux cauchemars. Il savait que ce ne serait pas une tâche aisée, il savait que la créature était puissante, il savait qu'ils pouvaient échouer. Mais il n'avait jamais eut l'intention d'entrer en conflit sans se préparer et sans se donner autant de d'opportunités qu'il était possible d'en avoir. Les derniers mois avaient été employés en ce sens, le projet de contrer Licorock avait d'ailleurs était le fer de lance de sa politique pour absorber le clan Faust au sein des Elusis. Tous ensembles, unis contre l'immonde bête qui menaçait leur lueur d'espoir. N'était-ce pas un beau conte, une belle image prompte à inspirer ? Les vampires étaient des prédateurs, en s'unissant et en redevenant ceux qu'ils devaient être, ils avaient leur chance. Le tout était de ne pas la gâcher par des rivalités internes illusoires. Ils avaient eut beaucoup à faire mais le résultat était encourageant.

S'il avait organisé les préparatifs et qu'il avait surveillé l'avancée des travaux, il n'était pas resté à Nevrast en permanence. La Vagabonde l'appelait trop souvent, de même que ses nombreux devoirs. A présent, alors qu'elle entrait dans le port aux côtés du Maelström, il revoyait mentalement tous les efforts qu'il avait placé dans la préparation de cette chasse. Il inspira une dernière fois à plein poumons l'air marin et iodé, donna des ordres précis à son équipage, qui devait suivre leur avancée le long de la côte, et consulta une ultime fois la boussole de Lyssa, toujours pendue à son cou, proche de son cœur. Il n'avait pas fait la route sur le dos de Kaalys, celui-ci avait eut ses propres affaires et il avait ainsi pu profiter d'être à la barre de son bâtiment, plaisir qu'il n'allait pas pouvoir renouveler prochainement. Personne ne savait combien de temps la chasse prendrait. Tout ce qu'il savait, c'était qu'elle devrait avoir lieu, et qu'elle devrait être un succès. Nevrast avait déjà essuyé deux attaques dont une de la Licorne elle-même, ils ne pouvaient pas se permettre de rester passifs. Ils ne pouvaient pas simplement attendre qu'elle revienne. Non seulement Nevrast ne s'en remettrait pas, mais l'image des vampires qu'il tentait de rétablir en prendrait un trop gros coup. Il fallait qu'ils soient victorieux. Même si la défaite ne devait pas être inenvisageable… il n'avait pas le droit de s'y contraindre. Ce fut avec cette pensée qu'il rejoignit la place centrale, des coraux orangés encore ondoyant dans ses longues mèches platines.

Il était le dernier à se montrer, mais cela ne le gênait pas. Tous avaient le temps de se préparer, ainsi. Son approche débuta par Aldaron, Kaalys et Nahui, Purnendu, puis Nathaniel et ses hommes. Son compagnon connaissait déjà ses dispositions, comme son lié, mais cela ne faisait pas de mal de revoir les choses une dernière fois avant de se lancer, non ? De plus, pour les autres, ils découvriraient ainsi le support qu'ils auraient et les dispositifs sur lesquels ils allaient pouvoir s'appuyer. Au centre du cercle des présents, il prit la parole sans grands airs, allant droit au but.

« Nous sommes tous ici pour une seule et même raison : tuer la Licorne, pacifier la forêt. C'est le seul et unique but que nous ayons. Il y a un an, jour pour jour, une première expédition, inepte, s'est introduit dans la forêt et à découvert la créature qu'elle renfermait et depuis, la situation n'a cessé d'empirer. Si nous laissons cela se poursuivre, nous perdons l'île. Ce n'est pas une option. Pour autant, nous n'allons pas foncer aveuglément. La Licorne est une créature puissante et magique, elle maîtrise l'art de l'illusion, du changement d'apparence, de la manipulation mentale… elle est résistante, physiquement, magiquement, rapide et intelligente. Ce n'est pas un adversaire que nous pouvons défier seuls. C'est ensemble, en unissant nos forces, en combinant nos atouts, que nous allons réussir à la faire tomber »

Il observa Aldaron, puis Kaalys. Avec lui, ils étaient des membres de la première expédition et ils savaient très bien ce dont il parlait. Bien entendu, il avait fait en sorte qu'à trois, ils composent un récit aussi détaillé que possible de l'affrontement précédent afin de le transmettre à tous les chasseurs réunis au préalable, afin qu'ils aient ne serait-ce qu'une vague idée de ce dans quoi ils se lançaient. Mais il ne pouvait pas réellement en faire trop en rappelant combien cette chose était puissante.

« N'agissez pas en têtes brûlées, n'agissez pas pour votre gloire personnelle, ne prenez pas de risques inutiles ou mal calculés. Cela vous coûtera la vie. Préservez-vous, prenez le temps de vous lier avec vos compagnons de chasse et de les connaître aussi intimement que possible. Faites tout ce qui est nécessaire pour ne lui donner aucune prise sur vos esprits car elle tentera de se jouer de vous. Par ses illusions, j'ai vu Silarae, ma dracène décédée, dévorer mon époux sous mes yeux… Ne lui donnez pas tant d'emprise sur vous. Si vous avez le moindre doute, vérifiez ou reculez vers les avant-postes établis tout autours de la forêt. Ils sont là pour vous épauler et vous récupérer si les choses tournent mal… Nous devons certes vaincre, mais si nous sommes tous morts, alors nous ne pouvons pas y arriver »

Un silence de quelques instants, afin de laisser à l'assemblée le temps d'ancrer tout cela. Qu'ils cogitent et imaginent. S'ils étaient doués, leur interprétation de ses avertissements seraient peut-être à la hauteur. Lorsqu'il estima pouvoir continuer, il utilisa l'illusion mineur d'une topographie de la forêt pour pouvoir indiquer les informations qu'il allait divulguer pendant que ses mages sécurisaient la zone avec des sorts de silence. Pourquoi agir ainsi ? Parce que la Licorne était puissante et lui paranoïaque à l'idée qu'elle se mêle à eux.

« Depuis plusieurs mois, des coupes sont effectuées sur la forêt. Elles se sont intensifiées depuis le mois dernier. Nous cherchons non seulement à affaiblir la forêt, mais également à attirer les créatures à l'extérieur. Il n'y a pas que la Licorne, là-dedans et croyez-moi, moins on croisera de Fenrisulfr, mieux on se portera. Ce n'est pas tout. Plusieurs reconnaissances aériennes de la forêt ont été effectuées afin de repérer les zones les plus denses et les plus profuses en magie, en bref, les zones les plus dignes d'intérêt pour nos recherches »

Il indiqua chaque zone avec les spécificités repérées par les éclaireurs, par lui-même et Kaalys, et par Aldaron et Nahui.

« Un périmètre à été établit à partir de ces points d'intérêt. Comme je l'indiquais, des avants-postes sont placés sur un périmètre autours de la forêt, en hauteur lorsque c'est possible. Ce périmètre est aussi celui sur lequel nos mages et spirites de la taupe ont travaillés. Un travail de sape de leur part est en cours et si nous en avons besoin, ils feront s'effondrer le sol avant d'activer des explosifs et des sorts de feu pour détruire tout ce qui sera resté à l'intérieur de la zon effondrée. Il s'agit d'un dernier recourt, si nous nous retrouvons dans une situation trop dangereuse. Si cela devait arriver, vous devrez absolument sortir de la zone et donner le feu vert aux sapeurs. Nos compagnons dragons aideront avec leur propre feu. Cependant c'est une mesure d'extrême urgence, il ne faudra donc pas se reposer dessus »

De nouveau, il s'interrompit pour modifier l'illusion de la carte.

« Des navires sont également proches des côtes qui bordent la forêt, ils sont là pour protéger quiconque serait en difficulté. Chaque groupe de chasse possède un guide. Chaque guide a reçu la connaissance de tous les systèmes de protection et de tous les chemins connus dans la forêt. Ils sont là pour faciliter votre approche. Ils disposent tous d'anneaux des murmures, afin de communiquer entre eux si vous avez besoin de confier une information aux autres groupes de chasseurs. Néanmoins, la magie fonctionne parfois de façon plus… complexe, et moins certaine, dans la forêt, faites-donc scrupuleusement attention. Si vos capacités de communication ne fonctionnent plus, vous serez seuls à moins de faire demi-tour »

Là-dessus, il dissipa la carte et laissa chaque groupe se former et se préparer. Il fut approché par Nathaniel quelques instants, le forban souhaitant lui remettre une arme fabriquée en ivoire de narval, son nouvel esprit-lié, qu'il accepta avec plaisir. De son côté, il plaça un sort sur le roi des pirates et son affidé, les immunisants temporairement au froid. Cela ne durerait pas éternellement mais ce serait déjà ça de prit. Laissant les pirates de côté, il se rapprocha du cercle formé par son époux et sa liée, Kaalys, et Purnendu.

