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descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyLes revenants (Sorel et Claudius)

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8 janvier 1764
Décembre, plus que quelques semaines et ce serait le nouvel an. 1764, quatre mois et cela ferait déjà deux ans qu’ils avaient désertés Selenia sans prévenir qui que ce soit. Ils étaient partis dans la nuit comme des voleurs et n’étaient jamais revenus. Ils avaient fermé les portes du manoir, de la forge en espérant qu’elle ne soit saisie. Autone s’embêtait de réfléchir au manoir et à l’or gaspillé que cela représentait. Maintenant qu’il n’était plus question de guerre, peut-être était-il temps de se rendre à Selenia pour s’occuper de ces histoires hypothécaires ? Peut-être, si elle partait très tôt en janvier, elle pourrait commencer une nouvelle année auprès de ses enfants et réellement pouvoir affirmer qu’elle avait réglé tout cela. Que Sélénia était derrière eux, qu’ils n’y avaient rien laissés. Bien sûr elle pourrait s’en délester en demandant à quelqu’un de vendre pour elle et de prendre une part, mais c’était s’exposer à une possible fraude.

C’est ainsi qu’Autone prit la décision de faire un voyage à Selenia. Elle ne voulait pas être seule et ne pouvait pas, non plus, demander aux jumelles de l’accompagner. Si Aldaron était son ami, il était encore un jeune vampire et elle ne voulait pas lui demander d’aide. Elle voulait qu’il concentre toutes ses énergies à lui-même. Puis, elle ne savait pas comment Achroma parvenait à vivre loin d’Aldaron, la dernière fois, il avait eu si mal qu’elle ne pourrait s’imaginer lui faire revivre cela.

Le jour où elle pensait à cela, elle croisa Sorel et bien qu’ils n’étaient pas particulièrement proches, ils avaient été à Morneflamme ensemble. Autone se surprit à lui demander de l’accompagner, prétendant le besoin d’une deuxième tête – qui bien sûr valaient mieux qu’une – pour opinion financière. À ses yeux, ce manoir valait tout l’or du monde, ils l’avaient bâti de leurs mains, dans l’espoir de construire un empire familial qui vivrait longtemps. Ils avaient pensé l’architecture à l’image de la maison dans laquelle ils s’étaient mariés. Et ce manoir, cette forge, aurait dû être le symbole de leur héritage.

Mais pour un inconnu, ce n’était qu’une autre maison. Elle voulait un point de vue extérieur, pour pouvoir mieux évaluer la valeur du bâtiment, c’était vrai. Mais la vraie raison de sa demande, qui était de ne pas être seule à Selenia parce qu’elle craignait les regards, les rumeurs, ou même d’être accusée comme une criminelle, elle ne le dit pas à Sorel.

Alors elle resta avec sa famille pour la nouvelle année, puis partit au deuxième jour de janvier. Elle choisit de se déplacer en bateau, leur évitant un long et froid voyage à cheval. Autone se demanda s’il était plus sage de prendre des chambres dans une auberge ou de loger directement au manoir à leur arrivée. Après tout, les meubles essentiels étaient toujours dans la maison, ils n’avaient pas pu tout emmener. Mais tout serait en poussière, puis il n’y aurait ni servants, ni cuisiniers. Autone était bien capable de se servir seule, mais elle n’aurait pas le temps d’aller au marché chercher de la nourriture et puis prendre le temps de cuisiner. Idéalement, elle voulait rester le moins longtemps possible.

Un malaise la prit lorsqu’elle vit le port de Selenia approcher à l’horizon au matin. Autone concentra son énergie à dompter l’angoisse, chanta des chansons elfiques tout l’avant midi à voix basse.  En haute ville, ils prirent deux chambres dans une auberge. Elle avait voyagé relativement légèrement, pour ne pas avoir à emmener son garde personnel ou des servants avec elle.

Ils prirent le temps de s’installer, de manger et Autone demanda un bain et changea ses vêtements. La robe qu’elle choisit était noire et confortable, mais conforme à la richesse qui se démontrait dans le quartier. La petite dame cogna à la porte de Sorel lorsqu’elle fut prête à sortir.

« Je veux aller voir le manoir une fois avant de l’évaluer, d’abord. J’aimerais y aller seule. La forge s'appelle Le marteau de l'aigle est tout près, elle se trouve à droite d’un joaillier qui s’appelle L’étoile décorée. »  


Cela se sentait, dans sa voix, qu'elle avait besoin d'un moment seule à seule avec ses revenants. Il était évident qu'elle allait pleurer, elle ne voulait pas s'effondrer devant Sorel. Autone lui donna les directions, puis ajouta : « Si tu ne te souviens plus, tu pourras demander aux passants, ils sauront. Rejoignons-nous là dans une heure, d’accord? »  

***

Autone resta immobile un moment devant le manoir. La neige tombait doucement, elle contempla longtemps l’architecture depuis longtemps abandonnée. Elle se souvenait du choix de chaque lucarne, de chaque décoration, des volets, des gravures sur la porte. La petite dame osa enfin avancer, posa sa main sur la porte, laissa ses doigts gantés courir le long des gravures elfiques. Un aigle entouré de roses, un rossignol peint en rouge au vol. Sa main descendit jusqu’à la serrure, travail robuste et décoré par Satie et son mari. Elle sortit son trousseau et contempla la clé, qui était aussi décorée d’un aigle. En mettant la clé dans la serrure, elle eut l’image du tatouage de Matis, qu’il avait sur la main. Les armoiries de sa maison. la petite dame ouvrit la porte et sentit son cœur se serrer en ouvrant.

Le silence était immense, comme celui d’un respect du sacré. Les pieds d’Autone avancèrent, son esprit s’effaçait. Elle était incapable de réfléchir, ou alors elle accepterait sa présence, elle accepterait le vide immense dans cette maison trop riche.

Puis elle arriva dans le hall, grand espace qui servait de salon, décoré seulement de ses huit poutres de bois. Il reproduisait exactement le hall de leur ancienne maison. À droite, l’arche sous lequel ils s’étaient mariés. Ou plutôt, sa copie. Ils l’avaient décoré de fleurs, à ce moment, maintenant, elle était engravée de ces fleurs. Puis, devant elle, la poutre contre laquelle elle s’était effondrée quand elle avait appris la mort de son mari.

De longues minutes, Autone fixa le bois, sans oser s’en approcher comme un spectre dangereux. Quand elle fut prête, elle tourna à gauche, se rendit à leur chambre. Son cœur se retourna, elle s’approcha du miroir, approcha, sans oser toucher, sa main de la brosse en argent qui était restée là, seule sur le meuble. Puis elle observa leur lit. La falkire se coucha de son côté à elle du lit. Elle toussa lorsque la poussière se souleva et rassembla les draps entre ses mains. En se retournant dans le lit, elle faisait face à la place vide. Et comme si le visage de son amour était là, elle tendit sa main tremblante et murmura un « Je t’aime. »  

Esquissant un sourire mélancolique les lèvres du rossignol tremblèrent. Et les larmes enfin osèrent la submerger. La petite dame ferma les yeux et se laissa enterrer.  Le silence de cette maison était rompu pour la première fois depuis presque deux ans.

Peut-être était-ce la peur d’être en retard qui la motiva à se relever? Il n’y avait plus de temps, elle devrait rejoindre son collègue à la forge. En sortant de la chambre, elle lança un dernier regard et se promit que lorsqu’elle dirait au revoir à la résidence, elle dirait aussi aurevoir à Matis.

« Te souviens tu m’avoir dit, quand je t’ai demandé si jamais j’aimerais un jour, que je saurais. Que j’allais juste savoir quand cela se montrerait à moi. J’aimerais que tu puisses venir me voir une dernière fois, Matis. Pour qu’on se chamaille une dernière fois. Pour qu’on règle tout ça. Pour que je puisse te demander à nouveau si je vais mourir sans amour. Parce que je n’ai pas…juste su quand je t’ai rencontré. Cela m’a pris du temps. J’ai eu besoin d’être libre et de te revoir et de me poser tellement de questions. Tu avais tort, on ne peut pas deviner ces choses-là. Tu avais tort et tu avais tort dans tes combats. Tu n’avais pas le droit de te battre contre eux. »


La colère, enfin. Elle l’avait cherché, elle s’était demandé comment elle pourrait bien être en colère contre lui. « Nous étions ton premier combat, as-tu oublié? Pourquoi ne m’as-tu pas écouté. Pourquoi nos derniers mois ensemble ne sont ils que des souvenirs de conflits parce que tu ne m’écoutais pas? »  

Le rossignol posa la tête sur le cadre de la porte de la chambre. « Je te pardonnerai avant de partir de cette ville » murmura-t-elle. « Si tu pouvais seulement me dire que j’avais raison. »  

Le rossignol soupira et retira la poussière de sa robe et de son visage. Elle sortit un mouchoir propre de sa bourse et essuya les larmes. Elle prit de l’eau de sa gourde et bût avant d’en prendre un peu pour se rafraichir le visage, atténuer sa couleur rouge. La petite dame respira un grand coup avant de rassembler tout son courage pour sortir rapidement. Elle ferma la porte à clef et se concentra sur sa respiration alors qu’elle marchait dans les rues de la haute ville, en direction de la forge.

Le choc était moins grand de se retrouver devant l’établissement, après avoir vu la maison. Peut-être était-elle plus en avance qu’elle ne le croyait? Le soleil allait bientôt se coucher, mais Autone ne se souvenait plus quelle heure il était quand elle est partie. L’imbrisée sortit à nouveau son trousseau et ouvrit la porte, qui restât entrouverte lorsqu’elle entra. Il ne restait plus beaucoup de choses, sinon les tables, il n’y avait plus d’outils, qu’une enclume solitaire. Et…tiens, ils avaient oublié une épée qui s’était glissée sous une table. La petite dame s’accroupit et récupéra la pauvre abandonnée en toussant un peu à cause de la poussière qui s’était accumulée sur la pierre. Elle se releva en continuant de tousser et secoua sa robe après avoir déposé l’épée sur l’enclume. Autone ouvrit les volets, et la porte de l’arrière-boutique. Elle se souvenait d’une époque où cet endroit était bien plus agité. Les plus riches marchands demandaient des commandes spécifiques, les nobles demandaient des travaux délicats et luxueux pour la première épée de leurs fils. Les dames venaient acheter une épée pour l’homme de leurs rêves.

La petite dame, perdue dans ses pensées, sursauta lorsque la porte s’ouvrit.

Dernière édition par Autone Falkire le Lun 13 Avr 2020 - 4:00, édité 1 fois

descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyRe: Les revenants (Sorel et Claudius)

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L’invitation d’Autone, pour le moins inattendue, s’avéra être l’occasion en or pour le jeune elfe de quitter Caladon pour retourner à Sélénia. Cette fois, au moins, le voyage ne se déroulerait-il pas en solitaire. En revanche, organiser pour que Järn puisse embarquer en même temps qu’eux se révéla plus compliqué qu’il ne s’y attendait mais un petit peu de persuasion suffit à convaincre qu’il y avait toute la place nécessaire et toutes les raisons du monde pour accorder l’embarquement à un étalon de mauvaise humeur.
Alors qu’il abandonnait l’ombrageux animal dans la cale du navire, Sorel prit note de préparer quelques pommes et carottes avant d’aller récupérer son compagnon à leur arrivée.

L’avantage du bateau était un gain de temps non négligeable et, considérant la mine soucieuse d’Autone à mesure que le navire approchait de sa destination, probablement une bonne chose pour la jeune femme. Une à deux semaines de voyage aurait probablement rendu le retour à Sélénia bien plus compliqué et difficile à supporter.
Rôdant à proximité, jamais hors de vue d’Autone, Sorel s’arrangea pour offrir un minimum de familiarité à la jeune femme, un bien maigre support mais c’était tout ce qu’il avait à proposer.
C’est alors qu’il observait l’horizon clair du matin, et que les côtes étaient finalement en vue, qu’elle commença à chanter. Bercé, Sorel se rencogna dans un coin, la tête reposant contre un panneau de bois et tendit l’oreille. Les chants elfiques lui étaient, pour certains d’entre eux, toujours inconnus mais il en reconnut certains et si le but était de s’apaiser elle-même, Autone parvint à calmer Sorel également. Reposant une partie de lui-même qu’il n’avait pas sentie tendue et nerveuse.

