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descriptionAux prémisses d'une guerre [Claudius] EmptyAux prémisses d'une guerre [Claudius]

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1er février


« Ivanyr… »

Il le sentait, Achroma, lui aussi. Probablement moins intensément qu’Aldaron puisque l’ancien elfe portait l’Alliance du premier des dragonniers. Mais il le sentait : cela recommençait, comme avec Firindal. Il sentait le danger dans toutes les fibres de son âme, la terreur qui lui enserre le ventre si vigoureusement que s’il avait été encore vivant, il en aurait relâché tout son repas. Il sentait la lourdeur de la chute depuis les cieux, quand la terre se fait violente sous son corps d’écailles. Il n’était pas Cynoë, mais il le vivait comme lui. Ses muscles se crispaient, encaissaient l’éclat comme il le pouvait, privé de sa liberté.

Il savait. Il venait s’agripper aux écailles blanches de sa dracène, comme pour se conforter dans l’idée qu’elle allait bien, qu’elle, elle n’était pas aux griffes de ce qui se produisait quelques lieux plus loin. Il ne pouvait pas vraiment aider Nolan, ni le saurien d’améthyste. Dans la poudreuse d’une Nevrast en plein essor, tombé sous le joug de son époux, voyager jusque Sélénia serait bien trop long. Quand bien même il pourrait se téléporter, que ferait-il, seul, alors qu’un dragon adulte ne parvenait à se défaire d’une telle emprise ?

L’Ast laissait les yeux de l’Alliance du Premier voir à travers ceux de Cynoë. Il percevait ces âmes cruelles sceller ses écailles, déchirer ses ailes. Il voyait son dragonnier, l’ancien Empereur Kohan, être éloigné alors que Mort ouvrait ses bras dans un trépas solitaire. Il sentait le sang dans sa bouche, la souffrance dans chacun de ses mouvements quand ses robustes écailles n’avaient pas suffi. Quel était ce massacre, cette barbarie ? Quelles étaient ces âmes désincarnées qui se plaisaient à briser une créature sans le moindre scrupule, sans que personne ne les arrête ? Pire, l’on venait se joindre à eux ? Le désespoir et la douleur blanchissait sa vue, mais il refusait d’abandonner la vision qu’il avait. Son âme hurlait du déchirement magique qu’il ressentait, comme si tous les dragonniers et dragons liés étaient faits d’une même chair.

Il restait près de Cynoë, son âme vibrant auprès de la sienne, pour l’accompagner à défaut de pouvoir le secourir. Il était là, dans sa tête, à travers ses yeux, dans les tremblements de ses muscles. Il le vivait, se mourrait avec lui. Il sentait ses forces l’abandonner. Il criait, hurlait. Ces monstres n’en avaient pas eu assez de Firindal… Quand cela finirait-il ? Quand ces hommes retiendraient la leçon ? L’Ast se recroquevilla, les yeux injectés d’un sang qui, noir, coulait sur ses joues. Tout son corps tremblait, épris qu’il était d’une sensation d’étouffer. On le blâmerait, n’est-ce pas ? Lorsqu’il brandirait l’épée de la vengeance, on viendrait lui dire que c’était lui le monstre.


5 février


Le voyage avait été difficile, non pas parce qu’ils avaient rencontré des difficultés, mais parce que son cœur saignait encore de ce vide qui le torturait. Il avait retenu Nolan. Il n’avait pas eu le temps de le faire avec Orfraie, car celle-ci avait refusé de se battre. Elle s’était offerte à Mort mais le jeune Kohan s’accrochait à sa vindicte. Et Aldaron était venu soutenir son âme, par télépathie, le poussant à tenir bon. Cela avait été particulièrement éprouvant et épuisant pour le nouveau-né vampirique qu’il était, mais on ne peut plus nécessaire.

Il ne soutenait pas le Kohan. Il avait été bien trop déçu par cette lignée, à commencer par Korentin. Nolan l’avait suivi dans cette perspective. Il soutenait le dragonnier. Le Lien était si récrié que trouver des soutiens était particulièrement pénible. Même s’il en voulait à Nolan, Aldaron savait combien il était attaché à lui, malgré tout. N’était-ce pas un paradoxe ? On pardonnait aux personnes qu’on aimait. On fermait les yeux sur leurs erreurs, leurs crachats au visage. On laissait cela couler et on apportait son aide. L’Ast ne pouvait pas oublier les quatre siècles où il s’était trouvé au service de la lignée Impériale. Il avait le cœur serré par leur ingratitude mais… Était-ce stupide de sa part de s’attacher tout de même ? Il y avait ce quelque chose qui le retenait, indéfinissable et pourtant si poignant.  

Au Palais, certains l’avaient regardé de travers, lui et son époux. Aldaron n’avait pas tardé à comprendre pourquoi. La mission à Ipsë Rosea avait été un échec.  L’alliance des vampires avec les pirates devenait un odieux soupçon, si criant de vérité et il y avait cette famine dont souffrait Sélénia et à laquelle le Marché Noir semblait être lié. On ne retenait que ce qu’on voulait bien retenir, n’est-il pas ? La présence des vampires pour maintenir l’ordre à Sélénia suite au récent débordement ? L’aide que la Triade avait toujours apporté au Kohan avant de se faire cracher au visage et humilier par Korentin puis Nolan, sans aucune raison valable ? Sa volonté de sauver l’empire humain d’une couronne décadente ? Non, on ne retiendrait rien de tout cela. N’était-ce évident ?

Alors, lorsque son venin s’infiltra dans les veines du jeune Nolan Kohan, il n’eut pas le moindre remord. Il ne pourrait que faire de lui un être meilleur. Cela ne pouvait pas être pire que l’ingratitude de tout ce qu’il était, lui et sa lignée gangrenée.


7 février


Il était son enfant, leur enfant, à tous les deux. Le venin le maintenant dans un état de mi-vie, mi-mort, tandis qu’Achroma, avec le légendaire cœur de Skade, purifiait leur enfant du Lien qui l’entrainait vers la mort. Il purgeait sa mémoire pour que son cœur s’apaise. Bientôt, il se réveillerait, vampire. Ast. Héritier du clan Elusis.  N’était-ce un jour glorieux ? Et pourtant les bruits de couloir n’étaient de bon augure. Il sentait que les vampires ne seraient plus les bienvenus très longtemps ici… Du moins pour leur clan ?

Dans la chambre royale, Aldaron se délectait du silence, tenant son fils en transformation dans ses bras. Cela faisait plusieurs jours qu’il vomissait son sang, le cœur en sueur. Le processus était long, douloureux… Mais nécessaire. Vu l’état psychologique de Nolan, il aurait été dangereux de le vider de son sang en lui ouvrant la gorge. Il ne voulait pas le perdre par erreur, prudence était de mise. Les draps blancs en satin étaient devenus carmin. La pièce était plongée dans une demi-pénombre pour protéger le nouveau-né à venir. L’encens diffusait une odeur prenante et enivrante, facilitant la transe dont Aldaron avait tant besoin pour prendre des nouvelles, dissimuler le Marché Noir et organiser leur protection si Sélénia s’enflammait à nouveau.

