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Délimar, Quartier des Arts
5 Novembre


Délimar était toujours en pleine construction même après plusieurs années. Rien de surprenant à cela. Pourtant, cette ville dégageait une impression bien différente de celle qu’il envisageait chaque fois qu’il s’y rendait. Il s’attendait toujours à la voir exactement comme ses quartiers et ses échoppes : en progression, ajoutant des pierres, des bois, des chaux. Il n’en était rien. Ses sens vibratoires lui faisait voir la ville davantage comme un puzzle dont les pièces étaient toutes déjà faites mais qui devaient trouver leur juste place. Ce n’était pas une vérité absolue mais c’était la façon dont il interprétait ce qu’il ressentait. Et il appréciait cette ville de l’honneur, comme on la surnommait, où la majorité de la population ne se dissimulait pas derrière des faux-semblants. C’était tout de même reposant. Il n’était pas épargné de tout, les blessures existaient, les maux, mais on ne le torturait pas de mensonges non plus. Cela lui permettait de respirer, en dépit des efforts de cette taxe exorbitante sur la magie. Il appréciait Délimar, définitivement, bien que ce ne soit nullement le lieu qu’il préféra dans l’archipel au complet.

Il était venu pour Naal avant tout. Pour échanger avec lui sur divers sujets, suite à leur dernière entrevue mais également sur un projet plus large qu’il commençait à esquisser. Cependant, cela ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas apprécier un peu la ville et la visiter. Cela ne voulait pas non plus dire qu’il ne pouvait pas visiter certaines autres connaissances. Il avait eut une entrevue avec les chasseurs de vampires qui l’avait aidé par le passé, afin de renouer leurs liens. Pourquoi ? Sans doute parce que Celeborn avait disparu récemment sans aucune explication. Sans doute parce qu’il se présentait des menaces à l’horizon et qu’il préférait renforcer les alliances les plus étroites qu’il possédait. Mais il y avait quelqu’un d’autre qu’il désirait rencontrer, qui ne se souvenait certainement plus de lui mais qu’il lui plaisait de retrouver néanmoins. Ilhan n’était pas mort comme il aurait pourtant dû, à la place, il avait été vampirisé puis immaculé, entraînant un élan de perplexité de la part de Naal. Son frère ne s’était pas attendu à voir un mort revenir à la vie et lui-même n’aurait pas imaginé son ancien élève se plaise à la vampirisation.

Il décida donc d’envoyer une missive au diplomate pour le proposer de le rejoindre dans le quartier des arts pour une tasse de thé. Pourquoi pas après tout ? Installé sur une place aux dalles de pierre blanche, face à la fontaine du dauphin, il avait offert à Avente de discuter, en exposant ouvertement leur ancien lien de maître à élève. Le redécouvrir, tout simplement. Si son caractère n’avait pas changé, il le savait assez curieux pour répondre favorablement. Dans le cas contraire, il aurait profité de l’inspiration du quartier des arts de l’Océanique. Le soleil de Novembre était plus clair et moins pesant, mais toujours vif et fort. Il venait frapper l’espace dégagé de la place du dauphin, offrant aux artistes comme aux spectateurs une clarté exemplaire. Un flûtiste noyait le flot d’une mélodie légère, un danseur de feu amusait un groupe de soldats en permission, plus loin, un peintre transformait une partie de mur blanc en un camaïeu de couleurs pastelles ressemblant aux paysages de la poésie lyssienne classique. La tête protégée par une gaze blanche, l’elfe mirait l’agitation alentours. Il avait l’intention d’attendre un peu, quelques heures tout au plus, pour offrir toute latitude à l’homme qu’il avait invité de terminer ses engagements.

Lorsqu’il s’approcha enfin, un fin chapelet de notes familières vinrent tintinnabuler à ses oreilles effilées, l’appelant. Kehlvehan tourna la tête vers la silhouette du diplomate et cilla enfin. Il se releva, cessant de dissimuler ses longs doigts sous les nombreuses couches de tissus blancs, crèmes et purpurins pour venir saluer dans la plus pure tradition de la haute cour impériale elfique. Impassible, son regard s’attarda sur les menus détails de sa mise tandis qu’il se relevait de sa longue révérence, puis, tandis qu’il se redressait pleinement, le dominant d’une tête. “Salutation, Seigneur Avente” Pour tout avouer, il ne savait pas ce qu’il pourrait bien trouver. Il n’aimait pas du tout l’idée qu’Ilhan soit devenu, même temporairement, un vampire, voyant en cela une source de corruption de l’être. Il voulait croire qu’Ilhan serait le même mais ne pouvait en jurer, sous peine de s'auto condamner à la tragique fin de tout être naïf en ce monde. Son silence dura quelques instants. Il semblait, à première vue, égal à lui-même mais qu’en était-il en profondeur. Qu’est-ce qu’il pouvait dissimuler, au fond ? Une inspection de son chant-nom suffirait mais est-ce qu’il voulait vraiment savoir ?

