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descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Début Décembre

Voilà quelques jours que Shyven arpentait Calastin de manière assez indépendante. L’arrivée de son père et d’elle même sur le continent principalement colonisé par les humains avait changé beaucoup de choses dans leur mode de fonctionnement, aussi la petite opale faisait preuve de beaucoup plus d’indépendance dernièrement.

Ça n’était pas du tout qu’elle était en froid avec son Papa-tout-chaud, bien au contraire, c’est simplement que pour se construire et se faire pleinement son expérience de dragonne libre, Shyven avait aussi besoin de ce temps solitaire pour se faire sa propre idée du monde.

Alors certes, elle s’était ainsi retrouvée au milieu d’une sordide affaire de meurtres en série dans Caladon, s’étant en fait avéré être une sorte de provocation anti-magique à grande échelle menée par un ordre indépendant de Brise-sorts vouant un culte à son grand-père. A ce moment, la dragonne s’était dit qu’elle avait connu de meilleurs débuts de journée. La chance de Shyven au milieu de ces sordides événements est qu’elle n’a pas été toute seule à mettre son nez dedans : elle avait pu retrouvé des visages connus comme la Blanche-et-Gentille-Nahui et son Lié-Pâlot, et en rencontrer d’autres, comme ce Bipède-Pâlot-Mangeur-De-Magie, ou ce Bipède-Extravageant un peu bizarre, mais encore cette chère Paoele - dont Shyven plaisantait souvent avec Nahui, parce que cette dernière peinait vraiment à prononcer son nom - avec qui elle s’était bien rapprochée depuis.

En définitive, malgré les circonstances très peu réjouissantes, la dragonne avait su traversé l’événement sans trop de mal grâce à une bonne compagnie. Elle avait même pris ses premiers engagements de dragonne, et s’était autoproclamée “Tribunal Vivant”.

Ce que cela impliquerait ?

En vérité elle ne le savait pas encore vraiment, mais ce qu’elle avait vu ce jour là l’avait tellement révolté qu’elle n’aurait su rester les pattes croisées sans rien faire : l’attentat caractérisé sur la magie elle-même motrice de ce monde depuis tant d’années, le traitement ignoble que les Brise-sorts infligeaient aux immaculés … Tout cela n’inspirait guère de belles choses à l’Équilibrée, qui avait donc pris des engagements pour combattre cela. Elle était certes une nouvelle-née, mais il était hors de question que le monde qui était le sien depuis peu se fasse encore une fois tourmenté par des menaces dangereuses.

Alors depuis peu, la petite dragonne rose se servait de ses balades solitaires de ce genre pour se rafraîchir l’esprit, et commencer à imaginer comment elle allait pouvoir faire en sorte d’agir sur son monde, tout en oubliant pas sa place de dragonne.

Alors qu’elle planait un peu dans le ciel un instant, elle vit aux alentours d’elle ce qui devait être la Cité Libre de Delimar. Se rappelant ce que son Père lui avait dit à leur sujet, elle tâcha d'atterrir, et de finir son petit itinéraire sur ses quatre pattes. Elle ne se cachait pas particulièrement, mais la petite opale avait cru comprendre qu’il valait mieux ne pas trop approcher cette cité quand on était porteur de magie … Alors la petite opale préférait prendre toutes ses précautions. Après tout, elle n’était pas encore aussi forte que ses semblables plus vieux. Elle avait failli se faire tuer par des Brise-sorts, alors elle ne s’y prendrait pas deux fois.

Alors que la jeune dragonne arpentait donc les alentours de la cité avec prudence, elle sentit au loin une odeur qui lui rappela justement ces derniers jours, quand elle s’était retrouvée à Caladon. Cela sentait le bipède, ce qui était normal jusqu’à là, mais pas le simple bipède. Un bipède qu’elle connaissait.

Se fiant à son flair, la jeune dragonne courra sur ses quatre pattes  pour remonter la piste, et quelques minutes plus tard, elle se retrouva nez-à-nez avec le Bipède-Pâlot-Mangeur-De-Magie, ou plutôt avec une partie de ses affaires laissées là à l’abandon. Elle les renifla un instant, avant de relever la tête, d’étendre son esprit et de faire à l’adresse d’Ilhan, qui devait se trouver dans les environs :

“Vous savez, vous ne devriez pas laisser vos affaires comme cela, vous pourrez repartir avec un dragon sans vous en apercevoir !”

Aux dernières nouvelles, Shyven s’entendait bien avec lui, aussi se permettait-elle de lui adresser une petite boutade pas vraiment méchante. Elle se posa ainsi à côté, et attendit que le Bipède refasse surface … Par où et de quoi d’ailleurs ? Elle ne le savait pas encore, mais elle n’allait sans doute pas tarder à le découvrir.

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Il était revenu de son entrevue avec Verith, Dragon de l’Ire, le matin même. Des heures durant, il avait regardé sa Mémoire de la cent et unième lune, qu’il avait enfin trouvée, là, l’attendant dans son coffre de l’Ærehallen dans la citadelle, alors qu’il avait enfin résolu la toute dernière énigme, le jugeant digne, enfin, de recouvrer ses souvenirs. Mais il n’avait pas encore sauté le pas. Il savait qu’il allait le faire. Mais les minutes s’égrenant, le doute s’insinuait en lui. La peur aussi. Ce qu’il s’apprêtait à faire, demander de retrouver l’intégralité de ses souvenirs, était peut-être, sans doute, pure folie. Plusieurs l’avaient déjà alerté des dangers potentiels.

Serait-il assez solide pour supporter un tel choc ? Ou serait-il assez fou pour le risquer ? Ces questions tournaient en boucle en lui… tant et si bien qu’il se résolut à partir méditer et s’entrainer. Il avait demandé un jour de libre de façon exceptionnelle, qu’il rattraperait bien entendu sur ses heures de repos, plus tard. Il avait besoin de réfléchir, de se poser. Et de se défouler. C’est ainsi qu’il était parti sur la plage, demandant aux gardes de ne le surveiller que de loin. Il voulait être seul.

Il avait commencé par une séance méditative assise, puis ses fameuses danses méditatives, et avait enchainé par des exercices d’endurance et de coordination, que son professeur en la matière lui avait donnés. Quand il avait montré à ce dernier les petites bases de combat Graärh qu’il avait appris, ou plutôt réappris à travers son Livre de Vie, auprès de Purnendu et Jangali, son entraineur lui avait conseillé de travailler d’abord son endurance physique et sa coordination motrice, même s'il était assez souple, avant de pouvoir pratiquer réellement un tel mode de combat, bien particulier, qui était plus adapté à une morphologie Graärh qu’humaine, et qui allait demander quelques adaptations. Cet entraineur avait quelques idées en la matière, mais il fallait déjà exercer le corps avant de s’y risquer.

C’est ainsi qu’il termina en sueur et éreinté. Au moins le calvaire de ces exercices avait le mérite d’alléger celui de son esprit, et de chasser, pour quelque temps du moins, les questions qui le taraudaient sans cesse depuis son retour. Un bon plongeon dans la mer ne lui ferait pas de mal. Il n’était guère un bon nageur, tout au plus savait-il flotter pour ne pas se noyer, sans plus, ayant appris lors de leur traversée. Mais il n’irait pas bien loin en profondeur, juste de quoi se rafraichir un peu et profiter des vagues vivifiantes. Il choisit toutefois un endroit un tant soit peu discret pour se déshabiller, se sachant "surveillé", et, même si en Delimar sa nature immaculée était plus ou moins connue, il préférait ne pas trop s’exposer.

Le plongeon lui fit un bien fou, et finit d’éclaircir ses idées. C’est ainsi, un peu ragaillardi, et surtout déterminé, à la fois à recouvrer ses souvenirs, et à se lancer dans cette folle entreprise dont il avait parlé avec Verith, qu’il revint vers ses affaires, d’un pas lent, tranquille. Il n’était plus qu’à quelques mètres, quand une voix résonna dans son esprit.

“Vous savez, vous ne devriez pas laisser vos affaires comme cela, vous pourrez repartir avec un dragon sans vous en apercevoir !”

Un dragon ! Ou plutôt une dracène ! Était-ce bien la belle Shyven qui lui parlait ? Comment donc était-elle là ? Une onde de surprise, mêlée de joie et de crainte pour elle, monta en lui. S’il fut tenté de la réfréner, il réalisa qu’elle devait l’avoir de toute façon perçue. Il la laissa donc ondoyer entre eux, puis se rapprocha doucement, et franchit le seuil des arbres qui cachaient ses vêtements, pour enfin l’avoir en vue.

Totalement oublieux de sa totale nudité à lui.

S’il s’agit d’une dracène telle que vous que j’emporte avec moi, alors je ne pourrais m’en plaindre, répondit-il alors avec un sourire taquin.

Et pour autant, ses mots étaient sincères. Il avait beaucoup apprécié la petite dracène à l’aspect de plumes roses.

Ce serait même un honneur. Et vos paroles deviendraient alors tentation à renouveler l’expérience pour être honoré de cette chance.

Il la détailla alors, elle qui semblait avoir un peu grandi encore, et lui sourit, tout en lui envoyant des ondes de joie de la revoir. Puis s’inclina légèrement pour lui présenter une salutation digne de ce nom, tout en portant une main sur son coeur. Main qui ensuite voleta vers Shyven, paume vers le haut, alors qu’il se relevait doucement, dans le digne salut typique d’Althaïa.

Et c’est un honneur de vous revoir, noble dracène.

Et soudain, alors qu’il reprenait une stature droite et digne, il réalisa être… nu. Totalement nu. Il rougit légèrement, et s’approcha, gêné, de ses vêtements, pour s’empresser de revêtir au moins son bas noir, tombant souplement jusqu’aux chevilles. Il lui semblait futile et inutile de lui cacher plus. Après tout, elle pouvait lire en son esprit comme dans un livre ouvert si elle le désirait. Pour elle, comme pour tout dragon, sa véritable nature n’était pas un secret.

Et il devinait que cette nature risquait de ne pas rester secrète bien longtemps d’ailleurs. Cacher être Sainnûr était compliqué, et s’il avait eu la chance que ses veinules soient discrètes, courant simplement sur ses épaules et son dos en des entrelacs raffinés, il suffisait de peu pour que son secret soit découvert.

Je suis heureux de vous revoir, mais je suis aussi inquiet, ajouta-t-il enfin, chassant ces pensées. J’espère que vous ne voyagez pas seule. Même si loin de moi l’idée de prétendre que vous êtes sans défense… mais des dragons plus âgés ont connu un funeste destin. Je serai peiné qu’il vous arrive de même.

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Le délimarien d’adoption sortit des arbres, et avec lui des sentiments de surprise, de joie mais aussi de crainte. Sans doute lui aussi devait-il avoir peur quand un être fait de magie était aux alentours. Shyven savait Ilhan cordial et avenant, mais ce n’était pas le cas de tout le monde dans sa ville : elle l’avait appris à ses dépends.

Elle tacha cependant de rassurer mentalement le bipède d’entrée de jeu : elle n’avait pas remarqué la présence de quelconque garde, elle ne s’était pas fait suivre, car elle avait bien fait en sorte de se cacher en approchant la cité. Un dragon averti en valait deux, aussi Kaalys avait bien fait de la renseigner.

“S’il s’agit d’une dracène telle que vous que j’emporte avec moi, alors je ne pourrais m’en plaindre. Ce serait même un honneur. Et vos paroles deviendraient alors tentation à renouveler l’expérience pour être honoré de cette chance.”

La dragonne eut un petit grondement de contentement quand Ilhan lui transmis mentalement sa joie de la revoir. Le plaisir était partagé. Elle inclina légèrement sa tête et eut un petit sourire amusé quand le bipède fit ses divers gestes, ne comprenant pas tout de suite le pourquoi de ces salutations un peu grandiloquentes. Mais bientôt, la mémoire draconique fit son effet, et les voix lui intimèrent que c’était en réalité des restes de coutumes de salutation d’un peuple bipède aujourd’hui quasiment disparu, dont Ilhan devait manifestement faire partie.

