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Premier décembre 1763

Les yeux ronds, Autone figea, la lettre de Luna entre les mains. Yolande, qui se défiait seule aux échecs, leva un sourcil en lui demandant ce qui lui valait une telle réaction. La petite dame ne réagit même pas à Odélie qui venait s’asseoir au pied de son fauteuil pour poser la tête sur les cuisses de sa mère. Après quelques secondes, elle releva la main pour la passer dans la chevelure rousse.
« Luna a accouché. »  

Yolande restât immobile un moment, le pion suspendu au-dessus du jeu alors qu’elle s’apprêtait à le placer. « N’était-elle pas mariée avec Orfraie Ataliel? Qui est le père? » Le rossignol se pinça les lèvres pour retenir un rire explosif. « Bien, apparemment, Orfraie. » Les deux femmes se regardèrent d’un air complice et éclatèrent de rire ensemble.

« La princesse! » fit Odélie, alors qu’Autone déposait la lettre pour attraper sa fille par les hanches et l’asseoir sur ses genoux.« Oui, Princesse Luna. » lui dit-elle en soufflant un peu sur son front pour dégager les mèches libres qui couvraient ses yeux. L’enfant se mit à rire, puis Autone la recoiffa un peu, sans la gronder. Yolande avait de la difficulté à se retenir de corriger les enfants sur leurs manières. Ce n’était pas les siens, alors elle respectait l’éducation que Satie et Autone leur donnait. Lorsqu’on y pensait, il était étonnant que Yolande ne soit toujours pas mariée. Des deux jumelles, Yolande était celle qui avait consacré la plus grande partie de sa jeunesse à chercher un bon parti. Depuis que Matis les avait quittés, il lui semblait que l’héritière Falkire errait, comme si elle avait perdu foi en l’avenir. Elle trouvait son contentement dans ce concon familial et avait cessé de chercher un catalyseur à ses ambitions. « Je sais que les Kohan ne te plaisent pas mais… » Yolande interrompit la petite dame, l’air sérieuse : « Matis considérait Luna comme une sœur. Soit sans craintes, Autone. »  

La petite dame sourit et embrassa la joue de Yolande avant de quitter vers son bureau.

Luna

Quelle surprise d’avoir ces nouvelles de toi. Je dois bien avouer que je me suis toujours demandé si ces potions pouvaient être utilisées ainsi. N’en souffle mot à personne, je t’en prie. Elena, nom de la ville natale des Falkire, mère de leur grande lignée. N’évoquez jamais cet endroit devant un Falkire, vous resterez coincé pour des heures à devoir l’écouter par politesse. Si cet enfant a la moitié de ta force, ces centenaires générationnels seront presque aussi tenaces que ta petite étoile.

Je regrette de ne pas t’avoir écrit toutes les semaines, si j’avais entendu nouvelles de ta grossesse, je t’aurais visité. Permets-moi de prendre engagement de t’envoyer mes oiseaux chaque fois que ma vie daignera être assez intéressante pour remplir le contenu d’une lettre. Ou bien chaque fois que je penserai à la lune. Comme il est illusoire de penser que tu es une mère, alors que tu étais si jeune lors de notre première rencontre.

Permets-moi aussi de t’inviter Luna. Lorsque j’ai donné naissance à Odélie et Kyran, j’ai d’abord eu peur de n’avoir aucune présence féminine dans ma vie. Je me disais souvent que j’aurais aimé que ma mère soit présente. Finalement, Satie m’a été d’une grande aide. Je ne sais pas comment tu es entourée, mais j’aimerais t’offrir de venir ici, à Caladon, dans la maison Falkire pour vivre les premiers mois de ta maternité. Tu pourras rester autant que tu veux, peut-être pouvons-nous passer l’hiver ensemble. Cela me rendrait si heureuse de pouvoir retisser les liens qui ont souffert de la distance. Bien sûr, Orfraie Ataliel est la bienvenue. Ta petite étoile pourra rencontrer mes jumeaux et le garçon de Satie. Un nouveau Falkire va d’ailleurs rejoindre la famille, puisque Satie et Céidrik attendent leur deuxième enfant.

Bien sûr je ne prendrai aucune offense si tu désires vivre ce début de maternité seule avec ta femme. Sache que vous ne manquerez de rien ici.

Avec toute mon affection,

Autone.

La petite dame chercha dans son bureau encombré de papiers éparses la cire qui lui servait à sceller ses lettres. Elle avait passé les derniers mois à retranscrire les histoires des légendes Graärhs, celles dont elle se souvenait et celles qu’elle avait apprises plus récemment. Des partitions s’accumulaient les unes sur les autres et des feuilles de musique vierges étaient les seules qui étaient empilées de manière ordonnée. Autone soupira, elle remettait toujours à demain le moment du classement, passait tant de temps à travailler sur ces chansons qu’elle oubliait de les ranger. D’un coup de tête, la petite dame décida de classer les documents, empilant les histoires terminées ensemble, les brouillons de chaque catégorie. Puis elle passa de longues minutes à tenter d’ordonner dans sa tête quelles partitions elle avait écrit dans l’idée de la combiner avec d’autres. Cela lui arrivait souvent d’écrire une partie de chanson puis d’oublier de combiner les idées ensemble. Autone chantait parfois quelques notes pour tenter d’associer les mélodies à ses idées passées. Finalement, le court moment qu’Autone avait pris pour écrire une lettre s’était transformée en trois heures de rangement.

La petite dame daigna enfin sceller la lettre sur un bureau enfin ordonné. Satisfaite, elle alla prévenir les jumelles avant d’envoyer sa requête. Elle ouvrit la porte du jardin et tendit la main à un joli corbeau. Le rossignol caressa le bec de l’oiseau avant d’attacher sa lettre d’un ruban « Va porter mon message à Luna Kohan, à Ipsë Rosea, joli corbeau. »  

***

Autone avait envoyé une calèche chercher Luna au port. Le bateau était arrivée en matinée, on avait déposé Luna devant la résidence Falkire où Autone l’avait attendu devant la porte, fébrile. Remplie de joie, elle l’avait vu sortir de la voiture avec l’enfant et avait embrassé son amie avant de la faire entrer rapidement. Bien qu’Autone avait prévenu Eleonnora de la présence de Luna, la princesse avait explicité son désir de rester subtile dans sa visite. La petite dame avait laissé Luna le temps de s’installer, d’apprivoiser ses appartements, une chambre pour les visiteurs qui était aussi belle que toutes les autres chambres de la maison. La résidence Falkire était bâtie sur une esthétique de ce qui était bien fait, avec la beauté délicate de l’artisanat. La maison ne reluisait pas de luxe indécent, mais du talent des artistes qui avaient mis leur cœur dans chaque pièce d’architecture ou de mobilier. Tout semblait être fait pour durer, la maison était à l’image des Falkire en cette perspective.  

Autone fit préparer un bain et un repas pour la princesse des lumières. Luna put profiter de ces quelques heures alors qu’Autone s’occupait d’Elena. En après-midi, Autone avait demandé le thé à sa servante et les nourrices prirent charge des enfants pour laisser aux deux jeunes femmes un moment. Alors que Luna arrivait au salon, Autone s’approcha et prit le visage de la princesse entre ses mains, d’un geste maternel et tout sourire. C’était étrange, maintenant qu’elle était si grande. Elles avaient pu se saluer plus tôt mais Autone avait voulu lui laisser le temps de se reposer avant d’entamer une conversation. Il y aurait tant de choses à dire. « Regarde de toi. » remarqua-t-elle, avant de laisser son visage pour prendre ses deux mains. « Je ne sais pas par où commencer. Viens, j’ai fait préparer un thé et des sucreries. »  La petite dame entraina son amie sur le sofa auprès duquel avait été approché une petite table. Ainsi, elles étaient assises l’une à côté de l’autre. Des biscuits au beurre et quelques sucreries au chocolat étaient posée dans une assiette en porcelaine, près des deux petites tasses et de la théière. Autone servit le thé à son invitée avant de servir sa propre tasse. « J’aurais aimé être auprès de toi pour ton accouchement. J’espère que tout s’est bien passé pour toi. Dis-moi, as-tu des craintes? Des questions à qui tu ne sais pas demander? Sache qu’il n’y a aucun sujet interdit. C’est très courageux de ta part d’avoir fait le voyage à peine quelques mois après la naissance de ton enfant. » Autone offrit un sourire à la princesse, l’observant un peu, s’imprégnant de son regard lumineux. « Je suis heureuse que tu sois venue. »

C’était difficile de marcher sur ce chemin, mais Autone s’était mise à chercher ce qui la rendait authentique. Luna était de ces personnes dont elle ne craignait pas, elle pouvait ainsi être entièrement vulnérable avec elle. Être Autone, seulement Autone. Ni la conseillère de Caladon, ni la politicienne.