Ses mires verdoyantes se posèrent sur la porte qui s’ouvrait, dévoilant la haute silhouette du Maître des Armées. Le regard du vampire était froid, presque suspicieux. D’un geste paternel, instinctif, il resserra son étreinte sur son enfant, comme s’il craignait qu’on vienne pour le lui arracher. Lèvres scellées, Aldaron ne pipa mot, expectatif sur la raison de la venue de Claudius. Il ne savait pas s’il devait s’inquiéter ou relâcher la tension. Il était difficile de savoir ce qu’on pensait de lui. La Triade ne faisait pas l’unanimité. Si certains gardaient du respect pour lui, d’autres lui crachaient dessus sans vergogne et il avait été, tant de fois, confronté à la déception qu’il n’était plus vraiment à une de plus ou de moins. Il avait côtoyé les Havremont. Il les avait aidé et respecté. Il avait été un elfe parmi les humains, gravitant au sein de la noblesse. Il avait lutté contre le Tyran Blanc avec le Marché Noir comme cordon de survie pour le Protectorat… Mais ça ? Tous avaient la mémoire courte.

Aldaron ne pouvait pas leur reprocher. Il était devenu un méchant vampire maintenant. Son expression se fit blasée alors que sa tête se penchait sur le côté. Il réalisait que cela faisait beaucoup trop de temps que le silence existait entre les deux hommes, depuis l’arrivée de Claudius et pourtant ? Il ne trouva pas à ouvrir la discussion. Il ne savait pas même s’il en avait envie. Il alla enfouir son nez dans le cou de son enfant pour y déposer un baiser, promesse qu’il le protégerait, quoi qu’il se passe ici. Furtivement, le regard d’Aldaron s’était dirigé vers son épée blanche, laissée sur la commode… Puis revint sur Claudius. Aurait-il à se battre ? Il n’en avait pas la moindre idée.

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5 février
Il était tard dans la nuit. Claudius ne trouvait pas le sommeil, et n’avait en ce moment personne pour le réconforter auprès de lui. Depuis ces derniers jours, il avait congédié sa famille hors de la capitale, et les avaient très fortement encouragé à retrouver Lucilius, son frère, dans la Nouvelle Havremont, son fief dans les nouvelles terres de l’Empire.

Claudius n’avait pas pris le temps de leur expliquer en détail le pourquoi du comment, mais ce qui l’important, c’est que tous soient en sécurité, et surtout le petit Arturius de Havremont, son petit fils qui était encore un bambin si jeune et si fragile.

La vindicte populaire avait changé beaucoup de choses ces derniers temps, et avec elle les prises de position de Claudius s’étaient faites de plus en plus marquées. Il était aujourd’hui tellement engagé contre les vampires Elusis, qu’il en était arrivé au point où il se disait que sa famille n’était plus en sécurité ici.

Depuis qu’il avait eu vent du complot, le Havremont avait éloigné tous ses proches, craignant pour eux qu’un assassin ou deux ne traînent dans les couloirs et tuent froidement un de ses êtres aimés.

Bien sûr, il ne pouvait pas garantir la sécurité de tous les Havremont, mais savoir au moins sa petite famille protégé par Lucilius en ses terres le rassurait certainement.

Ce soir, il s’asseya à son écritoire dans sa chambre, sortit du papier à lettre, débouchona de l’encre, et pris sa plume.

« Ma très chère Aliséa, mon amour.

Je suis navré de ne pas avoir pris le temps de te donner plus de nouvelles que cela. Je suis fatigué. Fatigué de la Couronne qui n’entend pas nos cris d’alertes depuis des semaines, fatigué d’avoir l’impression d’être le seul à bord pour sauver un radeau qui tangue depuis que nous avons tous immigré, fatigué de devoir faire face à tous nos ennemis qui voudraient voir ma tête sur une pique, et qui voudraient que notre glorieux Empire d’antan ne devienne plus qu’un hameau tâché par le sang, les flammes, et la guerre.

En La Majestueuse, mes soutiens se comptent sur les doigts de la main, et si nous commençons à être un peu entendus, j’ai bien peur que tout ceci ne puisse se résoudre que par la force.

Tu le sais déjà, mais ce que cet Oracle de Néant m’a transmis me consterne, et ne cesse de hanter mes nuits. Je suis quasiment à couteaux tirés avec Achroma, et je ne reconnais plus Aldaron. Le savoir instigateur d’une grande partie de nos maux me chagrine énormément. Il est vrai qu’il a fait son choix lorsqu’il a rejoint Caladon et en est devenu le dirigeant, mais … Pourquoi nous avoir autant saigné ? Pourquoi avoir tant affamé les peuples, pourquoi nous avoir appauvri en moins de temps qu’il  ne le faut pour le dire ? Pourquoi se déchainer sur un peuple qui n’a rien fait, et qu’il aimait tant avant notre exode et les troubles avant celle-ci ? Cela reste un mystère pour moi.

Je suis en colère, mais la vérité, c’est que j’ai l’impression d’être profondément dépassé. Porteur d’une idéologie, d’un sens de la Patrie qui n’est plus actuel, ne séduit plus personne sauf moi et nos quelques amis encore vivants.

Suis-je trop vieux, Aliséa ?

Je devrais peut-être donner l’opportunité à Julius de plus faire ses preuves au poste comme le mien, et me retirer progressivement pour vous rejoindre et m’occuper de ma famille, de mon petit fils. Vous construire enfin une demeure digne de ce nom, où nous pourrions tous vivre en paix. Peut être prendre quelques chèvres, Ilhan m’en vantait tant les bienfaits …

En attendant de vous revoir tous, je te transmets tout mon amour. Occupe toi bien d’Arturius surtout, et embrasse mes frères ainsi que Diane. Il me tarde de retrouver ton parfum si rassurant qui me fait oublié si vite tous les marasmes de la Capitale habituellement … Nos moments ensemble me manquent, mais je suis convaincu que nous pourrons nous retrouver une fois que ces histoires seront réglées.

Ton amour, Claudius. »


Une larme perla sur la joue du Maître de Guerre, et vint s’écraser sur le papier à lettre, à côté de sa signature. Il fit sécher la tâche, et décida de fermer la lettre, en y apposant le sceau de sa famille.

Il la donnerait à un homme de confiance dès demain matin.

7 février


Claudius marchait dans les couloirs du Palais Impérial. Il avait un pas lourd, régulier. Celui qu’il prenait quand il était temps de guerroyer. Mais cette guerre était une des premières où le Havremont était incertain de son sort, et des valeurs qu’il défendait.

Sans être particulièrement sûr de lui même constamment, Le Maître de Guerre avait toujours été un grand défenseur d’une certaine pensée stoïcienne. Il considérait pour la plupart des choses que les événements devaient s’affronter avec force, qu’un homme de grande stature ne devait pas trop se laisser porter par les émotions, la douleur ou la peur et toujours faire usage de sa Raison.

Mais force est de constater que face aux derniers événements, Claudius n’avait pas été à la hauteur de tout ceci. Il est vrai qu’il avait souvent agi sous le coup de la colère, et n’était sûrement pas digne des enseignements de son père qu’il avait écouté avec soin pendant sa jeunesse.

Mais la fougue dont pouvait parfois faire preuve le Maître de Guerre faisait aussi partie des raisons de pourquoi les gens plaçaient sa confiance en lui. Cette confiance, et ces “gens”, Le Havremont s’en était retrouvé le porte-étendard bien rapidement. En quelques temps, il était devenu le porteur d’un idéal nouveau qui avait fait son apparition après les émeutes, la mort de Cynoë, et tout le reste.

