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Début Février

Venir n’avait été ni long ni complexe, et c’était bien là le drame pour Sélénia la déchue. Nahui s’entraînait à voler au travers de la ville, affrontant sa propre cécité, et toutes les craintes que l’on pouvait avoir à avancer sans savoir quel obstacle se trouvait au-devant. Du moins, c’était là ce qu’elle prétendait, tant auprès des autres qu’auprès d’elle-même. Dans les faits, elle était bien au-delà des toits et des dangers qu’ils représentaient. Son vol était lent, plané, toujours à la limite de la chute. Sa fine langue bifide se glissait prestement et frénétiquement hors de sa gueule aux écailles d’acier blanc, à la recherche de ces subtiles informations qui feraient la différence, cette façon de faire qu’elle pouvait, elle en était certaine, développer.

Ce jour-là, Nahui avait choisi une taille relativement petite, n’ayant pas pour objectif de s’éloigner ou de chasse. Ainsi les airs portaient à l’astre du jour le corps léger et solide de leur enfant. Le vent offrait ce chant promis à ceux qui bravaient les bras de Terre. L’ivresse, cependant, manquait à l’appel, terrassée par le sérieux de ses préoccupations, rendues graves par l’orgueil.

Vains sacrifices que tous ceux-là, car bientôt quelque toit et mur plus haut que la ville vinrent se présenter à son solide museau. Si elle avait pu ressentir la présence de la pierre, l’instant avait été bien trop tardif pour lui laisser la moindre chance. Ses ailes frappèrent les airs avec la violence d’un caprice, repoussant l’attrait de la chute pour embrasser de nouveaux les cieux où elle était reine. Les adversaires d’aujourd’hui ne seraient que les cendres de demain. Peinant à concevoir la notion de vue, Nahui ne s’inquiétait guère de potentiels spectateurs.

Elle reprit son exercice, et la colère se mua en détermination. Sa douleur ne pouvait que l’avoir forgée, et son corps, fidèle allié, saurait fatalement tirer de cela les conclusions nécessaires.
Sa promenade reprit, toujours aussi attentive, son vol glissant de fureur à vol plané acharné. Il lui vint effectivement l’étrange sensation de l’air se faisant plus fort le long d’un de ses flancs, jouant sur sa portance et sur ses forces. Ce vol parallèle composait agréablement avec ses capacités naissances, et caressait tant son égo que son assurance.

Aussi le soudain changement ne lui échappa pas, sans qu’elle eût pu le prévoir. D’un coup, la pression autour de ses ailes se fit plus légère, mais l’air se teinta de chaleur. L’écho de son vol lui revenait, le vent n’était plus. S’intéressant au monde autrement que par son vol, Nahui reconnut également un goût très caractéristique dans l’air. Elle était dans un lieu clos d’un bipède. Pas intéressant, pour voler. Mieux valait faire demi-tour.
À l’instant où elle tournait le dos à l’aventure pour retourner vers sa quête, un éclat particulier capta l’attention de la seule vision dont elle disposait. Magie, et magie intéressante. Cet endroit valait peut-être que l’on s’y attardât, tout compte fait

Beaucoup de glyphes de protections étaient appliqués ici, avec des effets et déclencheurs divers et variés. Fascinant. Quelqu’un qui voulait également devenir invincible. Allié ou rival ? Rival, fatalement. Peut-être pouvait-elle repartir avec un ou deux objets. Ils semblaient grands, mais peut-être qu’en grandissant un peu, cela pouvait s’arranger.
Approchant son museau, l’immaculée dame aux mille défenses tâta l’objet dont il était question, de sa langue et de ses écailles. Cela ressemblait à certains objets que Lié et Lié-de-Lié avaient. Une armure… Une stupide tentative pour s’endurcir. Le monde ne fonctionnait pas ainsi. La résistance ne pouvait venir de l’extérieur : seule celle qui émanait du fond de soi importait, et supportait tous les coups. Mais celle-ci avait l’air sympathique, non pas comme outil, mais comme… Comme ces proies que l’on ramenait aux êtres chers. Elle la ramènerait à Lié, pour qu’il soit heureux, qu’il soit fier, et afin qu’il rappelât aux autres bipèdes combien elle était forte.

Un vacarme commença à se faire entendre, sans que Nahui en aie cure. Elle chercha à rentrer dans l’armure par tous les moyens possibles, cherchant avec sa tête et ses pattes à en ouvrir les jointures, cherchant à trancher de ses crocs d’éventuels liens. Ses gestes étaient vifs, non pas de crainte, mais d’excitation. Cet instant-là n’était pas intéressant. Le délice viendrait quand l’armure serait entre les pattes de Lié !

Il fallut que l’armure tombe, dans un fracas assez puissant pour que même la costaude dracène en grimaça, pour que la solution s’offrît. Le casque roula un peu plus loin, laissant à la future tête de Nuée tout le loisir de s’infiltrer à l’intérieur. La magie picotait le long de ses écailles. Pas désagréable.
Lentement, Nahui commença à grandir, cherchant à se glisser le mieux possible dans le futur présent d’Aldaron.

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Les rares temps que Claudius avait pour lui ces derniers jours, il les consacrait à l’entretien de son équipement.

Bien que le Maître des Armées aurait largement pu déléguer cette tâche à la vue de ses fonctions, il avait toujours cette manie de soldat de s’en occuper lui-même. Cela lui rappelait le bon vieux temps, en plus de garder un ancrage sur les réalités de son métier. De plus, Le Havremont était réellement attaché à de nombreuses pièces de celui-ci, car tout l’intérêt de celles-ci se jouaient dans les détails.