« Bien… Tout ça est bien beau, mais est-ce que vous auriez des idées de dernière minute ? Tout est bon à prendre. Une fois dans le bois, on ne pourra pas tenir un conciliabule pendant des heures... »

Les mois avaient passé depuis que le dragon d'ébène avait quitté l'île de Nyn-Tiamat pour s'établir sur celle de Calastin, bien plus accueillante. Mais, voilà que le destin poussait de nouveau Kaalys vers l'île enneigée, seul cette fois-ci. Il s'était envolé de son côté, bien après que la Vagabonde eut disparu au large, avec à son bord son Lié. Sa relation avec Achroma se consolidait jour après jour et, lorsque ce dernier avait évoqué la chasse qu'il comptait mener sur Nyn-Tiamat, Kaalys n'avait que peu réfléchit avant d'annoncer qu'il irait, lui aussi. En effet, lors de la première expédition menée par le Clan Faust, le saurien avait été grièvement blessé par la Licorne. Depuis ce jour, de fines cicatrices étaient visibles sur la membrane de ses ailes.

Kaalys survolait le port de Nevrast. Lorsqu'il avait quitté l'île, quelques mois plus tôt, cet endroit n'était que l'ombre de lui-même. Aujourd'hui, en revanche, les choses avaient bien changé. En côtoyant intimement Achroma, Kaalys avait tenté de saisir toutes les machinations mis en œuvre pour faire de cet endroit un village et un port digne de ce nom. Ainsi, il avait compris que c'était l'influence du Marché Noir, dirigé par le Lié de son Lié, qui avait permis de rebâtir l'endroit. Une alliance avec les pirates avait également épargné Nevrast des pillages et permis à la bourgade de croître. Les pirates, d'ailleurs, étaient sans doute les bipèdes les plus curieux aux yeux du saurien. Leur comportement, à bien des égards, ressemblait beaucoup à celui des dragons, à prendre ce dont ils avaient besoin sans demander et à vouloir demeurer libre de leurs choix. Raisons pour lesquelles, d'ailleurs, ils étaient si mal vus par de nombreux autres bipèdes. Pour Kaalys, temps que ces bipèdes se montraient droits dans leurs bottes avec son Lié et lui-même, cela ne lui posait pas de problème.

Kaalys bifurqua vers la mer et survola la Vagabonde ainsi que le Maelström, couvrant momentanément les deux bâtiments de son ombre. Il transmit à son Lié le plaisir de le retrouver, puis se tourna de nouveau vers la terre et s'y posa, à l'écart des habitations. Les rues n'étaient pas faites pour accueillir un dragon de sa taille et, avec sa force colossale, un pas de travers pouvait détruire ce que Kaalys considérait comme de simples baraques en bois. Il s'avança donc doucement, à pas mesuré de dragon.

Lorsque Kaalys arriva, il remarqua aussitôt la présence du Lié de son Lié, Aldaron. Ce dernier avait changé depuis leur dernière rencontre. Cela avait fortement intrigué le saurien au début, et Achroma lui avait expliqué que l'elfe était devenu un vampire, oubliant une grande partie de son passé. Il se reforgeait petit à petit et pas forcément à l'identique. Tout près du vampire à la peau cendrée se trouvait un autre dragon, Nahui. Kaalys se permit de lui envoyer ses salutations mentales sans attendre. Enfin, les orbes dorés du dragon se posèrent sur Purnendu, que Kaalys salua avec chaleur à la façon des dragons en étreignant délicatement son esprit.

Une peu plus loin se trouvait le capitaine du Maëlstrom et ses hommes, et Kaalys nota également la présence d'un très grand graärh à la fourrure blanche. Mais, Achroma arrivant enfin, l'attention du saurien se porta sur lui. Bien entendu, le jeune saurien connaissait le plan de son lié et pouvait prédire ses paroles lorsqu'il s'exprima à voix haute, mais cela ne l'empêcha pas de l'écouter avec attention, ses prunelles dorées passant d'un visage à un autre pour en capter les expressions.

Kaalys se souvenait très bien de sa reconnaissance aérienne en compagnie d'Achroma, Aldaron et Nahui. Ce vol lui avait permis de découvrir l'étendue de la forêt. Les arbres étaient si touffus qu'il avait été impossible de voir au travers et, de ses branches, émanait une magie puissante et dangereuse qui avait rendu le dragon d'ébène inconfortable. Un mauvais pressentiment étreignait doucement le coeur du saurien, un sentiment qu'il jugulait de son mieux pour qu'il ne vienne pas perturber son Lié.

Son Lié ayant terminé, Kaalys se préparait déjà à partir. Pour l'occasion, il portait Skêlz, sa vielle armure magique à laquelle la selle qu'Achroma lui avait offerte était attachée. Toutefois, le départ fut retardé par l'intervention d'Aldaron. Ses paroles échauffèrent aussitôt les esprits de ceux qui étaient visés, des vampires qui s'empressèrent de tirer l'épée de leur fourreau. Kaalys observa le spectacle sans bouger, comprenant ou Aldaron voulait en venir.

― Je pense qu'Aldaron a raison. Ne leur faisons pas courir plus de risques, à Nahui et lui. Achroma, Purnendu, venez, leur dit-il.

Le jeune dragon se pencha, offrant aux deux bipèdes de grimper sur son dos en se servant de sa patte pour atteindre la selle. Kaalys pouvait suivre les deux autres Liés par l'esprit, et l'Inséparable permettait à Achroma de toujours savoir ou se trouvait son Lié. Le plan, pour le moment, était de les suivre par-dessus les arbres, un milieu ou Kaalys était bien plus à l'aise. Si tôt qu'il devrait passer sous les arbres, ses mouvements et ses options seraient plus limités.

― Nous allons les suivre. Accrochez-vous bien.

Il lui avait fallu beaucoup, beaucoup de salive et de patience pour tenir tête à sa Kamda Aaleeshan, mais le résultat -s’il n’était pas des plus satisfaisants- n’en restait pas moins prometteur. Illidim était connue pour avoir la tête plus dure et plus épaisse que celle d’un rhinocéros laineux dès lors qu’elle avait arrêté une décision, du coup parvenir à la faire ployer ne serait-ce qu’un peu relevait de l’exploit. En acceptant de surveiller les agissements des vampires, le graärh herboriste, guérisseur, alchimiste à son temps perdu, érudit et annaliste des peuples, avait donc la ferme intention de rapporter à sa Légion tous ce qu’il se passerait dans Licorok. En bien... comme en mal. En conséquence de quoi, il réclama à ce qu’Illidim respecte à son tour la tradition graärh et reconnaisse Achroma s’il devait revenir avec un trophée digne d’un Naayak. De même, il accepta que le vampire subisse toutes les punitions jugées nécessaires par la Légion s’il devait provoquer une catastrophe plus grave encore. Mais Purnendu avait une confiance aveugle en son frère de cœur. Jamais ce dernier ne se serait jeté à la hâte dans cette traque s’il n’avait pas été certain de mettre toutes les chances de son côté.

Du moins, c’est ce qu’il avait continué à croire en traversant l’île depuis son extrême nord jusqu’à son extrême sud, gagnant Nevrast en passant par le col à l’est, longeant une côte rongée par les dernières neiges d’hiver et déformée dans sa géographie par les nombreuses avalanches et coulées de boues causées par le redoux timide de cette saison. La prolifération de la forêt coupait le vent aussi sûrement que la chaîne de montagne, laissant un temps plus chaud s’installer et causer des plaques neigeuses instables, gorgeant ruisseaux et rivière de crues éclaires. Et pendant toute sa traversée, il avait sentit le maléfice de la Licorne se renforcer. Si Vat’Em’Medonis était peu atteinte, comme protégée des cauchemars et hallucinations par l’inlandsis et ses vents coupants, les flancs de la montagne, puis les rives du sud furent de plus en plus impactées. Pour un peu et le graärh n’aurait pas pu rejoindre ses alliés, que ce soit par le temps ou les nuits tourmentées. Heureusement, il avait fini par connaître la montagne comme le dos de sa patte avec Kaalys et il alterna entre les cavernes, les galeries et les chemins étroits, finissant par rejoindre la communauté hétéroclite qui attendait l’assaut de Licorok avec autant d’appréhension que d’impatience.