Aujourd’hui, il se rendait à la chambre d’Aldaron, seul. Il désirait le voir, d’homme à vampire. Le Havremont ne savait pas à quel point il avait changé, mais il était déterminé à peut être lui faire entendre raison, ou au moins le comprendre.

Car là était la principale chose qui blessait dans l’esprit du Maître de Guerre. Il ne comprenait pas comment quelqu’un avec qui il était si proche par le passé, et où même aujourd’hui sa famille s’entendait bien avec lui, pouvait se retrouver à commettre de telles atrocités sur un état qu’il avait pourtant chéri pendant longtemps.

Il toqua à la porte, et entra sans attendre. Il y découvrit une pièce sombre, et une odeur qui lui saisit les narines très rapidement, au point qu’il dut prendre quelques secondes pour lui afin de s’y accommoder.

Une fois qu’il retrouva ses sens, Claudius analysa la pièce, et y découvrit déjà le visage de Nolan Kohan, qui n’était plus vraiment lui-même, dans les bras d’Aldaron. Vampirisé, sans aucun doute, il devait avoir rejoint le clan Elusis.

Sans doute trouverait-il une meilleure existence parmi eux, en tout cas Claudius lui espérait. Car le règne du jeune Kohan n’avait pas été de tout repos.

Le Havremont fit à l’Elusis :

“Un nouveau membre de ta famille hein ? Tu vas finir par adopter tout l’Archipel à ce rythme, tu sais ?”

Claudius ne savait pas si cette petite boutade était la bienvenue, mais le vampire comme l’humain étaient pères de famille, aussi pouvaient-ils peut être encore se retrouver dans ces valeurs là.

“Je ne peux que te comprendre cela étant. Sa précédente vie n’aura pas été de tout repos, c’est le moins que l’on puisse dire.”

Claudius pris une chaise pour s'asseoir non loin de l’Elusis. Il venait en paix, et n’avait pas pour intention de lever la main sur lui, du moins pour le moment.

“Tu sais que je ne suis pas là que par pure courtoisie, Aldaron. Bien que j’avoue qu’en ce moment, nous avons peut être manqué de ce genre de moments-là. Je ne sais pas si tes dons peuvent le sentir, mais tu sais : je suis au courant de beaucoup de choses. Spécialement depuis que ta dragonne et moi nous avons eu une petite discussion … Et aussi parce que pendant cette émeute, et la mort de ce dragon, on m’a offert une vision te concernant, avec Achroma.”

Lui dévoilait-il toutes ses informations ? Certainement. Mais il le faisait sciemment. Le dragonnier le savait peut-être déjà d’ailleurs. Nombre de choses parvenaient à ses oreilles en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire.

“Je ne veux pas te jeter la pierre. Chacun à ses raisons, et je suis moi même un homme qui a été déchiré ces dernières années par tout ce que nous avons traversé. J’aimerai juste que nous parlions ensemble, parce que je sais que nous en avons été capables pendant de nombreuses années avant celle-là, parfois à des heures bien dérraisonnables.”

Claudius soupira, passa les mains sur son visage, avant de terminer ce qu’il avait à le lui dire :

“Pourquoi ?”

Dernière édition par Claudius de Havremont le Mer 19 Aoû 2020 - 20:55, édité 1 fois

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    La plaisanterie l’extirpa du malaise de l’attente. Il fallait avouer qu’Aldaron se complaisait à agrandir sa famille, son clan. Son union avec Ivanyr ne pouvait que rayonner et leur lignée s’étendre par-delà les races et les nations. Mais depuis qu’il avait dû offrir à l’Arbre-Songe son esprit-lié de l’inséparable pour l’apaiser et sauver sa Mère… Les choses n’étaient plus les mêmes. Son amour était là, mais cela avait quelques saveurs… Fades. Etranges ? La famille était encore tout ce qui lui restait. Une part de lui se demandait pourquoi Claudius ne s’indignait pas à voir l’Empereur Kohan vampirisé mais… Au fond, il avait vu, à travers les yeux de Cynoë, le Havremont mettre une bonne droite à son nouveau fils. Il doutait que le sort du blondinet lui importe. Ou peut-être qu’il en avait été avisé ? Le Maître de la Guerre n’était pas le péon lambda du petit village de Sélénia. Il devait avoir ses troupes et ses informateurs.

    L’Ast resta muet, un instant, attentif. Il savait que Nahui avait gaffé en révélant le petit surnom que le vampire donnait à Sélénia. Quant aux restes ? S’il ne désirait infiltrer son esprit comme un malpropre, son empathie de dragonnier lui faisait savoir que Claudius n’était pas en train de bluffer en affirmant connaître tout le pot aux roses. Il aurait préféré mais face à la franchise de cet homme, il aurait été l’insulter que de nier tout en bloc, ou de tourner autour du pot. Était-ce une punition des Esprits ? Etaient-ils mécontents que les Elusis aient sacrifié leur inséparable à l’Arbre-Songe ? Le plan ne se déroulait guère comme prévu. « Pourquoi ? » répéta-t-il, penchant la tête sur le côté. Devait-il tuer Claudius pour que ce qu’il savait ne s’ébruite jamais ? Était-ce trop tard ?  « Pour les raisons que tu commences à voir, grâce à moi. » La rhétorique était de mise dans les mots de l’ancien Bourgmestre.  « Ta voix s’élève, doucement, Claudius, depuis quelques semaines, parce que tu vois la misère et toute l’ingérence dont la Couronne est capable. »

    Cela était presque ironique, car il avait d’avantage entendu parler de Claudius comme un détracteur du Clan Elusis, ces derniers temps. Le message subliminal était-il passé ? « Tu le vois enfin, maintenant. Moi je l’ai vu il y a des années, à Morneflamme, que les Kohans n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Korentin dédaignait mes avis au profit de celui de traîtres ; il offrait les terres de Glacern aux elfes. Ni lui, ni Fabius ne parvinrent à transcender tout le peuple humain derrière eux, tant ils étaient viciés et faillibles, l’un comme l’autre. J’ai protesté, sans heurt, lorsque j’ai défait le Marché Noir de l’autorité de Korentin pour l’allouer à la Caste des dragonniers. Qui m’a entendu ? » Il secoua la tête de gauche à droite, dépité : « M’as-tu entendu ? Et combien ont vu mon acte comme celui d’un infidèle à la patrie que j’avais servi pendant plus de quatre cent cinquante ans ? » Tellement plus. La durée d’allégeance méritait d’être souligné. Car il avait suffi d’un acte pour voir cette loyauté balayée comme si elle n’avait jamais existé.

    « Que dire du jour où j’ai eu le malheur de sortir de l’ombre pour me faire élire Bourgmestre de Caladon, afin de mettre un terme à la guerre qui opposait l’Empire aux rebelles du sud ? J’ai négocié un traité de paix qui n’aurait jamais pu voir le jour et j’ai été nommé ‘traître’ pour cela et pour ma volonté de guider un peuple qui avait accepté d’ouvrir les yeux sur ce qu’étaient devenus les Kohans. » D’un geste tendre, il étendit son fils dans le lit et épongea sa sueur avec une certaine inquiétude. Parviendrait-il à le sauver ? « Savais-tu que Nolan a refusé de m’appeler par mon prénom, comme tu le fais encore, lorsque j’ai commis, de toutes évidences, l’acte impardonnable d’annexer Cordont… Là aussi pour éviter une guerre et refroidir la vindicte de Délimar ? » Il se doutait que cet impair dans la négociation, l’ancien Empereur ne l’avait pas crié sur tous les toits. Il avait été une calamité et si Aldaron n’avait pas eu de sang-froid, même pour cette époque où il était encore un elfe, cela aurait fini en une guerre, encore, sanglante. Plus sanglante encore que la famine qu’Aldaron infligeait à Sélénia.