Une éraflure ici était une griffe de vampire qu’il s’était faite au moment de les affronter en 1751, un petit renfoncement par là était un coup de fléau d’armes manqué, une marque à l’arrière était une tape dans le dos d’un soldat après une rude bataille gagnée …

La multiplication des possessions matérielles n’était pas une grande lubie du Maître Havremont, mais une armure était chargée d’histoires, et de choses à raconter, et pour cela Claudius adorait venir s’occuper de son équipement quand il avait un peu de temps.

Cela lui garantissait aussi une manière de s’évader de son quotidien qui était devenu bien moins rose par les temps qui courraient. Si Claudius gardait le cap malgré tout ce qu’il avait dû subir ces derniers jours, son moral n’était pas au beau fixe. La révolte dans la capitale avait été le déclencheur d’une situation où le maître de guerre était passé de « ruminant », à « homme d’action ».

Avoir été seul à gérer une émeute populaire avait véritablement été un point de rupture pour lui : s’il avait foi en Victoria et en ses capacités de reconstruire Selenia après toutes les périodes de déclin de cette nation, il s’était aperçu ce jour où elle avait préféré abandonner son Empire, ainsi qu’avec tous ses Conseillers (à l’exception de Claudius évidemment), qu’au final, elle ne valait pas plus que les autres Kohan qui avaient remporté la guerre contre Fabius.

Dès lors et dans le plus grand des secrets, il s’était entouré de son réseau, avait adressé des lettres aux nombres personnes influentes que lui et sa famille connaissaient. Claudius voulait rendre sa prestance à l’Empire qu’il avait connu dans sa jeunesse. Il était convaincu qu’aujourd’hui, cela devait nécessairement passer par une table rase où l’on devait purger la population des étrangers nocifs (les vampires, pour ne pas les citer), mais aussi par la mise en place d’un pouvoir régalien fort qui aiderait à cette reconstruction, en ne restant pas oisif face à la revendication des citoyens de Selenia.

Claudius chassa cependant ces pensées de sa tête : voilà qu’il s’était promis de s’évader de son travail, et dès lors qu’il ne faisait rien de particulier en rapport avec celui-ci, le naturel revenait au galop et il ne pouvait pas s’empêcher d’y penser. Le vieil homme soupira : au moins, on ne pourra pas lui dire qu’il n’avait pas donné de sa personne pour sauver sa Patrie.

Il marchait dans les couloirs du Palais vers l’armurerie, et y entendait du bruit. Un petit d’abord, alors il se disait que c’était sans doute le vent, puis un déjà un peu plus fort, et plusieurs autres bruits sur la même tonalité, qui ressemblait en tout point à une armure que l’on bougeait.

Claudius arqua un sourcil : pourtant il n’avait pas ordonné à qui que ce soit de venir là, il savait que d’ordinaire, la pièce était bien gardée et que son accès était défendu. Bizarre … Il se dépêcha de venir devant la porte, et il s’aperçut que le garde posté habituellement devant celle-ci avait disparu. Pourquoi, on ne savait pas. Sans doute avait-il été une des nombreuses victimes des fameux trop nombreux « plans de relances économiques » de l’Empire, qui voulait dire « la réduction des dépenses à des services de première nécessité comme l’Armée ou la sécurité intérieure par exemple ».

Claudius maugréa intérieurement, et poussa la porte de l’Armurerie pour voir ce qu’il s’y passait. Il ne vit d’abord pas grand-chose d’anormal, mais à y regarder deux fois, il s’aperçut que son armure était … Habitée. Le Havremont se rapprocha plus près, et là il y vit Nahui … La dragonne d’Aldaron.

Se disant qu’il allait réfléchir au pourquoi du comment plus tard, Claudius se rapprocha rapidement de son armure qui allait céder à tout moment, vu la corpulence que prenait la bête. Il n’osait pas vraiment la toucher, se doutant que cela pouvait potentiellement mal finir pour lui, mais son cœur commençait à s’accélérer de plus en plus vite alors qu’il voyait les lanières reliant les pièces se déchirer, et ces mêmes pièces s’abîmer de plus en plus face aux écailles extrêmement solides de la dragonne …

Claudius fit alors :

« Je vous en conjure dragonne, sortez de là ! C’est mon armure, elle n’est pas faite pour vous et … »

Le Havremont n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il entendit un grand bruit.

Le mal était fait.

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Un bipède s’était rapproché, sans que cela ne trouble Nahui. À quoi bon s’en inquiéter ? Si ce bipède était ennemi, il subirait le sort qui lui était destiné. La téméraire reine des cieux ne s’en inquiétait pas tant. Depuis qu’elle savait cracher du feu, et grandir à en faire frémir les cieux, la confiance de l’immaculée prédatrice ne connaissait plus de limite.

Ainsi l’insignifiante créature pouvait venir l’admirer tandis qu’elle récupérait son dû. Peut-être même pourrait-il conter aux siens la chance que son peuple avait eu de servir ceux qui devaient l’être - quel insigne honneur !
Nahui ne prit pas son temps pour autant. La satisfaction d’Aldaron primait. Les pattes de la dragonne avaient plus ou moins trouvé leur place au sein des emplacements pour les membres rectangulaires de l’humain. En revanche, ses ailes étaient beaucoup trop à l’étroit dans cette carcasse. La Liée de Celui-qui-possède-L’Or essayait pourtant tant bien que mal de trouver quelque orifice dans lequel passer ces immenses voiles qui étaient les siennes. Entre un bout de métal forgé, et les puissantes oriflammes draconiques, renforcées de magie, le combat fut rude. La victoire fut arrachée dans un éclat métallique, parsemé de reflets de glace. La partie arrière du torse de l’armure venait de sauter, bondissant à l’autre bout de la pièce, dévoilant le dos hérissé d’écailles de la belle guerrière.