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« Nous sommes presque arrivés. [...] Ne t’inquiète pas pour moi, je serai en bonne compagnie. Dis au revoir à Orfraie, Elena! Nous t’aimons fort! » Termina-t-elle en faisant voler un dernier bisou à la projection brumeuse de son Inséparable et en agitant la petite main du bambin tenue contre elle par son écharpe de portage. Le silence envahit sa pièce puis elle remit la pierre de communication dans son sac. Un sentiment de déprime la recouvrit; ça lui faisait bizarre d’être si loin d’Orfraie. Mais un gazouillement chassa ses pensées alors qu’elle sortait sur le pont de son navire. « Nous sommes presque arrivées. J’ai si hâte que tu la rencontres. Ça fait tellement longtemps que je ne l’ai pas vue. » Expliqua-t-elle à Elena, même si cette dernière ne comprenait pas ce que signifiait pour Luna de revoir Autone.

Les poches sous les yeux de la mère témoignaient de son manque de sommeil. La petite avait changé sa vie, mais elle ne retournerait pas en arrière et ce, même si la naissance avait été catastrophique et qu’elle rêvait d’une nuit complète de sommeil. Certes, ce n’était pas les nounous qui manquaient et tout son équipage ne ratait pas une occasion de se proposer comme gardien, mais c’était une maman surprotectrice. Voilà qu’elle voyait le mal partout, dans la moindre chose, ça la changeait bien! Avec Orfraie qui était partie si loin, la princesse des lumières avait du mal à rester à Ipsë Rosea. Elle avait sauté sur l’occasion lorsqu’Autone l’avait invitée à Caladon. Peu nombreux étaient ceux qui avaient reçu une lettre contenant la bonne nouvelle de la venue d’Elena. Par principe et puisqu’elle l’avait promis, elle en avait envoyé une à Victoria. Mais c’était dans celle dirigée à Autone qu’elle y avait libéré son cœur. Elles s’étaient échangées plusieurs lettres et enfin, une date était tombée, de même que la promesse que sa venue reste incognito. En effet, elle ne voulait pas attirer l’attention sur elle.

Il était encore très tôt lorsque Vif Éclat déposa la jeune femme et sa fille. Elle salua son équipage d’un grand signe du bras puis regarda son navire s’éloigner au loin. Un instant plus tard, elle posait sur son visage son masque du mystère pour se promener dans le port de Caladon jusqu’à ce qu’elle reconnut la calèche qui lui était destinée. C’est dans un état fébrile qu’elle attendit impatiemment d’arriver devant la résidence Falkire. « Autone! » S’était-elle écriée. Elle l’avait longuement enlacée, si heureuse de la revoir. Combien de temps s’était-il passé depuis la dernière fois qu’elle l’avait vue? Réellement vue, pas comme à Cordont où elle ne pouvait être elle-même et où elle ne se sentait à sa place.

Le petit moment pour elle-même lui fit le plus grand bien et n’avait pas le moindre souci que son amie prendrait le plus grand soin de sa petite étoile. Les cheveux encore mouillés, elle la rejoignit dans le salon. Luna n’avait pas beaucoup changé physiquement, par rapport à avant sa grossesse, à l’exception de sa chevelure dorée qui lui arrivait à ses épaules. Une fois sèche, les ondulations caresseraient plutôt son menton. Ses azurs la recouvrirent tendrement alors qu’Autone la prit par son visage. Le Rossignol était comme une deuxième mère pour elle, même si c’est vrai qu’elle n’avait pas une grande différence d’âge au final. « Je suis heureuse d’être venue. » Elle prit place à côté d’elle dans le fauteuil et se gâta d’une sucrerie.

Un soupir s’échappa cependant de ses lèvres. Il y avait tant de choses sur son cœur qu’elle ne savait pas trop par quoi commencer. « Est-ce normal de toujours s’inquiéter? » Demanda-t-elle. C’était sa première question. Elle qui était si naïve, elle le reconnaissait enfin, maintenant sa conscience était en perpétuelle analyse. « Je ne sais pas si je fais les choses correctement. Je me le demande constamment. J’aimerais tellement que ma mère soit là. C’est un peu idiot. » Mentionna-t-elle en finissant par un petit rire. Ce sentiment de vide, creusé par le décès de sa mère, s'était atténué ces dernières années, mais il était apparu tel un gouffre à la naissance d’Elena. Elle ne connaitrait jamais ses grands-parents, adoptifs ou non.

« Comment vont Kyran et Odélie? Quel âge ont-ils maintenant? Satie et Yolande? » S’enquit-elle. Luna avait perdu le fil du temps. Il fut un temps où était si proche des deux sœurs Falkire, mais elles s’étaient perdues de vue maintenant. C’est dans des moments comme ceux-là, dans cette maison qui lui rappelait son cher ami Matis, que la jeune femme remettait en question ses choix de vie. « Je peux te confier quelque chose…? » Demanda-t-elle sous le ton de la confidence. Elle voulait se vider le coeur. Elle était si heureuse de la revoir! Mais elle se sentait mal : elle n’avait pas envie de gâcher ce moment joyeux avec son chialage et ses craintes.

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Comme Autone avait pu se l’imaginer, Luna avait plusieurs questions et Autone se retint de rire à la première. Elle attendit patiemment que la princesse eût terminé d’énumérer tous les doutes qui traversaient son esprit, quand elle lui demanda déjà si elle pouvait lui faire une confidence. Autone replaça doucement une mèche de cheveux humide derrière l’oreille de sa lumière. Elle songea à leur dernière rencontre, à la manière dont Luna lui avait raconté que ce qui comblait son cœur, c’était d’avoir une famille, d’avoir un frère. D’être voulue quelque part. Et la voilà à Ipsë Rosea, loin de l’enfant roi, la voilà dragonnière dans un monde où on débattait de leur bien fondé. Autone regrettait son impuissance, elle ne pouvait protéger Luna ni du lien, ni des Kohan, ni des nombreux deuils qui lui avaient donné la soif d’un lien familial solide. Luna avait commencé à compter ses morts trop tôt et elle était trop innocente pour se retrouver au milieu d’une querelle universelle. Ce devait être beaucoup pour ses petites épaules. Et encore, toutes ces inquiétudes résonnaient avec la question de Luna. Était-ce normal de toujours s’inquiéter? D’avoir envie de la garder en sécurité, enfermée dans un cocon protecteur, mais de savoir que ce n’est pas bien. Avoir envie de garder Luna avec elle, ici à Caladon, et de l’éloigner des Kohan, du lien, de la politique, de l’aventure. Cela signifierait de lui faire du mal, ce n’était pas rationnel. C’est ce qu’elle voulait, sans la moindre intention d’exécuter ce fantasme irréaliste.

« Bien sûr que tu peux tout me confier. »
la rassura-t-elle, avant de sourire « Mais laisses moi d’abord répondre à tes questions. » commença-t-elle en laissant un rire tenter d’apaiser la nervosité de Luna.

« C’est normal de t’inquiéter. L’on apprend à être parent en même temps que nos enfants apprennent à vivre. Il n’y a rien de rassurant à ne rien savoir et à devoir tout apprendre à l’autre. C’est tout à fait légitime d’avoir peur. Toute émotion a le droit d’exister en toi, il faut leur faire une petite place pour les accepter et les tempérer. Mais tu dois aussi écouter ce qu’elle te dit. Si ta peur crie, peut-être que tu l’ignores. Tend l’oreille. Y-a-t-il quelque chose que tu as laissé en suspens?

