Cyrène. Quand on lui avait annoncé le lieu choisi pour la réunion de crise, suite à la fermeture soudaine des portes de la cité magique, Ilhan avait tiqué. Cyrène, du nom de ce Seigneur Lyssien d’Amburhùna, qui avait refusé de se joindre à la réunification des peuples amorcée par Tryghild et Thelem pour construire Delimar, ne pouvant se résoudre à accepter l'intégration des almaréens à leur peuple. Cyrène avait proclamé haut et fort ne pouvoir oublier ni les atrocités commises par ces fanatiques, ni la destruction d'une partie de Lyssa par une perle de Néant. Pour Ilhan, cela annonçait des relations difficiles, compliquées, et un très mauvais départ pour Delimar en cette réunion de crise. Quand bien même le petit-neveu du Seigneur Lyssien, Beorn Cyrène, qui avait choisi de s’installer près du Lac d’Emeraude, avait été bien peu suivi, comme en témoignait la petite taille du village et surtout sa dépendance à Ipsë Rosea pour assurer sa sécurité.
Toutefois Ilhan avait de suite déployé ses araignées tout autour de la ville et du village, ainsi qu’en son sein. Il avait également contacté celles déjà implantées et enfermées à Ipsë Rosea, pour les informer de l’arrivée d’un renfort de la Toile et de la délégation pour cette réunion de crise, leur demandant de se renseigner au maximum sur la situation interne et de l’informer dès qu’ils auraient des informations précises.
Cyrène donc. Village de misère bourbeux traversé par le fleuve Nannao, et petit village de pêcheurs, sans richesse aucune. Autant dire que dès leur arrivée, toutes les craintes d’Ilhan s’étaient confirmées. Le paysage champêtre aurait pu être des plus charmants, si le village ne semblait pas être une immense marre de boue géante en cet hiver frigorifique. Il bénissait sa nouvelle nature d’Immaculé et sa belle cape qui le protégeait, lui permettant de ne pas subir les âpres morsures du froid. Malheureusement immaculé ou non, ses bottes s’enfonçaient comme les autres dans cette fange sans nom. Et son regard, devenu bien plus sensible aux détails, n’accrochait aucune note de luxe qui aurait pu égayer un peu ce sinistre et sombre village qui empestait le poisson. Pourri, le poisson.
Les délégations étaient arrivées la veille et avaient été logées chez des habitants. Et là, cela avait été le pompon pour l’althaïen. Déjà, la délégation délimarienne avait été accueillie dans une ambiance des plus polaires. Il s’y était attendu. Mais on leur avait fait sentir plus encore qu’ils n’étaient pas les bienvenus : masures bien trop petites pour les géants glacernois, lits bien trop étriqués pour eux (au moins un avantage à être petit : le sien était pile à sa taille !), regards maussades, des salutations forcées prononcées sur le bout des lèvres, sans un sourire… Et des punaises de lit ?! Vraiment ?! Ilhan était à deux doigts de prendre la poudre d’escampette quand il se leva le matin, rongé de démangeaisons à certains endroits. Il regrettait soudain de n’avoir pas suivi certains glacernois qui avaient choisi de dormir dehors ! Il se croyait revenu à Cordont après la catastrophe qui avait frappé la ville ! Mais en pire !
Car oui, il se souvenait. De tout. Il avait maintenant récupéré tous ses souvenirs. Même si cela ne s’était pas fait sans douleur. Heureusement, il avait eu un peu de temps pour s’en remettre. Mais il se souvenait ! Cordont lui avait laissé un goût amer. Il sentait que Cyrène lui laisserait un goût plus bileux encore.
Et que dire de l’ambiance ! Il l’avait déjà remarquée la veille, mais c’était plus flagrant là encore, alors qu’ils sortaient et se rendaient à l’endroit où la réunion devait avoir lieu. L’atmosphère respirait un air étouffant, avec des relents de méfiance nauséabonds, même pour un paranoïaque tel que lui. Les ombres semblaient toutes aux aguets, les regards furtifs fuyaient tout contact, comme pour ne pas éveiller de soupçons. Il croyait ressentir là l’ambiance qu’il avait connue, il fut un temps, lors de l’inquisition almaréenne. En plus sinistre peut-être encore, par le confinement étroit de ce village misérable. De quoi se méfiaient-ils donc ? Des délégations ? Pourtant elles avaient été appelées explicitement !
