Aux yeux de Claudius, la suite du combat ressembla plus à une exécution brutale qu’autre chose. Face à tous ces hommes d’un grand talent et d’une rare efficacité, le cracheur ne fit pas long feu, cette fois-ci.
Le Maître de Guerre obtempéra aux ordres successifs du chasseur, et ensemble ils purent vaincre Cynoë en un temps records. Ses tympans furent encore une fois mis à mal plus tard, mais le feu de l’action avait commencé à ranimer ses forces petit à petit.
Il était bien triste de penser d’ailleurs que le Havremont trouvait plus de satisfaction à enterrer ses principes plutôt qu’à véritablement protéger et exercer ses fonctions comme il se l’était toujours juré. Mais ce qui s’était passé aujourd’hui était très grave, et lui montrait encore une fois qu’au sein de cet échiquier, il était peut être le seul noble Sélénien à encore croire en son Empire, accompagné de ses rares hommes et femmes qui suivaient le Maître de Guerre les yeux fermés.
Alors oui, il avait commis l’affront ultime. Il avait fait un doigt d’honneur à l’histoire et au monde d’une façon générale en osant participer joyeusement au meurtre d’un dragon, créant ainsi une réaction magique autour de lui même et des hommes du chasseur assez étonnante : la nature s’agitait, Claudius avait même senti la terre brièvement s’agitait sous le poids de la chute de Cynoë.
Oh non, ce à quoi il avait participé n’avait rien d’anodin. Mais Claudius pour l’heure, s’en fichait. Ce qu’il avait fait, il l’assummait. Il n’avait cure des Dragons, et des débats qu’il y avait autour d’eux ses derniers temps. Pour le Havremont, ces êtres tout autant que la Magie n’était que des outils permettant à l’Homme de s’élever, et d’assurer sa suprématie au-dessus des autres.
Une suprématie qui devait se représenter par un Empire implacable et sans merci enver ses opposants. Beaucoup l’avaient critiqué pour cette vision des choses. Et pour beaucoup, l’ascension de Claudius au plus haut des strates de la Couronne n’avait pas vraiment de sens.
Mais ce que beaucoup ignoraient, c’est que peu importe la situation, Claudius n’abandonnait jamais les siens. Le Maître de Guerre avait la conscience d’être très dur, de ne parfois pas avoir la langue dans sa poche, et d’être parfois outrancier. Cependant, ce que le Havremont aimait plus que tout c’était son Empire, et les hommes et femmes qui le composaient. Aujourd’hui, alors que tous avaient détournés la tête d’une situation qui ne pouvait plus durer, ou s’étaient soi-disant déclaré inconfortable à la gérer, il avait été le seul, accompagné de ses hommes, à répondre présent.
Le
seul. C’était pour cette raison très précise, qu’il avait décidé de frapper Nolan Kohan et de tuer purement et simplement Cynoë, condamnant le second alors que le premier n’allait certainement pas tarder à le rejoindre dans la tombe.
Le Havremont avait décidé en ce jour que s’en était assez. Assez de ces hommes et femmes politiques d’apparat, qui n’avaient que faire de leur histoire, de leur territoire, de leur sujet. Assez de ces autres peuples qui venaient apporter la gangrène à un Empire au plus mal, n’ayant cure des hommes et des femmes qui n’avaient rien demandé à cela et qui désiraient simplement survivre alors qu’ils avaient tout perdu sur l’ancien continent. Assez d’accorder sa confiance à une direction qui avait une nouvelle fois briller par son inefficacité.
Alors pour toutes ces raisons, Le Havremont laissa partir les hommes du Chasseur qui n’avait rien à voir avec cette histoire là, et écouta le brave combattant Almaréen se présenter.
Naal du Néant, un homme important pour ce qui jadis était le continent Almaréen. Claudius n’avait encore jamais eu l’occasion de le connaître en personne, mais il ne détestait pas cette peuplade. Ils avaient des orientations politiques qui aujourd’hui étaient différentes, mais qui souvent se rejoignaient sur bien des points, ce que l’Oracle ne manqua pas de lui rappeler, dans un discours qui eut pour mérite de convaincre le Havremont sur le sort qu’il allait lui réserver.
