¤ Opération pirate ¤
20 Janvier an 1764 du troisième âge
Nathaniel avait fait de sérieux progrès dans l’art du domptage de bête. Les experts qu’il avait fait enlever par Teotl, son fils, avaient prouvé autant leur compétence que leur utilité. Canidé, félidé, mustélidé, à force de travail et de bon conseil l’elfe sombre démontrait posséder un véritable talent en la matière. Le gredin, malgré les préparations pour l’attaque sur Athgalan, la bataille en elle-même et le déplacement de la confrérie sur l’ile du crépuscule des chimères, avait trouvé le temps de perfectionner le dressage de Fabius, son singe. Ce dernier saurait à présent coopérer avec son maitre dans certaines situations. S’introduire dans un bâtiment pour ouvrir la porte, rapporter un objet de valeur avec discrétion quitte à la voler en présence d’un garde, ou encore apprendre à suivre une personne en filature sur une petite distance et venir rapporter la position de la cible à Nathaniel au travers du langage des signes. Le roi de la confrérie sentait que très bientôt il serait en mesure d’amener Fabius avec lui en mission. Des missions ou sa présence pourraient offrir un avantage aux pirates, ou plus encore permettre à l’elfe d’avoir plus de cartes dans sa manche.
Plus le pirate progressait, plus il semblait éveiller un don certain. Malheureusement sa capacité à se faire obéir par les créatures de la nature commença à connaitre des limites. L’un des experts capturés était connu pour savoir dompter les bêtes magiques originaires de l’archipel. Lors d’un entrainement, ce dernier avait fait comprendre à Nathaniel que jamais le pirate ne saurait en mesure d’accomplir ce que lui-même était capable d’accomplir. Que quelque chose lui faisait défaut et qu’il ne serait jamais en mesure de combler ce manque.
Peut-être est-ce parce qu’il se retrouvait confronté à un mur, à une vérité, ou encore en raison des justifications fort déplaisantes du maitre des bêtes que, de rage, l’elfe sombre se jeta sur lui, armé de Catherina, et abattu sa masse avec violence en visant le crâne. Quand bien même l’acte lui apporta un bien fou, le gredin regretta son geste. Il venait de perdre un individu compétent qui devait encore l’aider pour un autre problème. Un problème qui l’attendait depuis plus d’un mois déjà au fond de la salle des coffres de la confrérie.
Depuis sa capture avec Kaiikathal, le serpent qui, pour une raison inconnue, avait un croc contre le pirate, était enfermé dans une jarre elfique. Après les révélations de l’expert, Nathaniel avait été presque tenté de mettre fin au jour du reptile, sachant qu’il ne parviendrait jamais à la dompter, mais quelque chose lui revint en tête. Kaiikathal lui avait dit que cette bête n’était pas comme les autres. Qu’elle n’était pas un serpent ordinaire, sans pour autant être comme les bêtes magiques originaires de l’archipel. La créature semblait posséder une conscience, une conscience bien plus développée que les autres animaux, magique ou non. Un peu comme un bipède. C’est pour cette raison que le gredin ne perdit pas espoir et ne tua pas cette dernière. Il devait encore essayer, encore jouer l’une des cartes de son jeu. Le gredin avait besoin d’un autre homme, d’un autre individu capable de l’aider à comprendre ce serpent, à savoir ce qu’il voulait, et peut-être même à la dompter.
Au travers du réseau d’espionnage qu’avait commencé à reconstituer Teotl, depuis la perte d’Irina en tant que capitaine des catins, un nom parvint aux oreilles pointues du gredin : Sorel Gallenröd. La nouvelle ne fut que peu plaisante pour le dragonnier. Il s'agissait d'un habitant de Sélénia, or le royaume recherche activement le roi des pirates. L'elfe sombre avait prévu de faire profil bas pour en temps. Et au vu de l’état de la Confrérie en pleine migration, attirer le regard des autorités ne lui apparaissait pas comme une chose sage. Pour un criminel, savoir quand agir et quand rester dans l’ombre détermine pour une part sa survivabilité.
Pour autant, le capitaine des pirates était un homme de défi et un homme qui aimait accomplir son objectif. Être un criminel, c’est aussi savoir prendre des risques. C’est donc sans attendre que l’elfe sombre commença à monter une opération. La cible étant un sélénien, la capturer n'était pas nécessairement. Il savait que négocier ou corrompre les individus du royaume était plus efficace.