Shyven compris donc mieux ce à quoi elle avait affaire. Elle inclina elle aussi la tête en conséquence, manquant bien de révérence comparé à ce à quoi elle venait d’assister, mais tenant tout de même à marquer le coup :

“C’est un honneur partagé, Ilhan. Je suis heureuse de vous trouver en bonne santé, j’espère que les vents qui vous portent sont bons.”

Elle était certainement bien moins douée pour la parole que le Bipède-mangeur-de-magie, mais cela lui paraissait comme de bonnes salutations. Le vent tenait une place particulière dans le coeur de la dragonne rose : il virevoltait souvent entre ses ailes, il était presque partout autour d’elle, et il avait ce délicieux parfum inodore de liberté. Ce symbole était assez universel, elle espérait donc que Ilhan le comprenait aussi bien que Shyven en percevait les nuances. Mais pour être honnête, la Plume Rose ne se faisait pas vraiment d’inquiétude à ce sujet.

La fille de Kaalys eut un autre petit regard amusé quand elle vit le visage du bipède qui passa de pâle à écarlate, probablement quand il s’était rendu compte qu’il était nu comme un ver face à la dragonne. Shyven eut un petit soufflement de nez, avant d’encore une fois rassuré le bipède. Elle même n’avait cette conscience que les bipèdes étaient généralement vêtus car son père les avaient beaucoup fréquentés, mais cela ne la gênait pas outre mesure que celui-ci les délaisse pour être plus en harmonie avec la nature.

En vérité, tous ces concepts de normes sociales bipèdes passaient un peu au dessus du nez de la dragonne, qui était simplement contente de pouvoir aller où elle le voulait, quand elle le voulait.

Une fois un peu de décence retrouvé pour Ilhan, Shyven s’en rapprocha et vint assez instinctivement poser son museau sur sa main. Le Bipède devait se sentir en confiance, et elle pensait que cela pouvait peut être l’aider à se détendre un peu … La Plume Rose écouta cependant par la suite ce qu’il avait à lui dire :

“Je suis heureux de vous revoir, mais je suis aussi inquiet. J’espère que vous ne voyagez pas seule. Même si loin de moi l’idée de prétendre que vous êtes sans défense… mais des dragons plus âgés ont connu un funeste destin. Je serai peiné qu’il vous arrive de même.”

Shyven plissa les yeux à ce moment-là, et elle eut un petit soupir chaud dans le creux de la main du bipède, accompagné d’un petit grognement. Effectivement, elle avait eu vent de cela également : un mystérieux tueur avait réussi à abattre Firindal, un dragon-lié que Shyven ne connaissait pas vraiment, mais la nouvelle avait fait le tour de sa nuée.

Après que certains bipèdes voulaient contrôler la magie, certains voulaient se prouver d’être à la hauteur de la majesté d’un dragon en les tuant. Pourquoi est-ce que l’on en voulait autant à son espèce ? Shyven ne le savait pas vraiment. Mais peut être que le Bipède, lui avait la réponse.

“N’ayez crainte Ilhan, je suis seule pour l’heure mais ma Nuée ne me quitte jamais vraiment.”

En effet, même si la Plume Rose prenait en indépendance, elle avait la chance d’avoir le regard d’un père bienveillant et très protecteur, et d’une famille qui était globalement attentive à ses faits et gestes. Cela lui mettait un peu de pression, mais lui donnait également l’impression de ne jamais être bien loin du nid, ce qui avait souvent un côté confortable, il ne fallait pas se mentir.

“Mais j’ai eu effectivement vent de tragiques événements qui touche les nôtres ces derniers temps. Cela me rend bien triste, comme vous pouvez vous en doutez.”

Shyven sorti son museau de la main d’Ilhan, avant de faire quelques pas pour s’étirer. Elle réfléchissait en même temps :

“Entre cela et le contrôle total de la magie … C’est à croire que les vôtres ont oublié quel équilibre régissait ce monde.”

La Plume Rose se permit d’ajouter une nuance, mentalement. Elle n’incluait pas vraiment Ilhan dans ces personnes pointées très généralement, sachant que lui-même devait avoir son propre avis sur la question.

Mais la vérité était que tout cela turlupinait Shyven depuis assez longtemps maintenant.

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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La jeune dracène semblait confiante et sûre d’elle. Selon elle, elle ne risquait rien en ces lieux. Et sa nature sauvage devait la protéger un tant soit peu aussi. Ilhan laissa donc ses craintes s’envoler comme poussières au vent, et s’accrocha plutôt à la joie de la revoir. Il n’aurait jamais espéré pareil honneur et son coeur était comblé rien que d’avoir pu l’admirer une fois encore.

Quand elle lui rendit son petit salut, tout en grâce draconique, Ilhan lui offrit un doux sourire. Pour un peu, il aurait laissé parler l'élan enfantin qui l’étreignait, et se serait jeté à son cou pour lui témoigner toute l’émotion qu’il ressentait alors à ces retrouvailles inattendues. Il dut réfréner cette envie puérile. Mais grande peine lui en prit… S’il réprima ses émotions au fond de son coeur, bien au chaud, là, tout au fond de lui, elles en avaient décidé tout autrement. Et ces fins filaments apparurent doucement dans son dos, dansant presque tendrement, comme s’il berçait un être précieux. Quand l’althaïen en prit conscience, il baissa les yeux, confus et penaud.  

Mais les mots qu’elle lui offrit pour appuyer sa salutation apaisèrent aussitôt la honte fugace qui le submergeait et la joie reprit ses droits. Il hocha la tête, signant ainsi avoir compris. Oui, que les vents les portent tous vers de bons augures, songea-t-il. Il imaginait sans peine l’importance de ces mots pour un dragon, seigneur des cieux incontesté, dont les grandes ailes avaient su se faire maîtres du vent… Il songea soudain qu’il rêverait de voler lui aussi… ou de savoir un jour quel effet cela faisait. À cette pensée, son sourire se teinta d’une légère mélancolie, alors qu’il se disait ne jamais avoir cet honneur.

Quelle ne fut sa surprise toutefois de voir soudain la dracène plumes roses se rapprocher et venir lover son museau dans sa main. Ilhan entrouvrit légèrement les lèvres, statufié sur place par ce contact inattendu et inespéré. Tout figé qu’il fut toutefois, il savoura cet instant tout en émoi. Son coeur se mit à battre chamade, leitmotiv lancinant et rythmé d’une danse de joie. Ce souffle chaud contre sa main, ce petit grognement qui vibrait jusque sur sa peau, ses os, résonnait dans sa poitrine et faisait vriller son coeur qui manqua rater un battement… Il aurait bien poussé l’audace jusqu’à caresser ses écailles, mais une étrange pudeur le retint. Ses filaments toutefois vinrent lentement, presque avec tendresse, caresser les ailes de la dracène, avant de se retirer tout en douceur et de disparaître dans le dos du jeune sainnûr.

Sa Nuée… Oui, les dragons avaient raison de se rassembler. De tout ce qu’il avait pu lire, il avait compris que le nombre pouvait faire la force. C’était là d’ailleurs une des principales caractéristiques humaines qui avait permis à cette jeune race bien fragile de faire face à tous les dangers. Même si les dragons n’avaient rien de faible, les derniers événements montraient bien qu’ils n’étaient en rien invulnérables. Qu’ils n’étaient ni Dieux ni Immortels. Eux aussi avaient donc tout intérêt à se rassembler en Nuée pour contrer ce qui les menaçait.

Quand elle évoqua ces fameux événements, Ilhan se contenta de hocher la tête. Depuis sa renaissance, il n’avait pu s’empêcher de trouver la mort triste. Certainement était-ce là un sentiment  égoïste, car en fait c’était surtout ceux qui restaient qui souffraient de la perte d’un être cher. La mort faisait après tout partie d’un cycle, d’un cycle éternel, lui avait-on raconté.

Mort, l’une des Sept Déesses, Mort, dont il portait la marque secrète dans son dos depuis qu’un certain pirate la lui avait apposée… S’il avait, lors de sa découverte d'être ainsi marqué, trouvé le choix déconcertant, il avait appris à en aimer toute la symbolique le concernant, au fur et à mesure qu’il en avait appris plus sur les Dieux. Mort semblait la plus douce, la plus posée de toutes les Déesses. Peut-être la plus sage en un sens. Capable de se sacrifier pour respecter sa parole et son honneur, pour protéger leur œuvre commune avec ses sœurs et son frère. Et il sentait vibrer en lui les mêmes aspirations, la même quête pour se montrer digne de ses serments, la même volonté de porter sur toute chose un regard bienveillant, ou du moins compréhensif, la même volonté de se donner tout entier à une grande oeuvre. Il n’était certes pas aussi noble et sage que Mort, oh non, loin de lui l’idée de se comparer à une Déesse. Mais il voyait là en elle le modèle qu’il aimerait suivre. Il devait alors concéder que ce pirate, maudit soit-il, avait tout de même bien choisi. C’était, en partie, pour cela qu’il ne l’avait pas fait retirer alors. Ça, et le fait qu’il ne voulait pas alerter ledit pirate que sa marque avait été démasquée. Cela pourrait lui servir un jour… Autant attendre avant de se précipiter dans une décision trop hâtive.

Ilhan regretta toutefois la perte de contact avec la dracène et, alors que celle-ci semblait s’étirer tel un grand félin devant lui, il releva sa main à hauteur de ses yeux et ferma doucement le poing comme pour s’imprégner de cette ultime sensation, de cette petite chaleur qu’il sentait encore palpiter au creux de sa main, réchauffant et sa peau et son coeur. Il en ferma les yeux pour mieux figer cet instant magnifique dans son esprit. L’incruster dans sa mémoire. Elle était peut-être séquellaire, en lambeaux, mais rien ne l’empêchait de se façonner de nouveaux souvenirs. Et il espérait bien que son acte du soir à venir allait lui permettre de la recouvrer tout entière. Même s’il risquait peut-être d’y perdre aussi l’esprit… Mais ce n’était pas le moment de songer à tout cela, se morigéna-t-il tout en rouvrant les yeux. Et ses orbes sombres pétillant d’or dévorèrent de nouveau la splendide iridescence des écailles roses au soleil.

Il était absorbé dans sa fascination, n’écoutant que d’une oreille, quand un mot le fit aussitôt revenir à l’instant présent. Équilibre ? Étrange qu’elle parle soudain d’équilibre. Étrange et déroutant quand on songeait à l’une des autres personnes qui semblait elle aussi tant tenir à l’équilibre… Non, ne pas penser à lui, ne pas y penser, se fustigea Ilhan, reléguant aussitôt ce nom au fin fond de son esprit. Ce n'était surtout pas le moment d'y songer. Vraiment pas.

Je comprends votre désarroi, vos questionnements, vos incompréhensions aussi peut-être… je vous avoue les partager quelque peu.

Beaucoup, même.

Ce monde me… déconcerte. Mon… peuple…

Pouvait-il encore parler des humains comme de son peuple ? Pour l’instant, il le servait encore. Au fond de lui, il se sentait encore une part d’humain. Il se faisait d’ailleurs passer pour un humain, du moins hors de Delimar… Pourtant… Pourtant il ne l’était plus tout à fait. Il était devenu aussi Sainnûr, être imprégné de magie, qui voyait magie, qui mangeait potentiellement magie…

Enfin les humains… me déconcertent. Ce sont des êtres fascinants… mais au comportement troublant. Je vous avoue ne pas pouvoir vous apporter de réponses à vos questions. Je ne pourrais vous expliquer cette habitude qu’ils ont parfois de considérer les dons qu’ils peuvent avoir comme leurs. Comme un dû, un acquis, plutôt qu’un cadeau à chérir.