Assis à une table reconvertie en atelier improvisé, légèrement en retrait de l’attroupement principal, Purnendu bailla à s’en décrocher la mâchoire. Gueule grande ouverte et babines retroussées dans l’action, il révéla une langue rose recourbée contre son palais ainsi qu’une dentition ivoirine. Ses oreilles se plaquèrent en arrière, ses moustaches se courbèrent et il tendit les mains devant lui pour planter des griffes courbes et tranchantes comme des poignards dans le bois dur de la table. Arquant le dos et la queue, il s’étira le temps de bailler, puis reposa museau et joue sur la surface lisse dans un soupir de contentement. Les nuits étaient courtes, mais rien que ses breuvages ne puissent compenser. Les yeux un instant clos, il se concentra sur la diffuse odeur de cire d’abeille, mais surtout d’autres ingrédients alchimiques qui encombraient la majorité de sa surface. Ils attendaient le maître de cérémonie, le pilier de cette aventure ; Achroma Elusis. Lorsqu’il entendit les pas de ce dernier battre les pavés de la place où ils se trouvaient, le graärh releva la tête et vint émettre un profond roucoulement d’affection. Levant sa lourde carcasse, il attrapa les épaules du vampire et pressa son front au sien en ronronnant, puis le laissa aller vers les autres.

Il s’agissait principalement de vampires et de pirates, autant de raisons qui l’avaient gardé à l’écart. Même Aldaron, qu’il affectionnait particulièrement, n’était aujourd’hui guère plus qu’un étranger plein de colère et brûlant d’un désir de vengeance. Le graärh avait été heureux de le retrouver après l’attaque des Chimères, puis surpris de le savoir lié à un dragon. Plus encore de le découvrir amnésique et rendu à la race des vampires. Un nouveau-né, modelé physiquement par les nouvelles ethnies que recensaient les marcheurs nocturnes depuis l’explosion du Bâoli. Alors la stupeur avait laissé place à la curiosité, puis à cela s’était ajouté une forme d’incrédulité en le trouvant si… différent. Pourtant il était toujours son Aldaron, seulement il était aujourd’hui plus piquant et moins composé dans ses paroles et actes. Il avait l’impression de voir un jeune graärh bouillant d’hormones qui ferait le dos rond, poils hérissés, face à ses potentiels concurrents et ennemis. De la tendresse avait alors empli le cœur de Purnendu et s’il n’alla pas couver le jeune vampire à grands renforts de ronronnements et de toilettages en l’absence d’Achroma, ce fut autant par respect pour sa dragonne liée -et l’exclusivité de leur lien- que pour sauver son image de marque.

Dans le silence qui suivit l’entrée d’Achroma, l’air sembla se charger de tensions nouvelles et le graärh huma les alentours avec un étrange et persistant sentiment de malaise. Le pouvoir avait changé sur Nevrast et l’incompétente Aaleeshan Irirna Faust n’est plus la dirigeante ; c’était Achroma qui dominait à présent les vampires de Paadshail… mais une chose échappait à la logique du Trand. Pourquoi restait-il des tensions?! Jusqu’à présent, les traditions entre les deux races étaient bien plus similaires qu’aucun n’accepterait d’admettre de vive voix et pourtant ! Pourtant c’était le plus fort qui dominait et les plus faible s’inclinaient. Les duels entre le prétendant et le dirigeant se soldaient par une victoire que seule la mort pouvait départager. Alors où était le problème ? Achroma avait gagné, les autres devraient donc le suivre s’ils savaient ce qui était le mieux pour eux. Sans la menace de la Licorne, ce serait celle des graärh qui rassemblaient leur force et auraient tôt ou tard fini par leur tomber dessus pour les chasser définitivement de l’île. L’Incendiaire était bien le seul à pouvoir leur offrir une chance de survie… pourquoi traîner des pieds et cracher dans son dos ? Ce fut d’ailleurs ce moment que choisi Aldaron pour faire à nouveau parler son tempérament houleux. L’herboriste dressa les oreilles et s’arracha aux réflexions que le plan d’Achroma venait de lui glisser.

Ses yeux d’absinthe s’accrochèrent à la silhouette altière de l’ancien elfe et il écouta attentivement ses provocations. Sa queue se courba en un point d’interrogation et sa tête se pencha de côté, mimant davantage encore son intérêt curieux pour cette mise en scène. Pourquoi remuer les cendres et aviver les braises de la dissidence à quelques minutes du départ ? Pourquoi aussi couper court à de cruciales et dernières préparations en cédant aux émois d’un cœur amère et blessé ? Purnendu poussa un soupir alors que tombaient les têtes et se détourna pour ramasser ses affaires. La réunion venait d’être écourtée aussi sûrement que la taille des quelques opposants politiques du Prince Noir et de son compagnon. Ce n’était pas tant la férocité d’Aldaron qui le chagrinait que sa précipitation. Ah la fougue de la jeunesse, pensa le félin alors qu’il enfonçait plusieurs bouchons de liège sur des pots en terre cuite serrés de cordages de chanvre. Malgré un désintérêt feint, ses oreilles tiquaient et se tournaient vers Aldaron pour suivre ses propos. Il n’avait pas tord dans le fond, c’était juste la façon qui pêchait en finesse.

Levant les yeux sur Achroma, le félin remarqua combien ce dernier enamouré à la vue de son aimé couvert de sang et tout crocs sortis. Ah… ?! Par les Esprits, il n’y en avait pas un pour sauver l’autre ! Un rire chaud roula de ses babines étirées en un sourire désabusé alors qu’il entreposait à présent la demi-douzaine de pots dans un filet solide qu’il comptait ensuite nouer aux flancs et à la selle de Kaalys. Avoir le dragon noir avec eux était un véritable réconfort et son arrivée, ainsi que ses salutations affectueuses avaient apporté un peu de quiétude dans les angoisses silencieuses du graärh. De plus, sa présence pourrait mettre un peu de plombs dans la tête des deux amoureux, les sauvant plus tard de décisions hâtives et probablement regrettables. Il le remercia alors qu’il grimpait sur son dos et trouvait une position confortable autant pour lui que pour le saurien. Puisqu’ils avaient quelques minutes devant eux, Purnendu prit enfin la parole en désignant les pots empaquetés sous sa patte gauche :

« - Ce sont des bombes. Je les ai adapté d’après les rares livres d’alchimie que j’ai pu trouver de ci et de là lors de mon séjour à Caladon. Je les ai ensuite peaufiné au Domaine avec le savoir accumulé des baptistrels de sorte à stabiliser leur composition. »

Un étrange sourire ourla ses babines sombres, indéfinissable, alors qu’il effleurait les pots de terre cuite du bout des coussinets, une lueur froide au fond des yeux.

« - Je les ai appelé Rêve de Dragon. Pour faire simple, c’est un gaz lourd hautement inflammable, composé principalement de phosphore blanc et rouge, ainsi que de salpêtre. Une fois la jarre brisée, il se diffusera sur plusieurs mètres de diamètre comme une brume opaque. Visible de jour comme de nuit grâce à la réaction chimique du phosphore ; les nuages de gaz brilleront même dans le noir de sorte à les localiser. On pourrait en jeter pour forcer les Licornes à se rendre en une place plus stratégique pour nous si jamais nous venons à sortir des périmètres que tu auras préparé, Achroma. Attention toutefois, ils sont aussi toxique à respirer. »

L'avertissement valait toutefois davantage pour lui et Kaalys que le vampire. Ils survolaient à présent la forêt et il observa la frondaison des arbres avec une anxiété qu’il ne parvenait pas à apaiser. Les Licornes et leurs terribles légendes avaient bercé toute son enfance, confronter ces créatures éveillaient en lui des sueurs froides. La seule raison pour laquelle il se trouvait ici était sa confiance absolue en Achroma et la certitude que ces créatures pouvaient être blessées et, par suite logiques ; qu’elles pouvaient être tué. Préférant se concentrer sur un sujet qui le mettait plus à l’aise, il présenta une autre poignée de pots, cette fois enroulés de tissus et de cordages sous sa patte droite, sur l’autre flanc de Kaalys.