Un grondement rauque fit vibrer l’armure qui la couvrait encore, suivi d’un rugissement de rage et de frustration,. La gueule de Nahui s’était alors tournée vers le bipède, grande ouverte sur ses crocs. Lorsqu’elle se referma, les côtes de la colérique enfant se soulevaient encore vivement sous l’effet de son humeur. Il y eut un temps, vide, durant lequel elle parut tenter de se calmer - ou du moins, calculer quelque chose. Son esprit vint contre celui de Claudius avec une douceur toute relative. Elle avait au moins essayé. Mais les flammes des émotions étaient en elle une poche magmatique indomptable. Lorsqu’elle fut sûre que l’humain s’était remis de la première impression de l’esprit d’un dragon auprès du sien, elle lui projeta son message, porté par son mécontentement. Malgré tous ses efforts, elle ne pouvait empêcher le bipède de percevoir que ce qu’il ressentait n’était qu’une partie émergée d’iceberg.

Elle associa “son” armure à un concept très simple : mauvais. Elle lui expliqua : oui, son armure était mauvaise, et pour cause ! Elle ne lui allait pas. Elle n’avait pas d’emplacement pour les ailes, et c’était inadmissible. Comment osait-il s’en targuer ? Un nouveau concept vint : Pour Lié. Tous les sentiments liés à Aldaron, du son de sa voix à son odeur, définissaient cet être fabuleux. Nahui lui fit faire le lien entre l’armure et Lié : l’un devait rejoindre l’autre ! Alors seulement son objet serait digne d’un quelconque intérêt, alors seulement il pourrait s’en targuer.

Nahui émit un nouveau grondement, et orienta sa tête dans la direction où la magie de l’armure pulsait encore. Nan, elle n’allait pas se fatiguer à aller la chercher. Au lieu de cela, son attention revint sur le bipède, et elle lui imposa sa pensée : il allait réparer cette armure à laquelle il semblait si attaché, et la remettre sur le dos de celle à qui elle était véritablement.
Ce n’était pas une proposition. Ce n’était pas même un ordre. C’était une affirmation toute en confiance. Il n’était pas envisageable dans l’esprit de Nahui que ce bipède agisse d’une façon qui fut contraire à sa volonté. Les bipèdes avaient un minimum d’instinct de survie.

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Claudius contempla d’un air à moitié attristé et l’autre moitié blasé le cirque dans lequel la dragonne s’était mise.

Pour sûr que la situation aurait pu le faire rire, s’il ne s’agissait pas de son armure, que Nahui s’amusait à transpercer de tout part. Claudius n’était pas le plus grand des matérialistes, mais casser l’armure d’un guerrier était comme voler l’instrument de musique d’un barde, ou saccager le matériel à dessin d’un peintre : cela ne se faisait pas.

Mais expliquer cela à une dragonne, qui par essence n’avait que faire des codes de société bipèdes, c’était une autre paire de manche. Encore que, celle-ci étant liée à Aldaron, Le Maître de Guerre pensa qu’il aurait pu faire son éducation : mais manifestement, Nahui n’avait que faire de tout ceci, et même, elle insista et brisa à nouveau une partie arrière de l’armure du Havremont.

Constatant l’ampleur du désastre, Claudius porta une main à son front, ne sachant pas quoi faire : essayer d’expliquer la situation gentiment allait sans conteste rencontrer l’incompréhension de la blanche dragonne et quant à essayer de la retirer brusquement de là … Il aurait pu le faire, mais Le Havremont avait eu assez de combats contre un dragon comme cela pour une dizaine d’années au moins. Quoique l’instant fut plein d’adrénaline, l’expérience lui laissait un goût amer au final : il avait fait cela pour la nécessité de son Empire et pour éviter de faire plonger son territoire dans une situation encore plus catastrophique que ce qu’elle ne l’était, mais il n’en ressentait pas un grand plaisir, voir même, il se sentait un brin coupable.

Claudius fut cependant interrompu dans ses réflexions par Nahui qui semblait essayer de mettre son esprit en contact avec le sien. Le Havremont se concentra alors subitement, essayant de gérer au mieux le contact de la dragonne avec les maigres compétences magiques qu’il avait à disposition, mais en vérité il se fit rapidement écrasé par les émotions de la dragonne, qui au niveau de la sensation était semblable au centre du volcan Tiamat. Du moins c’est que le Havremont se figura, n’étant jamais allé personnellement jusqu’à là.

Le Maître de Guerre se figura lentement l’origine du mécontentement de Nahui, qui ne manqua pas de s’exprimer avec son langage à elle : Claudius compris ainsi que la blanche liée trouvait l’armure du Havremont mauvaise pour un tas de raisons, mais en premier lieu parce qu’elle ne lui allait pas. Le représentant de la Couronne se gratta la barbe, et tenta d’expliquer le problème :

“Nahui, il est normal que cette armure ne vous convienne pas, elle a été spécialement conçue pour moi, un bipède. Tous les enchantements que vous pouvez ressentir répondent à une logique certaine et d’ailleurs …”

Claudius n’eut pas le temps de finir que déjà Nahui imposait une autre idée : elle voulait ramener cette armure à son Lié, Aldaron donc, qu’elle avait manifestement en adoration. Le Havremont fronça les sourcils et recula sa tête en arrière, avant de reprendre :

“Vous pouvez l’apporter à Aldaron si vous voulez, mais vous savez, je doute que cela lui plaise. Vous le sentez peut être, mais l’armure est très très lourde. Je ne doute pas des capacités physiques de votre Lié qui sont naturellement bien supérieures aux miennes, mais pour se battre, peut-être aime t-il mieux porter quelque chose de plus léger, pour mieux manier son arc par exemple …”

Dans le fond, le Maître de Guerre n’avait pas tort : si son armure aurait pu aller au nouveau vampire Elusis, connaissant le franc-tireur qu’était Aldaron, il se doutait qu’une telle armure soit efficace sur lui.