Il confia ainsi pour mission à son fils et à ses agents obtenir des renseignements sur Sorel Gallenröd afin d’être en mesure de l’approcher. Position, déplacement, habitude, intérêts. Pendant que lui organisait sa propre infiltration au sein de la ville de Sélénia. L’elfe était pour beaucoup une cible à abattre, le loup qu’il était allait donc devoir ruser pour s’introduire dans la bergerie. Étonnamment, ce fut sans doute la partie la plus facile. Usant de ses propres contacts, il embarqua en haute mer à bord d’un navire marchand appartenant à un bourgeois sélénien qui avait déjà eu l’occasion de traiter avec Nathaniel lorsqu’il était encore capitaine des contrebandiers. L’homme avait pu se débarrasser de l’un de ses concurrents grâce à un accord passé avec la confrérie.
C’est donc accompagné de cinq de ses hommes et à bord d’un navire battant pavillon sélénien que le roi des criminels put débarquer au port d’Azzuréo. Copiant à l’occasion l’esprit du serpent de l’un de ses hommes, il put se transformer pour cacher une apparence qui l’aurait aisément trahi. Une fois à l’intérieur de la capitale du royaume, il ne lui fut guère complexe de rejoindre l’une des caches de la confrérie, dissimulée dans une taverne de la basse ville.
Le loup était dans la bergerie, les moutons ne se doutant pas un seul instant de la présence du prédateur. Mais le carnivore n’était pas ici pour se remplir la panse par un massacre en bonne et due forme. Une seule proie intéressait le gredin. Une proie sur laquelle il obtint bientôt un rapport. Celle-ci avait ses quartiers dans la haute ville et non loin de la frontière avec la basse ville. Ainsi donc le nobliau tenait-il une boutique et vivait au-dessus de celle-ci. Les commerçants sont toujours les plus simples à soumettre, ils tiennent beaucoup trop à leurs biens. Qui plus est, la protection dont bénéficiait l’établissement de la cible était, aux yeux de l’elfe sombre, misérable. Pour une raison encore inconnue, un ou deux brigands gardaient un œil sur l’endroit.
Nathaniel s’interrogea alors. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser des criminels à faire cela ? Cherchaient-ils en réalité à piller la boutique ? D’après ce qu’il put apprendre, non. Ces derniers étaient là depuis trop longtemps pour effectuer un simple repérage et reconnaissance des lieux. Dans ce cas, avait-il molesté le patron pour obtenir de l’argent en échange, non seulement de leur sécurité, mais également de leur engagement de ne pas piller l’endroit ? Le chantage était la solution la plus probable. L’elfe sombre tenait néanmoins à en savoir plus. Pour ce faire, il devait interroger l’un des brigands.
La seule véritable difficulté résidait dans l’inconstance de la cible à tenir son commerce. En réalité, cette difficulté pouvait être surmontée. Gallenröd tenait un bazar, achetant de tout et revendant de tout. Il suffisait de convenir d’un rendez-vous pour une vente afin d’assurer que ce dernier soit au lieu et l’heure souhaités.
Le regard du gredin se posa sur la jarre elfique contenant le serpent et qu’il avait fait transporter avec lui. Un large sourire apparut sur ses lèvres alors qu’il vint se saisir d’une feuille de papier pour rédiger une lettre. Son contenu était simple. Il se présenta comme un petit bourgeois souhaitant se séparer d’un objet de son héritage afin d’obtenir une certaine liquidité, qu’il pourrait utiliser afin de payer les réparations du navire de sa compagnie commerciale ayant subi les affres d’une attaque pirate. Il joint également une description sommaire de l’objet. Il s’agissait d’une jarre obtenue de son père qui l’avait lui-même obtenu d’un elfe lors des derniers temps sur le continent d’Ambarhùna.
L’objet possédait le raffinement sans égal de l’artisanat l’elfique de par son origine, était fait à partir d’or blanc, muni d’arabesques argentée et sertie de trois pierres précieuses. Il précisa également que l’objet possédait deux glyphes, mais n’en dit pas plus. Il ajouta qu’il souhaitait négocier avec lui la vente dans l’éventualité où Sorel était intéressé et qu’il fallait convenir, de ce fait, d’un rendez-vous. Nathaniel signa par la suite d’un faux nom et ordonna à l’un de ses hommes de se déguiser en serviteur pour aller porter la lettre, lui indiquant également quelques horaires en semaine si un rendez-vous devait être défini.