« - Celles-ci s’appellent Étoile Dansante et elles explosent autant sous l’effet d’une flamme d’où la mèche qui en dépasse, que sous un fort impact. Elles sont constituées de salpêtre et de souffre, mais aussi de gravillons pour créer les frictions qui embraseraient le souffre. L’idéal serait de les jeter dans les nuages de gaz libérés par les Rêve de Dragon pour faire une réaction en chaîne en notre faveur. Il faut juste être attentif à leur fragi… Hein ?! »

Il tourna alors vivement la tête, oreilles droites et poils hérissés le long du dos. Ses yeux au vert acide fouillèrent la mer d’arbres en contrebas avec hâte. Cela faisait combien de temps qu'ils volaient ? Cinq, dix minutes ?! Auraient-ils déjà des problèmes ?

« - Vous avez entendu ? Un cheval vient de hennir… Que vous disent vos liens avec Aldaron et Nahui ? Sont-ils en danger ? »

Était-ce une véritable alarme ou bien le jeu d’illusions avec les Licornes venait de commencer ? S’il était le seul à avoir entendu, pouvait-il vraiment le prendre sérieusement ? Normalement à eux trois, ils avaient des sens largement supérieurs à la moyenne, mais tout de même. Avec le vent et ses récentes explications, peut-être n’auraient-ils pas tout entendu de ce qu’il se passait sous les branches épaisses des arbres. Il grogna un peu et fouilla pour sortir son Miroir enchanté de la vision lointaine. Prenant une profonde inspiration, il lui intima de montrer Aldaron.


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Dernière édition par Le conteur le Lun 13 Avr 2020 - 15:43, édité 1 fois

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'MJ' : 81, 71

Elle faisait dix centimètres. C’était une sorte de gros lézard, avec des ailes, une tête triangulaire, un regard vide, un souffle tranquille, et un tourbillon de pensées partagées avec son Lié, et parfois avec Lié-de-Lié. Elle appelait parfois ce dernier “frère-de-feu”, ayant bien compris qu’ils avaient un intérêt commun. Frère-de-feu, donc, avait depuis peu pris la tête d’une nuée de bipèdes, et Lié avec lui. Ce qui était actuellement un tout petit lézard était pourtant un océan de fierté quant au nouveau statut des Siens. Après tout ce temps passé à attendre, à être trop petite pour agir, à ronger son frein en contemplant la déchéance des bipèdes, un espoir se profilait enfin. Il était temps de montrer au monde ce qu’ils étaient, eux, les Dragons et leurs Liés. Il était temps de leur rappeler à tous qu’ils étaient faibles et inférieurs, tant que nul dragon ne leur avait ouvert les yeux sur l’étendue du monde.

Cette première grande chasse constituait un excellent point de départ. Nahui écoutait d’une oreille un peu distraite le plan qu’elle connaissait déjà. Quand bien même l'eût-elle oublié, elle aurait pu le retrouver par son Lié. Ce dernier lui offrait quelque distraction par l’attention qu’il portait à l’assemblée. Son amertume était un délice que la dragonne aimait à cultiver. Oui ! Oui, ils étaient stupides ! Oui, leur présence était dangereuse ! C’était pour cela qu’ils devaient à nouveau faire fondre le métal du monde, pour qu’il prenne leur allure plutôt que celle de ceux qui s’opposaient à eux. Une légère vibration s’échappait de la petite, bien enroulée au creux d’une écharpe. Une vibration de contentement. Elle le sentait bouillir, son Lié, et elle savait ce que cela voulait dire.

Nahui ne put s’empêcher de redresser la tête, et remuer vigoureusement la queue, quand les premières têtes tombèrent. Du sang ! De la mort ! Et enfin, son Lié qui imposait son nom ! Aldaron put recevoir de sa Liée d’intenses vagues de satisfaction, de joie, d’excitation. Voilà ce qu’elle voulait voir, voilà ce qui la ravissait ! Une deuxième tête tomba, et elle ne put contenir un glapissement fier, qui eut le bon goût de n’être que peu audible.

Ainsi partirent-ils, tous deux, à dos de cheval. La dragonne s’enroulait et se déroulait dans l’écharpe, toute heureuse, félicitant moult fois ce Lié qu’elle aimait tant.

“- Elusis ! Elusis !”

Elle répétait le nom, mais portait avec lui tout ce que cela lui inspirait : une Nuée puissante, une étoile montante, l’avenir entre leurs ailes. La chasse était déjà prometteuse. Ils allaient venger Lié, et nul n’oserait plus s’en prendre à lui. Ils allaient prouver au monde qu’ils étaient invincibles, et forts.
C’était emplie d’assurance que la belle dirigeait son Lié, usant de sa propre force à elle, sa petite différence qui en ce jour devenait une force. Suivre les flux était une évidence pour elle. Elle pouvait même se permettre d’apprécier dans un même temps le roulis harmonieux du galop, l’odeur du sang, du cheval, et le souffle du vent autour d’eux. Néanmoins, après un moment à galoper ainsi, sa joie se fit plus calme, et la concentration dont elle avait besoin pour les guider devenait de plus en plus gourmande en énergie. Il y eut comme une sorte de vent au sein de la magie, léger. Elle n’y prêta pas attention.

Ce fut fort dommage. Brusquement, son petit corps partit dans les airs, se détachant de celui de Lié. Tout juste put-elle voir l’obstacle devant eux, la monture qui réagissait. En revanche, elle n’eut guère le temps d’ouvrir les ailes. Un juron tout à fait draconique parvint à Aldaron lorsque son adorable petite tête s’enfonça dans la poudreuse, et que le choc lança une douleur tout le long de son cou. Elle s’en sortit prestement, aidée par la violence de sa colère. C’était un outrage ! Et ils allaient payer.

Qui étaient-ils ? Des ennemis. Combien étaient-ils ? Peu importait. Quelle était leur nature ? Peu importait ! Tous devaient périr. Usant du don de sa mère, la dragonne commença à grandir. Elle voulait devenir la plus grande possible. Ce faisant, elle prit soin de s’écarter de Lié, et commencer à chercher, aidé par son bipède, sa première victime. Son esprit poussa un rugissement rauque à la cantonade :

”- Soit vous êtes un Elusis, soit vous êtes un ennemi des Elusis !”

Et sa patte s’abattit sur un ennemi des Elusis indiqué par Lié.

Aldaron qui essayait de le prendre par les sentiments pour qu'il exécute leurs dissidents à grand coups de flammes. Si on lui avait dit que ce serait à quoi son bien-aimé ressemblerait après sa vampirisation, il aurait rit au nez de l'importun le lui dépeignant et l'aurait chassé avec dédain. Sauf que dans sa candide admiration pour l'homme qu'il aimait autant qu'un dieu, il avait oublié à quel point la vampirisation peut vous changer, il avait oublié à quel point se reconstruire était un travail unique en son genre et à quel point deux constructions ne pouvaient être identiques en tout point. Et en fin de compte il l'aimait d'autant plus pour ces changements. On ne pouvait douter, pour toutes ses singularités, Ast qu'il était, qu'Aldaron était vampire. Pas une de ces chiffes-molles de Nevrast qui jouaient à être humains en piétinant tout semblant d'identité raciale qu'ils aient jamais possédés. Mais même si ces contestataires obtus refusaient de lui céder, il n'avait pas spécialement envie de les envoyer à la mort ou de les tuer lui-même. Le voir élever la voix lui tira un bref sourire en coin, tranchant tout autant qu'amusé. Aldaron faisait voix du sentiment général chez les Elusis, beaucoup de membres de son clan pensaient qu'ils perdaient leur temps à vouloir tendre la main aux gens de Nevrast. Peut-être avaient-ils raison. Il était, à son sens, trop tôt pour le dire avec certitude.