Le débarquement, sans pomme ni carotte, s’avéra un poil délicat et Järn, peu commode, renâcla plus qu’à l’accoutumée, mais se laissa néanmoins mener par la main douce du jeune elfe. Restant plus proche de l’étalon que nécessaire, Sorel suivit docilement l’humaine, son regard retrouvant les rues familières, et, trop malin pour laisser Järn aux bons soins de l'écuyer de l’auberge, laissa Autone régler les préparatifs pour installer lui-même l’étalon dans l’écurie. Il laissa de strictes indications à l’écuyer de ne pas approcher l’animal, avant de rejoindre la chambre qui lui avait été attribuée.

Le repas, copieux et parfaitement adapté à ses besoins, se déroula dans un silence alourdi par le deuil d’Autone et l’épreuve à venir. Rendu muet par un certain inconfort, Sorel rejoignit ses quartiers pendant que sa collègue prenait un bain bien mérité, hésitant lui-même à en faire la demande, lorsque des coups frappés à sa porte le tirèrent de son indécision.
Réticent à l’idée de laisser la jeune femme seule affronter le mausolé d’une vie perdue, Sorel hocha néanmoins la tête et la laissa partir, observant avec un froncement de sourcils la silhouette de dos d’Autone. Il lui laisserait l’espace dont elle avait besoin, l’occasion d’affronter ses souvenirs, ce qu’elle avait perdu et abandonné lorsqu’elle avait quitté Sélénia. Pour l'heure, songea-t-il avec un petit sourire en voyant un chat errant se réceptionner sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, il avait un félin à amadouer. Le matou occupa son temps libre, le temps de le cajoler suffisamment pour que l'animal ose passer par la fenêtre puis finisse par accepter d'être touché par le jeune elfe. Après quelques minutes, une demi-heure tout au plus, Sorel se retrouva avec un chat roulé en boule sur les genoux et un ronronnement persistant pour occuper l'espace sonore qui l'entourait. Un bon moyen de passer le temps en attendant de devoir rejoindre la jeune femme.

***


Sa relation avec Autone était, au mieux, périodique et souvent liée à d’autres éléments extérieurs. A commencer par Aldaron, bien entendu, mais surtout à leur expérience partagée de Morneflamme. Plus souvent qu’à son tour, Autone avait été une figure maternelle, guide sévère lorsqu’il se montrait un peu trop entêté et sot. Sa demande de l’accompagner l’avait prit par surprise. Bien que bon marchand et habitué à marchander, estimer et revendre, il doutait que cela, seul, ait motivé la demande de la jeune femme.

Alors qu’il approchait du but indiqué, la forge du nom du marteau de l’aigle, Sorel s’arrêta à quelques mètres de la porte, considérant l’extérieur de la bâtisse. Il était clair qu’elle était resté à l’abandon pendant assez longtemps pour que certains éléments nécessitent un entretien rigoureux afin d’effacer les outrages des intempéries. Cependant ce n’était rien qu’un peu de temps et d’attention suffirait à améliorer. Penchant la tête sur le côté, l’elfe considéra l’esthétique puis tourna sur lui-même, étudiant l’environnement, les autres échoppes à proximité et le nombre de passants. Il n’était que quelques heures après le repas du milieu de la journée, un moment généralement assez fort en manière de passage, idéal pour estimer la valeur d’un emplacement. Cependant la plupart des passants n’accordait pas un regard à l’échoppe fermée depuis trop longtemps.

Se mordillant l’ongle du pouce, la tête inclinée sur le côté d’un air interrogateur, l’elfe s’ébroua et se dirigea à grandes enjambées vers l’entrée de la forge. Il était en retard. Bien après l’heure indiquée par l’humaine lorsqu’elle l’avait abandonné à l’auberge.
Affichant un air douloureux, Sorel poussa la porte et, à en juger par l’expression surprise d’Autone, la prit au dépourvu.

« Autone. As-tu la moindre idée du nombre de forges avec “marteau” dans leur nom ? Sans parler du nombre de joailleries avec “étoile” dedans ? » Geignit-il tout en entrant, fermant gentiment la porte derrière lui. « Les passants sont inutiles, » ajouta-t-il avec une moue boudeuse.

Il s’avança, chaque pas souleva un nuage de poussière. L’établissement était plongé dans la pénombre mais il mit cela sur le compte des volets fermés. L’enclume était neuve, en parfait état. L’épée qui se trouvait dessus, probablement ramassée par Autone et posée-là à en juger par les endroits où la lame brillait dans la faible luminosité, dénuée de poussière, était de meilleure facture que la sienne. Ce qui ne voulait pas dire grand chose et ne rendait pas justice au travail qui avait donné forme à la lame.

D’une voix plus calme, rendue plus posée par la concentration, il poursuivit : « Ils n’ont réussi à m’indiquer la bonne route que lorsque j’ai mentionné qu’elle devait être fermée depuis longtemps. »

Il jeta un regard à la jeune femme et ne put retenir un sourire mutin lorsqu’il considéra la poussière qui tâchait sa personne par endroit. En traînées blanches irrégulières sur sa robe, tentatives échouées d’en débarrasser le tissu noir, sur l’arrête de son nez. Le bas de sa robe était passé du noir au blanc grisâtre malgré ses efforts.

« Tu aurais dû réserver le bain pour après. » Il jeta un oeil alentours, considérant l’intérieur de la forge et ajouta : « Donc tu veux mon avis sur la valeur de la forge, c’est ça ? »


Dernière édition par Sorel Gallenröd le Jeu 20 Aoû 2020 - 11:09, édité 1 fois

descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyRe: Les revenants (Sorel et Claudius)

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Le temps était bon en ce début d’année dans la capitale sélénienne. Un des avantages que Claudius trouvait d’avoir été contraint à l’exil, était le fait que la Race Humaine avait choisi comme domicile Calastin. Il faisait au moins bon vivre sur cette île, et le peuplement de Selenia s’était à peu près déroulé correctement.

“L’A peu près”, chez Claudius, comprenait beaucoup de choses. Il y avait eu notamment la guerre contre ces chiens galeux de l’Alliance, qui étaient venues briser une fois l’unité d’un Empire au moment où celui-ci en avait le plus besoin, pour privilégier des intérêts purement personnels.

Pour cela, Claudius ne les pardonnerait jamais d’avoir fait ce choix. Lui qui n’était pas spécialement connu pour lésiner sur les batailles, et ne disait jamais non à une petite rixe ou un tournoi qu’on lui proposait, il eût préféré que cette fois-ci on ne se batte pas. Pour renaître de ses cendres du passé et vaincre ses vieux démons, l’Empire avait besoin de l’appui de quelques personnages forts et d’une politique unitaire efficace. Pas d’une guerre civile.

Mais ainsi était la nature des hommes. Claudius eut un regard assez fataliste sur les rues du quartier qu’il descendait : il se retrouvait là, parmi une population qui devait sûrement le regarder avec un millier de ressentiments. Il ne faisait pas bon d’être Noble en ces moments dans l’Empire.

Pour autant, Claudius, d’une certaine façon, faisait partie de ces rares intouchables. Indécrottable loyaliste, il avait toujours assumé avec conviction sa place de choix auprès de Fabius Kohan. Pourtant à la mort de celui-ci, il était resté auprès de cette nation qu’il aimait tant, parce qu’il avait fait serment de la protéger, et qu’il le ferait quoi qu’il en coûte.

Cette mentalité, Claudius se trouvait en vérité bien seul à l’avoir. Des grands noms de l’Empire avaient fui, parfois des amis que la famille de Havremont avait toujours fréquenté.

Le Maître de Guerre reprit un parchemin qu’il tenait entre ses mains : il devait aujourd’hui se charger personnellement de procéder à la perquisition d’une forge. “Le marteau de l’aigle”, Claudius eut un petit sourire en revoyant ce nom. Malgré son immensité d’autrefois, il avait pu constater que l’Empire devait de plus en plus petit au fur et à mesure que l’on montait dans les instances de celui-ci.

Cette forge, Claudius la connaissait. Tenue par les Falkire, elle avait été un point névralgique de l’activité des stocks militaires de l’Empire pendant de nombreuses années. Sans en être vraiment proche, le Havremont avait également connu Matis Falkire, un haut gradé de l’armée de l’époque.

Et puis, ils avaient tous disparus. La famille Falkire faisait manifestement partie de ceux qui avaient choisi de déserter l’Empire. Un choix que regrettait Claudius, qui gardait désormais en son coeur une place spéciale de “traître” pour tous ces gens-là. La forge était laissée à l’abandon depuis, trônant dans son quartier comme un vestige de l’ancien temps.

Claudius était un brin mélancolique. Il n’avait pas pour habitude de flancher devant l’adversité, bien au contraire, mais il fallait avouer que ces derniers temps, on lui demandait beaucoup de capacité d’adaptation. Peut être un peu trop pour le grand-père qu’il était.

Mais ses impressions, il les gardaient évidemment pour lui et ses proches. Il avait été élevé à la vieille école, un Prince tel qu’il était se devait de toujours être le phare dans la nuit pour ses sujets. Alors hors de question qu’il se laisse abattre par des questions de nostalgie.

S’il avait été mandé personnellement, c’est parce que l’Armée Sélénienne comptait se saisir de ce bien perdu, et en temps que Maître de celle-ci, Claudius tenait à voir de ses propres yeux ce qui pouvait encore être exploitable, ou pas.

Il avait fait le chemin avec une petite escorte, deux ou trois gardes de la capitale de confiance. Ça n’était pas pur plaisir qu’il le faisait, car évidemment Claudius connaissait la ville par coeur et n’avait nul besoin de guide pour se repérer … Mais les récentes agitations politiques et tout ce qui s’ensuivait le poussait à toujours se déplacer escorté.

Il espérait pour autant que cette récente décision n’en pâtirait pas sur son image, et le peuple continuerait à le voir comme un homme loyal qui avait toujours été présent et fait le maximum pour eux, là où il le pouvait.

Une fois arrivé à la Forge, Claudius constata que le bâtiment était en effet un peu vétuste car peu entretenu. C’était logique. Mais un autre détail vint percuter le cerveau du Maître. Il constatait que la forge avait la porte entrouverte, malgré qu’on lui avait assuré que celle-ci était bien gardée et fermée.

Il y avait encore eu des bévues sur les rondes … Claudius allait devoir passer un savon à l’unité en charge de ce quartier.

Il soupira, et ordonna à ses hommes de boucler les alentours de la forge. Personne ne devait entrer ou sortir de là.

Pour le reste, il s’aventura par lui même dans la forge et fit une entrée remarquée dans celle-ci. Se remémorant ses vieilles interventions dans sa prime jeunesse il fit :

“Garde Impériale, plus un geste !”

Claudius analysa rapidement la pièce, et se rendit rapidement compte qu’il n’avait pas affaire à des bandits, mais à une petite femme, et un jeune homme … Il baissa donc son arme, une petite masse fine fort pratique quand il fallait faire des interventions rapides de rue. Encore quelques secondes et il reconnut un jeune elfe qui n’en ressemblait à n’en pas douter à Sorel Gallenröd, un des nombreux fils d’Aldaron Elusis, vivant toujours à Selenia et Autone Falkire, femme de feu-Matis, et nécessairement conseillère Caladonienne.

Voilà quelque chose d’intéressant. Deux têtes qu’il connaissait, mais qu’il n’a jamais pour autant côtoyé. Qu'est-ce qu'elles faisaient là ensemble ? Mystère pour l'instant. Il allait tâcher d'en savoir plus.

Il toussa un petit peu, avant de reprendre, d’un ton plus pacifique mais pas pour autant tranquillisé :

“Mes respects à vous deux, et excusez de vous avoir éventuellement fait peur … Claudius de Havremont, Maître de la Guerre de Selenia ... Vous avez intérêt à avoir une bonne raison de m’expliquer votre venue dans un bien déserté dont l’armée Sélénienne voulait se saisir.”

En tant que haut-dignitaire Sélénien, il devait au moins ses respects à des personnes de stature équivalentes, fusse t-elle de l’insupportable Caladon.

Il espérait simplement qu’ils n’étaient pas là pour nuire encore un peu à l’Empire, déjà bien trop meurtri …

descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyRe: Les revenants (Sorel et Claudius)

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Sorel, bien sûr que c’était lui. Autone cligna quelque fois et secoua un peu sa robe en tentant de cacher combien elle avait sursauté, piquée dans son orgueil. Où étaient passés ses réflexes légendaires? Bien qu’Autone tentait de paraitre inaffectée, une petite moue boudeuse la trahissait. Puis elle sourit en relevant un sourcil quand le pauvre garçon lui raconta ses dédales dans Sélénia. N’habitait-il pas ici ? Comment ne pouvait-il pas se retrouver dans sa propre ville. La petite dame gloussa, il n’avait pas d’abord prévenu que la forge était fermée avant de demander des indications? « C’est que tu aurais dû commencer par-là voyons. » Fit-elle doucement.