L’agent du gredin ne vint que bien plus tard, après avoir attendu longuement la présence Gallenröd dans sa boutique pour enfin délivrer le message. Visiblement, un rendez avait pu être convenu à sa boutique. Ainsi donc, le problème de mobilité de la cible était écarté. En l’attente du jour prévu, Nathaniel ordonna à un autre de ses hommes de se faufiler jusqu’à la boutique pour repérer un des brigands surveillant cette dernière et le capturer. Il ne fallut pas plus de deux heures pour que ce dernier ne soit de retour. L’on jeta aux pieds du gredin ce qui ne représentait à ses yeux qu’une misérable petite racaille. Catherina en main, l’elfe sombre se pencha sur l’homme maintenu au sol et lui demanda son nom. Le jeune brigand et présenta sous le nom de Conni. L’elfe sombre se présenta alors. Il était Nathaniel Eärendil, roi de la confrérie, roi des criminels de cet archipel. L’air s’emplit de gravité et on peut presque entendre le déglutissement de l’humain. L’orque fit alors comprendre à l’humain qu’étant lui-même un criminel, il était donc l’un de ses sujets et lui devait donc obéissance. Et bien sûr qu’en échange de cette obéissance une juste récompense pouvait être apportée.
Depuis sa prise de fonctions, l’elfe sombre déployait tous les efforts pour que les confréries aient le monopole de la criminalité sur l’archipel. Cela commençait par soumettre de gré ou de force les autres organisations criminelles, puis se poursuivait par le recrutement et l’intégration des délinquants.
Ce que lui proposait ici le forban, c’était ni plus ni moins qu’entrer au service de la confrérie. Cela offrait de nombreux avantages, mais il fallait se soumettre à de nombreuses règles. Cependant, plus le temps passait, plus entrer aux ordres de la confrérie devenait un incontournable pour tous ceux souhaitant faire carrière dans les domaines mis au ban de la société. Ca ou entrer au service du marché noir.
Conni saisit très bien la chance qui se présentait à lui, mais il saisit également qu’en faisait cela, il vendait son âme et qu’un retour en arrière n’était pas possible. L’humain apparut donc hésitant et se risqua à demander ce qu’on lui demanderait. La réponse ne tarda pas et elle concernait le maitre des mines. Un silence s’installa, le mutisme de Conni devenant rapidement agaçant aux oreilles de l’elfe sombre qui se mit à prendre ombrage. C’est alors que le brigand commit sa première erreur, vouloir marchander avec le roi des forbans, sans être en position de pouvoir le faire. Nathaniel éclata d’un rire moqueur alors que ce dernier commençait à défendre Gallenröd qui avait su se montrer bon pour lui. Malheureusement, quelques minutes et doigts tranchés plus tard, les convictions et la ferveur du jeune brigand volèrent en éclat. Suppliant pour sa vie et pour que cesse cette torture, il vendu sans vergogne celui qui avait pourtant été bon avec lui, s’engageant obéir aux ordres qui lui seraient donnés …
Une poignée de jours plus tard, le moment du rendez-vous se présenta enfin. Conni s’était arrangé auprès des autres brigands surveillant la boutique du maitre des mines pour être celui de garde pour la journée. L’un des hommes du forban avait pris l’humain en filature afin qu’il accomplisse son devoir et agisse en cas de problème. Nathaniel et ses quatre hommes restants se déplacèrent jusqu’à la boutique afin d’arriver à l’heure prévue. Il était prévu que l’elfe sombre entre avec deux d’entre eux, tandis que les deux autres resteraient à l’extérieur, dans l’ombre afin de surveiller et se préparer à agir si nécessaire.
L’heure fatidique arrivant enfin et l’opération put débuter. Conni manqua de faire faut bond, mais au moment de se retourner en espérant peut-être pouvoir fuir le plus loin possible, il remarqua l’agent de Nathaniel qui se tenait non loin de lui et qui, sentant l’hésitation, avait décidé de rappeler la réalité à leur collaborateur. L’humain escalada donc la face de quelques bâtiments afin de parvenir à l’arrière de la boutique et atteindre une fenêtre à l’étage. Il y pénétra avec peu de discrétion, faisant au passage du bruit à l’intérieur, du moins suffisamment pour que le propriétaire des lieux le remarque et enquête sur l’origine du bruit. Après avoir remarqué, l’absence du gérant dans la boutique, Nathaniel et deux de ses hommes entrèrent avec discrétion. L’elfe sombre usant du vol du bourdon pour figer le carillon à la porte d’entrée, afin que celui-ci n’annonce pas l’arrivée de nouveaux clients. Puis, ferma la porte derrière lui, usant de sa clef squelette pour en verrouiller la serrure avant de tourner l’écriteau annonçant la fermeture.
