12 décembre
Eleonnora n'avait pas nécessairement "congés" ou de "jour de repos". Les ouvriers, entre autres, avaient cette notion de temps libre qui lui échappait. Après tout il était impossible de fuir sa conscience. Ils prenaient simplement le temps de se tourmenter sur des questions différentes de celles de leurs ouvrages. Comment ne pas me laisser engouffrer dans le monde? Sa seule issue avait été de braquer ce conseiller Délimarien. Et elle n'avouera jamais à quel point cet acte l'avait délecté. Ses folles envies avaient prit le pas sur son devoir. Son maudit devoir. Elle avait bien rit de voir ses conseillers consternés par un tel acte. Mais peut-être avaient-ils alors présagés la suite. Ils n'avaient pas anticipé le comportement insolent de cette gouvernante qu'on leur avait dit d'approuver. Cette effrontée animée par son égoïsme. Dans ce sens elle pouvait elle même donner du crédit à ces critiques. Ses accès de colère, ses mots déplacés, ou ses petits jeux dangereux n'étaient qu'une embuche à la paix Caladonienne.
Pourtant depuis le temps qu'elle portait son regard sur cette glorieuse cité...elle ne pouvait nier sa profonde affection pour elle. Elle avouerait honnêtement, du haut de son éducation bourgeoise, de ses caprices d'enfant gâtée, que cette affaire avait été la seule qui l'ait réellement préoccupée. En dépit et au travers ses erreurs, ses embuches, ses cachoteries et des fourberies, elle pouvait dorénavant contempler l'oeuvre d'une dure labeur depuis les grandes baies vitrées de son bureau. Elle contempla une dernière fois l'horizon qui s'offrait à elle. Ces centaines de coques venant mouiller dans la baie, bercés par les récits de ceux qui avaient réussit. Qu'est ce que le monde tournait bien. Cette merveilleuse machine de production avait bien un machiniste mais toute Bourgmestre qu'elle était, rien ne la rapprochait de ce grade. Alors que faisait-elle encore ici? La Main d'or avait-elle aussi peu d'amour propre?
Surement était-elle prête à sacrifier beaucoup pour demeurer "quelqu'un". Un quête stérile qui lui avait fait perdre plus qu'elle n'avait gagné. Et cette "médaille" de Bourgmestre n'avait été qu'un pauvre et décevant prix de consolation. Mais après tout ça, il était hors de question d'abandonner. Elle pouvait toujours prétendre que l’ignorance était la clef du bonheur et de complaire dans la servitude ; ainsi, malgré les dangers qui la menacent, elle pourrait échapper provisoirement aux angoisses et aux doutes. Mais, au bout du compte, l'ignorance et les idées fausses ne feraint probablement qu’aggraver la situation. Il ne pouvait pas y avoir de gouvernement avec un Bourgmestre que l'on avait fait de paille couverte d'or.
La Bourgmestre laissa sa plume à l'abandon sur son écritoire. Son esprit ne lui jouait rien que des tours ces derniers temps. Depuis la visite d'Aldaron elle ne savait plus que penser et ses nuits en pâtissaient. Cachant son bras sous sa lourde cape de velours foncé, la demoiselle sorti en trombe de cet endroit qu'elle aimait de moins en moins fréquenter.
« Veuillez fermer cette porte, je ne reviendrai pas aujourd'hui » Lança t-elle aux gardes sans s'arrêter. Dans les longs couloirs tapissés aux couleurs de sa cité son pas ferme s'accélérait. Désireuse de mettre un terme à son anxiété, Eleonnora retrouva assez d'empire sur elle-même pour lever le visage face aux regards indiscrets qui se présentaient sur son passage. Pourtant un seul mouvement dans leur direction suffirait à leur faire baisser les yeux. Mais à quoi bon? Malgré son irascibilité dorénavant légendaire, la jeune femme ne pouvait pas montrer les dents tout ceux qui épiaient secrètement ses gestes. Surtout que ,maintenant, rare étaient ceux qui osaient se tenir devant elle pour discuter ses actes et propos. Entre ceux qui craignaient sa folie et ceux qui se contentaient de l'ignorer en la jugeant inoffensive tous s'étaient mit d'accord pour l'isoler toujours plus. Et elle participait activement à sa réclusion. Peut-être un jour regrettera t-elle de ne pas avoir été plus docile, mais il sera surement déjà trop tard.
Pour l'instant elle s'en remettait à une des seules personnes qui n'agissait pas de la sorte envers elle. Elle trouverait bien une excuse pour aller visiter sa collègue sans en rougir. Elle aurait du mal à avouer que ce soutiens serait la meilleure chose qui pouvait lui arriver en ce moment. Alors que la calèche tressautait sur les pavés la Main d'or ,les yeux vide, tentait de ne pas se livrer à ses angoisses. Sa fuite la tourmentait. Cependant elle se retrouvait ,là, aux abords des quartiers résidentiels typiquement bourgeois de Caladon. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de les traverser. Il n'y avait aucun mal à rendre visite à un des membres du conseil. Surtout que celle ci était curieusement absente ces derniers temps. La Bourgmestre avait évidemment prit soin d'épier son bureau avant de quitter le palais. Mais comme elle s'y était attendue, les papiers bien ordonnés sur son bureau n'avaient pas été touché depuis hier soir. La jeune femme soupira. Elle aurait préféré un autre prétexte qu'un contrôle presque autoritaire pour venir la voir...
Une fois sur le pas de la porte elle fut prise d'un doute. Si elle était absente de son lieu de travail peut-être ne voulait-elle justement pas que sa supérieure vienne la déranger...c'était un peu intrusif. Puis, animée par une angoisse passagère, la demoiselle s'était naturellement dirigée vers le semblant d'amie qui lui restait mais quel acte de faiblesse...En quoi de simples conversations viendrait l'aider? Elle ferait mieux de rentrer et se verser un, deux, trois verres jusqu'à ce qu'elle oublie finalement ce ressenti qui ne collait pas à son badge de dirigeante. Malgré le froid mordant qui commençait à infiltrer sa cape, elle ne s'était pas décidée à entrer.
Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi tour, la porte s'ouvrit laissant apparaitre le visage d'une servante à l'air sévère. « Excusez-moi, vous voul- » Alors qu'elle sembla finalement déchiffrer les traits de l'étrangère qui semblait attendre sur le palier de sa demeure, son expression pâlit. « Dame Ostiz, je vous prie de m'excuser...Étiez-vous attendue? » Elle eu l'air de paniquer un moment avant de reprendre un sang froid professionnel. D'un geste controlé elle ouvrit poliment la massive porte de chaine.« Je..Je vous en prie, dame Falkire ne devrait pas tarder. Je m'en vais de ce pas quémander sa présence. »
Dernière édition par Eleonnora Ostiz le Mer 1 Juil 2020 - 11:06, édité 1 fois