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descriptionLames sur la glace et plaies du passé [Kälyna] EmptyLames sur la glace et plaies du passé [Kälyna]

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11 décembre 1763

Menant Järn par la bride afin d’offrir à l’étalon un repos bien mérité, Sorel marchait d’un pas tranquille, confiant d’être sur le bon chemin. Il n’avait peut-être pas effectué le trajet suffisamment de fois pour en connaître les moindres recoins et savoir exactement où il se trouvait, mais il reconnaissait suffisamment les lieux pour savoir qu’il approchait du Lac d’émeraude. Il en était donc à la moitié de son voyage.
Il aurait pu prendre le bateau, serait arrivé bien plus rapidement - probablement déjà arrivé depuis peu - mais il préférait l’option voyage. Il était rare pour lui de pouvoir se déplacer librement sur de longues distances et il appréciait de pouvoir le faire en toute autonomie. Cinq jours sur un bateau ne valaient pas deux semaines à voyager sur les routes, choisissant lui-même sa route. S’il souhaitait traverser un bois, il le pouvait, s’il préférait rester sur la ligne claire et ouverte de la plaine, l’option lui était tout aussi accessible. En bateau, il n’avait pas la main sur le gouvernail - probablement une excellente chose compte tenu de son talent inexistant à la navigation - et il n’y avait pas grand chose à visiter une fois sur l’eau. A moins d’avoir la chance de croiser la route de quelques animaux marins évoluant suffisamment proche de la surface pour être visibles.

Cela rallongeait nettement son temps de voyage et probablement serait responsable d’un temps de visite écourté auprès de sa famille mais Järn avait également besoin d’un peu d’exercice et de liberté. Le laisser à l’écurie pour trop longtemps pouvait résulter en quelques situations dangereuse que Sorel préférait éviter. Laisser quelqu’un d’autre, en de bonnes circonstances, s’occuper de l’étalon représentait une certaine prise de risque mais si l’étalon n’avait pas eut son temps de balade ou la quantité d’attention désirée, cela pouvait rapidement tourner en tentative de suicide pour le pauvre écuyer.
Pour l’heure, Järn était d’humeur paisible. Le voyage lui faisait certainement du bien, l’exercice plus que bienvenu lui permettait de se dégourdir les jambes, sans parler des galops effrénés dans lesquels Sorel le lançait bien volontiers, provoquant des hennissement de joie.

Pour l’heure et après plusieurs heures de voyage, l’elfe avait également bien besoin de dégourdir ses propres jambes tout en permettant à Järn de ne porter que son propre poids, au moins pour quelques temps.
S’orientant directement vers la surface glacée du lac, Sorel songea qu’un arrêt pourrait certainement leur faire du bien. Il pourrait en profiter pour remplir ses gourdes d’eau et permettre à Järn de s’abreuver également.

Ils arrivaient en vue du lac gelé s’étendant à perte de vue. Le ciel blanc, lourd de nuages aux ventres pesant de flocons à venir, surplombait la surface d’un bleu glacé et virevoltant sur celui-ci se trouvait une silhouette solitaire.
Un sourire étira les lèvres de l’elfe alors qu’il approchait de la rive, les sabots de Järn claquant contre quelques cailloux et graviers tandis que les pieds bottés de Sorel écrasaient en craquements fragiles les brins d’herbe gelés.
Il observa la forme glissante sans jamais cesser de sourire, appréciant le mouvement, le déplacement du corps et l’élan gracieux qu’offrait la surface glissante du lac. S’attardant quelques instants sur le spectacle offert par l’inconnu.e, il finit par se pencher vers la berge gelée. Se servant du pommeau de sa dague, il tenta de briser la glace afin d’atteindre l’eau qui se trouvait en dessous mais se trouvait sur la berge, l’épaisseur s’avéra trop grande pour que cela suffise.