Elle roula les yeux quand il fit remarque sur toute la poussière qui s’était accumulé sur elle. « Na na na. » fit-elle, espiègle. Mais le sourire qui s’était étiré sur ses lèvres disparu lorsqu’il posa sa dernière question. Autone figea dans une expression mélancolique. Maintenant qu’elle était ici, elle avait envie de rester enfouie dans cette nostalgie. Si elle répondait à cette question, elle accepterait d’aller de l’avant, mais aussi que tout cela était terminé, qu’elle ne pouvait plus l’ignorer en espérant oublier les morceaux laissés derrières. Les lèvres d’Autone tremblèrent un moment, il aurait fallu dire oui, mais ce qu’elle aurait dit, si elle s’était réellement écoutée, c’était qu’elle ne voulait plus. Qu’elle aurait préféré que tout cela disparaisse.


Fronçant les sourcils, Autone entendit le clignement des armures, prit Printemps étrange dans sa main droite et Givre du soir dans sa main gauche. La petite dame se positionna devant l’elfe, face à la porte, qui s’ouvrit alors qu’elle était en position défensive, prête au combat. Elle resta immobile quand elle entendit les ordres de l’homme, puisque de toute manières, elle avait ses armes en main. Son regard de défi s’éclipsa cependant lorsqu’elle comprit qu’il s’agissait de la garde. Pourquoi étaient-ils venus faire une intervention dans une forge vide? Un masque de marbre se plaqua instantanément au visage de la jeune conseillère. Ses yeux étaient vides de tout expression, l’adrénaline et ses instincts de combats lui avaient grimpés à la gorge. L’impulsion lui venait de montrer les dents, mais elle réprima cette envie, ainsi qu’un regard meurtrier.

Un sourire vient s’installer à la place, alors que l’inconnu se présentait, bien cynique si l’on savait un moindrement lire l’absence de joie dans ses yeux. Autone pencha la tête sur le côté en conservant ce sourire faux et leva les mains, tenant chacune de ses dagues entre le pouce et l’index de leurs mains respectives, comme pour montrer son innocence, mais aussi qu’elle était sur le point de ranger ses armes.

« Messire, vous pardonnerez mes réflexes militaires. » Dit-elle en replaçant ses éternelles protectrices dans leurs fourreaux, à sa ceinture. Autone usait de toutes ses forces pour ne pas adresser les menaces bien malvenues du maître de guerre. Bien rapidement, elle se redressa, en une posture plus droite et noble, menton relevé, son costume de conseillère était à présent parfait. « Vous pouvez vous rassurer. Nulle crainte ne m’habite messire. En ce qui concerne mes intérêts… » fit-elle en appuyant sur le dernier mot, comme pour souligner que la formulation était peu diplomatique. Autone sortit d’une besace son trousseau et prit la clé de la forge pour la montrer à Claudius, bien sur sans la tendre vers lui.

« Je suis entrée par la porte avant, avec la clé. Que j’ai fait faire pour la serrure que j’ai aussi fait faire par les membres de ma famille. Pour l’établissement que j’ai acheté. »
Sourire cynique toujours cousu aux lèvres, elle avait fortement envie de se battre avec lui. Autone réprimait sa colère, il avait su l’enrager dans les trente premières secondes de leur rencontre, quel talent. « Mais où sont mes manières? Je suis Autone Falkire, conseillère de Caladon. Mon mari vous a quelques fois évoqué, Sire de Havremont. »

Et alors qu’elle performait cette fausse politesse, Autone songea que l’homme avait un visage qu’il serait agréable que frapper. « Quelle coïncidence, j’ai fait parvenir une lettre à Selenia pour prévenir de mon arrivée. J’ai aussi expliqué la situation concernant des complications fiscales quant à d’anciens bien. J’imagine que Selenia a soudainement remarqué la présence d’un bâtiment abandonné, le jour de mon arrivée. Que dis-je. Saisissez, messire. Je ne suis qu’un visiteur, avec la permission du propriétaire bien sûr. J’imagine que celui-ci est au courant de votre perquisition évidemment. » Son sourire s’élargit, elle gloussa faussement « Vous ne pouvez possiblement pas avoir la maladresse de saisir les biens de Messire Oratio Soen sans qu’il n’ait été prévenu de la raison de cette perquisition, bien sûr. »

Noble notable de Selenia. La famille Soen était reconnue pour sa famille immense et son service pour la couronne qui n’avait fléchi depuis des siècles. Une longue lignée dont tous rêvaient. La petite dame savait pour sûr que son ami n’avait été prévenu car il l’aurait contacté. Elle était en colère que la reine décide de perquisitionner sa forge soudainement, alors que cela aurait pu être fait pendant la guerre. Tout cela n’était qu’une démonstration de pouvoir. Ils voulaient lui montrer qu’ils étaient en droit de saisir ses biens, bien que l’histoire eût été oubliée jusque-là. Le geste manquait cruellement de bienveillance et de diplomatie. Autone se sentait cambriolée, mais elle ne céderait pas une miette de satisfaction à son adversaire. La petite dame armura son esprit de détermination.

descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyRe: Les revenants (Sorel et Claudius)

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La réplique de la jeune femme à sa plainte lui tira une moue boudeuse mais son expression changea rapidement à la réplique joueuse d’Autone lorsqu’il mentionna l’état désastreux de sa robe. L’attitude de sa compagne ne fit qu’accentuer le sourire de renard de l’elfe, faisant pétiller ses yeux verts de plaisir et de joie simple.
Un regard à la forge et sa question, en revanche, changèrent l’atmosphère détendue et légère qu’il avait réussi, de concert avec elle, à instaurer. Un regard en coin à la jeune femme révéla une expression peinée, l’ombre des souvenirs gagnant les traits de l’humaine.
Mal à l’aise, le coeur du jeune homme se serra pour son amie et il approcha doucement, à pas silencieux, jusqu’à glisser ses doigts dans ceux d’Autone, les lui serrant gentiment, offrant le confort d’une présence. Conscient de son geste, il le fit progressivement, lui touchant les doigts du bout des siens, lui laissant le temps et l’opportunité de réagir et de refuser le contact. Épaule contre épaule, il suivit son regard, le perdit dans la pénombre poussiéreuse d’un bien avalé par le temps, une perte parmi tant d’autres. Ni la pire, ni la plus douloureuse, mais symbole tangible de ce qui fut et fut perdu.
Doucement, il caressa de son pouce la main d’Autone, geste qui se voulait apaisant rendu inutile par une distraction ô combien plus efficace.

Habitué au brouahah de la ville de Sélénia, au déplacement des gardes et autres individus portant l’armure, Sorel mit une seconde à réagir à ce qu’Autone avait déjà perçu.

L’ouverture à la volée de la porte le fit sursauter tandis que, vive, Autone se plaçait devant lui, une dague dans chaque main et prête à en découdre.
Il aurait pu se saisir de son propre poignard, dissimulé dans l’ourlet de sa botte, mais il préférait user de moyen moins… physiques. Une main prête à s’interposer et à créer une protection, à hauteur de la poitrine, une autre prête à rejoindre la première en un croisé offensif, Sorel considéra la haute silhouette qui se présentait dans l’encadrement de la porte.

La garde impériale ? Interloqué, Sorel inclina la tête sur le côté, considérant l’humain qui se tenait devant eux. L’expression fermée et sévère, l’homme aurait pu incarner l’expression “raide comme la justice” jusqu’à l’impression d’autorité qui se dégageait de lui.

Sorel ressenti une soudaine et irrépressible envie de se gratter.

Les mots suivants prononcés par le garde le hérissèrent cependant et son expression, d’abord neutre, se troubla d’une moue contrariée. Ils avaient “Intérêt” ? Intérêt ? Vraiment ? Plissant les yeux, l’elfe ouvrit la bouche sur une remarque, prêt à enfoncer son index métaphorique entre les côtes toutes aussi métaphoriques de l’humain mais Autone le devança. Le ton faussement respectueux le fit grimacer. Il se frotta les doigts, se demandant si, pour une fois, il n’allait pas être celui des deux qui allait devoir se montrer raisonnable.
Sa grimace se transforma en un rictus à la mention de leurs “Intérêts” et toute idée de se montrer raisonnable s’envola par la fenêtre.

Il l’écouta décrire comment et de quelle façon elle était entrée - ou plutôt ce qui avait conduit à sa capacité à pouvoir entrer - et pépia entre deux phrases assassines : « Et moi je suis rentré après elle, la porte était ouverte, » ajouta-t-il avec un haussement d’épaules innocent.
Spectateur de la diatribe enflammée d’Autone, Sorel se mordit la lèvre pour réprimer un éclat de rire. Ce n’était vraiment pas bien malin, il vivait à Sélénia et si le Maître de Guerre le prenait en grippe, il y avait de fortes chances pour que sa vie tourne au vinaigre. Sans compter ses activités extra professionnelles… mais la vitesse avec laquelle le doux venin de la jeune femme s’écoulait avait quelque chose de fantastique. Plus calme et posé, l’irritation et l’outrage du jeune elfe s’était retrouvé écrasés par la flambée glaciale d’Autone. Il était bienheureux de se savoir du bon côté de cette ire dangereuse.

Lorsque le dernier mot fut prononcé sur le ton de la finalité, la rage brillant dans les yeux dorés de la jeune femme, Sorel se pinça les lèvres pour dissimuler son sourire et parvint à retrouver son sérieux. Il serait temps, plus tard, de se gausser de la réaction fulgurante d’Autone, d’en rire et de se moquer à outrance, pour l’heure il se devait d’abandonner le manteau de l’enfance goguenarde pour enfiler l'apparat du marchand. Contournant la figure protectrice d’Autone, il se plaça à côté d’elle, gentiment, lui toucha le dos du bout des doigts dans un geste apaisant. Le mouvement dissimulé par la manière avec laquelle il s’était positionné à ses côtés, Sorel jeta un regard à la jeune femme, haussant un sourcil inquisiteur avant de porter son attention sur Claudius de Havremont.

« Mon amie est en deuil, messire, » expliqua-t-il, l’air grave.  « Comprenez que vous voir surgir de la sorte, annonçant le désir de l’armée de se saisir de son bien alors même qu’elle s’était résolue à revenir sur les lieux, puisse susciter quelques réactions virulentes. »

La main toujours dissimulée par les plis de sa cape, Sorel serra les doigts autour des doigts de la jeune femme avant de la lâcher. Il n’était jamais bon d’entraver la main d’une personne lorsqu’un conflit pouvait pointer le bout de son museau. Qu’il s’agisse d’une guerrière ou d’un mage.

« Ma Dame Falkire ayant décliné son identité et sa présence plus que justifiée en ces lieux ainsi que la propriété légale de cette forge, est-il juste de dire que la présence de l’armée pour saisie n’est plus nécessaire ? »

L’elfe inclina la tête, l’air pensif. Il considéra attentivement le haut gradé et ajouta soudainement, sans laisser grand temps à l’homme de répondre à sa question précédente : « Que pensez-vous des lieux ? J’imagine qu’avec votre expérience, vous avez probablement fréquenté nombre de forges par le passé, à la recherche du maître forgeron en mesure de vous fournir l’arme qui conviendra à votre dextérité, me trompe-je ? Abstraction faite, bien entendu, de la poussière et du manque de… propreté, » acheva-t-il avec un sourire.

C’était à croire que le bon sens avait eut un effet boomerang.

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La situation était tendue, et le Havremont avait du mal à rester entièrement calme.

La première vérité, c’est que Claudius détestait ces pourceaux de l’Alliance, parce qu’ils mettaient toujours leurs nez là où ils ne le fallait pas. A croire que leur stupide indépendance autoproclamée leur avaient donné des ailes. Aussi bien dans leur mouvements, que dans leurs actes d’ailleurs.

La deuxième vérité, c’est que ce même Claudius ne s’était pas pris une telle soufflante facilement depuis son arrivée dans l’armée. Cette femme avait pour sûr, de la répartie et pour cela, le Maître de Guerre accorda le bénéfice du doute à Autone.

De toute façon, s’il voulait éviter une vraiment très malencontreuse crise diplomatique, il avait plutôt intérêt à ménager la personne en face de lui.