Au moment où la peur te submerge, il faut faire la part des choses. Décider ce qu’il faut laisser aller, ou au contraire ce sur quoi tu dois agir. »


Autone commençait à être consciente que ces connaissances, elle les avait apprises par cœur sans les appliquer sur elle-même. Elle se sentait parfois hypocrite de conseiller les gens ainsi ou de leur faire la leçon sur la manière dont ils géraient ce qu’ils ressentaient. Elle ne tendait pas l’oreille à sa peur, elle. La petite dame prit la main de son amie entre des deux mains. « Tendre l’oreille à ce que tu ressens, c’est aussi éviter de dire que c’est idiot d’avoir mal, d’avoir peur, d’être triste, de manquer de quelque chose. Ce n’est pas idiot d’avoir besoin de sa mère quand tu en deviens une, Luna. Si je t’avais fait la même confidence, tu ne m’aurais pas traité d’idiote. Accorde-toi la même bienveillance. »

Autone quitta la main de Luna pour prendre un peu de thé. « Les jumeaux ont déjà cinq ans. Satie a du succès comme marchande et forgeronne. Elle s’occupe des comptes de la forge familiale, je les ai aidés à définir une signature qui ressemble beaucoup au Falkire. Mais cela ne change pas tellement de l’époque où nous étions installés à Selenia. Satie a l’éducation et le charme de rendre l’endroit intéressant. Ceidrik a l’expertise des générations qui le précèdent. Leurs talents combinés créent beaucoup de beauté. Yolande est toujours célibataire, pour l’instant, elle préfère accorder son temps à sa famille. Je suis heureuse qu’elle veuille être présente dans la vie de nos enfants, j’espère seulement qu’elle n’en ressent pas la pression à cause des vies occupées que Satie et moi menons. Parfois j’ai l’impression de ne pas en faire assez. Paraitrait-il que ce soit une autre plaie universelle à toute mère. »

La Falkire reposa sa tasse sur la petite table. Elle reposa ses mains sur ses genoux, souriant à la princesse des lumières. « Alors dis-moi, qu’est-ce qui te tracasse? »

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Aux oreilles de Luna, la voix d’Autone était douce et rassurante. Elle faisait partie du petit cercle de gens chez qui, réellement, elle souhaitait tout le bien du monde et dont elle avait purement confiance. Elle n’était pas naïve… Elle savait qu’elles faisaient actuellement partie de deux mondes : celui des Kohan versus l’Alliance. Mais le Rossignol était comme sa sœur et elle savait que ce qu’elle lui confierait resterait entre les murs de sa demeure. Certes, elle devait faire un peu attention, mais elle croyait sincèrement qu’elle pouvait être elle-même… Tous ses défauts inclus.

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Le soulagement se lut également sur son visage. Enfin, elle pourrait dire à quelqu’un ce qui pesait sur son cœur. Ce n’était pas à Sélénia qu’elle pouvait se confier… Car elle savait pertinemment que ses propos seraient déformés et rapportés à l’Impératrice. Luna était le petit mouton noir de la famille et c’était encore plus le cas depuis que Nolan avait abdiqué son trône et ce, à la recherche d’un moyen pour détruire le Lien qui l’unissait à Cynoë… et ensuite fort probablement aux autres Liés. Il n’était plus le même. Qu’était devenu son frère? Elle ne le reconnaissait plus.  

Luna serra les mains d’Autone, geste qui la réconfortait. C’était un geste qu’elle reconnaissait empli de tendresse et qui se voulait protecteur. Pour une fois, elle ne ressentait aucune honte à se sentir comme une petite protégée. « Tu as raison… » Murmura-t-elle. « Mais c’est si difficile. Elena est si petite, on dirait qu’elle va briser à rien. Et parfois, elle pleure sans arrêt et on dirait qu’il n’y a juste rien à faire. C’est… horrible! Et autant Orfraie m’aide et m’épaule, que j’ai l’impression d’être dans le néant total. À chaque fois que je l’entends pleurer, j’ai mon cœur qui chavire… » Décrivit-elle. « C’est ça d’être maman, je suppose. J’espère seulement être à la hauteur. » Poursuivit-elle. La crainte de ne pas être une bonne mère la tenaillait. Néanmoins, son sourire ne s’effaça pas. Elle croyait quand même faire un bon travail… pour le moment. « J’apprécie ce petit congé que tu m’offres : avoir du temps pour moi et peut-être même dormir quelques heures d’affilées! C’est le rêve. » Se confia la nouvelle mère. « Chose certaine : je ne laisserais pas Elena entre les mains de n’importe qui. » Finit-elle par dire.

« Je t’avoue que de te chialer ça, ça fait du bien. » Lâcha-t-elle en ricanant à la fin. Luna en profita aussi pour boire un peu de thé et elle se gâta également d’un biscuit. « Cinq ans! » S’exclama-t-elle. Déjà… Wouah que le temps défilait vite. Il fut un temps où elle fut très proche de Satie et de Yolande. Ça lui manquait et elle espérait qu’elles étaient heureuses dans ce qu’elles faisaient. Elle ne put cacher sa surprise d’entendre que Yolande était toujours célibataire. Elle avait toujours cru que ce serait la première à trouver l’homme de sa vie, de se marier et d’avoir des enfants. Mais l’important c’était qu’elle soit heureuse dans ses choix. Le problème, c’est qu’on ne le savait pas toujours immédiatement si c’était un bon ou un mauvais choix…

Un éclat de rire résonna lorsque l’ancienne matrone indiqua la plaie universelle à toute mère. On passait à un autre sujet. Un soupir s’échappa de ses lèvres. « La vie en général. » Dit-elle à la mi-blague. « Comment dire cela… » Reprit-elle. Elle en avait gros sur le cœur et ce n’était pas parce qu’Elena ne faisait pas ses nuits. « Ce n’est pas comme ça que j’imaginais ma vie. Ou plutôt, je ne pensais pas que ma vie allait prendre une telle tournure. Je m’ennuie d’Ombre. » Expliqua-t-elle. C’était comme cela qu’elle appelait Saemon. Dans d’autres circonstances, elle serait peut-être devenue une assassin comme lui. « Je ne reconnais plus le monde qui m’entoure. Et j’en ai plus qu’assez de la politique. En plus, des gens que je ne connais même pas me détestent parce que je suis Liée à Alkhytis. Et regarde Orfraie : le danger est réel! » Poursuivit-elle. Il y avait à peine quelques mois de cela, la dragonnière de jade s’était fait arracher Firindal. Elle en avait perdu la vie et depuis, elle n’était plus la même.

Les mots lui semblaient de plus en plus difficiles. « Je ne reconnais plus mon frère. Il n’est plus le Nolan que j’ai connu… » Dit-elle tristement. « Ma sœur ne m’aime pas plus qu’il faut. Et je n’ai sincèrement aucune raison qui me pousse à retourner à Sélénia. J’ai l’impression d’avoir tout perdu. » Dit-elle lentement. Elle baissa son regard à ses genoux. Elle avait envie de pleurer ou de crier, elle n’était pas certaine d’entre les deux.

« Je ne sais pas quoi faire. J’aimerais mettre tout ça derrière moi. Recommencer une nouvelle vie. Être une nouvelle personne. Tu comprends? J’ai juste l’impression d’être dans une cage. »

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Autone poussa un soupir inquiet et déposa sa tasse de thé pour de bon. Tout ce que Luna lui racontait, c’était un amas des inquiétudes qu’Autone avait déjà prophétisées. Que sa relation avec les Kohan et son lien draconique finisse par lui faire du mal. C’était une force, mais un danger également immense. « Viens là. » murmura la petite dame en sentant l’émotion monter au cœur de sa lanterne. Elle étendit un bras et invita d’un geste doux la princesse à venir se blottir contre son cœur, dos à elle. La petite dame posa alors son menton sur la tête blonde et laissa les doigts de sa main gauche s’emmêler doucement dans les mèches claires. De son bras droit, elle tenait son amie dans une demi étreinte.