A l’étage, Conni s’effondra au sol, se tenant la main blessée et larmoyant, se préparant à affronter un Gallenröd dont il avait trahi la confiance.
Plus le pirate progressait, plus il semblait éveiller un don certain. Malheureusement sa capacité à se faire obéir par les créatures de la nature commença à connaitre des limites. L’un des experts capturés était connu pour savoir dompter les bêtes magiques originaires de l’archipel. Lors d’un entrainement, ce dernier avait fait comprendre à Nathaniel que jamais le pirate ne saurait en mesure d’accomplir ce que lui-même était capable d’accomplir. Que quelque chose lui faisait défaut et qu’il ne serait jamais en mesure de combler ce manque.
Peut-être est-ce parce qu’il se retrouvait confronté à un mur, à une vérité, ou encore en raison des justifications fort déplaisantes du maitre des bêtes que, de rage, l’elfe sombre se jeta sur lui, armé de Catherina, et abattu sa masse avec violence en visant le crâne. Quand bien même l’acte lui apporta un bien fou, le gredin regretta son geste. Il venait de perdre un individu compétent qui devait encore l’aider pour un autre problème. Un problème qui l’attendait depuis plus d’un mois déjà au fond de la salle des coffres de la confrérie.
Depuis sa capture avec Kaiikathal, le serpent qui, pour une raison inconnue, avait un croc contre le pirate, était enfermé dans une jarre elfique. Après les révélations de l’expert, Nathaniel avait été presque tenté de mettre fin au jour du reptile, sachant qu’il ne parviendrait jamais à la dompter, mais quelque chose lui revint en tête. Kaiikathal lui avait dit que cette bête n’était pas comme les autres. Qu’elle n’était pas un serpent ordinaire, sans pour autant être comme les bêtes magiques originaires de l’archipel. La créature semblait posséder une conscience, une conscience bien plus développée que les autres animaux, magique ou non. Un peu comme un bipède. C’est pour cette raison que le gredin ne perdit pas espoir et ne tua pas cette dernière. Il devait encore essayer, encore jouer l’une des cartes de son jeu. Le gredin avait besoin d’un autre homme, d’un autre individu capable de l’aider à comprendre ce serpent, à savoir ce qu’il voulait, et peut-être même à la dompter.
Au travers du réseau d’espionnage qu’avait commencé à reconstituer Teotl, depuis la perte d’Irina en tant que capitaine des catins, un nom parvint aux oreilles pointues du gredin : Sorel Gallenröd. La nouvelle ne fut que peu plaisante pour le dragonnier. Il s'agissait d'un habitant de Sélénia, or le royaume recherche activement le roi des pirates. L'elfe sombre avait prévu de faire profil bas pour en temps. Et au vu de l’état de la Confrérie en pleine migration, attirer le regard des autorités ne lui apparaissait pas comme une chose sage. Pour un criminel, savoir quand agir et quand rester dans l’ombre détermine pour une part sa survivabilité.
Pour autant, le capitaine des pirates était un homme de défi et un homme qui aimait accomplir son objectif. Être un criminel, c’est aussi savoir prendre des risques. C’est donc sans attendre que l’elfe sombre commença à monter une opération. La cible étant un sélénien, la capturer n'était pas nécessairement. Il savait que négocier ou corrompre les individus du royaume était plus efficace.
Il confia ainsi pour mission à son fils et à ses agents obtenir des renseignements sur Sorel Gallenröd afin d’être en mesure de l’approcher. Position, déplacement, habitude, intérêts. Pendant que lui organisait sa propre infiltration au sein de la ville de Sélénia. L’elfe était pour beaucoup une cible à abattre, le loup qu’il était allait donc devoir ruser pour s’introduire dans la bergerie. Étonnamment, ce fut sans doute la partie la plus facile. Usant de ses propres contacts, il embarqua en haute mer à bord d’un navire marchand appartenant à un bourgeois sélénien qui avait déjà eu l’occasion de traiter avec Nathaniel lorsqu’il était encore capitaine des contrebandiers. L’homme avait pu se débarrasser de l’un de ses concurrents grâce à un accord passé avec la confrérie.