Mais qu’à cela ne tienne. La dragonne ne semblait pas vraiment de cette avis, et lui fit comprendre que le Maître Havremont devait réparer cette armure. Claudius se frotta les yeux et soupira. Bien qu’il savait enfiler son armure et se débrouiller avec, il n’était pas vraiment un grand professionnel de la réparation.

D’habitude, il laissait plutôt cette partie là du travail à son forgeron. Mais encore une fois, l’expliquer à une dragonne très impérieuse était une autre paire de manche. Le Maître de Guerre eut à réfléchir très vite pour trouver un potentiel échappatoire : il devait éloigner l’attention de la dragonne de cette armure, qui était déjà brisée de toute part. Claudius était en effet peu sûr que l’on puisse un jour la réparer, à la vue de tous les mécanismes complexes d’enchantements magiques qui avaient été apposées dessus et qui venait de partir en fumée à cause de l’attaque de la jeune dragonne.

Seulement comment détourner l’attention d’un dragon insistant à satisfaire ? Le Havremont ne savait pas vraiment répondre, et essaya quelque chose en se souvenant de ce qu’il avait lu sur ces créatures légendaires, et sa propre expérience de parent et grand-parent de jeunes enfants humains :

“Nahui, pour être honnête avec vous, je doute que cette armure vous soit très utile, pour vous et votre lié. Vous n’êtes pas arrivés à Selenia depuis longtemps, et pourtant, déjà tout le pays connaît votre légende, et l’indestructibilité de vos écailles !”

En vérité, Claudius le savait car lui et sa famille avait toujours eu de bonnes relations avec son lié, bien que sur le plan politique ils soient aujourd’hui radicalement opposés. Il ne fallait pas aller bien loin autour de lui pour voir la dragonne un peu partout. Quant à savoir si tout le peuple était au courant … Le Havremont n’en savait rien, mais il admit qu’un peu d’extrapolation pour contenter l’esprit impérieux de la dragonne était une potentielle manière de la calmer.

“Aussi, pourquoi désirez vous vous encombrez d’une telle armure, qui plus est cassée ? Cela n’aura que pour effet d'empiéter sur vos mouvements, à vous et votre lié ? Et si vous tenez tant à avoir une armure magique pour vous, demandez à n’importe quel artisan Sélénien ! Ils sont tellement pauvres en ce moment qu’ils donneraient n’importe quoi pour travailler, et recevoir un peu d’argent !”

Là encore, Claudius ne savait pas vraiment si la dragonne était familière au concept d’argent et de pauvreté, mais il espérait qu’en étant liée à Aldaron, celui-ci aurait appris à Nahui les bases de ces choses là qui faisaient partie intégrante de la vie de l’Elusis. Finalement, Le Havremont fit :

“Nahui. Vous avez la chance de vous trouver au Palais Impérial, n’y a t-il pas autre chose que moi Maître de Guerre, puisse faire pour contenter votre vénérable esprit ?”

En espérant que cela n’aboutisse pas à une demande abracadabrantesque, Claudius estima qu’il s’en était bien sorti sur ce coup là. Il allait devoir attendre les souhaits de la dragonne, mais il espérait au moins qu’elle allait laissé son armure tranquille …

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Une sensation de mécontentement parvint à au bipède quand ce dernier évoqua l’idée que l’armure eut été façonnée pour un bipède, non un dragon. Ce n’était pas là son problème si les siens étaient assez stupides pour ne pas envisager qu’un jour tout reviendrait à un dragon ! Cependant, elle n’interrompit pas davantage son serviteur car ce dernier savait manier ses pépiements pour qu’ils soient agréables. Il reconnaissait la supériorité des Liés et c’était là une très bonne nouvelle, qui apaisa subtilement l’humeur de l’implacable dragonne. Au fond, il n’était pas responsable de ses confrères. Peut-être valait-il mieux qu’eux. Peut-être pourrait-elle faire quelque chose.

Ainsi son esprit contre celui de Claudius ne fut qu’expectative, guettant avec un certain espoir ce que cette inventive créature allait trouver pour la satisfaire. Cela ne vint pas, l’humain ayant l’humilité de préférer les idées de celle-qui-savait aux siennes. Soit. Puisqu’il proposait, Nahui n’allait certainement pas se priver ! Sa taille se réduisit. Un instant, son petit corps parut disparaître dans l’armure, avant que sa silhouette devenue proche des lézard n’en sortit. Hors du métal, elle reprit alors une taille bien plus convenable : sa taille naturelle. encore un peu petite pour véritablement écraser le bipède de sa grandeur, mais suffisante pour lui rappeler ce dont elle était capable, tout en permettant à la dragonne de se mouvoir à loisir, confortablement.

Debout, droite et fière, elle orienta toute son attention vers l’esprit du bipède, s’y ancrant comme pour le jauger sans l’aide de ses vides prunelles. L’esprit contre le sien avait une force surprenante, pour un non-Lié. Comme si, sans dragon, il s’essayait à s’accrocher à quelque chose, et y mettait là toute la puissance que pouvaient avoir les convictions. Attendrissant… Celui-ci pourrait peut-être trouver sa place dans la Nuée, peut-être même auprès d’un jeune. Il avait l’air brave, pertinent. Peut-être pouvait-elle le récompenser à sa manière, afin de le mettre sous son aile… C’était du moins ce qu’elle imaginait faire en préparant des mots de bipèdes. Si dans le même temps cela pouvait l’entraîner à mieux manier ce langage qui paraissait plaire à sa douceur sucrée préférée, il n’y avait pas de raison de se priver. La voix résonna donc dans le crâne du bipède-aux-armures, curieux mélange de voix vampiriques, bribes d’Aldaron, Achroma, Toryné, de tous ceux qui formaient la nuée.