Les cyrénéens avaient en outre un comportement des plus étranges à l'égard des gardes roséens. Leur soumission obséquieuse et leur empressement à répondre aux moindres injonctions de la garde puaient la peur, qui suintait de toute la ville. Mais de quoi étaient-ils donc tous effrayés ? Ilhan, dont les sens étaient mis à fleur de peau par cette ambiance, avait aperçu au détour d’un chemin un roséen semblant se cacher et éviter ostensiblement une patrouille de soldats comme la peste. L’un d’eux avait d’ailleurs été arrêté devant eux la veille déjà, dans une altercation houleuse, alors que le roséen avait tenté de fuir, mettant sa vie en grave péril, comme si se faire arrêter serait pire que la mort.
Ilhan avait tenu à accompagner Tryghild au Conseil, même s’il n’y resterait pas lui-même. Il tenait à la tenir informée d’une information capitale qu’il avait reçue, le matin même, d’une de ses araignées enfermées dans la cité des mages : Ipse était en fait en proie à une terrible et violente peste pétrificatrice venue des confins de Calastin. Si l’on songeait aux dangers des Ekkynopyres, il y avait tout lieu de craindre là aussi le pire ! Il informa Tryghild du peu qu’il savait : cette maladie qui sévissait pétrifiait les malades et était très contagieuse. Elle semblait s’être répandue d’abord par contact avec les les personnes infectées en touchant leurs plaies, mais elle semblait s’empirer et se propager maintenant dans l’air. Cela devait expliquer sans doute la fermeture des portes de la cité.
Il était à deux doigts de quitter Tryghild, quand il reçut une deuxième nouvelle majeure d’une autre araignée. Il se figea sur place alors qu’il écoutait. Un infiltré était peut-être parmi eux ! Aussitôt Ilhan revint sur ses pas, demanda à Tryghild de lui parler à l'écart dans une pièce, et lança un rapide sort de sonorité sur les murs pour ne pas être écouté. Il lui intima alors de rester sur ses gardes, l’informant qu’un infiltré pouvait être parmi eux, selon ses informateurs, pour se faire passer pour un Délimarien à Cyrène, afin de faire porter le chapeau à l'Intendante. Il n’en savait pas plus encore, et il lui demanda de rester discrète pour tenter de le démasquer.
C’est sur cette note des plus sombres qu’il la quitta, rejoignant leurs "quartiers" pouilleux en compagnie de Nayan, Valmys et leurs gardes et acolytes. Ilhan traina toutefois la patte, tirant alors Valmys en arrière, demandant aux autres d’aller de l’avant et qu’ils les rejoindraient. Il lui chuchota alors à l’oreille quelques mots rapides sur la situation, un infiltré était parmi eux peut-être, pour faire un coup fourré. Secret devait être gardé, lui précisa-t-il. Il ne donna pas plus d’informations, mais il lui demanda alors, s’il pourrait sonder le chant-nom de chaque personne de leur groupe, sans exception aucune, ainsi que le chant-nom de toute personne qu’il croiserait ensuite.
Puis, après un petit merci chuchoter au creux de l’oreille et une bise discrète sur la joue en marque d’affection, il l’enjoignit à rejoindre rapidement leur groupe. Sur le trajet, Ilhan sondait alors de son regard sombre ses propres gardes, source première de suspicion. Les deux géants glacernois, plus de deux mètres d’armure et d’acier, redoutables à l’épée du peu qu’il avait vu, étaient sans doute des frères : même barbe rousse, même tignasse hirsute de feu, mêmes yeux verts, et une mâchoire carrée semblant capable de broyer même la pierre tout aussi identique. Le troisième garde, un almaréen à la peau très sombre, excellent archer. Ilhan le connaissait assez bien avant même cette "escapade champêtre". Il l’avait déjà vu tirer et autant dire qu’il préférait ne pas être la cible de ce filou de serpent. Un quatrième garde l’accompagnait, une de ses araignées qu’il connaissait très bien. Aline Gianini, de souche aldarienne, mais althaïenne d’adoption quand elle avait épousé l’un des leurs. Elle avait rejoint la Toile à la mort de son époux et son maniement des dagues faisait froid dans le dos. Elle était maitre es discrétion, serpent hors pair, et adorait voleter d’identité en identité.