Désirez-vous un thé?

descriptionIl paraît qu'on ne meure qu'une fois | Ilhan EmptyRe: Il paraît qu'on ne meure qu'une fois | Ilhan

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Il était à la moitié de son deuxième tour de rempart et était déjà essoufflé, à se tenir les côtes, sous le regard amusé des soldats de garde. Il avait salué chacun à son passage et chacun l’avait salué en retour, avec un petit mot d’encouragement pour son nouvel exercice régulier, ou une petite tape sur l’épaule au passage. Car oui, le voir exercer une telle activité n’était en rien coutumier apparemment. Son ancien lui avait certes l’habitude d’entretenir un minimum d’activité physique, sur la plage, notamment par ses danses méditatives ou ses essais d’entrainement au combat de type Graärh, activités qu'il avait tenté de reprendre également. Mais rien d’aussi intensif. Rien qui ne mette autant à rude épreuve sa bien piètre endurance. Mais s’il y avait une chose qu’il avait vite comprise à côtoyer ses soldats, dont quelques rares Immaculés, lors du trajet de retour, c’est qu’une deuxième chance lui était donnée, et qu’une nouvelle force lui était offerte aussi. De ses écrits, il avait lu que le corps et l’esprit étaient un tout. Peut-être était-il venu pour lui le temps d’entretenir un peu plus son corps et de le rendre un peu plus robuste.

Oh certes, il ne serait jamais un véritable guerrier, il n’en avait ni l’étoffe ni la véritable prétention. Mais rien ne l’empêchait de s’exercer un tant soit peu. De renforcer son endurance, de ne plus être le point mort, ou du moins le point faible, physiquement parlant, dans cette cité de l’honneur. C’est ainsi que depuis son arrivée en Delimar il s’adonnait à quelques exercices de ce genre, course d’endurance et mouvements de renforcement musculaire, exercice de coordination aussi, tout cela sous l’oeil attentif d’un maitre d’entrainement qui avait accepté de le prendre en charge. Et qui ne le ménageait en rien. Heureusement, son deuxième tour prit fin, et ce fut un Ilhan au bord de l’asphyxie, plié en deux, mains sur les genoux, qui écoutait les critiques, conseils et avis de son entraineur attitré. Il opina du chef, incapable de parler, et fut autorisé à rentrer chez lui. Sa pause prenait fin, mais il lui restait encore un petit moment avant de reprendre ses fonctions. Autant que faire se pouvait en tout cas, avec sa mémoire plus que lacunaire…

Quelle ne fut sa surprise en rentrant à sa demeure de recevoir une invitation de Kehlvelan Vairë, Cawr, Baptistrel d'Ocean et Gardien du Domaine. Rien que ça. Ce nom lui disait quelque chose, plus même. Il en avait lu des mentions à maintes reprises dans ses écrits. Nombreux écrits : son Livre de Vie, ses carnets, des lettres, des factures de cadeaux qu’il avait faits, notamment à de nombreuses anciennes connaissances, amicales ou simples relations. Cadeaux parfois étonnants, il devait l’avouer (non parce que… en avait-il réellement offert un à Claudius de Havremont, notoriété de Sélénia, Maitre de guerre, ancien pro-Fabius, lui qui pourtant semblait avoir détesté ce fameux Fabius, et pour cause de ce qu’il avait pu lire ? Qu’est-ce qui était passé par la tête de son ancien lui pour offrir un bâton du bourdon à un prix si exorbitant, alors que cet homme voulait certainement lui faire la peau, à lui, le traitre ?…). Bref, il avait trouvé tout un fatras peu à peu au fur et à mesure qu’il résolvait des énigmes laissées par son ancien lui. Et Maitre Kehlvelan avait été nommé à plusieurs reprises, avec souvent une certaine déférence, voire admiration, dans les mots employés. C’était là quelqu’un qui semblait lui avoir été cher. Il ne savait à quel point. Ils avaient eu une relation de maitre à élève, cela était évident, mais… il doutait qu’il y ait eu plus. Même si dans ses écrits transparaissait un certain regret à cet égard. Du peu qu’il avait compris, il avait été au Domaine quand il avait été malade, peu de temps avant de… bref, vous savez quoi. À quoi avait assisté le Cawr exactement ? L’althaïen n’en savait pas plus.