Il sourit doucement, et vint lentement, à pas comptés, un peu intimidé d’oser ce geste, s’approcher de la dracène. Puis, tout aussi lentement, il vint s’asseoir près d’elle, sous les arbres qui bordaient la plage, les yeux rivés sur l’océan qui chantait sa mélopée au loin. Il n’aurait pas craint de l’offusquer, qu’il l’aurait enveloppée d’un bras dans une étreinte réconfortante. Mais le respect et la crainte qu’il avait de froisser l’honneur draconique le retint. Au lieu de cela, sa voix chanta les accents d’Althaïa quand il reprit :

Je vous remercie d’avoir transmis mon message à votre grand-père. J’ai eu l’immense honneur de le rencontrer. Ce fut pour moi… une rencontre mémorable riche d’enseignements et de questionnements. Je ne m’attendais pas à ce qu’il accepte de me voir. Je ne sais ce qui l’a convaincu, mais j’espère me montrer digne de ce qu’il a accepté de me dire.

Il tourna alors la tête vers Shyven et ancra ses perles de jais dans les ambres clairs de la dracène. Il prit une grande aspiration et lui conta alors toute la rencontre.

Ses questions, suite aux événements de Caladon, ses craintes aussi, son trouble, lui qui avait vu des Sainnûr utilisés pour manger la magie, semer le trouble, commettre des crimes et rompre l’équilibre à leur insu, telle une marionnette que l’on utilisait… Il lui rapporta dans les grandes lignes l’échange qu’il avait eu avec son grand-père : le fait qu’il n’avait rien demandé à Vaea, qu’il n’avait jamais voulu et ne voudrait jamais être considéré ainsi tel un Dieu à qui l’on offre toute sa dévotion, qu’il ne voudrait jamais être un autre Tyran Blanc, que le Brise-Sort avait agi sous ses seules décisions, en son âme et conscience, même s’il avait reçu effectivement un certain enseignement du dragon de l’Ire quant à l’urgence de la situation sur la magie ; le fait que Verith ne voudrait jamais s’ériger en guide ou en aide pour les bipèdes, qu’une fois les dangers écartés de leur monde il n’épargnerait peut-être pas les bipèdes… il lui expliqua aussi ce qu’il avait cru comprendre du message du dragon rouge : sa volonté de protéger la magie, et les siens, eux dragons qui étaient le pont entre la trame et ce monde, sa volonté de faire comprendre que la magie devait se respecter, était un don, un cadeau, une offrande, que l’on devait estimer, chérir, et non avec laquelle on devait jouer…

Puis il lui expliqua ses fous projets pour tenter de trouver une autre voie que celle de Vaea pour porter ce message aux siens :

Quand je parlais d’éducation, je ne parlais pas dans le vent.

Il offrit un petit sourire taquin à ce jeu de mots, reprenant la symbolique du vent que la dracène semblait tant aimer.

En Delimar, une école de magie a déjà été construite, sous l’aval de notre Intendante Tryghild. Je crois que c’était une impulsion de mon ancien moi…

Il espérait ne pas perturber la dracène en parlant de son lui d’avant tel un étranger…

Cette école n’enseigne toutefois que la théorie, et le respect de la magie. L'enseignement pratique ne se fait pas dans l’enceinte de la cité. Ceux souhaitant alors poursuivre un enseignement plus poussé dans cet art doivent se rendre en Caladon, ou éventuellement en Ipsë Rosea, depuis notre rencontre avec la Loge.

Même si peu d’entre eux certainement s’y étaient rendus. Caladon semblait toujours un choix privilégié en la matière pour les rares hauts mages délimariens, pour l’heure.

J’aimerais alors pouvoir ériger des écoles ailleurs, dans tous les grands royaumes de l'archipel, mais cette fois des écoles magiques où on enseignerait le respect de la magie au-delà de la théorie. Des écoles où on la mettait en pratique, en montrant par l’exemple ce que pourrait être un usage raisonnable et raisonné. Ce serait le premier pan. Les mages au potentiel de maître et qui n’auraient pas les moyens seraient pris d’office en charge, même s'il faudra trouver comment…

D’un regard gêné, il s’excusa soudain de ces détails. Les litiges économiques de leur société bipédique, ou les inégalités entre les classes, devaient être des notions qui passaient bien au-dessus des cornes des dragons. Il s'arrêta donc et évoqua plutôt le second pan de ce projet.

Mais il faudrait aussi impulser une volonté politique.

Il pencha la tête quand il évoqua ce point-là. Ce pouvait être, là aussi, un côté compliqué à comprendre pour un dragon, aussi intelligent soit-il.

Pour mieux vous faire comprendre l’importance de ce deuxième pan du projet, il faut que vous sachiez que nos sociétés bipèdiques, quelles qu’elles soient, sont régies par des hommes ou des femmes qui décident de l’avenir de leur peuple, qui prennent des décisions sur tout un tas de choses les concernant. Des lois sont ainsi données, des sortes de règles que le peuple qu'ils dirigent doivent suivre...

Ses mains voltigeaient devant lui, comme pour appuyer ses mots. Comme pour leur donner forme.

Et les règles d'usage de la magie font partie, en quelque sorte, de ces choses dont ils peuvent décider. Si l’on veut agir à grande échelle et faire comprendre l’importance de respecter la magie dans son usage, il faut toucher les dirigeants, qui, eux, décideront, qui, eux, choisiront éventuellement des lois, des règles, et qui, eux, convaincront leur peuple ensuite. Si eux comprennent l’enjeu et acceptent de prendre des mesures pour le contrer, alors nous pourrons enfin espérer une avancée.

Puis, contrit, réalisant qu’il s’était laissé de nouveau emporter dans son élan de projet et d’avenir, il baissa les yeux et son sourire se teinta de gêne.

Mais je suis désolé, je vous prie de me pardonner si j’ai pu vous ennuyer avec ces idées et ces affaires de bipèdes.

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Shyven contempla d’un air légèrement attristé les premières réactions de son ami bipède-plein-de-magie, quand il tâchait d’expliquer à la dragonne le comportement des humains. Lui qui semblait si heureux de converser avec un dragon par toutes ses réactions qui flattaient sincèrement la dragonne en ces temps troublés, avait désormais un visage bien triste. Quand il vint s’assoeir près de lui, la dragonne rose tâcha de rassurer l’Althaïen :

« Vous n’avez pas à vous sentir coupable des comportements des uns et des autres, Ilhan. Vous autres les bipèdes, vous êtes pour moi un mystère qui reste entier. Certains comme ce Vaea que nous avons connu et vu à l’œuvre tous les deux, sont vraiment des rustres personnages … Mais d’autres, comme vous, méritent que l’on s’y intéresse. Mais c’est aussi la même chose dans notre race. Vous ne connaissez pas mes deux oncles jumeaux, mais ce sont vraiment des personnages bien particuliers, et si différents … Parfois je peine à croire qu’ils viennent du même œuf ! »

La dragonne transmis des pensées bienheureuses et rassurantes à son ami bipède. Comme quoi, parfois, même si les bipèdes vénéraient les dragons comme des dieux, certaines problématiques rapprochaient vraiment les deux races. En vérité, Shyven pensait sincèrement après sa petite expérience dans le monde des vivants que l’on pouvait vraiment passer plusieurs jours entiers à lister ce qui rapprochait et éloignait les deux races.

Ainsi, aux yeux de la petite opale, ceux comme son grand-père qui haïssaient les bipèdes et trouvaient qu’ils n’avaient rien en commun se trompaient. Pour autant, ce point de vue se défendait aussi, car l’Histoire avait prouvé que l’on pouvait aussi raisonner de cette façon.

Shyven n’avait jamais cherché à rejeter la colère de Verith, son vénérable grand-père, elle avait plutôt essayer de la comprendre, pour pouvoir aussi lui permettre de se construire en ce sens. Et justement, de son grand père il fut question dans les prochaines paroles du citoyen d’Althaïa :

« Je vous remercie d’avoir transmis mon message à votre grand-père. J’ai eu l’immense honneur de le rencontrer. Ce fut pour moi… une rencontre mémorable riche d’enseignements et de questionnements. Je ne m’attendais pas à ce qu’il accepte de me voir. Je ne sais ce qui l’a convaincu, mais j’espère me montrer digne de ce qu’il a accepté de me dire. »

Shyven hocha doucement la tête, avant de répondre :

« Je suis bienheureuse si cette rencontre vous a servi. Derrière sa haine qui le consume, Verith peut savoir se montrer vénérable et plein de bons enseignements pour qui sait lui parler correctement, et le comprendre. »

La dragonne tenait vraiment à mettre l’emphase sur ceci, parce qu’en les temps qui courraient, c’était très triste, mais elle ne serait pas surprise d’apprendre que des bipèdes voulaient la tête du Grand Rouge. Bon, certes, Shyven pensait vraiment qu’il aurait été pure folie de lever des armes contre lui, mais ceux-ci avaient déjà tué Firindal, alors pourquoi pas lui qui tenait déjà depuis de nombreuses années un discours de pure haine. Or, malgré tout cela, elle pensait sincèrement qu’il avait un bon fond.

Fort heureusement, Ilhan ne faisait pas partie de ses détracteurs, et l’Althaïen raconta en détail l’entretien qu’il avait vécu avec le Grand Rouge. Et ce que Shyven entendait ne surprenait pas vraiment la jeune dragonne. Comme elle le pensait, Verith avait beau être colérique, il restait un dragon conscient des enjeux du monde et de ses dires. Aussi, elle fut soulagée d’apprendre qu’il n’avait jamais instigué quoi que ce soit avec Vaea, que le comportement de ce dément n’était dû qu’à ses extrapolations délirantes.

Toutefois, si le message concernant la magie était effectivement louable, et Shyven avait fini par le comprendre, elle pensait toujours que quelque chose n’allait pas dans son application. Le brise-sort était un cas extrême, certes, mais la petite opale craignait l’effet boule de neige, que cette pratique se généralise.

La justice était une affaire compliquée, et de son œil de dragonne qui passait naturellement au-delà des problématiques de bipèdes, elle voyait tout simplement d’un mauvais œil que certaines personnes s’octroient le mérite de tuer quelqu’un qui aurait fait un « mauvais usage » de la magie.

Ça n’était pas valable, parce que ça ne voulait rien dire. Shyven garda ses réflexions en elle pour le moment cependant, et écouta paisiblement l’Althaïen, venant se lover contre lui à nouveau. Son projet « d’école », parlait à la jeune dragonne, car elle sentait que les bipèdes pouvaient en avoir besoin. Pour les dragons, en tant qu’espèce supérieure, tout était inné, et eux savaient naturellement comment bien faire les choses, et surtout la magie n’interagissait pas de la même façon qu’avec les bipèdes.

Mais à en écouter Ilhan, pour les personnes de son espèce, cela semblait être toute une aventure : il fallait construire des écoles, y enseigner des « programmes », puis ensuite aller voir le chef ou la cheffe de son royaume pour pouvoir faire avancer les choses … Shyven eut un petit souffle contre le corps de l’Althaïen, qui lui fit :

– Mais je suis désolé, je vous prie de me pardonner si j’ai pu vous ennuyer avec ces idées et ces affaires de bipèdes.

Shyven eut un autre regard tendre envers l’immaculé, et lui fit :

« Je ne vous en veux pas Ilhan, je regrette simplement que parfois les choses ne soient pas plus simples, ou du moins, moins … Compliquées ? »

La petite dragonne regarda son ami althaïen, butant sur cette phrase qui n’avait pas grand sens dit à voix haute. Elle se surprit de penser à des concepts peu simples à conceptualiser par la voix. La pensée draconique était épaisse, et parfois Shyven avait tout simplement du mal à exprimer en langue bipède ce qu’elle ressentait. Or quand les idées ne voulaient plus sortir par la parole, Shyven ferma les yeux et se rapatria sur la pensée, et fit part de ses sentiments à l’immaculé.