Il jeta un regard à son bâton Tor’Shorot, caressant l’idée de s’en servir, mais son regard revint vers la silhouette dansant sur la glace et le risque était probablement trop grand.

« Dommage, » fit-il avec une petite moue déçue avant d’adresser un regard à Järn. « Je suppose que j’aurais dû m’intéresser davantage aux armes un poil plus brutale, » adressa-t-il à l’étalon avec un haussement d’épaules.

Järn orienta ses deux oreilles veloutées dans sa direction et hocha la tête, faisant cliqueter sa bride. Probablement moins un acquiescement qu’une indication à se dépêcher pour qu’il puisse se désaltérer.

« D’accord, d’accord. Faire preuve de patience ne te ferait pas de mal, mon ami. »

Il avança de quelques pas sur la surface glacée avant de s’accroupir, ouvrant une main et s’apprêtant à faire appel à la magie lorsqu’un nez suivi de toute la longueur d’une tête équine le pousse dans le dos. Il se retint de justesse de tomber en avant mais se faisant fini les fesses sur la glace, sentant le froid rapidement engourdir son derrière. Fronçant le nez, Sorel jeta un regard vers le haut, rencontrant les yeux sombres de l’étalon, lesquels le considérait avec impassibilité.

« Ouais, j’suis pas dupe, » Lâcha-t-il avec mauvaise humeur, plissant les yeux à l’attention de l’équidé. Järn resta parfaitement immobile, les oreilles tendues vers lui, attentif et l'image même de la neutralité.

Reniflant, certainement pas trompé par l’apparente innocence de l’étalon, Sorel se redressa, se frottant l’arrière du pantalon en espérant rendre un peu de sensation à ses fesses gelées. Une fois fait, il se pencha et, ouvrant les doigts sur une flamme brillante, appliqua la main sur la surface glacée du lac. En quelques secondes, maintenant un lien stable avec la magie, l’épaisseur de glace dû rendre les armes. S’occupant d’abord de remplir les outres en sa possession afin de pouvoir permettre à lui-même et à sa monture de s’abreuver sur le chemin, il s’écarta d’un pas.
Le considérant longuement, comme s’attendant à des représailles, l’étalon mit quelques secondes avant de s’avancer vers l’abreuvoir ainsi créé.
Souriant, songeant que la vengeance est un plat qui se mange froid, Sorel se tint à côté de son compagnon, une main sur l’encolure puissante de l’étalon, son pouce caressant la robe lustrée en signe d’apaisement.

Son regard retrouva le chemin de la silhouette esseulée évoluant sur la glace.

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Ce n’était pas dans ses habitudes, mais Kälyna ne s’était maquillée que légèrement. Bien que pâle, sa peau était loin de la blancheur qui lui avait valu le surnom de la prêtresse blanche. Une lune noire marquait son front et également quelques dessins au niveau de ses joues et de son cou. C’était une apparence très sobre de sa part, mais ça ne lui déplaisait pas non plus. Tôt ce matin-là, elle avait quitté Ipsë Rosea, laissant en plan une réunion où sa présence avait été demandée. Cela avait été une décision sur un coup de tête. Ils finiraient par se rendre compte de son absence, mais peu importe, la dame n’en ressentait pas la moindre culpabilité.

Les pas de Sombréclat s’éloignaient de la ville sans destination précise. Le calme et la tranquillité lui faisaient le plus grand bien. Elle n’avait pas de mal à conduire des recherches sur la magie et à s’enfermer pendant de longues heures pour s’y faire. Néanmoins, tout ce qui était gestion et interactions avec les gens lui drainaient énormément d’énergie. Pourquoi pas un jour de congé?

Kälyna avait finalement réduit la distance en se téléportant au lac d’émeraude, destination qui lui était venue en tête. Un sourire se dessina sur ses lèvres rosées alors que ses prunelles dorées caressèrent l’étendue d’eau à l’apparence gelée. Sans la moindre crainte, la dame s’avança au milieu du lac. Avec l’aide d’un peu de magie, elle forma des lames sous ses bottes puis se mit à patiner. Ses mouvements étaient gracieux. Elle se déplaçait avec aisance, virevoltant à l’occasion pour le simple plaisir. Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit pas compte que quelqu’un l’observait au loin.