Ce n’était pas qu’elle avait peur de se montrer vulnérable face à Luna, mais que c’était encore difficile, bien qu’elle eût confiance en la princesse. Quelque chose comme un nœud était remonté en son cœur et s’était éteint dans sa gorge alors que Luna avait parlé d’Ombre. Il lui semblait que ce temps là était plus simple, mais soulevait une naïveté douloureuse, des évènements traumatiques dont elles n’avaient, finalement, jamais parlées. Autone parlait rarement de Gloria, elle n’y était pas encore arrivée en gardant son calme. Et faire face à Luna, lui offrir son soutient, la regarder dans les yeux en pensant à ces années de stagnations, elle ne savait pas si elle en était capable. Au fond, elle se protégeait, s’empêchait d’exploser sous le couvert de l’affection.

« Nous changeons toujours. Toi, moi, Ombre, sont si loin des personnes que nous étions à Gloria. Ni toi, ni moi n’ayons prévues ou voulu devenir nobles. Cela nous est tombé dessus par hasard et nous nous sommes construites… Toi seul peut décider ton identité. J’ai pris le plumage d’une politicienne et je crois que toi et moi ne sommes peut-être pas faites pour ce monde. Toi, tu es trop authentique. Moi je suis… »


Autone entendit sa voix se briser. Sa tête glissa doucement, son front se retrouva contre la tête de son amie. Elle se cachait dans sa tignasse, sans s’en apercevoir. Il y a plusieurs années de cela, Saemon les avaient décrites comme enflammées, chacune à leur manière. Autone, un feu ravageur, qui brûlait tout sur son passage, un feu de passion et de destruction. Luna, un feu qui s’élevait, haut dans la nuit et blanc, un véritable phare. Et elle embrasait tous ceux qui posaient leur regard sur elle.

La fin de cette phrase était imprononçable, parce qu’elle hantait la petite dame sans jamais pouvoir dire quoi que ce soit à voix haute. Souillée, elle voyait toujours cette part d’elle dans son reflet. Elle pouvait porter de vêtement d’une dame mais n’en serait jamais une. Sans Matis, Autone se sentait comme un imposteur dans ce monde d’apparats. Un silence bref se fit sentir, Autone ferma les yeux et releva la tête, elle n’aimait pas se sentir sur le point de briser alors que c’était Luna qui avait besoin d’elle. Elle prit une grande respiration, se ressaisit.

« Nous venons d’un autre monde. Nous sommes habituées à modeler notre identité, sans attache. Et là, peut-être pour la première fois, tu as eu une attache, quelque chose qui a tenu ton nom, ton image en place. Mais tu ne dois rien à personne, Luna. Si tu veux être quelqu’un d’autre, la question que tu dois te poser est… Qui? Une image se change facilement. Des fleurs de safrans changeraient des cheveux en un roux éclatant. Une simple touche de Khôl peut changer la forme de tes yeux. Je pourrais t’apprendre plusieurs choses sur l’art de changer l’apparence de tes traits. »
Autone caressa la joue de Luna du dos de son index. « Tu n’as pas à être enfermée par ta réputation. S’il faut que tu passes ta vie sur la route ou sur la mer pour être heureuse, fait. Tu n’as pas à être Luna ou Kohan. Si c’est ce qu’il faut, trouve le nom qui te fait sentir…toi. »

Autone reposa ses mains autour de la jeune femme et posa un baiser sur sa tête. « Et si tu as besoin de pleurer, je t’en prie, n’aies pas peur. » Elle n’avait cessé de parler à voix basse, pour ne rien brusquer, ne rien briser.


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Luna n’était pas là pour paraître fort et ériger des murs invisibles. Elle ne ressentait pas le besoin de porter un masque en présence d’Autone. Ainsi, elle se pencha aussitôt et vint quérir le réconfort de l’étreinte de son amie. Elle avait l’impression de n’avoir que quatorze ans et… pour être honnête, ça faisait du bien. Ses yeux se fermèrent doucement et au cœur de cette protection, ses émotions se calmaient et elle en ressaisissait les rennes. Ses lèvres esquissèrent un sourire tandis que la petite dame caressait sa chevelure dorée.

Les temps avaient changé. N’avaient-elles pas vécu beaucoup d’événements toutes les deux, autant ensemble que séparément? Aujourd’hui, Luna était devenue mère alors qu’elle avait longtemps pensé que cela arrive n’arriverait jamais. En fait, il y avait beaucoup de choses qui avaient su la surprendre et dont elle avait encore du mal à croire.

Elle avait été touchée par sa voix cassée, mais elle avait préféré ne rien répondre. Elle n’avait pas l’impression qu’elle saurait trouver les bons mots. Néanmoins, ce fut au tour de la jeune femme de raffermir son étreinte dans le but d’offrir du réconfort à son amie.  Luna était heureuse de pouvoir compter Autone comme une personne de confiance, une amie et une confidente. Elle espérait seulement que cela soit réciproque et qu’elle pouvait être une assez bonne personne pour elle.

Le silence perdura un long moment, mais il ne lui parut pas inconfortable pour autant. À travers tout cela, certains de ses souvenirs lui refirent surface et elle réalisa à quel point Matis lui manquait. Peut-être même plus qu’Ombre? Leur première rencontre remontait à longtemps, au sein d’une mission rebelle qu’elle avait joint en douce et où ils s’étaient retrouvé dans le désert d’Esfélia. C’est lui qui lui avait montré les bases du combat à l’épée et lui avait offert sa première lame, épée simple qu’elle avait toujours gardée d’ailleurs. C’est dans le lac souterrain d’Aigue-Royale qu’il lui avait montré à nager. Elle avait eu beaucoup de plaisir avec lui. Notamment quand Dawan et elle avaient tenté de lui faire porter une robe. Elle ne se rappelait plus les détails cependant, mais ils n’avaient pas réussi. Certains souvenirs étaient plus sombres. Si c’était à refaire, elle le referait sans hésiter : se sacrifier pour ne pas que le Serviteur du Néant mette la main sur lui. Mais plus elle y pensait et plus elle regrettait de n’avoir rien fait pour empêcher sa mort. Aurait-elle pu le protéger? Elle était l’ancienne régente et pourtant, elle se sentait plus que prisonnière chez les Kohan. Autant maintenant qu’autrefois.

Après les paroles prononcées par le Rossignol, Luna se sentait mieux. Ses azurs étaient humides, mais elle ne ressentait plus le besoin de pleurer. « Ça va aller. » Elle avait enfin su trouver la force de parler. Elle la serra fortement puis se libérer de l’étreinte. Lorsqu’elle regarda Autone, il y avait une nouvelle lumière dans ses yeux. « Merci. J’en avais de besoin » Ajouta-t-elle sans gêne. Cela lui avait un peu replacé les idées. « Tu m’as fait réfléchir. En fait, tu viens de m’aider à prendre une décision à laquelle je pensais depuis un petit moment, mais que je n’avais pas eu le courage d’attaquer. » Dit-elle.

Quelque chose venait de changer en elle. Chacune de ses mains vint serrer celles d’Autone. « Aide-moi à changer d’identité, que les gens ne me reconnaissent plus dans la rue. Je veux vivre ma vie comme je l’entends et en ce moment, je ne veux pas être Luna Kohan. » Dit-elle d’une voix déterminée. Qu’importe si la supercherie ne durerait qu’un temps. Elle voulait regoûter à la liberté comme elle l’entendait. « Je veux passer incognito. » Poursuivit-elle. « Crois-tu que le roux m’irait bien? » Autone avait parlé de cette possibilité. Avec sa chevelure pâle, cela ne devait pas être trop compliqué? « On pourrait mettre Satie et Yolande dans le coup. » Ajouta-t-elle en souriant. Voudraient-elles l’aider? Elle se rappelait qu’autrefois c’était leur genre et qu’elles auraient aimé faire partie d’un tel projet.