    « J’ai signé tant de fois pour la paix, en vain. Le peuple de Sélénia ne se réveillait pas. Tu ne te réveillais pas. T’indignes-tu de mes actes, du sang et des cendres que j’ai sur les mains ? Mais moi, j’ai agi. J’ai précipité une chute qui était déjà écrite et tu le sais, Claudius, parce que tu le vois enfin. J’ai précipité ce déclin pour que la sensation de la chute vous fasse avoir un sursaut, vous réveille et pour que vous ne soyez pas trop profondément embourbé pour être encore sauvés. » Il se levait et tirait les rideaux du royal lit à baldaquins, offrant à Nolan le repos de la convalescence. Les habits gris de l’Ast étaient inondés de sang noirci. « Je peux vous sauver, vous reconstruire. Je n’attends plus que vous ouvriez les yeux, tous. Qu’il n’y ait plus un seul hère qui soit dans la pénombre du déni. »  Il alluma un chandelier, pour éclaircir la pièce maintenant que Liv était à l’abri. « J’attends la révolte. » murmurra-t-il, comme un secret perçant le silence de la chambrée alors qu’il tirait une seconde chaise où il pourrait s’asseoir.

    « Mais je crois que tu te trompes d’ennemi, Claudius. » Il haussa les épaules et secoua la tête de gauche à droite : « Ce n’est pas grave, tout le monde à droit à l’erreur. Tout le monde peut se tromper de chemin, espérer et croire que c’est le Marché Noir le problème. Nier l’évidence. » Pourrait-il lui faire comprendre ? « Ce n’est pas grave… Cela prendra juste un peu plus de temps et un peu plus de vies. Mais le règne des Kohans s’achèvera et avec eux, je l’espère, la décadence de tout un peuple que j’ai adoré durant des siècles et que j’aimerais voir se relever. N'est-ce pas ce que tu veux aussi ? »

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« Pour les raisons que tu commences à voir, grâce à moi. Ta voix s’élève, doucement, Claudius, depuis quelques semaines, parce que tu vois la misère et toute l’ingérence dont la Couronne est capable. »

Le Maître de Guerre arqua un sourcil. Il appréciait Aldaron, mais dire qu’il commençait à voir ces choses-là “grâce à lui”, était sans doute un peu fort : Claudius avait certes toujours été un loyal sujet de l’Empire, mais n’hésitait jamais à prendre les décisions qu’il fallait, ni à s’exprimer quand il le sentait nécessaire. Cela s’était particulièrement senti depuis qu’il avait accepté de reprendre des hautes fonctions avec le règne de Victoria. Il était aussi peut-être mal avisé de prétendre que la Couronne était la seule et unique responsable dans cette histoire.

Mais il passa son envie de le reprendre sur ce sujet. En vérité, s’il avait posé la question de “Pourquoi”, c’était surtout pour avoir son point de vue sur les choses, ce qu’il donnait actuellement.

L’écoute était aussi une qualité nécessaire de quand on était un homme de haute stature, et peut être qu’à ce titre, on n’avait pas assez écouté l’elfe devenu vampire à présent.

« Tu le vois enfin, maintenant. Moi je l’ai vu il y a des années, à Morneflamme, que les Kohans n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Korentin dédaignait mes avis au profit de celui de traîtres ; il offrait les terres de Glacern aux elfes. Ni lui, ni Fabius ne parvinrent à transcender tout le peuple humain derrière eux, tant ils étaient viciés et faillibles, l’un comme l’autre. J’ai protesté, sans heurt, lorsque j’ai défait le Marché Noir de l’autorité de Korentin pour l’allouer à la Caste des dragonniers. Qui m’a entendu ? M’as-tu entendu ? Et combien ont vu mon acte comme celui d’un infidèle à la patrie que j’avais servi pendant plus de quatre cent cinquante ans ? »

Claudius pencha la tête. Cette fois-ci, une question s’adressait directement à lui-même, alors il ne pu s’empêcher d’interrompre momentanément le bras droit du Parangon Elusis pour lui répondre :

“Je rejoins ton avis sur la lignée de Korentin. Il ne m’a jamais inspiré confiance, pas plus que sa descendance d’ailleurs. A ce titre, je suis d’ailleurs heureux pour toi si tu as désiré adopté Nolan. Le garçon a fait des erreurs inexcusables, mais je ne pense pas qu’on l’ait aidé, pas plus que montrer le bon exemple. Sûrement que toi, tu seras un meilleur père.”

Claudius se frotta la barbe, et pris ensuite le temps de pondérer son avis :

“En revanche,ça n’ait probablement pas ce que tu veux entendre, Aldaron, mais je pense que l’on a pas laissé suffisamment sa chance à Fabius. Tu sais que j’ai été un de ses plus fidèles soutien pendant cette guerre. Il avait certes ses manières, des convictions bien tranchées, et une attitude qui lui ont coûté la vie … Mais je suis sûr qu’il aurait pu mené le peuple humain vers quelque chose de plus grand, que ce que l’on a actuellement.” Claudius haussa les épaules, l’air songeur. “Mais bien sûr, ça n’ait que l’avis d’un vieux soldat qui rêve de retrouver un temps où son Empire était tout-puissant, craint mais aussi respecté par tous. Un temps qui est sacrément révolu, donc.”

Le Maître de Guerre s’accorda une pause, regardant la fenêtre qui était évidemment couvert de rideaux, pour laisser la pénombre dominé dans cette salle où l’ancien Kohan accomplissait sa transformation. Claudius reprit ensuite :

“Je t’ai évidemment entendu, Aldaron. En témoigne tout ce que ma famille et moi ont pu faire pour toi, et la confiance aveugle que j’ai placé dans le Marché Noir au moment de se battre contre le Tyran Blanc, et même après. J’ai eu la chance de m’en sortir vivant au moment de son invasion, et j’ai fais tout ce qui était en mon pouvoir pour nous sortir de là, pendant, et après.” Le Havremont soupira, et baissa la tête. “Mais je ne suis qu’un homme, malgré tout. Et qui plus est, un soutien du grand méchant Fabius Kohan. Un pion parmi la multitude de “nobles bien pensants” et qui se vantent d’être les yeux et les oreilles de l’Empereur. J’aurai pu remué ciel et terre pour toi, que l’on ne m’aurait pas entendu non plus. Je ne l’ai peut être pas assez fait sur le moment, cela étant.”

Claudius eut un nouveau soupir. Un nouvel acte manqué dans sa vie. Avec le poids des années qui lui tombait sur les épaules, le Maître des Armées n’était plus à cela près. Il commençait cependant à y voir un peu plus clair dans les plans et le mobile de l’Elusis. Ce qui avait abouti à cette situation, devait-être des années de frustration ancrées en lui. Sur une échelle de temps moindre, c’était un peu ce que traversait le Havremont ces derniers temps.