Il le laissa aller au bout de ses idées, puis le Maître de Guerre intervint ensuite, après l’avoir patiemment jaugé quelques instants. Il tâcha de rendre le respect qui lui devait, à lui et son discours qu’il venait de faire :
“Mes hommages, Oracle de l’Unique. Si nos peuples sont aujourd’hui appeler à des aspirations différentes, je partage en bien des points votre discours concernant les Vampires. Ma famille n’a jamais vu ces êtres d’un bon oeil. Je veille sur ce danger depuis leur arrivée à Selenia …”Claudius eut un soupir, avant de terminer sa phrase :
“Et je suis bien content de trouver du soutien dans vos paroles, bien qu’il soit assez inattendu.”Bon certes, il trouvait cela dommage que ce soutien ne vienne pas de
son territoire, mais les événements avaient été éprouvants, et bien qu’il ne soit pas allié de l’Empire, Claudius savait reconnaître la valeure sincère d’un guerrier.
Ce Naal du Néant avait gagné sa confiance, pour cela, Claudius rendit son verdict, lui serrant la main avec force :
“Partez, Chasseur du Vide. Bien que la situation de notre Empire ait profondément changée, il n’est pour l’heure pas souhaitable que vous restiez ici, surtout après ce que vous avez fait. La prochaine fois, tâchez de faire votre besogne sans provoquer une émeute générale dans ma ville.”Le Havremont posa cette dernière phrase avec force, voulant bien se faire comprendre par l’Oracle, que plus jamais il ne devrait attaquer son territoire de la sorte. Car s’il avait été clément à son égard aujourd’hui, il ne le garantissait pas de l’être demain.
Il lui adressa cependant un sourire, avant de lui dire cette dernière phrase :
“Mais soyez assurés que moi, et mes oreilles se souviendront de vous. Que votre Dieu vous garde.”C’était peu de choses, mais Claudius savait ces mots ô combien important dans une bataille. Le Havremont se montrait encore une fois dur, mais reconnaissant quand quelqu’un le méritait. Une nuance que bien peu de personnes arrivaient à saisir.
Le Maître de Guerre tourna les talons, et alors que l’Oracle partait, il rejoignit les siens. Ses cavaliers, ses hommes. Ceux qui n’avaient pas faibli dans l’adversité, qui l’avaient suivi même quand il fallait se montrer rude envers leurs frères et soeurs impériaux. Comme à son habitude après chaque bataille importante, le Maître de Guerre salua leurs efforts, chacun d’entre eux, et les remercia aussi.
Au milieu des soldats, il trouva Lars, qui avait préparé un cheval pour lui. Il ne tarda pas à l’enfourcher, et lui glissa au passage :
“Tu sais Lars, je crois que nous sommes aux portes de nos heures les plus sombres. Tout le monde va devoir faire un choix.”Il n’épilogua pas plus la question, car le Havremont travaillait déjà dans son esprit ce qu’il allait bien pouvoir dire à son peuple, qui devait sans doute attendre des réponses après un tel mouvement de foule. Il demanda toutefois à son acolyte de lui faire un résumé de la situation, alors qu’ils marchaient ensemble vers la Capitale : comme prévu, Nolan avait correctement été déposé au Palais, et rapidement pris en charge.
Son état n’était pas au beau fixe, mais cela été à prévoir. Claudius n’était pas un mage expert, mais il avait un minimum de culture générale suffisant pour comprendre ce que le Lien pouvait causé quand on provoquait la mort d’un dragon.
Le Maître de Guerre n’eut pas une once de regret. Non pas qu’il détestait particulièrement l’empereur, ou les dragons, mais il estimait qu’il était grand temps pour les Hommes de se réveiller de leur torpeur, qu’il était grand temps de se serrer les coudes, et d’avancer ensemble. Peut-être que cet événement tragique allait provoquer le rebond qu’il espérait tant depuis qu’il était arrivé à Tiamaranta.
Au milieu de tout ceci, Claudius nota que le compagnon du Chasseur avait agi avec loyauté, ne faisant pas plus ce qui lui était demandé, se contentant de remplir sa mission sans trop d’accrocs. Naal du Néant et ses troupes semblait donc être un homme de parole, ce qui donna un peu de réjouissance au coeur de Claudius.