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Si Autone se doutait que cette idée de changer de prénom soit concluante, elle ne s’était pas attendue à une réaction immédiate et vive. Haussant un peu les sourcils, Autone servit un regard amusé à Luna et ricana un peu avant de se lever. Elle tendit les mains vers son amie et l’aida à se relever, plus par complicité que par galanterie. Satie et Yolande, il y avait longtemps qu’elles ne s’étaient pas amusées comme des jeunes filles. La guerre, la mort de Matis, et leur arrivée à Caladon les avaient changées. Les jumelles Falkire n’avaient plus rien des demoiselles qu’elles avaient été avant que le monde n’entre dans cet état de chamboulement constant. « Il n’y a qu’une manière de le savoir. Commençons par le début, j’ai beaucoup de choses à t’apprendre. »

La petite Falkire guida sa lumière au haut des escaliers, vers sa chambre, où elle l’invita à s’asseoir à sa maquilleuse. Se tenant debout derrière Luna, Autone la regardait par le miroir. « Lorsque tu ne veux pas être reconnue, tu dois changer toutes les choses qu’on utiliserait pour te décrire. Ça peut être beaucoup de travail au quotidien. Si on te décrirait comme une blonde de taille moyenne aux cheveux mi longs, et bien il faut changer toutes les choses dans cette phrase. La couleur de tes cheveux, la texture, la longueur. Mais aussi, les signes distinctifs sur ton corps. Des tatouages, des tâches de naissances. L’idéal est de commencer avec un canevas vierge, et d’en ajouter. Parce que c’est un peu plus difficile de retirer une tâche de naissance que de la dessiner. »

Autone sourit et peignant un peu les cheveux de Luna avec ses doigts, histoire de les placer. Elle attrapa les cheveux entre ses mains, comme si elle s’apprêtait à lui faire un chignon, mais lorsqu’elle attrapa un ruban sur la maquilleuse, elle attacha la partie supérieure de ses cheveux, et laissa une section lasse au-dessous. « Je te montrerai comment faire de la teinture avec les fleurs de Safran plus tard, Yolande sait comment faire aussi. Mais tu es chanceuse, car j’ai un petit secret qui accélère un peu les choses. » Autone tendit le bras pour prendre son peigne de croissance. Le passant dans une mèche de cheveux, elle rougit en activant accidentellement le mauvais glyphe, qui fit pousser un peu trop la première. « Oups. » Fit-elle, attrapant les ciseaux qui reposaient devant Luna pour couper la mèche de cheveux trop longue. Elle se mit à rire en prenant la longue, très longue mèche blonde dans sa main pour la relever et la montrer à Luna dans le miroir. « Mauvais Glyphe. » Le rossignol repassa le peigne en acajou dans les mèches blondes et regarda la couleur se transformer devant ses yeux pétillants. Elle montra les petites mèches au miroir, un sourire amusé au visage. Moi je crois que ça te va très bien. Qu’en penses-tu? » Autone gloussa malicieusement et fit quelques autres sections pour continuer de teindre les cheveux également en expliquant les bases du déguisement à Luna.

« Si tu le veux bien, on pourrait couper tes cheveux très courts, ou alors les faire pousser pour qu’ils soient très longs. Mais je crois qu’on pourrait encadrer ton visage de manière différente si on osait le très court. Tu pourrais aussi faire des boucles, c’est assez simple. Tu n’as qu’à enrouler tes mèches de cheveux dans des bandes de tissus humides le soir, avant de dormir, et tu attache les bandes de tissus. Attends, je vais te montrer. »
Le rossignol laissa le peigne une seconde et prit une des bandes de tissus en coton sur la maquilleuse. Elle enroula une des mèches de cheveux de Luna avant de la refermer sur un simple nœud. « Et au matin, tu peux les défaire et peigner les boucles. » Autone retira la bande de tissus et recommença son travail de teinture. « L’idée est donc de changer ton style de manière radicale. Mais une chose qui peut aider aussi et de trouver un…rappel physique de changer ta démarche. Moi, je porte des talons pour homme, parce que je suis particulièrement petite et je serais révélée tout de suite si je ne le faisais pas. »

La petite dame entendit quelques pas dans le couloir. C’était Yolande qui venait les surprendre, puisque la porte était ouverte. La blonde haussa les sourcils et resta figée quelques secondes avant d’ouvrir la bouche. « Qu’est-ce que vous manigancez toutes les deux. » Fit-elle d’un sourire espiègle avant d’entrer dans la chambre.

Autone échappa un rire et relâcha les cheveux qui brillaient maintenant d’un roux éclatant. « On change Luna en…quelqu’un d’autre. Que penses tu du roux. J’ai utilisé mon peigne, mais lorsque ses cheveux vont repousser, elle devra les refaire, penses tu pouvoir lui apprendre comment tu fais tes teintures au Safran. »

Et comme déclenchée par ce mot, on entendit Satie remonter les escaliers en criant un lointain« PAS DE BÊTISES AVEC LE SAFRAN. » Elle arriva à la porte un peu décoiffée, ce qui fit rire sa jumelle.
« Pas encore, Satie. Mais ne t’inquiète pas, on ne la laissera pas se teindre toute seule. » rétorqua Yolande, sur un ton qui sentait un peu le vécu.

« On en était au maquillage, ou alors peut-être à couper… » Autone amena ses paumes à la base du cou de son amie, en haut de ses épaules. « Ici? » Satie écarquilla les yeux, ce qui ne manquait pas d’amuser Yolande qui commenta : « Je pense que ce serait PARFAIT. »

Autone regardait Luna dans les yeux au travers du miroir, lui demandant son avis du regard. Yolande, de son côté, préparait déjà le maquillage en fouillant dans les tiroirs de la maquilleuse d’Autone.

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« Je suis votre chef d’œuvre. Amusez-vous les filles, je vous fais entièrement confiance! » Répondit Luna en ricanant. « Aujourd’hui, c’est une nouvelle vie que je commence. » Ajouta-t-elle. Sa bonne humeur avait explosé lorsqu’elle avait vu Yolande et Satie se joindre à la partie. Les voir aussi motivées à s’impliquer dans son changement d’apparence était motivant, mais aussi rassurant quant à la relation qu’elles avaient ensemble. L’ancienne blonde craignait toujours que ses choix et son rapprochement de la famille Kohan l’avait éloignée des sœurs Falkire. Mais aujourd’hui, elle croyait sincèrement qu’elle tournait une nouvelle page de sa vie et qu’elle allait pouvoir se concentrer sur ses liens importants. À quoi bon vouloir se faire aimer de gens qu’elle n’estimait pas de toute façon et vice versa? Sa dernière rencontre en personne avec sa sœur avait réveillé quelque chose en elle et lui avait fait réaliser qu’elle ne se sentait plus à sa place chez les Kohan.

« Il est vraiment fou ton peigne, Autone! » Dit-elle en repensant à l’effet qu’il avait eu sur ses cheveux. Les Falkire avaient néanmoins décidé que c’est la chevelure courte qui primait. Luna était aussi de cet avis, surtout parce que c’était plus pratique à entretenir. Elle avait sagement écouté les explications de Yolande quant au safran et de la part de Satie quelles erreurs étaient à éviter. Cette dernière avait beaucoup d’anecdotes de catastrophe, pas nécessaire d’elle, mais de connaissances à elle qui avaient été trop impatientes et n’avaient pas voulu l’attendre. « Crois-moi, je suivrai vos recommandations à la lettre. Je n’ai certainement pas envie de finir avec l’apparence d’une tomate. » Précisa-t-elle. « Oh! Je viens de penser. Yolande, voudrais-tu m’apporter mon sac s’il te plait? » Demanda-t-elle. La jeune femme fouilla rapidement à l’intérieur et en ressortit une plume. « Serait-ce une bonne idée de me faire des tatous ou des dessins divers sur le peau? Autone, tu as dit qu’il fallait que je change toutes les choses qu’on utilisait pour me décrire. Luna est une femme blonde à la chevelure mi-longue, aux yeux bleus et qui n’a pas de traits en particulier. Je pourrais changer la couleur de mes yeux via le glyphe de coloration. Et avec la plume magique, on peut dessiner sur ma peau. On rajoute quoi? Un grain de beauté? Une tache de naissance? Un ou des tatouages? Est-ce une bonne idée? » S’enquit-elle. Les sœurs Falkire s’étaient jetées à cœur joie avec la plume magique et s’étaient presque battues pour l’avoir. Mais à tour de rôle, elles avaient pu dessiner sur le corps de Luna. Autone avait eu sa chance également.