« Que dire du jour où j’ai eu le malheur de sortir de l’ombre pour me faire élire Bourgmestre de Caladon, afin de mettre un terme à la guerre qui opposait l’Empire aux rebelles du sud ? J’ai négocié un traité de paix qui n’aurait jamais pu voir le jour et j’ai été nommé ‘traître’ pour cela et pour ma volonté de guider un peuple qui avait accepté d’ouvrir les yeux sur ce qu’étaient devenus les Kohans.  Savais-tu que Nolan a refusé de m’appeler par mon prénom, comme tu le fais encore, lorsque j’ai commis, de toutes évidences, l’acte impardonnable d’annexer Cordont… Là aussi pour éviter une guerre et refroidir la vindicte de Délimar ? »

Claudius inspira doucement pendant qu’Aldaron tenait son discours. Ces derniers événements étaient déjà plus récents, et il eut été un euphémisme de dire que Claudius n’appréciait pas l’Alliance des Cités Libres, et il avait personnellement coupé tout contact avec Aldaron depuis son élection. Mais il savait que sa famille s’entretenait encore avec lui. Claudius avaient nommé traîtres les personnes de l’Alliance, et ce à de très nombreuses reprises. Aussi choisit-il de se murer dans le mutisme pour cette partie là de l’histoire.

Les peuples faisaient leur choix, et dernièrement avec son implication contre les Vampires, Claudius songeait très sérieusement à se rapprocher du Chasseur du Vide, et donc de Délimar pour l’aider dans ses plans. Nolan allait devenir un fils d’Aldaron après avoir conchié sur son engagement au sein de l’Empire. Comme quoi, rien n’était jamais figé dans le marbre.

« J’ai signé tant de fois pour la paix, en vain. Le peuple de Sélénia ne se réveillait pas. Tu ne te réveillais pas. T’indignes-tu de mes actes, du sang et des cendres que j’ai sur les mains ? Mais moi, j’ai agi. J’ai précipité une chute qui était déjà écrite et tu le sais, Claudius, parce que tu le vois enfin. J’ai précipité ce déclin pour que la sensation de la chute vous fasse avoir un sursaut, vous réveille et pour que vous ne soyez pas trop profondément embourbé pour être encore sauvés. Je peux vous sauver, vous reconstruire. Je n’attends plus que vous ouvriez les yeux, tous. Qu’il n’y ait plus un seul hère qui soit dans la pénombre du déni. »

Le Havremont se pencha en avant, observant Aldaron s’occuper de son enfant alors qu’il donnait ses dernières raisons de ses choix. C’était probablement les plus discutables pour Claudius, mais il devait avouer que c’était une certaine vision des choses. Le Maître de la Guerre avait lui même commis des actes immoraux dans sa vie, et qu’il n’aurait jamais au grand jamais dû faire s’il écoutait les engagements qu’il avait pris auprès des uns et des autres.

Il répondit alors à Aldaron :

“Aldaron. Dire que je ne me réveillais pas, est un peu fort, si je puis me permettre. Peut-être n’était-ce sans doute pas assez pour toi qui a ton avis sur la Couronne, et ce qu’elle représente, mais j’ai aussi essayé à mon échelle de faire changer les choses.” Le Havremont se redressa dans son fauteuil et reprit : “Pourquoi crois-tu que j’ai accepté ce poste de Maître de la Guerre, et donc une place au Conseil ? J’avais l’espoir que le règne de Victoria puisse changer les choses, que l’on accepte d’écouter nos avis, et que le peuple puisse se reconstruire …”

Il soupira une nouvelle fois, laissa passer quelques secondes de silence, se passa les mains sur le visage, et puis il reprit :

“Force est de constater que j’avais tort sur ce point là. Tu dis attendre la révolte, mais tu l’as déjà eu. Et je me suis retrouvé seul pour la gérer. Parce que je suis probablement le seul crétin représentant de l’Empire qui n’ait pas encore tourné le dos à sa Patrie, et qui se soucie encore un peu du sort de son peuple. Tes vampires sont peut être arrivés après pour endormir la foule et je leur en suis reconnaissant, mais celui qui a dû gérer la vindicte populaire comme il le pouvait, et sauver son peuple des crocs d’un dragon devenu complètement fou, c’est moi.”

Claudius eut un nouveau soupir, plus long, et écrasa une nouvelle larme qui perlait le long de sa joue. Cette situation rongeait de l’intérieur le Havremont depuis qu’il l’avait provoqué. Il repris ensuite, d’une voix plus faible :

“J’essaie moi aussi, de récupérer les morceaux d’un Empire qui a éclaté depuis bien longtemps maintenant. Parce que je suis persuadé que nous pouvons envisager notre futur en tant ce que nous avons toujours été, des Humains, qui n’ont pas attendu l’intervention d’autres peuples pour se construire. Tout le monde me pointe du doigt depuis que j’ai achevé les souffrances de ce dragon devenu barge, et épargné probablement des centaines de vies avec lui, tout le monde me dit de lâcher prise avec ce territoire qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il était avant. Mais la vérité, c’est que moi aussi j’agi, en ne spoliant pas totalement la Couronne, c’est vrai, mais j’agi.”

Claudius se mura ensuite dans un silence profond, et lourd, choisissant plutôt d’écouter Aldaron :

« Mais je crois que tu te trompes d’ennemi, Claudius. Ce n’est pas grave, tout le monde à droit à l’erreur. Tout le monde peut se tromper de chemin, espérer et croire que c’est le Marché Noir le problème. Nier l’évidence. Ce n’est pas grave… Cela prendra juste un peu plus de temps et un peu plus de vies. Mais le règne des Kohans s’achèvera et avec eux, je l’espère, la décadence de tout un peuple que j’ai adoré durant des siècles et que j’aimerais voir se relever. N'est-ce pas ce que tu veux aussi ? »

Le Havremont répondit alors :

“Bien évidemment, que c’est ce que je veux, Aldaron. Mais avec tout le respect que je t’accorde, je ne puis aujourd’hui répondre à ta main tendue. Car te répondre par la positive signifierait mettre notre Empire dans les mains d’Achroma. Je n’ai rien à redire sur votre amour, mais je considère cet homme dangereux. Je ne voudrais pas prendre le risque de mettre l’Empire dans les mains d’un nouveau Tyran.”
Les mots étaient forts, Claudius le savait, mais il avait vu ce que Naal lui avait transmis. Il avait vu ce dont le Parangon Elusis était capable. Et dès lors, le Maître de la Guerre avait fait son choix.

“Quant à ton Marché Noir …” Fit le Maître de Guerre en se redressant une nouvelle fois sur son siège. “Bien évidemment qu’il serait stupide de dire qu’il était la source de tous les maux de cette terre, de même que tu es le grand méchant de cette histoire qu’il faut à tout prix abattre, en envoyant balayer toutes ces années que tu as passé à contribuer à la grandeur de cette Nation.”

Claudius prit une pause laissant le silence s’installer, et soupira une nouvelle fois :

“Tu as fais tes choix, agrandit ta famille, suivit les gens que tu aimes, à trouver des peuples à guider. Je respecte ça, et je reconnais ta sagesse et ton engagement. J’ai fais le mien, en choisissant de me battre jusqu’au bout pour mon Empire tel que je le conçois. Or je crains mon ami, que cela risque de nous diviser encore plus.”