Sans bouger, dos aux vampires visés par les propos de son Inséparable, il fit mine d'attendre. Pour autant, le flux de magie qui alimentait son corps frémit et se condensa un peu plus. Il sentait, lui aussi, le mécontentement de ces êtres jusque dans sa peau. Ils se laissaient atteindre bien facilement, semblait-il. Il ne bougea pas quand le premier vampire s'avança, et il ne bougea pas plus quand sa tête roula au sol. Aldaron avait hélas raison, ceux qui s'aventuraient dans la forêt devaient avoir le cœur solide, s'ils se laissaient piéger par si peu, ils ne méritaient pas de vivre. « Que deux » Il y avait d'autres mécontents, dans l'assemblée pourtant. Dommage. Il attrapa machinalement la boussole à son cou pour jouer avec le fermoir, l'ouvrit. Avec Aldaron à ses côtés, la seconde chose qu'il désirait le plus restait fermement orientée vers la forêt. Ils allaient pouvoir y aller rapidement et… qu'est-ce que sa boule de plumes faisait exactement là ? Il n'allait pas… et bien si, de toute évidence, il allait. L'angoisse planta ses griffes en lui. Il ne se souvenait que trop bien ce que la Licorne avait infligé à leur groupe la dernière fois et encore davantage à son compagnon, alors le voir partir ainsi ? Ce n'était forcément pas pour lui plaire outre mesure. Pas du tout, en fait. Mais montrer son angoisse n'aurait fait que le desservir.

Ravalant l'inquiétude qu'il nourrissait comme une plante à la croissance opulente, le Parangon donna ses directives à son principal capitaine, Glen Avarion. Lui aussi était un ancien membre de la première expédition et le premier vampire à l'avoir reconnu pour dirigeant. Lui aussi savait à quoi ils avaient affaire et il devait servir de lien entre Nevrast, eux et les avant-postes, commandant les troupes restées en arrière. Bien que guerrier, il était un Elusis lui aussi, pleinement. Puis il rejoignit rapidement Kaalys, lançant à la cantonade. « Il ne sera pas dit que la Main de la Magie a perdu de son doigté » Tous deux avaient déjà conclus intérieurement de ce qu'ils devaient faire et le haut-mage grimpa rapidement en selle, devant juguler son vertige mais trouvant dans son inquiétude pour Aldaron et sa rage à l'égard de la Licorne du fuel pour avancer sans se retourner et sans hésiter. Il étreignit l'esprit du dragon d'ébène, en sentant confusément son inconfort. Cette fois, plutôt que de parler à haute voix, il fit appel à la voix de son esprit pour lui transmettre du réconfort, mais également pour réellement prendre en compte ce discret élancement dont son lié était la proie. * Si ton pressentiment se précise, préviens-moi, d'accord ? On ne peut jamais savoir...* S'il avait simplement pu brûler la forêt…

Ils décollèrent, lui causant une soudaine montée d'angoisse, et il s'accrocha au pommeau de la selle. *Désolé. Bon sang, un jour j'arriverais à me détendre* C'était vexant pour Kaalys, il en avait bien conscience, son lié avait un vol très souple et égal la plupart du temps, agréable même pour lui sur de longues distances tant qu'il ne regardait pas en bas. Mais dès qu'il avait conscience de la distance, il angoissait terriblement. Expirant sèchement, il attendit que le grand ébène monte au-dessus de la futaie et il s'assura de lui confirmer la direction qu Aldaron prenait. A dos de dragon, ils avaient beau être partis en retard, ils avaient déjà presque rattrapé le cavalier.  Ils prirent le temps d'écouter les explications de Purnendu sur leur matériel, notant intérieurement de quoi il s'agissait et l'effet de chaque bombe. Le vampire remercia son ami, avec une chaleureuse sincérité. Son aide serait un supplément de sécurité dans cette chasse. Et pour le moment, aucune Licorne ne se montrait. Et puis, soudainement, il y eut un hennissement, son œil droit clignota en couleur, et il se tendit. Toutefois, ses sens comme son lien avec Aldaron n'indiquaient pas de signe de leur objectif. Quoi qu'il vienne de se passer, ce n'était pas la Licorne. « Une embuscade »

La canopée trembla et dans le silence morbide des lieux, il entendit clairement le cri de guerre qu'Aldaron avait entonné plus tôt. Purnendu tournait au même moment le miroir vers lui, pour conforter l'idée. Son Inséparable était encore à cheval mais prit dans un filet. Cela sentait le règlement de compte à plein nez. Un éclat de rage brute chassa toute autre idée de son esprit. Il devait absolument venir en aide à Aldaron. Qui pouvait bien dire à combien ils se seraient mit là-dessous ? Il sentait quatre vampire pour le moment, le cinquième venait de trépasser mais ça ne voulait rien dire en soi, il existait bien des outils pour se dissimuler, y comprit magiquement. « Kaalys, Nahui s'est coincée » Elle ne devait pas s'être attendue à prendre tant de volumes d'un coup. Ou pas assez pour s'éviter le problème. Rapidement, il lui fit part de son idée, en ressentis et images pour plus de vitesse d'exécution. Il voulait user de sa maîtrise de l'air pour leur créer un trou dans la canopée, en concentrant assez le vent pour lui imprimer de la pression, il serait plus coupant qu'une lame elfique après tout. Ainsi, ils pourraient descendre pour s'attaquer aux quatre vampires restant et si jamais il y en avait d'autre, à faire front avec Aldaron et Nahui. Il pourrait aider celle-ci à se libérer en usant du flux de destruction, et de sa capacité à corrompre, afin de faire pourrir en partie les arbres qui la coinçait. Ensuite avec l'aide du jais et sa propre force, la dracène serait certainement capable de se dégager.

Sans attendre, Achroma et Purnendu grimpèrent sur le dos du saurien. Ce dernier se redressa lentement, laissant ainsi le temps aux deux cavaliers de trouver leur équilibre sur la selle, mais aussi de s'habituer aux mouvements du jeune dragon. Réconforté par l'esprit de l'Ainé collé contre le sien, Kaalys l'étreignit à son tour pour lui signifier son soutien, mais aussi pour le remercier. Il déploya ensuite ses grandes ailes et s'élança au-dessus de la forêt, laissant Nevrast derrière lui.

- Vraiment ? S'enquit l'ébène avec une pointe d'humour. Ce dernier était habitué au vertige d'Achroma, qu'il ressentait non sans une pointe d'amusement et de moquerie. Le destin avait un drôle de sens de l'humour en pourvoyant un dragonnier de la peur du vide. Toutefois, bien que taquin, Kaalys rassura également son Lié d'une caresse mentale. Ce dernier n'avait rien à craindre et s'il tombait, l'ébène serait présent pour le rattraper... Mais c'était là une pensée que le dragon préférait garder pour lui.

Malgré la vitesse, Kaalys entendit parfaitement les explications de Purnendu vis à vis des pots que ce dernier avait arrimé contre ses flancs. Ainsi, ces petits gares qui cliquetaient contre ses écailles étaient des bombes. Le mot fit venir à lui les souvenirs d'explosions et de destructions, d'outils de dissimulation et de ruses. Il prit bonne note de l'avertissement du Graärh et l'en remercia, non sans souligner son esprit savant.

Soudain, un hennissement. Les écailles du dragon se hérissèrent aussitôt, davantage par crainte de voir Aldaron et Nahui blessé que par la potentielle présence de la licorne. Mais ce n'était pas elle, l'esprit d'Achromat vint rapidement le confirmer alors que le duo était invisible, caché par les arbres. Le dragon stoppa son vol, battant furieusement de ses grandes ailes pour demeurer stationnaire au-dessus de la canopée. Le vent se mit alors à gronder sous le commandement d'Achroma tandis que le vol de Kaalys demeurait parfaitement maîtrisé, aidé par la présence de Trap'étoile qui flottait près de l'une de ses cornes.

Lorsque la vue fut parfaitement dégagée, Kaalys n'eut aucune difficulté à voir la scène qui se déroulait au sol. Aldaron faisait face à un vampire, l'épée au poing, tandis que deux autres pointaient leurs arbalètes en direction de Nahui. Cette dernière était effectivement coincé dans les arbres, la forêt étant plus dense que dans les souvenirs de Kaalys.

Ce dernier décida de suivre la pensée de son presque-lié et vint se poser lourdement sur le sol dégagé, ses ailes parfaitement repliées contre ses flancs. Sa gueule s'inonda de flammes bleutées, mais celles-ci ne quittèrent pas la barrière de ses crocs. Cela lui donnait une allure terrifiante tandis qu'il tendait les pattes, bien décidé à frapper les traites de ses griffes acérées. Une fois débarrassé des deux importuns, Kaalys serait en mesure d'aider Nahui à se défaire des branchages qui lui barraient la route.