Ilhan avait un peu noué contact avec tout ce beau monde, lors du trajet. C’était une habitude qu’il avait adoptée à Cordont, de se rapprocher des soldats, ayant vite compris l’importance de s’intégrer en Delimar. Jusque-là, il n’avait rien remarqué de notable. Et même lorsque, sur ce petit trajet, il recommença à discuter avec eux, en leur posant ici et là quelques questions sous prétexte de mieux les connaître encore, sous couvert d’une bonne entente, il ne perçut rien de mensongé ou d’altéré, ni même d’omis. Rien de particulier qui ne puisse lui indiquer une duperie.
Il en était frustré et rongeait son frein autant que faire ce peu, quand soudain ils croisèrent la route d'un fuyard roséen apeuré, suivi de près par des gardes. Ces derniers imposèrent le couvre-feu de bon matin : tout un chacun devait se confiner à l'intérieur. Les villageois furent très disciplinés et Ilhan se vit poussé, un peu de force, avec son groupe, à l'intérieur d'une maisonnée.
Le propriétaire des lieux, lyssien d’apparence, les accueillit en grommelant, tout en fermant les volets et leur intimant d’un ton bourru de se rendre au salon sans tout déranger. Ilhan croisa le regard du Serval et lui offrit un léger signe de tête en guise de salutation. Rapidement ses orbes sombres se coulèrent sur une jeune adolescente, qui déjà montait à une échelle vers une petite mezzanine et se cachait sous une couverture assez odorante. Ilhan retroussa le nez. Des punaises de lit sans doute encore ! Aussitôt une démangeaison irrépressible le reprit. Puis il recroisa le regard du lyssien, qui pulsait de la puissance du serval. Bien, méfiance, pas touche à la jeune fille, si l’homme y était lié. Sans doute devaient-ils être père et fille. Bien, cela était noté. Offrant un sourire, Ilhan s’empressa alors de rejoindre les autres qui étaient déjà dans le petit et vétuste salon.
La maisonnée n'était pas bien grande et ils étaient déjà bien nombreux, quand un elfe les rejoignit. Lómion Estarus, qu’aussitôt Ilhan reconnut. Il le salua à la mode elfique, mais leurs retrouvailles furent coupées par l’arrivée d’un autre compère, aux allures bien austères. Ilhan tentait de se rappeler s’il avait déjà croisé ce visage, et d’y mettre un nom quand il entendit l’autre se présenter au lyssien.
Thôrmyr. Cela lui disait vaguement quelque chose, il avait déjà vu ce nom passer… Ah oui, au bureau d’études botanique ! Était-ce lui ? Ilhan tourna un regard tout autour de lui, vieille habitude lui permettant de noter les issues, et autres éléments douteux. Aucun élément ne l’alarma.
Et aussitôt il reporta son attention sur le petit groupe. Et trouva qu’ils faisaient là une bien grande ménagerie : cafard (vraiment ? Un frisson manqua lui échapper, et une autre démangeaison le titilla), scorpion, vautour et antilope en un trio combiné (ne l’avait-il pas vu avec la pieuvre ? l’avait-elle finalement abandonné ? Pour tout avouer, il lui préférait l’antilope, un peu de douceur, enfin, dans ce personnage haut en couleur, et cela seyait bien mieux à un caractère raffiné !), hermine (traitre, mais douce hermine pour laquelle il s’était tant pris d’affection…), lamantin qu’il connaissait déjà bien, chiens pour les deux frères délimariens dont l’un s’alliait en plus le cerf, serpent pour sa belle araignée, serpent, lièvre et raton-laveur combiné pour son almaréen de garde, corneille au-dessus d’eux, un autre serpent et un autre serval pour les deux acolytes qui accompagnaient Nayan. Il s'imaginait soudain ce que cela donnerait si chacun prenait l'apparence de son Esprit-Lié...