“- Ton esprit est vif ; mais sans le présent du Lien, tu n’as pu comprendre. Lié…” Sa voix portait à ce bipède, encore une fois, toute l’adoration qui définissait ce mot. “... et moi-même, n’avons besoin de rien, car nous avons tout.”

Elle étendit les ailes, comme pour rappeler leur grandeur et leur pouvoir. Des bruits métalliques accompagnèrent son geste, sans qu’elle n’en eut cure.

“- Ce que je viens chercher ici est par-delà l’utilité. Je viens chercher de quoi enivrer le coeur de Lié. Il aime ce qui vient de ton territoire, Sélénia. Il lui a donné un charmant nom, que les tiens devraient porter avec fierté : Tÿr’lhyr.”

Le concept par lequel Nahui l’aurait défini dans le langage du coeur accompagna le mot jusqu’au bipède : Tÿr’lhyr signifiait “là où se trouvent les trésors, ce que l’on veut à soi”. Petit à petit, elle voulait amener ce bipède-là à comprendre, pour mieux les servir. Néanmoins, au fond de son propre esprit, la dragonne sentit quelque chose s’agiter. Lié… Ne pouvait-il pas la laisser faire des surprises en paix ? De ce qu’elle perçut, néanmoins, la dragonne sut qu’elle avait fait quelque chose qu’elle n’aurait jamais pensé pouvoir faire : une boulette. Bien contente de savoir masquer ses émotions auprès de l’autre bipède, Nahui se mit à réfléchir à vivre allure. Difficile de supprimer la mémoire d’un bipède. Lié ne semblait pas non plus vouloir qu’elle supprime cette mémoire “par la force”. Cherchant à gagner du temps, la Liée offrit au bipède-aux-armures de quoi penser, tandis que son esprit venait se blottir et roucouler contre celui d’Aldaron, couinant de honte, blessé, désolé.

“- N’estimes-tu pas cette armure comme une digne offrande ? Soit. Alors montre-moi ce qui en ces terre comblerait davantage de joie mon Lié. N’essaye pas de te jouer de moi, car je le saurai.”

La dernière remarque aurait pu passer pour une menace, mais elle n’en avait le ton. Cela passait plutôt comme une simple information pour celui qui en manquait… Tandis qu’elle réfléchissait encore à ce qu’elle allait faire de lui, et à une façon de remonter le temps pour éviter de fâcher Lié.

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Claudius constata que ses arguments firent mouches, et aussitôt avait-il fini de parler que déjà la blanche dragonne disparaissait de l’armure, pour reprendre une taille relativement standard pour un membre de son espèce de son âge.

Enfin un instant de paix ou une catastrophe ne se produisait pas ! Mais pour combien de temps … Claudius profita de cet instant pour regrouper rapidement les morceaux d’armure déformés (ou détruits) par la dragonne, désireux de constater l’étendue des dégâts. Et comme prévu, son armure (ou plutôt ce qu’il en restait) était dans un très mauvais état.

Ce qui ne rassura pas vraiment le Maître de Guerre s’il devait être amené à combattre la liée d’Aldaron dans les prochains jours. Après tout, même si Nahui ne devait certainement pas comprendre toutes les tractations politiques qui animaient la vie en Selenia dernièrement, Claudius avait le sentiment que brûler une armée de bipèdes ne la gênerait pas plus que cela.

Du moins c’est ce que le fort esprit de la dragonne lui disait, quand ils se jaugeaient mentalement tous les deux. Si Nahui voyait en Claudius une personnalité forte, alors ce qui apparaissait aux yeux du piètre mage qu’était le Havremont, c’était d’abord l’implacabilité de la dragonne, caractéristique de son espèce mais ici particulièrement ancrée chez elle.

Comme si malgré son jeune âge, elle avait dû se construire cette carapace protectrice, mais aussi tout de suite s’affirmer comme une personnalité forte. Ce qui n’était pas incohérent quand on voyait l’entourage direct de la dragonne blanche. Et d’ailleurs, cela se ressentait jusque dans sa voix, qui était étrangement masculine, mais aussi très clairement affirmée ret volontaire.

“- Ton esprit est vif ; mais sans le présent du Lien, tu n’as pu comprendre. Lié… et moi-même, n’avons besoin de rien, car nous avons tout.”

Claudius observa la dragonne alors qu’elle étendit ses ailes, bousculant des parties d’armure que le Havremont avait regroupés non loin d’elle. Grand mal lui en pris, car celles-ci tombèrent d’un coup au sol, dans un grand bruit métallique sourd. Le Maître de Guerre soupira : au moins ils ne tomberont pas plus bas.

“Ce que je viens chercher ici est par-delà l’utilité. Je viens chercher de quoi enivrer le coeur de Lié. Il aime ce qui vient de ton territoire, Sélénia. Il lui a donné un charmant nom, que les tiens devraient porter avec fierté : Tÿr’lhyr.”

C’est à ce moment précis que cela devint intéressant pour le Havremont, qui regarda la dragonne d’un air oscillant entre le circonspect et l’intéressé : “là où se trouvent les trésors, ce que l’on veut à soi” … Voilà comment Aldaron définissait Selenia. L’esprit de Claudius se mit soudainement à réfléchir à toute vitesse, avant qu’il n’ouvre grand les yeux.

Noon … Il n’aurait pas osé faire cela ? Le Havremont avait soudainement bien des soupçons, mais il refusait d’y croire. Après tout, même si leurs chemins à tous deux avaient été différents, Claudius savait non seulement lui-même, mais aussi toute sa famille, très ami avec Aldaron. Il savait que malgré les nombreux faux pas des dirigeants vis-à-vis de sa personne, l’Elusis avait toujours été très attaché à l’Empire.