Dernière édition par Le conteur le Jeu 23 Avr 2020 - 12:54, édité 2 fois

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'MJ' : 66, 15, 37, 43

Le vampire face à Aldaron pare l'attaque et parvient à le repousser en arrière.
Kaalys surgit des cieux pour abattre ses griffes terribles sur les ennemis. Au moment où il arracha la vie des deux vampires ceux-ci tirent maladroitement. Le premier carreau vient causer une blessure mineure à l'aile droite de Nahui, le second carreau ripe sur les écailles n'occasionnant aucun dégât.

Il ne reste plus que deux assaillants.

Il s’agissait de son premier vol, le genre officiel à dos de dragon avec une selle, mais surtout un autre passager. Dire que sa morphologie ne se prêtait pas de base à ce genre d’expérience serait un euphémisme. Contrairement à ses cousins du sud davantages développés en longueur et en harmonie, Purnendu faisait encore partie de cette branche graärh terriblement proche de ses ancêtres et à l'anthropomorphisme limité. Déjà mal à l’aise dans son assise, la moitié du fessier hors de la selle et les mains baladeuses entre les bords de cuir et la silhouette de son presque frère : il ne savait pas où s’accrocher sans risquer de basculer dans le vide ou de blesser ses amis. Aussi son long discours sur la différence entre les deux bombes et leurs composés chimique avait aidé à chasser son malaise persistant et, de façon totalement égoïste, le soudain hennissement avait participé à lui faire oublier un instant qu’il volait à plusieurs centaines de mètres du sol.

Un rappel qui lui fut d’autant plus virulent qu’il s’effectua à peine quelques secondes après qu’il ait sorti le miroir de vision lointaine. Purnendu eut à peine le temps de ranger l’artefact magique qu’ils descendaient à une vitesse vertigineuse. Stabilité de vol ou pas de la part de Kaalys, le pauvre graärh sentit ses cuisses glisser le long des écailles d’obsidienne, le poussant toujours plus vers l’arrière. Le vent siffla bientôt à ses oreilles et la cime des arbres se rapprocha dangereusement. Lorsque le vent redoubla, que la magie crépita dans sa fourrure et la lui gonfla d’électricité statique, le cri viscéral que le pauvre herboriste tenait au fond de sa gorge nouée se libéra en un miaulement grave et terrifié. Ses longues griffes percèrent le cuir de la selle alors qu’il s’y accrochait de toutes ses forces. Sa queue gonfla comme un écouvillon et ses pupilles se dilatèrent jusqu’à manger tout l’iris.

Puis ce fut le contact avec le sol. La tête bourdonnante, Purnendu glissa au bas du dos musclé de leur allié draconique et tomba lourdement dans la neige. Le contact avec le plancher des yak l’aida grandement à se focaliser et il observa ses alentours avec son estomac qui continuait à faire du bandalore. Progressivement, son esprit se focalisa et il remarqua plusieurs choses ; Aldaron était aux prises directes avec un adversaire, tandis que Nahui bloquée dans les arbres à cause de sa taille était blessée à l’aile et dans l’incapacité de bouger à moins de se réduire en une taille plus convenable pour son environnement. Les pupilles du graärh se rétractèrent et il tourna la tête vers une silhouette qui attira aussitôt son attention. Immobile, à distance du combat à la façon d’un spectateur extérieur, plusieurs détails firent toutefois se crisper l’herboriste. Quelles étaient les cosses qu’il tenait dans les mains ? Sur le moment, il lui était impossible de les remettre mais elles ne présageaient rien de bon.

Son regard se tourna ensuite sur l’aile de Nahui dont la pointe d’une flèche venait d’entailler et il ne lui fallut qu’une fraction de seconde pour déterminer que la blessure n’était -heureusement- que mineure. Si la petite n’agitait pas son aile comme un moulin alors il aurait tout le temps de s’en occuper plus tard et ce, sans qu’il n’y ait de séquels à déplorer. Son attention se reporta donc sur Aldaron et il invoqua les faveurs de l’Hippopotame pour le doter de son bouclier éthéré qui couvrit son corps à la façon d’une seconde peau légèrement irisée. L’opacité était parfaitement dosée, suffisamment présente pour avertir son nouveau propriétaire de sa présence, mais pas assez opaque pour lui gêner les sens et risquer de fausser ses mouvements. N’ayant pas à craindre pour la sécurité d’Achroma et sa capacité à faire la sauterelle au travers de la Trame, Purnendu se tourna vers l’étranger observateur. Dans la confusion du combat, avec l’obstruction visuelles des deux dragons et des arbres, il y avait de trop grands risques pour qu’il prenne la fuite sans être remarqué.

Le graärh tomba sur ses quatre pattes et roula des épaules alors qu’il se massait sur lui-même. Entre ses bottes glyphés et sa familiarité avec l’environnement neigeux, une petite chasse à court dans la forêt ne le dérangeait absolument pas. Bien sûr, il ne comptait pas s’éloigner au point de perdre ses alliés de vue, ce qui nuirait totalement à leur plans et le mettrait lui en danger. S’isoler dans Licorok revenait à signer son arrêt de mort vu la situation présente ! Purnendu se massa donc, gonfla ses muscles avant de bondir dans une détente puissante et directement sur la cinquième larron de cette pitoyable tentative de piège. Sur ses quatre pattes, il courait plus vite qu’un cheval et histoire d’ajouter une touche supplémentaire au tableau, il déploya l’aura intimidante de l’Hippopotame et retroussa les babines pour montrer six énormes canines courbes ainsi que le reste de sa dentition prédatrice. Loin d’effectuer toutefois une charge aveugle, il surveillait les cosses de l’inconnu car il soupçonnait des bombes artisanales ou des gourdes contenant un produit ou un gaz nocif…

En quittant Kaalys, il avait noté que ce dernier avait couvert leur propre réserve de bombes à l’aide de ses ailes, mais qu’en était-il de ce vampire isolé ? Rugissant à plein poumons, Purnendu bondit sur lui toutes griffes et crocs sortis, prêt à s’engager en pugilat contre ce traître. Personne ne blessait ceux de sa tribu !


* * * * * *

Dernière édition par Le conteur le Jeu 30 Avr 2020 - 10:48, édité 1 fois

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'MJ' : 100

Nahui remuait vigoureusement la patte, pour en détacher les restes du non-Elusis qui s’y étaient accrochés, quand la douleur explosa au niveau de son aile. Plus que la souffrance, ce fut surtout son offuscation qu’elle transmit à Lié : comment était-il possible qu’elle présentât encore une faiblesse, elle qui était invincible ? Ce ne pouvait être de leur faute ; c’était fatalement celle de leurs assaillants, qui ne respectaient pas la trame de la réalité ! La licorne devait assurément être en jeu, et tout cela n’être qu’illusions. La douleur elle-même était une illusion. La dragonne agita ses ailes autant qu’elle le pouvait, pour se le prouver.

Kaalys, cet étrange mâle qu’elle n’avait encore trop pu appréhender, la libéra de ses entraves, et de quelques assaillants. Elle lui transmit sa reconnaissance, avant de tourner son attention vers la scène, cherchant à discerner ce qui s’y tramait autant qu’elle le pouvait. Deux non-Elusis demeuraient. Elle ignorait si l’illusion venait bien de l’un d’eux, de la licorne, ou d’un savant mélange de ces facteurs. Dans tous les cas, tous allaient périr, illusions ou non.
Lié faisait face à l’un des derniers vaillants opposants. Il était surprenant que ce dernier n’aie pris ses jambes à son cou devant la mort de ses congénères. Nahui ne lui donnait pas plus d’un bâillement d’espérance de vie. En revanche, pour le Grand Félin Touffu, la vie avait l’air plus complexe. Il s’était attaqué à un bipède couvert de petites créatures. Des chauves-souris particulières. Six, précisément. Fatalement, les créatures n’apprécièrent guère que l’on s’attaque à leur support. Pour avoir déjà fait la sieste sur les genoux de Lié, et avoir été dérangé par les mouvements d’un Lié que l’on forçait à se mouvoir, Nahui les comprenait.

La dame des neiges aurait sans doute pu tenter de communiquer avec ces créatures, leur proposant de se diriger vers une direction où la sève était meilleure. Elle n’était néanmoins pas sûre de pouvoir franchir le voile de panique qui s’empara d’elles. Un bien meilleur plan lui vint, conforme à d’autres nécessités. Après tout, cela faisait bien une bonne heure qu’elle n’avait rien mangé, la faim se faisait sentir ! Ces bestioles pouvaient être un bon moyen de casser la faim. Sans plus vérifier si quelque branchage se mettait entre elle et les créatures,  confiante envers le nettoyage effectué par Kaalys, Nahui projeta sa tête vers l’avant, cherchant à gober en un éclair les quatre en-cas qui avaient pris la route de Kaalys et Achroma. Il en restait deux autres, dont elle espérait bien se charger.