Il en était là de ses pensées, écoutant à peine la possible conversation qui avait pu commencer quand Thôrmyr aborda Valmys (ces deux-là se connaissaient donc… et une partie de son cerveau se souvint alors qu’effectivement une bonne partie de leur troupe avait été de l’expédition dans les souterrains de Cordont...), quand soudain, parmi les voix au-delà, Ilhan entendit un roséen hurler.
"Pitié ! Pitié ! Ne me ramenez pas là-bas. Je vous en supplie..."Le roséen se fit alors battre de coups, et Ilhan sentit son sang se figer de glace. Cette voix, il la connaissait ! C’était une de ses araignées ! Une de celles infiltrées à Ipse. Elle avait donc sans doute pu s’échapper. Mais plus encore, c’était une de ses plus fidèles ! Elle avait été l’un de ses plus forts soutiens du temps où il espionnait Fabius Kohan, en jouant le rôle d'un domestique... Et d'un ami.
Ilhan se sentit alors partagé. Il aurait voulu intervenir. Il fut tenté de copier le serpent, et de métamorphoser son habit en costume de garde roséen de haut grade pour aller extirper son araignée de ces sombres coups. Chaque résonance faisait manquer un battement à son coeur alors torturé. Mais non, ce serait trop dangereux. Il risquait de se faire démasquer, et alors cela retomberait sur la délégation délimarienne. Les relations étaient déjà assez tendues comme cela, sans qu’il n’ajoute un grave incident diplomatique. Il ne pouvait intervenir directement ainsi. Il allait devoir ruser…
Il se leva alors, d’un air faussement nonchalant, et demanda avec son sourire le plus charmant où se trouvait les lieux d’aisance. Aussitôt qu’il s’y réfugia, il sortit sa sphère enténébrée et activa Obsurdius pour s’isoler et ne pas être entendu, puis il s’empressa de contacter par son anneau l’araignée roséenne, toujours rossée de coups à l’extérieur.
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C’est qui-tu-sais. Je suis là. Calme-toi. Laisse-toi faire. Tu te fais battre pour rien. Laisse-toi faire. Es-tu touché, es-tu malade ? Je t’en prie, laisse-toi faire. Je te promets que je vais tout faire pour te sortir de là.Après un petit temps de silence des plus inquiétants, Ilhan entendit soudain, à la fois par l’anneau, mais aussi par les cris de dehors :
"Non, je ne veux pas retourner là-bas ! Je ne suis pas malade, je n’ai pas de marque. Je ne veux pas y retourner !"Ilhan tenta encore de le calmer, en vain. Il coupa court alors à la communication, en grommelant intérieurement, puis s’empressa de contacter une autre araignée, de celles qu’il avait déployées tout autour. Une araignée sélénienne tant qu’à faire. Si l’affaire tournait mal, autant détourner les soupçons autant que faire ce pourrait. Il ne voulait aucun lien avec Delimar pour ce qu’il s’apprêtait à faire.
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C’est qui-vous-savez.Un signal pour ne pas dire de nom quand il appelait ses araignées. Même s'il n’avait nul besoin de préciser au final : ses araignées reconnaissaient bien sa voix.
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Nouvelle mission.Il lui précisa rapidement la situation.
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Organise l’extraction. Pas de blessés si possible. Discrétion absolue. Mais prends garde. Si tu réussis, ne touche pas notre ami. Aucun contact. Cachez-vous tous deux non loin, en un lieu suffisamment isolé, mais pas trop éloigné. Aucun contact et isolement total pour tous deux jusqu’à ce qu’on en sache plus. Il dit ne pas être touché, mais contrôle-le. Totalement. To-ta-le-ment. Il faut être sûr. Vous attendrez ensuite mon signal, et tu surveilleras tout symptôme douteux. Si notre ami tente toutefois de fuir et ne veut pas obéir sous la panique… Prends les mesures nécessaires.L’araignée savait lesquelles. La décision était douloureuse, mais, même s’il voulait aider son araignée, il ne pouvait la laisser partir s’envoler dans la nature au risque de répandre la maladie sur tout l’archipel.