Quelques heures plus tard, heures qui lui avaient paru passer en un instant, la nouvelle femme se releva et bondit en tournoyant. « Satisfaites? » Demanda-t-elle. Un grand sourire s’élargit sur son visage lorsqu’elle se vit dans le grand miroir. « Je ne me reconnais pas. » Dit-elle d’une voix émue. Elle avait changé ses iris en verts, mais elle n’était pas encore décidée de la couleur finale.

« Je prendrai le prénom de Florence. » Déclara-t-elle. Peu de gens savaient que c’était son vrai prénom à la naissance. « Mais maintenant, il me faut une raison d’être vue dans les parages. Je pourrais peut-être être une cousine ou je ne sais pas? » Finit-elle en fronçant les sourcils.

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« Yolande, doucement avec le Khôl! » ricana Autone alors qu’elle coupait longues mèches avec satisfaction. La petite dame souriait, se sentant comme lorsqu’elle était à Gloria entourée d’amies qui partageaient son métier. Des femmes qui lui avaient appris à se coiffer, à se couper les cheveux, à se maquiller mais aussi à se battre. Parfois, la rue lui manquait, rien que pour ces femmes qui semblaient tout savoir faire et avaient des yeux de connaissances cachées, plus vives encore qu’on ne pourrait le soupçonner. Un sourire s’éclairait sur leur visage quand elles voyaient une jeune fille qui ne savait pas encore comment utiliser des poudres et des pinceaux et elles pouvaient faire sentir n’importe quelle femme bien plus grande avec leurs instruments de pigments. Elles s’accrochaient à cela, ignoraient les accusations de superficialité, portaient fièrement leur valeur en se moquant silencieusement de la misogynie quotidienne.

Quand Luna montra son admiration devant la glace, Autone esquissa une moue fière, touchée. Les crayons à tatouages étaient intéressants, Autone avait définitivement envie de les emprunter un peu, peut-être plus tard. Debout derrière son amie qui constatait sa nouvelle apparence dans la glace, Autone joua un peu dans les cheveux ondulés avant de les laisser retomber.« Je savais que ce serait joli. J’ai toujours raison pour les cheveux. » fit Autone, plaisantant un peu. « Tu es belle. Et…tu as tellement grandi. » [/color]Les yeux un peu mouillés, la petite dame n’alla pas jusqu’à pleurer. Elle posa ses mains sur les épaules de Florence et s’accroupit un peu pour poser son menton sur l’épaule de la jeune mère. « Crois-tu qu’on pourrait faire croire à un air de famille? » Yolande, rangeant un peu tout par réflexe, parût un peu inconfortable. Autone attrapa son regard et soupira doucement en se redressant. « Il y a encore un Falkire dans les cités libres qui… n’est plus exactement avec nous. Je ne sais pas si tu te souviens du frère de Matis, pendant la rébellion, il s’est converti à Néant, il est devenu complètement fanatique. Il habite probablement à Délimar actuellement. Si tu prends le nom Falkire, la supercherie finira par se retourner contre nous. Cela dit, personne n’a d’informations sur mes parents. Tu pourrais être ma cousine, mais il faudrait inventer un nom. J’ai enterré le nom de mon père et je préfère qu’il reste ainsi. »

Entre autres parce qu’elle utilisait le surnom de son père comme faux prénom.« Je viens d’un petit village en bordure de la route vers Gloria, un hameau à vrai dire qui s’appelait Mirobord. Mon père cultivait le blé, entre autres. Tu peux aussi venir de la famille de ma mère, on ne partagera pas le même nom. Évidemment je ne crie pas sur tous les toits que je suis de basse extraction mais ce n’est pas vraiment un secret. Qu’en penses-tu? Qui es-tu, Florence? »

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Luna était vraiment jolie avec sa nouvelle apparence rousse. Pas qu’elle ne l’était pas en blonde, mais le changement apportait vraiment une étincelle. Les marques sur son visage et sur ses bras lui donnaient du caractère, une puissance silencieuse. C’est ce qu’elle ressentait, en tout cas. Elle avait envie de bondir et de sauter sur cette opportunité d’être quelqu’un d’autre. Pas une princesse mal-aimée ni une dragonnière méprisée. Elle ressentait un sentiment de liberté naître en elle comme jamais elle ne l’avait ressentie. « J’aime tellement le résultat. Je n’aurais pas pu rêver mieux. Jamais je n’y serais arrivée sans vous. » Dit-elle d’une voix reconnaissante. La jeune femme avait appris de nombreuses notions sur l’application de maquillage, sur les soins de la peau, les secrets de la teinture et comment donner du volume à sa chevelure courte. Elle savait qu’en restant ici, elle continuerait à en apprendre à tous les jours. « Tu as définitivement vu juste. » Acquiesça-t-elle.

C’était un tendre moment entre les deux amies de longue date. Luna se demanda un instant si Autone allait pleurer. Lorsqu’elle se rapprocha d’elle, elle ne put s’empêcher de caresser sa douce chevelure. Il restait à savoir qui elle était maintenant. Elle avait d’abord pensé à une cousine. Côte à côte, se ressemblaient-elles? Le reflet dans le miroir lui disait qu’il y avait une certaine ressemblance, accentuée par une teinte de cheveux similaire, mais à part ça elles n’avaient pas la même forme du visage, leurs traits étaient différents et la couleur des yeux était différente. Quoique ça pouvait s’arranger facilement à l’aide d’artifice magique. En même temps, il était rare que les cousins et cousines se ressemblaient comme des gouttes d’eau. Yolande était la juge quant à la question. Luna n’aima pas son expression, pensant d’abord qu’elle était inconfortable à l’idée qu’elle puisse avoir un lien de parenté Falkire, même si irréel. Elle s’en voulut d’avoir emmené l’idée, mais elle fut un peu rassurée avec les paroles de la conseillère.

« Ooooh! Oui… Je me rappelle. » Lâcha-t-elle d’une voix triste. Elle ne se rappelait pas de tous les détails concernant le fanatique. Elle avait cependant souvenir d’un Matis bouleversé et frustré que son frère l’avait trahi, rien de moins avec ce passage du côté du Néant. Elle n’en avait plus entendu parler depuis bien des années et avait personnellement cru qu’il avait péri sur l’ancien continent.

La nouvelle Florence prit une expression pensive suite à la dernière question d’Autone. Elle avait d’ailleurs appris davantage sur le passé de la Falkire. Vrai qu’elles ne connaissaient pas intimement leur passé et ça n’avait pas vraiment d’importance non plus, c’est ce qu’elle croyait du moins. Qu’avait-elle envie? Qui était-elle? Qui était Florence? « Faisons ça simple. Je suis Florence, Florence Beauchamp! Je viens d’un petit village fermier qui était situé non loin de Gloria. Je suis simplement une amie d’enfance d’Autone qui lui rend visite, comme toute amie a le droit. » Raconta-t-elle. « Jusque-là, c’est la stricte vérité! » dit-elle en ricanant.

Mais son air changea à nouveau. Elle lâcha un soupir et se rassit comme si soudainement toute l’énergie avait quitté son corps. « Je n’ai aucune idée de comment je pourrais expliquer que j’ai une fille Sainnûr. Ça ne risque pas de passer inaperçue. » Lâcha-t-elle. Elle était ouverte aux suggestions. Les traits cuivrés étaient visibles sur la peau de sa fille. Ils étaient surtout sur ses membres et épargnaient son visage. Ça pouvait se cacher par des vêtements, mais ça ne lui paraissait pas pratique comme une solution. Les filles avaient-elle des idées? La nouvelle mère espérait que oui.