C’est donc accompagné de cinq de ses hommes et à bord d’un navire battant pavillon sélénien que le roi des criminels put débarquer au port d’Azzuréo. Copiant à l’occasion l’esprit du serpent de l’un de ses hommes, il put se transformer pour cacher une apparence qui l’aurait aisément trahi. Une fois à l’intérieur de la capitale du royaume, il ne lui fut guère complexe de rejoindre l’une des caches de la confrérie, dissimulée dans une taverne de la basse ville.
Le loup était dans la bergerie, les moutons ne se doutant pas un seul instant de la présence du prédateur. Mais le carnivore n’était pas ici pour se remplir la panse par un massacre en bonne et due forme. Une seule proie intéressait le gredin. Une proie sur laquelle il obtint bientôt un rapport. Celle-ci avait ses quartiers dans la haute ville et non loin de la frontière avec la basse ville. Ainsi donc le nobliau tenait-il une boutique et vivait au-dessus de celle-ci. Les commerçants sont toujours les plus simples à soumettre, ils tiennent beaucoup trop à leurs biens. Qui plus est, la protection dont bénéficiait l’établissement de la cible était, aux yeux de l’elfe sombre, misérable. Pour une raison encore inconnue, un ou deux brigands gardaient un œil sur l’endroit.
Nathaniel s’interrogea alors. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser des criminels à faire cela ? Cherchaient-ils en réalité à piller la boutique ? D’après ce qu’il put apprendre, non. Ces derniers étaient là depuis trop longtemps pour effectuer un simple repérage et reconnaissance des lieux. Dans ce cas, avait-il molesté le patron pour obtenir de l’argent en échange, non seulement de leur sécurité, mais également de leur engagement de ne pas piller l’endroit ? Le chantage était la solution la plus probable. L’elfe sombre tenait néanmoins à en savoir plus. Pour ce faire, il devait interroger l’un des brigands.
La seule véritable difficulté résidait dans l’inconstance de la cible à tenir son commerce. En réalité, cette difficulté pouvait être surmontée. Gallenröd tenait un bazar, achetant de tout et revendant de tout. Il suffisait de convenir d’un rendez-vous pour une vente afin d’assurer que ce dernier soit au lieu et l’heure souhaités.
Le regard du gredin se posa sur la jarre elfique contenant le serpent et qu’il avait fait transporter avec lui. Un large sourire apparut sur ses lèvres alors qu’il vint se saisir d’une feuille de papier pour rédiger une lettre. Son contenu était simple. Il se présenta comme un petit bourgeois souhaitant se séparer d’un objet de son héritage afin d’obtenir une certaine liquidité, qu’il pourrait utiliser afin de payer les réparations du navire de sa compagnie commerciale ayant subi les affres d’une attaque pirate. Il joint également une description sommaire de l’objet. Il s’agissait d’une jarre obtenue de son père qui l’avait lui-même obtenu d’un elfe lors des derniers temps sur le continent d’Ambarhùna.
L’objet possédait le raffinement sans égal de l’artisanat l’elfique de par son origine, était fait à partir d’or blanc, muni d’arabesques argentée et sertie de trois pierres précieuses. Il précisa également que l’objet possédait deux glyphes, mais n’en dit pas plus. Il ajouta qu’il souhaitait négocier avec lui la vente dans l’éventualité où Sorel était intéressé et qu’il fallait convenir, de ce fait, d’un rendez-vous. Nathaniel signa par la suite d’un faux nom et ordonna à l’un de ses hommes de se déguiser en serviteur pour aller porter la lettre, lui indiquant également quelques horaires en semaine si un rendez-vous devait être défini.