Quand il obtint l'acquiescement de son araignée signalant que les ordres étaient bien reçus, Ilhan désactiva l’orbe et la rangea. Il était pour sortir quand il songea qu’il valait mieux laisser une preuve formelle de son passage ici… il se força alors à uriner dans le sceau à l’hygiène douteuse, se rinça les mains dans la petite bassine à portée, fêlée et fuyant un peu, puis, masquant au mieux sa contrariété et son inquiétude, il revint dans la salle, d’un pas posé, savamment calculé. Il entendait toujours l’altercation dehors, qui commençait toutefois à se calmer, en défaveur de l’araignée, et son coeur saigna. Mais il n’en montra rien et se dirigea, avec son sourire le plus charmant, vers le lyssien alors non loin près d’un petit meuble, affairé à il ne savait quoi.
–
Je vous remercie grandement de votre hospitalité, et je m'excuse d’ores et déjà de la gêne occasionnée.Il comptait également sur les effets de sa cape pour apaiser tout sentiment hostile que le lyssien pourrait ressentir envers eux, lui tout particulièrement qui venait de la délégation de Delimar. Et espérait que son charme althaïen jouerait un peu pour lui aussi.
–
Votre maison est vraiment charmante ! Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour alléger votre charge, maintenant ou plus tard, dites-le-nous et nous nous ferons une joie de vous honorer.–
Mouais, dommage qu’on soit si nombreux d’un coup, on est un peu à l’étroit, grogna l’homme en jetant un regard sur l’attroupement autour.
Ilhan suivit son regard et acquiesça en silence.
–
Mais si vous voulez, fermez-moi donc cette dernière fenêtre là-bas, reprit le lyssien.
Et aussitôt Ilhan lui offrit un sourire des plus charmeurs en répondant, avec tous ses accents althaïens :
–
Avec plaisir.Et sans attendre, il obtempéra. Lui, haut dignitaire de Delimar, Conseiller de l’Intendante, allait fermer une fenêtre comme un simple domestique. Loin de s’en offusquer lui-même, il espérait que par ce geste, tout à fait à l’image de Delimar d’ailleurs, il montrerait que ses paroles n’étaient pas que du vent. Alors qu’il allait rabattre le volet, il aperçut son araignée se faire mettre rudement au sol et se faire embarquer. Il observa la scène et parvint à garder un visage lisse de toute expression. Bon, déjà, si son araignée ne fuyait pas, peut-être pourrait-il éviter de devoir abattre son ami !
Un peu plus apaisé, priant intérieurement pour que son autre sbire parvienne à mener à bien sa nouvelle mission, il revint alors auprès de ses compères et s’assit à côté de son frère. Sous la table, il s’empressa de lui attraper une main et de la serrer, en une recherche muette de soutien.
–
Nous voilà apparemment confinés ensemble de façon bien improvisée, mes amis, offrit-il alors à la petite assemblée.
Qu’avez-vous à proposer ?Puis se tournant vers le fameux Thôrmyr. Et lâchant la main de son frère.
–
Nous connaissons-nous ?Directives :
Cher Ilhan Avente, vous voici à Cyrène, situé au sud d'Ipsë Rosea, dans l'Alliance des Cités Libres. C'est un petit village d'environ 150 habitants sous influence d'Ipsë Rosea. Après la fermeture soudaine des portes de la cité de la magie, Cyrène se faisait un lieu tout désigné pour accueillir, en dehors des murs de la cité close, la réunion de crise. Déployant ses araignées autour de la ville et contactant celle implantées et enfermées à Ipsë Rosea, Ilhan a fini par apprendre ce matin même que la cité des mages seraient en proie à une terrible et violente peste pétrificatrice venue des confins de Calastin. Et cela, Ilhan l'apprit et l'annonça à Tryghild tout juste avant la réunion. Connaissant un peu trop bien l'Ekkynopyre, l'althaïen sait que tout ce qui sort de ces foutus sous-terrains n'est qu'ignominie.