“- Frère-de-Feu, puis-je te laisser t’occuper du Non-Elusis qui s’en prend à ton ami-félin ?” Demanda-t-elle délicatement à Achroma, dans le même temps où elle proposait audit Félin de se laisser faire, ne pas s’inquiéter de sa proximité. Elle allait l’aider. Son museau s’approcha avec douceur de lui. Elle goba les Jonkped qui avaient eu le malheur de l’ennuyer.
Mais c’était étrange, tout de même. Ces créatures n’étaient normalement pas aussi poilues.

Alors qu’ils plongeaient vers le sol, Achroma remercia une fois de plus le don de Dawan à son lié qui réduisait l’impact du vent et des distorsions météorologiques sur son vol, et Kaalys lui-même d’être aussi doué dans ses atterrissages. Il avait réellement une sainte horreur de sentir avec autant d’acuité la profondeur qui le séparait du sol et les grands troncs imposants n’aidaient vraiment pas à se sentir en sécurité quant bien même ils arrivèrent en bas sans aucune perte. Il laissa le dragon de jais s’occuper de deux des vampires et descendit de son dos avec raideur. Son pied se prit dans une des sangles et il dégringola dans la neige tête la première, s’enfonçant dans la poudreuse qui vint s’infiltrer dans le col de fourrure de sa tunique et dans ses cheveux. Couvert de neige collante, le vampire se redressa sans cacher sa mauvaise humeur soudaine et observa ce qu’il avait pu manquer pendant quelques instants. Nahui était de nouveau libre de ses mouvements, même si, avec sa taille, cela restait difficile de se mouvoir entre les arbres. Purnendu s’attaquait à un vampire et Aldaron à un autre. L’adversaire du graarh semblait le plus préoccupant, de ce qu’il en voyait. Couvert originellement de créatures, celles-ci s’étaient détachées pour attaquer.

Il remercia Nahui de l’avoir débarrassé des siennes, lui confirma qu’il allait aider Purnendu, puis jaugea de la situation. Les créatures restantes étaient trop petites et agiles pour que les dragons s’en occupent de façon efficace, mais d’un autre côté tant qu’elles se focalisaient sur Nahui et Kaalys, elles ne faisaient pas beaucoup de dégâts, voire même aucun en fin de compte. Aldaron n’avait pas encore tranché la tête de son adversaire mais cela ne saurait tarder, ce n’était pas parce que l’autre se défendait qu’il n’allait pas finir par y passer. Il avait confiance en chacun d’eux, ce n’était pas vraiment le problème. Son problème, c’était que ces imbéciles de rebelles lui faisait perdre un temps précieux et qu’il avait un adversaire bien plus conséquent à affronter plutôt que de dépenser inutilement leur énergie ici. Ce n’était pas tant aider l’un ou l’autre, au final, et c’était bien davantage faire en sorte qu’ils avancent. Il cligna des yeux, usant du changement de geste clef de l’âme du forge-arcane pour n’avoir qu’à ciller afin de produire ses sorts. Au travers du flux de déplacement, il fit changer la puissance de la gravité qui liait leurs opposants au sol, pour les écraser contre la neige. Soit ils ne pourraient plus bouger et seraient des proies faciles, soit ils allaient simplement s’écraser lentement jusqu’au trépas contre le sol de la forêt.

Dans un cas comme dans l’autre, ils n’allaient plus l’ennuyer très longtemps, ni menacer ses alliés. Et c’était le principal. Et le support à créature alors ? Il l’avait visé également mais il se méfiait désormais de ce qu’il pouvait bien cacher d’autre. Il usa de la vision de l’aura, d’un clignement des yeux, afin d’en savoir davantage sur l’individu.

" Chloutrch " firent les corps des deux vampires lorsqu'ils furent éventrés par les griffes nacrées du saurien d'ébène. À moins que ce fut le bruit que fit Achroma en tombant dans la neige ? Si la situation s'y était prêtée, il y avait fort à parier que Kaalys aurait rit. Satisfait par la mort des deux vampires, le dragon noir avisa immédiatement Nahui, dont l'aile droite était blessée. Les deux morts avaient eu le temps de tirer malgré l'intervention rapide de Kaalys. Malheureusement, ce dernier n'avait pas le temps de s'intéresser davantage à sa semblable, car deux Jonkped s'approchaient du jeune dragon. Ce dernier les avisa et ne décela qu'une faible menace. Un bon coup de patte et les deux créatures étaient mortes.

Hélas, elles étaient agiles, vraiment agiles et Kaalys ne parvint pas à les attraper du premier coup, ni en s'y essayant de nouveau. Frustré, il s'apprêtait à attaquer de nouveau lorsque les deux petites créatures se tournèrent vers leur maître, transpercé au niveau de l'abdomen.

Ce n'était pas une épée, ni un lance. La licorne se tenait devant eux, sa corne aussi ensanglantée que les griffes du saurien d'ébène. Ce dernier se tourna aussitôt vers elle afin de ne pas lui exposer ses flancs, ni son dos, tandis que les Jonkped prenaient le maléfique équidé pour cible. Bien, il ne les avait plus dans les pattes.

BANG.

Le coup de feutonerre fut le signal pour Kaalys, qui se jeta de toute sa masse sur l'équidé écorné, toutes griffes dehors.

Dernière édition par Le conteur le Ven 15 Mai 2020 - 11:19, édité 1 fois

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'MJ' : 87, 68, 98

Des jonkpeds… Forcément qu’il fallait que ce soit ces parasites teigneux ! Ca ne pouvait pas être des bombes inertes et dociles comme il l’avait cru, ça aurait été trop facile. Freinant des quatre pattes, le graärh émit un grognement viscérale de colère et de frustration alors que les cosses se déroulaient et s’envolaient dans sa direction, mais aussi dans celle des autres. Heureusement pour lui, les deux dragons qui les accompagnaient semblaient tout aussi agacés que lui par l’apparition des créatures volantes. Malheureusement pour lui, des deux dragons ce fut celle aveugle qui essaya de le débarrasser des-dites créatures. Purnendu écarquilla les yeux quand il vit une gueule béante et bardée de crocs se précipiter vers lui et il se tassa précipitamment dans la neige dans l’espoir de voir un autre jour se lever. Le souffle rance du reptile l’enveloppa d’une chape tiède et la gueule claqua à seulement quelques centimètres de ses cornes, lui épargnant la vie, mais lui ôtant toutefois une longueur de fourrure au niveau de la nuque.

Jurant aux Esprits un chapelet d’insultes bien salées, Purnendu se releva et s’ébroua du surplus de neige seulement pour être à nouveau harcelé par ces saletés à cosse volante. Son affinité avec l'Hippopotame le protégeait de quelconques blessures, mais il lui était toutefois impossible de s’approcher du dernier vampire et puisque l’agilité des jonkpeds était bien supérieure à la sienne, le graärh se retrouvait contraint à simplement feuler et cracher pour essayer d’intimider l’essaim, mais sans grand succès jusque là. Il fallut l’intervention d’Ivanyr pour qu’il soit à nouveau libre de ses actions… ou bien s’agissait-il du coup de feu d’Aldaron enfin au corps à corps avec le dernier vampire ?! L’herboriste mit quelques secondes pour réaliser que ce n’était ni l’un, ni l’autre. Son regard glissa le long de la corne ensanglanté qui traversait le torse de l’homme, puis à la silhouette équine qui apparaissait enfin des brumes magiques et hivernales.

Son estomac se crispa. C’était la première fois de sa vie qu’il contemplait pareille créature et il comprit pourquoi son peuple la craignait autant, pourquoi ils évitaient le bois de Likorok et s’isolaient au fin fond d’une toundra stérile. Puis le coup de feu retentit, brisant cet instant de catatonie stupéfaite et forçant le graärh à réagir avec un cran de retard comparé aux autres. Kaalys qui fondait sur son nouvel adversaire, des pieux de glaces qui volaient dans toutes les directions… D’instinct, il renforça le bouclier autour d’Aldaron et hésita à bondir lui aussi sur la licorne, mais il su aussitôt que ce serait une mauvaise idée. Il gênerait alors ses compagnons, lui qui n’était pas immunisé au feu et n’avait aucun lien télépathique avec les sauriens pour coordonner ses attaques. Par contre… le cliqueti des bombes aux flancs de Kaalys lui firent dresser les oreilles et un sourire mauvais ourla ses babines. Ils en avaient plusieurs de Licornes à ce qu’il paraissait, n’est-ce pas ? En tout cas, celle là n’avait pas l’air aussi brûlée que la dernière ayant croisé le chemin de ses frères de cœurs… autant rectifier ça !