Pour elle, la Magie était bien plus que des règles, des « idées politiques », des programmes à enseigner, ou des choses qui pouvaient se résumer à des « bons usages » ou des « mauvais usages ». La Magie se conceptualisait par la Trame, les Déesses, le Dieu, le Dragon-Esprit, et toutes ces personnes là qui avaient forgé ce monde à travers les ères. La Magie était un fondement, si ce n’est le fondement même de ce monde. Si l’on avait imaginé des modes de société alternative pour vivre sans, ou même connu des époques où elle était à son plus bas niveau, le fait est qu’elle avait toujours été là. Shyven pensait que ce qui manquait dans la compréhension des bipèdes, c’était que bien au-delà d’être un simple don, ou un procédé capable de faire vivre des races comme les elfes, les immaculés ou les vampires, la Magie était un Tout. Elle était équilibre, ordre, chaos, dragon, bipède, divinité, outil, miracle, ou simple sujet d’étude.

Et ce qui manquait aux bipèdes, c’était peut-être cela. Shyven voulait faire comprendre à Ilhan qu’il n’était peut-être pas nécessaire de demander une autorisation, car tout ce qu’ils voulaient, c’était s’élever, et faire en sorte justement, que ce Tout soit considéré comme tel par les bipèdes, et non plus selon telle ou telle facette très particulière de quelque chose.

Une fois qu’elle eut fini cette petite démonstration mentale, la dragonne rose interrogea l’Althaïen immaculé :

« Comprenez-vous ce que j’essaie de vous dire, Ilhan ? Je comprends la nécessité d’un tel projet pour vous autres, mais ne pourrait-il pas s’abroger de toutes « lois », ou « décisions politiques », comme vous semblez appeler ça ? Car selon ma vision des choses, je pense que l’on perdrait de vue l’objectif principal de la mission qui vous a été confié. »

Shyven posa une nouvelle fois sa tête dans le creux de la main d’Ilhan, et lui fit :

« Vous êtes Sage, Ilhan. Alors dites-moi, que cache ce rempart de politique, et autres choses de bipèdes que vous affectionnez tant ? Ne pourriez vous tout simplement pas faire élever votre voix sur certains sujets, et le mettre en place avec ce qui vous ait confié ? »

Shyven regarda à nouveau l’Althaïen, et eut un petit sourire :

« Je n’ai pas attendu que mon Grand-Père me soutienne pour venir me mêler des affaires secouant Caladon, où que mon père me donne l’autorisation pour pouvoir commencer à chasser. Nous autres dragons n’avons pas besoin d’aval pour faire les choses qui nous plaisent. Vous êtes libre, convaincant, et Sage. Vous devriez profiter de tout cela dans la réalisation de cette tâche. »

Elle remit son museau dans le creux de sa main, avant de terminer :

« Je vous aiderai, si tel est votre souhait. »

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Les bipèdes un mystère… Sur l’instant, il eut envie de lui dire que pour lui aussi. Oui, parfois, pour lui aussi les bipèdes étaient un mystère. Les dragons étaient un mystère. Le monde entier était un mystère… Tout n’était que mystère opaque dont il peinait à déchirer le voile qui lui cachait la vérité. Mais quelle vérité ? Et en existait-il seulement une en ce monde ?

Encore une raison qui renforçait sa volonté de recouvrer ses souvenirs. De les recouvrer coûte que coûte, de ne plus rester aveugle d’amnésie dans ce monde qui en savait bien trop sur lui, et surtout qui semblait jonché de dangers à chaque pas qu’il faisait…

Oui, il avait entendu parler de dragons jumeaux nés du même œuf, c’était un phénomène assez rare pour qu’il ait fait le tour de l’archipel, pour qui tendait l’oreille à toutes les rumeurs. Mais il n’avait jamais eu l’opportunité, la joie peut-être, de les rencontrer. Il hocha donc la tête, sans répondre. Songeant que la dragonne pouvait de toute façon aisément piocher dans ses pensées. Et bien vite une onde chaleureuse le berça et apaisa le flot de ses songes agités.

Oui, plein de bons enseignements, le dragon de l’ire l’était clairement, quand on savait l’écrémer de ses ondes de colère. Verith détenait des savoirs, des connaissances, cruciaux pour l’avenir de ce monde, l’althaïen en avait l’intuition. Quand il avait quitté le dragon de l’ire, il n’avait pu résister à l’envie de consulter sa pythie, qui lui avait alors montré qu’il écouterait le dragon de l’ire, et tenterait la voie dont il avait parlé. Cela n’avait été qu’une vague sensation, telle une main dans le dos le poussant dans cette direction que le dragon ne lui avait pas fermée.

Savoir lui parler et le comprendre… L’avait-il su ? Il ne pourrait l’affirmer. Mais il était vrai qu’ils avaient eu, le dragon de l’ire et lui, une conversation posée et riche d’enseignements. Même s’il avait craint par moment de se faire roussir par le souffle agacé du dragon, il en était sorti indemne. Sans même une égratignure. Ce qui était sûrement le gage d’un premier pas plutôt encourageant en soi.

Il continuait de lui raconter tout cela, quand soudain la dragonne vint se lover contre lui. Contre lui ! Sur l’instant, l’althaïen se figea, une onde de pure joie coulant en lui et l’enveloppant de son chaud manteau. Il jeta un regard en biais vers la belle silhouette à ses côtés, et ressentit une envie irrésistible de poser sa tête, là, sur cette épaule qui s’offrait à lui. Ou de l’envelopper de son bras pour la serrer contre lui. Il réprima cet instinct réclamant de l’affection et se contenta d’observer, un émerveillement pétillant dans ses orbes sombres, la dragonne auprès de lui.

Et ce souffle chaud qui lui arracha un frisson tout le long de son échine… Et ce regard tendre qu’elle lui offrait ! Ilhan sentit une bouffée d’affection l’étreindre et, alors qu’il réprimait avec peine son envie irrépressible de l’enserrer contre lui, ses filaments s’étirèrent dans un lent mouvement, sans qu’il ne s’en aperçoive, dansant doucement dans son dos.

Plus simple. Oui, lui aussi il l’aurait tant aimé. Il s’était retrouvé projeté dans toutes ces histoires alambiquées, quelques semaines à peine après sa renaissance, sans même avoir eu le temps de réellement réapprendre à se connaître lui-même. Oui, compliqué, tout cela était compliqué. Les bipèdes étaient compliqués.

Ou plutôt… les anciennes races étaient compliquées. Pour les sainnûr… sans affirmer que cela était simple, il songeait parfois que cette race avait tout à construire, tout à apprendre, et qu’elle pourrait être alors la race d’avenir, celle qui balayerait tous ces méandres du passé qui rongeaient tant les autres races, du peu qu’il avait pu comprendre. Mais… C’était là encore tout autre chose.

Et soudain d’autres pensées virent chatouiller son esprit. Magie. Bien plus que des règles ou de la politique. Oui, de cela, il était d’accord. Magie, il la sentait. Magie l’entourait. Magie l’enivrait. Magie était la vie, sa vie maintenant. Oui Magie était un tout, il était d’accord, fit-il d’un simple hochement de tête. Elle n’était ni bonne ni mavaise, elle n’était ni dangereuse ni bienheureuse, elle était vie et mort, elle était constructrice et destructrice, elle était ordre et chaos… Oui, elle était équilibre.

Ilhan rouvrit les yeux, qu’il n’avait pas eu conscience de fermer, et hocha de nouveau la tête, d’un air grave et presque solennel. C’était incroyable comment le contact de cet esprit draconique lui permettait de rendre clair et intelligible des concepts qu’il pressentait, qu’il touchait du doigt, sans parvenir à exprimer pleinement. Il darda alors un regard sombre éclairé d’or à la dracène qu’il détailla avec attention. Il avait l’impression soudain, par l’onde qu’elle venait de lui envoyer, que ses pensées s’éclairaient, devenaient plus limpides. Était-ce là un pouvoir draconique ? Il n’avait pas eu cette impression pourtant avec son grand-père. Ou était-ce juste un don de Shyven ?

Un lourd silence s’abattit sur eux, sans pour autant devenir gênant. Un silence presque apaisant, qui lui permettait de digérer ce qu’elle lui révélait et lui proposait. Un silence qui lui permit aussi de peser tout ce que cela impliquait.

Oui, je comprends, répondit-il enfin d’une voix grave où perçaient ses accents althaïens. Si ce projet pourrait s’abroger de lois ? Oui, sans doute… mais cela passerait alors par des méthodes violentes, telles celles utilisées par Vaea.

Il soupira, et ses filaments retombèrent dans son dos, se laissant choir sur le sol.

De mon séjour à Delimar, je crois que mon ancien lui a réalisé une chose : il peinait à prendre pleinement conscience des enjeux de la magie, qu’il utilisait un peu à tout va. Comme faire voleter sa plume jusqu’à lui, par exemple, au lieu de se lever pour aller la chercher… Il lui a fallu devoir payer des taxes exorbitantes pour se restreindre, tel un sevrage si vous voulez, comme si la force de l’habitude était devenue une drogue dont il peinait à se passer, et de là, seulement il a commencé à ouvrir les yeux et à comprendre que l’usage qu’il faisait précédemment de la magie était sans doute abusif. Je ne suis d’ailleurs pas sûr de ne pas toujours en user de façon abusive. Dans les moments de tension et de décisions cruciales, la magie reste un réflexe, tel un rempart et une arme, après les mots.

Il ne savait s’il était suffisamment clair pour la dragonne et tentait de lui faire voir des souvenirs qu’il avait lus dans son livre de vie, dans le même temps.

Cette fois toutefois, il ne résista pas à câliner la tête qui se lovait dans sa main. C’était bien trop tentant. Et ses filaments commencèrent doucement à enlacer la dragonne avec une tendre affection.

Tant que je ne perds pas de vue l’objectif ultime, le rempart politique, les lois et les règles ne seront que des outils. Des outils pour faire comprendre à mes paires ce message si important, autrement que par la violence. Je l’espère du moins.

Sa main se leva doucement et s’apprêtait à caresser le dessus de la tête de Shyven, à toucher les écailles de son cou, son dos, ses ailes… mais se figea dans l’air, avant que doucement elle ne s’abaisse, tout en pudeur.

Quant à faire élever ma propre voix… Ce sera déjà le cas quand j’irai chercher des soutiens et quand je devrai convaincre les dirigeants. Mais..; J’ai besoin d’appuis, de soutiens, j’ai besoin que les voix dirigeantes s’en fassent écho. Seul, je ne puis rien. Sans compter que je… Je… Je viens tout juste de renaître, je n’ai pas, pas encore du moins, recouvré mes souvenirs. Je suis perdu dans ce nouveau monde qui m’apparait tout en violence et en contradiction. Je ne pense pas, en outre, pouvoir me targuer d’être le meilleur exemple du bon usage de la magie. Tout au plus je puis peut-être prétendre faire des efforts, tenter de me plier à une meilleure pratique plus raisonnée. Mais…

Il montra sa fine silhouette d’une main.

J’use beaucoup de magie, vous avez dû vous en rendre compte à Caladon. Je porte en moi beaucoup d’objets magiques. Même si je tente de ne pas en abuser, ce sont là pour moi des supports palliant à mes faiblesses et qui m’ont tant aidé que je peine à m’en séparer. Non, vraiment, je ne suis guère le meilleur exemple, pour porter ce message, quels que soient les efforts que je fasse par ailleurs pour restreindre mon propre usage de la magie.

Mais qu’on ne croit pas qu’il se défilait à ce qu’il s’était engagé ! Il ajouta alors, en un murmure :

En outre, j’ai toujours agi dans l’ombre, Shyven. Je suis un homme de l’ombre, je ne suis pas fait pour diriger, ou pour porter une voix haut et fort. Du moins, est-ce ce que je crois. Non, les voix qui portent sont celles des dirigeants bipèdes. C’est pourquoi je souhaite avant tout les convaincre, eux, du bien fondé de ce message. Qu’ils le fassent leur, et qu’ils le répandent à travers leur peuple. Certainement pour que leur propre voix porte, ils auront besoin de lois, du moins au début. Le temps que l’éducation se fasse. Et si vraiment… si vraiment…

Il se tut un instant, et ses orbes de jais devinrent deux puits sans fond s’éteignant soudain.