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    L’Ast resta un instant silencieux, après avoir écouté, coi, autant que perdu, les propos de Claudius. Ce fut avec une tendresse quasi paternelle qu’il le laissa s’enorgueillir de ne pas avoir eu besoin des actes d’Aldaron pour réaliser combien les Kohans étaient une catastrophe ambulante qu’il fallait rejeter alors même qu’il affirmait, dans le même propos, avoir voulu laisser sa chance à Victoria. Était-ce cela que d’avoir parfaitement compris et tirer un trait sur cette lignée déchue que d’accorder encore le bénéfice du doute et le soutien, en tant que Maître des Armées, à sa dernière représentante ? Non. Mais si Claudius se plaisait à le croire, soit, Aldaron le laissait estimer que râler et pousser des grands soupirs dans la salle du Conseil était une façon de réellement agir.

    Du reste ? Ce qui importait Aldaron, c’était que Claudius était sur un bon chemin. Pas exactement le chemin sur lequel le vampire aurait voulu le mener, mais au moins n’était-il pas comme le reste de la noblesse Sélénienne gangrénée. « Je crains que cela ne nous divise pas plus que nous le sommes déjà, depuis des dizaines d’années. Quel est cet Empire tel que tu le conçois ? » Il haussa les épaules : « Fabius a tué un membre de sa propre famille et en a accusé un autre pour monter au pouvoir. Il a conclu un pacte avec les almaréens pour attaquer Korentin et les a trahis en pactisant avec les vampires pour un retrait de leur troupes… Laissant le peuple humain Almaréen et le peuple humain sous la coupe de Korentin s’entretuer dans une bataille sanglante, qu’il contemplait à distance en compagnie du Prince Noir. Fabius a favorisé les orgies et jeux au sein de la Cour comme distraction à ses heures perdues, ce qui a signé l’avènement de la gangrène qui sévit au sein de la noblesse comme un poison où les petits coups de poignards dans le dos font bonne fortune… Tu regrettes Fabius, ce Fabius, ce si grand homme et trouve qu’Achroma est un tyran ? »

    Son rire, bien que bref, fut nerveux, pour le coup, tant il ne comprenait pas la logique derrière tout ça. Fabius avait ses convictions et ses rêves mais jamais… Ô grand jamais, il n’avait rêvé d’un Empire. Il n’avait pas voulu rassembler le peuple humain autour de lui. Il avait envoyé à l’abattoir d’une guerre monstrueuse ceux qui ne le suivaient pas. Il ferma les yeux, un instant, tâchant de ne pas juger trop promptement. Se trompait-il ? Il se doutait bien que Fabius n’ait pas été le mal incarné, fort heureusement… Mais non, résolument, Claudius et Aldaron n’avaient définitivement pas le même avis sur Fabius et si le vampire ne voyait que dans ce Kohan que ruse et opportunisme, le Maître de la Guerre était doté de sérieuses ouillières pour ne pas voir l’aberrance de ses croyances quand les faits étaient là. Pour autant, il n’en voulait pas à Claudius. Il savait que certains rêves, certaines affections ancrées pour une personne poussaient à justifier des actes, même malhonnêtes, comme bons ou justifiés. Légitimes. Peut-être que Claudius c’était tant et tant accroché à son rêve d’Empire qu’il avait voulu y croire et avait sélectionné dans la réalité que ce qui allait dans le sens de son rêve, pas ce qui venait le contredire.

    Il trouvait qu’on n’avait pas laissé assez sa chance à Fabius et fermé les yeux sur ses actes de barbaries… Aldaron, lui, trouvait qu’on n’avait pas laissé assez sa chance aux vampires, sur les mêmes motifs. « Les vampires sont des êtres maudits. Nous sommes le fruit d’une malédiction héréditaire et nous sommes contraints de nous nourrir de sang pour survivre. Nous chassions les humains comme vous chassez votre gibier et nous avons compris et accepté que notre acte soit amoral. Lorsque nous avons cohabité avec les elfes et les humains, nous avons renoncé à notre bestialité pourvu que votre sang nous soit donné. C’était une sorte de contrat de paix. Mais en arrivant sur Tiamaranta, ton peuple a laissé le miens sur Nyn-Tiamat et l’éloignement vous a fait sentir suffisamment en sûreté pour créer le Commerce Ecarlate. Vous avez fait de notre survie un commerce, Claudius. Nous avions renoncé à vous tuer. Keziah et Faust ont même fait des lois visant à restreindre l’expansion de notre peuple en n’autorisant les morsures transformatrices qu’à des humains consentant et librement éclairés. Nous avons respecté votre morale. Nous avons accepté de ne plus être des bêtes dominées par la Faim. Et vous vous êtes mis à mettre un prix sur le cordon de notre survie bienséante. »

    N’était-ce pas un comportement indigne ? « Nous n’avions jamais rien connu d’autre, jusqu’alors, que les combats. Nous battre était notre façon de posséder les choses et de nous nourrir. Nous n’avions guère de talents pour l’artisanat. Nous ne savions pas comment créer et exploiter une mine. As-tu seulement entendu parler de l’allure de Nevrast et ses bicoques de bois ? Nous étions des créatures sanguinaires et nous avons fait sacrifice sur sacrifices pour entrer dans le rang mais nous n’avons eu ni remerciement, ni aide, ni accompagnement. Malgré nos efforts, nous étions toujours des pestiférés et vous nous avez regardé nous enfoncer dans le gouffre de nos dettes et de notre déclin sans lever le petit doigt. Lorsqu’Achroma est venu signaler l’horreur de cette situation, Victoria n’a décrété aucune loi pour rentre le marché écarlate gratuit. En lieu et place de cela, elle nous a ‘‘généreusement’’ accueilli sur ses terres pour que nous servions de chiens de guerre et de protection du Royaume, tout en laissant Faust continuer de s’asphyxier et avec elle, un peuple qui désirait montrer patte blanche envers et contre tout. Même malgré leur propre déchéance. »

    Il planta son regard dans les mires de Claudius : « Et quand tu infliges cela à tout un peuple, quand bien même lorsque nous alertons sur notre situation, Victoria tire profit du fait que nous soyons dans le besoin pour son propre renforcement… Qui est le Tyran ? » Il secoua la tête de gauche à droite, écœuré : « Qui ? » La bile était amère. « J’ai infligé à ton peuple la même Faim qu’il inflige au mien. Le même manque que vous criez et auquel l’Alliance des Cités Libres se montre sourde. Qui est le Tyran ? » L’Ast pencha la tête sur le côté, ses mires charismatiques dardant l’humain avec lui : « Achroma est en colère contre ceux qui ont infligé cela à son peuple… Ne l’es-tu pas toi aussi ? Tu sais, à Morneflamme, chaque jour, il fallait louer pendant des heures la grandeur du Tyran Blanc pour avoir à manger. Si nous cessions ou si un seul de nous refusait, c’étaient tous les prisonniers qui étaient condamnés au jeun, ce jour-là. » Il marqua un instant une pause pour laisser à Claudius le temps d’entrevoir ce qu’il voulait dire. « J’ai un peu l’impression qu’on a placé les vampires dans une Morneflamme impalpable. J’espère que tu me pardonneras mon sens de la convivialité, je n’ai pas résisté à l’envie d’inviter ton peuple à se joindre à nous. Pour que vous compreniez. Nous sommes plus proches que tu le penses, Claudius. Nous nous indignons pour les mêmes choses. Mais là où tu places mon peuple comme ennemi, Achroma et moi ne plaçons qu’une maigre partie de ton peuple comme ennemi : Victoria et sa noblesse gangrenée. C’est tout. Nous voulons que les choses changent… Et si les humains n’ont pas conscience de cela… S’ils nous considèrent comme des ennemis, alors nous devons sceller les lois qui permettront le respect entre nos peuples, plutôt qu’une guerre redondante dont la signature d’une paix ne fait que poser les bases pour la prochaine rixte. »