Toutefois, il ressentit un certain émoi, une certaine joie aussi, d’avoir l’honneur de recevoir une telle invitation. Et s’empressa de répondre par l’affirmative, tout en envoyant une missive à la citadelle, exposant son obligation diplomatique à répondre à une invitation urgente et le rendant indisponible pour quelques heures. Il se ferait un devoir de les rattraper le soir même ou le lendemain, bien entendu. Il s’était découvert un côté acharné au travail, restant souvent à son bureau, à dévorer tout écrit passant sous sa main, jusqu'à des heures indues. Une caractéristique qu’il partageait avec son lui d’avant lui avait-on dit. Mais il voulait ardemment rencontrer cet elfe qu’il avait apparemment tant estimé par le passé. Il s’empressa alors de se rafraichir, à gestes presque tremblants, tant il était empressé et troublé. Il ne voulait pas faire attendre l’elfe, pour autant il voulait se présenter à lui avec une mise honorable.

C’est ainsi vêtu de ses atours à la couple la plus raffinée, dans tout l'art althaïen, même si simples d’apparence, et d’un léger parfum typique de la romantique, qu’il se rendit au lieu de rendez-vous. Il était curieux, et plus que tout impatient, d’avoir une chance de renouer cette relation. Même si une certaine fébrilité l’étreignait aussi à chaque pas qui le rapprochait de sa destinée.

Certes, destiné était un bien grand mot. Il ne se rendait après tout qu’au quartier des Arts pour prendre un thé. Mais pas avec n'importe qui ! Avec un elfe ! Et pas n’importe lequel ! Un Cawr ! Son ancien Maitre ! Oui, il était enfiévré à cette idée et si un il-ne-savait-quoi ne le retenait pas, il aurait couru à travers les rues pour ne pas faire attendre plus encore son hôte de marque. Peut-être un zeste de décence et de volonté de se contrôler, comme on le lui rappelait sans cesse depuis son retour. Les apparences, il devait garder les apparences… Il se força donc à avancer d’un pas calme et posé, malgré son agitation intérieure. Quand il aperçut la fontaine au dauphin, un léger sourire amusé flotta, alors qu’il se souvenait du récit de sa création. Elle était toujours là finalement.

Mais bien vite son sourire s’estompa quand il le vit. Là, devant lui, se relevant avec élégance… Sa vue perçante ne le trompait pas, même s’il était encore au bout de la rue. Son coeur battit chamade et ses yeux pétillèrent tandis qu’il se rapprochait. Sans qu’il ne s’en rende compte, il ralentit très légèrement l’allure, comme pour se donner le temps de mieux contempler ce chef-d’oeuvre vivant. Oui, chef d’oeuvre. L’elfe était de toute beauté. D’un charisme charnel qui l’attirait inexorablement. Il était soudain incapable de détacher ses orbes sombres de ses traits altiers. De ses étranges et envoutantes oreilles effilées. De cette chevelure qui semblait flotter, et qu’il devinait de la soie au toucher.  

Quand enfin l’althaïen fut devant le Cawr, ce dernier lui offrit un salut à la mode elfique. Cela, il l’avait vu dans son Livre de Vie. Il ne s’en souvenait pas lui-même, mais il avait retenu le geste. C’était pourtant, pour son lui de maintenant, la toute première fois qu’il allait l’offrir à son tour. Lentement, il rendit donc le salut, avec une solennité tout en émoi.

“Salutation, Seigneur Avente”

Oh, ils ne s’appelaient donc pas par leur prénom ? Il ne sut alors que lui répondre, tant ces simples mots le troublèrent. Il ne savait pas, plus, comment s’adresser à l’elfe alors. Maitre à élève. Apparemment rien de plus. Quel dommage, ne put-il s’empêcher de penser, alors que ses perles de jais détaillaient avec fascination chaque courbe de ce visage impassible. Mais le silence s’étirant l’invitait, l’obligeait même, à répondre. Ce fut alors d’une voix chaude et grave, aux accents chantants de son ancienne cité perdue, qu’il parvint à dire enfin :

C’est un honneur de vous rencontrer… à nouveau… Maitre Kehlvelan.