Oh bien sûr, le Maître des Armées n’attendait que le jour glorieux où l’Empire allait pouvoir de nouveau déclarer la guerre aux indépendantistes qui avaient troublé la réorganisation de son beau pays, pour enfin leur rendre leur monnaie de leurs bien aimées pièces …

Mais pas tout de suite, pas maintenant. Après tout, le peuple de Sélénia était saigné à blanc, et la gestion désastreuse du pays -que Claudius regrettait- avait conduit à un genre de gouffre dans lequel il était compliqué de se relever. Alors il se tiendrait tranquille, pour ce peuple délaissé qui comptait sur les hautes instances pour les sortir de ce beau pétrin.

Mais rester tranquille signifiait aussi de prendre les remarques de cette femme avec le sourire, alors qu’à la base on lui avait ordonné de remplir une mission simple. Ce que Claudius avait du mal à faire … Alors il se fendit d’une grimace qui aurait probablement fait très peur à son petit Arturius.

C’est cependant aux remarques du jeune elfe que le dur regard du Maître des Armées s’attendrit un peu aux égards d’Autone. Elle était en deuil, et cela il l’avait peut être oublié dans le feu de l’action. Le Maître des Armées se fendit d’une petite mine triste, à présent.

De grâce, il se calma vraiment et essaya d’être plus empathique. Claudius était certes une personne ignoble envers tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à l’Alliance des Cités Libres, mais il n’était pas pour autant un mauvais bougre et comprenait très certainement ce qu’était la mort, particulièrement d’un être cher.

Claudius avait compté les siens pendant toute sa vie : la Guerre, aussi terrible qu’elle était, fauchait de très nombreuses vies dans son terrible cortège. Non seulement cela, mais de manière plus récente, le Havremont avait également perdu son bien aimé Paternel pendant la grande traversée.

Alors voilà, il rengaina sa masse, et se fendit d’un aveu :

“Mes excuses Dame Falkire, et toutes mes condoléances pour votre Mari.”

En vérité, peut être que la discussion aurait du commencé par cela. Mais cela Claudius ne l’avouerait probablement jamais. Ça n’était pas qu’il n’aimait pas avoir tort mais … Admettre que ses détracteurs avaient raison était quelque chose de compliqué pour lui.

“Je ne puis cependant vous garantir que la perquisition soit purement et simplement annulée. Il est en mon pouvoir de fermer les yeux pour l’instant, et de trouver des prétextes pour que cette perquisition n’est pas lieue car je comprends les circonstances exceptionnelles qui vous amènent ici. Néanmoins, dura lex sed lex, madame. Les lois quelles qu’elles soient dépendent de l’autorité de l’Impératrice.”

Claudius se frotta sa petite barbe, pensif. Il estimait que cela était un bon compromis. Après tout, cela faisait longtemps que cette forge était laissée à l’abandon, alors un jour de plus, un jour de moins … Pour un décès, et permettre qu’un être humain ne soit pas traumatisé par un deuil trop rapidement fait … Il pouvait fermer les yeux. Il justifierait cela auprès des autorités compétentes pour l’instant, et s’en occuperait plus tard.

Pour enfin répondre à ce que l’elfe lui disait au sujet de son expérience, Claudius fit :

“Je décèle là l’habileté verbale de votre Père, messire. Effectivement, il m’est arrivé de croiser la route de nombreux forgerons, et pour sûr que les Falkire étaient parmi les meilleurs de cet Empire. Il est regrettable qu’ils nous aient t… -il se reprit rapidement- qu’ils soient partis.”

Le grand Havremont eut un petit soupir, qui firent voler un mouton de poussière près de la porte :

“Mais je ne vous apprendrais pas que même avec les meilleures armes de l’Archipel, l’on arrive à rien si l’on est pas habile dans sa façon de combattre.”

Un constat ô combien vrai. Claudius le savait pour avoir ridiculisé au combat de nombreux très haut nobles toujours équipés à la perfection. Certes, le Maître de la Guerre n’était pas à plaindre, mais il préférait de loin des pièces moins élaborées mais dont il savait se servir plutôt que quelque chose “à la mode”, ou si finement forgées qu’elles se brisaient en ayant moins de temps qu’il ne le faut pas pour le dire.

Il eut un petit sourire amusé. Il n’était pas non plus le roi de la finesse, en la matière.

Claudius passa sa main sur une table non loin, et eut une petite réflexion qu’il partagea à voix haute :

“Vous avez piqué ma curiosité à présent. Qu’est ce qui amène un Impérial et une Conseillère de Caladon ensemble dans cette forge ? Dame Falkire, comptiez-vous lui céder cette forge ? ”

Il n’était peut être pas le Maître de l’Information, mais le Maître de la Guerre s’estimait en droit de poser cette question. A présent que les tensions avaient diminuées, il n’allait tout de même pas se priver d’une discussion potentiellement intéressante …

descriptionLes revenants (Sorel et Claudius) EmptyRe: Les revenants (Sorel et Claudius)

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L’intervention de Sorel calma la petite dame pleine d’ire. Cela la fit aussi réaliser qu’elle n’était pas raisonnable et qu’elle était sur le point d’insulter lourdement le maître de guerre de Selenia, si elle ne l’avait déjà fait. Aussi peu diplomates soient ils en fonction et en attitude, il y avait des limites à ce qu’elle pouvait se permettre. Sorel, le jeune elfe qu’elle avait pourtant discipliné à morneflamme, se montrait bien plus mature qu’elle. Autone regretta son impulsivité, mais ne baissa ni la tête ni les yeux. Seulement, la lueur de rage dans ses yeux s’apaisa doucement. Alors que le jeune elfe glissait rapidement sa main dans la sienne, Autone la serra un peu, le temps qu’elle restât là. Le geste de support lui faisait du bien et si elle n’avait pas été dans cette situation, son regard aurait montré sa reconnaissance. Or dans les situations politiques Autone devait neutraliser son expressivité.

Autone, bien que collègue de Sorel, avait rarement pu le voir porter la veste du marchand. Cela lui allait bien. Le rossignol songea qu’il gagnerait peut-être à porter ce manteau plus souvent lorsqu’il se retrouvait inévitablement les deux pieds dans les plats. Elle fût curieuse, voir septique de la mine presque empathique du Havremont. Était-ce un faux semblant? Se montrait-il soudainement plus sage. C’est alors que Claudius échappa un « t » de trop qu’Autone dû réprimer la colère. Objectivement, ils avaient trahi l’empire, c’était vrai. Mais la différence entre un traître et un héro n’était que le camp gagnant. C’était fort arrogant de sa part de faire semblant de connaître la spécialisation des Falkire. Elle se retint de le corriger sur le fait que les Falkire n’avaient jamais été des forgerons avant la mort du tyran. En revanche Autone ne put réprimer un haussement de sourcil alors que le maître de guerre sembla critiquer la fragilité de leur art. C’était à se demander s’il faisait exprès pour l’offenser.

« Non. » Répondit le rossignol, lorsque l’homme lui demande si elle eût voulu céder la forge à l’elfe. Pas qu’elle n’aurait pas voulu, dans un monde idéal. Sorel aurait fait une beauté de cet endroit. Mais si l’on dévoilait les liens que l’un ou l’autre avait avec le marché noir, une simple équation pourrait faire remonter Sorel jusqu’à Autone, et inversement. « À vrai dire, je ne savais que faire de la forge. Je me doutais qu’elle aurait peut-être été saisie, depuis. Pourtant, les lettres de Sir Soen m’indiquaient le contraire. Je suis ici justement pour trouver quoi faire. En discuter avec le propriétaire légal face à face. Il me semblait … symbolique de remédier à l’état abandonné de cet endroit. Cesser de prétendre que ce passé n’existe pas. » Un brin d’authenticité se sentait dans sa voix, mais la petite dame gardait son calme. Sa voix ne tremblait ni ne fléchissait. « Transformer la poussière, j’imagine. » Sur ces derniers mots un sourire mélancolique se fissura sur son visage avant de disparaître. « Je ne vous demande pas de fermer les yeux, messire. J’aurais aimé avoir le choix, cela dit, je n’ai pas besoin d’or. Et le montant de la revente ne m’intéresse pas. » Si elle y avait touché, elle l’aurait probablement bien investi. Mais cela, elle s’en souciait peu. Elle n’avait jamais été motivé par les richesses. Ce qu’elle trouvait dommage, c’est de ne pas avoir eu la chance de montrer sa bonne foi avant d’être dérobée de cet endroit symbolique. « Que vous saisissiez ou que j’arrange une revente avec Sir Soen aura le même résultat. Un autre marchand s’installera ici et vendra son pain. Ou plutôt son fer. C’est le sort de mon ancienne résidence qui m’importe le plus. Le bâtiment est unique, du moins à mes yeux. Je voulais l’avis de Monsieur Gallenröd ici, qui est après tout marchand. » Elle sourit d’un air maternel en posant les yeux sur le jeune elfe.« Un excellent marchand. » Et elle prit la main de Sorel, comme solidaire. « Je comprend que votre question sous-entend un questionnement quant à ce qui rapproche un impérial et une conseillère de Caladon. J’ai grandi à Gloria, j’y ai rencontré des gens que je fréquente toujours. Malgré les différences, les amitiés ne s'effacent pas juste comme ça. Pour ce qui est de monsieur, parfois, un lien solide et inexplicable se tisse entre les prisonniers de morneflamme. Un peu comme celui d’une fratrie de soldats. Je suis certaine que vous comprenez. » Elle serra un peu la main de Sorel. Bien qu'il n'en paraissait pas pour les mal informés, Autone s'était battue nombre de fois dans l'armée. À peine évadée du volcan, elle avait été entraînée et armée pour la bataille contre le tyran. Il ne s'agissait pas de sa seule bataille, celle contre les chimères était la plus récente.

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Le mouvement leste avec lequel le Maître de Guerre rengaina son arme dénotait une maîtrise de l’arme que Sorel ne pouvait que remarquer. Rien de bien étonnant considérant le rang de son interlocuteur mais il y avait toujours comme une note d’émerveillement lorsque Sorel rencontrait des gens compétents. Frottant son pouce contre ses doigts, le jeune elfe se retint de demander à l’homme de recommencer son geste, juste pour voir une fois de plus. Juste pour observer.
Il en avait vu des soldats, leurs gestes peu gracieux mais d’une efficacité indéniable. Qu’il s’agisse d’une épée ou d’une hache, la maîtrise d’une arme se remarquait à la conscience qu’avait le guerrier de son propre corps et de son arme. Parfois les deux ne faisaient qu’un. Un guerrier talentueux et une arme de bonne facture et la seconde devenait l'extension naturelle du premier. Les excuses, a priori sincères, du garde tirèrent un sourire approbateur, discret mais néanmoins bien présent. Il inclina la tête en un geste respectueux.
A ses côtés, le feu vengeur qui animait Autone quelques secondes auparavant semblait s’être atténué. D’un feu capable d’engloutir une forêt, il en était désormais réduit à un feu peut-être un peu plus aisé à contenir, moins enclins à ravager ce qui devait se trouver sur son passage.

« Cela serait tout à votre honneur, Messire. Serait-il possible, peut-être, d’aborder le sujet avec la Rimpératrice ? Si la décision a été prise récemment, il est encore possible de mentionner le retour de la propriétaire légitime du bien et de rendre toute saisie caduque. »

Poursuivant tout commentaire dans l’idée de distraire Messire Havrement du problème auquel ils faisaient tous trois face, Sorel détourna le sujet. Espérant adoucir les échanges et peut-être obtenir l’avis d’un guerrier compétent qui saurait certainement pointer les faiblesses éventuelles de la forge, auxquelles il serait alors aisé de remédier afin d’accroître la valeur marchande du bien. S’il se rengorgea au compliment du Maître de Guerre, ravi de faire honneur à son père, Sorel retint à grand peine une lamentation à la malencontreuse glissade.
Démoralisé et espérant de tout coeur qu’Autone ne mordrait pas à l’hameçon maladroit du Garde, sans compter l’absence de réponse concernant la forge. En lieu et place d’un commentaire sur le bien immobilier, Claudius Havremot s’était dirigé vers le sujet d’armes de peu de valeur, mentionnant fragilité et inexpérience.
Sorel avait l’habitude de sauter à pieds joints dans la plupart des plats qui se trouvaient sur son chemin. Souvent de façon involontaire ou au contraire parfaitement voulues, mais ce que le Maître de Guerre lui faisait subir commençait à lui faire entrevoir le malheur qu’avait dû ressentir Autone durant leur séjour à Morneflamme. Il préférait nettement se retrouver de l’autre côté de la barrière. Faire face au danger et jouer avec le feu était sensiblement plus amusant que de tenter de limiter les dégâts et les dommages collatéraux.