Concernant la révolte, celle-ci avait été arrêtée au plus vite : des mages de l’armée avaient fini par se mettre en branle et plongé les plus récalcitrants dans une profonde torpeur, aidé de quelques soldats vampires, passant sans doute par là pour s’attirer quelques lauriers sur leur tête. Mais le Maître de Guerre n’était pas dupe. Depuis le début il avait été seul, alors il n’adresserait aucun remerciements à ces chiens qui attendait simplement que Selenia brûle pour prendre le pouvoir.
Bon nombre de citoyens pauvres avaient été appréhendés, et avec eux l’ordre de la Rose Ardente. Il était question de savoir ce que l’on allait faire d’eux. Claudius baissa la tête un instant, cherchant à ce qu’il allait bien pouvoir faire.
Aujourd’hui, le Havremont n’avait pas envie de punir son peuple, car il ne le tenait pas pour responsable de ce qui avait été provoqué. Cette colère, elle était profonde, et sévissait depuis de trop nombreuses années maintenant. Claudius pensa que les divisions au sein de l’Empire, la perte de la totalité des possessions de chacun au sortir d’Ambarhunà, la grande pauvreté de Selenia qui peinait à retrouver sa grandeur d’autrefois et enfin les récents mouvements politiques, avaient fini de saigner à blanc un peuple las de tout ceci.
La famine, et une excitation pour un sujet d’actualité, parachevant ce climat social bouillant pour le faire exploser. A vrai dire, c’était triste à dire, mais la plupart des suspects auraient sans doute eu des meilleures conditions de vie en prison.
Alors non. Claudius pour une fois, allait se montrer clément, et réfléchir sérieusement à comment reprendre les choses en main, même si un plan commençait à se dessiner doucement dans sa tête. Tout n’allait pas pouvoir se faire aujourd’hui cependant.
Une chose était sûre cependant : le Havremont avait beau être un homme dans la force de l’âge, il n’avait pas fini de batailler. Il combatterait probablement jusqu’à son dernier souffle.
Quand Claudius fut de retour dans sa Capitale, il donna l’ordre sciemment, de réveiller puis libérer chacun des hommes et des femmes appréhendés, sans qu’aucune question ne leur soit posé. Il tâcha cependant de rassembler le maximum de soldats, citoyens, prêtres, sur une grande place de la Capitale.
S’il était fatigué, lessivé par une bataille qui avait usé ses nerfs et son corps, Claudius usa de ses dernières forces pour s’adresser à tout le monde. Une voix officielle devait guider son peuple. Le Prince devait parler à ses Sujets. Du haut de son cheval, face à une foule tantôt fatiguée par le lever soudain ou par les efforts fournis, Claudius s’exprima d’une voix puissante et posée connus de chacun de ses hommes.
“Enfants de l’Empire,
Votre colère a été entendu. Le dragon a été tué, j’ai participé à la fin de son dernier vol.
Aujourd’hui était la première étape qui nous mènera vers la gloire de notre nation, un futur radieux tel le soleil qui brille sur notre belle capitale.
Cependant, ce futur radieux ne sera accessible que si nous continuons nos efforts, et que nous travaillons dans une volonté commune de faire grandir notre territoire. Et dans cette quête, chacun à la possibilité de le faire rayonner.
Fils et Filles de l’Empire, Hommes et Femmes qui n’avez jamais cessé de croire en nous ... Tout comme vous l’avez fait avec force aujourd’hui, chassez nos ennemis, qu’ils soient ailés ou plus pâles, sombres et insidieux encore. L’Armée se tiendra derrière vous. Je défendrai votre voix, même si l’on doit me couper la tête pour cela, les défuntes déesses m’en soient témoins.
C’est grâce à nos efforts, du meunier faisant tourner son moulin au soldat payant de sa vie pour protéger les siens, en passant par le prêtre vous donnant la Foi et l’Espérance de continuer, que nous arriverons à nous sortir de ces heures sombres, j’en suis persuadé.
Pour Selenia ! Pour l’Empire !”Les plus fidèles hommes de Claudius reprirent la devise finale, et il leur adressa un sourire de gratitude. Le Havremont resta encore un moment dans la place, passant en revue les troupes qu’ils n’auraient pas vu, ou agissant comme une figure rassurante envers un peuple perdu.