Si vraiment les dirigeants n’y adhèrent pas, s’ils se ferment à ce message, s’ils ne désirent pas en comprendre l’urgence, alors oui, là, ma voix s’élèvera. Pire même, elle grondera. Et avec elle, le sceau d’une volonté implacable peut-être bien.

Cette fois une main timide se posa sur la patte de la dragonne.

Et c’est de cela, dont j’ai peur Shyven. Peur d’en arriver à devenir ce porte-voix en cas d’échec. Peur… car je me révélerai au grand jour. Et pire encore, si ce message n’est pas entendu des dirigeants, je sens en moi d’insidieux sentiments monter à cette simple idée. Une farouche frustration, une sourde colère, qui risqueraient de m’entrainer sur des pentes que je préfère éviter. Des pentes tout aussi violentes que celles que nous réprouvions à Caladon, en plus fourbes toutefois. Des pentes où violence se ferait dans l’ombre, et où j’oeuvrerai pour les seuls êtres à vouloir entendre ce message, tout en écartant les autres...

Ses propres paroles sonnaient bien sombres et bien confuses, même à lui. Il préférait toutefois ne pas trop s’appesantir dessus, et ne pas trop les écouter, de peur qu’elles ne prennent réellement forme dans son esprit, et qu’elles ne l’entrainent sur des sentiers qu’il regretterait.

Vous êtes une dragonne, et je ne suis qu’un simple sainnûr, fit-il dans un souffle. Je doute que ma voix porterait aussi fort que la vôtre. Je reste convaincu que les voix de l’éducation et de la politique sont à tenter en premier. Si elles échouent… alors oui, je m’en ferai le porte-parole.

Il ferma doucement sa main sur la patte, comme s’il serrait une main de bipède, avant de doucement la retirer. Il se rendit compte alors que ses filaments enlaçaient la dragonne et en rougit de honte. Par un effort de volonté, il parvint à en reprendre le contrôle et à les faire disparaître.

Mais je serai fier de vous avoir à mes côtés, si vous le désirez toujours.

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Shyven apprécia les caresses que firent les extensions-du-bipède-plein-de-magie. Au fur et à mesure que la discussion suivait son cours elle sentit Ilhan s’apaiser, et elle aussi se tranquillisa.

Le sujet de la conversation qui les animait était vaste, aussi il était nécessaire que chacun garde son calme dans l’évocation de celui-ci. D’ailleurs, voir l’avis de la dragonne et du bipède se confronter ainsi pouvait servir de répétitions aux débats qui allaient secouer l’archipel prochainement si un tel projet allait au bout.

La dragonne gratta un peu de terre en même temps qu’elle réfléchissait et qu’elle écoutait le plein-de-magie énoncé ses arguments. Quelque chose la gênait sans que cela ne sorte tout de suite.

« Oui, je comprends, Si ce projet pourrait s’abroger de lois ? Oui, sans doute… mais cela passerait alors par des méthodes violentes, telles celles utilisées par Vaea. »

Shyven fronça les sourcils et redressa un peu ses écailles quand ce prénom fut prononcé. Voilà quelqu’un dont elle aurait eu plaisir à ne pas souvenir de l’existence. Ce bipède l’avait marqué, et pas dans le bon sens du terme. La plus-si-petite opale l’avait trouvé bête, et beaucoup trop absolu dans son discours. Elle ne comprenait d’ailleurs toujours pas pourquoi il avait tant intéressé le Lié-de-Nahui.

La dragonne s’arrêta de gratter, et répondit à Ilhan :

« Vous savez Ilhan, je crains bien que la violence soit une Loi en elle-même. Car si l’on suit les discours discutables du brise-sort-traître-à-la-magie, tout le monde se contenterait de ne quasiment plus utiliser de magie, sous peine de grande représailles. Et vous construisez ainsi un autre système restrictif, qui aura le même effet qu’une loi sans le dire. Ce serait même peut-être pire en vérité, car tout le monde aurait peur pour faire quoi que ce soit … »

Shyven eut un petit soupir. Elle se tût, et écouta sagement Ilhan, essayant de nourrir sa réflexion de ses savoirs en même temps qu’elle l’entendait parler. La petite opale comprenait que les bipèdes ne parvenaient pas à comprendre des choses qui lui paraissaient assez élémentaires sur l’usage de la magie. Après tout, eux avaient toujours vécu avec de l’eau qui coulait indéfiniment d’une fontaine, abreuvant une très large population et les terres sur lesquels elle vivait. Il était bien plus facile de comprendre les enjeux d’un tel sujet quand on était la fontaine.

En tant que dragonne, Shyven savait qu’elle incarnait un mécanisme parmi tant d’autres qui composaient la Trame, car c’est aussi eux qui rendaient la vie des bipèdes bien plus faciles. Mais elle faisait évidemment toujours attention à ce qu’elle faisait avec ce mécanisme, le traitant comme bien des choses de sa vie : avec fierté et équilibre.

Mais elle avait aussi le recul pour comprendre ces choses-là, elle avait bien conscience que ces questionnements métaphysiques ne pouvaient aller s’immiscer dans l’esprit de tous les bipèdes. Une question demeurait seulement dans son esprit : il fallait arriver à traduire cela, mais comment …

Shyven pencha sa tête vers la droite quand elle entendit le reste du discours d’Ilhan : il ne désirait pas vraiment se mettre en avant. C’était dommage. La petite opale pensait que le monde avait beaucoup à gagner à l’écouter … Et toujours ce sujet qui revenait, de lois, des normes, et toutes ces choses-là.

La dragonne plissa les yeux en écoutant le discours un peu plus extrêmiste du bipède-plein-de-magie. Elle se permit d’intervenir une fois que Ilhan avait terminé :

« Je ne pense pas que vous devrez en arriver à là pour vous faire entendre. En tout cas cela serait regrettable si c’était le cas. Mais prenez exemple sur mon grand-père, qui sait très bien effrayer les vôtres. Il n’a qu’à rugir, taper des pattes, et prononcez des paroles promettant mort et destruction, et après la grande majorité est tout à fait disposé à l’écouter. Sans qu’il n’ait besoin de passer à l’acte pour autant. »

Bon, certes, son grand-père était un personnage en lui-même, et Ilhan pouvait difficilement l’égaler, mais Shyven disait cela pour l’aider à réfléchir aussi. Elle était persuadée qu’il y avait quelque chose à jouer dans ces tons-là, avec quelqu’un qui disait quoi faire aux bipèdes …

« Vous me parlez de voix et d’éducation et de politique, mais n’est-ce tout simplement pas de la voix d’un Guide, dont les bipèdes ont besoin pour s’exécuter ? »

Shyven redressa quelques écailles, et se tortilla la tête. Oui, son esprit draconique sentit que quelque part, cette idée était la bonne.

« Plus que ce que vous appelez « lois », je pense que votre aurait besoin de cela. D’un Guide. La perte des divinités a changé beaucoup de choses pour notre monde, mais plus que toutes les autres choses, c’est vous les bipèdes qui êtes le plus affecté. Le peuple a perdu quelque chose, et fait sa propre loi sur les grandes choses qui ordonnent ce monde … »

C’était d’ailleurs tout l’objet du propos de Vaea. Constatant que rien n’était fait pour la régulation de la magie, il avait inventé son propre monde, avait suivi les enseignements de Verith, avait entendu ce qu’il voulait entendre, pour l’appliquer ensuite et le propager. Il avait organisé son propre système.

Shyven eut un nouveau soupir chaud dans la main d’Ilhan, avant de reprendre :

« Bien sûr que je resterai à vos côtés. Pour autant je ne suis pas sûr que ce soit d’un Dragon, dont les bipèdes ont besoin. »

Elle en voulait pour preuve les récents événements qui avaient secoué l’Archipel, et le meurtre froid de plusieurs dragons.

« Non, en revanche, à défaut d’être vous-même ce Guide, ce que vous pourrez faire, c’est choisir un espèce de groupe d’autres bipèdes Sage comme vous, et qui auraient comme responsabilité d’acter ces grandes décisions concernant la magie, et de donner une ligne directrice aux peuples. »

Shyven tourna sa tête vers l’immaculé, ne sachant pas si elle arrivait à se faire comprendre. Les concepts bipèdes étaient bien loin de son quotidien pour elle, aussi il était difficile de définir une pensée touchant à leurs façons de pensées aussi facilement.

« Quelque chose qui pourrait par exemple faire tampon entre les terribles crocs de mon grand-père, et son ire consumée par cent cinquante ans de combat … Et le petit bipède qui se sert de la magie pour se faire apporter sa plume. Quelque chose de suffisamment fort pour convaincre tout votre peuple de le suivre sans broncher, et ne pas s’adonner aux lois de bas-étage, et à de la « politique » comme vous dites … Et qui aurait de quoi rassurer nous autres dragons, sur l’usage du don que nous vous apportons. »

Shyven fit un petit sourire à Ilhan :

« Quelque chose qui pourrait garantir un Équilibre, en somme. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que cela vous semble réalisable ? Je suis bien loin de votre ordre des choses, mais si c’est un profond changement que vous souhaitez Ilhan, alors j’imagine que cela devra passer par là …»

La dragonne retomba ensuite dans le mutisme, laissant l’immaculé à sa réflexion. Elle ne quitta cependant pas physiquement, et étendit doucement une aile dans son dos avant de battre tout doucement, tâchant de le canaliser et de le rassurer.

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Son idée de loi était-elle effectivement si restrictive ? Ilhan fronça les sourcils à ces mots, soudain soucieux, alors que cent questions l’agitaient. Oui, restreindre était le but d’une loi. Ainsi étaient-elles faites. Mais leur restriction avait pour but de protéger d’une part et de permettre la vie en communauté d’autre part. D’imposer des limites pour que chacun parvienne à vivre sans empiéter sur les droits de l’autre. Même avec des lois, la vie en société était déjà bien compliquée. Alors sans ? Mais c’était là un concept tout bipédique sans doute, songea Ilhan. Les dragons avaient peut-être une sagesse séculaire par leur mémoire draconique, du peu qu’il en avait lu, qui leur permettait de bénéficier de l’expérience de leurs ancêtres et de tous les dragons avant eux. Ça, et leur rapport particulier à la vie et la magie, les poussaient sans doute à des règles tacites qui n’avaient nul besoin de lois. Mais les bipèdes étaient incapables de cela. Ils avaient besoin qu’on explicite les limites, qu’on les dicte, voire qu’on les écrive noir sur blanc.

Sur l’instant, il restait persuadé qu’ils devraient immanquablement passer par des lois, le temps que l’éducation se fasse. Car l’éducation ne se ferait pas en un jour, pas en une semaine… elle demanderait des années, voire des décennies. Or… Il craignait, au vu des sombres promesses que lui avait faites Verith à demi mots, qu’ils n’aient pas des années devant eux…

Mais oui, il comprenait ce que voulait dire Shyven. Oui la violence était une loi en soi. La loi du plus puissant, la loi de celui qui parlerait plus vite, plus fort ou mieux que les autres… Et la loi pouvait être aussi violence, tout autant que les actes de celui qu’ils avaient réprouvé. Mais alors… où situer un juste milieu ?

Quand elle évoqua les manières de Verith pour se faire entendre, Ilhan fronça de nouveau les sourcils. Effectivement, le dragon de l’ire avait l’art et la manière de se faire entendre. À défaut de se faire réellement écouter. Mais l’althaïen n’avait nulle envie de l’imiter pour autant. Ce n’était pas dans ses préceptes et coutumes de faire. Il préférait convaincre et raisonner, tenter du moins, plutôt que menacer. Taper du poing sur la table ? Non, il laissait cela à des gens comme Verith ou Tryghild. Lui, il préférait charmer les foules et les convaincre du bien fondé de ses mots, sans passer par des gestes pétris de violence ou de colère. Il espérait en tout cas, comme le disait Shyven, ne pas en arriver là.