La réponse sèche d’Autone claqua dans le silence poussiéreux de la forge et Sorel, incapable de se retenir de se triturer les doigts, fourra sa main libre au fond de sa poche. Où il trouva quelques pièces avec lesquelles il pouvait jouer sans que cela ne soit remarqué.
Laissant à la jeune femme le soin d’expliquer sa pensée, tout en priant il ignorait quelle déité précisément pour qu’elle garde le mordant de ses mots sous contrôle, Sorel maintint une position stratégique entre les deux humains. Il ne valait pas grand chose comme combattant, encore qu’il pouvait se montrer retors, mais il pouvait toujours faire usage de magie afin d’éviter une quelconque altercation. Ou tentative.

Pour autant, lorsqu’Autone mentionna ne pas nécessairement vouloir garder la forge et en faire ce qu’elle voulait, qu’elle accepterait une saisie si nécessaire, Sorel plissa les yeux. Il n’était pas possessif à proprement parler, n’hésitait pas à donner et à offrir si l’occasion se présentait, mais il n’appréciait pas - c’était peu dire - de voir un bien prit au dépend de quelqu’un d’autre. C’était peut-être un restant de sa vie à l’orphelinat où il fallait parfois défendre chèrement le peu de possession qu’il avait ou à Morneflamme où la moindre broutille pouvait avoir plus de valeur que l’or même… mais il ne réagissait pas toujours bien à ce type d’événement. Il pouvait mieux réagir à se voir dérober quelque chose que voir quelqu’un - surtout quelqu’un qu’il appréciait - être dépourvu de quelque chose.
Peut-être… peut-être que la possibilité de seulement s’occuper de la grande maison suffirait à Autone, se dit-il, tentant d’apaiser l’élan revanchard qui commençait à poindre le bout de son nez. C’était peine perdue, mais il pouvait bien essayer.

Il offrit un sourire un peu faible au commentaire d’Autone, reconnaissant, mais la mention, à haute voix, de Morneflamme le fit tressaillir. S’en rappeler et se débrouiller avec les souvenirs était une chose, mentionner ses déboires au désespoir d’Autone pouvait faire rire à l’occasion, mais cela n’en restait pas moins un sujet qu’il préférait garder silencieux. Plus particulièrement en présence d’inconnus.
Les doigts serrés d’Autone autour des siens lui offrirent un soutien auquel il répondit de la même manière. Il se raccrocha néanmoins à l’injustice et à l'antipathie antagoniste qu’il avait ressenties quelques secondes auparavant.

« Je trouverais cependant malvenue de la part de notre royaume de s’emparer d’un bien sans aucune tentative préalable de contacter la détentrice légale. » S’il avait tenté, pas si longtemps auparavant, de ménager le manque de justesse du Maître de Guerre en usant d’impératrice et d’empire, il avait changé d’avis. « Etant moi-même fier Sélénien et espérant pour une entente respectueuse et cordiale entre les royaumes, je pense qu’il pourrait être mal apprécié de s’emparer, sans avertissement, du bien d’une conseillère de Caladon. »

Il se retint de justesse de croiser les bras dans une attitude de défi, gardant une posture ouverte et tâchant de conserver une expression neutre. Montrer les dents ne saurait être judicieux. C’est pourquoi il affichait une expression concentrée, un léger froncement de sourcil sérieux et une moue inquiète.

« Ne pensez-vous pas qu’il serait malheureux d’engendrer un incident diplomatique pour une vieille forge laissée à l’abandon et en piteux état ? »

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Claudius fit un petit sourire en entendant les réponses de la conseillère de Caladon à ses questions et autres remarques. Voilà, elle commençait à comprendre, c’était une bonne chose. Un pas après l’autre.

A dire vrai, le Havremont se trouvait bien conciliant avec des gens qui, aussi importants soient-ils, n’étaient aux yeux du Maître de Guerre qu’une Traîtresse et un marchand sélénien qui à l’instant T, pouvait tout à fait être accusé de collaboration avec l’ennemi, aussi touchant soit le lien qui les unissaient.

D’un autre côté, le Maître de Guerre se rassura en se disant que quelque part il était “normal” qu’il soit à bout. Le Havremont avait été formé et réputé pour son art de la Guerre, son maintien de l’Ordre,  ainsi que sa subordination et globalement son respect quasi-religieux des Lois et de l’Empire.

Il n’était certainement pas un de ses odieux marchands qui négoçiait tout et n’importe quoi juste pour le plaisir d’avoir quelques pièces d’or dans son coffre, pas plus qu’il n’était un habile politicien capable de planter des couteaux dans le dos à tire larigot, comme cela se voyait parfois au Conseil de Caladon, ou malheureusement à la Cour Sélénienne.

Le Maître de Guerre se malaxa les temps, et fit :

“Je comprends certainement ce que peut provoquer Morneflamme, pour ce que tous ont raconté sur l’enfer qu’ils avaient vécu. Vous avez un certain sens de la valeur en vous, Dame Falkire.”

Elle avait beau être une traîtresse, on pouvait au moins lui reconnaître cela. Se remettre de la perte d’un être cher, et surtout de l’expérience horrible qu’était Morneflamme ne devait pas être simple tous les jours.

“Je souhaite que votre maison personnelle trouve un sort conforme à vos désirs.’

Malgré les divergences politiques, Claudius comprenait ce qu’était de perdre sa famille, et aussi il se félicita de n’avoir pas encore évoqué le fait que quoi qu’elle fasse de cette maison, elle n’avait pas intérêt à ce que cela devienne un repère à vermines de l’Alliance. Il estimait que ça n’était pas plus la peine que cela de charger une femme déjà endeuillée.

En revanche, concernant le jeune elfe … Quand il écouta ses suppliques vis-à-vis de l’Impératrice, son discours de soi disant “fier Sélénien” et autres menaces d’incidents diplomatiques, il écarquilla les yeux. Mais pour qui ce Plébéien se prenait ? Aussi importante soit sa relation avec Dame Falkire, et son paternel, il devait se rappeler à quelle classe de la population il appartenait, et à qui il s’adressait.

Cette marque d’insolence profonde aurait certainement valu une gifle aller et retour si Claudius avait été le paternel du jeune homme. Cependant comme ça n’était pas le cas, il se contenta de lui répondre sèchement :

“Et je trouve malvenu de la part d’un simple marchand, aussi doué pour ses affaires soit-il, que de venir critiquer les affaires de l’Empire, et les décisions de ses plus hautes instances. Sachez rester à votre place, Messire Gallenröd.”

Cela était la première des choses. Claudius soupira, avant d’ajouter :

“Personne ne vous a demandé votre avis d’expert géopolitique de comptoir, et encore moins sur la façon de gérer un Empire. Pas plus que je ne cherche à créer d’incidents diplomatiques avec Dame Falkire ici présente. Je vous ai donné ma parole sur le fait que je ferais le nécessaire pour lui donner le temps dont elle a besoin pour liquider sa forge, c’est tout ce que je pourrais faire pour l’aider au mieux pour se sortir de cette étape difficile. Concernant sa maison personnelle, nul ordre m’a été donné, aussi je n'interfèrai plus avec cette affaire là. Tout ce que je peux souhaiter, c’est que Dame Falkire arrive à se sortir de cette passe compliquée.”

Claudius soupira à nouveau, agacé. Il ajouta une dernière fois pour l’elfe :

“Sur une note plus personnelle cette fois-ci Messire Gallenröd … Vous qui avez tant l’air de vous soucier de la bonne relation entre nos deux forces politiques, et d’avoir un avis sur tout, je vous encourage à partir vers Délimar. Là au moins, vous serez libre de donner votre avis, en toute franchise.”

Bon, on le tuerait certainement parce que au sein de cette cité là, la politique d’isolement et de ségrégation des races différentes des leurs étaient devenues absolument délirante, mais Claudius n’en avait cure.

Il estimait que l’Empire n’avait pas besoin de sujets insolents, surtout en ces moments où l’unité de la nation était de rigueur face à l’adversité dont faisait preuve leurs opposants, et la situation délicate dans laquelle Sélénia était.

Le Maître de Guerre soupira une nouvelle fois, avant de rengainer sa petite masse fine. Il tourna les talons, et se dirigea vers la sortie.

“Vous avez les cartes en main pour que tout se passe bien. Je ferais mon possible pour que ce dossier soit traité au plus vite, et pour le mieux.”

Alors tâchez de ne pas m’énerver plus que cela sans quoi l’armée vous jettera dehors, manu militari. Se retint-il de dire pour conclure son intervention.

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Autone sentit le tressaillement de son ami, elle regretta immédiatement ses paroles. Pouvait-elle vraiment en vouloir à Sorel de s’être énervé? Elle-même l’avait fait et l’avait mis dans une situation délicate il y avait à peine quelques instants. La petite dame se contenta de rester impassible alors qu’intérieurement, elle pinçait l’oreille du jeune elfe maladroit. Venait-il réellement de s’enquérir des relations diplomatiques auprès du maître de guerre de Selenia? Si jusqu’à maintenant le masque de politicienne d’Autone était resté intact, il craqua à la proposition du Havremont en un froncement de sourcils difficile à lire. Un mélange de frustration, de gravité et d’instinct maternel ravageur. Si Sorel était en effet marchand, il était tout de même noble et cette proposition d’aller à Délimar revenait à lui dire d’aller se faire tuer. Cela frôlait l’incitation au suicide, une réaction bien excessive pour une maladresse d’adolescent. Alors qu’elle aurait préalablement voulu lui donner une claque sur le dos de la main, Autone serra d’avantage la menotte de l’elfe, refoulant la colère dirigée vers le militaire. Le silence répondit à son impolitesse, jusqu’à ce que l’homme lui tourne le dos. Lorsqu’il fut à la porte, Autone offrit un courtois « Aurevoir. »  

Elle restât immobile et en silence, écoutant les pas des hommes s’éloigner de l’établissement, puis elle se dépêcha à aller fermer la porte. Posant son front contre le bois elle prit une grande respiration et au lieu de soupirer, un éternuement retentit, dont elle contrôla autant que possible le bruit, comme la bienséance l’exigeait. Heureusement eût-elle le temps de poser sa manche devant son nez, au risque de ne pas avoir eu le temps de sortir un mouchoir de sa poche. Se retournant, Autone posa un regard maternel sévère sur Sorel. Elle allât le gronder puis se souvint de comment elle, avait perdu son tempérament et se ravisa. Le rossignol plaça ses mains devant les yeux, l’embarras l’envahissant et faisant rougir ses joues chaudes. Puis elle soupira en reposant ses bras et s’approcha du jeune elfe.

« Je suis désolé, j’ai voulu utiliser la prison pour lui faire regretter son indélicatesse. Ce faisant j’ai moi-même été indélicate avec toi. Peut-être portes-tu ce fardeau d’une autre manière que moi. Nous guérissons tous en prenant un chemin différent, je n’aurais pas dû assumer que comme moi, tu étais prêt à entendre le nom de cet endroit sans frémir. J’espère que tu pourras me pardonner. » Le rossignol soutient le regard du sélénien, ses ambres étaient remplies de compassion dans un éclat maternel.

Puis fronçant les sourcils d’un air mélancolique, elle baissa les yeux. « Merci, d’avoir pris ma défense. C’était rassurant de sentir que quelqu’un était de mon côté. J’aurais peut-être paniqué si tu n’avais pas été là. » Autone avait senti son cœur se mettre à battre rapidement depuis que le Havremont avait franchi la porte. Elle sentait le battement dans ses veines, ses tempes, ses poignets. La confrontation faisait cela parfois. Ce qu’Autone venait accidentellement de révéler, c’est que sous la colère, le venin se formait dans la peur. Elle détestait les hommes parce qu’elle avait peur d’eux. Il lui avait fallu plusieurs années avant de parvenir à se convaincre que quelques exceptions se démarquaient, toujours combattait-elle le réflexe de voir comme un danger potentiel tous les humains mâles. Spécifiquement les Gloriens et surtout les Almaréens.  Or personne, à part peut-être Saemon, ne savait qu’elle avait entretenue une haine envers les hommes depuis le début de son adolescence. Personne ne savait que sous son masque de conseillère en parfait contrôle, elle dissimulait une terreur vive.