“- Ivanyr, par ici !”

Appela-t-il alors qu’il accrochait les griffes dans le filet des Rêves de Dragons pour en sortir trois. S’il se souvenait bien des informations à leur disposition sur cette créature -et maintenant qu’il n’avait plus le mal de l’air, sa mémoire parfaite devrait à nouveau fonctionner droit- ; elle déformait la magie de la trame autour d’elle. Utiliser cette dernière pour l’attaquer de front risquait d’être périlleux, alors autant s’économiser des mauvaises surprises et se servir d’accessoires. L’effet serait le même au final. Purnendu jeta les jarres autour de la Licorne, n’ayant pas réellement besoin de viser, il voulait briser la délicate terre cuite de ses bombes afin de propager le gaz hautement inflammable qu’elles contenaient en une brume lourde, poisseuse même, tout autour de la créature de sorte à pouvoir l’y piéger quand son ami l’embraserait. Pour sa part, il claqua le flanc de Kaalys et hurla pour se faire entendre :

“- Recule toi un peu !!!”

Il était inutile que toutes leurs provisions de bombes explosent en une seule fois. Certes le spectacle serait la diversion tant recherchée pour accaparer l’attention de leurs proies… mais tout de même. Pour sa part, Purnendu alla glisser et se cacher derrière un tronc d’arbre, mordant le bout de sa queue pour être sûr de l’avoir enroulée contre lui. Il n’était pas ignifuge ! Même si la bave de Nahui lui collait encore le poils.



* * * * * *

La fourrure de l’ami-félin était fort peu nourrissante. Nahui s’en détacha vivement, déçue, soufflant prestement pour se débarrasser de ce duvet entre ses crocs. Ce fut avec un ronchonnement draconique qu’elle constata n’avoir pas même attrapé d’en-cas. Cela n’allait pas se passer ainsi ! Son esprit partit à la recherche de ces créatures. Aussi fut-il dans la bonne direction pour admirer la scène. Son repas s’attaquait à une présence magique fabuleuse, immense et puissante, mais surtout beaucoup trop proche de Lié.
Moult explosions d’actions eurent lieu. Le sang gicla de l’animal, son odeur imprégnée de la Trame chatouillant les narines de l’immaculée dragonne. L’hippopotame intervint, protégeant Lié de sa force tant flegmatique qu’impérieuse. Kaalys n’en profita pas, mais c’était là moins dramatique ; en fier fils des cieux et du feu, il disposait d’une armure naturelle. Non que Lié n’en ait point ; il était surtout question de ne pas entacher cette belle armure par des entailles de basse besogne.

Le combat faisait rage, les coups partaient, imprévisibles, chacun cherchant à surprendre son adversaire, trouver ses failles et en abuser. Nahui regretta de n’avoir pas réussi à grandir davantage, les arbres se mettant en travers de son chemin. Il eut été si aisé d’écraser la licorne. Fi de l’arme qu’elle arborait sur son front, ce n’était pas là ce qui aurait déstabilisé l’Invincible. Pour le moment, elle se trouvait bien encombrante, si grande, au milieu de tous ces éléments qui remuaient. Son instinct la poussa à vouloir saisir la licorne à pleine gueule. Après tout, son précédent casse-croûte s’était enfui, ne fallait-il pas quelque consolation ?

Une nouvelle odeur vint lui signaler de ne pas faire cela. Il y avait un plan, qui se mettait un place. Elle doutait que cela donne les fruits escomptés. Cependant, un des résultats serait certain : cela allait faire très plaisir à Frère-de-Feu. Pas question de priver ce grand enfant de son jeu préféré. Bien, il n’y avait donc plus qu’un geste à faire. Bousculant le monde entier, s’imposant, ne pouvant de toute manière se montrer plus délicate, Nahui bondit auprès de leur ennemie et de Lié. Ses crocs se refèrmèrent fermement sur l’encolure de la créature. Il était temps de faire feu ! Elle l’aurait volontiers fait elle-même, si elle n’avait pas eu la bouche pleine. Ou si elle avait pu faire émaner le feu d’un endroit autre que sa bouche. Son esprit appela Frère-de-Feu, l’encourageant à faire ce qui repaissait tant son âme avide de destruction.

Mais après tout, qu’est-ce qui l’empêchait, elle, d’offrir quelque flamme également ? Elle ne viendrait se mêler au gaz inflammable, mais ne serait sans effet. Par les ancestraux savoirs que sa mère lui avait transmis, elle créa en sa bouche d’intenses flammes, pour les écraser directement contre la licorne. Son repas serait cuit.

Enfin, la licorne était là, et son sens de l’entrée remarquée était parfaite. Et parfaitement au bon moment, il n’aurait pas fallu qu’elle apparaisse plus tôt que cela. Maintenant, ils pouvaient se concentrer entièrement sur elle. Cette rencontre, il l’avait attendu pendant des mois, un an entier, et il était enfin temps de régler leurs comptes avec la créature. Aldaron, qui avait été le plus touché par la Licorne la dernière fois, fut le premier à agir et si le silencieux ne perça pas leurs tympans sous l’explosion du feutonnerre, l’onde de la frappe se fit tout de même sentir dans l’air. Involontairement, l’ombre d’un sourire caustique vint tailler son visage. L’ombre de Kaalys le couvrit alors que son lié passait devant lui pour attaquer à son tour, le laissant légèrement sur l’arrière. Cette fois, il ne voulait pas foncer tête baissée, préférant au contraire s’assurer de leurs options avant de se décider. De toute façon, les autres occupaient très bien leur adversaire. Pour commencer, il prévint les autres groupes au travers de leurs anneaux des murmures, ne voulant pas les laisser dans le silence au cas où. Si la créature était là alors sans doute fallait-il revoir la zone de chasse.

Il sentit le flux de magie se tordre quelques instants avant que la Licorne n’attaque à son tour mais les dégâts étaient très légers. Et ce fut le premier instant où le vampire se fit méfiant. La créature qu’ils avaient combattu un an auparavant était bien plus puissante, bien plus terrible et même terrifiante. Là ? Il ne savait pas. Quelque chose semblait ne pas être à sa place. Est-ce qu’il s’agissait réellement d’une Licorne ou plutôt qu’une créature métamorphosée ou une illusion ? Pourtant, n’aurait-il pas sentit la magie de l’illusion si c'était le cas ? Surtout lorsqu’il usait de la magie d’érudition. De nouveau, il usa de celle-ci afin d’en savoir davantage sur leur adversaire et s’assurer de ce qui se passait. Cela ne faisait pas de mal dans tous les cas évidemment. Tandis qu’il vérifiait tout cela, la voix de Purnendu détourna une partie de son attention et il s’intéressa à ce que le graarh était entrain de faire. Purnendu voulait user de leurs bombes. Cela lui allait très bien, elles étaient là pour ça. En fait, cela aiderait à être certain de la nature de leur ennemi. Il laissa son ami lancer plusieurs jarres afin de diffuser le gaz contenu à l’intérieur puis se mettre à couvert.

Nahui semblait également motivée par l’usage du feu et elle lui faisait même la courtoisie de tenir la créature entre ses crocs. Usant de sa maîtrise du feu, il enflamma les poches de gaz placées sur la Licorne, ne se faisant pas de soucis pour ses alliés. Purnendu était caché, la monture d’Aldaron s’était éloignée et tous les autres ne souffraient pas des flammes. Mais il ne voulait pas simplement enflammer quelque chose et attendre de voir le résultat. Il chercha des yeux, près de la mêlée, un morceau de la corne brisée de la Licorne, l’attira en usant de télékinésie, et essaya de trouver dans ses affaires une de ses poupées à l’usage du flux de destruction. Il voulait essayer de relier une poupée sinistre à la créature. S’il réussissait, il pourrait la blesser sans trop se mettre en danger et surtout en esquivant, il l’espérait, certaines des protections de leur adversaire.