Le "à nouveau" lui semblait soudain tant équivoque…

À la proposition d’un thé, il hocha de nouveau la tête, une main sur le coeur avec une légère inclinaison du buste.

Avec plaisir, Maitre.

Il se laissa alors guider par le Cawr qui avait vraisemblablement déjà choisi l’endroit. Tous deux s’installèrent, dans un silence à la fois calme et troublé. Ilhan peinait encore à apaiser les battements de son coeur, même s’il parvenait à garder un visage un tant soit peu serein. En apparence du moins. Son sourire dénotait une certaine timidité et son regard pétillait d’or, le trahissant éhontément.

Quand enfin ils furent installés, aussitôt un homme vint prendre leur commande. Enfin, plutôt celle de Kehlvelan, car, quand il se tourna vers l’althaïen, aussitôt il proposa :

Et pour vous, je suppose la même chose que d’habitude.

Ilhan ne s’était pas rendu en ce lieu depuis son retour, depuis sa renaissance, et, lui, ne connaissait pas cet homme. De le voir ainsi pourtant si familier avec lui, de le voir si bien connaître ses goûts, ses habitudes, le troubla plus que de raison. Il offrit alors pour toute réponse un hochement de tête avec un léger sourire. C’était dans ces moments-là où il se demandait pourquoi. Pourquoi et à quoi rimait cette "renaissance", cette immaculation. Pourquoi revenir d’entre les morts pour ne plus rien se souvenir. Les gens vous connaissaient, mais vous ne le connaissiez pas. Ils savaient des choses sur vous, que même vous ne saviez pas. C’en était… dérangeant.

Ilhan resta un instant le regard rivé sur le dos de l’homme qui partait, avant de prendre conscience du lourd silence qui s’était soudain abattu. Il se secoua alors mentalement et reporta toute son attention sur Kehlvelan. Et toute sa fascination. Son sourire se fit plus léger, plus vrai et plus sincère, quand il reprit la parole. Il avait envie de lui poser mille et une questions, et sa curiosité revenait au galop. Il dut se forcer à réfréner son instinct compulsif d’enfant impatient et curieux qui avait mille pourquoi à demander. Il avait déjà remarqué que ses pourquoi semblaient agacer certains individus. Et il n’avait aucune envie d’agacer son ancien maitre. Il lui faudrait donc calmer ses ardeurs. Et non, ne pas toucher à ses oreilles pointues si magnifiques et si captivantes… Non, ne pas toucher Ilhan, ne pas toucher, se répéta-t-il intérieurement, forçant son regard à se planter dans les yeux clairs de son vis-à-vis.

Je ne sais comment nous nous appelions par le passé, ni… ni quelle était notre relation. Mais…

Un léger soupir lui échappa. Peut-être pouvait-il se montrer un peu sincère avec lui ? Lâcher un peu les apparences ? Après tout, si ce qu’il avait lu des Cawrs était vrai, Kehlvelan pouvait tout savoir de lui avec son chant-nom. Et… cette fois, loin d’être dérangeant, cela lui était apaisant. Avec lui, peut-être pouvait-il être vrai. D’ailleurs, mieux valait ne pas mentir en sa présence. Il paraitrait que cela leur causait de la douleur… Cela serait affligeant de torturer un hôte si honorable.

Je vous avoue que vous entendre m’appeler Seigneur Avente me gêne un peu. M’appeliez-vous ainsi par le passé ? Si cela ne vous dérange pas… J’aimerais assez… que vous m’appeliez simplement par mon prénom. Et si cela vous dérange… mon nom tout simplement ?

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Il pencha très légèrement la tête en l’observant reproduire le salut dont il avait lui-même usé, et son regard sombre soupesa les gestes d’un oeil d’expert. Ce n’était pas mal, pour un ancien humain, à peine rigide en vérité. Il lui restait quelques lambeaux d’apprentissage donc, malgré son amnésie. C’était encourageant. Mais pas suffisant pour le rassurer. Certes, il voyait bien le trouble qu’il causait à Ilhan mais il ne voulait ni ne pouvait abandonner toute méfiance aussi simplement. Derrière son expression composée, le vieil elfe avait pourtant les épaules et la nuque nouée et le souffle plus court qu’à l’ordinaire. sous ses grandes manches, il sentait de légers tremblements secouer ses longs doigts délicats. Le silence s’étirait. Allait-il seulement lui répondre ? Le poids écrasant son torse l’espérait sincèrement. Et il le sentit s’alléger légèrement, quand la voix de son ancien apprenti vint enfin troubler le silence gênant qui s’était installé entre eux. Se redressant très légèrement, il expira un air plus chaud et sec qu’il ne l’attendait et hocha la tête. Un thé ne lui ferait effectivement pas de mal, à présent c’était certain.