La petite dame ferma les yeux en se concentrant sur sa respiration, elle tentât d’appliquer quelques notions de méditations qui l’avaient auparavant aidé à reprendre maîtrise d’elle-même. En apparence, ce n’était pas un problème de sembler calme. Mais le devenir sous le marbre, c’était autre chose. Or les respirations se transformaient en toux et Autone couvrit à nouveau ses yeux de ses deux mains, baissant la tête.

« Je n’arrive pas à me faire à l’idée. Je ne veux pas la laisser partir. Ni la forge, ni la maison. Je veux qu’elles disparaissent, qu’elles n’aient jamais existé. » La voix faible sonnait presque comme un murmure. Autone voulait sortir, mais en public, elle ne pouvait montrer ce visage fragile. Encore moins à Selenia. « J’ai menti, je t’ai demandé de venir avec moi parce que je ne voulais pas être seule. J’ai fait tout ce chemin en croyant être prête et je n’y arrives pas. »

Et cette impression légitime qu'ils voulaient la lui voler. Alors qu'ils lui avaient déjà volé Matis. Autone voyait déjà Yolande fumer de colère.

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« Sachez rester à votre place », Sorel ne réagit pas mais s’il avait été un peu moins maître de lui-même, un tressaillement à la commissure de ses lèvres l’aurait trahi. Il se trouvait exactement là où il estimait devoir être. Il y avait, malgré tout, certains mots qui firent plisser les yeux de l’elfe. Délimar ne serait rien d’autre qu’une énorme dépense d’argent ne serait-ce que pour y entrer, sans parler des problèmes liés à ses oreilles pointues. La générale hostilité des Délimariens à l’égard de la magie ne lui inspirait pas grand chose quant à en faire son prochain lieu de vie. Au moins comparé à Caladon, l’esclavage était en bonne voie pour s’y faire abolir ou tout du moins adoucit, ce qui restait un bon point en la faveur de la cité libre. N’en restait pas moins que les mots forts peu sympathiques du garde ne seraient pas oubliés. Sorel n’était pas revanchard, pas plus que n’importe quel citoyen lambda, peut-être même moins que celui-ci, mais il avait une excellente mémoire et n’oubliait pas. Il s’en souviendrait si d’aventure il devait à nouveau croiser le chemin du maître de guerre.

« Merci pour votre compréhension et bonne volonté ! » lança-t-il au dos de Claudius de Havremont, souriant et faisant signe de la main en guise d’au revoir.

Il se tint droit aux côtés d’Autone, percevant le son faiblissant des gardes au pas. Ils n’étaient pas encore si loin qu’Autone se précipitait presque vers la porte pour en fermer le battant, comme si cela pouvait empêcher quiconque de se représenter ou le Maître de guerre de changer d’avis. Encore que, du peu que Sorel avait pu en voir, l’homme ne lui faisait pas l’effet d’une girouette mais plutôt d’un homme d’honneur qui tenait sa parole. Du moins autant que faire se pouvait.
Laissant la jeune femme au soulagement, Sorel jeta un regard alentours, observant les lieux, les détaillant attentivement, lui laissant le temps de se reprendre. Prenant le temps d’en faire de même et de se distraire comme il pouvait. Dans sa poche, il passa le doigt sur la tranche irrégulière d’une des pièces, glissant la pulpe du pouce sur la face marquée et tentant, par simple toucher, d’en déterminer la forme.

Le besoin pressant de défendre un bien menacé d’être volé par quelqu’un d’autre, la préparation à la confrontation si nécessaire. Il était presque étrange de sentir l’air frais et musqué d’une forge restée fermé trop longtemps, de ne pas sentir la chaleur suffocante. En passant la langue sur ses lèvres, il était presque surprenant de ne pas les sentir gercées et sèches, craquelées. Voir ses propres bien volés ne le dérangeait pas tant que cela, la plupart du temps, il y faisait parfois face dans sa propre boutique ou lorsqu’il se baladait dans les mauvaises rues - parfois volontairement. C’était autre chose lorsqu’il s’agissait des biens de quelqu’un d’autre.
Il sursauta, surpris, lorsqu’un éternuement retentit derrière lui et ne pu retenir un bref éclat de rire. Le regard sévère que lui jeta Autone, en revanche, lui cloua le bec et il prit une expression contrite, rentrant la tête dans les épaules. Prêt à subir une diatribe lorsqu’elle ouvrit la bouche, il se sentit d’autant plus mal lorsqu’elle se ravisa pour cacher son visage de ses mains, un long soupir lui échappant.

« Je suis désolé, » murmura-t-il, honteux.

Quelques secondes à peine avant qu’elle ne s’excuse également, arrachant une expression stupéfaite au jeune elfe. L’explication dont elle se fendit lui tira une moue mal à l’aise. Il haussa les épaules sans toutefois la regarder directement.

« Il n’y a pas de mal, » dit-il avec un nouveau haussement d’épaules. Il renifla, tentant un regard vers elle, découvrant la compassion écrite en travers de son visage et brillant dans ses yeux. Il soupira et roula les yeux. « Me regarde pas comme ça, t’es toute pardonnée. Y’a pas de mal, arrête. »

Mal à l’aise, Sorel fronça les sourcils et se dandina d’un pied sur l’autre. Les teintes chaudes et menaçantes de Morneflamme pâlirent, déclinant à mesure que le présent reprenait le pas sur le reste. Il se détendit, juste à peine. Tendant le bras, il lui toucha gentiment la joue du bout des doigts. Il lui aurait bien fait un câlin mais il y avait une limite aux contacts qu’Autone pouvait accepter et il ignorait exactement où elle se trouvait. Inutile d’en rajouter par-dessus le grief et la douleur.

« Tu en aurais fait de même pour moi, » lâcha-t-il avec l’aisance de l’évidence. Elle l’avait prouvé par le passé, après tout. Elle et Matis.

Il était difficile de la voir dans cet état, démunie et incertaine. La disparition de Matis ne datait plus d’hier mais remettre les pieds à Sélénia et retrouver ce qu’ils avaient construit et ce qu’elle avait perdu… Pour lui, il s’agissait des vestiges d’une présence sûre et solide. Il avait perdu Matis mais il avait toujours Autone.
Son aveu tira un petit sourire à l’elfe et il laissa tomber toute précaution, enroulant un bras autour des épaules de l’humaine. Il ne l’attira pas à lui, lui laissant le choix de rester ainsi ou de se rapprocher, ce contact pouvait être suffisant - ou trop - mais il lui caressa l’épaule du pouce.

« Un mensonge avec lequel je suis plutôt à l’aise, au moins comme ça je n’ai pas menti au Maître de Guerre de mon royaume. » Il jeta un regard à la bâtisse, songeant à la maison d’Autone et à tout ce que ça impliquait. Il eut une moue pensive et haussa une épaule. « On peut aussi raser le bâtiment, » proposa-t-il avec nonchalance. « Personne d’autres que toi et Matis ne pourront prétendre l’avoir un jour détenu. »

Il avait l’envie de proposer de l’acheter mais ce ne serait probablement pas très judicieux. A moins qu’il ne se serve de l’opportunité pour revendre le bien encore plus cher, peut-être après s’être arrangé pour qu’il soit remis en état. En ce qui concernait le manoir, cependant, il n’en avait aucune idée. Mais la destruction lui paraissait plutôt sympathique. Il faudrait probablement s’arranger pour qu’il soit clair qu’il s’agissait de la volonté du propriétaire et non pas un acte malveillant qui pourrait bien lui retomber dessus d’une manière ou d’une autre.

« As-tu contacté mon père, au cas où il aurait des idées ou des conseils ? »

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Il était drôle, le jeune Sorel et si jeune encore, comme il était facile de l’oublier lorsqu’on était humain. Il y avait une étrangeté à n’avoir que vingt-six ans et de se sentir plus âgée qu’un elfe de cent ans, mais à la fois toute petite à côté d’eux. Autone se demanda si son fils aurait un caractère semblable lorsqu’il grandirait. Le temps que Kyran atteigne dix-sept ans, Sorel n’aura pas tellement grandi. Peut-être s’entendront-ils bien, tous les deux.

Nulle surprise de la part de la petite dame alors que le jeune elfe se montrait aussi tactile qu’à son habitude. Cela l’apaisait, parce que c’était innocent et bienveillant. Le rossignol laissa sa tête retomber contre le cœur de son ami et se rapprocha timidement contre lui. Elle ferma les yeux et profita du réconfort, redescendant un peu ses mains qui se rassemblaient poings fermés sous son menton, comme si elle protégeait toujours son cœur. Raser le bâtiment, elle en avait eu envie. Elle aurait peut-être dû le faire avant de partir, vraiment, mais cela aurait été violent, injuste pour le reste de la famille. Non, elle ne pouvait pas penser qu’à elle. Ses enfants méritaient que cette maison devienne mieux qu’un tas de poussière.

« Je pourrais. »
murmura-t-elle sans se détacher de lui « Je pourrait poser poing à terre et faire s’écrouler les murs, le toit. Mais je ne m’arrêterais pas là. Si je commence à détruire, je ne m’arrêterai pas. »

Elle mènerait le combat jusqu’au bout, s’en prendrait à toute la ville, ou mourrait en essayant. C’était là sa nature chaotique, celle qui avait achevé Smilodaene, des rages meurtrières d’incendies gargantuesques, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien pour alimenter le feu. Si elle se laissait faire, Autone se consumerait d’un seul coup. Cela l’effrayait, maintenant qu’elle l’avait vu, elle avait compris beaucoup de choses, mais elle avait aussi eu peur de ce qu’elle était capable de faire.

« Je ne veux pas déranger Aldaron maintenant. Il a déjà beaucoup de dédales à parcourir dans son propre esprit, je veux qu’il se concentre sur lui-même. »


Autone se détacha du jeune elfe et fit un pas en arrière. Il devait bien faire deux têtes de plus que lui, elle devait lever la tête pour le regarder dans les yeux. Puis elle sourit et rit un peu « Nous sommes couverts de poussière. » Elle abandonna l’idée de secouer ses vêtements. « Cet homme me dépasse. Il a eu l’audace de faire semblants de connaître l’histoire des Falkire. C’est une famille qui a été anoblie par faits d’armes et il a l’audace de me parler d’habileté à l’épée. » Autone leva un sourcil, se retenant d’en rire, ça en était presque ridicule. « Et la forge? Il n’y en aurait jamais eu si ma belle sœur ne s’était mariée avec un fils de forgeron. Les Falkire n’ont jamais pratiqué cet art, Ceidrik a appris à Satie à battre le fer mais elle s’occupe majoritairement de la vente et des comptes, sous ma supervision. Et ce soldat qui parle comme s’il nous savait être des forgerons depuis des décennies…incroyable. »

La petite dame échappa un gloussement. Elle s’approcha de l’enclume et se saisit de l’épée qui fût posée là plus tôt. Levant le bras pour porter le manche face à ses yeux, à bout de bras, elle observait l’objet abandonné. « Notre signature est la priorité de la durabilité, ensuite viennent les détails. Comment peut-il parler de fragilité. »

Indignée, Autone secoua la tête et reposa l’arme sur son présentoir inhabituel avant de se retourner vers le jeune elfe. « Pardon, je n’arrive pas à croire qu’il nous a parlé ainsi. Il était inutile de s’inquiéter de nos relations diplomatiques. La dernière chose que je veux c’est de donner une raison de plus à Eleonnora d’être en colère contre les Kohan. » Le rossignol avait suffisamment de sa colère, à elle. Alors qu’elle s’était battue pour une paix apparente, elle n’avait dit à personne qu’elle se retenait elle-même de mener cette guerre.

« Sortons d’ici… Veux tu voir la maison? Elle est très belle. Nous pouvons aussi aller prendre l’air ailleurs, si tu as d’autres idées. »

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L’aisance avec laquelle Autone accepta le contact déconcerta légèrement le jeune elfe et Sorel mit une poignée de secondes à réagir. Il enroula ses bras autour de la silhouette de la jeune femme et lui frotta gentiment le dos, cherchant à l’apaiser, à réconforter la peine et la douleur que revenir à Sélénia avait suscité chez elle.
Il se souvenait de la façon dont Rosa le berçait lorsqu’il s’était fait mal et qu’il pleurait à chaudes larmes, ou lorsqu’il se sentait nul et stupide d’être si lent comparé aux autres enfants. Il doutait cependant qu’Autone apprécie d’être traitée comme une enfant, d’autant plus par un elfe maladroit.

Sa proposition de détruire les lieux rencontra une réponse à laquelle il ne s’attendait pas. Et aurait probablement dû expecter venant de la jeune femme, mais la perspective d’une telle destruction et des conséquences qui en découleraient lui tirèrent une grimace.