Durant ce temps, Sorel avait gagné l’attention d’un petit animal. En effet, un écureuil à la robe brune-rousse sortit du rivage et s’approcha de l’elfe. Il ne semblait pas effrayé ni dérangé par sa présence. Il contourna le marchand et se rendit au trou dans la glace où il s’abreuva. Par la suite, en voulant retourner sur la berge, il glissa sur la glace jusqu’à venir se cogner contre la botte de Sorel. Il se mit alors à grimper ses vêtements…

Au même moment, la silhouette dansante se rapprochait de Sorel. Derrière la capuche sur sa tête, l’on pouvait entrevoir sa chevelure ténébreuse. Elle ne passait pas inaperçue avec sa cape rougeoyante. Il était étonnant qu’elle n’ait pas froid avec les vêtements qu’elle portait : bottes de chasse, pantalon noir, corset rouge et blouse noire. « Fidji! » Clama-t-elle lorsqu’elle fut à proximité. Elle étendit son bras et l’écureuil sauta dans sa main. Dans un geste qui se voulait protecteur, elle le couvrit de sa deuxième main et le ramena à elle. « Veuillez l’excuser, il ne voulait pas vous importuner. » Dit-elle. Ses ors croisèrent alors ses émeraudes.

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Il y avait tout un calme relatif autour de l’elfe. Seuls le craquement de la glace, le son des sabots de Järn claquant sur la surface ou crissant sur le gravier de la barge, le sifflement discret du vent et, bien évidemment, le bruit de l’étalon s’abreuvant. Contemplant son environnement, Sorel expira doucement, sentant une tension qu’il n’avait pas eut conscience d’abriter s’écouler en même temps que son souffle.
Un gratouillis discret suivi du fourmillement familier d’une créature approchant. Curieux, il parcouru les alentours du regard, à la recherche d’un petit animal, conscient qu’il y avait de fortes chances pour qu’il n’en aperçoive même pas le bout de la queue mais espérant malgré tout.

Contre toute attente, un éclair roux se distingua contre le bleu glacé et le vert givré, gambadant jusqu’à la brèche dans la glace. Järn, entendant le grattement des griffes minuscules sur la glace, orienta une oreille dans la direction du brave écureuil. Il releva la tête, l’eau fraîche s’écoulant encore de son menton, et laissa le rongeur approcher. Les yeux sombres suivirent la forme flamboyante, laquelle s’approcha sans la moindre crainte pour aller boire à la source.
L’étalon renâcla, secouant la tête et tapant du sabot, mais laissa la place à la petite créature jusqu’à ce que celle-ci ne s’éloigne, abreuvée et satisfaite. Cependant, peu importait à quel point les griffes de l’écureuil étaient aiguisées et pointues, cela ne le sauva pas lorsqu’il fit mine de repartir en sens inverse.  

Tentant vainement de prévenir une chute, le rongeur dérapa avant de s’étaler sur la glace et de venir rebondir mollement contre le bout de la botte de Sorel. Riant doucement, l’elfe s’accroupit, tendant une main ouverte vers l’animal dans l’intention de l’aider à se remettre sur ses pattes et à rejoindre la terre ferme. Ce dernier se révéla cependant plus rapide et entreprit d’escalader ses vêtements, ses griffes minuscules piquant la peau à travers l’épaisseur de tissu qui le couvrait. Incapable de retenir un gloussement, Sorel laissa l’écureuil faire, peu inquiet. Si l’animal avait besoin d’un peu de chaleur, l’elfe se voyait mal le lui refuser, surtout s’il n’était question que de se rouler en boule dans un replis de vêtement ou de cape.