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« Ne me regarde pas comme ça. » Fit Yolande en un sourire perplexe « C’est Autone l’experte pour trouver des ingrédients magiques partout. » La petite dame ricana. « Tu as pourtant une bonne idée, un objet magique. Je me souviens qu’à un certain moment, il y avait une demande pour des enchantements qui camouflaient les vampires en humains. On doit bien pouvoir faire quelque chose de semblable. Oh! J’ai une idée, allons voir ce que les marchands ont à offrir aujourd’hui. J’achèterai quelque chose pour Elena, et je fouillerai dans ce que j’ai à la maison pour l’enchanter. Ce sera mon premier cadeau pour elle. »

Yolande sourit, un peu taquine, elle tourna les talons pour se diriger vers la porte.« Je vais surveiller les enfants, soyez sages, ne rentrez pas trop tard. » Cela aurait pu être maternel, si la remarque n’eût pas été aussi espiègle. Un doux rire s’échappa de Satie, qui embrassa Autone sur la joue avant d’imiter sa jumelle. « Amusez-vous bien. »

Autone attendit de ne plus la voir pour aller fermer la porte. « Et si je me déguisais un peu, moi aussi? »Fit-elle en souriant. Elle attrapa son peigne et changea ses cheveux en blond, avant de les remonter en un chignon haut et un brin volumineux. Puis elle saisit une poudre pour pâlir un peu son teint, camouflant légèrement ses tâches de rousseurs, qu’on pouvait encore apercevoir si l’on portait bien attention. Elle rosit ses joues et ses lèvres avant de dessiner un grain de beauté final sur sa joue.

La petite dame se dirigea vers sa garde-robe pour sortir une robe bleue, qu’elle n’avait pas porté depuis bien longtemps. Elle la posa sur son lit et défit la boucle du lacet qui tenait la robe noire en place dans son dos. Après cela, il suffisait de tirer un peu sur le ruban et elle tombait toute seule, révélant une robe de lin blanche qui servait de sous-vêtements. La petite dame enfila la robe colorée puis s’approcha de son amie, se retourna pour lui faire dos. « Tu pourrais m’aider à l’attacher? » Bon, ce n’était pas comme si elle avait le choix, maintenant qu’elle s’était déshabillée devant elle.

La petite dame attendit patiemment que sa robe soit attachée avant de se retourner, enthousiaste. Au coin de son regard, elle aperçut ses bottes à talons camouflés, et s’empressa d’aller les enfiler. Un sourire charmeur au lèvres, Autone fit une petite révérence « Vous pouvez m’appeler … Madame de Belmont. Ou Juliette, pour les intimes. » Elle gloussa, puis, satisfaite de son spectacle, le rossignol attrapât deux capes, en tendit une à Florence, puis posa une petite fourrure de renard autour du cou de la jeune rousse. « Allons-y! » Déclara-t-elle en prenant Florence par la main. Elles passèrent par la porte avant, pour aller chercher les bottes Florence, mais plutôt que de sortir, Autone se saisit à nouveau de la main de la nouvelle mère et l’entraîna vers la porte arrière. Et passant discrètement entre les ombres, les deux jeunes femmes se glissèrent dans la rue sans être vues à sortir de la maison Falkire. Pour ne pas être remarquées, Florence et Autone avaient appris du meilleur.

Autone prit un air un peu plus féminin, souriant un brin en relevant la tête, elle attrapa le bras de son amie, qu’elle prenait comme si Florence fût un gentilhomme, son garde du corps ou son mari. Elles marchèrent vers le marché, et alors Autone resserra un peu sa main sur le bras de Florence, comme voulant la garder près d’elle dans cette foule. « Si tu vois quelque chose que tu aimes, n’hésite surtout pas. » Insista Autone. Oui, Florence avait certainement ses propres moyens, mais la petite dame aimait couvrir ses proches de présents.« Elle est trop jeune encore pour des boucles d’oreilles, et un anneau ne sera pas toujours de la bonne taille. Mais on ne peut vraiment se tromper avec un pendentif. Qu’en penses-tu? Oh…c’est difficile de ne pas se perdre dans tout cela. »

Il y avait tant de marchands, tant de petites boutiques, d’objets brillants, certains authentiques, certains faux. De la marchandise plus originale, d’autres marchands qui restaient dans les valeurs sures. Autone aperçut une femme qui vendait des bêtes, non loin d’une volière. Un homme prétendait vendre des pierres précieuses, mais ce genre de kiosque était souvent plein de pierres bien fausses. La petite dame s’arrêta devant un stand de pâtisseries. Elle acheta deux tartelettes au chocolat, et en tendit une à sa petite lune rouge. « Tu veux qu’on entre chez le joaillier, là-bas? Ce sera certainement moins agité à l’intérieur. À moins que tu aies une autre idée? »

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L’inspiration de Luna était à court. Elle avait beau chercher un moyen de faire passer sa fille inaperçue, mais rien ne lui venait, à l’exception d’un début de mal de crâne. Si les gens remarquaient les traits cuivrés sur la peau d’Elena, c’est sûr qu’ils se poseraient des questions. Il n’y avait pas beaucoup de femmes humaines qui avaient donné naissance à des Sainnûrs. Le rire d’Autone sut cependant chasser ses inquiétudes. Un objet magique, pourquoi pas? « C’est vrai, ça serait facile de cacher ses rainures avec un simple glyphe d’illusion. Les gens n’y verraient que du feu! » S’exclama-t-elle d’une voix excitée. Cela lui rappelait une époque lointaine où Orfraie, vampiresse, portait un collier qu’elle lui avait offert et qui cachait ses traits d’enfant de la nuit.

« Les marchands? Euh oui. Je suppose. » Balbutia-t-elle. La nouvelle Florence était incertaine. Elle s’inquiétait de sortir et qu’on la reconnaisse. Mais Yolande sut trouver les mots pour la rassurer et lui fit réaliser qu’il s’agirait d’un bon premier test pour tester justement. « Tu as bien raison. Je m’inquiète pour rien et ça laissera la chance à la marraine d’Elena de lui offrir un petit quelque chose. » Fit-elle en ajoutant un clin d’œil à l’attention d’Autone. De toutes les personnes existantes, elle n’imaginait pas meilleures candidates que son amie pour ce rôle. Certes, elle pouvait refuser, mais n’empêche qu’Elena serait gâtée peu importe.

« Merci! Je ne sais pas ce que je ferais sans vous, Autone, Yolande et Satie. Tu es sûr que ça ne te dérange pas, Yolande? » S’enquit-elle. Elle eut droit à une moue offusquée qu’elle puisse penser à une telle chose. « Bon d’accord. Autone et moi allons-nous amuser! C’est promis! On essayera de ne pas faire trop de bêtises! » Ajouta-t-elle sur un ton espiègle avant que la sœur Falkire quitte la pièce. Avec Maman Yolande, Florence avait l’impression de retourner en enfance, une enfance qu’elle n’avait jamais eu la chance de vivre. Un grand sourire s’afficha sur ses lèvres, elle était sincèrement heureuse.

« Oooh! Je veux voir ça! » Dit-elle quant au déguisement d’Autone. Que lui réservait-elle? Elle ne put cacher son étonnement à voir les effets de son peigne magique. « On dirait qu’on inverse les rôles. Toi en blonde et moi en rousse. » Dit-elle en ricanant. Elle était de bonne humeur. D’ailleurs, bien sûr qu’elle l’aida à attacher sa robe. Aucun besoin de le répéter deux fois. Voir Autone se changer face à elle ne lui parut même pas déplacée tant son amie était à l’aise. « Tu es magnifique! » Dit-elle. « Que penses-tu que je me change d’habits aussi? Si je mets une robe, c’est sûr que personne ne me reconnaîtra. » Dit-elle d’une voix amusée. La princesse sélénienne n’était pas reconnue pour son amour des belles robes, elle qui était généralement en pantalons ou vêtements confortables dès qu’elle le pouvait. « J’ai justement une robe que je n’ai jamais portée. Ça tombe bien. » Ajouta-t-elle. Elle sortit de son sac magique une robe colorée qu’elle défroissa magiquement. C’était une parure chatoyante de toutes les couleurs. Ce fut à son tour de se déshabiller sans gêne puis de se changer. « Les ajustements sont bons? » Demanda-t-elle. Après l’aide d’Autone, elle était toute prête. Florence était plus que jolie dans sa robe et elle n’avait pas réalisé la présence de l’alliage sur le tissu qui la rendait encore plus belle et charismatique.