Guidant l’immaculé, ils s’installèrent à la table qu’il avait occupé seul jusque là et l’elfe réajusta sa capuche. Plus les minutes s’écoulaient et plus le soleil se faisait vifs et carnassier. Le silence ne dura que quelques instants, lorsque l’un des employés vint prendre note de leur commande. Pour lui, ce fut bel et bien un thé, mais le Cawr s’avéra surpris d’avoir sans le vouloir choisi un lieu duquel son ancien élève semblait être un habitué. Ce n’était sans doute pas plus mal, aidant fortuitement son observation de ce qu’était devenu Ilhan avente depuis sa transformation. Il resta coi, attentif à ce qui se jouait entre l’immaculé et l’employé de l’auberge. Cédant finalement à la curiosité, il tendit l’oreille vers le chant-nom de l’althaïen pour comprendre davantage son état d’esprit en l’instant. Le trouble qu’il découvrit vint adoucir davantage son humeur et ses dispositions, mais il ne le sortit pas pour autant de ses affres, ni de l’attention que l’employé lui portait. Lorsqu’ils furent de nouveau seuls, l’elfe cessa de creuser un trou visuel dans le front de son compagnon de tablée et se détourna légèrement, presque pudiquement.

Il ne savait pas s’il devait répondre, à défaut de savoir s’il pouvait être honnête. Pendant une poignée d’agonisantes secondes durant lesquelles il eut la gorge sèche et des sueurs froides, l’elfe fut incapable de se décider. Et puis finalement, il se lança, reconnaissant volontier que jouer de pieds froids ne servait guère qu’à retarder l’inévitable.

Vous avez été mon élève, pendant plusieurs années mais comme beaucoup de mes pupilles votre chemin vous mena hors du Domaine Baptistral et auprès de votre peuple. Progressivement, nous nous sommes éloignés l’un de l’autre. Vous aviez vos obligations et moi les miennes. Plus récemment suite à la découverte de votre maladie, et votre séjour à Néthéril, nous avons renoué et approfondit nos liens

Est-ce que cela lui inspirait le moindre souvenir ? Il tâchait de ne pas le fixer trop attentivement, trop fixement, écoutant davantage les ondulations des notes musicales de son chant-nom, ressemblant à une mélopée de sautâr, afin de connaîtr l’impacte de ses mots sur son interlocuteur.

Je ne vous appelais pas ainsi, mais je ne sais pas, désormais, ce que vous êtes ou désirez être, aussi préférais-je m’abstenir d’une familiarité qui pourrai vous froisser. Je ne savais pas à quoi m’attendre, en vous retrouvant

Son souffle s’échu alors comme une hirondelle blessée. Devait-il s’ouvrir de leurs moments intimes sur une place publique au vu et au su de tous ? Non, certainement qu’Avente lui-même en conviendrait, il n’y avait rien là qui fut si futile qu’il pu se permettre de l’énoncer aussi candidement.

Vous étiez un de mes préférés, aussi injuste cela soit-il à l’égard de mes autres pupilles. Et cela n dépit de vos aisances naturelles. Je n’ai jamais apprécié enseigner aux individus bien dotés par la nature, aux individus ayant des facilités. Je préfère m’occuper de ceux qui n’ont pas ces dons. Nonobstant cette dépréciation, vous fûtes tout de même capable de me surprendre et de gagner mon estime et mon affection

S’interrompant sur un bref souvenir des jeunes années de son pupille, sa posture de marbre se fit plus détendue. L’appeler par son nom ? Avente ? Il avait eut coutume d’en user lorsque l’humain qu’il était alors se permettait des privautés auxquelles il n’avait pas droit. C’était une façon de montrer sa désapprobation, l'appeler ainsi à présent semblait un choix étrange.

Comment vous sentez-vous ?

En fin de compte, n’était-ce pas ce dont il était question ? Comment vivait-il son amnésie et ses changements ?

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