« Je suppose qu’il est inutile d’essayer de te rassurer, » s’adressa-t-il gentiment à son nouveau compagnon. Le manque total de peur et de méfiance de la part du rongeur avait quelque chose d’intriguant mais, surtout, d’agréable.

Il avait encore la tête baissée, s’adressant à l’écureuil, lorsque déplacement rapide d’un éclat vif attira son attention. Relevant la tête, il constata que la silhouette esseulée se dirigeait rapidement vers lui, glissant sur la surface glacée avec aisance.
Il accueillit la jeune femme avec un sourire, notant la longue chevelure sombre et les maquillages atypiques qui ornaient son visage ainsi que les vêtements peu couvrant qu’elle portait. Il s’apprêtait à saluer la nouvelle venue lorsqu’un nom échappa aux lèvres de la jeune femme sur un ton autoritaire. Le sourire sur les lèvres de l’elfe se figea. Lui, si habitué à laisser son naturel enthousiaste et lumineux s’exprimer tout en dissimulant tout ce qu’il ne souhaitait pas afficher fut incapable d’empêcher ses yeux de s’écarquiller.

Une main invisible s’était glissée entre ses côtes pour se refermer sur son coeur, l’enserrant dans un étau de terreur soudaine. Pétrifié, Sorel scruta les traits de la jeune femme, comme à la recherche d’une réponse dont il ignorait la question.

Les yeux dorés cherchèrent les siens et l’elfe esquissa un sourire tremblant qui n’atteignit pas ses yeux. Il cacha ses mains tremblantes dans les poches de son manteau. L’angoisse, la terreur qui courait dans ses veines, plus glacée que l’eau du lac, semblait venir de nulle part. Comme si un éclair maudit l’avait soudainement frappé, sans raison apparente, électrisant chaque parties de son corps d’une énergie angoissée. Le soudain désir de fuir, de sauter en selle et d’enfoncer ses talons dans les flancs de Järn n’avait rien de rationnel, pas plus que l’envie contradictoire de s’en prendre à l’inconnue.

Toujours fébrile et le visage blême, Sorel secoua la tête doucement en signe de négation et tenta de reprendre contrôle de lui-même :

« Il n’y a pas de mal, » rassura-t-il, la voix tremblante. Il se racla la gorge, incapable de soutenir le regard doré de la jeune femme, lequel faisait naître des sentiments contraires.

Son naturel volubile lui fit défaut, de même que sa curiosité naturelle, laquelle l’aurait d’ordinaire poussé à poser des questions et à s’enquérir de l’identité de la jeune femme. Pour l’heure, cependant, il devait se faire violence pour ne pas se montrer grossier en tournant les talons sans un mot de plus.
Il déglutit, son regard oscillant entre l’épaule de la jeune femme et ses propres pieds bottés.

« Vous n’avez pas froid ? » demanda-t-il lamentablement. Conscient de sa question malvenue, il rentra la tête dans les épaules et regretta de ne pas avoir la main sur la bride de Järn pour pouvoir rapprocher l’étalon et se serrer contre son épaule.

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Sa main venait automatiquement caresser la fourrure du petit animal dans un geste qui se voulait à la fois protecteur. Kälyna affectionnait particulièrement Fidji et cela était transparent. Ce n’était pas étonnant lorsqu’on réalisait que l’écureuil était l’un de ses seuls vrais amis. Sa foudre serait terrible contre quiconque oserait s’en prendre à la petite créature. Néanmoins, en ce moment, la dame était calme et posée. Son inquiétude s’était dissipée au moment même qu’elle avait retrouvé son compagnon poilu.

Ses ors pesaient sur Sorel. Ils l’analysaient en profondeur. Autant son visage lui semblait familier qu’elle n’arrivait pas à se remémorer quand et où ils auraient pu se rencontrer. Elle cessa de chercher dans sa mémoire. Après tout, avec son demi-millénaire, elle avait eu la chance ou la malchance de croiser bien des gens. De plus, ce dernier semblait bien jeune pour un elfe. Elle lui donnait à peine un siècle de vie.