« Madame de Belmont, que diriez-vous d’aller attaquer les boutiques? » Lança-t-elle en lui donnant galamment le bras. Elles s’amusaient peut-être un peu trop, mais quel mal y avait-il?

La rousse ne se rappelait pas quand était la dernière fois qu’elle avait mis les pieds à Caladon. Mais jamais elle n’était passée dans la ville simplement pour s’amuser ou pour parcourir les allées marchandes. « Je pense qu’un pendentif serait un excellent choix. C’est ce qui sera le plus pratique pour elle et je suis sûr que le bijou sera super joli. » Commenta-t-elle.

Il y avait toutes sortes de boutiques et de stands. Il y avait des vêtements à n’en plus finir, de la nourriture, des objets brillants de toutes les couleurs, etc. Alkhytis aurait aimé être ici. Elle eut une pensée pour son dragon dont elle s’ennuyait déjà et pourtant, ils n’étaient pas si loin que cela l’un de l’autre. Mais avec ce groupement anti-lien, il valait mieux que le Cuivré évite les grandes villes. La menace était réelle; le meurtre de Firindal laissait encore une plaie bien fraîche.

Mordant dans la tartelette au chocolat, Florence acquiesça d’un signe de tête puis les deux femmes se rendirent chez le joaillier. La boutique était spacieuse. Il y avait quelques clients qui jetaient des regards ici et là. Un couple discutait avec un homme plutôt âgé, qui s’avérait être le propriétaire si elle se fiait à la conversation. La majorité des bijoux était sous clef. «  Bienvenue. Je suis ici pour vous aider, si vous désirez regarder un bijou de plus prêt.  » Une vieille dame leur offrit un sourire qui accentua ses rides sur son visage. Elle avait les cheveux blancs telle la neige, elle était bien habillée et elle était ornée de nombreuses parures dorées. Elle avait des traits familiers avec le propriétaire. « Merci. » Lui répondit la dragonnière.

Ses azurs parcoururent les coussins. Il y avait des bracelets, des colliers, des boucles d’oreille, des breloques, etc. « Tu vois quelque chose qui t’intéresse, Juliette? » Lui demanda-t-elle. La jeune rousse s’était arrêtée face à l’un des présentoirs de pendentifs. Une étoile accrocha son œil. À l’intérieur de l’étoile, il y avait un arbre avec de petites pierres rouges. « Qu’en penses-tu? » Lui demanda-t-elle. Il n’y avait que peu de personnes qui savaient qu’en réalité Elena était inspirée du mot elfique Étoile. La plupart croyait que c’était en l’honneur de l’ancienne ville du même nom dans l’ancien continent.  « C’est tellement difficile de faire un choix. Il y a tellement de jolis pendentifs! » Avoua-t-elle. Entre les fleurs, les perles, les larmes, les cœurs, les lunes et tout le reste, c’était difficile de faire un choix unique.

«  Que diriez-vous, jolies demoiselles, que je vous achète à chacune un collier et qu’on se déplace chez moi pour prendre un verre?  » Retentit une voix masculine derrière elles. Il s’agissait d’un homme dans la début trentaine aux habits faits en soie. Il était grand avec les cheveux noirs mi-long et les yeux noisettes. Il avait un air hautain et il lui rappelait ces nobles de Sélénia qui se croyaient tout permis parce qu’il avait de l’or, des titres et des terres. Ces mêmes énergumènes qui n’avaient jamais levé le petit droit et qui avait tout eu sur un plateau d’argent.

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Autone fût touchée du commentaire de Florence, la désignant comme marraine de sa fille, lorsqu’elle réalisa avec un peu de retard ce que son amie avait dit. Elle ne répondit pas, peut-être parce qu’elle remuait dans sa tête tout ce que cela impliquait. Si Elena était sa filleule, cela signifiait que Florence, Orfraie et leur fille étaient désormais sa famille. Qu’elle ne pouvait plus être ambigüe sur cela et mettre Florence sur son échiquier. Et si cela lui plaisait, la rassurait que Florence s’éloigne officiellement des Kohan, Autone réalisait à présent combien elle devrait protéger sa lumière de cet échiquier sournois. Elle refuserait de les laisser s’approcher à nouveau de ces dangers. Peut-être Florence n’aimerait-elle pas cette nouvelle tournure?

Elle observa d’un regard un peu vague l’étoile contenant un arbre à rubis. Autone songea un instant à l’arbre des Elusis, il lui semblait que tout cela était bien trop gros, peut-être même trop lourd pour une enfant. Aussi n’aimait-t-elle pas les bijoux trop chargés, préférait l’éclat dans les choses simples, qui brillaient par leur solitude. Pour Autone, une rivière de Diamant n’avait rien à envier à une émeraude solitaire, qui attrapait toute la lumière d’un regard.

Florence, connaissant bien Autone, pouvait très bien voir la fumée qui lui sortait invisiblement des oreilles lorsqu’un homme indiscret tentât de leur acheter une soirée. Le pauvre ne savait pas qu’elle pouvait acheter l’établissement si elle le désirait. Mais ce qui l’insultait, c’était cette manière de tenter de les acheter comme s’il était dans une maison de joie. Autone roula les yeux, plus haut que le bâtiment, puis s’accola un sourire au visage et se retourna presque brusquement.

« Mais je suis certaine que cela peut se discuter. Madame, auriez-vous des diamants bleus? »
La dame qui les avait accueillis haussa les sourcils, alors que l’homme clignait, semblant un peu intimidé par l’attitude très affirmée de la blonde. Il sembla regarder un peu partout autour de lui, cherchant une issue de secours, mais hélas, les deux femmes étaient placées entre lui et la porte. Et Autone le fixait en souriant bien mesquinement, attendant que la marchande ne revienne avec sa demande.

« Nous n’avons pas souvent de pierres aussi rares. Celle-ci vaut son pesant d’or et si elle n’est pas montée sur une rivière, elle attire toute l’attention ainsi. »

Le sourire d’Autone s’adoucit en observant la pierre. « Oui. » souffla-t-elle doucement. Il devait coûter une petite fortune, mais la lumière qui s’y reflétait était magnifique. Autone s’approcha du pendentif pour mieux l’observer. Taillée directement en forme d’étoile, montée sur une chaine en or, il lui semblait que ce simple bijou incarnait son idée de Luna. Elle regarda, du coin de l’œil, l’homme qui fuyait la joaillerie et esquissa un sourire satisfait. La dame se mit à rire une fois qu’il fût parti. « J’ai joué à votre jeu, mais je ne serai pas malhonnête avec vous. Il s’agit d’un saphir. » Autone gloussa en répondant un : « Bien sûr. Merci pour votre aide. Puis-je? »

La petite dame prit délicatement la chaine et la montra à son amie. « Quand je le regarde, je me dis que ton cœur aurait pu créer quelque chose comme ça. Un peu comme ta fille. Pardon, c’est un peu trop romantique. Mais…J’aimerais lui offrir celui-ci. »

Après avoir eu l’accord de Florence, Autone allât payer, puis les deux jeunes femmes ressortirent pour une longue marche dans la ville. Au port, Autone respirait l’air de la mer et remercia les esprits qui avaient protégé le voyage de Florence vers Caladon. Le monde était compliqué et frustrant et effrayant, mais lorsqu’elle était au bras de son amie, elle se sentait un peu plus reconnaissante d’aujourd’hui et un peu moins effrayée de demain.


La forme de la pierre :

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