L’agent du gredin ne vint que bien plus tard, après avoir attendu longuement la présence Gallenröd dans sa boutique pour enfin délivrer le message. Visiblement, un rendez avait pu être convenu à sa boutique. Ainsi donc, le problème de mobilité de la cible était écarté. En l’attente du jour prévu, Nathaniel ordonna à un autre de ses hommes de se faufiler jusqu’à la boutique pour repérer un des brigands surveillant cette dernière et le capturer. Il ne fallut pas plus de deux heures pour que ce dernier ne soit de retour. L’on jeta aux pieds du gredin ce qui ne représentait à ses yeux qu’une misérable petite racaille. Catherina en main, l’elfe sombre se pencha sur l’homme maintenu au sol et lui demanda son nom. Le jeune brigand et présenta sous le nom de Conni. L’elfe sombre se présenta alors. Il était Nathaniel Eärendil, roi de la confrérie, roi des criminels de cet archipel. L’air s’emplit de gravité et on peut presque entendre le déglutissement de l’humain. L’orque fit alors comprendre à l’humain qu’étant lui-même un criminel, il était donc l’un de ses sujets et lui devait donc obéissance. Et bien sûr qu’en échange de cette obéissance une juste récompense pouvait être apportée.
Depuis sa prise de fonctions, l’elfe sombre déployait tous les efforts pour que les confréries aient le monopole de la criminalité sur l’archipel. Cela commençait par soumettre de gré ou de force les autres organisations criminelles, puis se poursuivait par le recrutement et l’intégration des délinquants.
Ce que lui proposait ici le forban, c’était ni plus ni moins qu’entrer au service de la confrérie. Cela offrait de nombreux avantages, mais il fallait se soumettre à de nombreuses règles. Cependant, plus le temps passait, plus entrer aux ordres de la confrérie devenait un incontournable pour tous ceux souhaitant faire carrière dans les domaines mis au ban de la société. Ca ou entrer au service du marché noir.
Conni saisit très bien la chance qui se présentait à lui, mais il saisit également qu’en faisait cela, il vendait son âme et qu’un retour en arrière n’était pas possible. L’humain apparut donc hésitant et se risqua à demander ce qu’on lui demanderait. La réponse ne tarda pas et elle concernait le maitre des mines. Un silence s’installa, le mutisme de Conni devenant rapidement agaçant aux oreilles de l’elfe sombre qui se mit à prendre ombrage. C’est alors que le brigand commit sa première erreur, vouloir marchander avec le roi des forbans, sans être en position de pouvoir le faire. Nathaniel éclata d’un rire moqueur alors que ce dernier commençait à défendre Gallenröd qui avait su se montrer bon pour lui. Malheureusement, quelques minutes et doigts tranchés plus tard, les convictions et la ferveur du jeune brigand volèrent en éclat. Suppliant pour sa vie et pour que cesse cette torture, il vendu sans vergogne celui qui avait pourtant été bon avec lui, s’engageant obéir aux ordres qui lui seraient donnés …
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Une poignée de jours plus tard, le moment du rendez-vous se présenta enfin. Conni s’était arrangé auprès des autres brigands surveillant la boutique du maitre des mines pour être celui de garde pour la journée. L’un des hommes du forban avait pris l’humain en filature afin qu’il accomplisse son devoir et agisse en cas de problème. Nathaniel et ses quatre hommes restants se déplacèrent jusqu’à la boutique afin d’arriver à l’heure prévue. Il était prévu que l’elfe sombre entre avec deux d’entre eux, tandis que les deux autres resteraient à l’extérieur, dans l’ombre afin de surveiller et se préparer à agir si nécessaire.
L’heure fatidique arrivant enfin et l’opération put débuter. Conni manqua de faire faut bond, mais au moment de se retourner en espérant peut-être pouvoir fuir le plus loin possible, il remarqua l’agent de Nathaniel qui se tenait non loin de lui et qui, sentant l’hésitation, avait décidé de rappeler la réalité à leur collaborateur. L’humain escalada donc la face de quelques bâtiments afin de parvenir à l’arrière de la boutique et atteindre une fenêtre à l’étage. Il y pénétra avec peu de discrétion, faisant au passage du bruit à l’intérieur, du moins suffisamment pour que le propriétaire des lieux le remarque et enquête sur l’origine du bruit. Après avoir remarqué, l’absence du gérant dans la boutique, Nathaniel et deux de ses hommes entrèrent avec discrétion. L’elfe sombre usant du vol du bourdon pour figer le carillon à la porte d’entrée, afin que celui-ci n’annonce pas l’arrivée de nouveaux clients. Puis, ferma la porte derrière lui, usant de sa clef squelette pour en verrouiller la serrure avant de tourner l’écriteau annonçant la fermeture.
A l’étage, Conni s’effondra au sol, se tenant la main blessée et larmoyant, se préparant à affronter un Gallenröd dont il avait trahi la confiance.