« Non, je n’ai pas froid. Et vous? » Répondit-elle lentement. Elle abaissa sa capuche écarlate sur ses épaules, dévoilant ainsi sa longue chevelure ténébreuse et les fins traits de son visage. Elle arborait une moue sérieuse. « As-tu froid, Fidji? » S’enquit-elle avec douceur. L’écureuil émit un couinement avant de monter le long de son bras et de disparaître au niveau de son cou. « Ce n’est pas la chance de tous d’avoir accès à la magie et à ses objets imprégnés. » Poursuivit-elle pour répondre à sa question silencieuse. Sombréclat n’avait pas froid, car elle avait des glyphes qui la protégeaient.

Ses ors caressèrent les cicatrices qui parcouraient le visage du jeune elfe. Elle avait remarqué son inconfort. Il n’était pas capable de le regarder dans les yeux et de soutenir son regard. Cela ne semblait pas être que de la timidité. L’avait-il reconnue comme étant l’ancienne prêtresse du Tyran Blanc et ainsi, elle lui rappelait de mauvais souvenirs?

« Je ne vous veux aucun mal, soyez rassuré. » Prononça-t-elle. Elle insufflait sa voix d’une touche de douceur. Ce n’était visiblement pas sa force, mais l’effort était là. Elle n’avait aucune envie de le voir prendre ses jambes à son cou par sa simple présence. « Je suis Kälyna Vallaël. Si ma présence vous importune, je m’en irai. » Conclut-elle. Elle avait donné son nom pour qu’il n’y ait pas de malentendus sur qui elle était.

Ce n’est pas la bataille qu’elle cherchait. S’il ne l’attaquait pas, elle ne voyait pas de raison de lui faire du mal. Elle avait changé, c’est ce qu’elle se disait. C’est ce qu’elle essayait d’être, mais ce n’était pas évident. Certains individus avaient le don d’attiser sa haine et d’attirer son courroux. Mais ce jeune elfe ne semblait pas chercher bataille. Il semblait plutôt mal à l’aise par sa présence.

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Il ressentit une pointe de gratitude lorsque la jeune femme ne fit aucune remarque quant à sa question, se contenta d’y répondre poliment pour ensuite s’enquérir de son propre ressenti concernant la froid. Il haussa une épaule, risquant un regard vers le visage de la nouvelle venue :

« Fait pas chaud, » lâcha-t-il lamentablement, « mais ça va, je me suis préparé aux températures, » se força-t-il à poursuivre avec un petit sourire peu convaincant.

Pour être tout à fait honnête, le froid qu’il ressentait physiquement lié à l’air glacé et à la proximité du lac gelé s’était vu relégué au second plan. C’était à peine si Sorel s’en rendait réellement compte. Pour l’heure, c’était un froid intérieur qui s’était installé et qui se répandait progressivement, agitant ses pensées au point de les rendre désordonnées et illogiques. Il ne comprenait pas sa réaction, ce qui ne faisait qu’ajouter à son stress, ajoutant la confusion et l’incertitude au reste.
La question, qu’elle avait d’abord réorientée vers Sorel, trouva une nouvelle cible en la personne de l’écureuil, nommé Fidji. D’apparence banale, l’intention qu’elle avait de protéger son compagnon du froid, s’en enquérant d’une voix douce et laissant la petit rongeur se réfugier dans les replis de ses vêtements, au niveau de son cou, permit à Sorel de se détendre un minimum.