Cependant, la suite l’interpela bien plus encore. Et une petite lumière éclaircit soudain son esprit, irradiant en lui comme rarement depuis sa renaissance. Les mots de la dragonne illuminèrent un chemin en lui, un chemin qui dessinait un sentier net et clair, une voie qui pulsait et le happait, l’attirait inexorablement. Un chemin qui avait semblé là, tout ce temps durant, mais qui était resté caché dans les ténèbres de ses doutes, derrière les voiles de ses hésitations. La dragonne avait su alors déchirer, d’un coup d’un seul, ses voiles obscures, et révéler ce qui, maintenant, lui semblait tellement évident !

Un guide !

Pas forcément un seul bipède. Pas forcément lui-même non plus. Mais un Guide ! Une entité qui saurait montrer le chemin, la voie, aux bipèdes ! Et c’est ce guide alors qui pourrait être la voix dont ils avaient besoin, qui pourrait aider à trouver le bon sentier, la bonne direction, qui pourrait décider si des lois étaient nécessaires, et sur quelles voies éduquer ! Car après tout, qui était-il, lui, pour savoir quelles seraient les meilleures lois, les lois les plus justes en ce domaine ? Qui était-il également pour savoir et choisir ce qu’il faudrait enseigner ? Et plutôt que de laisser des dirigeants choisir et décider de ces questions-là eux aussi, mieux valait leur trouver un guide, un conseiller, qui connaitrait et comprendrait tous les enjeux et saurait aider chacun à faire les bons choix pour leur peuple. Un guide pour reconstruire un monde plus harmonieux entre chaque peuple bipède. Du moins sur la question magie.

Peut-être était-ce là encore une douce utopie. Il entrevoyait d'ailleurs nombre d’obstacles, qui ne manqueraient pas de se dresser, quand bien même il trouvait cette idée brillante. Mais, malgré tous les obstacles imaginables… il y voyait aussi bien plus de force que ce qu’il avait pu trouver jusque-là. Un groupe d’experts en la matière aurait beaucoup plus de poids qu’un individu seul.

Tout à ses pensées, l’Immaculé écoutait avec avidité chaque propos de Shyven, des propos qui faisaient marcher les rouages de son esprit à vive allure. Il observait l’horizon au loin, l’air rêveur, pour autant ses mains n’avaient pas quitté le contact rassurant des écailles. Et son esprit vagabondait d’idée en idée, au fil des mots. Il imaginait déjà ce que pourrait être ce groupe et ce qu’il pourrait faire. Il entrevoyait comment constituer ce groupe de Guides. Il avait même quelques noms en tête, pour tout avouer. Il voulait des guides de tous horizons et de tous peuples. Il y avait déjà une entité qui s’était créée, se prônant aussi ouverte à tous, mais qui s’était limitée jusque-là à l’étude des changements de la magie. La Loge. Peut-être pouvait-il l’embarquer dans ce projet, d’une manière ou d’une autre, l’y intégrer. Peut-être ne serait-elle pas ce Guide, elle n’en avait peut-être ni l’envie ni l’ambition ni l’étoffe, mais il était persuadé qu’elle pourrait au moins faire avancer un pan du projet. Et ces Guides pourraient trouver une utilité plus ancrée encore à la Loge. Oui… des Guides…

Il leur fallait des Guides...

Oui, vous avez raison, fit-il presque en un chuchotement.

Il tourna soudain la tête vers la dragonne, ne remarquant qu’en cet instant l’aile protectrice dans son dos qui avait semblé faire un bouclier pour le protéger. Le protéger de ses doutes, de ses émotions. À cette vue, un doux sourire étira ses lèvres, et illumina son visage jusque-là songeur.

C’est de cela qu’il nous faut ! s’exclama-t-il cette fois plus vivement. De guides. Pas d’un seul et pas forcément moi. Un groupe d’individus qui comprendrait les tenants et les aboutissants, un groupe d’individus qui intégrerait tous les enjeux, et dont l’amour pour la magie serait assez fort pour vouloir la protéger dans le respect de l’équilibre. Vous avez raison !

Il se leva d’un bond, et se mit soudain à faire les cent pas devant la dragonne, ses filaments ponctuant ses mots pour lui.

Un groupe, qui formerait alors une entité garante de l’équilibre de la magie. Une entité qui deviendrait ce Guide dont nous manquons tant. Une sorte… d’institution. Et s’il y a besoin de lois, ce serait elle, notre Guide, qui trouverait les plus aptes à garantir cet équilibre. Pas les dirigeants, pas les politiciens qui pourraient détourner le projet à leurs propres fins et choisir les lois les arrangeant. Mais cette institution de Guides. Ce serait elle la garante de l’éducation en la matière aussi… Ce serait elle la gardienne de cet équilibre et seule apte à mettre en place les mesures nécessaires. En accord et avec l’assentiment de tous les dirigeants, si possible. Même si…

Il ralentit la frénésie de ses pas et s’arrêta soudain devant Shyven.

Même si… Cette idée d’entité, d’institution, de Guides pour nous bipèdes, est une merveilleuse et magistrale idée. Mais je vois un souci de taille, et nous en revenons à la politique.

Il se laissa tomber à genou devant la dragonne et attrapa, doucement, en gestes lents et timides, les pattes devant lui, prenant garde de ne pas se couper sur les griffes acérées.

Une telle institution, un tel Guide, pourrait être perçue par les puissants de notre monde, par les dirigeants des bipèdes, comme une atteinte à leur pouvoir. Je suis sûr que nous aurons à nous heurter, d’une manière ou d’une autre, à leurs réticences. Laisser de telles décisions concernant la magie dans les mains d’un Guide, quel qu’il soit, autre qu’eux-mêmes, fera peur aux dirigeants. Dans le meilleur des cas. D'ailleurs, il y a déjà eu par le passé de tels groupes prônant plus ou moins une volonté de protéger et de se faire gardien de la paix. Tous ont échoué.

La Caste des dragonniers, par exemple... Mais ils n'avaient peut-être pas forger leurs plans d'attaque pour convaincre et pour faire adhérer les peuples à leurs idées ? Souvent il s'étaient érigés, et avaient simplement proclamé leur existence. Ici, il faudrait aller plus loin. S'il concevait une telle idée d'institution, il leur faudrait mieux se préparer que tous leurs prédécesseurs. Affûter leurs arguments, ériger leurs plans sur tous les domaines possibles, chercher l'adhésion et non juste s'octroyer le titre de guide : ils devraient convaincre de leur prétention et de l'urgence de la situation. Ils avaient peut-être pour eux les récents accidents de la magie... Cela pourrait les aider à mieux se faire entendre peut-être...

Mais…

Il releva ses orbes sombres pétillant d’or pour les ancrer dans les perles claires de la dragonne.

Mais vous avez raison. Cela reste, dans tous les cas, la meilleure solution. Constituer un groupe qui sera apte à devenir ce Guide. Une telle institution aura plus de poids qu’un homme seul. Il me faut donc trouver des soutiens, et des personnes qui seraient aptes et intéressés pour devenir ce Guide, des personnes qui ne recherchent pas le pouvoir, mais souhaiteraient réellement trouver un juste équilibre et s’en montrer garantes...

Il serra doucement une des pattes, sa propre main peinant à en faire le tour.

Cela vous semblerait-il plus… juste ? Plus équilibré ? Je ne vous remercierai jamais assez pour cette idée.

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L’Althaïen écouta sagement la dragonne faire son discours. Shyen s’aperçevait qu’en même temps qu’elle parlait, Ilhan était tout à ses pensées, faisant probablement le tri dans ce que disait la Petite Opale, cependant cela ne la gênait pas le moins du monde.

Si elle était naturellement supérieure au bipède à côté d’elle, cela pouvait parfois s’avérer comme une contrainte, car elle était bien inapte à comprendre les mécanismes propres à leurs sociétés : dans ce contexte, les dires de Shyven n’avaient pas valeur absolue, et la dragonne avait assez d’humilité pour le comprendre. Ilhan le comprenait aussi très certainement, cela se voyait bien dans la discussion qu’ils avaient.

La petite opale appréciait vraiment sa compagnie, parce que si ce fait était avéré, le bipède-plein-de-magie ne cherchait jamais à « écraser » l’avis de la dragonne parce que de toute façon cela ne l’aiderait que très peu, mais au contraire, il semblait réinterpréter son discours pour en tirer les meilleures parties. Ce genre de comportements était peut-être anodin pour les bipèdes de son espèce, mais il faisait plaisir à voir dans une époque où l’estime des dragons n’était plus au beau fixe. Shyven ne pouvait que se satisfaire d’être en compagnie de quelqu’un d’aussi sensible à son discours.

D’ailleurs, c’est au mot « guide » que celui-ci s’empressa de compléter les pensées de la dragonne, pour donner de la consistance au projet :

« Oui, vous avez raison. C’est de cela qu’il nous faut ! De guides. Pas d’un seul et pas forcément moi. Un groupe d’individus qui comprendrait les tenants et les aboutissants, un groupe d’individus qui intégrerait tous les enjeux, et dont l’amour pour la magie serait assez fort pour vouloir la protéger dans le respect de l’équilibre. Vous avez raison ! »

Shyven porta son regard rouge sur l’Althaïen, qui probablement sans s’en rendre compte venait de poser les bases de ce que pouvait donner un projet changeant complètement la face de l’Archipel. Du moins, c’est ce que les voix dans la tête de Shyven lui intimait. Elle eut un petit sourire : Ilhan faisait décidemment un très bon porte-parole de l’Equilibre, et ne manquait pas de surprendre la jeune dragonne.

L’Immaculé, qu’on n’arrêtait désormais littéralement plus, se leva brusquement, fit les cent pas, et complétait ses pensées au fur et à mesure :

« Un groupe, qui formerait alors une entité garante de l’équilibre de la magie. Une entité qui deviendrait ce Guide dont nous manquons tant. Une sorte… d’institution. Et s’il y a besoin de lois, ce serait elle, notre Guide, qui trouverait les plus aptes à garantir cet équilibre. Pas les dirigeants, pas les politiciens qui pourraient détourner le projet à leurs propres fins et choisir les lois les arrangeant. Mais cette institution de Guides. Ce serait elle la garante de l’éducation en la matière aussi… Ce serait elle la gardienne de cet équilibre et seule apte à mettre en place les mesures nécessaires. En accord et avec l’assentiment de tous les dirigeants, si possible. »

Shyven le regarda faire, avec un air fier : comme quoi il suffisait juste de le pousser un peu pour que l’Althaïen trouve une solution à ses ennuis, et fasse preuve d’une efficacité rare. La Plume Rose se contenta seulement de l’écouter à ce sujet, n’osant pas interrompre la « transe » de l’immaculé, dont les idées semblaient fuser à toute vitesse. Bien sûr, elle avait son mot à dire sur la chose, mais son instinct draconique lui intimait de faire confiance à Ilhan sur ces sujets-là : en matière d’institutions, et de systèmes pouvant parler aux bipèdes, lui semblait savoir comment faire les choses.

Un doute traversa cependant l’esprit du jeune bipède-plein-de-magie :

« Même si… Cette idée d’entité, d’institution, de Guides pour nous bipèdes, est une merveilleuse et magistrale idée. Mais je vois un souci de taille, et nous en revenons à la politique. Une telle institution, un tel Guide, pourrait être perçue par les puissants de notre monde, par les dirigeants des bipèdes, comme une atteinte à leur pouvoir. Je suis sûr que nous aurons à nous heurter, d’une manière ou d’une autre, à leurs réticences. Laisser de telles décisions concernant la magie dans les mains d’un Guide, quel qu’il soit, autre qu’eux-mêmes, fera peur aux dirigeants. Dans le meilleur des cas. D'ailleurs, il y a déjà eu par le passé de tels groupes prônant plus ou moins une volonté de protéger et de se faire gardien de la paix. Tous ont échoué. »

Shyven ouvrit ses yeux, et pencha sa tête à droite, puis à gauche, semblant réfléchir à ce qu’Ilhan lui disait. Les Voix lui intimaient également des choses en ce sens. Cependant le Tribunal Vivant n’abandonnait pas son idée pour si peu : si tous avaient échoués, ils pouvaient apprendre, pour pouvoir potentiellement faire mieux. Et d’ailleurs, déjà Ilhan semblait le comprendre :

« Mais vous avez raison. Cela reste, dans tous les cas, la meilleure solution. Constituer un groupe qui sera apte à devenir ce Guide. Une telle institution aura plus de poids qu’un homme seul. Il me faut donc trouver des soutiens, et des personnes qui seraient aptes et intéressés pour devenir ce Guide, des personnes qui ne recherchent pas le pouvoir, mais souhaiteraient réellement trouver un juste équilibre et s’en montrer garantes... »

Comme pour sceller cet accord, Ilhan pris dans sa main doucement une patte de l’Equilibrée, qu’elle accepta, étendant ses griffes gentiment jusqu’à l’avant bras de l’Immaculé, ne voulant pas lui faire du mal.