    Il haussa les épaules : « Il est temps d’en finir et si tu ne veux pas d’Achroma comme dirigeant… Dis-moi seulement vers quelle personne nous aurions pu nous tourner pour parvenir à un accord avant la guerre inévitable ? Personne ne se lève. Personne ne s’est levé. Pas même toi. Crois-tu que je n’entende pas tes discours racistes contre mon peuple. Tu refermes la boucle d’un cercle vicieux. Ce qui s’est passé il y a quelques jours n’est pas une révolte. Dans une révolte, les têtes des dirigeants tombent. Sont-elles tombées ? Ton peuple n’est pas encore purifié de son fléau. Sommes-nous définitivement ennemis, Claudius ? A la lumière de ce que je viens de te dire, crois-tu vraiment que cracher sur les vampires soit une solution d’avenir pour ton peuple ? »

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Claudius se raidit, au fur et à mesure qu’il écoutait le discours d’Aldaron. Les allégations sur Fabius le firent particulièrement grincer des dents. Il était de notoriété publique qu’il n’était pas le saint des saints, mais pour autant son règne aussi court soit-il, ne pouvait pas se résumer à cela :

« Fabius a peut-être fait ces choses-là Aldaron, mais ose me dire droit dans les yeux que tu n’as pas profité de ces joies d’être noble, et n’a pas été au moins une fois, une victime de ce système ? » Le Havremont eut un regard sévère envers le vampire. « Tu l’as peut-être oublié avec ta vampirisation, mais tu étais toujours le premier aux banquets, à faire parler de toi. L’Elfe le plus beau et le plus riche de la Cour, celui qui avait le regard de braise, et qui séduisait toutes les hommes et femmes, c’était toi. » Claudius inspira à nouveau : « Et tu sais toi-même que ta famille et la mienne se sont rendus bons nombres de services mutuels, entrainant de ce fait un engrenage où les nobles alimentaient leur richesse entre eux. » Le Maître de Guerre termina sa réflexion alors : « Mais en étant un Noble, tu étais bien plus qu’un simple dignitaire vicié qui ne savait plus quoi faire de son argent, et qui s’adonnait à des petites intrigues de Cour. Tu étais un exemple, un modèle à atteindre. Quelqu’un sur qui l’on peut compter. Un ami, et un mentor. »

Claudius écrasa une larme furtivement. Les nerfs du Maître de Guerre commençait à être sérieusement rongé ces derniers jours. Il eut un très long soupir, essayant de reprendre son calme. Il n’était pas sûr qu’Aldaron l’ait déjà vu comme ça. Lui qui d’habitude était toujours dynamique, plein d’entrain, et fonceur, n’était aujourd’hui ni plus ni moins qu’un homme brisé.

« Là est l’Empire tel que je le conçois. Un territoire où les plus hautes têtes sont intouchables, car craintes, respectées, et reconnues par tous et toutes. Un endroit où un Prince Humain peut se targuer avec fierté d’être un parangon du peuple, d’être un rempart face à tous les dangers de ce monde. »

Une vision pleine d’utopie certainement, mais Claudius en avait pleinement conscience. L’Empire n’avait jamais eu besoin d’aucune race pour survivre, avait résisté face à tous les dangers et toutes les invasions, même les plus dures. Alors ça n’était certainement pas face à un vampire égocentrique en la personne d’Achroma Elusis qu’il allait ployer le genou.

« Tu comptes sur moi pour m’apitoyer sur le sort de tes vampires, Aldaron ? Eh bien laisse-moi te dire une chose : tu n’auras pas une once de ma pitié. Je peux comprendre que le sort qui vous ait infligé paraisse insoutenable, mais vous payez le prix de siècles de moqueries, coup bas, et attaques inlassables sur les humains. De la même façon que tu te plains de la Noblesse idiote et gangrénée, je râle à propos de ceux de ton peuple que ma famille a toujours combattu. Ceux qui n’ont jamais eu qu’en tête la vengeance, le goût du sang, la conquête, et la soumission des autres races à la leur. Parce qu’Achroma n’a jamais eu en tête que cela, quoi qu’il dise d’autres. Je le sais. »

Les mots étaient durs, mais l’Elusis n’y avait pas été avec le dos de la cuillère non plus. Claudius eut un nouveau profond soupir, se frotta la barbe, passablement énervé, avant de reprendre.

« Tu peux prendre Victoria si tu le désires, pour qu’elle rejoigne son frère que tu as déjà adopté. Tu peux même tuer froidement cette noblesse dont tu as fais partie que tu trouves désormais viciée et gangrenée. Je ne t’en voudrais pas. Mais laisse-moi te dire une chose, Aldaron. Même si je dois être le seul pauvre abruti à défendre mon carré de terrain ridicule qu’est devenu l’Empire, y laisser la vie de tous mes soldats et la mienne, Achroma Elusis mourra de mes mains, après un combat qui humiliera la pathétique personne qu’il est. Je le pourchasserai jusqu’à Nevrast s’il le faut, mais Ton Prince Noir mourra face à un Gardien de cet Empire qu’il a toujours détesté. Cet Empire qu’il a toujours vu comme une terre à prendre pour étendre son règne, et pour lequel il n’a jamais eu une espèce d’affection, malgré toutes les sornettes qu’il a pu lancer à Victoria, et à la Cour. »

Le Havremont n’avait jamais caché ses intentions de voir les Elusis partir de Selenia, mais il n’avait encore jamais été aussi agressif que cela directement face à un membre du Clan. Mais après tout ce qu’il venait de subir – et au regard de tout ce qu’il allait certainement encore se passer –, Claudius était à bout de nerfs.

Tâchant de retrouver son calme, Le Maître de Guerre inspira à nouveau, avant de revenir sur un ton de conversation qui lui semblait plus approprié, plus calme :

« Ce que je veux te dire Aldaron, c’est que pour ce qui est des prochains jours, nous allons régler nos comptes, une bonne fois pour toute, parce qu’aussi éloquent et charismatique sois-tu, tu ne peux pas effacer l’Histoire, et cacher longtemps le vrai caractère des gens. Eh oui, une guerre se produira, encore. Car de toute évidence, en l’état actuel des choses, ni toi ni moi n’allons faire machine arrière sur ce qui a été provoqué. »

Claudius fit une pause. Il empruntait un ton résolument fataliste, mais il s’était fait à cette idée, depuis qu’il avait vu les conversations que Naal lui avait transmis. Il reprit ensuite :

« Mais après ? Je serais au rendez-vous, et toi aussi je l’espère. Car c’est à ce moment qu’il faudra agir. Tu l’as dis toi-même, je ne suis pas réellement ton ennemi. J’entends tes arguments, et je les comprends. Mais aujourd’hui, trop de choses nous séparent encore. Tu es encore une nouvelle personne pour ce peuple qui est désormais le tien, et j’entends bien mener cet Empire vers la gloire qu’il mérite de regagner, avec des engagements nouveaux. »

La vérité était que malgré tout ce qu’il avait pu ressentir au sujet de sa personne, Claudius aimait encore Aldaron. C’était peut-être stupide, mais il ne voulait pas être comme ceux lui ayant ostensiblement tourner le dos sans jamais remettre les discours des uns et des autres en question.