Il y avait beaucoup de mal qui circulait librement dans le monde, mais il en était peu qui s’inquiéterait honnêtement du bien-être d’un animal aussi petit - et que beaucoup qualifierait d’insignifiant - qu’un écureuil. Il sentit ses épaules se relaxer un minimum et il émit un long soupir à l’affirmation de la jeune femme. Aucun mal, il pouvait presque le sentir en effet. Sa voix était sans animosité, son langage corporel ne trahissait aucune agressivité et il ne percevait pas cette sensation si particulière au mensonge et à la tromperie. Le ton emprunté cherchait à être doux et si le résultat manquait d’efficacité c’était a priori plus par manque d’habitude que par un défaut d’honnêteté.
Sorel hocha la tête, se risquant à croiser le regard doré de la jeune femme et esquissa un début de sourire, un rien tremblant mais plus convainquant que le précédent.

Les prochains mots prononcés figèrent son sourire et Sorel se raidit soudainement, comme frappé par la foudre. Son regard d’un vert doux se fit voilé tandis qu’il se retrouvait jeté en arrière, dans un passé pas aussi lointain qu’il se plaisait à le prétendre. L’interrogatoire douloureux, à l’origine de certaines cicatrices qui marbraient encore son corps, suivi de la condamnation prononcée par la voix même qui avait essayé de le rassurer, à peine quelques secondes auparavant.
Un rire grinçant échappa au jeune elfe tandis que les orbes vertes retrouvaient le chemin de celles, dorées, de Kälyna. D’ordinaires chauds et rieurs, les yeux de celui qui avait été condamné pour traîtrise se ternirent. Il détailla la silhouette de la jeune femme tandis qu’un rictus sans humour étirait ses lèvres fines et scarifiées.

Pas étonnant qu’il ait été au bord de la panique, à deux doigts de perdre le contrôle et de courir se réfugier dans un coin, roulé en boule en espérant pour qu’aucun malheur ne lui tombe dessus. Il renifla, les épaules relevées comme pour se protéger d’un coup qu’aucune main levée ne laissait présager et le regard maussade. Abandonnant toute prétention, il attira Järn à lui, cherchant le contact et le réconfort de l’étalon orageux, lequel redressa la tête, les naseaux dilatés.

« Il n’est pire mal que Morneflamme, » commença-t-il lentement, « et vous me l’avez déjà infligé. »

Il sourit, une expression sans joie, presque vide à l’exception d’une forme de dégoût ou de mépris. La cible, cependant, de ces sentiments n’était pas la jeune femme à laquelle il s’adressait mais bien à lui-même. Morneflamme avait presque détruit Aldaron, l’avait irrémédiablement changé. Le jeune elfe prétendait qu’il ne lui était rien arrivé, qu’aucune séquelle autre que ses cicatrices ne lui restait de ce temps passé dans cette abîme où la bonté se confrontait à ce que les bipèdes pouvaient faire de pire. Sorel n’en était pas sorti indemne, peu importait la force de sa prétention, peu importait à quel point il se bouchait les oreilles et chantait à tue-tête pour noyer les horreurs qui encombraient ses rêves. Il n’était encore qu’un enfant lorsqu’il avait mit les pieds à Morneflamme.
Ces mots, simples en apparence, mettaient en évidence que peu importait tout le mal qu’elle pouvait bien vouloir lui faire endurer, elle pouvait difficilement faire mieux que ce qu’elle avait déjà fait par le passé. Ou pire. Elle pouvait bien ne lui vouloir aucun mal à cette heure et en ce jour, mais elle lui avait déjà fait tout le mal qu’elle pouvait lui faire bien avant cette rencontre. C’était déjà bien trop tard.