Il resta ainsi, affairé pendant plusieurs minutes. Et ce n’était que quand la place fut vide, qu’il décida de partir, retournant à son bureau, une expression douce amère au visage.
Claudius de Havremont ne réalisait pas encore totalement, mais il avait probablement marqué d’un fer rouge l’histoire de son Empire.
Directives :
“Cynoë est mort, la campagne alentours est piétinée, fumante là où le sang du dragon s'est répandu. Celui-ci, bouillant, est pire qu'un acide et la terre autours du cadavre semble flétrir et se consumer alors même que la végétation semble croître de façon disproportionnée dans le même temps. La magie du dragon et sa capacité nourricière se diffusent hors du corps sans vie, rejoignant la trame et produisant une grosse croissance de la nature qui est immédiatement détruite par le sang volcanique. Pour autant, rien de plus ne semble avoir lieu. Au loin, des cavaliers approchent enfin. Ils sont encore assez loin pour ne pouvoir rien tirer de la scène mais le temps ne joue pas en la faveur des tueurs de dragons. Les hommes de l'Oracle s'en vont. Que fait Claudius ? Fait-il prisonnier Naal ? Le laisse-t-il partir ? Que ressent le maître de guerre après avoir vu tomber le dragon, figure des temps glorieux du vieux continent ? Et après avoir frappé un ancien empereur ? Que pense-t-il des avertissements de l'almaréen ? Dans le silence qui s'abat progressivement sur la campagne, l'air lui-même semble attendre la réaction du Havremont…. Une page cruciale de l'histoire de Sélénia vient de se tourner, Claudius en est une part active et importante. Quel impacte cela a sur lui ?
Voici également des informations supplémentaires sur la situation :
-Nolan se trouve au palais, déposé par le Brise-sort à qui il a été confié. Il a été prit en charge par des membres des lames écarlates et par des guérisseurs. Il va mal, l'impacte de la mort de son dragon lié a causé chez lui une folie sans doute passagère mais pour l'instant virulente. Le jeune homme n'a que des blessures physiques superficielles mais les guérisseurs disent que c'est un miracle qu'il soit encore en vie. Pour lui, les jours, peut-être les heures qui vont suivre vont être décisives. Aucun dragonnier n'a survécu à la perte de son dragon, alors que les dragons, eux, ont plusieurs fois survécus. Nolan délire et souffre d'une douleur impossible à comprendre, son âme fendue en deux, à vif. Le cavalier qui a ramené Nolan au palais a été retenu pendant un moment, mais comme Claudius le lui avait conseillé, à indiqué être là sous les ordres du maître de guerre et que celui-ci voulait mettre l'ancien empereur en sécurité. Il y a eut de nombreux témoins de l'arrivée du cavalier en ville, mais bien moins de cet interrogatoire rapide.
-Certains individus semblent plus affectés par la mort de Cynoë que d'autres : les mages ont une meilleure perception de la trame et ils voient la différence. Pour autant si Claudius se renseigne, il pourra apprendre que la raison du manque de répercussion du trépas du dragon est liée au Baoli. Sur l'Archipel, le puits des esprits est le principal filtre de la magie, pas les dragons, cette perte a donc un effet moindre sur la vie , la végétation, et ainsi de suite. Néanmoins, une discussion plus poussée apprendra au maître de guerre que la principale crainte vint de la réaction des autres dragons après cela, notamment du dragon de l'ire.
-La révolte au sein de la capitale a été endiguée. Une intervention de plusieurs mages de l'armée ainsi que des mages du clan Elusis a permit d'endormir les insurgés et de les rassembler, les mettant temporairement aux fers. L'ambiance est mitigée, la tension principale s'est dissipée sous les cris d'agonie de Cynoë, mais il y a fort à parier qu'un fond lancinant restera. Au nombre des personnes appréhendées, la quasi totalité de l'ordre de la rose ardente, guilde anti-lien, ainsi que de nombreux indigents des quartiers pauvres qui bénéficiaient souvent de la charité des prêtres, souvent en échange d'une participation dans la distribution des croyances. Les insurgés sont regroupés par poches d'une vingtaine d'endormis dans les différents postes de gardes du quartier. Au retour de Claudius, il faudra qu'il décide de ce qu'il veut faire d'eux. ”