Alors il n’aurait quand même pas pu … Le Havremont sentit une montée d’émotions en lui, ne sachant plus quoi penser. Et cette dragonne qui n’avait probablement pas conscience de ce qu’elle venait de faire. Claudius serra le poing, ne pouvant cette fois-ci plus ignorer ses soupçons : il savait Aldaron très influent, et en capacité de faire bouger les lignes économiques d’un pays par simple volonté, alors aurait-il pu … volontairement provoquer la ruine de Selenia ? … En s’aidant de ses multiples réseaux, comme le Marché Noir par exemple ?

Non.

Claudius ne voulait pas y croire.

“- N’estimes-tu pas cette armure comme une digne offrande ? Soit. Alors montre-moi ce qui en ces terre comblerait davantage de joie mon Lié. N’essaye pas de te jouer de moi, car je le saurai.”

Claudius arqua un sourcil à la question de la dragonne. “Ce qui comblerait davantage de joie mon lié” … Le Havremont tourna cette phrase de l’intimidante dragonne plusieurs fois dans sa tête, avant de pousser un petit soupir.

Il allait devoir confirmer ses soupçons, bien qu’il détestait faire cela à propos d’un ami qu’il aimait sincèrement encore maintenant. Claudius intima à la dragonne de le suivre. Car il pensait que ça n’était pas la salle des armures, qui intéressait son Lié. Bien loin de toutes considérations matérielles, car comme Nahui l’avait si bien dit, eux possédaient tout, s’il y avait quelque chose qui intéressait Aldaron, le Maître de Guerre savait ce que c’était.

Dragonne et Humain s'orientaient dans le Palais vers la salle du trône, une imposante pièce où il n’y avait presque rien, si ce n’est des bannières à l’effigie de l'emblème du pays, et le trône impérial où se trouvait habituellement l’Impératrice du pays. Elle n’était pas là à ce moment précis, probablement car ils devaient se situer dans des heures en dehors des audiences publiques.

Le Havremont passa les quelques gardes en les saluant, avant d’entrer dans la pièce et de la parcourir, petit pas par petit pas. Un calme étonnant régissait cette pièce, contrastant drastiquement avec l’agitation perpétuelle qui régnait dans La Majestueuse. C’était à se demander si ce lieu de toutes les convoitises était prisé pour ce qu’il représentait, ou alors car il permettait de se couper de l’Empire, dans un état désastreux, pour un instant.

Claudius s’approcha du trône, et le désigna à la dragonne, tout autant que la couronne qui se situait à côté de l’imposant fauteuil, sous une cloche de verre autour de laquelle pulsait des mécanismes magiques très puissants, afin que l’on ne la déloge pas de son endroit sans autorisation.

Savait-elle ce que ces choses là représentaient ? Si ça n’était pas le cas, Claudius tâcha de lui expliquer à travers des concepts qu’elle comprendrait : ce trône, cette couronne, c’était l’assurance d’avoir une totale suprématie sur tous les bipèdes, qui vivaient là dehors. Avec ce lieu à la disposition de son Lié, et de la dragonne, bien plus que des possessions matérielles, ils auraient entre leurs mains un formidable pouvoir leur permettant d'asseoir sans partage leur domination.

“Est-ce cela que vous cherchez, vous et votre lié ?”

Murmura le Havremont à la Blanche Dragonne, alors qu’il regardait d’un air las la Couronne et le Trône.

Il espérait sincèrement que la réponse de Nahui allait être négative.

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Puisqu’ils s’aventuraient dans le palais, Nahui prit la plus petite taille qui lui était possible d’atteindre. Elle ordonna à ce bipède, qui était à elle par les tacites lois de ce monde, de l’aider à se cacher. Elle savait que Lié n’avait pas que des alliés, qu’il était fort aisé pour les bipèdes de penser à mille comme un seul esprit lorsqu’il était question d’abattre quelqu’un. Nul n’aurait cette opportunité. Le Maître de Guerre était un bipède intelligent, mais d’expérience, Nahui savait qu’elle ne pouvait en dire autant de ses congénères - surtout s’ils tournaient le dos à Lié. Prudence, donc. La dragonne se faufila à l’intérieur de la chemise de Claudius, trouva son odeur assez forte pour un humain, et s’accrocha de ses petites griffes non-loin de quelques organes vitaux. Simple précaution, rien de personnel. Lié aurait été fort fâché si elle avait manqué quelque geste pour sa sécurité. Elle, elle n’avait jamais peur. Jamais. Surtout pas lorsqu’elle devait assumer ses caprices dans un milieu empli de potentiels ennemis. Si son instinct parlait en ce sens, elle ne pouvait de toute façon s’en dérober.

Le trajet se fit dans le calme, la petite très occupée à blottir son esprit contre celui de Lié, lui murmurant de douces paroles sans mots, l’enlaçant d’amour et de regrets. Mais était-ce vraiment une bêtise, au fond ? Lié était si bon dans tous ces arts oratoires qui étaient ceux des bipèdes, tous ces jeux d’ombres auxquels ils aimaient s’adonner. Ne pouvait-il pas, par lui-même, évincer tous les éventuels soucis qu’elle venait de créer ? Elle était sûre que si, et il ne fallait guère qu’il doutât ainsi de lui.