Le rictus d’auto-dérision ne quitta pas ses lèvres alors qu’il esquissait une révérence presque railleuse - sans jamais la quitter du regard. « Sorel Gallenröd, » se présenta-t-il avec une fausse bonne humeur grinçante, « vous vous rappelez de moi ou la multitude de malheureux que vous avez condamnés à l’horreur vous en empêche-t-elle ? »

Il n’osait la quitter du regard. Son corps était comme secoué de minuscules tremblements nés d’un mélange de peur, d’angoisse et de colère. L’adrénaline qui courait dans ses veines ne l’aidait pas à faire face, le rendait fébrile et nerveux… et malgré cela, sa voix demeura d’une parfaite stabilité.

descriptionLames sur la glace et plaies du passé [Kälyna] EmptyRe: Lames sur la glace et plaies du passé [Kälyna]

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Sombréclat se doutait de la réaction du jeune elfe alors qu’elle avait décidé de se présenter officiellement à lui. Le nom de Kälyna Vallaël était grandement connu, surtout associé à la prêtresse blanche qui travaillait de concert avec le Tyran Blanc pour malmener ses ennemis. En son nom, elle avait fait des actes horribles. L’ancienne dame d’Althaïa avait tyrannisé ses opposants. Elle les avait maltraités, torturés et jetés sous les expérimentations. Même si ce n’était pas toujours de ses propres mains, les Théocrates avaient agi sous ses ordres, en son nom ou au nom de Vraorg.

L’elfe sous son regard doré n’était qu’un gamin à ses yeux. Elle lui donnait à peine cent années. À son âge, l’elfette à la chevelure ténébreuse vivait encore parmi les siens, venait tout juste de se marier et attendait la naissance de son enfance. Morneflamme… C’était un mot à faire frémir tous ceux qui l’entendaient et elle-même n’y échappait pas. Elle s’était formé une carapace protectrice pour poursuivre son travail auprès de son Lié. La prison de Morneflamme était un endroit cauchemardesque. C’était pire que tout ce qu’on pouvait imaginer et cet enfant y avait laissé une partie de son âme. On ne sort pas de Morneflamme indemme.

Un long soupire s’échappa de ses lèvres. Son passé la suivait, même si Kälyna tentait de faire une différence de façon bénéfique sur Tiamaranta. Pourquoi n’avait-elle pas changé d’apparence et prit une nouvelle identité? Parce qu’elle était Kälyna Vallaël, qu’elle était une horrible personne et qu’elle méritait le courroux de tous ceux qu’elle avait blessé.    

« Je vous ai fait bien du mal, Sorel Gallenröd, à vous et à d’innombrables personnes. Je m’en rappelle encore comme si c’était hier. » Commença-t-elle. Elle ne savait trop où ses paroles la menaient. Il fut un temps où elle était une oratrice experte. Mais aujourd’hui, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle ne savait plus comment communiquer avec les gens ni interagir en société. Ses ors n’avaient pas quitté ses prunelles verdoyantes qui lui rappelaient celles de sa fille. Qu’aurait espéré Mëryl en cet instant? « Je ne peux retirer tout le mal qui vous ai été fait. Mes mots ne changeront rien aux horreurs de votre passé. Mais sachez que je suis désolée. » Prononça-t-elle doucement.

Elle l’était sincèrement. Jamais elle n’avait eu la force d’agir contre la volonté de son Inséparable. Elle n’avait été qu’un pauvre pion dans son jeu et Vraorg n’avait jamais eu d’yeux pour elle malgré tout ce qu’elle avait fait. Combien de vies avait-elle ruinées? Combien d’enfants vivaient-ils des cauchemars la nuit par sa faute ?

Ce fut Kälyna la première à détourner le regard. « Je ne vous importunerai pas plus longtemps. » Lâcha-t-elle finalement. Elle se tourna et commença à se déplacer vers la rive. Sa main chercha Fidji dans les plis de ses vêtements afin de le caresser doucement.

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Le long soupir qui échappa des lèvres de l’elfe eurent l’effet discordant d’une lame sur une série de fils tendu, faisant frémir Sorel d’indignation. La réponse qu’elle lui fournit lui fit serrer les lèvres et s’il avait eut moins de contrôle sur lui-même, il aurait croisé les bras. En l’état, il n’osait pas non plus le faire au cas où il devait se protéger d’une quelconque offensive… même si l’option semblait peu probable. Il avait entendu parler de ses actions, même si de loin, et il s’était toujours arrangé pour simplement… ne pas entendre. Le nom glissait sur sa conscience comme une goutte d’eau sur le plumage d’un oiseau, il tentait de son mieux de se protéger, d’ignorer ce qui était en mesure de le blesser.

