20 Janvier 1764
Île de To'Okui
Île de To'Okui
Ils avaient fait halte, par chance, sur l’île vagabonde. To’Okui pouvait réellement être nommée rêve des déesses, toute de vert luxurieux et de brun profond, de fleurs colorées, chatoyantes et de sable blanc. Qui n’aurait pas apprécié ce lieu si riche en vie ? Mais il lui manquait quelque chose, ou sans doute était-ce qu’il ne l’avait pas encore trouvé, tout simplement. Cette débauche était trop opulente, sans retenue et sans honte, comme le jupon d’une jeune elfe de haute famille voulant s’encanailler. Mais à tout facette brillante il existait une facette austère, et il était curieux de savoir à quoi elle ressemblait en ces lieux. Si Vie était si forte ici, Néant devait l’être tout autant. Il serait bon qu’il demande à Naal de l’accompagner, la prochaine fois. Malheureusement l’Oracle avait des projets qui ne tarderaient plus, bien qu’il n’appréciât pas vraiment leur direction. La prochaine fois, oui. De toute façon, lui-même attendait simplement que son navire refasse ses réserves, ensuite ils repartaient. Ils ne pouvaient pas se permettre le luxe de traîner alors qu’une menace majeur pesait sur le Domaine Baptistrale. Il devait absolument prévenir le reste de l’Archipel et rassembler de quoi consolider leurs défenses. Maintenant qu’ils savaient où les Couronnes frapperaient, il fallait absolument en profiter pour détruire la menace une bonne fois pour toute. Plutôt que de simplement se défendre, il serait bien plus utile de transformer le Domaine en piège. En évacuant les apprentis et leurs protégés avant, bien entendu, pour être certains de limiter les pertes civiles, et ensuite tirer partie des avantages que le lieu offrait naturellement. Il n’avait guère que cela à l’esprit, depuis la fin de sa mission d’épuration de Karapts.
Et justement, quand il vit la dracène plonger pendant un bref instant l’île dans son ombre, il se fit la réflexion qu’un départ différé ne serait finalement pas une mauvaise idée. Se dirigeant vers l’autre extrémité de la plage d’un pas mesuré, entièrement couvert par un takakat blanc aux broderies d’un bleu ciel épuré, son visage dissimulé d’une chèche de même teinte, pour repousser le soleil déjà ardent de cette fin de janvier, ainsi que la brûlure du vent iodé, de sa peau délicate qui risquait de brûler aux premières dix minutes d’exposition constante. Or, il ne pouvait pas se permettre de se retrouver ralentis par ce genre d’affaire triviale. Autant faire attention, même si on ne voyait plus de lui que son regard à la couleur changeante. Sous la puissante luminosité de l’île et de la haute mer, ses prunelles avaient prit une teinte très claire, comme une eau peu profonde. Il s’approcha jusqu’à un morceau de roche, sur lequel il se percha avec précaution, puis étudia la dracène qui venait de se poser. De sa teinte et de sa morphologie, l’elfe en déduisit qu’il s’agissait de Nynsith, la Dévoreuse. Parfait. Cela lui allait très bien, elle avait combattu les chimères après tout, ce n’était pas une débutante. Maintenant, comment faire exactement ? Il se fit la réflexion, puis se décida rapidement et se mit à chantonner tout bas. Il évoqua des images issues de son propre chant nom qu’il fit parvenir à la dracène. Des images et des discussions issues de leur intrusion dans le canyon Karapt et de l’entrevue avec la reine de l’essaim ainsi que de la créature mutée à cause de la puissance de Rog.
Et, à la toute fin, la certitude de la reine Karapt de l’attaque des Couronnes de cendre sur le Domaine. Lorsqu’il cessa, il rouvrit les yeux et s’adressa directement à Nynsith.
“Je cherche des volontaires pour écraser les Couronnes lors de leur attaque. L’aide d’un dragon me serait un énorme avantage. Dois-je plaider davantage ma cause ?”