L’arrivée dans la salle où se trouvait le cadeau pour Lié fut perceptible même sans regard. Ici, l’agitation se taisait, pour un silence respectueux où résonnaient en écho les pas de Claudius. Oui, cela ressemblait à l’idée que la dragonne se faisait d’une pièce où reposait quelque trésor important ! Ce bipède de guerre était vraiment très fûté. Escaladant son support de ses petites griffes, la dragonnette vint se hisser sur l’épaule de Claudius, avant de prendre un léger envol plané pour se diriger non-loin du socle où reposait la couronne.
Sa petite tête triangulaire pointait vers ces objets qui lui étaient désignés. Elle tourna un peu autour, les jaugeant sous tous leurs angles, attentive aux paroles du bipède sans pour autant le paraître. Lorsqu’elle eut fini ses propres estimations, selon des critères qui lui étaient propres, la petite s’assit sur son séant, enroulant sa qeue autour de ses pattes, son regard aveugle tourné vers le bipède. Son esprit portait tout l’orgueil et toute l’assurance qui la définissaient lorsqu’elle transmit à Claudius :

“- Tu te fourvoies. Rien en ces objets ne concède la domination. C’est une idée des tiens. Lié et moi n’en auront pas besoin. Un jour, tous reconnaîtront notre Nuée pour ce qu’elle est.” Les émotions qui accompagnaient ces paroles décrivaient cette Nuée : naturellement supérieure, magnifique, conforme à l’ordre du monde. Les autres, les non-Liés, seraient heureux, car ils seraient à leur place, admirant et choyant les membres de la Nuée. “Puisque tu vaux plus que les tiens, tu ne seras pas en reste.” Assura-t-elle, avant de conclure : “Nous ne cherchons pas ces objets, Lié et moi.”

“- En revanche… Je suis certaine que ceux-là lui plairont.”
Elle désigna mentalement ce qu’elle percevait ; à savoir le socle et la couronne. “Le protège-objet lui serait utile, et l’objet protégé a l’air porteur d’histoire. C’est parfait ! Tu as bon goût pour les cadeaux.” Le compliment vint caresser l’esprit du bipède, dans une récompense pleine de fierté. Sans mot, elle lui fit comprendre que Lié serait informé de son aimable participation au présent. “Aide-moi à les transporter ! Peux-tu réduire leur taille ? Ou… Me les transmettre, si je sors par la fenêtre pour grandir et les prendre dans ma bouche ?” La queue de la dragonnette frappait frénétiquement le sol, sous l’effet de la satisfaction et de l’excitation. Ces cadeaux-là étaient bien mieux, et elle avait hâte de voir la réaction de Lié en les recevant !

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“Tu te fourvoies. Rien en ces objets ne concède la domination. C’est une idée des tiens. Lié et moi n’en auront pas besoin. Un jour, tous reconnaîtront notre Nuée pour ce qu’elle est.”

Claudius plissa les yeux. Il avait bien envie de répondre à la dragonne qu’en ce qu’il le concernait ce jour n’était pas prêt d’arriver, et que tant que la fameuse Nuée de la dragonne - et spécialement Achroma Elusis - se trouverait en Selenia il ferait tout ce qu’il était encore capable de faire du haut de ses cinquante ans pour les empêcher de faire main basse sur le territoire.

Mais c'eût été s’attirer les foudres de la dragonne, et en vérité Claudius avait déjà eu bien assez d’un seul combat contre un dragon pour réitérer l’expérience une nouvelle fois si vite. D’autant qu’en vérité, il commençait à s’attacher à la dragonne, bien qu’elle fut hautement partisane pour ce camp qui les séparait.

Claudius soupira. Il était déjà las de cette guerre en devenir. La vérité, c’est qu’il détestait ce qu’il allait devoir faire. Le maître de guerre ne pouvait désormais plus ignorer les révélations de la dragonne au sujet des activités d’Aldaron dans son pays, et il allait devoir a minima enquêter, voir l’accuser publiquement lui et son entêté de mari de nuire à la patrie qu’il chérissait tant.

Mais la question était : est-ce qu’il avait vraiment envie de faire cela ? Malgré tout ce qui les séparait depuis quelques années, Le Havremont avait gardé une haute confiance en Aldaron, au nom de sa famille qui avait toujours entretenu de bonnes relations avec sa personne.

Mais il était hélas des causes qui nous transcendaient. Et si Aldaron valorisait sa famille, sa “Nuée”, comme cette dragonne l’estimait, pour Claudius c’était l’Empire qui primait. Un Empire fait par les Humains, pour les Humains. Un Empire fort, riche de son millénaire d’histoire et de sa domination presque sans partage sur les terres qui composaient Ambarhùna en son temps. Un Empire à l’agonie, mais Claudius était auprès de lui chaque jour, en priant qu’il renaisse de ses cendres.

Néanmoins pour le faire renaître, il était justement bon d’éloigner les cendres de son palpitant : hors, cette dragonne était justement potentiellement porteuse d’un feu qui pouvait embraser ce Palais à l’instant où elle le désirait si on accomplissait pas son moindre désir.

Or, quand ce désir portait sur la Couronne en elle-même, ainsi que le socle qui la protégeait …

Oui, on pouvait dire que Claudius était un dans un beau pétrin.

“Aide-moi à les transporter ! Peux-tu réduire leur taille ? Ou… Me les transmettre, si je sors par la fenêtre pour grandir et les prendre dans ma bouche ?”

Le Havremont se frotta la barbe et analysa la situation en posant son regard sur la dragonne, puis la couronne. Il ne pouvait pas en réduire la taille, car il n’était pas mage (et il sentait de toute façon qu’il aurait été vain d’essayer de briser les mécanismes qui étaient rassemblés autour de cette couronne). Restait donc l’option de le transmettre à la dragonne, mais tout cela n’allait pas être des plus discrets.

Et bien que les relations entre les Elusis et le Havremont n’étaient plus au beau fixe depuis longtemps, il voulait éviter d’envenimer encore plus une situation en faisant accuser le clan d’avoir voulu voler la couronne.

Mais d’un autre côté, s’il assumait d'aider la dragonne dans son petit numéro, c’était lui qu’on allait accuser de fourvoyer les derniers semblants de majesté qui restaient à la famille Kohan. Voir pire, de pactiser avec son ennemi juré, ce qui aurait été autrement plus grave.