« D’accord. Alors on va peut-être s’abstenir, » proposa-t-il raisonnablement avec une pointe d’humour.

Sa proposition d’en discuter avec Aldaron rencontra une réponse toute aussi raisonnable que la sienne et Sorel dû admettre, d’un hochement de tête, qu’elle avait raison. Dada était pas mal occupé entre les différentes gestions qu’il avait à prendre en main et la récupération de ses souvenirs, naviguer entre sa nouvelle vie et l’ancienne. Pour autant qu’il le pouvait, tout au moins. Le jeune elfe était cependant certain que si elle en avait fait la demande, Aldaron aurait volontiers pris le temps de discuter avec elle afin de déterminer ce qu’il y avait de mieux à faire, faire état des différentes options qui se présentaient à Autone.
Sorel la laissa s’écarter et, à sa remarque quand à la poussière, écarquilla les yeux en jetant un regard sur sa tenue.

Sa chemise et ses braies étaient couvertes de patch blancs disséminés à peu près partout mais particulièrement concentrées là où Autone s’était tenue juste quelques instants auparavant. Une zone en particulier se trouvait là où elle avait joint ses mains contre sa poitrine. L’elfe leva les yeux vers elle, ronds comme des pièces :

« Je tiens à t’informer que je te tiens pour responsable, » annonça-t-il platement, constatant l’étendue des dégâts.

Il n’essaya même pas de deviner le temps qu’il lui faudrait pour laver tout ça. C’était un problème pour une autre fois, le moins il y pensait, le moins il en souffrirait.

Sa cape.

Écoutant d’une oreille la tirade d’Autone, Sorel attrapa vivement le coin de sa cape pour constater que le tissu d’un noir soutenu avait viré au gris par endroit et au blanc franc à d’autres. Il glapit d’outrage, tentant vainement d’effacer les traces et en ajoutant d’autres là où le tissu en était exempt, étalant certaines un peu plus au lieu d’arranger les choses. Grognant, il fusilla la poussière du regard avant d’abandonner sa cape à son sort.
La diatribe d’Autone lui arracha un souffle amusé et il lui jeta un regard suivi d’un haussement d’épaules :

« Peut-être qu’il a mélangé les faits, » tenta-t-il raisonnablement. « Ou alors l’âge commence à faire des ravages. »

Pour faire bonne mesure, il fit un geste circulaire du doigt près de sa tempe, haussant un sourcil à l’adresse d’Autone.

Il se frotta les mains et, de justesse, se retint de les essuyer sur son pantalon. Il haussa les épaules une nouvelle fois, se dirigeant vers la porte pour l’ouvrir et laisser un peu d’air frais pénétrer. Et remonter un peu plus de poussière. La sensation d’un chatouillement lui remontant les narines, Sorel se retint d’éternuer sans pour autant s’empêcher de jeter un oeil noir vers le tapis blanc qui recouvrait la quasi totalité des lieux.

« Si ta maison est dans un état semblable, j’ignore si mon nez y survivra. Mais on peut aller faire un tour, » ajouta-t-il avec plus de légèreté. « J’aurais peut-être quelques propositions ou idées. Un peu d’air frais ne peut pas nous faire de mal. »

Galant, il proposa son bras à la jeune femme, un petit sourire joueur étirant ses lèvres.Elle se saisit de l’invitation avec peu d’hésitation et le sourire du jeune elfe s’affirma. Doucement, il la guida jusqu’à l’extérieur. Elle ferma la porte, la clé ouvragée faisant son office de sécuriser les lieux jusqu’à leur retour ou le retour du prochain propriétaire.
Docile, Sorel se laissa guider jusqu’au manoir d’Autone. Il conserva la main de la jeune femme au creux de son bras, couvrant les longs doigts fins des siens pour les garder chaud dans le froid qui régnait dehors. Ils ne devaient pas avoir fière allure, couverts de poussière qu’ils étaient, mais Sorel - bien que toujours peiné pour sa précieuse cape - n’en avait que faire.

Le trajet s’effectua dans un silence confortable, parfois parsemé de quelques mots que Sorel glissait sur une échoppe ou une maison. Il ne connaissait pas tout le monde à Sélénia, loin de là, mais il avait ses connaissances et quelques personnes chez qui il savait pouvoir se rendre en cas de besoin. Il était particulièrement sociable, après tout, et aborder les gens pour discuter, découvrir de nouvelles personnes et faire connaissance, était d’une facilité déconcertante pour lui.
Autone le guida jusqu’à un manoir, légèrement en retrait, dont le travail dénotait parmi ses voisins. Les gravures, l’elfique et la peinture le charmèrent et lui tirèrent un sourire minuscule mais non moins sincère. Il y avait tellement d’Autone et de Matis dans les détails qu’il découvrait qu’il n’y avait pas de doute à avoir.

« C’est magnifique... »

Le murmure lui échappa comme à regret. Matis et Autone auraient dû vivre ici, avec leurs enfants et les voir grandir entre ses murs et parcourir ses terres. A la fin de l’histoire, cependant, il ne s’agissait plus que d’un mausolée d’espoirs perdus.

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Sorel lui donnait envie de rire, chaque fois qu’il ouvrait la bouche pour tourner le dramatique au ridicule. Autone ne s’en offensait pas, elle s’en amusait, se souvenant d’un temps où elle faisait la même chose, constamment. Parfois elle avait envie de lui demander comment il faisait pour garder cette candeur, après morneflamme, le sang, les brûlures. Sorel évitait-il purement et simplement d’y penser? Avait-il bloqué ces années de sa tête? Elle craignait pour lui, pour son cœur et son esprit. Ressentait-il toujours la terreur lorsqu’il s’éveillait, craignant la source de son éveil. Ou alors devoir se battre contre un vampire qui avait réussi à franchir la clôture entre les deux parties de la prison? Comment vivait-il, à Selenia, loin de son père, loin des autres membres du marché noir?

Le jeune elfe offrit son bras à la Falkire, qu’elle prit sans vraiment y penser. Sorel faisait encore attention avec elle. Il l’avait vu figer, trembler il y avait des années, quand on la touchait. À l’époque où ils s’étaient rencontrés, elle gardait encore les hommes à distance, n’avait pas réellement eu le temps de se remettre de ses années à Gloria. Depuis son mariage, qui inaugurait son arrivée dans la noblesse, combien d’hommes lui avait offert le bras ou touché les mains sans jamais lui demander la permission? C’était une chose qu’Autone avait du mal à comprendre. Les nobles se touchaient, par galanteries et politesses. À vrai dire, il était totalement logique pour une fille de village qui avait passé la moitié de sa vie sur une ferme et l’autre dans une maison de joie d’avoir de la difficulté à comprendre la galanterie. Évidemment qu’elle s’était habituée, avec le temps, mais elle avait eu plusieurs conversations risibles avec Matis. Un portrait assez commun de leur mariage à vrai dire : Autone se plaignant de combien elle ne comprenait rien aux nobles et Matis lui disant qu’elle avait raison en riant.

Dehors, Autone verrouilla la porte puis guida Sorel jusqu’à l’ancienne résidence. Elle évitait de regarder les passants, effaçant leur visage en se concentrant sur l’architecture et la main de son jeune ami qui couvrait la sienne. Autone s’arrêta devant la grande maison et leva la tête. La remarque spontanée de Sorel lui arracha un pincement au cœur, elle pencha la tête sur le côté, la posant ainsi sur le bras du jeune elfe pour apaiser la mélancolie. « Merci. » murmura-t-elle en laissant une larme couler sur son sourire nostalgique. Il lui semblait qu’elle n’arrêtait jamais de le pleurer. « Dans notre chambre, nous avons fait peindre une carte du ciel au plafond. Parce que quand nous nous sommes rencontrés… »

Les mots se bloquèrent dans sa gorge, elle pâlit, songeant qu’elle avait presque évoqué la maison de joie. Elle fronça les sourcils, refusant la honte qui la prenait

« Nous nous étions étendus sur mon lit. Innocemment, il…ne s’était rien passé ce soir-là. On ne faisait que converser, regardant droit vers le ciel, songeant combien ce plafond était un obstacle entre nous et les étoiles. Alors nous nous sommes réfugiés dans le jardin, pour admirer ensemble la voute céleste. Et il m’a confié un médaillon familial, supposément porte chance… »
Autone gloussa, observant devant elle la maison. « Moi, petite femme de rien, il m’avait donné le médaillon dont ses sœurs lui avaient fait présent, pour le protéger dans la guerre. Je me demande si elles avaient su, auraient-elles été en colère? » La petite dame sourit en redressant la tête, aujourd’hui, les deux dames parlaient que c’était le destin qui les avait liés. Que Matis n’avait su que lire dans les étoiles. « Il a été question de construire un plafond en cristal mais j’ai dit que c’était hors de question, même si l’on avait les moyens, je refusais de faire une décision si peu pratique. » ajouta-t-elle en riant un peu. Puis elle secoua la tête avant de la tourner vers Sorel, revenant un peu plus au présent. « J’espère que je ne t’embête pas avec mes histoires. Tu n’as pas à être intéressé à les entendre. »

Autone lâcha doucement le bras de son ami, s’éloignant un peu de lui avant de secouer sa robe. C’était bien plus facile et efficace maintenant qu’ils étaient à l’extérieur. Relevant la tête après avoir battu sa jupe plusieurs fois, elle lui offrit un sourire taquin. « Me pardonneras tu jamais de t’avoir entraîné dans toute cette saleté? » Puis elle se résignât à ne pas entrer à nouveau dans ce mausolée, perdant son sourire. Elle avait soulevé bien suffisamment de poussière pour aujourd’hui. Faisant face à Sorel, mais tournant la tête vers la maison à laquelle elle tentait de dire un dernier adieu, elle prit son courage à deux mains avant de prendre sa décision. « Je vais le leur donner. Je leur en veux encore de me l’avoir pris et je ne sais pas si je les pardonnerai un jour d’avoir mené toutes ces guerres. Mais je préfère créer quelque chose de beau avec cet endroit plutôt que de le laisser moisir dans la haine. Matis avait un grand cœur et nous avions le point commun de détester la pauvreté. Je veux qu’elle devienne un orphelinat. Qu’en penses-tu? »

Si Matis avait-été présent, c’est ce qu’il aurait voulu. Autone le savait, au fond d’elle-même, elle en était convaincue, pouvait presque le sentir l’appuyer dans cette idée. Lui qui s’était battu quand il avait vu l’opulence indécente des palais de Gloria. Trahissant Fabius Kohan en se révoltant contre lui. Il lui aurait dit que leurs enfants ne manquaient de rien, qu’il était heureux qu’ils aient un toit et une famille. Qu’il en voulait autant pour tous les autres enfants.

« C’est ce qu’il aurait fait, je crois…je sais que c’est ce qu’il aurait fait. »
Elle combattait encore en elle l’envie de grimper sur le toit et de tout faire s’écrouler. Non, Matis n’aurait pas voulu un tel destin pour la maison qu’ils avaient pensés ensemble.

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Sorel cilla. Le plafond, peint à l’image des étoiles ? Il se prit à imaginer ce que cela pouvait donner, à observer de jour comme de nuit. Il était certain que le rendu devait être exquis de jour, s’installer dans un grand lit et laisser le temps d’observer chaque détail, l’emplacement de chaque étoile. La curiosité lui donnait rien moins qu’envie d’aller voir par lui-même, de découvrir les couleurs, espérant que le temps ne les avait pas gâtées, ternies ou affadies.
Songeur, il inclina également la tête, reposant ses mèches cuivrées sur celles de la jeune femme, mêlant leurs crinières enflammées.
Il l’écouta calmement, profitant simplement de la proximité d’Autone et du contact physique, appréciant la simplicité et la présence de l’humaine. Sorel était une âme agitée et brillante, au sourire facile, mais il n’y avait rien de moins apaisant qu’un câlin ou qu’un contact, rien de plus facile que de l’immobiliser d’une main amicale sur l’épaule ou d’un contact, même bref.