« Tout ce que je te demande, c’est de survivre à Achroma. Bien qu’ils soient morts, si les Huit sont en notre faveur pour la guerre qui se prépare et que tout se passe ainsi, alors je travaillerai avec toi pour un accord qui permettra à nos deux peuples de coexister plutôt que cohabiter, de façon durable. C’est une promesse que je te fais. Et tu sais que je suis un homme de parole. »

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    Son argument était-il, pour justifier les actes de Fabius, qu’Aldaron n’avait pas fait mieux ? Qu’il avait participé à cela ? Autant dire que le peuple était coupable de toutes les inepties qui avaient pu sortir de la bouche de Nolan Kohan ou de son père, à ce train là. L’elfe qu’il fut avait connu les bas fonds d’une vie de mendiant : contrairement aux nobles, tout ce qu’il avait pris, il l’avait fait avec humilité et en veillant à rendre à d’autres, quelques soient le rang social de ces personnes. Il n’avait pas regardé les gens d’en bas et les domestiques avec ce profond mépris qu’avaient ces gens nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Il trouvait presque offensant que Claudius dépeigne de lui un portrait si erroné pour le comparer à ce qu’avait commis Fabius. Que les Esprits lui en soient témoin, il n’avait jamais violer qui que ce soit, lui. Il y avait une très nette différence entre vivre pleinement sa vie, avec ses avantages et le faire au détriment conscient, pervers et vicieux, d’autrui. C’était à se demander de quel mentor et ami le Havremont était en train de parler.

    Bien sûr, il comprenait l’idée qu’il y avait derrière ses propos, mais l’Ast songeait qu’il y avait, dans cette comparaison, deux poids, deux mesures à faire entre Aldaron et Fabius, tout de même, et ce à plus forte raison que les actes de l’elfe étaient les actes d’un noble et non d’un empereur, figure d’autorité et d’exemplarité. Outre cela, il ne devenait pas plus normal et légitime de tuer un homme au motif que d’autres le faisaient aussi. Ce qu’avait pu faire Aldaron ne légitimait en rien les atrocités lubriques qu’avait commis Fabius ! Il arqua un sourcil, perplexe. « En effet, j’étais cet elfe insouciant et j’ai renoncé à mes titres et privilèges lorsque j’ai réalisé la décadence de la noblesse. » N’avait-il pas quitté Fabius, puis Korentin ? N’était-il pas devenu Bourgmestre d’une Cité Libre ? « Fabius la voyait, lui aussi, cette déchéance. Et plutôt que de la refuser et de lutter, il a utilisé ce venin dans sa forme la plus perverse. Ne me compare pas à lui, je te prie. Je n’ai jamais abusé de ces privilèges pour violer mon entourage ou engrosser la femme de mon frère. » Bon, certes, il n’avait pas de frère. Mais l’idée était là. Fabius avait franchi des limites qu’Aldaron, dans toute la puérilité de sa jeunesse, n’avait jamais ne serait-ce qu’imaginé franchir.

    « Ne parle pas de moi comme un ami et un mentor si c’est pour m’insulter. » Il secoua la tête de gauche à droite, et s’il avait eu besoin de respirer, il aurait sûrement eu à soupirer lourdement pour chasser ce sujet sur lequel ils ne seraient, probablement, jamais d’accord. Sauf qu’Aldaron avait regardé Ilhan dans les yeux et avait vu combien Fabius avait abusé de lui. Claudius avait du fermer les yeux sur beaucoup trop de choses. Il se montrait borné et particulièrement virulent. La violence de ses mots contrastait avec l’amitié que les deux hommes avaient pu avoir par le passé. Il y avait du vrai, dans ce qu’il disait , ainsi qu’une immense flopée d’inepties et d’orgueil mal placé. Et dire qu’il dénonçait les vampires pour leur violence, avec une très grande dose d’ignorance déviante et butée. Sa promesse, il a trouvait odieuse. Elle était nécessaire, mais elle n’en était pas moins affreuse tant, visiblement, Claudius se sentait le besoin d’écraser ses ennemis pour accepter d’enfin négocier. Quel était ce comportement ? Était-ce cela un parangon de l’Empire ? Aldaron reprit d’une voix des plus atones, sans colère ni crainte, sans vindicte ni mépris. Il n’avait pas besoin de perdre le contrôle de lui-même pour faire passer un message limpide, contrairement à l’homme qu’il avait face à lui : « Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à te souhaiter bonne chance pour les négociations que tu mèneras avec mon cadavre, Claudius. Car pour ta gouverne, je suis un spirite de l’Inséparable. Tu scelleras mon destin en même temps que celui d’Achroma, et de nos deux dragons porteurs de magie et d’énergie vitale en ce monde. Mais cela, pas plus que de mon existence ou des hauts faits dont Achroma est l’auteur et que tu n’atteindras jamais ne serait-ce qu’un dixième, ne t’importent. »

    En témoignait ce qu’il avait fait à Cynoë. Cet homme était un inconscient qui se croyait capable de régner mais il ne faisait que porter en son sein des convictions arriérés et fallacieuses. « La seule chose que tu as en tête n’est autre qu’une jubilation malsaine sur le cadavre d’un homme dans lequel tu incarnes tous les maux de ce monde. Sans lui, sans son sacrifice, à lui et la dragonne Silarae, nous ne serions plus de ce monde. Le sais-tu, seulement ? » Car oui, Achroma avait sacrifié sciemment sa propre vie pour libérer Skade de l’emprise de Vraorg et permettre ainsi à tous les Protégés de vivre. Il avait été aussi un gardien, de ces Aînés, qui avaient veillé sur le sommeil quasi millénaire des vampires, jusqu’à Saeros, le Prince Noir auquel Fabius s’était allié. Il avait tenu la menace des vampires pendant des siècles hors des humains. Si bel et si bien qu’Aldaron se demandait sérieusement ce que Claudius reprochait exactement à son époux pour lui en vouloir à ce point. Il avait l’impression que l’humain l’avait désigné comme bouc émissaire sans fondement aucun excepté des plans qu’il avait eu pour l’avenir du Royaume Sélénien.

    « Tu te laisses porter par ta colère, ton ignorance et le désir malsain d’écraser tes ennemis. Si Achroma te ressemblait ne serait-ce qu’un peu, cela ferait longtemps que Sélénia n’appartiendrait plus aux hommes. » En lieu et place de cela, il avait essayé de se rapprocher de Victoria, sans heurts, sans combat. « Tu es en train de bâtir toi-même le caveau de ton Empire en humiliant tes propres idéaux. Si tu montes sur le trône, d’une façon ou d’une autre, je te souhaite de dévier du chemin tragique que tu es en train de prendre. » Il plongea ses mires verdoyantes dans celle du Havremont : « Je te le souhaite sincèrement. » Car il n’y avait aucun mensonge là dedans. Il n’alla pas plus loin, au demeurant et détourna son regard pour aller s’occuper de son enfant. Il en avait fini avec lui et avait entendu bien assez de violence pour le peu qu’il avait lui-même prononcé. Il avait dénoncé Fabius et s’était pris en retour une attaque personnelle de son fan-boy, doublé d’une menace de mort humiliante envers son époux et par conséquent lui-même. Oui, vraiment, c’était bien assez pour aujourd’hui. Et puis, de toutes façons, tout ceci serait bientôt derrière eux, lorsqu'Achroma deviendrait Empereur.

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