«  Cela vous semblerait-il plus… juste ? Plus équilibré ? Je ne vous remercierai jamais assez pour cette idée. »

Shyven hocha la tête en plongeant aussi son regard dans les yeux de l’Immaculé pour répondre par la positive. Elle gratta de la terre avec ses griffes sur ses pattes libres, avant de tenter de calmer les doutes du jeune immaculé :

« Les doutes et les protestations seront de toute façon inévitables je le crains Ilhan. Et probablement qu’à l’heure où nous parlons peu nous suivrons dès les premiers instants si nous présentons les choses ainsi. Il nous faudra convaincre, et ne pas nous prendre pour plus que ce que nous sommes. »

Shyven eut un petit sourire mesquin : si cela pouvait se faire passer comme quelque chose de très humble, le Tribunal Vivant avait vu suffisamment de fois Ssaadjith faire et obtenir des choses l’arrangeant, et le mettant en avant, pour apprendre de sa filouterie.

« Nous sommes seulement un Dragon, et un Immaculé. Mais pas n’importe lesquels. Je suis le Tribunal Vivant, et vous êtes un Sage, et notre modeste mission est de défendre l’Equilibre et le bien-être de ce monde. Nous ne voulons pas mettre à genoux les nations, quand bien même nous en aurions la puissance. Nous voulons simplement le bien commun. »

Shyven mira Ilhan, se demandant s’il comprenait déjà où la dragonne voulait en venir :

« Vous n’avez pas besoin de réfléchir bien loin, car l’Equilibre se charge déjà de ces choses pour nous. Vous n’avez qu’à voir l’état actuel du monde : nous avons fui les Chimères, deux de ma majestueuse espèce sont morts à cause des mécontentements de votre ancien peuple, ce même peuple qui se croit suffisamment puissant pour que des individus fassent leurs propres lois au sujet de la Magie et tue tous ceux qui ne sont pas d’accord … Sans compter les autres multiples dangers intimement liés à la magie et son usage menacent ce monde constamment … »

La Petite Opale souria de toutes ses dents, avant de dresser un petit monticule de terre. Cela serait utile pour sa démonstration plus tard.

« Personne n’a envie de vivre avec un tel poids sur les épaules n’est-ce pas ? Je ne connais pas votre espèce et ses dirigeants, mais je suis prêt à parier que certains dirigeants voudraient bien se délester de tous ces problèmes, où y réfléchir dans un climat bienveillant. Mettons en place nous-même nos intentions et nos propres garde-fous, et vous verrez que bien vite, les vôtres seront au moins enclins à discuter. »

Shyven avait bien insisté sur ce terme « garde-fous », pour en faire comprendre toute la subtilité à Ilhan. La dragonne d’opale eut un autre petit sourire : il fallait que ces garde-fous soient suffisamment restrictifs pour faire abaisser les premières barrières bipèdes, mais aussi suffisamment larges pour donner autant d’interprétation et de marge d’action que possible au duo. Mais cela, la dragonne d’opale se doutait qu’Ilhan le comprendrait bien assez vite : elle sentait le bipède tout à fait à même de délivrer ce genre de discours.

« Une fois que notre emprise sera assuré dans quelques régions, d’autres viendront en constatant notre efficacité … Si le Chaos en décide ainsi, attendez même que nous survivons à une autre catastrophe, et je peux vous assurer qu’à ce moment, tous seront enclins à écouter nos solutions pour éviter ces choses-là. Et une fois que ceci sera fait … »

Shyven posa une de ses griffes libres sur le monticule de terre, et commença à l’enserrer comme elle l’avait fait plus tôt avec l’avant-bras du jeune immaculé :

« En un rien de temps, nous aurons sérieusement de quoi commencer à développer nos idées, et enserrer gentiment notre emprise … Et une fois ce temps-là venu, si certains osent défier notre autorité, nous n’aurons aucun mal à la faire respecter. »

Bien qu’elle espérât ne jamais en arriver là bien évidemment, l’affirmation de Shyven était toute passive car elle en était certaine. Vaea avait bien montré à Caladon que l’on pouvait tout à fait maintenir l’Ordre brutalement, et si c’était sous la bonne garde du Tribunal Vivant, la Petite Opale n’hésiterait pas à s’en servir de nouveau.

Elle termina finalement par un nouveau petit sourire espiègle au jeune immaculé :

« Vous voyez Ilhan, tout ceci sont des petites choses à notre disposition, mais ce sont autant d’éléments qui peuvent s’avérer déterminants dans notre réussite. Songez-y, et vous constaterez que notre tâche peut sembler ardue, mais finalement pas tant que cela. Nous sommes bien vus de la Balance, alors je suis sûr qu’elle saura nous aider quand il le faudra. »

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Voir la dragonne sembler acquiescer et appuyer ses propos soulagea étrangement l’althaïen. Il avait eu l’impression de se retrouver face à une montagne infranchissable, si haute et si puissante, qu’il lui faudrait toute une vie pour l’escalader. Cette impression ne lui était pas inconnue d’ailleurs. Il l’avait ressentie dès sa renaissance, à chaque chose qu’il découvrait, chaque chose qu’on lui révélait. Le pire avait été quand il était revenu en Delimar et que sa maisonnée lui avait expliqué sa situation et le rôle qu’il allait devoir jouer. S’il acceptait bien sûr. Personne ne l’avait véritablement forcé, mais ils s’étaient montrés fort convaincants en lui faisant comprendre que des vies étaient peut-être en jeu. Il avait donc accepté et joué le jeu. Il avait tenté d’incarner le Tisseur. Et plus il en avait appris sur son rôle, sur la Toile qu’il avait créée, plus il avait eu le vertige face à l’ampleur et la démesure de leurs ambitions. Une vie n’y suffirait pas. Une vie humaine du moins. Et d’ailleurs, son ancien lui l’avait souvent avoué dans ses écrits.

Mais aux côtés de cette dragonne, Ilhan avait soudain l’impression que tout était possible. Que rien n’était infranchissable. Et qu’importe le temps qu’il lui faudrait, il vaincrait l’éternité pour réaliser ses projets. Était-ce la puissance draconique qui palpitait en elle et qui enivrait le jeune Sainnûr qu’il était ? Ou était-ce la puissance de conviction qu’elle semblait lui transmettre par son regard si intense et si profond ?

Ne pas se prendre pour plus qu’ils n’étaient… Oui, en effet. Il devrait calmer ses ardeurs. Montrer la fougue de ses convictions peut-être, mais sans donner l’impression d’une quelconque supériorité. Ils devraient convaincre et non contraindre, montrer et non donner des leçons. Les leçons ne seraient pas leur rôle, mais celui de l’académie qui serait créée, si le projet aboutissait.

Aux noms Tribunal vivant et Sage, Ilhan ne put que sourire. Qu’il aimerait se targuer d’une telle sagesse. Mais il ne ressentait rien de sage en lui. Il avait souvent l’envie de jouer, s’amuser, profiter de la vie, de s’émerveiller de chaque instant qu’il découvrait ou redécouvrait. Il avait envie d’apprendre, de se gorger de savoir, et plus il apprenait, plus il prenait conscience de tout ce qu’il ne savait pas. L’ampleur de son ignorance lui apparaissait telle, qu’il ne pensait pas pouvoir se prévaloir d’une quelconque sagesse.

Mais plus la dragonne continuait et plus Ilhan comprit où elle voulait en venir. Qu’ils soient ou non plus puissants que certains autres, qu’ils soient ou non capables d’assujettir d’autres, ils devaient se montrer sous un visage bienveillant, modeste et humble, ils devaient se montrer à l’écoute et abordables, non des êtres supérieurs, quand bien même la dragonne pouvait ressentir une telle suprématie, comme bon nombre de dragons, mais des êtres souhaitant le bien commun, pour tous, et non pour leur seul intérêt. Et tel était le cas d’ailleurs. Ni l’un ni l’autre ne complotaient pour leur propre intérêt ou leur propre pouvoir. Ils souhaitaient réellement défendre un meilleur équilibre dans l’usage de la magie. Pour le bien commun, et des dragons, et des bipèdes. Mais Ilhan entrevoyait tout de même la filouterie qui pouvait se cacher derrière et ne pouvait s’empêcher de s’en trouver amusé. Ces conseils… étaient presque dignes d’un politicien prodiguant ces astuces électorales.

Ilhan n’intervint toutefois pas et continua d’écouter, tout en observant le petit monticule que la dragonne formait entre eux. Et acquiesça en silence, ses yeux pétillant d’or suivant chaque geste de la dragonne, tandis qu’il s’imprégnait de chaque mot. Bienveillance, écoute, oui. Partager leurs intentions, en montrant l’exemple en quelque sorte, du moins autant que faire ce peut, ou du moins leur bonne volonté en ce sens, et poser leurs propres garde-fous, qui seraient comme des garanties de leurs réelles intentions aux yeux des autres peuples et surtout des dirigeants, des garanties montrant qu’ils ne voulaient pas usurper leur pouvoir, mais seulement agir dans un but commun à tous. Poser des barrières qui leur permettraient d’agir, tout en offrant suffisamment d’assurance aux autres dirigeants pour qu’ils leur accordent leur confiance… Mettre des limites aux prérogatives qu’on leur accorderait, sans pour autant se lier les mains. Des garde-fous tout en finesse et subtilités donc. Même si le challenge s’avérait de taille, Ilhan entrevoyait déjà des possibilités. Même s’il lui faudrait y réfléchir plus posément et approfondir cette question de garde-fous.

Il ne cacha en rien le chariot de ses pensées, laissant pleine liberté à la dragonne de les suivre en son esprit si elle le désirait. Pas comme s’il aurait pu l’empêcher de pénétrer son esprit d’ailleurs, lui bipède et elle dragonne. Mais disons qu’en cet instant, il avait abaissé toutes ses barrières naturelles et lui en laissait pleinement l’accès si elle le désirait, sans aucun mur ni aucune barrière. Marque d’une extrême confiance le concernant.

Oui, acquiesça-t-il de nouveau en silence. Montrer l’exemple avec bienveillance, poser des limites d’action pour gagner la confiance… et les laisser venir à eux. Gagner la confiance d’un seul pourrait suffire, et si possible d'un acteur de taille, pour ensuite convaincre les autres. Chercher des appuis et des soutiens serait un gain non négligeable, en leur assurant une certaine assise. Des appuis qui avaient déjà un pied dans la place, en quelque sorte, en matière de magie. Ou du moins dont l’avis pouvait être écouté. Assurer son emprise donc sur quelques-uns, pour que les autres suivent. Et l’équilibre jouerait peut-être en leur faveur si le chaos se répandait avec force violence...

Ilhan observa la griffe se resserrer alors sur le monticule et son amusement se renforça. Oh oui, cette dragonne était une filoute. Elle ne semblait pas avide de pouvoir, mais elle n’était tout de même pas dénuée de ruse et d’un certain sens "politique".

Oui, je vois, fit-il alors en un murmure. Nous devons construire notre fondation peu à peu, une base qui grandirait mine de rien, une force tranquille et bienveillante souhaitant veiller sur le monde et son équilibre, depuis le haut de sa colline.