Amusé, se laissant bercer par la mémoire d’Autone, Sorel émit un son amusé lorsqu’elle mentionna le pendentif probablement précieux au-delà des mots.
Elle redressa la tête, le regard rivé sur la bâtisse mais les prochains mots qu’elle prononça lui firent tourner vivement la tête, une expression incrédule marquant ses traits. Un toit en cristal ? Même s’il était à peu près certain que ce genre de chose pouvait effectivement s’acheter, quel était exactement l’intérêt d’une telle dépense ? Il y avait effectivement un certain confort à pouvoir observer les étoiles depuis sa chambre, pelotonné au fond de son lit, mais aux yeux de Sorel il n’y avait rien de comparable à dormir à la belle étoile et de pouvoir observer le ciel sans intermédiaire. Il n’y avait rien de tel que de sentir la brise, l’odeur et de voir les couleurs telles qu’elles s’exprimaient.
Evidemment, il n’y avait également rien de plus délicieux que de s’exposer au froid, parfois aux mauvaises odeurs et de pouvoir ensuite rentrer chez soi, s’enrouler dans une couverture et étirer ses pieds vers une flambée bienveillante, un soupir de contentement aux lèvres.

Il émit un son approbateur concernant la décision qu’elle avait prise, quant à l’aspect peu pratique d’un tel plafond, et hocha la tête pour faire bonne mesure. C’était à la fois romantique et stupide, peut-être une preuve que l’amour rendait idiot. Lorsqu’elle se tourna vers lui, Sorel secoua la tête, un fin sourire étirant ses lèvres :

« Non, pour être honnête, j’aime bien. »

Il fit un geste vers la maison puis dans la direction d’Autone.

« J’aime apprendre à connaître les gens, partager ce qu’ils ont à partager et découvrir ce qu’on veut bien me laisser découvrir. » Il haussa les épaules, souriant, presque timide, juste un peu plus doux. « Savoir tout ça te donne de nouvelles couleurs. »

Des couleurs qui n’étaient pas teintées du rouge suffoquant de morneflamme, du noir désespérant du volcan, du gris fade d’un maigre espoir qui s’étiole à mesure que le temps passe. Sans le bleu menaçant d’une mer sans fin et d’une fuite sans destination. Il y avait désormais du vert et du bleu, clair comme du cristal.

Elle s’éloigna, époussetant - sans succès - sa robe avant de se tourner vers lui, l’air mutin et le sourire sans honte. Il éclata de rire à sa question, une moue animant son visage lorsqu’il jeta un coup d’oeil à ses vêtements.

« Probablement pas, non. » Dit-il avec un sourire. « Tu vas en entendre parler pour un long moment, je pense. »

Ce n’était pas son job de se salir, après tout. Son job, outre celui de marchand, était de trouver des façons ingénieuses de salir les autres. D’une manière ou d’une autre. S’il voulait souiller ses vêtements ou envisageait la possibilité que cela arrive, il enfilait d’autres tenues. Celle-ci n’était pas bien coûteuse mais elle ne faisait pas parti de celles qu’il préférait porter lorsqu’il partait en vadrouille dans la nature.

La déclaration d’Autone, son désir de donner la maison au royaume de Sélénia, le fit légèrement froncer les sourcils. Bêtement, le fait qu’ils aient eut à se battre ou tout du moins argumenter pour que les deux bâtisses ne tombent pas entre les mains du royaume rendait cette décision un rien indigeste. C’était peut-être mesquin, ou simplement un restant de morneflamme, mais il s’agissait probablement d’une des meilleures décisions possibles. Ne plus l’avoir sous le bras et s’inquiéter de l’avenir du manoir, à tout le moins, resterait un poids en moins non négligeable pour la paix d’Autone.
Il hocha la tête mais se figea lorsque le mot “orphelinat” passa la barrière des lèvres d’Autone. Comme victime d’un choc, il la regarda avec de grands yeux avant de regarder au-delà de la forme ténue de la jeune femme, regardant la bâtisse avec de nouveaux yeux.

Elle était grande, bien plus que celui dans lequel il avait vécu pendant de longues années à regarder ses camarades partir, soit seuls et autonomes, soit en compagnie de nouvelles familles. Il faudrait délimiter le terrain pour que les enfants ne puissent s’échapper trop loin mais rien que le manoir offrirait un lieu de vie exceptionnel. Un peu de remise en forme, un peu de ménage et peut-être de l’entretien car certaines poutres et peut-être le toit nécessiteraient quelques attentions… mais un lieu de choix.
Sorel serra les lèvres en même temps qu’il sentit son coeur se serrer et il glissa ses mains dans ses poches. Dans l’une d’elle, il retrouva une pièce avec laquelle il joua, passant la pulpe de son doigt sur la tranche marquée. Il hocha la tête, un geste d’abord saccadé qui prit rapidement de l’assurance.

« C’est une généreuse idée, » lâcha-t-il platement, la gorge nouée. « Comment s’assurer, cependant, qu’ils accepteront ta décision ? Rien ne les empêche d’accepter et d’en faire tout autre chose après. »

Il approcha jusqu’à se tenir à la hauteur d’Autone, son regard passant d’un élément à un autre, remarquant les quelques endroits où la pluie et le temps avait commencé à attaquer et érroder.

« Comme la forge, cet endroit mériterait une petite remise en forme. Est-ce qu'il y a quelqu'un en particulier à qui tu peux confier la vente pour garantir que ton choix soit respecté et exaucé ? Un orphelinat reste coûteux à entretenir, beaucoup de bouches à nourrir, entre autres dépenses. »

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Elle avait fait vivre Matis, pendant ce petit moment, avec Sorel. Manquait-il à l’elfe? Lui qui vivait parmi les humains, combien devait-il compter ses morts? Mais il n’avait qu’une centaine d’année, le pire était encore à venir pour lui. Autone songea à toutes les personnes qui vivraient des centaines d’années après qu’elle, rejoigne la mort et le cycle de la renaissance. Elle haussa un sourcil curieux, alors que Sorel parlait de la voir dans d’autres couleurs. Comment l’avait-il perçu, avant aujourd’hui? Autone jouait toujours avec son identité, modelait son image, il était vrai qu’elle se montrait peu souvent honnête, comme elle se dévoilait aujourd’hui à Sorel. Peut-être avait-elle grandi, enfin.

Mais quelque chose se brisa quand Autone fit part de son idée. Elle se demanda si elle n’avait pas touché une corde sensible. La petite dame fut tentée de changer de sujet, pour ne pas faire de mal à Sorel. Mais il était difficile de le faire subtilement, après les questions qu’il avait posées.

« Je peux essayer, mais je ne pourrai pas vraiment être certaine. »
Fit-elle en regardant la maison qui s’éloignait doucement de son cœur, comme se détachant naturellement. « Sir Soen sera la figure officielle du don, il n’aurait pas l’immoralité d’aller à l’encontre de mes vœux. Surtout … que ce serait irrespectueux envers Matis. De juste vendre et encaisser. Je m’assurerai de rédiger une lettre, explicitant ma demande. Je vais devoir espérer que Sélénia accepte, au moins pour des raisons diplomatiques. Je vais faire ce que je peux mais… »Le rossignol reporta son attention sur le jeune elfe. « Il est temps de laisser aller. » Dit-elle dans un murmure mêlé d’apaisement et de tristesse. Hésitante, elle s’approcha, tentant d’offrir un peu d’empathie à Sorel. « Je ne sais pas qui tu étais, avant notre rencontre. J’ai l’impression d’avoir touché quelque chose qui fait mal avec cette idée. »

Autone leva une main pour la poser sur le bras du garçon, comme un faible signe de support. Elle soupira, peut-être était-ce une mauvaise idée de l’impliquer ? « À vrai dire, l’idée de la souffrance des enfants… » Lui faisait peur et mal, la fin de la phrase restât implicitement suspendue. La petite dame marqua une pause, baissant les yeux en ramenant sa main à elle-même pour tenir son bras gauche. « Je te fais confiance, à toi. Et je ne peux pas dire cela sur de nombreuses personnes à Selenia. Je sais que tu es bienveillant » Autone releva la tête, croisant le regard du garçon d’un doux sourire. « et candide. Je voulais te demander de…juste garder un œil sur l’endroit, de temps en temps. Et je saurai que les enfants ici sont bien traités. Pas seulement parce que je réside à Caladon mais aussi quand je serai partie.

Je ne t’en voudrais pas, si tu ne veux pas. »


Mais s’il le voulait, Matis pourrait vivre encore longtemps, bien plus longtemps qu’elle. « Est-ce que…je t’ai blessé? »demanda-t-elle, un peu insécure.

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Il hocha la tête à la réponse d’Autone, le regard rivé sur le bâtiment qui leur faisait face, son imagination conjurant des images folles d’enfant jouant dans la cour, de petites blessures et de bobos, de gamins pleurnichant et trouvant du réconfort auprès d’une des gardiennes de l’orphelinat. Celui-là n’avait pas les cheveux rouges ni les oreilles pointues, mais Sorel ne comptait pas le nombre de fois où il s’était rendu auprès de Rosa pour entendre ses mots doux et ses encouragements quand un genou écorché écoulait plus de larmes que de raison ou qu’un exercice, pourtant déjà effectué, se prouvait plus compliqué pour lui que pour ses autres camarades.
Sorel, une fois réfugié sous l’aile protectrice d’Aldaron, avait prit le temps de visiter les différents orphelinats que comptaient certaines villes. Il n’avait pas été placé dans le meilleur mais définitivement pas dans le pire non plus. Peu importaient les lézardes dans les murs et les taches sombres aux plafonds, Rosa valait tous les bâtiments neufs et les cours du monde. Celui-ci offrirait un environnement idéal où les rires et les pleurs pourraient raisonner en toute quiétude, légèrement à l’écart du reste de la ville pour ne pas déranger les voisins et risquer quelques réprimandes.

Le changement de ton de la jeune femme le fit cligner des yeux et il inclina la tête vers lui, confus. Qui il était avant… ? Muet, il écarquilla légèrement les yeux lorsqu’elle envisagea l’avoir blessé avec ses propos. La stupéfaction lui coupant la parole, il la dévisagea avec des yeux ronds.

Son regard passa du visage inquiet d’Autone à la main qu’elle posa sur son bras, apaisante, poursuivant ses explications, sa demande lui faisant rater un battement de coeur. Sorel jeta un regard vers la bâtisse, songeant à d’éventuelles visites, à venir à l’occasion pour surveiller, protéger.
La dernière question, posée lentement avec l’intonation de l’incertitude le piqua au vif comme une aiguille. Il bondit sur place, comme explosant hors de sa soudaine inertie :

« Mais bien sûr que non ! » S’exclama-t-il, outré.

Il lui attrapa la main et l’emmena avec elle alors qu’il dansait presque sur place, exubérant et souriant :

« Je viendrais ici aussi souvent que possible, » lança-t-il avec l’enthousiasme d’un génie qui aurait fait une découverte, « et je leur ramènerais des bonbons, » ajouta-t-il sur le ton de la conspiration.

Sa main tenant toujours celle d’Autone, il la fit tourner sur elle-même dans un pas de danse saugrenu avant de l’attirer contre lui dans une étreinte.

« C’est la meilleure idée du monde, » souffla-t-il avec émotion.

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La petite dame n’était pas tout à fait rassurée de la réponse de son jeune ami, mais elle n’insista pas. Il n’était pas plus respectueux de lui demander des explications sur sa réaction. Elle faisait confiance que Sorel saurait vers qui se tourner si un jour il avait besoin d’une oreille attentive.

Autone laissa retentir un rire cristallin quand Sorel la fit tourner, jouant à son jeu en se laissant entraîner dans le pas de danse inattendu. L’innocence du garçon était douce, réchauffait son cœur. Elle restât contre lui et sourit en fermant les yeux, sentant un mélange de nostalgie et de reconnaissance. Dans le théâtre de son esprit, elle déposait cette maison sur un voilier et le laissait partir à la mer, voguer vers une terre incertaine. Mais elle la laissait partir, renaître comme elle renaîtrait. Elle imaginait Sorel emmener des sucreries aux enfants dans le grand hall, songea que quelque chose que Matis et Autone avaient créés vivrait encore longtemps, sans leur appartenir. Raconterait-on l’histoire de Matis, dans des années? Serait-elle peinte comme la traîtresse de cette histoire?

« Merci. Ça n’a pas de prix, ce service. Plus que cela…C’est un véritable cadeau. »

La petite dame resta immobile un long moment dans les bras du jeune elfe. Puis elle se détacha de lui et doucement porta ses deux mains au visage du garçon, ses ambres le toisant d’une reconnaissance émue. « Merci. » Répéta-t-elle, avant que ses lèvres ne s’étirent en un sourire un peu espiègle. « Il faudra que je te couvre de présents. » Autone rit un peu et souffla un dernier murmure ému « Elwenúmë. » Puis elle ramena ses mains vers elle-même.

« Je dois t’écrire et te visiter plus souvent, nos foyers sont distants, mais tu seras toujours la bienvenue chez moi. »




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