Pourtant les excuses de l’elfe firent soudain dégonfler le plus jeune, faisant s’évanouir toutes les tensions et toute la vindicte qui s’était logée étroitement dans ses membres, dans sa poitrine, comme pour se défendre. Défendre ce qu’il avait vécu, son droit à des excuses, à exiger une reconnaissance de ce qu’il avait traversé. Il n’eut aucun combat à mener, cependant, qu’elle lui offrit une forme de victoire sur un plateau d’argent.
Désemparé, perdu et ignorant comment il devait agir, ce qu’il devait dire ou faire, quel comportement adopter. Elle qui semblait défaite, l’élégance rare de sa danse sur la glace disparue au profit d’une lassitude qui semblait vivre jusque dans ses os. Sorel était beaucoup de chose, Maître des Mines, pour commencer, et amoureux inconditionnel des animaux également, mais il n’était pas quelqu’un d’inutilement cruel. Pour autant, il trouvait ces excuses un peu faciles.

Les orbes dorées qui s’étaient comme ternies à la réaction de Sorel se détournèrent des siennes et un frémissement remua les lèvres du jeune elfe. Un désir soudain le saisit de dévoiler les crocs dans une menace. On ne tourne pas le dos à un prédateur, on n’ignore pas la menace qui couve. On ne prend pas la fuite sans courir le risque d’être pris en chasse.
Sorel se rapprocha de Järn, tirant du réconfort dans la chaleur et le soutien que l’étalon lui apportait, regrettant l’absence de Snö et de ses ronronnements sourds qui parvenaient toujours à l’apaiser et à le calmer. L’agressivité et la peur n’étaient pas dans ses habitudes.

« Que vous le vouliez ou non, » commença-t-il à voix basse, juste assez fort pour qu’elle l’entende, « vous m’importunerez pour le restant de mes jours, » acheva-t-il sur un ton plan, dénué d’accusation ou d’agressivité. Un simple fait prononcé sur le ton de la constatation.

Il observa la silhouette de l’elfe qui s’amenuisait à mesure qu’elle s’éloignait, accordant une pensée au fait qu’il avait probablement ruiné sa sortie détente sur le lac d’émeraude. Il se trouva incapable de trouver la force de le regretter ou même d’en ressentir le moindre émois. Il attendit qu’elle disparaisse, forme éthérée habillée d’une cape avalée par la brume du lac gelé, pour laisser le trop plein d’émotion s’exprimer.

Titubant jusqu’à l’arbre le plus proche, Sorel s’effondra à son pied et éclata en sanglots, les pleurs s’arrachant à sa poitrine non sans douleur alors qu’il regroupait ses genoux contre sa poitrine et enroulait ses bras autour de lui-même. Un semblant d’étreinte qui se voulait rassurante mais ne lui apporta aucun réconfort, lui rappelant juste qu’il se trouvait seul au beau milieu de nul part, seul avec sa propre misère.
Le son sourd de sabots contre le sol lui tira un hoquet et le jeune elfe leva des yeux rougis vers Järn juste à temps pour recevoir le délicat coup de nez de l’étalon. L’animal ploya ses antérieures avec délicatesse puis s’allongea au sol. Sans attendre, un nouveau sanglot échappant à Sorel, ce dernier rampa jusqu’à se pelotonner contre l’étalon. Il entoura l’encolure musclée de ses bras et trouva quelque réconfort dans la façon dont Järn posa sa tête contre son dos, son menton entre les omoplates du jeune elfe.

Il ferait une petite pause, un peu plus longue que prévu peut-être, avant de reprendre le chemin pour Caladon.

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