Le monticule.

Une colline grandissant, devenant peu à peu montagne. Une montagne s’élevant pour permettre à un phare de briller loin dans la nuit… Et quand la nuit tombera, le phare se révélera alors, dans toute sa splendeur et sa luminescence, pour guider les hères perdus dans les ténèbres. Pour leur montrer la voie, et écarter leur peur, leur doute, en leur montrant le chemin. Et quand ces hères auront gagné le phare… ils n’auront aucune envie de le détruire, lui qui aura été le garant de leur retour en des terres plus clémentes. Ce phare leur sera devenu indispensable et bien trop précieux, pour vouloir s’en prendre à lui. Il aura en tout cas gagné la ferveur de tant de gens, que ceux osant vouloir l’abattre se verront confrontés à une puissance bien trop importante, dès lors que le phare aura grandi.

L’althaïen sourit, et releva ses yeux de jais et d’or sur ceux rubis de la dragonne.

Est-ce bien cela que vous proposez ? Ou comment poser en douceur et en subtilité son autorité, tout en restant ouvert et bienveillant. Attirer tout doucement l’attention sur ce que nous voulons créer, pour que notre création s’impose d’elle-même, au fil des événements, comme la solution la plus naturelle.

Son sourire s’élargit encore.

Si je ne savais pas nos buts dirigés vers un souci d’équilibre, je pourrais presque qualifier tout cela de machiavélique.

Il espérait ne pas vexer la dragonne. Mais il espérait aussi qu’elle saurait lire en lui un certain amusement, et surtout un réel respect, une forte admiration. Lui, politicien dans l’âme, ne pouvait qu’aimer un tel plan. Même si…

Il faudra veiller toutefois, en agissant ainsi, à ne pas nous perdre nous-même dans notre propre nuit.

Car il n’était lui-même pas exempt de se perdre en chemin, de s’écarter de ses bonnes résolutions, de faire des mauvais choix, et ce au nom même du plus grand bien.

Le chemin du chaos peut être pavé de bonnes intentions. Nous devrons garder en tête notre volonté d’équilibre, et tenter de rester sur ce droit chemin. Agir pour le plus grand bien ne doit pas nous faire basculer dans la tyrannie ou pire.

descriptionLes grands esprits se rencontrent [PV Ilhan] EmptyRe: Les grands esprits se rencontrent [PV Ilhan]

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Shyven regarda amusée Ilhan, qui semblait comprendre là où elle venait en venir petit à petit, tout en cherchant lui même à comment compléter les idées de la dragonne, et se rendant compte que la petite opale était une filoute.

Oh bien sûr, la fille de Kaalys paraissait peut être inoffensive au premier regard, et d’ailleurs sa couleur, sa taille et son air moins agressif que ses congénères libres jouaient peut être pour beaucoup … Mais le Tribunal Vivant n’en restait pas moins une dragonne : chacun devait se souvenir qu’elle leur était par essence supérieure, et que faute de l’adorer, elle devait au moins se faire respecter par les bipèdes.

Et pour cela, Shyven ne choisissait pas obligatoirement la méthode frontale, comme son vénérable grand-père adoré. Si lui se plaisait à terroriser tout un peuple au moindre fait et geste commis sur un dragon, ce que la Petite Opale comprenait aussi, dans la mesure où des faits et gestes inacceptables avaient été commis dernièrement … Mais elle préférait travailler dans le silence, et songer à d’autres moyens pour gagner la cause de tout le monde, plutôt que de l’imposer par la peur.

Sans doute que Shyven trouvait cela plus juste, car après tout c’était bel et bien l’Équilibre qui motivait tout le corps et l’esprit de la dragonne. Mais elle était aussi convaincue que c’était au moment où ceux de son espèce en auraient le plus besoin que tout cela allait s’avérer utile. Car ceux qui connaissaient les intérêts de la dragonne allaient grandir, et bientôt son peuple jouirait à nouveau du statut d’Intouchable qu’ils avaient perdu avec le temps.

Car l’Équilibre de ce monde ne pouvaient être maintenus sans dragons, et l’Histoire - la grande, pas celle que les peuples écrivaient à leurs avantages - leur prouvait que cela avait été le cas bien des fois.

Aussi, quand Ilhan comprenait peu à peu où elle venait en venir, elle hocha la tête et transmis ses précédentes pensées : oui, c’était bien là où elle venait en venir. Là, le sourire de l’Althaïen s’élargit un peu plus, et Shyven écouta ses remarques avec attention :

“Si je ne savais pas nos buts dirigés vers un souci d’équilibre, je pourrais presque qualifier tout cela de machiavélique.”’

La dragonne eut un nouveau sourire, avant de lui répondre quasiment du tac au tac :

“Disons qu’à défaut de machiavélique, vous pouvez appeler cela draconique.”

Car là était l’essence de sa personnalité, bien évidemment. Shyven n’avait jamais caché ses intentions, surtout depuis que les deux protagonistes s’étaient rencontrés à Caladon : ce qu’elle avait vécu ces deux jours là, elle travaillait ardemment pour que cela ne se reproduise plus. Elle avait pris les actions de Vaea comme une attaque caractérisée, et les récentes morts de ceux de son espèce avait été un moteur supplémentaire à la densification de son action.

Ce qu’elle préparait avec Ilhan aujourd’hui, mais aussi toutes les rencontres qu’elle avait pu faire avec les autres bipèdes, tout ceci s’inscrivait dans un plan bien plus large d’action, qui cette fois-ci ne se concentrait pas que sur quelques considérations politiques dont elle discutait actuellement.

Le schéma était bien plus grand.

“Il faudra veiller toutefois, en agissant ainsi, à ne pas nous perdre nous-même dans notre propre nuit. Le chemin du chaos peut être pavé de bonnes intentions. Nous devrons garder en tête notre volonté d’équilibre, et tenter de rester sur ce droit chemin. Agir pour le plus grand bien ne doit pas nous faire basculer dans la tyrannie ou pire.”

Shyven pencha sa tête à gauche et à droite, songeant à ces derniers mots qu’avaient prononcé le conseiller délimarien. Elle gratta le monticule de terre, un petit peu, et plissa les yeux vers celui-ci, comme s’il pouvait apporter une réponse immédiate et toute faite quant à question.

Mais finalement, la réponse vint de la dragonne :

“Quoiqu’il en soit Ilhan, nous serons justes.”

C’était peut être une réponse élémentaire, mais cette justesse, si on voulait l’atteindre, nécessitait autant de considérer autant Ordre que Chaos. La Balance était ainsi faite.

“Je ne suis pas comme Vaea, et d’autres personnes que nous avons rencontré, à jurer que la tyrannie et la contrainte peut résoudre tous les problèmes. Mais j’apprends aussi de mes expériences, tout comme vous je présume, Ilhan.”

Shyven eut un petit soupir, avant de plonger son regard dans celui d’Ilhan :

“Et j’ai bien peur que parfois, la réalité de notre monde fait que plutôt que recommander, conseiller, faire preuve de réserve, comme nous l’avons toujours fait … Nous devons plutôt passer à l’action.”

Plus le temps passait, plus la Nuée de la Dragonne se réduisait, et plus la magie mourrait avec elle.

Il était urgent que quelqu’un dans ce monde prenne ses responsabilités, et elle voyait totalement Ilhan comme quelqu’un pouvant porter ce projet.

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À la petite boutade que lui offrit la dragonne, Ilhan manqua de peu de laisser un grand éclat de rire lui échapper. S’il parvint à le retenir, son sourire s’élargit plus encore, teinté d’amusement et de réel plaisir, et ses orbes sombres pétillaient de contentement. Il aimait les joutes verbales et les jeux de mots. Il n’aurait toutefois jamais cru qu’un dragon en aurait été capable, eux qui semblaient communiquer par d’autres modes plus avancés, et surtout bien plus épris de considérations sérieuses pour s’abaisser aux trivialités de ces jeux bipédiques. Mais il devait admettre que Shyven était une dragonne hors du commun et n’avait pas la même conception des choses que ses paires, sur certains aspects. Tout comme lui-même n’avait pas toujours la même conception des choses que les autres bipèdes. Encore un point commun qu’ils partageaient… en plus du goût pour les jeux de mots.

Il n’osa aller trop loin et relancer la plaisanterie, même si une réplique lui démangeait la langue. Il retint ses instincts d’orateur, n’ayant nulle envie de vexer la dragonne par une taquinerie malvenue, qui pourrait être prise d’ailleurs comme un manque de respect envers sa personne. Il se contenta donc de sourire largement, ne cachant toutefois en rien son plaisir, et baissa les yeux, écoutant avec attention les derniers conseils draconiques.

Ils seraient justes, disait-elle. Non, plus que de simples dires, c’était une affirmation claire et assurée. Comme si elle savait, comme si l’avenir lui était révélé et qu’elle savait comment ils agiraient, et ce qui en découlerait. Il fut tenté un court instant de lui demander si elle était dotée d’un tel don et alla jusqu’à tâter sa propre pythie autour de son cou, en un geste instinctif. Sans pour autant l’utiliser en cet instant. Non, il n’en appellerait pas aux conseils de sa pythie. Pas avec la dragonne. Il n’en ressentait pas le besoin ni l’urgence. Avec elle, nul besoin qu’on lui souffle des réponses, il se sentait en sécurité, comme rarement il l’avait ressenti.

Oui, ils devaient passer à l’action. Et si le ils ne voulaient pas suivre, peu importait, lui, Ilhan Avente, petit althaïen perdu aux confins de Delimar, passerait à l’action. Il releva ses orbes sombres qui redevinrent soudain aussi calmes et sérieux qu’un immense lac d’obsidienne, et hocha la tête avec une certaine solennité.

Oui, fit-il enfin d’une voix grave et profonde. Nous allons passer à l’action. Je vous en fais le serment. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, pour mettre en œuvre un plan d’action qui ait des chances de réussir et qui fasse comprendre au monde l’urgence de sa situation s’ils veulent sauver leur éphémère existence.

Il porta alors une main sur le coeur.

Je vous le promets noble dragonne. D’abord, il me faut recouvrer mon ancien moi, mon ancienne mémoire. Je pense que cela me demandera… certainement une lune… pour que mon esprit parvienne à se remettre de cette épreuve.

Si jamais il s’en remettait. Mais il ferait tout pour être à la hauteur de cette nouvelle épreuve. D’autres avant lui l’avaient supportée, il devait se montrer aussi digne qu’eux. Et, venant de faire une promesse, il devait également se montrer digne d’elle pour l’honorer pleinement.

Une fois cela fait, je dois me rendre à Nevrast.

Pour rencontrer son père vampirique. Un lié. S’il le pensa fort, il se tut, et s’empressa de penser aux autres noms qu'il devrait rencontrer aussi.

L’aval d’une personne d’influence là-bas est important pour moi et nous sera fort utile. Je pourrai ensuite commencer à nouer les premiers contacts nécessaires...

Naal, La Loge, Sélénia…

A parler du projet, trouver des soutiens… Quand nous en aurons une petite poignée, nous pourrons alors commencer à forger des bases solides.

Et à créer l’institution dont ils venaient d’élaborer l'idée de base, pour qu’elle devienne une solide pyramide capable de supporter le poids d’un projet d'une telle ampleur, que folie semblait frapper de son sceau.

Il s’inclina alors, à la mode althaïenne. La main sur son coeur vola vers la dragonne, paume vers le haut, tandis qu’il se redressait, les yeux pétillant d’or.

Je vous remercie de ces précieux conseils, noble dragonne. Je suis plus qu’honoré que vous ayez partagé avec moi votre sagesse… draconique…

Un fin sourire taquin étira ses lèvres.

Je serai heureux de vous rencontrer à nouveau, et de vous faire part de l’avancée du projet, pour que nous continuions tous deux sur cette lancée. Je suis votre obligé. Je ne l’oublierai jamais.

Il s’inclina une dernière fois, ramassa ses affaires et s’éloigna. D’un pas pensif.

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