Pour couronner le tout, Ilhan ne sait que trop bien que Cyrène porte le nom du Seigneur Lyssien, jadis sur Amburhùna. Si la majorité des lyssiens ont suivi la réunification des peuple amorcé par Tryghild et Thelem et conclu par la cité libre de Délimar, d'autres, plus en marge, ont tout bonnement refusé l'intégration des almaréens à leur peuple, n'oubliant ni les atrocités commises par ces fanatiques, ni la destruction d'une partie Lyssa par une perle de Néant. Le petit-neveu du Seigneur Lyssien, Beorn Cyrène, s'est installé ici, près du lac d’émeraude, appelant les siens à le rejoindre et à ne pas suivre Délimar. Malheureusement... Il n'a pas été beaucoup suivi, en témoigne la petite taille du village et surtout sa dépendance à Ipsë Rosea pour assurer sa sécurité.
Traversé par le fleuve Nannao prenant sa source dans le Lac d’Émeraude à l'est, Cyrène est typiquement un village de pêcheurs, sans richesse extravagante. Les délégations sont arrivées la veille et ont été logés chez des habitants. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la délégation de Délimar n'était pas la bienvenue. Lits et maisons trop petites, regards maussades, des 'bonjour' prononcés comme si on les avait forcé à un tant soit peu de courtoisie. Avec un peu de chance, vous avez pu vous trouver un endroit sans rats ou punaises de lit. Le tout est très champêtre, assez boueux en cet hiver, défait de tout luxe si bien que Ilhan, on se croirait revenu à Cordont après la catastrophe qui frappa la ville.... En pire.
La dernière information notable sur Cyrène, c'est l'ambiance. Il règne une atmosphère méfiante, aux aguets. On se regarde discrètement, furtivement comme pour ne pas éveiller de soupçons. Mais des soupçons de quoi ? Vous n'aurez pas manqué le comportement étrange des Cyrénéens à l'égard des gardes Roseens. Rond de jambe, obéissance stricte aux ordres sont monnaie courante : ils ont peur de quelque chose. Peut-être aurez vous aussi remarqué, au détour d'un chemin, un ou plusieurs roséens qui se cachent ici et évitent les patrouilles de soldats comme la peste, n'hésitant parfois pas à mettre leur vie en danger pour ne pas croiser leur route, comme si les rencontrer serait pire encore que la mort.
Ilhan a été témoin de l'arrestation de certains d'entre eux la veille, et ce fut particulièrement houleux. Après avoir conduit Tryghild au Conseil, Ilhan rentrait en compagnie de Teotl et de Valmys à leur... ''Quartier'' quand ils ont croisé la route d'un fuyard Roséen apeuré, suivi de prêt par des gardes qui imposaient le couvre feu de bon matin : tout un chacun devait rentrer à l'intérieur. Les villageois furent très disciplinés et le groupe d'Ilhan fut poussé de gré ou de force à l'intérieur d'une maisonnée, comme d'autres passant.
Les volets sont fermés par le propriétaire des lieux, un homme bourru d'une quarantaine d'année et sa fille adolescente. Ces deux lyssiens intiment les personnes ici à ne pas sortir pour ne pas fâcher les gardes Roséens. Le petit groupe se retrouve avec Demens et Lomion, réuni par les circonstances impromptues. La maisonnée n'est pas bien grande et une douzaine de personnes s'entasse dans dans la pièce principale. L'adolescente monte à une échelle qui conduit à une petite mezzanine et se cache sous une couverture assez odorante. Parmi les voix au delà, Ilhan entend un roséen hurler : « Pitié ! Pitié ! Ne me ramenez pas là-bas. Je vous en supplie... » Alors qu'il entend le roséen se faire battre de coups, Ilhan a le sang qui se glace. Celle voix, il la connaît, c'est celle de l'une de ses araignées et pas n'importe laquelle. Elle fut un fidèle soutien pour lui alors qu'il espionnait Fabius Kohan, jouant le rôle d'un domestique... Et d'un ami. Il sait qu'elle était à Ipsë Rosea, cette araignée, quand les portes se sont fermées. A l'entendre, elle se serait échappé et les gardes l'avait pris en chasse pour la renvoyer à Ipsë Rosea.
Que pense Ilhan de tout cela ? Comment réagit-il à la situation ? Interagit-il avec les autres personnes ?