Claudius soupira. Pourquoi fallait-il que ses amis soient toujours à choisir des camps opposés aux siens ? Il aurait apprécié faire cette bêtise car il fallait avouer que c’était plutôt comique de la part de cette dragonne de vouloir gâter ainsi celui qui possédait tout … Mais pas en des temps diplomatiques aussi tendus !

Le Havremont passa une main sur son visage : c’était soit mécontenter la dragonne et tout ce qu’elle représentait avec elle, soit mécontenter sa couronne.

Plus les secondes défilaient, plus il se disait que c’était un vrai beau pétrin, bien de chez lui. Un authentique produit du terroir Havremont, comme on en faisait beaucoup trop dernièrement.

Claudius soupira, regardant la mine excitée et satisfaite de la dragonne. Il aurait été vraiment impoli de la décevoir. Mais comment pouvait-il anticiper qu’elle dise oui quant à sa question ? Maudit soit-il d’avoir proposé une telle chose.

Le Maître de Guerre sortit de ses réflexions momentanément, avant de commander aux gardes se trouvant dans la pièce :

“Messieurs, L’Impératrice a exigé que se tienne d’ici quelques secondes une audience privée dans cette salle avec Aldaron Elusis et moi-même, alors par mon autorité de Maître de Guerre, sortez d’ici.”

Les quelques gardes disposés ça et là le regardèrent d’un air un peu circonspect, mais ne firent pas un pli quant à la demande du Havremont. La hiérarchie était ce qu’elle était, et s’il n’était pas concevable de jeter la couronne et son socle à une dragonne, il était encore moins concevable de désobéir à un membre du Conseil Impérial. L’excuse de Claudius n’était qu’un prétexte à ce que l’on ne trouve pas étrange qu’on le croise lui et la dragonne blanche dans la même pièce.

Une fois que les personnes furent partis, Claudius tapa dans ses mains, comme pour commencer à organiser son stratagème.

“Nahui, nous n'aurons que quelques minutes pour agir, mais je vais considérer votre deuxième option. Je vais vous tendre le socle, et une fois ceci fait, je ne veux plus vous voir ici pendant au moins quelques minutes. Si l’on vous pose la moindre question, vous et votre Lié êtes avec l’Impératrice Victoria, qui vous a confié cette couronne pour que vous puissiez vous amuser. Est-ce bien clair ?”

C’était probablement le pire plan que l’esprit du très grand stratège Claudius de Havremont ait jamais conçu, mais il avait le mérite d’exister et de les protéger un minimum tous les partis à cette grotesque farce.

“Maintenant sortez et faites en sorte de grandir ! Notre temps est compté.” Fit-il d’une voix pressante, et quelque peu inquiète.

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Un frénétique son de tapotement contre le carrelage ponctua l’ordre de Claudius envers les gardes. Ce tapotement, c’était la queue de Nahui. De toute évidence, une marque d’excitation, entrain, joie, ou les trois en même temps. Elle était particulièrement rassurée par la tournure que prenaient les événements. Des bipèdes en moins, c’étaient autant d’adversaires en moins. Un seul bipède pouvait se maitriser facilement, dans le pire des cas. Avec celui-ci, elle doutait d’avoir besoin d’en venir à de telles fins. Il était définitivement très pertinent.

Le plan lui convenait à merveille. Son esprit heurta celui du bipède-de-guerre avec toute sa satisfaction. Une récompense qu’il avait bien méritée. Néanmoins, un détail demeurait, un peu gênant. Par chance, l’orgueil de Nahui avait déjà la solution.

“- Ouvre-moi la fenêtre.”

Elle le suivit en trottinant, très contente de n’être pas équipée des outils pour utiliser les créations bipèdes. Une bonne excuse pour ne pas reconnaître qu’elle ne savait trouver ladite fenêtre. Les habitants de ces lieux pouvaient s’estimer heureux car, n’eut-elle pas connu ce désagrément, elle se serait contentée de passer au travers du verre sans inquiétude pour la personne qui se chargerait des réparations.
Au lieu de cela, elle se montra fort attentive aux sons produits par l’ouverture, au courant d’air frais créé. Son instinct fit le calcul. Elle prit de l’élan, s’élança, profita des micro-instants qu’elle avait pour rectifier sa trajectoire, retrouva la terrifiante et magnifique immensité qui était le domaine des dragons.

Nahui fit alors demi-tour, pour de nouveau faire face à son serviteur. Il y eut un instant un peu maladroit où elle dut trouver l’équilibre entre sa croissance et la distance de son museau avec la fenêtre de la salle du trône. L’humain put voir la petite langue bifide de la dragonne sortir prestement, plusieurs fois, tâter le terrain devant elle. Lorsqu’elle eut atteint sa plus belle taille, gigantesque créature devant la petite salle du trône, elle ouvrit la bouche, prête à recevoir son présent, dévoilant des crocs immaculés grands comme des épées, et l’intérieur brûlant d’une gueule apte à souffler des feux dévastateurs.

Mais elle fut sage. Sa mâchoire se referma avec grande délicatesse sur les deux objets, qu’elle reconnut par leur présence magique. De nouveau, elle félicita ce brave bipède, lui promettant de ne pas l’oublier en temps venus. Puis, joyeusement, à coups d’ailes guillerets et fiers, elle prit la direction qui la mènerait à son Lié. Elle avait de gros câlins à lui faire, ainsi que le fruit d’une chasse pour le moins inhabituelle à lui remettre, en gage de leur éternelle affection.

“- Ils s’imaginent que leurs idées les protègent, Lié. Nous savons, toi et moi, que notre magnanimité est leur salut.”

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